Drame/Biopic/Un superbe duo d'acteurs pour une belle histoire touchante et drôle aussi
Réalisé par Peter Farrelly
Avec Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini, Sebastian Maniscalco, Dimiter D. Marinov, P.J. Byrne, Don Stark...
Long-métrage Américain
Titre original : Green Book
Durée: 02h10mn
Année de production: 2018
Distributeur: Metropolitan FilmExport
Date de sortie sur les écrans américains : 16 novembre 2018
Date de sortie sur nos écrans : 23 janvier 2019
Résumé : En 1962, alors que règne la ségrégation, Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, est engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste noir de renommée mondiale, lors d’une tournée de concerts. Durant leur périple de Manhattan jusqu’au Sud profond, ils s’appuient sur le Green Book pour dénicher les établissements accueillant les personnes de couleur, où l’on ne refusera pas de servir Shirley et où il ne sera ni humilié ni maltraité.
Dans un pays où le mouvement des droits civiques commence à se faire entendre, les deux hommes vont être confrontés au pire de l’âme humaine, dont ils se guérissent grâce à leur générosité et leur humour. Ensemble, ils vont devoir dépasser leurs préjugés, oublier ce qu’ils considéraient comme des différences insurmontables, pour découvrir leur humanité commune. Cette histoire vraie qui s’annonçait comme un voyage de deux mois entrepris par obligation, va donner naissance à l’amitié de toute une vie…
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait - "Poulet Frit" (VOSTFR)
Extrait - "Critique gastronomique" (VOSTFR)
Que signifie GREEN BOOK ? (VOSTFR)
Dans les coulisses (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD aborde un sujet dramatique, mais son réalisateur, Peter Farelly, en fait un film qui raconte une histoire d'amitié pleine d'humanité. Il ne tombe jamais dans le larmoyant tout en mettant en exergue les moments clé qui forment sont sujet de fond - le racisme aux Etats-Unis dans les années 60 - et en parsemant sa narration d'humour en accord avec un ton cohérent et dans le respect de ses personnages. Sa mise en scène est fluide, claire et constante. Il sait accélérer le temps quand il le faut pour nous emmener d'un événement à l'autre tout en faisant évoluer la relation de ses deux protagonistes en nous permettant de les découvrir en même temps qu'ils apprennent à se connaître. La période est décrite avec justesse tant au niveau des décors, que des costumes ou encore des mentalités.
Dès le début, le réalisateur met en place des scènes qui nous expliquent le caractère de Tony Lip interprété par Viggo Mortensen et qui sont des repères narratifs tout au long du film. Il utilise aussi ces éléments pour activer une dynamique de fonctionnement entre les deux hommes. Cependant, tout ce travail fort réussi aurait été vain sans les impeccables performances d'acteurs de Viggo Mortensen et de Mahershala Ali qui interprète Don Shirley. Les deux interprètes nous offrent des portraits crédibles, sensibles et qui fonctionnent à merveille l'un avec l'autre.
GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD est un film très agréable à suivre par la fluidité de sa réalisation et ses touches d'humour inattendues, touchant par les sujets graves qu'ils évoquent et attachant grâce à son impeccable duo d'acteurs. C'est un beau film qu'il ne faut pas hésiter à aller découvrir.
Dès le début, le réalisateur met en place des scènes qui nous expliquent le caractère de Tony Lip interprété par Viggo Mortensen et qui sont des repères narratifs tout au long du film. Il utilise aussi ces éléments pour activer une dynamique de fonctionnement entre les deux hommes. Cependant, tout ce travail fort réussi aurait été vain sans les impeccables performances d'acteurs de Viggo Mortensen et de Mahershala Ali qui interprète Don Shirley. Les deux interprètes nous offrent des portraits crédibles, sensibles et qui fonctionnent à merveille l'un avec l'autre.
Copyright photos @ Metropolitan FilmExport
GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD est un film très agréable à suivre par la fluidité de sa réalisation et ses touches d'humour inattendues, touchant par les sujets graves qu'ils évoquent et attachant grâce à son impeccable duo d'acteurs. C'est un beau film qu'il ne faut pas hésiter à aller découvrir.
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
UNE HISTOIRE DE FAMILLE
Toute son enfance, Nick Vallelonga, le fils aîné de Tony Lip, a entendu son père parler de son périple avec Don Shirley dans le Sud des États-Unis. Devenu aujourd’hui acteur, scénariste, producteur et réalisateur – on lui doit le scénario de DEAD FALL : LES PROS DE L’ARNAQUE, et la production et la réalisation du film policier d’action STILETTO, du western indépendant primé YELLOW ROCK et du téléfilm « Unorganized Crime » – Nick Vallelonga commente : « Cette histoire m’a accompagné tout au long de ma vie. »
Tony Lip a grandi dans le Bronx et a travaillé pendant douze ans au Copacabana, une boîte de nuit fréquentée par les gros bonnets de la mafia et des célébrités telles que Frank Sinatra, Tony Bennett et Bobby Darin. Il avait arrêté l’école après la cinquième, mais cela ne l’empêchait pas d’être un homme volubile et charismatique – c’est d’ailleurs sa capacité à convaincre n’importe qui de n’importe quoi ou presque, qui lui a valu le surnom de « Lip ».
Nick Vallelonga confie : « Je pourrais faire 50 films sur mon père tant c’était un personnage hors du commun, truculent et fantasque, à l’image de ceux de Damon Runyon. Lorsqu’il entrait dans une pièce, tout le monde le remarquait. »
La personnalité du père a eu une grande influence sur le fils, tout comme son amitié avec le Dr Shirley et l’histoire de leur rencontre. Le cinéaste poursuit : « Je rêvais de devenir réalisateur pour raconter des histoires, et celle-ci m’a toujours fasciné. Elle tient bien sûr une grande place dans la légende familiale, mais j’ai aussi toujours reconnu son importance, car c’est l’histoire d’une amitié improbable et transformatrice à tous points de vue entre deux personnes radicalement différentes. C’est le genre d’histoire dont nous avons plus que jamais besoin. »
Son périple avec Don Shirley, en 1962, a ouvert les yeux de Tony sur la difficile condition des Afro-Américains dans le Sud des États-Unis, ainsi que sur les innombrables humiliations infligées aux Noirs par des lois racistes et une caste blanche privilégiée, et sur les dangers qu’ils couraient. Les lois Jim Crow limitaient les lieux où les Noirs pouvaient manger, dormir, s’asseoir, faire leurs courses et se promener, et déterminaient quelles fontaines et quelles toilettes ils pouvaient utiliser. Elles restreignaient donc presque tous les aspects de la vie quotidienne. Certaines municipalités du Sud avaient même établi un couvre-feu interdisant aux Noirs de se déplacer après le coucher de soleil. En cas d’infraction, se faire arrêter était loin d’être le pire qui puisse vous arriver…
Nick Vallelonga déclare : « Ce que mon père a vécu avec Don Shirley au cours de cette tournée a complètement changé le regard qu’il portait sur le monde, parce qu’il a été témoin d’injustices dont il ignorait l’existence et qu’il n’avait vues nulle part ailleurs. Et je pense que c’était la même chose pour le Dr Shirley. »
Le musicien a en effet mené une vie bien différente de celle de la majorité des autres Afro-Américains, tant sur le plan géographique que culturel. Il avait étudié la musique classique outre-Atlantique et s’était jusqu’alors principalement produit dans le nord-est des États-Unis. Lorsque Tony l’a rencontré, il vivait dans un somptueux appartement situé au-dessus de Carnegie Hall. Nick Vallelonga poursuit : « Cette tournée n’a duré que deux mois, mais elle a profondément transformé mon père et changé son rapport à autrui, un enseignement qu’il nous a d’ailleurs transmis. »
Le cinéaste a toujours su qu’il ferait un jour un film sur ce chapitre majeur de la vie de son père. C’est pourquoi, au crépuscule de la vie de Tony et du Dr Shirley, il a demandé à son père de revenir sur cette histoire tandis qu’il l’enregistrait et le filmait.
Nick Vallelonga a également sollicité Don Shirley, qu’il connaissait en tant qu’ami de la famille, et l’a interviewé pendant des heures. Il raconte : « J’ai rencontré le Dr Shirley pour la première fois quand j’avais 5 ans. C’était un homme élégant et très instruit qui s’exprimait bien. Il s’intéressait à la vie de famille de mon père et tenait à connaître sa femme et ses enfants. Il était très gentil avec mon frère et moi et nous apportait toujours des cadeaux. Je me souviens qu’il m’a offert des patins à glace quand j’étais petit. C’était quelqu’un d’unique. »
Si GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD rend hommage à la personnalité et à l’héritage de son père, Nick Vallelonga est particulièrement fier que le film mette en avant le talent musical du Dr Donald Walbridge Shirley, pianiste virtuose, compositeur, arrangeur et interprète de génie.
