Policier/Thriller/Maîtrisé dans sa réalisation & sa narration, super casting, une réussite
Réalisé par Drew Goddard
Avec Jeff Bridges, Cynthia Erivo, Chris Hemsworth, Dakota Johnson, Jon Hamm, Lewis Pullman, Cailee Spaeny, Manny Jacinto, Jim O'Heir, Jonathan Whitesell, Xavier Dolan, Bethany Brown, Mark O'Brien, Nick Offerman...
Long-métrage Américain
Titre original : Bad Times at the El Royale
Durée: 02h22mn
Année de production: 2018
Distributeur: Twentieth Century Fox France
Interdit aux moins de 12 ans
Date de sortie sur les écrans américains : 12 octobre 2018
Date de sortie sur nos écrans : 7 novembre 2018
Résumé : Sept étrangers, chacun avec un secret à planquer, se retrouvent au El Royale sur les rives du lac Tahoe ; un hôtel miteux au lourd passé. Au cours d’une nuit fatidique, ils auront tous une dernière chance de se racheter… avant de prendre un aller simple pour l’enfer.
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait - "Le El Royale, prêtres s'abstenir" (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : SALE TEMPS À L'HÔTEL EL ROYALE fait partie de ses films qui vous entraînent sur des chemins narratifs inattendus. Le réalisateur, Drew Goddard, maîtrise son histoire et les mouvements de sa caméra avec beaucoup de dextérité. Il nous montre l'action sous différents points de vue et de ce fait offre un rythme régulier à son long-métrage. Il ne perd jamais notre attention et conserve le sens de ce qu'il narre pendant toute la durée des 2h22 minutes que dure son film sans que ce dernier paraisse long. Il distille les informations au fur et à mesure pour nous donner un contexte.
L'époque historique a son importance tant parce qu'elle participe indirectement à l'intrigue que par l'ambiance et la mentalité spécifique qui suivent dans son sillon. Le réalisateur la met en valeur du début à la fin. Il en est de même pour le motel El Royale, lieu de convergence des personnages qui est un protagoniste à part entière avec sa position géographique originale, sa structure inattendue ainsi que son décor témoin d'une époque et cinématographique à souhait.
Le casting est extra. Il faut dire que les personnages sont bien travaillés. De Jeff Bridges qui interprète le Père Flynn, à Cynthia Erivo qui interprète Darlene Sweet, en passant par Chris Hemsworth dans le rôle de Billy Lee ou encore Dakota Johnson dans celui d'Emily Summerspring et Jon Hamm qui interprète Laramie Seymour Sullivan, ils sont tous excellents. Le coup de cœur parmi tous les protagonistes va à Lewis Pullman qui interprète Miles. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à son père, l'acteur Bill Pullman, dont il a hérité le charme et le talent. Il n'y a aucune fausse note parmi les acteurs.
Et cela est vrai également pour la bande originale qui accompagne les événements en s'accordant sur leur tempo. La musique joue un vrai rôle dans ce film.
SALE TEMPS À L'HÔTEL EL ROYALE est un film noir, dont la violence crue et intense surprend toujours par le calme qui la précède, qui nous enivre par son parfum de mystère pour mieux nous étonner et nous attirer dans la toile de son récit sur des âmes perdues. C'est une réussite !
L'époque historique a son importance tant parce qu'elle participe indirectement à l'intrigue que par l'ambiance et la mentalité spécifique qui suivent dans son sillon. Le réalisateur la met en valeur du début à la fin. Il en est de même pour le motel El Royale, lieu de convergence des personnages qui est un protagoniste à part entière avec sa position géographique originale, sa structure inattendue ainsi que son décor témoin d'une époque et cinématographique à souhait.
Le casting est extra. Il faut dire que les personnages sont bien travaillés. De Jeff Bridges qui interprète le Père Flynn, à Cynthia Erivo qui interprète Darlene Sweet, en passant par Chris Hemsworth dans le rôle de Billy Lee ou encore Dakota Johnson dans celui d'Emily Summerspring et Jon Hamm qui interprète Laramie Seymour Sullivan, ils sont tous excellents. Le coup de cœur parmi tous les protagonistes va à Lewis Pullman qui interprète Miles. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à son père, l'acteur Bill Pullman, dont il a hérité le charme et le talent. Il n'y a aucune fausse note parmi les acteurs.
Et cela est vrai également pour la bande originale qui accompagne les événements en s'accordant sur leur tempo. La musique joue un vrai rôle dans ce film.
SALE TEMPS À L'HÔTEL EL ROYALE est un film noir, dont la violence crue et intense surprend toujours par le calme qui la précède, qui nous enivre par son parfum de mystère pour mieux nous étonner et nous attirer dans la toile de son récit sur des âmes perdues. C'est une réussite !
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
VOUS AVEZ UNE CHAMBRE ?
En 1958, à
l’hôtel El Royale, sur les rives du lac Tahoe, un homme aux abois
dissimule un sac de toile sous le parquet de sa chambre. Un peu plus
tard dans la nuit, quelqu’un lui rend visite… et l’assassine.
