jeudi 5 septembre 2019

MUSIC OF MY LIFE


Biopic/Comédie dramatique/Enthousiasmant et plaisant à découvrir

Réalisé par Gurinder Chadha 
Avec Viveik Kalra, Kulvinder Ghir, Meera Ganatra, Aaron Phagura, Dean-Charles Chapman, Nell Williams, Rob Brydon, Frankie Fox, Hayley Atwell...

Long-métrage Britannique
Titre original : Blinded By The Light
Durée : 01h54mn
Année de production : 2018
Distributeur : UGC Distribution 

Date de sortie sur les écrans britanniques : 9 août 2019 
Date de sortie sur nos écrans : 11 septembre 2019


Résumé : 1987, Angleterre. 

Javed, adolescent d’origine pakistanaise, grandit à Luton, une petite ville qui n’échappe pas à un difficile climat social. Il se réfugie dans l’écriture pour échapper au racisme et au destin que son père, très conservateur, imagine pour lui. Mais sa vie va être bouleversée le jour où l’un de ses camarades lui fait découvrir l’univers de Bruce Springsteen. Il est frappé par les paroles des chansons qui décrivent exactement ce qu’il ressent. Javed va alors apprendre à comprendre sa famille et trouver sa propre voie...

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai penséMUSIC OF MY LIFE raconte l'histoire d'une inspiration. De celles qui permettent de trouver sa voie alors que tout semble écrit d'avance dans une vie faite d'obligations familiales imbriquées dans une pression culturelle omniprésente. 

La réalisatrice, Gurinder Chadha, traite de vrais sujets de souffrance dans une mise en scène qui met le naturel à l'honneur tout en y insufflant des moments de joies, d'insouciances et d'humour. La brutalité de la crise économique et du racisme sont autant de défis à franchir afin que le personnage adolescent réussisse à construire sa personnalité. Elle narre avec justesse les clivages culturels et générationnels représentatifs de l'Angleterre des années 80, mais qui résonnent malheureusement partout dans notre présent. L'affirmation de soi et l'amitié sont également traités en fils rouges de cette histoire. 

La musique de Bruce Springsteen s'intègre tel un personnage invisible, mais enveloppant, prenant corps par les paroles et surtout par leur sens dans le scénario, permettant au protagoniste principal de mettre des mots sur son ressenti et de réaliser que ces mots à lui, sa voix intérieure, méritent d'être entendus. 

La narration s'essouffle un peu par moment par le fait que les sujets sont traités de façon redondante. Cependant, on apprécie que Javed, interprété par Viveik Kalra, évolue petit à petit et qu'il reste fidèle à lui-même sans tomber dans la caricature. Ce jeune acteur, avec ses grands yeux expressifs, est impeccable pour nous faire ressentir l'envie de faire, la soif de vivre de la jeunesse, les enjeux et les défis de l'intégration, le déchirement de devoir faire de ceux qu'on aime ceux qu'on doit faire souffrir pour réussir à vivre sa vie.



Les parents de Javed, Malik, interprété par Kulvinder Ghir, et Noor, interprétée par Meera Ganatra, sont touchants parce qu'ils veulent protéger leurs enfants en leur transmettant la sécurité de ce qu'ils connaissent, sans réaliser que ces derniers vivent dans leur époque avec les règles qui régissent la jeunesse de leur pays, pas celles de l'endroit dont sont issus leurs parents.


Il est sympathique de retrouver Hayley Atwell dans le rôle de Ms Clay, une professeur de littérature qui sait encourager Javed à sortir de sa coquille de manière constructive.

MUSIC OF MY LIFE fait partie de ces films qui réussissent à transmettre leur enthousiasme aux spectateurs. Il nous parle parce qu'on se retrouve dans cette chronique sur la fin de l'adolescence chahutée par un monde qui ne retient pas ses coups. Il est très plaisant à découvrir.

 Copyright photos @ UGC Distribution

LE CONCERT D'ELLIOTT MURPHY

Le 18 juin 2019 à Paris, avant le début de la projection du film MUSIC OF MY LIFE, le musicien Elliott Murphy est venu interpréter quelques chansons de Bruce Springsteen. Retrouvez ce moment musical dans les vidéos ci-dessous :



NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

Comédie dramatique à mi-chemin entre le parcours initiatique et le feel-good movie, MUSIC OF MY LIFE est né en 2010. C'est en effet l'année où Gurinder Chadha et l'auteur et journaliste Sarfraz Manzoor ont découvert au British Film Institute THE PROMISE, film qui retrace l'élaboration de l'album de Bruce Springsteen, Darkness on the Edge of Town (1978).