Don Shirley était un homme très discret. Les seules informations dont on dispose à son sujet se limitent aux livrets de ses albums, qu’il écrivait lui-même, et aux anecdotes qu’il confiait à ses proches, y compris les Vallelonga. Les détails de son parcours sont parfois contradictoires, mais il aurait intégré le Conservatoire Rimski-Korsakov de Saint-Pétersbourg à l’âge de 9 ans et donné son premier concert avec l’orchestre Boston Pops à 18 ans avant d’obtenir plusieurs doctorats et d’apprendre à parler plusieurs langues. En 1955, date de la sortie de son premier album pour Cadence Records, « Tonal Expressions », le magazine Esquire l’a qualifié de « pianiste probablement le plus doué actuellement, au point de rendre toute comparaison impensable ». Le légendaire pianiste et compositeur Igor Stravinsky, contemporain de Don Shirley, a quant à lui déclaré à son sujet : « Sa virtuosité est digne des dieux. »
Nick Vallelonga déclare : « Le Dr Shirley était un génie, un homme hors du commun. Son talent était incommensurable, c’est pourquoi je suis si heureux que le film fasse connaître son nom, son oeuvre et son talent au grand public. »
Au Copacabana, Tony a appris à aimer la musique et les musiciens, si bien que lorsqu’il a entendu Don Shirley jouer pour la première fois, il a tout de suite pris la mesure de son talent. Le cinéaste raconte : « Mon père parlait tout le temps de lui et nous faisait écouter ses disques. Cette musique m’a fait découvrir un tout nouveau monde. J’écoutais les Beatles, des chanteurs italiens comme Jimmy Rosselli, et le Dr Don Shirley. C’était un fantastique mélange culturel pour moi. »
En 2013, après plus de cinquante ans d’amitié, Tony Vallelonga et Don Shirley se sont éteints, à trois mois d’intervalle presque jour pour jour. Tony Vallelonga est décédé le 4 janvier 2013 à l’âge de 82 ans, et Don Shirley le 6 avril 2013 à 86 ans. Après une période de deuil, Nick Vallelonga s’est remis au travail, convaincu que le temps était venu de raconter leur histoire.
LE SCÉNARIO
Peter Farrelly a écrit, produit et réalisé, avec son frère Bobby, près d’une douzaine de blockbusters tels que MARY À TOUT PRIX, L’AMOUR EXTRA LARGE, LES FEMMES DE SES RÊVES et le classique DUMB & DUMBER. Ensemble, ils ont renouvelé le genre de la comédie à travers des films singuliers, irrévérencieux, audacieux et hilarants qui ont révélé les talents comiques cachés de grands acteurs dramatiques tels que Jeff Daniels, Matt Damon et Gwyneth Paltrow.
Tandis que Nick Vallelonga et Brian Currie exploraient plusieurs idées pour le scénario, Peter Farrelly – qui développait alors pour DirectTV la série comique « Loudermilk » avec Bobby Mort (scénariste de l’émission satirique « The Colbert Report ») – a rencontré par hasard Brian Currie. Le cinéaste raconte : « J’ai demandé à Brian sur quoi il travaillait et il m’a raconté l’histoire du père de son ami, le videur le plus coriace de New York devenu chauffeur du pianiste noir Don Shirley lors de sa tournée dans le sud des États-Unis en 1962. J’ai trouvé cette idée brillante, je lui ai souhaité bonne chance et nous en sommes restés là. »
Au cours des semaines qui ont suivi, Peter Farrelly n’a cependant pas réussi à s’ôter cette histoire de la tête. Il confie : « Je n’arrêtais pas d’y penser : dans mon lit, au volant de ma voiture… J’ai finalement appelé Brian pour lui demander où en était le projet. Comme Nick et lui n’avaient pas commencé à écrire le scénario, je lui ai proposé de l’écrire avec eux tant l’histoire me plaisait. »
Si ce film dramatique historique sur fond de conflit racial peut paraître à mille lieues de l’univers habituel de Peter Farrelly, il ne l’est en réalité pas tant que cela. Le réalisateur explique : « GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD est en effet très différent de mes précédents films, mais son histoire me ramène à ce que j’ai toujours voulu faire. Depuis des années, quand on me demande si je vais un jour réaliser un film dramatique, ma réponse est toujours la même : oui, mais quand la bonne histoire se présentera, et cela ne dépend pas de moi. C’est un peu comme demander à quelqu’un quand il va tomber amoureux, c’est le genre de choses sur lesquelles on n’a aucune prise, ça arrive quand ça arrive ! »
Peu après que Peter Farrelly a rejoint le projet, Nick Vallelonga, Brian Currie et lui se sont retrouvés autour d’un dîner. Brian Currie se souvient : « Peter était très enthousiaste, il nous a dit qu’on allait le faire, ce film, qu’il nous en faisait la promesse. ‘J’ai un don pour savoir quels films verront le jour, a-t-il ajouté, et c’est le cas de celui-ci.’ Comme il travaillait à l’époque sur « Loudermilk », Nick et moi nous sommes attelés à l’écriture d’une première version du scénario. »
Les deux hommes ne manquaient pas de matière sur laquelle s’appuyer, entre les conversations que Nick avait enregistrées avec son père, les notes de ses interviews avec Don Shirley, et les innombrables souvenirs de la tournée précieusement conservés par Tony : photographies, brochures, cartes postales, et même la carte routière sur laquelle était tracé leur périple.
Après ce voyage initial de deux mois, Tony et le Dr Shirley se sont rapidement retrouvés pour une tournée d’environ un an ; après quoi le musicien a demandé à son chauffeur et garde du corps de l’accompagner lors de sa tournée européenne, mais ce dernier a refusé car il ne voulait pas être séparé plus longtemps de sa famille. Pour mieux appréhender la difficulté de cette séparation, Nick Vallelonga et Brian Currie se sont procuré les lettres échangées par Tony et sa femme, Dolores, tout au long de ses déplacements. Celles-ci expriment le manque, les sentiments et ce que chacun d’eux traversait.