Dix ans plus tard,
Darlene Sweet (Cynthia Erivo), une chanteuse de soul, débarque à
l’hôtel avec sa valise. L’imperméable transparent qu’elle
porte sur sa robe jaune donne l’impression qu’elle s’attend en
permanence à voir les choses tourner à l’orage pour elle.
Pourtant, cette femme réservée, digne et intègre, blessée mais
pas encore vaincue, garde la tête haute.
Danny Glicker, le
chef costumier, commente : « L’imperméable de Darlene
dit tout d’elle. Elle s’efforce de se protéger du monde, mais
elle n’a que de faibles moyens de défense. Elle appartient au
monde de ces grands groupes de musique féminins qui, comme les
Supremes, avaient un vrai sens du style, classique, sobre et toujours
impeccable. Ces femmes ne s’habillaient jamais de manière
tape-à-l’œil et ostentatoire, elles étaient toujours très
distinguées et élégantes. Lorsque l’on rencontre Darlene pour la
première fois sur le parking, on l’identifie tout de suite comme
une vraie lady. Mais c’est aussi une femme qui voyage seule, et à
mesure que l’histoire avance, on apprend qu’elle a vécu des
choses traumatisantes. La façade impeccable qu’elle présente au
monde est sa manière à elle de conserver quelque chose de précieux
qu’elle a peur de perdre. »
Pour Cynthia
Erivo, la robe jaune symbolise l’essence même de Darlene. Elle
commente : « Le jaune est une couleur si lumineuse qu’elle
incarne parfaitement l’aura qui semble se dégager de cette jeune
femme. C’est la couleur qui brille en son for intérieur ; on
peut lire en elle comme dans un livre
ouvert. Elle a traversé beaucoup d’épreuves et elle a besoin de
retrouver confiance en elle, pour savoir qui elle est au fond
d’elle-même, et conserver l’amour de la musique qui est son
moteur, ce qui la pousse à aller de l’avant. La musique est ce qui
lui permet de garder sa pureté. »
Alors que Darlene
suit la ligne matérialisée sur le parking pour gagner l’hôtel,
lui-même situé sur la frontière entre la Californie et le Nevada,
elle rencontre un prêtre, le père Daniel Flynn, qui paraît perdu
et troublé. Jeff Bridges, qui incarne ce personnage,
commente : « À première vue, c’est un prêtre des
petites gens, le genre que l’on s’attend à trouver dans une
soupe populaire. Mais il y a autre chose chez cet homme, que l’on
perçoit à travers des détails qui ne sautent pas aux yeux à
première vue, comme le fait que sa veste et son pantalon ne vont pas
ensemble et que son col bâille un peu. Il n’est pas vraiment celui
qu’il prétend être. Si vous faites attention, vous repérerez des
indices... »
À la réception,
déserte, Darlene et Flynn rencontrent un représentant de commerce,
Laramie Seymour Sullivan (Jon Hamm), un homme du Sud un peu rustre
qui porte une chemise froissée et une cravate brillante sous une
veste en tissu écossais criarde – une tenue voyante qui s’accord
bien à son bagout. Il n’est pas surprenant qu’un tel personnage
insiste pour occuper la tout aussi ostentatoire suite nuptiale à lui
tout seul. On comprend à travers ses paroles – presque un
monologue – que l’hôtel El Royale était autrefois l’endroit
où il fallait se montrer à Tahoe. Les célébrités et les figures
politiques du pays fréquentaient l’hôtel et son casino, le bar,
la piscine et les somptueuses chambres.
Mais cette époque
est révolue – tout comme la décennie qui s’achève. L’hôtel
El Royale a perdu sa licence de jeu, les célébrités ont cessé de
venir, et les choses se sont très vite dégradées. Désormais, dans
le hall d’entrée qui a perdu de son éclat et où l’on n’entend
plus de rires, Flynn, Sweet, et Sullivan sont finalement accueillis
par le gérant et unique employé de l’hôtel, Miles Miller (Lewis
Pullman). Âgé de 20 ans, vêtu d’une chemise mal coupée et d’une
veste défraîchie aux armes de l’hôtel, le jeune Miller a l’air
de ne pas être à sa place, comme si on l’avait abandonné ici des
années auparavant et qu’on avait oublié de prévenir sa famille.