Manzoor confie que des albums comme Born to Run et Greetings From Asbury Park, NJ l'ont marqué à jamais à une époque où, comme d'autres adolescents de son âge, il était particulièrement angoissé. En 2008, il consacre un récit autobiographique, "Greetings from Bury Park", à sa passion pour Springsteen : il y évoque son enfance à Luton dans les années 80, son rêve de devenir écrivain et ses rapports complexes avec son père, tout en explorant le pouvoir de la musique, capable de transcender les barrières entre communautés ethniques et religieuses.

De son côté, Gurinder Chadha a découvert Born to Run alors qu'elle était lycéenne et qu'elle travaillait chez un disquaire le samedi. "J'ai adoré le symbolisme de la pochette où l'on voyait deux types, l'un blanc et l'autre noir, qui semblaient complices à une époque où l'Angleterre était secouée par des émeutes et où les jeunes, blancs et noirs confondus, luttaient contre le nationalisme et l'extrême-droite", dit-elle.

La réalisatrice a lu le livre de Manzoor et l'a adoré. Invitée à l'avant-première de THE PROMISE, elle a proposé à l'écrivain de l'accompagner : "Une fois sur le tapis rouge, quelque chose d'extraordinaire s'est passé", reprend-elle. "Alors que nous étions prêts à prendre une photo de Bruce au moment où il allait passer devant nous, il s'est arrêté, a regardé Sarfraz et lui a dit 'Votre livre est magnifique'. Sarfraz a failli s'écrouler par terre. Bruce nous a expliqué qu'on lui avait envoyé un exemplaire et qu'il l'avait adoré".

Gurinder Chadha ajoute : "Sarfraz n'en revenait pas. Je suis alors intervenue et je lui ai dit : 'Je m'appelle Gurinder Chadha, je suis réalisatrice, et on aimerait vraiment adapter ce livre au cinéma, mais on a besoin de votre soutien'. Et il nous a répondu : 'C'est parfait, adressez-vous à Jon' en désignant Jon Landau, son fidèle manager – sans oublier Barbara Carr et Tracy Nurse – et à partir de là, nous sommes restés en contact". Si l'écrivain et la réalisatrice avaient le plein soutien de Springsteen, il leur restait la tâche complexe de transposer le récit autobiographique de Manzoor en un scénario adapté aux contraintes du cinéma. Ils ont alors choisi de donner au film le titre BLINDED BY THE LIGHT [titre original, NdT], inspiré par la première chanson de l'album Greetings From Asbury Park, NJ (1973).

Gurinder Chadha, scénariste primée, était consciente qu'il s'agissait d'un défi majeur, mais elle avait déjà écrit un autre film initiatique, JOUE-LA COMME BECKHAM, qui avait été plébiscité. "Sarfraz était journaliste mais n'avait jamais écrit de scénario", précise-t-elle. "Comme il avait vraiment envie de s'y essayer, on a fait plusieurs séances de travail chez moi où je lui ai donné pas mal de conseils et c'est comme cela que la structure scénaristique s'est mise en place".

Manzoor a signé la première mouture du script, signalant qu'il s'est inspiré de l'adaptation d'UNE ÉDUCATION de Lone Scherfig pour le grand écran. "Je sentais que notre film s'attacherait sans doute à un adolescent de 16 ou 17 ans dont le parcours, à un moment crucial de son existence, est bouleversé par quelqu'un d'extérieur", dit-il.

Puis, il a travaillé en étroite collaboration avec la réalisatrice et son coscénariste Paul Mayeda Berges (LE DERNIER VICE-ROI DES INDES, JOUE-LA COMME BECKHAM, COUP DE FOUDRE À BOLLYWOOD, LE JOURNAL INTIME DE GEORGIA NICHOLSON). "Dans son livre, Sarfraz, comme souvent les Indo-Pakistanais, tente de protéger sa communauté contre les stéréotypes et les préjugés", explique Gurinder Chadha.

"Je trouvais qu'il édulcorait les vraies raisons de son désaccord avec son père ou avec les gens de sa communauté, ce qui était parfaitement compréhensible", poursuit-elle. "Du coup, mon rôle a été de le pousser à débusquer la vérité car le conflit est la matrice même de la fiction".

Une fois que Manzoor a achevé son premier jet, Gurinder Chadha et Paul Mayeda Berges ont repris le scénario en lui apportant leur expertise de la dramaturgie et du langage cinématographique. Et au fil de l'écriture, les auteurs ont injecté plusieurs paroles des chansons de Springsteen dans l'intrigue.