Nick Vallelonga se souvient : « Nous avions rassemblé tellement d’informations et découvert tellement d’histoires incroyables – certaines si extraordinaires que personne ne les croirait ! – que nous avons passé près d’un mois à tracer les grandes lignes de l’histoire avant de passer à l’écriture. »
Une fois cette première version achevée, les deux hommes l’ont soumise à Peter Farrelly. Nick Vallelonga poursuit : « Peter nous a été d’une aide précieuse. Ensemble, nous avons entièrement retravaillé le script sur ses conseils avisés. »
Une fois la trame narrative du scénario établie à partir des faits réels, le talent de Peter Farrelly pour raconter des histoires et créer des personnages, associé à la précision de son écriture, ont véritablement donné vie au projet. Brian Currie commente : « Peter sait ce qui fonctionne ou pas, il sait distinguer l’important de l’accessoire. Il aime plus que tout raconter des histoires ; dès qu’il prend la parole, l’auditoire est captivé parce qu’il maîtrise à la perfection les ingrédients qui font une bonne histoire. »
UN AUTRE PETER FARRELLY
Une fois le scénario achevé, Peter Farrelly l’a fait parvenir à Charles Wessler, son partenaire de production depuis près de trente ans, sans lui dire de quoi il s’agissait. Ce dernier se souvient : « Il m’a seulement demandé de le lire et de lui dire ce que j’en pensais. Dès les premières pages, j’ai compris qu’il s’agissait d’un projet très différent de ce que nous avions pu faire jusqu’à présent. Mais très vite, j’ai été convaincu que ce film était taillé sur mesure pour lui. J’ai adoré l’histoire et je lui ai dit que je voulais produire le film. »
La plupart des gens ignorent que Peter Farrelly, surtout connu pour ses comédies, est titulaire d’un master en arts de l’université Columbia et qu’il est l’auteur de deux romans. Charles Wessler commente : « Au fil des années, Peter a partagé avec moi des centaines de fantastiques histoires qui lui ont été inspirées par son enfance, ses études ou son installation à Los Angeles après l’obtention de son diplôme. Il possède un don hors du commun pour relever les moindres subtilités du comportement humain et il a toujours su associer humour, tragédie et humanité. Ce qui fait de lui un si bon réalisateur, c’est sa sincérité. C’est un observateur attentif de la vie et des gens, et cela se sent dans ses scénarios et ses films. C’est en outre quelqu’un d’hilarant avec qui il est très agréable de travailler, ce qui ne gâche rien ! »
Pour l’acteur primé Viggo Mortensen, qui interprète Tony Vallelonga, la force de GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD repose non seulement sur le fait que le film raconte une histoire vraie, mais également sur l’immense talent de scénariste et de réalisateur de Peter Farrelly, son exceptionnelle sensibilité et son sens du réalisme. Il déclare : « Il était important que les personnages et les décors soient authentiques, et c’est le cas grâce à Peter. L’aspect historique et dramatique de l’histoire est très bien rendu. Il y a aussi des moments assez drôles, mais pas comme dans ses précédents films. L’humour de GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD naît des situations et du contraste entre les personnages. L’attention qu’il a portée aux détails et à l’authenticité rend l’univers du film très crédible. »
Pour l’acteur oscarisé Mahershala Ali, qui interprète le Dr Don Shirley, l’authenticité du film repose sur l’équilibre que le cinéaste a su trouver entre drame et humour. Il explique : « GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD est un film réaliste parce qu’il mélange les genres. Peter Farrelly, Brian Currie et Nick Vallelonga ont façonné un scénario qui vous fait passer du rire aux larmes. »
ENTRE RIRE ET LARMES
GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD a beau être un film dramatique, il n’est pas pour autant dépourvu d’humour, un humour intrinsèque à l’histoire et ancré dans les personnages. Peter Farrelly note : « Je me suis empressé de dire à tout le monde que j’écrivais mon premier film dramatique… mais à y regarder de plus près, Don et Tony forment un duo assez curieux, quasi comique. On a d’un côté un artiste raffiné et élégant et de l’autre, un videur brut de décoffrage, et il y a quelque chose de presque absurde à les réunir dans une voiture. C’est un peu DRÔLE DE COUPLE façon road trip… Tony ne comprend pas toujours ce dont parle le Dr Shirley, tout les oppose, et c’est précisément ce qui nourrit l’humour du film. »
Tony et le Dr Shirley ne pourraient en effet pas être plus opposés, et ce à tous les niveaux. Il leur faut donc du temps pour réaliser qu’ils ont également des points communs. Viggo Mortensen raconte : « Don ne ressemble en rien aux Afro-Américains aux côtés desquels Tony a grandi à New York. Il n’a d’ailleurs jamais rencontré quelqu’un comme lui et le trouve initialement très susceptible et difficile, voire snob. Tony n’est peut-être pas aussi brillant que lui, mais il possède un instinct sûr et il est débrouillard, et il sent bien que Don le trouve à bien des égards indigne de lui. De son côté, si le musicien pense que Tony est un garde du corps et un chauffeur compétent, il le trouve également très agaçant. Quand ils se retrouvent tous les deux dans la voiture, Tony n’arrête pas de parler, de fumer, de manger et de lui poser des questions personnelles alors que Don est habitué à des chauffeurs discrets et polis qui ne s’expriment que lorsqu’on leur adresse la parole. Leurs différences sont donc évidentes dès les premiers kilomètres de leur périple. »
Au début, leur relation est presque antagoniste mais au fil du temps, de leurs désaccords et de leurs conversations, ils finissent par s’apprivoiser. Tout cela dans l’habitacle d’une voiture. C’est d’ailleurs précisément cet aspect du film qui a séduit Peter Farrelly. Il explique : « Les personnages de mes films entreprennent souvent des road trips, c’est notamment le cas dans DUMB & DUMBER, KINGPIN ou MARY À TOUT PRIX. J’ai moi-même traversé les États-Unis à 22 reprises, dont 16 en solitaire. Rien ne me plaît davantage que de me mettre au volant d’une voiture et rouler, ça m’aide à réfléchir et ça m’éclaircit les idées. Je suis naturellement attiré par ces histoires, c’est plus fort que moi. »
Pour Viggo Mortensen, les road trips sont un moyen de contraindre les personnages à passer du temps ensemble, ce qui entraîne souvent découvertes et révélations. Il commente : « De manière générale, les road trips sont un moyen de réunir des personnages qui n’ont en apparence rien en commun, et il en ressort toujours quelque chose d’intéressant. Plus on passe de temps avec quelqu’un, plus ce qui nous rassemble ou ce qui nous oppose devient évident, et plus on en apprend sur l’autre et sur soi-même. C’est inévitable. Dans le film, les personnages sillonnent le sud des États-Unis à bord d’une Cadillac Coupé Deville et ne se quittent jamais, car pour remplir sa mission de garde du corps, Tony se doit d’être aux côtés de Don à chaque instant. Si GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD évoque évidemment les épreuves que les deux hommes doivent affronter ensemble – comme le racisme institutionnalisé, entre autres –, ce qui m’a surtout plu, ce sont les obstacles plus complexes que chacun d’entre eux doit surmonter en lui-même et la manière dont ils y parviennent. »
Pour Mahershala Ali, c’est la promiscuité imposée aux personnages dans cette voiture qui leur permet de combler peu à peu le fossé qui les sépare. Il déclare : « Ils ne changent pas fondamentalement, mais ils apprennent à s’accepter tels qu’ils sont, et au fil du temps ils se transforment en véritables alliés. Ils finissent par réaliser qu’ils sont embarqués dans cette aventure ensemble, en amis et en coéquipiers, et je dois dire que c’est vraiment très beau à voir. »
EN NOIR ET BLANC
Pour la production et les acteurs, les sujets évoqués dans GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD – des préjugés raciaux à la sexualité en passant par les stéréotypes – sont aujourd’hui encore d’actualité.
Viggo Mortensen déclare : « C’est une histoire d’amitié entre deux hommes, l’un noir et l’autre blanc, dans l’Amérique d’avant le Civil Rights Act, donc dans un contexte de tensions socio-économiques et raciales palpables. Et à bien des égards, nous sommes aujourd’hui encore confrontés aux mêmes problèmes que ceux qui sont décrits dans le film. GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD dresse un parallèle entre l’Amérique de 1962 et celle d’aujourd’hui par le biais d’images et de concepts miroirs, et je pense que les spectateurs trouveront cela aussi révélateur que divertissant. »
GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD obligera en effet les spectateurs à affronter leurs propres idées préconçues et leurs préjugés inconscients. Charles Wessler déclare : « Dans le film, le comportement de certains hommes envers leurs semblables va vous hérisser le poil. Mais les liens que nouent Tony et Don en dépit de leurs différences représentent une lueur d’espoir. »
Viggo Mortensen est convaincu qu’un film qui se déroule à une époque révolue peut nous aider à poser un regard plus éclairé sur la nôtre. Il explique : « S’extraire du temps présent permet de laisser derrière soi le bruit de fond constant de nos préoccupations et de nos préjugés, toutes ces choses qui nous empêchent d’entendre vraiment ce que l’autre a à dire. Quand, à travers un film d’époque – s’il est aussi bien construit et mis en scène que GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD – on observe la manière dont les gens se comportaient dans le passé, on en apprend souvent davantage sur le présent qu’avec un film se déroulant dans un cadre contemporain. »
Dimiter D. Marinov, qui incarne Oleg, le violoncelliste du trio du Dr Shirley, déclare : « L’histoire est racontée avec une extraordinaire élégance. La manière dont elle traite de l’expérience humaine, des relations humaines et de l’existence humaine en fait à mes yeux un véritable chef-d’oeuvre. Tout le monde devrait voir GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD, en particulier les jeunes, pour se rendre compte que pour changer le monde, il faut commencer par changer soi-même. C’est un film sur la bienveillance qui montre que si l’on est ouvert au changement, on peut changer soi-même et faire ainsi évoluer les autres autour de nous, car l’histoire se répète jusqu’à ce que nous en tirions enfin les leçons. »
Et ces leçons s’appliquent dans le sens le plus large, bien au-delà de la question de la couleur de peau. Peter Farrelly commente : « Il se trouve que Don Shirley était homosexuel à une époque où c’était particulièrement difficile, et je pense que cela trouvera écho chez les spectateurs du monde entier. Cette histoire se déroule en 1962, mais les problèmes qu’elle soulève sont les mêmes que ceux auxquels nous sommes encore confrontés aujourd’hui. »
Pour Mahershala Ali, c’est la manière dont ces deux personnages, que tout oppose et qui ne semblent rien avoir en commun, parviennent à trouver un terrain d’entente qui confère toute sa force et toute sa pertinence à GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD. Il commente : « Je pense que c’est un film qui trouvera un écho chez les spectateurs du monde entier parce qu’il raconte l’histoire de deux hommes qui, en dépit de leurs différences, se découvrent des points communs et s’enrichissent mutuellement. Tony et Don apprennent à s’accepter tels qu’ils sont, et bien qu’ils appartiennent à deux mondes totalement opposés, ils finissent par devenir des alliés. »
LES ACTEURS ET LES PERSONNAGES
Viggo Mortensen est Tony Vallelonga
Les cinéastes savaient que le choix des interprètes des deux personnages principaux du film serait essentiel pour donner envie au public d’entreprendre avec eux cet authentique et émouvant voyage.