Lewis Pullman
déclare : « Miles est un drôle de type. Il n’est
pas bien dans sa peau, il est nerveux et clairement, il ne maîtrise
pas tout dans son établissement. On ne sait pas depuis combien de
temps il est là ni pourquoi il est venu à l’hôtel El Royale. Il
donne l’impression de se trouver dans un étrange purgatoire où il
attend que l’inéluctable se produise. Il se révèle à mesure que
l’histoire se poursuit, comme une sorte de poupée russe. On ne
cesse de découvrir de nouvelles facettes de son histoire et de son
personnage. »
Alors que Flynn et
Darlene se décident sur la chambre – et donc l’État – dans
lequel ils souhaitent séjourner, une voiture de sport arrive sur le
parking en faisant crisser ses pneus. Débarque alors à l’hôtel
Emily Summerspring (Dakota Johnson), une hippie dont les vêtements
et l’attitude affirmée montrent qu’elle appartient clairement à
la seconde vague du féminisme. Le chef costumier affirme :
« Emily incarne la ‘self-made woman’ de 1969. Toute sa vie,
elle a lutté, elle a dû faire preuve de force et a donc beaucoup
d’assurance, elle est très affirmée, un peu crâneuse. »
Vêtue d’un jean moulant, d’un gilet sans manches et d’une
veste en cuir à franges, elle a une présence physique incroyable,
puissante et excitante. » Emily demande une chambre, jette son
argent sur le comptoir, attrape la clé et sort du hall aussi vite
qu’elle y est entrée.
Quatre clients, un
hôte étrange, et deux autres personnages encore à venir. Il va y
avoir des rebondissements, des retournements de situations, des
secrets. À l’hôtel El Royale, l’enfer est sur le point de se
déchaîner…
CE QUI SE PASSE À
L’HÔTEL EL ROYALE…
Jon Hamm
raconte : « Quand j’étais enfant, nous voyagions
presque partout en voiture. Je vivais dans l’État du
Missouri, au beau milieu du pays, il était donc facile d’aller
partout, mais prendre l’avion était un luxe qui coûtait cher, on
s’empilait donc dans la voiture pour aller jusqu’en Floride. Nous
sommes allés dans l’Utah. Nous sommes descendus au Texas, puis
remontés dans le Wisconsin. Nous avons atteint Chicago. Je me
souviens qu’on allait souvent dans des hôtels comme l’El Royale,
et c’était génial. Toute une aventure ! Enfant, vous ne vous
rendez pas vraiment compte du côté un peu sordide de tout ça. On
prend juste ces endroits pour de nouveaux lieux sympas à découvrir,
en espérant qu’il y aura une piscine... »
Si le scénario
ravivait de bons souvenirs chez Jon Hamm, son partenaire Lewis
Pullman, lui, se trouvait justement dans un hôtel de ce genre
lorsqu’il a reçu l’appel. Ce dernier se souvient : « J’ai
passé une audition, mais au début c’était juste un monologue, je
ne savais pas du tout de quoi parlait le film. Ensuite, Drew m’a
envoyé le scénario avec une confidentialité digne du FBI. J’étais
en voyage le long de la côte californienne avec ma sœur, et nous
séjournions dans cet hôtel vieillot entouré de séquoias ;
c’était l’endroit parfait pour s’imprégner du scénario. Il
est absolument phénoménal. Je n’avais jamais rien lu de tel.
C’était incroyable. »
« Incroyable »
est aussi le terme que Jeff Bridges a employé pour décrire
l’histoire. « Quand j’ai lu le scénario, je me suis dit
que je n’avais jamais vu ça, que c’était le genre de film que
j’adorerais voir. Apprendre ensuite que le scénariste, Drew
Goddard, serait aussi le réalisateur du film, a été un vrai
plus. »
Pour Jeff Bridges,
« L’une des plus belles surprises, car c’est tellement
rare, c’est que certaines prises durent 10 minutes. Cela vous
permet vraiment en tant qu’acteur de vous immerger dans la scène.
C’est une véritable occasion de montrer ce dont vous êtes
capable. Le public est ainsi aspiré dans l’histoire, de la plus
belle des manières, lorsque le rythme n’est pas sans cesse
coupé. »
Cailee Spaeny,
dont la carrière démarre au cinéma, joue Rose, la cinquième
cliente de l’hôtel El Royale cette nuit-là. La complexité du
scénario et son propre rôle ont été au départ intimidants pour
elle. « C’est quelque chose que je n’avais jamais fait
auparavant et je n’étais pas sûre de pouvoir. Ensuite, j’ai
rencontré Drew, et c’est la personne la plus sincère et la plus
gentille que je connaisse. »
Chris Hemsworth
avait déjà travaillé avec Drew Goddard et était un grand fan de
son travail, mais le scénario a été pour lui une belle découverte.