"Ses textes font partie intégrante du scénario", précise la réalisatrice, "et nous avons utilisé ses chansons pour faire progresser l'histoire. On n'a pas du tout cherché à exploiter ses tubes car le film n'a pas vocation à passer d'une chanson à une autre. D'une certaine façon, les paroles sont motrices de l'action".

En effet, Javed, le protagoniste, qui s'inspire de Manzoor, se retrouve totalement dans les textes de Springsteen : le portrait du Luton des années 80 brossé par les auteurs du film fait ainsi écho aux commentaires du chanteur sur le New Jersey à la même époque.

"Le scénario évoque, en substance, ce qui a poussé Bruce à écrire ces paroles et en quoi cette inspiration a également nourri Javed", indique Gurinder Chadha.

Tandis qu'avec son coscénariste, elle retravaillait les versions successives du scénario, la musique de Springsteen prenait de plus en plus d'importance. Si certaines paroles servent même de dialogues, quelques chansons donnent lieu à des scènes de pure comédie musicale et à des séquences de montage.

Les auteurs tenaient à ce que les chansons s'intègrent naturellement à l'ensemble et n'ont donc pas fait appel à des chanteurs ou à des danseurs professionnels. La productrice Jane Barclay explique : "L'idée de mêler des séquences musicales au film s'est imposée peu à peu, même si la musique était présente dès le début, tout comme l'utilisation des textes de Bruce pour faire avancer l'action. Les chansons ont été intégrées au script de manière très intelligente. Gurinder sait mieux que quiconque insuffler l'émotion la plus juste à une scène et elle a donc su intégrer les textes de Bruce en leur donnant la tonalité et le rythme qui convenaient".

La réalisatrice insiste : "Le film n'est pas une comédie musicale, mais un film accompagné de musique et ancré dans la réalité où l'on entend les acteurs reprendre les paroles des chansons. Pour autant, ils ne chantent pas comme des chanteurs professionnels, mais comme le feraient leurs personnages, c'est-à-dire de manière imparfaite".

Jane Barclay évoque la première séquence musicale où des vendeurs sur un marché entonnent Thunder Road. "On entend Rob Brydon, fan absolu de Bruce Springsteen, qui a une voix magnifique", dit-elle. "Mais on n'a délibérément pas fait appel à des danseurs pour cette scène. Les autres vendeurs se contentent de ramasser des poireaux et des carottes tout en se déplaçant. Il fallait que la scène paraisse réaliste et naturelle avec un minimum de chorégraphie. On a sollicité des spécialistes du mouvement physique, mais pas de vrais danseurs".

La réalisatrice a fait intervenir la fidèle consultante marketing et relations publiques de Bruce Springsteen, Tracy Nurse, pour faire en sorte que le chanteur et ses managers soient tenus au courant de l'avancement du projet et de l'utilisation des chansons et de leurs paroles. "Je crois qu'il a vraiment apprécié la manière dont Gurinder s'est servi du sens de ses textes pour faire avancer l'intrigue", note la productrice.

En témoigne la scène où les paroles de Springsteen sont comme une révélation pour Javed. Celle-ci se déroule un soir d'octobre 1987 où une tempête a balayé la Grande-Bretagne et causé des ravages à travers le pays.

"On a choisi ce soir-là où Javed a touché le fond", explique Gurinder Chadha. "Il est dans une impasse. Il a été agressé par des skinheads. Son père a perdu son travail et il a l'impression de ne pas avoir d'avenir. Mais son copain Roops a glissé une cassette dans son sac. Il l'insère dans son walkman pour la première fois et découvre 'Dancing in the Dark' de Springsteen".

I get up in the evening
And I ain't got nothing to say I come home in the morning
I go to bed feeling the same way
I ain't nothing but tired
Man I'm just tired and bored with myself
Hey there baby, I could use just a little help

Je me lève dans la soirée
Et je n'ai rien à dire
Je rentre chez moi le matin
Je vais me coucher en me sentant pareil
Je ne suis rien d'autre que fatigué
Mon gars, je suis juste fatigué et ennuyé de moi-même
Hé ma chérie, je pourrais avoir besoin d'un petit coup de main

"Les paroles donnent soudain un sens à sa vie", poursuit la réalisatrice. "Puis, il écoute une autre chanson, 'Promised Land' et elle l'accompagne et le pousse à oublier tout ce qui le déprime. Elle l'encourage à oublier tout ce qui l'empêche d'avancer et à penser plutôt à ce qui lui permet d'aller de l'avant. On a besoin de croire en une 'terre promise' car, sinon, la vie est franchement merdique".