Charles Wessler raconte : « Je me souviens d’une discussion avec Brian Currie et Nick Vallelonga au cours de laquelle les noms d’acteurs, pour la plupart italiens, fusaient. Soudain, Peter a mentionné Viggo Mortensen, qu’il trouvait parfait pour le rôle. C’était un des premiers noms qui sortait de sa bouche. Ce choix nous a tous surpris étant donné les origines danoises de l’acteur. »
Peter Farrelly avait cependant songé à Viggo Mortensen pour le rôle dès l’écriture du scénario. Il raconte : « Le premier nom qui m’était venu à l’esprit pour incarner Tony était celui de Viggo, mais lorsque je l’ai mentionné au reste de l’équipe, on m’a expliqué qu’il y avait très peu de chances pour que ça se fasse car il se fait rare au cinéma. »
L’acteur se montre effet très sélectif dans le choix des personnages qu’il incarne, au point de refuser des premiers rôles dans de grosses productions en faveur de rôles plus modestes dans des films indépendants à petit budget. Peter Farrelly ne s’est pourtant pas laissé décourager. Il confie : « Je lui ai tout de même envoyé le script, en me disant que nous n’avions rien à perdre. »
Nick Vallelonga était pour sa part intrigué. Il commente : « Les personnages italiens de films tels que LES AFFRANCHIS ou de séries comme « Les Soprano », sont généralement interprétés par des acteurs italiens. Mais d’un autre côté, le personnage italien par excellence est celui incarné par Marlon Brando dans LE PARRAIN, et Brando était irlandais... Mais grâce à son talent d’acteur, tout le monde l’a pris pour un Italien. Il jouait mieux l’Italien que les Italiens eux-mêmes ! Eh bien dans GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD, Viggo est notre Marlon Brando. »
Deux jours après avoir reçu le scénario, Viggo Mortensen a appelé Peter Farrelly. L’acteur raconte : « Je lui ai dit que j’aimais beaucoup le personnage et que l’histoire de ces deux hommes m’avait profondément touché, mais que je n’étais pas certain d’être le mieux placé pour l’interpréter. Je n’avais encore jamais incarné un rôle comme celui de Tony. Peter a cependant insisté et je lui ai promis de relire le scénario. »
Viggo Mortensen a donc relu le script à plusieurs reprises, et comme Peter Farrelly et Brian Currie avant lui, il a été envoûté par l’histoire. Il a donc rappelé le réalisateur. Il raconte : « Nous avons eu de longues conversations à propos du film. Je pense que ma réticence initiale vis-à-vis du rôle était liée à la peur de ne pas rendre justice à l’individu et au personnage, mais même lorsque j’accepte de jouer un rôle sans aucune hésitation, il subsiste toujours une certaine peur sur le plan créatif. Mais après toutes ces années de carrière, je sais que cette peur est de bon augure, qu’elle est le signe qu’il s’agit d’un défi qu’il serait peut-être bon que je relève. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de prendre part à GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD. »
Cela n’a cependant pas totalement dissipé tous les doutes de l’acteur, qui poursuit : « Au début du tournage, certains détails continuaient à m’inquiéter. Mais au bout de quelque temps, lorsque j’ai commencé à intégrer ce que j’avais appris sur Tony Lip et sa vie et que je me suis familiarisé avec la manière de travailler de Mahershala et Peter, je me suis senti de plus en plus à l’aise. »
Plusieurs mois avant le début du tournage, Viggo Mortensen avait quitté l’Espagne, où il habite, pour se rendre à New York, et de là à Franklin Lakes, dans le New Jersey, pour rencontrer les Vallelonga : Nick, son frère Frank, et leur oncle, Rudy, au Tony Lip’s, le restaurant dirigé par Frank.
L’acteur raconte : « Ils ont été très généreux avec moi dès notre rencontre. Je pensais passer une heure ou deux en leur compagnie, au lieu de quoi nous nous sommes attablés autour d’un délicieux repas italien et avons discuté à bâtons rompus pendant des heures. J’ai alors réalisé quelque chose de très surprenant et de très utile à propos de Tony : il ressemblait énormément à mon propre père. Bien que les familles Vallelonga et Mortensen soient très différentes, et ce pour plein de raisons, notamment ethniques, nous nous comprenons et partageons un même sens de l’humour et une même dynamique familiale. Mon père était danois, mais j’ai retrouvé son point de vue en matière d’ethnicité et de politique, son appartenance à la classe ouvrière, son entêtement et son charisme dans ce que Nick, Frank et Rudy m’ont raconté de Tony. Le genre de blagues que racontait Tony, son comportement, ses contradictions, tout en lui me rappelait mon père, ce que je n’ai pas manqué de partager avec les Vallelonga. Nous avons beaucoup ri en vantant les mérites respectifs de nos pères… Bref, nous nous sommes identifiés les uns aux autres, et c’est ce qui m’a convaincu que j’avais pris la bonne décision en acceptant le rôle. »
L’acteur confie avoir avant tout été conquis par la gentillesse et la simplicité de Tony. Il explique : « C’est le genre d’homme à qui il vaut mieux ne pas chercher noise, mais sous cette apparence bourrue, voire brutale, se cache en réalité un homme de parole et on ne peut plus respectable. Véritable gentleman, il a fait ce qu’il avait à faire pour gagner un peu d’argent, que ce soit en tant que videur de boîte de nuit, conducteur de camion-poubelle ou en jouant au craps et aux cartes.
C’est un personnage doté d’un charisme et d’une force de caractère hors du commun. »
Après cette longue conversation, le fait que la famille Vallelonga lui ait donné sa bénédiction, convaincue qu’il avait compris qui était foncièrement Tony, a apaisé les craintes de l’acteur. Il raconte : « En reprenant la direction de Manhattan après les avoir quittés, j’ai eu l’impression que le personnage était à ma portée et que j’avais trouvé des alliés. Ce soir-là, j’ai eu le sentiment qu’une graine avait été plantée et qu’elle donnerait peut-être quelque chose. Ça a été une rencontre importante et je suis infiniment reconnaissant à la famille Vallelonga de m’avoir offert son aide. »
Nick Vallelonga se souvient avoir petit à petit vu Viggo Mortensen se métamorphoser en Tony, au fil du repas et de la conversation. Il se souvient : « Viggo nous a soigneusement étudiés et à la fin de la soirée, il fumait comme mon père et parlait comme nous. Il a tout de suite saisi l’essence du personnage. »
L’acteur, qui est connu pour travailler intensément la préparation de ses rôles, s’est pleinement immergé dans le personnage. Il a attentivement écouté et visionné les enregistrements de Tony réalisés par Nick, il s’est rendu dans le Bronx où il vivait, et a passé des heures à évoquer le bon vieux temps avec les anciens du quartier. Il a même regardé l’intégrale de la série « Les Soprano » qu’il n’avait encore jamais vue. En amont du tournage, il s’est en outre à nouveau rendu dans le New Jersey pour passer deux semaines avec les Vallelonga afin de parfaire son interprétation, étudier leur façon de parler et en apprendre encore davantage sur la famille et sur son personnage.