Il confie : « C’est un des meilleurs scripts que j’ai
pu lire. C’est frais, unique, avec des moments dramatiques, un
humour sinistre, complexe, et avec une belle profondeur et plusieurs
histoires qui s’entrecroisent. Le chaos ne fait que s’intensifier
et tout devient un château de cartes qui s’effondre. C’est aussi
imprévisible qu’intense. »
De même, son
personnage était à ses yeux un autre point fort. « Je ne
pensais pas que je m’amuserais autant, confie l’acteur. Dans ma
carrière, j’ai souvent eu des rôles de héros, ce qui implique
certaines règles auxquelles il faut rester fidèle, donc tout est
assez prévisible. Mais ici, pouvoir être imprévisible pour garder
le public en haleine a été étonnamment amusant. »
Tourner SALE TEMPS
À L’HÔTEL EL ROYALE a permis à Cailee Spaeny de se faire une
nouvelle amie et de trouver un mentor en la personne de Dakota
Johnson. Cette dernière confie : « Cailee est une
magnifique personne, c’est une actrice incroyable et elle est d’une
complexité et d’une intelligence merveilleuses. Nous sommes
devenues proches et je l’aime beaucoup. C’est très spécial
lorsque pareille chose se produit. J’ai rarement connu cela sur un
tournage, nouer des liens forts avec quelqu’un et que cela continue
hors des plateaux. Elle est très talentueuse et elle a tout l’avenir
devant elle. »
La plus grande
surprise a sans doute cependant été pour Cynthia Erivo, qui joue
Darlene. Elle raconte : « Nous ne pouvions pas avoir le
scénario complet, juste quelques scènes, je n’avais donc pas
réalisé à quel point le rôle était important. Je savais juste
que je devais chanter, j’ai donc fait une vidéo en pensant que ça
allait être un petit rôle mais que ce serait quand même génial.
Ensuite, j’ai passé une audition avec Drew et Carmen Cuba, la
directrice de casting, et je me souviens avoir quitté la pièce en
me disant que celle qui aurait ce rôle allait passer de super
moments. Plus tard, lorsque nous avons étudié le contrat, je me
suis fait la réflexion qu’ils étaient vraiment généreux pour un
petit rôle. J’en ai parlé à mon agent en disant :
« C’est un plus grand rôle que ce que je pensais, n’est-ce
pas ? », et il m’a répondu : « Oh oui,
Cynthia ! ». Ce fut une énorme surprise. Si seulement
quelqu’un avait filmé ce moment ! J’ignorais complètement
que Darlene était le personnage principal. »
Le scénariste et réalisateur Drew
Goddard confie : « Je voulais un casting de rêve, donc je
savais qu’il fallait que j’écrive un scénario qui allait
attirer ces grands acteurs. Je me souviens que sur le tournage, il
m’arrivait de regarder Jeff, Cynthia, Chris, Jon, et Dakota sans
arriver à y croire. J’observais ces poids lourds du cinéma en me
demandant comment j’avais réussi à en arriver là. Je ne réalise
toujours pas la chance que j’ai. C’est vraiment très, très
spécial. »
Le sentiment était
partagé, comme le raconte Jeff Bridges : « Quel
réalisateur et scénariste formidable que Drew Goddard ! Les
metteurs en scène que je préfère sont ceux qui sont prêts à vous
laisser carte blanche, qui créent une ambiance libre et chaleureuse
sur le plateau. Et c’est ce que Drew a fait. Vous sentez vraiment
chez lui un esprit de collaboration, une douceur et beaucoup de
gentillesse, ce qui permet à tout le monde d’être détendu. Et
lorsque vous êtes détendu, vous êtes meilleur dans votre travail,
vous êtes prêt à explorer diverses manières de faire, d’autres
directions de jeu. C’était très encourageant de l’entendre dire
‘Partagez vos idées. Comment vous voyez les choses ?’ J’ai
adoré travailler avec lui. Il fait maintenant partie de mes
réalisateurs préférés. »
Drew Goddard raconte : « SALE
TEMPS A L’HÔTEL EL ROYALE était la définition parfaite d’un
projet passionnel. Je l’ai écrit pour moi. J’ai travaillé sur
de nombreux films à gros budget, avec beaucoup de prévisualisation
et des effets visuels complexes, et un jour je m’en suis plaint
auprès de ma femme. Je lui ai dit : ‘Je suis fatigué de tout
ça. Mon prochain film, ce sera juste quelques acteurs qui dialoguent
dans une pièce.’ Au début je plaisantais, mais ce genre de
restrictions peut être positif pour un scénariste. Je me suis donc
lancé le défi d’élaborer un scénario où l’on avait plusieurs
personnages dans un espace fermé. Comment rendre cela intéressant ?
Comment tourner l’histoire lorsqu’elle se déroule principalement
dans un même endroit ? Comment modifier ce lieu au cours d’une
seule et même nuit ? Toutes ces questions ont apporté leur lot
de difficultés, mais je me suis vraiment amusé à y répondre dans
l’écriture. Et j’adore les hôtels. J’aime ces lieux où les
gens arrivent pour un laps de temps assez court et où se produisent
toutes ces rencontres. Je voulais explorer cette idée qu’une nuit
dans un hôtel peut changer la vie de quelqu’un. »
Le scénariste et
réalisateur ajoute : « Il existe un adage dans l’écriture
qui dit : ‘Écris ce que tu veux voir’. Je me suis donc
enfermé dans une chambre d’hôtel et j’ai écrit le film que je
voulais voir. Tout a commencé avec mon amour du film noir, des
romans policiers et des films choraux classiques où vous ne savez
pas vraiment qui est le personnage principal et où vous voyez
plusieurs stars de cinéma dans un espace limité. Ensuite, j’ai
convaincu la Fox de me laisser faire ce film, et voilà le
résultat ! »
Drew Goddard a
situé son histoire dans les années 1960, période parfaite pour un
film qui révèle couche après couche l’action et les personnages.