Blow away the dreams that tear you apart
Blow away the dreams that break your heart
Blow away the lies that leave you nothing
but lost and brokenhearted
The dogs on Main Street howl
'Cause they understand
If I could take one moment into my hands
Mister I ain't a boy, no I'm a man
And I believe in a promised land

Chasse les rêves qui te détruisent
Chasse les rêves qui te brisent le cœur
Chasse les mensonges qui te font perdre tes repères
et te brisent le cœur
Les clébards aboient dans la rue
Parce qu'ils sont lucides
Si mes mains pouvaient recueillir un instant
M'sieur, je ne suis plus un gamin, non je suis un homme
Et je crois en une terre promise

Pour cette séquence spectaculaire, la production a reproduit la tempête à l'aide de ventilateurs à effet de vent, d'éclairs et d'explosions électriques.

"On a mis les grands moyens et on a essayé d'obtenir un résultat qui se démarque du reste du film", ajoute Gurinder Chadha. "À partir d'archives, on a projeté des images de tempête sur les bâtiments devant lesquels passe Javed, ainsi que les paroles des chansons de Bruce qui trouvent un écho très fort chez le protagoniste".

Même si les chansons qu'on entend dans le film datent des années 70 et 80, elles restent atemporelles. Pour les auteurs, bien que l'intrigue se déroule en 1987, elle est d'une grande actualité. "On ne peut savoir qu'on est en 1987 qu'à cause de certains décors et accessoires et des coupes de cheveux", signale encore la réalisatrice en souriant.

"À mon sens, ce que dit le film sur ces jeunes qui tentent de trouver leur voie à une époque où l'économie est fragilisée et qui doivent bousculer les préjugés de la société à leur égard parle formidablement à un public d'aujourd'hui", reprend-elle.

Les petites villes comme Luton étaient frappées par le chômage de masse du milieu à la fin des années 80. Les diplômés d'études supérieures n'étaient pas assurés de trouver un travail à plein temps. "Les gens étaient persuadés qu'il n'y avait ni avenir, ni espoir pour eux s'ils étaient issus d'une certaine classe sociale ou d'un certain milieu", dit-elle.

"Les gens avaient le sentiment d'être le rebut de la société", intervient Manzoor. "C'est formidable qu'on ait réussir à sortir de cet état d'esprit, mais à l'époque, on ne trouvait que des contrats à durée déterminée et on avait renoncé à décrocher un boulot pour toute sa vie professionnelle. Ce genre de sécurité n'existe plus aujourd'hui et le film y fait allusion".

À l'époque, les partis d'extrême-droite se faisaient entendre et le National Front joue un rôle important dans MUSIC OF MY LIFE, notamment lorsqu'une manifestation du mouvement tombe le jour du mariage de la sœur de Javed.

"La popularité du National Front à cette époque rappelle de mauvais souvenirs aux gens comme moi", se remémore Gurinder Chadha, "mais on voulait témoigner de l'importance de ce parti et en parler de notre point de vue. Du coup, on a fait appel à environ 300 figurants, dont on a rasé le crâne et qu'on a couverts de tatouages racistes : ils campent les partisans du NF et on a pu reconstituer la manifestation".

Comédiens et techniciens ont été stupéfaits en les découvrant : c'était un spectacle des plus éprouvants. "La première prise était un plan en plongée parmi les manifestants qui tente d'isoler le cortège du mariage", poursuit la réalisatrice. "Tout le monde s'est figé un instant parce qu'on était franchement saisi en voyant tous ces partisans du National Front qui faisaient le salut fasciste. Au bout d'un moment, on s'est habitué et on a filmé l'intensité de la manifestation. D'ailleurs, j'ai même fini par leur dire d'accentuer encore la violence de leurs slogans racistes".

Certains figurants qui jouaient les partisans du NF ont été perturbés par la scène. "Il se trouve que certains d'entre eux étaient très mal à l'aise de devoir proférer les propos qu'ils tiennent dans le film et de commettre leurs actes racistes. À chaque fois que leur comportement était insultant, ils s'excusaient dès que j'avais dit 'Coupez'", ajoute la cinéaste.

À plusieurs moments, la caméra capte des graffitis racistes inscrits sur les murs. La plupart des techniciens rechignaient à les écrire. "J'ai donc fini par peindre moi-même des croix gammées sur les murs parce que cela mettait les décorateurs très mal à l'aise", poursuit-elle.