Charles Wessler déclare : « Viggo a entrepris ce voyage sans nous en parler. Il rencontrait des difficultés avec l’accent de Tony et a travaillé d’arrache-pied pour le maîtriser. Un jour, nous avons reçu un coup de fil de Nick pour nous raconter ce que faisait Viggo. ‘Il parle comme nous maintenant !’ nous a-t-il confié. Les acteurs de sa trempe sont rares. »
Brian Currie ajoute : « Viggo est un type formidable et un grand professionnel qui ne s’arrête jamais de travailler. Au déjeuner, il ne parlait que de son personnage et de la manière dont il pourrait encore mieux l’interpréter. Et quand il sortait le soir, c’était dans ses costumes des années 1960. Il était tout entier à ce qu’il faisait. Il a étudié chaque réplique pour s’assurer que chaque mot était à sa place et qu’on ne pouvait pas l’améliorer davantage – il ne manquait jamais de faire des suggestions s’il pensait que c’était le cas. Et lorsqu’on effectuait un changement, il l’intégrait immédiatement. C’était un privilège d’observer son esprit à l’oeuvre. »
Jim Burke déclare : « Viggo s’est fondu dans son personnage, je n’avais encore jamais vu un acteur aller si loin dans la préparation d’un rôle. Il a fait preuve d’un engagement exceptionnel. »
Nick Vallelonga a pris beaucoup de plaisir à regarder Viggo Mortensen incarner son père. Il confie : « C’était par moment presque irréel tant il me rappelait mon père. Ses tics et la manière dont il allumait et fumait sa cigarette étaient exactement les mêmes, il s’est parfaitement approprié sa gestuelle, au point que quand je le regardais, c’était mon père que je voyais. C’était à la fois très étrange et très émouvant. »
Après que Viggo Mortensen a rejoint l’équipe de GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD, les cinéastes se sont mis en quête d’un acteur qui partage son degré d’engagement, à la fois capable de donner vie au complexe et brillant Dr Shirley et de faire le poids face à son partenaire. Très vite, un nom s’est imposé : celui de Mahershala Ali.
Mahershala Ali est le Dr Don Shirley
Mahershala Ali, fraîchement sacré meilleur acteur dans un second rôle aux Oscars pour sa performance dans MOONLIGHT, venait alors de rejoindre la distribution de « True Detective » sur HBO après avoir tenu des rôles dans la série « Luke Cage » et le film LES FIGURES DE L’OMBRE. Peter Farrelly commente : « Il était très occupé mais nous tenions absolument à ce que ce soit lui qui incarne le personnage. Nous avons donc tenté notre chance et l’avons contacté. Et par miracle, ça a pu se faire. »
L’acteur aimait en effet l’idée d’interpréter un personnage aussi énigmatique que Don Shirley. Il déclare : « Ce qui m’a particulièrement intrigué chez lui, c’est sa grande complexité. C’est un personnage d’une richesse incroyable, aussi ténébreux que talentueux, et j’étais impatient à l’idée d’explorer toutes les facettes de sa personnalité. C’est le genre de défi que j’ai plaisir à relever. »
Malgré son immense talent musical, sa connaissance du monde et ses innombrables accomplissements, Don Shirley était un homme seul qui ne s’est jamais senti chez lui nulle part. L’acteur explique : « Je pense qu’il n’a jamais vraiment trouvé sa place, et cela transparaît dans le film. C’était un homme très instruit et cultivé qui a étudié et vécu en Russie et à Londres, mais sa couleur de peau a fait qu’il n’a jamais été accepté par le milieu de la musique classique. Et comme il avait suivi une formation classique, il se refusait à jouer la musique dite « noire » si populaire à l’époque. »
Une scène en particulier souligne le sentiment d’isolement que ressent le personnage. Brian Currie raconte : « Une panne oblige Tony et le Dr Shirley à s’arrêter sur le bas-côté quelque part dans le Sud. Tandis que Tony s’affaire sous le capot de la voiture, Don observe par la fenêtre les ouvriers agricoles noirs qui travaillent dans le champ de l’autre côté de la route, une scène immuable dans la région depuis plusieurs centaines d’années. Les ouvriers observent en retour cet élégant Afro-Américain qui se fait conduire par un chauffeur blanc et les regarde travailler dans la chaleur et l’humidité. C’est la première fois qu’ils voient une chose pareille. Le fait qu’aucun mot ne soit échangé durant cette scène la rend d’autant plus éloquente. »
Le charisme et le talent d’acteur de Mahershala Ali participent à rendre ce personnage aussi réservé que génial plus accessible et compréhensible, comme l’explique Charles Wessler : « Don Shirley pourrait à tort passer pour quelqu’un de frustré, de solitaire et d’arrogant, mais la gentillesse et la dignité naturelles de Mahershala lui permettent d’interpréter le personnage au plus près de ce qu’il était probablement, c’est-à-dire avec beaucoup d’élégance, d’amour et de bienveillance. »
L’acteur Mike Hatton, qui incarne George, le contrebassiste du Don Shirley Trio, confie avoir été impressionné par l’interprétation de son partenaire. « Dans la vie, Mahershala ne ressemble en rien au vrai Don Shirley. Leur manière de parler et de se tenir, leur apparence, leur gestuelle : tout les différencie. Mahershala a travaillé d’arrache-pied pour arriver à se glisser dans la peau du personnage, j’en suis témoin. C’est un acteur hors pair et un garçon d’une gentillesse incroyable, très séduisant et charmant. C’est un des types les plus formidables qu’il m’ait été donné de rencontrer. »
Dimiter D. Marinov, qui joue l’autre membre du trio, ajoute : « Mahershala a été le premier acteur à me serrer la main lorsque je suis arrivé sur le tournage. Il a beau avoir remporté un Oscar, il n’y a pas le moindre sentiment de supériorité chez lui. Il s’intéresse vraiment à ceux qui l’entourent. C’est quelqu’un de très simple et de très agréable qui est toujours de bonne humeur, un grand professionnel. »
Comme celui de Viggo Mortensen, l’engagement dont Mahershala Ali a fait preuve envers son personnage a beaucoup impressionné les cinéastes, ainsi que ses partenaires. Pour préparer les nombreuses scènes dans lesquelles Don Shirley joue du piano ou se produit en concert, l’acteur a travaillé avec le compositeur de la musique du film, Kris Bowers, l’un des jeunes pianistes les plus respectés et les plus talentueux de l’industrie. Il déclare : « Je voulais comprendre ce que l’on ressent assis au clavier et tenter d’égaler la dextérité du personnage, même si j’étais conscient que ce ne serait jamais le cas. Je tenais à m’imprégner de la musique, à me familiariser avec le piano et à apprivoiser cet univers. »
Pour faire connaissance avec l’acteur, Kris Bowers a réservé une session d’une heure dans un showroom Steinway. Session qui a en réalité duré trois heures... Le compositeur déclare : « Mahershala est absolument épatant. Il a fait preuve d’une remarquable concentration lors de nos sessions de travail. »
L’absence d’images d’archives sur Don Shirley a cependant rendu la préparation de l’acteur difficile. Il a néanmoins réussi à glaner quelques informations sur le personnage auprès de Nick Vallelonga et de Brian Currie, ainsi que dans un documentaire consacré au Carnegie Hall, car le Dr Shirley était compositeur en résidence aux Carnegie Artist Studios. Il a même vécu dans un loft situé au-dessus de la célèbre salle de concert, en compagnie d’une soixantaine d’autres artistes.
Mahershala Ali déclare : « J’ai utilisé ce documentaire pour saisir au mieux l’essence de l’homme qu’il était. Cela m’a aidé de pouvoir le voir, l’entendre parler et observer la manière dont il bougeait et se tenait. J’ai beaucoup appris sur lui à travers ces quelques images. Mais le meilleur moyen d’apprendre à le connaître, c’est encore d’écouter sa musique. Elle nous renseigne sur son sens de l’excellence, son perfectionnisme et sur les compromis que l’époque l’a contraint à faire. »
Don Shirley a donné son premier concert en professionnel à l’âge de 18 ans en interprétant Tchaïkovski avec l’orchestre Boston Pops. Mais il a été dissuadé de poursuivre une carrière dans le domaine de la musique classique par des dirigeants de l’industrie du disque qui lui ont conseillé de se concentrer sur la musique populaire – ils pensaient en effet que les spectateurs blancs n’accepteraient jamais qu’un homme noir joue de la musique classique. Mahershala Ali commente : « Il a intégré des inspirations classiques à ce qui était alors considéré comme la « musique noire », ce qui est remarquable, mais je pense que c’est également quelque chose qui lui a causé beaucoup de peine. »
C’est ce « compromis » dans le style musical du compositeur qui a été le plus révélateur pour l’acteur, la clé qui lui a permis de percer le secret de cet homme discret et réservé. Il explique : « Le Dr Shirley aurait pu accomplir de grandes choses, mais en raison de l’époque à laquelle il vivait, il a été obligé de mener une vie faite de compromis. Le fait que les portes de la musique classique lui soient restées fermées malgré sa formation, parce qu’il était noir, l’a selon moi empêché d’atteindre son plein potentiel. Les limites que l’on se fixe, ou qu’on nous fixe, ont toujours fait partie de notre culture, et c’est encore le cas aujourd’hui. »
Le Don Shirley Trio
Bien que l’histoire se concentre sur le Dr Shirley et Tony, deux autres hommes les accompagnent sur les routes du sud des États-Unis : George, le contrebassiste, et Oleg, le violoncelliste, qui, avec Don Shirley au piano, forment le Don Shirley Trio. Peter Farrelly déclare : « Ces deux musiciens jouent un rôle important dans l’histoire. Ils suivent Don et Tony dans une deuxième voiture. Pour les interpréter, il fallait des musiciens capables de jouer la comédie, ou bien des acteurs musiciens. »
Le réalisateur a d’abord tenté de trouver son bonheur auprès de musiciens étant aussi acteurs, mais il n’était pas certain de pouvoir obtenir d’eux les performances dont il avait besoin. Il s’est donc tourné vers des acteurs capables de jouer d’un instrument, car il serait selon lui « plus facile de faire semblant de jouer de la musique que de jouer la comédie ».