Il observe : « Les années 60 sont le symbole d’un
esprit d’érotisme, de chaleur et de fête, mais là-dessous
existait une forme de paranoïa. Sous les paillettes et le côté
glamour, on surveillait les choses. »
« L’hôtel
El Royale n’existe pas, précise le chef décorateur Martin Whist.
Ce n’est pas une reproduction. Il n’est même pas d’une
authenticité rigoureuse, mais il a le parfum de l’authenticité,
il sonne vrai. Vous croyez en cet endroit. Il est confortable. Mais
en même temps, il est désormais trop grand car il a été construit
pour accueillir un grand nombre de gens alors que peu de personnes y
séjournent à présent. Le film est cadré un peu comme un western.
Un personnage ici, un autre là-bas, un autre plus loin encore, et
pourtant vous pouvez voir chacun d’entre eux. Il y a de la
géographie extérieure dans cet intérieur. Le sentiment étrange,
solitaire, d’avoir été oublié par le monde. C’est une sorte de
piège, quelque part. »
La curieuse
frontière de séparation entre la Californie et le Nevada constitue
une métaphore qui perdure tout au long du film. Drew Goddard
explique : « De la chaleur et de la lumière à l’ouest ;
de l’espoir et des opportunités à l’est. La Californie est
chaleureuse et lumineuse, elle attire les gens comme le chant d’une
sirène. Vous éprouvez un élan envers cet endroit. Le Nevada promet
davantage un changement de vie, l’idée que vous pouvez entrer dans
un casino et en ressortir différent. C’est une promesse d’espoir,
associée à l’esprit de conquête du Nevada, un État qui a
commencé par être hors-la-loi avant de devenir doucement l’étendard
du capitalisme. »
Mais même si le
Nevada promet de vous changer, ce n’est pas forcément pour le
mieux : cette route vers le meilleur peut être périlleuse.
C’est au Nevada que Darlene, la Californienne, est invitée à se
rendre par le père Flynn. « C’est au Nevada que se déroulent
les jeux d’argent et les paris, précise Cynthia Erivo. C’est
le côté obscur. Lorsqu’on pénètre au Nevada, on sait que les
choses vont mal tourner – c’est vrai pour quiconque franchit la
ligne. »
Martin Whist, le
chef décorateur, précise : « La séduction de la
Californie est délibérément sournoise. Lorsque les gens voient la
partie californienne de l’hôtel, ils pensent à l’optimisme, la
chaleur et le côté accueillant qu’elle représente. Mais en
réalité, c’est un démon. Car derrière cette façade enjouée
rampent la corruption, le mal et la suspicion. »
Le thème de la
rédemption se retrouve dans la structure du bâtiment principal. Le
chef décorateur souligne : « Je voulais créer l’esprit
d’une nef d’église à l’intérieur. Il y a une notion
d’élévation dans l’architecture. On a l’impression de se
promener dans une cathédrale – avec un juke-box à une extrémité.
Un juke-box qui attire tous les regards à l’arrivée. »
DES CHANSONS ROYALES
Pour créer
l’ambiance sonore qu’il souhaitait, Drew Goddard a engagé le
producteur de musique Harvey Mason. Ce dernier raconte :
« Lorsque Drew Goddard, le producteur Jeremy Latcham et moi
avons discuté pour la première fois du projet, Drew avait une
idée très précise de ce qu’il voulait entendre. Toutes les
chansons étaient évidemment pré-écrites, mais elles ont été
choisies parce que les paroles correspondaient à l’histoire et à
l’état d’esprit que Drew voulait transmettre selon les scènes.