Kulvinder Ghir, qui campe le père de Javed, l'a aidée. "On s'encourageait mutuellement", note la cinéaste. "Kulvinder et moi avons vécu cette époque. Du coup, on s'est retrouvés, lui et moi, à inscrire les slogans du NF sur les murs".

Kulvinder Ghir connaît la réalisatrice depuis qu'il a joué Teetu dans JOUE-LA COMME BECKHAM en 2002. D'ailleurs, les auteurs du film voient plusieurs points communs entre JOUE-LA COMME BECKHAM et MUSIC OF MY LIFE. Pour la réalisatrice, en effet, ils se déroulent tous les deux en Angleterre au sein de familles indo-pakistanaises et s'attachent à un personnage qui nourrit un rêve mais ne parvient pas à trouver sa voie. "En revanche, la différence, c'est que Javed est un garçon et que sa famille est musulmane, alors que JOUE-LA COMME BECKHAM s'inspirait beaucoup de mon enfance. MUSIC OF MY LIFE s'inspire, lui, de l'adolescence de Sarfraz".

"Personnellement, j'ai été marquée par les comédies initiatiques de John Hughes", ajoute la cinéaste. "Il s'agit de personnages qui ont un rêve et qui sont convaincus que ce rêve est inaccessible en raison de leur identité, de leur milieu d'origine et des réactions éventuelles de leurs parents. Mais que se passe-t-il si ces personnages tombent amoureux ? Si on leur donne une chance ? C'est un formidable rite de passage pour Javed".

Gurinder Chadha signale : "J'ai le sentiment que ce film est comme le deuxième volet d'un diptyque spirituel entamé avec JOUE-LA COMME BECKHAM. Il évoque l'équilibre délicat qu'on doit trouver à l'adolescence en se battant pour ses rêves sans pour autant provoquer une rupture avec ses parents qui font tout pour nous qui sommes leurs enfants. C'est très difficile, avec un sujet pareil, de trouver le bon dosage entre l'émotion, les moments déchirants et les passages plus légers. J'ai réalisé JOUE-LA COMME BECKHAM il y a dix-sept ans et on n'a pas fait de film comme celui-là depuis".

"En tant que metteur en scène, j'ai le sentiment que ce film est plus réfléchi que JOUE-LA COMME BECKHAM, mais je ne considère pas que ce soit une suite à proprement parler", déclare la réalisatrice. "En revanche, en voyant MUSIC OF MY LIFE, on peut à coup sûr se dire qu'il est signé par la même personne qui a réalisé JOUE-LA COMME BECKHAM. C'est lié à ma sensibilité de femme issue de la diaspora".

S'agissant du casting, le plus gros défi a consisté à trouver le bon acteur pour le rôle de Javed. "Il était indispensable que notre Javed soit brillant", renchérit Jane Barclay. "Il est présent à l'image 99,8% du temps et c'est un rôle qui exige une endurance et un investissement absolus. Gurinder est très douée pour découvrir de nouveaux talents, comme en témoignent Keira Knightley, Aaron Taylor Johnson et Parminder Nagra".

"Pour Javed, on recherchait un garçon joyeux, capable de faire ressentir les changements par lesquels passe le personnage, mais ayant suffisamment de densité pour être crédible en poète et en écrivain", indique la productrice. "Trouver un tel mélange chez un jeune acteur n'est pas facile".

Pourtant, l'équipe l'a déniché chez Viveik Kalra qui, selon la réalisatrice, semble destiné à faire une très belle carrière. À l'heure actuelle, il suit encore des cours de théâtre au Pays de Galles. "Pour un garçon qui a si peu d'expérience des plateaux, il a été épatant", note Gurinder Chadha.

"Le casting de l'acteur principal est crucial dans n'importe quel film, mais plus encore dans un récit initiatique", ajoute-t-elle. "Viveik porte le film sur ses épaules et ressent les émotions du personnage car, dans une certaine mesure, il a vécu ce que Javed a traversé. Je pense qu'il sera un jour un comédien majeur en Angleterre".

Pour Kalra, cette expérience a été marquante. Alors qu'il n'avait jamais vraiment entendu de chansons de Springsteen avant ce tournage, il n'écoute désormais rien d'autre ! "Ça a été une révélation", confie-t-il, "sans doute pas comme pour Javed, mais j'ai été profondément touché par les paroles".

"Après avoir découvert sa musique, je ne pouvais plus écouter les tubes actuels", dit-il encore. "J'écoutais une chanson pendant quelques secondes et puis je me rendais compte qu'elle n'avait aucune profondeur – ce qui est assez étrange venant d'un jeune de 20 ans comme moi".