Son choix s’est finalement porté sur des acteurs chevronnés, musiciens à leurs heures. Il commente : « Pour le rôle de George, nous avons choisi Mike Hatton, qui est un acteur exceptionnel et un très bon contrebassiste. Et pour interpréter Oleg, nous avons fait appel à Dimiter D. Marinov, qui a été formé en Russie. Violoniste de formation, il a très vite appris à jouer du violoncelle. Tous les deux sont incroyables sur scène, ce sont non seulement de brillants musiciens mais également de fantastiques acteurs, et je dois dire qu’ils nous ont beaucoup impressionnés. »
Adolescent, Mike Hatton jouait de la basse dans un groupe avec son frère jumeau. Ami de Brian Currie et Nick Vallelonga, il a contacté ce dernier à l’approche du tournage pour lui demander s’il n’y aurait pas un rôle pour lui dans le film. Le scénariste et producteur s’est alors souvenu de ses talents de bassiste. L’acteur raconte : « Il m’a donné rendez-vous dès le lendemain dans un magasin de musique de Ventura Boulevard à Los Angeles en me demandant de me raser de près et de me mettre sur mon trente-et-un. »
Le lendemain, Nick Vallelonga a pris une photo en noir et blanc de Mike Hatton tenant une contrebasse qu’il a envoyée à Peter Farrelly. Le cinéaste a immédiatement demandé à rencontrer l’acteur le plus rapidement possible pour l’auditionner.
Bien que la basse électrique et la contrebasse acoustique soit deux instruments très différents, sa rencontre avec Mike Hatton et l’interprétation d’une scène par celui-ci a convaincu Peter Farrelly qu’il avait trouvé l’interprète de George. Le réalisateur explique : « Mike correspondait exactement à ce que nous recherchions. Il était non seulement très doué mais également très drôle, car c’est un ancien comédien de stand-up formé au sein de la troupe Second City. Outre ses talents d’acteur et de musicien, il apporte donc une note comique au film. »
Pour le rôle d’Oleg, le violoncelliste du trio, la chance a frappé à la porte de Peter Farrelly sous la forme de l’acteur d’origine bulgare et violoniste classique Dimiter D. Marinov, qui s’est présenté à l’audition. « Rappelez-vous bien ce nom, insiste Peter Farrelly. Dimiter est tout simplement excellent. Il n’avait jamais touché à un violoncelle de sa vie mais il jouait du violon depuis quinze ou vingt ans. Les autres acteurs que nous avons rencontrés n’étaient pas mauvais, mais aucun ne faisait le poids face à lui. Je n’en revenais pas de n’avoir jamais entendu parler de lui et de ne l’avoir jamais vu nulle part malgré sa longue carrière. »
Dimiter D. Marinov était violoniste et non violoncelliste, mais il n’a pas eu à démontrer ses talents de musicien avant la deuxième audition. Il confie : « Le problème, c’est que le violoncelle est très différent du violon, tous les musiciens le savent. » Avec seulement cinq jours pour se préparer, il a donc loué un violoncelle, engagé un professeur et travaillé jour et nuit.
Il raconte : « Le jour de l’audition, Peter m’a simplement demandé de tenir le violoncelle comme le ferait un professionnel. Il n’en est donc pas revenu quand je lui ai dit que j’allais interpréter le hit de Don Shirley, ‘Water Boy’. »
Un fois qu’il a eu le rôle, la production a pris en charge la location d’un violoncelle et a payé ses leçons, et en l’espace d’un mois, Dimiter D. Marinov maîtrisait les six morceaux interprétés dans le film.
Une affaire de famille
Pour interpréter les membres de la famille Vallelonga dans les scènes qui se déroulent dans l’appartement de Tony et Dolores, Peter Farrelly a choisi de faire appel… aux Vallelonga (et à la famille de Dolores, les Venere), même si la plupart d’entre eux n’avaient pas ou peu d’expérience devant la caméra.
Linda Cardellini déclare : « La dynamique de ces scènes est très intéressante. La première que nous avons tournée est celle dans laquelle nous disons au revoir à Tony. Les vrais Nick et Frank étaient présents sur le plateau, tout comme les petits acteurs qui les interprétaient enfants. Leurs oncles étaient également là dans le rôle de leurs grands-pères. »
Nick Vallelonga, qui incarne un parrain de la mafia baptisé Augie, a par ailleurs présenté à Peter Farrelly de vieilles connaissances et amis de son père, à qui le réalisateur a ensuite confié des rôles dans les scènes qui se déroulent au Copacabana afin d’ajouter une touche d’authenticité du film.
Une décision saluée par Viggo Mortensen. « Peter a pris des risques en faisant appel aux Vallelonga et à leurs proches – pour la plupart sans aucune expérience d’acteur – pour interpréter la famille à l’écran. Les deux fils de Tony, qui eux sont acteurs, apparaissent dans le film, tout comme son frère, qui ne l’est pas mais qui incarne son père. Le frère de Dolores interprète quant à lui son père dans le film. La distribution rassemble donc des acteurs chevronnés et des gens qui n’ont jamais fait de cinéma, et cela confère un souffle d’authenticité au film. Et personnellement, cela m’a beaucoup aidé. Cela rend le personnage de Tony et son univers encore plus crédibles. »
La présence de la famille Vallelonga sur le tournage et le fait de pouvoir porter des accessoires ayant appartenu à Dolores a également beaucoup apporté à Linda Cardellini, qui déclare : « Dans le film, je porte le bracelet et la bague de Dolores et je suis entourée par les membres de sa famille. Ce que j’ai le plus aimé en préparant le rôle, ça a été de pouvoir discuter avec ses proches : son frère, son beau-frère, ses enfants… Ça a été un vrai plaisir de les retrouver plus tard sur le tournage. Je suis d’origine italienne, et à bien des égards, leur famille ressemble à la mienne, je m’y suis donc tout de suite sentie très à l’aise. »
Nick Vallelonga a pris beaucoup de plaisir à voir le scénario prendre vie sous ses yeux, mais la volonté de Peter Farrelly de faire appel aux vrais Vallelonga a donné à ses yeux une tout autre dimension au film. Il explique : « GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD est une sorte d’album de famille pour moi car il rassemble mon père, ma mère, mes oncles, tantes, cousins et mon frère à l’écran. Le frère de mon père, Rudy, y incarne son père – mon grand-père paternel, Nicola Vallelonga. Et le frère de ma mère, Lou Venere, y joue le rôle de son père – mon grand-père maternel, Anthony Venere. C’est donc bien plus qu’un simple film pour moi, c’est un concentré de souvenirs et un magnifique hommage à ma famille. »
LE TOURNAGE
Duo de stars
Viggo Mortensen et Mahershala Ali se connaissaient avant même qu’il soit question de GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD. En janvier 2017, les deux hommes avaient en effet été nommés aux Oscars – le premier pour CAPTAIN FANTASTIC, le second pour MOONLIGHT – et ils s’étaient croisés à plusieurs occasions au cours de cette saison de remise de prix.