Elles ont donné plus de profondeur à l’histoire et certaines
livraient encore davantage d’informations sur les personnages. Drew
a fait un superbe travail en choisissant les chansons et il les a
intégrées au scénario de manière unique. On pourrait croire à
une comédie musicale, mais ce n’en est pas une. »
« Mon
travail, ajoute Harvey Mason, a consisté à rendre la musique
authentique et unique pour ce film. Nous ne voulions pas de version
karaoké des chansons. Nous voulions quelque chose qui corresponde
vraiment à cet environnement incroyable mais qui reste fidèle aux
chansons originales. Nous devions marcher sur le fil entre respecter
l’original de la chanson et rester dans l’époque du film. »
Ils sont notamment
parvenus à cette originalité en enregistrant Cynthia Erivo en
direct sur le plateau. « Ce n’était pas du play-back,
c’était une performance live, précise Harvey Mason. Lorsque
Cynthia chantait, nous avons utilisé une musique pré-enregistrée,
mais nous avons enregistré la voix en live. En général, les gens
ne sont pas assez courageux pour enregistrer sur un plateau. Mais
nous avions un réalisateur et des producteurs exceptionnels, et
Cynthia est une fantastique chanteuse. Elle puise sa grande force
dans son expérience acquise à Broadway. Elle a une voix puissante
et est d’une grande précision dans son interprétation. Elle peut
recommencer encore et encore en gardant la même émotion. Nombreux
sont ceux qui en sont capables une fois, peut-être deux, mais elle,
elle peut le faire encore et encore et encore. Elle est tellement
talentueuse ! C’aurait été stupide de ne pas en profiter, et
ça a donné quelque chose d’exceptionnel. »
Cynthia Erivo a
elle aussi adoré cette approche et elle est très fière de ce
qu’elle a accompli. Elle explique : « Chaque fois que
l’on me voit chanter dans le film, je chante pour de vrai. Bien
sûr, il y a eu des difficultés. Il y a une scène que l’on a
refaite 20 fois d’affilée, un morceau de quatre minutes qu’il a
fallu chanter encore et encore. Bien sûr vous êtes fatiguée, mais
il fallait trouver le moyen de ne pas perdre en qualité. J’étais
intransigeante sur ce point. Tout le monde m’a beaucoup aidée, en
s’assurant que tout allait bien pour moi, en m’apportant tout ce
dont j’avais besoin pour garder une bonne voix. J’avais de l’eau,
du thé, un humidificateur, le chauffage était à la bonne
température : tout était fait pour que je puisse continuer. »
Et lorsque Cynthia
Erivo chantait, l’atmosphère était électrique. Jeff Bridges
raconte : « Lorsque vous avez une chanteuse comme Cynthia,
c’est un pur régal. Les autres membres du casting, de l’équipe
technique et moi-même avons été chanceux d’être là pendant ses
performances. Nous avons pu écouter tout au long de la journée ces
magnifiques mélodies. Ça vous emmène ailleurs. C’est tellement
beau... Quelle sublime actrice ! »
Cynthia Erivo
sourit et retourne le compliment. « Jeff est quelqu’un de
bien, j’avais hâte de me retrouver sur le plateau avec lui et
de le prendre dans mes bras. Il est tellement généreux, et il crée
une magnifique énergie dans la pièce lorsque vous tournez une scène
avec lui. Vous pouvez le faire de milliers de façons différentes,
c’est toujours vrai, réel, et c’est magnifique. »
LE DRESS CODE
Le chef costumier
Danny Glicker a également aidé les acteurs à rester fidèles à
leurs personnages. Il confie : « SALE TEMPS À L’HÔTEL
EL ROYALE a été une occasion unique pour moi d’entourer chaque
personnage d’un niveau de détail et d’attention très élevé
pour répondre à ce qu’exigeait l’histoire. Et pour un
costumier, le personnage, c’est tout. Ce fut une expérience
enivrante de passer autant de temps sur chaque personnage avec Drew,
de se concentrer sur chaque acteur et son rôle spécifique. Ce que
j’ai beaucoup aimé dans ce projet, c’est l’opportunité pour
moi de raconter la vérité sur le personnage mais de dire aussi ses
mensonges, selon la manière dont chacun se présente au début du
film. »
Danny Glicker confie que ce sont les
nuances apportées par Drew Goddard à l’écriture de son scénario
qui lui ont donné une idée précise des personnages. Le chef
costumier raconte : « L’une des phrases du scénario que
j’ai adorée, c’est : ‘On voit les chaussures de sport de
Miles qui se précipitent’. À ce moment-là, j’ai su qui était
Miles. Il n’est pas encore arrivé à la réception. On n’a vu
que le bas de son corps. C’est un enfant qui arrive à peine à
adopter l’attitude correcte devant ses clients, à ‘bien
présenter’. Sans cette phrase, je ne sais pas si j’aurais
compris Miles aussi vite. Nous l’avons donc doté de la paire de
chaussures que porte le personnage de Mister Rogers (dans la
célèbre émission pour la jeunesse de l’époque animée par Fred
Rogers, « Mister Rogers’ Neighborhood »), des
chaussures usées les plus parfaites qui soient. Ce genre de détails
inclus dans le scénario de Drew ont vraiment permis de profiler les
personnages. »
BIENVENUE À L’HÔTEL
EL ROYALE
Le plus grand rôle revient peut-être
à l’hôtel El Royale lui-même. Mis à part les retours dans le
passé des personnages, toute l’action se déroule dans un seul
lieu. Pour aborder cette difficulté, les producteurs se sont tournés
vers le chef décorateur Martin Whist. Celui-ci avait déjà
travaillé avec Drew Goddard sur le film CLOVERFIELD, dont Goddard
était scénariste, puis lors de ses débuts en tant que réalisateur
sur LA CABANE DANS LES BOIS. Whist a engagé l’ensemblier Hamish
Purdy, avec qui il était allé au lycée en Colombie-Britannique
(tous les deux ont poursuivi des carrières dans le cinéma, mais à
la base dans des voies séparées), et le superviseur artistique
Michael Diner.