Grâce à sa sensibilité à la musique de Springsteen, Kalra a mieux cerné la trajectoire de Javed. "Quand Javed est confronté à de vrais problèmes, il ne sait pas vraiment comment s'y prendre", affirme le jeune comédien. "Et puis quand il écoute la musique de Bruce pour la première fois et qu'il en tombe amoureux, il découvre un monde qui le dépasse, lui et sa famille".

La musique donne à Javed la force d'aller au bout de ses rêves et de tenter sa chance comme écrivain et journaliste à une époque où il était difficile d'être un jeune Pakistanais en Angleterre. "Elle l'encourage à faire des choses qu'il n'aurait jamais faites sans elle", poursuit l'acteur.

Kalra reconnaît qu'interpréter les chansons de Springsteen lui a fait un peu peur. "C'était très flippant", affirme-t-il. "Je ne vais pas mentir. Dès l'audition, quand j'ai dû chanter trois, quatre et cinq chansons, c'était effrayant. Mais Gurinder m'a vraiment permis de prendre du recul".

"Elle n'arrêtait pas de me dire : 'Ce n'est pas toi ! Ce n'est pas toi ! C'est le personnage. Il n'est pas mal à l'aise quand il chante. Il s'en fiche pas mal'. Cela m'a vraiment aidé à prendre des distances par rapport à l'exercice".

Alors que le tournage battait son plein, Kalra était parfaitement à l'aise dans les scènes de chant et de danse. "J'ai acquis une vraie confiance en moi car ce n'est pas du tout le genre de choses que j'aurais faites spontanément", dit-il.

Il ajoute : "Je crois que lorsqu'on chante, on s'expose vraiment – en tout cas, en ce qui me concerne. Finalement, j'ai surmonté ma réticence initiale et dans certaines scènes, Nell Williams [qui campe sa petite amie Eliza] et moi dévalions les rues de Luton en se moquant totalement de savoir que les gens nous regardaient".

Cette assurance nouvelle est un autre point commun entre Kalra et son personnage. "S'il n'avait pas acquis cette confiance en lui grâce à la musique, Javed n'aurait jamais osé embrasser une fille et il ne serait jamais sorti de sa bulle pour se faire de nouveaux copains", analyse-t-il. "En parlant du personnage avec Gurinder au début, on a compris que ce n'est pas qu'il n'est pas cool – il est simplement dans un milieu très claustrophobe qui l'empêche de faire ce qu'il veut. Il sent que son père lui rogne les ailes".

La relation père-fils est centrale dans le film. "C'est intéressant parce que le père de Javed porte un costume tous les jours et qu'il s'est vraiment adapté au mode de vie anglais, mais les traditions de son pays d'origine lui manquent quand même", note l'acteur.

Le père de Javed, Malik, a quitté le Pakistan avec sa famille pour s'installer en Angleterre et il est déchiré entre sa volonté de voir ses proches s'intégrer et réussir leur vie dans leur pays d'adoption et son désir de ne pas oublier ses racines pakistanaises. D'où un conflit entre père et fils.

"Le film parle beaucoup des rapports entre Javed et son père", relate Kalra. "L'intrigue est très riche mais au bout du compte on en revient toujours à cette relation".

Le choix de l'interprète de Malik était, lui aussi, déterminant dans le casting. "C'était décisif car il nous fallait un acteur qui ait une vraie gravité mais qui ne semble ni ridicule, ni insignifiant", indique Jane Barclay. "Il nous fallait un comédien dont le jeu était nuancé".

Les auteurs du film ont sollicité Kulvinder Ghir que Gurinder Chadha avait dirigé dans JOUELA COMME BECKHAM. "Malik est un homme intègre qui veut simplement offrir un avenir meilleur à sa famille", note le comédien. "Il est très ambitieux à sa façon et met la pression sur ses enfants. Cette génération qui a débarqué en Angleterre a dû affronter l'indifférence, le racisme, la difficulté à trouver du travail et à s'intégrer professionnellement".

"Malik tient à assurer sécurité et protection à sa famille dans ce monde où il a émigré et il a du mal à laisser ses enfants partir", poursuit Ghir. "Il ne veut pas que ses enfants aient la même vie que lui et travaillent à l'usine".

"Il travaillait dans un bureau à Karachi, mais en Angleterre il s'est retrouvé ouvrier à l'usine", dit-il. "Cette génération n'a pas franchement eu l'occasion de faire des projets : elle préfère en laisser le soin à ses enfants. Elle leur dit en substance : 'Vous pouvez avoir des projets pour nous car nous n'avons pas eu la possibilité d'en avoir dans ce pays'".