Viggo Mortensen raconte : « Mahershala et moi nous sommes immédiatement bien entendus. Nous avons échangé un regard lors d’un cocktail et il n’en fallait pas plus pour que le courant passe entre nous. Dans ce genre d’évènement où toute la presse est présente, il est rare de parler plus de quelques minutes avec la même personne, mais nous avons discuté pendant au moins une demi-heure. Au bout d’un moment, nous nous sommes dit que ce serait bien de travailler ensemble un jour, ce qui nous a fait rire car nous avons prononcé cette phrase au même moment ! Après ça, nous nous sommes recroisés à plusieurs reprises sans jamais avoir l’occasion de discuter. J’ai donc été ravi d’apprendre qu’il allait interpréter le Dr Shirley, c’était l’occasion dont nous rêvions tous les deux. »
Mahershala Ali se souvenait également de leur première rencontre, comme l’ont illustré les premiers échanges par email entre les deux acteurs après qu’il a rejoint la distribution du film. Viggo Mortensen raconte : « Mahershala m’a immédiatement dit : ‘Notre souhait a enfin été exaucé !’. La raison pour laquelle j’ai pris tant de plaisir à travailler avec lui, au-delà du fait que je l’apprécie et que nous nous entendons très bien, c’est que c’est un homme et un acteur élégant, cultivé et doté d’un instinct incroyable. Il tenait à ce qu’on collabore, à ce qu’on travaille vraiment ensemble, ce qui est également ma manière de fonctionner. Il arrive que l’on soit amené à travailler avec des acteurs très compétitifs, ce qui nuit à la qualité du travail fourni. Mais ça n’est pas du tout le cas de Mahershala. »
Mahershala Ali confie avoir lui aussi été très impressionné par son partenaire. « Je n’aurai jamais suffisamment de temps pour vous vanter tous les mérites du brillant Viggo Mortensen ! Je vous mets au défi de trouver un acteur qui porte une telle attention aux détails et à son personnage, cela tient d’ailleurs presque de l’obsession. Ça n’est pas du tout une critique, cela veut simplement dire qu’il s’investit totalement dans ce qu’il fait. Je pense qu’il y prend plaisir. Il se passionne pour chacun des personnages qu’il interprète et je sais qu’il a beaucoup aimé incarner Tony Lip. Il s’est complètement immergé dans le personnage. »
Les deux acteurs ont activement collaboré non seulement pendant la préproduction mais également dans la plupart de leurs scènes communes. Mahershala Ali déclare : « Viggo a toujours plein d’idées à soumettre, ce qui rend le travail très intéressant. J’ai énormément appris de sa manière d’aborder son personnage et de se glisser dans sa peau. J’ai toujours fait partie de ces acteurs qui demandent à faire une prise supplémentaire, mais à ce jeu-là, j’ai trouvé plus fort que moi ! Viggo est un perfectionniste, travailler avec lui est très exigeant mais c’est avant tout un plaisir. J’ai trouvé en lui un allié de poids. »
Les cinéastes connaissaient le respect que se portaient les deux hommes, mais ils ont été impressionnés par leur degré de collaboration et par l’authenticité de leur relation. Peter Farrelly déclare : « L’alchimie entre Viggo et Mahershala est phénoménale. Je m’y attendais à l’écran puisque ce sont deux acteurs exceptionnels, mais elle était également palpable hors caméra. Viggo porte une attention incroyable aux détails et réfléchit tout le temps, tandis que Mahershala possède la sérénité d’un maître zen que rien ne semble affecter : il entre en scène, fait ce qu’il a à faire, puis il se retire. »
La force de leur association a sauté aux yeux de toute l’équipe, comme l’explique Charles Wessler : « C’était merveilleux de les observer ensemble sur le tournage parce qu’on les voyait s’aider mutuellement. Ils se faisaient même parfois des suggestions. Ce genre de collaboration et d’ouverture d’esprit est tout à fait exceptionnel. Pendant le tournage d’une scène, il n’était pas rare que l’un d’eux suggère à l’autre d’essayer telle ou telle chose, et que ça fonctionne. Ils forment un duo parfait. »
LA MUSIQUE
Le son Shirley
Pour recréer la musique unique du Dr Shirley, les cinéastes tenaient à faire appel au meilleur superviseur musical, au meilleur compositeur et au meilleur pianiste qu’ils puissent trouver.
Peter Farrelly déclare : « Nous avons eu la chance de pouvoir travailler avec des poids lourds de l’industrie tels que Tom Wolfe et Manish Raval sur ce film. Tom est l’un des superviseurs musicaux les plus sollicités de ces vingt dernières années, il a pris part à tout ce qui s’est fait de mieux en matière de séries et de films sur le plan musical. Nous avons également fait appel à Kris Bowers, dont le nom n’arrêtait pas de revenir lors de nos recherches sur les meilleurs jeunes pianistes américains. »
Charles Wessler se souvient que leur première rencontre avec Kris Bowers n’a pas duré longtemps, parce qu’ils connaissaient déjà sa musique et aimaient son travail. Il raconte : « Nous nous sommes rencontrés dans le bureau de Peter et lui avons demandé s’il pensait pouvoir jouer la musique de Don Shirley et si le scénario lui plaisait. Quand il nous a assuré que c’était le cas, nous lui avons demandé de composer la musique du film, une musique différente de celle du Dr Shirley, et d’interpréter les morceaux du pianiste pour le film. »
Kris Bowers déclare : « Lorsque Peter et Charles m’ont invité à les rencontrer, j’ai eu la sensation qu’ils avaient déjà fait leur choix. Ça s’est fait beaucoup plus facilement que ce à quoi je suis habitué ! »
Charles Wessler poursuit : « Nous sommes d’immenses fans de Kris, il n’a que 28 ans et possède un talent exceptionnel. Il a des doigts en or, c’est un plaisir de l’écouter jouer. Au-delà du talent, il possède un vrai don. Quand Peter lui a demandé si le script lui plaisait et qu’il a répondu oui, nous l’avons engagé sur-le-champ. C’est aussi simple que ça ! Ce garçon est un surdoué et je pense que le Dr Shirley aurait été ravi de savoir que c’est lui qui va permettre à sa musique de toucher un tout nouveau public. »
Kris Bowers a commencé le piano à l’âge de 4 ans et a intégré à 17 ans la Juilliard School, où il a obtenu sa licence et son master. Bien qu’il compose de la musique de film depuis environ cinq ans, GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD marque un tournant dans sa carrière. Il explique : « Il s’agit de mon premier film studio de cette ampleur. Ça a été un plaisir de non seulement créer et arranger la musique comme je l’entendais, mais également d’être consulté et que mon avis soit pris en compte car il était important pour moi que la musique soit la plus juste et la meilleure possible. Ça a été une expérience incroyable. »
Comme Don Shirley, Kris Bowers joue exclusivement sur des pianos Steinway, tous fabriqués à la main, car, selon ses propres termes, « ils projettent le son comme aucun autre instrument ». Il comprend donc pourquoi le Dr Shirley exigeait par contrat d’avoir un Steinway partout où il se produisait. Il observe : « C’est tout simplement ce qui se fait de mieux. »
Jim Burke déclare : « Kris est un virtuose du piano. Il a réenregistré de nombreux morceaux de Don Shirley qu’il a très légèrement modernisés, et cela fait toute la différence. Il a ainsi rendu sa musique plus accessible au public de 2018. »
Il était également important aux yeux de Peter Farrelly et de la production de rester fidèle à l’époque et à l’héritage du Dr Shirley. C’est pourquoi ils ont choisi d’intégrer les chansons préférées du musicien dans le film et d’exclure toute musique qui ne correspondrait pas à l’époque. Dans le film, Don Shirley se produit dans plus d’une douzaine de salles, et pour ces scènes, les cinéastes se sont renseignés sur les titres qu’il aimait le plus jouer.
Charles Wessler commente : « La musique qu’on entend dans le film est celle que le Dr Shirley jouait vraiment et celle qu’il aimait écouter. Il a écrit des morceaux mais il en empruntait aussi, notamment à Gershwin ou Rodgers et Hart, et il se les appropriait en y introduisant sa propre personnalité et son propre style, ce qui les rend très intéressants. Il a en outre été l’un des inventeurs du trio piano-contrebasse-violoncelle. »
Kris Bowers ajoute : « Tous les morceaux que l’on entend dans le film sont des transcriptions directes des enregistrements de Don Shirley. Certains sont plus anciens et donc de moins bonne qualité, plus difficiles à entendre et donc plus difficiles à retranscrire, mais pour l’essentiel, toutes les notes sont exactement celles qu’il jouait. Il était important de rester aussi proche que possible des originaux car sa manière d’arranger et de jouer la musique était unique. »
Le pianiste explique : « Le Dr Shirley intégrait à ses compositions des oeuvres tirées du répertoire classique en utilisant le piano davantage comme un instrument à cordes plutôt que comme un instrument à percussion. C’est ce qui confère à sa musique son caractère modulable et sa richesse unique. La célèbre chanteuse de jazz Sarah Vaughn aurait décrit la musique de Don Shirley comme « la plus nuancée, la plus phrasée et la plus équilibrée qu’elle ait jamais entendue. »
Lorsque Don Shirley a commencé à se produire dans des clubs, il partageait la scène avec un contrebassiste. Il a ensuite pris la tête du Don Shirley Trio, composé d’un contrebassiste et d’un violoncelliste, ce qui était alors très inhabituel mais qui souligne l’inventivité du pianiste.