Normalement, un film comme celui-ci
aurait dû allier des plans extérieurs tournés en décors réels
associés à des décors intérieurs construits en studio. Mais
Martin Whist s’est rapidement rendu compte que ça ne
fonctionnerait pas avec l’hôtel El Royale, à cause d’une
interaction complexe entre les intérieurs et les extérieurs, et
entre les pièces intérieures de l’hôtel. Le chef décorateur
raconte : « Il était évident que nous allions devoir
créer l’ensemble des extérieurs en studio, ainsi que les
intérieurs des pièces et le hall de l’hôtel. En termes de
budget, c’était plus lourd, mais il fallait que l’on puisse
entrer et sortir de l’hôtel sans couper à la prise de vues. Ça
devait être un seul et même environnement. Nous avons fini par
construire des façades extérieures pour le lieu des arrivées en
voiture, et nous avons tourné ces scènes en journée pour pouvoir
avoir la lumière naturelle du jour, mais c’est tout. »
Au final, l’équipe décoration a
créé un décor de près de 1 000 mètres carrés sur un plateau de
5 500 mètres carrés dans les studios Mammoth à Burnaby, près
de Vancouver, en Colombie-Britannique.
Non seulement ce genre de plateau est
très rare – c’était la première fois en 20 ans de carrière
pour Michael Diner – mais cela présente d’énormes difficultés.
Le timing, pour commencer. Sur la plupart des films, les décors
continuent d’être construits et accessoirisés une fois le
tournage lancé, les premiers décors étant démontés après que
leurs scènes y ont été tournées, et la production progresse
ainsi. Mais le décor complet de l’hôtel El Royale devait être
prêt dès le premier jour de tournage, pour les plans intérieurs
comme extérieurs, et convenir aux jours de pluie comme aux jours
secs. Pour les décorateurs, cela voulait dire un planning de
production très serré où tout devait être pré-visualisé
jusqu’au plus infime détail. Il ne s’agissait pas de créer puis
modifier un meuble si jamais il ne convenait pas, ou de changer la
couleur d’une peinture ou un modèle de tapis si finalement le
réalisateur ne l’aimait pas ou trouvait qu’il ne reflétait pas
la lumière comme prévu.
« Tout a été fait sur mesure,
raconte l’ensemblier Hamish Purdy. En soi, ce n’est pas
difficile, mais cela prend du temps. Vous devez choisir les
matériaux, faire des essais, les renvoyer, procéder à des
ajustements, faire à nouveau des essais, recommencer, ensuite
calculer la quantité dont vous avez besoin, prendre en compte les
cascades, les coups de feu et tout ce qui va endommager le décor. Et
il y avait des contraintes de temps incompressibles, par exemple le
délai de fabrication pour l’usine qui fournissait 1 000
mètres carrés de moquette spécialement pour nous : si nous
n’avions pas passé la commande à temps, cela aurait retardé le
tournage. »
« Ajoutons à cela le fait qu’il
s’agissait d’un film d’époque et que l’on ne peut pas juste
aller faire un tour au magasin du coin pour acheter le matériel. Par
exemple, une partie du papier peint a été fabriquée selon une
technique de sérigraphie et de flocage des années 1950. Un autre a
été créé par un vendeur dans l’Idaho qui fabrique du papier
antique en utilisant la xylographie. Pour d’autres éléments,
comme l’enseigne lumineuse, il ne reste que peu de fabricants, et
la plupart des composants mécaniques et électriques nécessaires
sont rares et difficiles à trouver. Et les roulettes, tellement
essentielles aux dernières scènes, coûtent cher et sont difficiles
à obtenir, en particulier lorsque vous en avez besoin de deux
identiques. Pourtant, ce n’est rien par rapport aux 24 machines à
sous de l’époque qu’il a fallu réunir… »
Hamish Purdy reconnaît cependant que
tout n’a pas été si difficile. « En faisant des recherches,
nous avons constaté qu’il y avait beaucoup de tourisme et de jeu
dans la région. Tahoe avait des équipes de ski nautique, proposait
des courses de bateaux et toutes sortes d’activités que l’on
pratique sous le soleil californien. J’ai réussi à retrouver des
brochures promotionnelles de casinos qui existaient à Tahoe à cette
époque. Ils avaient une promotion appelée ‘Mise de départ’.