Malik estime que Javed n'est pas capable de gagner sa vie grâce à l'écriture. "Pour Malik, ce n'est pas un vrai métier et il ne soutient pas son fils", explique Ghir. "Javed est son seul fils et, à ce titre, Malik espère qu'il pourra subvenir aux besoins de la famille. La tension entre eux n'en est que plus forte".

Au cours du film, père et fils parviennent à mieux se comprendre. Et en fin de compte, grâce aux textes de Javed, les deux hommes se rapprochent. "C'est merveilleux quand le père commence à comprendre ce fils qu'il a élevé dans ce pays et à reconnaître sa valeur et sa personnalité", note encore Ghir. "C'est la trajectoire du personnage de Malik".

Si les protagonistes ne correspondent pas exactement aux êtres qu'on rencontre dans le récit biographique de Manzoor, l'acteur ressentait une certaine responsabilité vis-à-vis de l'auteur en incarnant un homme qu'il reconnaîtrait à coup sûr.

"Ce qui est extraordinaire, c'est que dans le film je ressemble vraiment au père de Sarfraz", se souvient Ghir. "Un jour, Sarfraz a emmené sa fille sur le plateau et elle s'est exclamée : 'Oh, regarde, c'est papy !' Pour moi, c'était très important de bien évoquer à l'écran ce qu'étaient les gens de cette génération. Ils sentaient qu'ils avaient une grande responsabilité en ayant fait venir leur famille en Angleterre et je l'ai moi-même ressenti chez mon père".

L'acteur était ravi de retrouver la réalisatrice après toutes ces années. "On a toujours voulu retravailler ensemble et cette fois, Gurinder m'a dit qu'elle avait déniché un projet qui devrait me plaire. Et elle avait parfaitement raison", affirme-t-il.

Ghir ajoute que la réalisatrice et lui sont très touchés par l'histoire de MUSIC OF MY LIFE "parce qu'elle raconte le parcours de nos parents", dit-il. "À un moment donné, Malik dit à son fils : 'Écris tes propres histoires, mais n'oublie pas la nôtre'. C'est une très belle réplique".

"Par ailleurs, Gurinder raconte à merveille ce genre d'histoire", conclut-il. "Je trouve que MUSIC OF MY LIFE possède la même tonalité que JOUE-LA COMME BECKHAM, mais qu'il a quelque chose en plus grâce à sa dimension musicale".

Autre relation importante dans le film : celle qui naît entre Javed et Eliza que le protagoniste rencontre au lycée. Peu à peu, les deux personnages tombent amoureux l'un de l'autre.

Comme pour Viveik Kalra, Gurinder Chadha estime avoir découvert une future grande comédienne chez la toute jeune Nell Williams. "C'est une autre débutante de grand talent", témoigne la réalisatrice. "Elle avait 19 ans au moment du tournage, mais elle a une sacrée présence à l'écran ! Elle me fait penser à une Jennifer Lawrence anglaise".

Eliza s'intéresse à la politique et Nell Williams considère qu'il y a un vrai parallèle entre les idéaux de son personnage et ceux qu'exprime Springsteen à travers ses chansons. "Au fond, c'est une ado angoissée très politisée qu'on voit s'épanouir et mûrir tout au long du film", remarque la jeune actrice. "Et elle initie Javed à la politique".

"C'est un personnage très fort", ajoute-t-elle. "Elle guide les pas de Javed et elle est même un peu plus mûre que lui. J'aime beaucoup son caractère bien trempé".

La comédienne s'est beaucoup reconnue chez son personnage. "C'était un rôle intéressant à jouer parce que j'étais vraiment comme elle quand j'étais plus jeune", confirme-t-elle. "Elle est très entêtée, elle pense toujours qu'elle a raison et il y a beaucoup, beaucoup de choses échappant à son contrôle qui l'agacent".

"Le fait qu'elle soit politisée est aussi très important", ajoute-t-elle, "parce que les chansons de Bruce Springsteen ont toujours été très marquées à gauche – et le film s'en inspire pas mal. On entend beaucoup de chansons politiques de Springsteen qui correspondent très bien aux réflexions d'Eliza".

Comme Kalra, Nell Williams n'osait pas chanter au départ, même si son personnage est moins concerné que celui de son partenaire. "Malgré tout, [la chanson] 'Born To Run' est omniprésente dans le film", dit-elle. "On l'entend dans beaucoup de lieux différents, ce qui explique que le tournage de cette séquence ait duré si longtemps. En réalité, on l'a filmée tout au long du tournage".