Kris Bowers commente : « Au début de ‘Lullaby Berlin’, on croirait entendre une fugue de Bach ou quelque chose qui ressemble au ‘Clair de Lune’ de Debussy. Il lui arrivait souvent de créer des arrangements complexes sur lesquels il improvisait ensuite. Dans GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD, nous nous sommes attachés à recréer l’univers musical qui l’a inspiré. Nous avons donc utilisé du Ravel et du Gershwin, mais également du negro spiritual et du gospel, qui l’ont aussi beaucoup influencé. »
Comme Mahershala Ali, Kris Bowers est convaincu que la synthèse des styles musicaux du talentueux pianiste, arrangeur et compositeur révèle un compromis entre ce qu’il aurait voulu jouer et ce que l’on exigeait qu’il joue. Il explique : « Don Shirley rêvait de devenir pianiste classique et je pense que c’est la raison pour laquelle il tenait à intégrer ces extraits d’oeuvres classiques à ses compositions. Il avait ainsi le sentiment de rendre hommage à la musique qu’il aimait tant. Mais il lui était, semble-t-il, difficile de jouer la musique que tout le monde voulait qu’il joue et pour laquelle il n’avait en réalité pas réellement d’affinité. »
L’ESTHÉTIQUE DU FILM
La photographie : une lumière chaleureuse
Peter Farrelly tenait à ce que GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD, son drame d’époque, ne ressemble à aucun de ses précédents films. Il déclare : « J’ai regardé énormément de films au cours des deux années qui ont précédé le tournage afin de définir ce que je voulais sur le plan esthétique. J’ai vu des films que je n’ai pas aimés mais dont la photographie était sensationnelle, et d’autres que j’ai aimés et qui avaient une esthétique magnifique. Ces derniers avaient tous un point commun : Sean Porter, le jeune directeur de la photographie installé dans l’Oregon à qui nous avons fait appel pour le film. »
Jim Burke ajoute : « Sean est un remarquable directeur de la photographie qui possède une sensibilité propre à sa jeunesse. Il nous semblait important de faire appel à différents points de vue afin de multiplier les influences. J’avais rencontré Sean quelques années auparavant sur un film à très petit budget, et tout ce que je peux dire de ce film c’est que j’aurais aimé qu’il soit aussi réussi que la photographie, parce qu’elle était exceptionnelle ! »
Sean Porter, qui a pris part à 20TH CENTURY WOMEN et GREEN ROOM, a utilisé un filtre couleur tabac pour la plupart des scènes afin de réchauffer une palette de couleurs allant des tons froids et monochromes aux pastels, le but étant d’obtenir une lumière chaleureuse aux nuances brunes.
CHÈRE DOLORES…
EXTRAITS CHOISIS DES LETTRES ENVOYÉES PAR TONY À SON ÉPOUSE AU COURS DE SES TOURNÉES AVEC LE DR SHIRLEY
« Chère Dolores,
« Toutes les chambres d’hôtel dans lesquelles je vais aller auront la télévision et la radio. Je mange très bien, ne t’inquiète pas. Embrasse Nicky et Frankie pour moi. Je t’aime très fort. Tony. Je t’avais bien dit que je n’étais pas doué pour écrire des lettres. Haha... »
« Nous sommes arrivés dans l’Ohio hier soir vers 19 heures. Je me suis levé vers 10 heures ce matin et j’ai pris mon petit-déjeuner (un steak et des oeufs). Je dois me rendre en ville d’ici une heure pour tout préparer pour le Dr Shirley, je trouve ça très intéressant et différent. Je dois parler à des gens de la haute qui utilisent des mots compliqués, mais tu me connais, je me débrouille, je suis un bon acteur… »
« J’essayerai de te téléphoner la semaine prochaine, je pourrais utiliser la carte de crédit du Dr Shirley mais je ne veux pas tirer sur la corde. C’est un très bon patron, je n’ai pas vraiment l’impression de travailler, c’est un peu comme si j’étais payé pour être en vacances. Mais les enfants et toi me manquez beaucoup, je pense à vous tous les jours. C’est tout pour le moment. Embrasse les garçons pour moi. Je t’aime énormément… »
« Dinah Washington va donner un concert quelque part à Cleveland et il veut absolument aller la voir. Il la connaît très bien, je pense donc que nous serons installés au premier rang. Je crois qu’il a dit que c’était la première et qu’il y aura plein de célébrités. Je ne sais pas quoi ajouter sauf que je t’aime très, très, très fort. J’espère que ces lettres ont du sens, je sais que je ne suis pas très doué mais je fais de mon mieux… »
« Le concert d’hier après-midi s’est très bien passé. Je suis rentré à l’hôtel, j’ai pris une douche et je me suis reposé un moment. Après je me suis relevé et nous sommes allés manger, j’ai pris un cocktail de crabe en entrée puis de la dinde avec des petits pois et de la purée. Puis le Dr Shirley est allé se coucher parce qu’il était très fatigué. Moi je suis allé au cinéma. J’ai vu HÔTEL INTERNATIONAL. C’était nul… »
« Hier soir, après le concert, nous étions invités chez l’organisateur pour prendre le thé. Je pense que tu aurais été morte de rire en me voyant siroter mon thé et déguster des crumpets, ma petite serviette posée délicatement sur mes genoux, tout en discutant avec les citoyens les plus en vue de la ville de Byron, Ohio ! On me présente comme le ‘chargé d’affaires’ du Dr Shirley, et les gens me posent tout un tas de question auxquelles j’essaye de répondre. Tu me connais, je suis un bon baratineur… »
« Je n’arrête pas d’oublier de te dire que le temps est absolument magnifique depuis que nous avons quitté New York. Je ne savais pas à quel point ce pays était beau avant de le voir de mes propres yeux… »
« Le Dr Shirley a décidé de passer une journée à Détroit pour rendre visite à des gens qu’il connaît, tu te souviens, je te l’avais dit, il connaît des gens partout où il va, des gens très importants (des millionnaires). Nous avons rendu visite à un type dans sa maison, que dis-je son manoir, son château même. Il s’appelle Henry Booth, il vit dans un endroit qui s’appelle Mich Hills, ça ressemble au quartier de Riverdale à Yonkers, sauf qu’en comparaison, Riverdale ressemble à Bowery. Dolores, je n’avais jamais vu des maisons aussi belles et aussi incroyables de toute ma vie ! Bon sang, j’avais tellement de choses à te dire mais je ne sais pas comment les écrire. Ce que j’ai écrit jusqu’à présent m’a pris une heure et je réfléchis encore… »
« Tu verrais l’hôtel où on dort ce soir, ça te plairait, c’est une vraie antiquité, comme toute la ville d’ailleurs : les magasins, les maisons, tout est d’époque. Partout, c’est du fait main, les gâteaux et la cuisine aussi. J’espère que je me fais comprendre, j’aimerais pouvoir trouver les mots pour t’expliquer correctement… »
« Avant que j’oublie : garde bien ces lettres et numérote-les. Je veux les lire quand je reviendrai à la maison. Je mange un paquet de chips pendant que je t’écris et je commence à avoir soif… »
« Au fait, il a neigé par endroits aujourd’hui, la campagne et les sapins de Noël étaient magnifiques. J’ai vu des millions d’arbres de Noël, de lacs et d’étangs, c’est vraiment une belle région, on se croirait dans un livre de contes. Je n’avais jamais vraiment prêté attention à la beauté de la nature jusqu’à présent. J’aimerais pouvoir te la décrire, mais c’est le mieux que je puisse faire pour l’instant… »
« Le Dr Shirley m’a dit que j’étais un bon employé et que je lui avais beaucoup facilité les choses ; il a dit que ses précédents chauffeurs n’étaient pas aussi efficaces que moi. Il dit que je gère très bien la situation… »
Copyright des textes des notes de production @ Pascale & Gilles Legardinier
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