"Le plus éprouvant pour moi, et de très loin, c'était le tournage en décors réels, devant des badauds, car j'étais consciente que des gens nous regardaient en se demandant ce qu'on pouvait bien faire", poursuit-elle.

D'autres personnages féminins ont une influence sur Javed, à commencer par sa prof de lettres, Mlle Clay, interprétée par Hayley Atwell. "C'était un vrai bonheur", s'enthousiasme Gurinder Chadha. "Dès l'instant où elle est à l'image, on comprend pourquoi Hayley est si appréciée. Elle tient un rôle très important dans la vie de Javed".

"C'est la femme qui l'encourage et l'inspire – et qui le pousse à se prendre en main", note la réalisatrice. "Leur relation aurait pu verser dans le sentimentalisme et le mélo, mais grâce à Hayley, c'est tout le contraire. Elle est assez âpre quand il le faut. Mais en tout cas, elle assure !"

"Il me semble que Hayley a joué le personnage en s'inspirant de l'une de ses profs", dit-elle encore. "C'était une manière de lui rendre hommage. Et comme elle me l'a dit très justement sur le plateau, les profs vous marquent profondément. Si on a un bon prof à l'école, on est sur de bons rails. On n'oublie jamais un bon prof".

Javed fait la connaissance d'une autre enseignante, Mme Anderson, la proviseure de son lycée campée par Sally Phillips. "Luton souffre d'une mauvaise image et elle est déterminée à montrer qu'il y a des élèves excellents dans son établissement", déclare la comédienne. "Elle est vraiment du côté de Javed et elle tient à arrondir les angles entre certains élèves et leur famille. Elle est assez maternelle et elle fait de son mieux pour accepter la nouveauté, même si elle rencontre quelques difficultés".

De son côté, Rob Brydon campe le père du meilleur ami de Javed, personnage qui a aussi son importance. Il joue un rôle décisif dans une séquence musicale où plusieurs vendeurs, sur un marché, entonnent Thunder Road de Springsteen. Brydon est lui-même un grand fan du chanteur et il a fait la connaissance de Manzoor à l'avant-première de THE PROMISE en 2010.

"Je trouve génial qu'on puisse enfin entendre ces chansons au cinéma", note Brydon. "Springsteen a signé la musique de PHILADELPHIA, mais c'étaient de nouvelles chansons. Dans MUSIC OF MY LIFE, la production a eu accès à tous ses plus grands tubes. J'ai adoré le scénario. Il m'a même fait pleurer vers la fin".

Pour Brydon, sa passion pour le "Boss" remonte au jour où, tout jeune, il a acheté l'album The River sous format vinyle dans une station balnéaire du sud du Pays de Galles. "C'était la première fois que je voyais un livret avec les paroles des chansons et je l'ai montré à ma grand-mère en lui disant que les textes me faisaient penser à des poèmes", se souvient-il. "On se sent très proche de Bruce et on a presque le sentiment de le connaître".

"Quand on sait que Bruce va voir ce film, c'est à la fois exaltant et effrayant", ajoute-t-il. "J'aimerais que le film lui plaise parce qu'il m'a procuré énormément de bonheur au fil des années".

C'est le rêve de l'ensemble des comédiens et collaborateurs de création du film, même si la réalisatrice tient à préciser qu'on n'a pas forcément besoin d'être fan de Bruce Springsteen pour apprécier MUSIC OF MY LIFE. "Les spectateurs y seront sensibles, qu'ils aiment sa musique ou pas", dit-elle.

"Mais au bout du compte, j'espère vraiment que tous les spectateurs ressortiront de la projection en étant tombés amoureux de sa musique parce qu'il le mérite", poursuit-elle. "Quel exemple ! Et j'espère qu'on lui a rendu hommage, à lui et aux paroles de ses chansons, et que le film est réussi".

"Quand je suis allée à New York pour montrer un montage final du film à Bruce afin de recueillir ses éventuelles remarques, j'ai vécu l'un des moments les plus géniaux et les plus flippants de ma vie", reconnaît la cinéaste. "Je me suis assise dans la rangée juste derrière lui et j'ai vu que le film lui plaisait".

"À la fin, il s'est tourné vers moi et m'a dit : 'Merci de m'avoir rendu un si bel hommage. Surtout, ne change rien au film'", conclut-elle.  

Source et copyright des textes des notes de production @ UGC Distribution

  
#MusicOfMyLife

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