C’était un coupon d’une valeur de 15 $ pour jouer dans un
casino partenaire de l’opération. Une autre faisait de la pub pour
des danseuses de cancan. Mais la meilleure, celle que Drew préférait,
c’était le « buffet avec du jambon à volonté. »
Aujourd’hui, cela fait sourire, mais à l’époque c’était très
courant. »
Avant même que l’équipe de
production puisse commencer à faire des essais avec le matériel et
à faire fonctionner les roulettes, les machines à sous et autres
objets d’époque, l’ensemble du décor a dû être cartographié
pour correspondre à la « chorégraphie spatiale » du
scénario, à la dizaine de centimètres près. Martin Whist
explique : « L’espace devait s’agencer à la
perfection pour le scénario, comme si l’on avait affaire à
une danse très élégante. Drew et moi avons entièrement
chorégraphié les scènes, par exemple, comment on voit depuis la
porte principale l’arrivée d’Emily, comment faire le lien avec
l’espace réception, et comment le comptoir est lié avec la
cafetière, et la cafetière par rapport à la zone de restauration,
aux banquettes, et au distributeur automatique. Le décor est
tellement ouvert que chaque zone devait pouvoir être utilisée pour
sa propre scène mais aussi comme arrière-plan pour d’autres
scènes ; tout devait donc être unifié et intéressant à
voir, que ce soit pour le premier plan ou l’arrière-plan. Ensuite
la mise en place, la chorégraphie précise des déplacements des
acteurs et le chronométrage des plans ont déterminé par exemple,
la longueur de l’aile et la distance entre les fenêtres. Qui à
leur tour, ont déterminé les dimensions des pièces – qui à ce
moment-là étaient trop grandes. Nous avons dû faire plusieurs
va-et-vient pour obtenir ce que Drew souhaitait, à la fois en ce qui
concernait la durée et le rendu visuel. Je n’ai pas créé un
espace pour que Drew cherche ensuite à voir comment l’utiliser,
c’était l’inverse, et pour moi ce n’était pas habituel.
C’était surprenant. »
Alors que Martin Whist s’attaquait à
la question de la grandeur et de la structure des pièces, le
directeur de la photographie Seamus McGarvey devait trouver comment
filmer à travers les vitres sans tain qui sont révélées au fil
des événements. Il raconte : « La difficulté ici était
que Drew voulait voir le reflet de l’acteur qui regarde dans la
pièce mais il désirait également que l’on voie l’intérieur de
la pièce elle-même. Nous devions donc réfléchir à la manière
d’y parvenir. J’ai utilisé ces miroirs sans tain, qui ont été
coûteux à faire faire, mais qui en valent la peine car même si la
luminosité est faible, on a quand même un reflet du côté sombre
tout en pouvant voir l’intérieur de la pièce. Ce sont donc
réellement des miroirs à travers lesquels on observe l’intérieur. »
Pour répondre à tous les besoins du
tournage, quatre types différents de verre ont été utilisés :
du verre pur, du miroir pur, et des miroirs semi-réfléchissants
avec un reflet partiel, soit en 60/40 soit en 70/30, selon la
quantité de reflets voulue et l’intensité de la lumière utilisée
d’un côté ou de l’autre. »
Il a fallu aussi compter avec la
difficulté d’avoir du feu et de la pluie sur un décor construit à
l’intérieur. Pour cela, l’équipe a utilisé un décor surélevé
au-dessus d’une plaque goudronnée permettant la récupération de
l’eau, et y a intégré des tuyaux permettant d’arroser le décor
à la demande avec 4000 litres d’eau.
Pour ce qui est du feu, Drew Goddard
voulait réaliser le plus possible de choses sur le plateau. L’équipe
chargée de la construction des décors a donc utilisé du béton et
du ciment, là où on aurait plutôt utilisé du plâtre, et avec la
collaboration de l’équipe en charge des effets spéciaux, a
découvert que des tissus résistants au feu pouvaient être imprimés
en utilisant une imprimante à jet d’encre pour reproduire les
motifs de la moquette ou des rideaux. L’équipe a même fabriqué
des plantes en métal qui ont l’air authentiques.
La dernière difficulté pour l’équipe
de production, comme s’ils n’en avaient pas eu assez, a été de
répondre à la décision de Goddard de tourner en anamorphique.
Martin Whist détaille : « Le format anamorphique
correspond à une image large à faible hauteur ; le sol et le
plafond ont donc compté davantage dans ce décor que dans tous ceux
que j’ai pu créer auparavant. Je l’ai conçu pour se plier à ce
format d’objectif et au cadrage, grande largeur et faible hauteur,
et aussi pour qu’il puisse impliquer une certaine profondeur. Je
voulais filmer cette distance et pouvoir recadrer, resserrer. Si vous
avez un plafond très haut et un grand espace, vous perdez la notion
de compression ; la densité disparaît et ça devient
inintéressant visuellement. Je voulais que chaque surface soit
visible dans le cadre et que ce soit visuellement intrigant. »
L’équipe a réussi cet exploit en
suspendant l’ensemble du plafond de 1 000 mètres carré du
décor au plafond du studio, il n’y avait donc pas besoin des
structures et poutrelles de soutien habituelles qui auraient pu
entraver le champ des caméras.
L’inconvénient d’un plafond bas
et d’un champ large, cependant, c’est qu’il n’y avait pas de
place pour suspendre l’éclairage. Seamus McGarvey note : « Il
n’y avait nulle part où mettre l’éclairage ordinaire d’un
tournage. Avec un décor de cette ampleur, il aurait fallu
d’ordinaire des projecteurs placés au-dessus pour le
rétroéclairage et pour construire l’ambiance lumineuse globale.
Lorsque j’ai commencé à travailler et que j’ai vu les plans de
construction, je me suis demandé comment j’allais bien pouvoir
éclairer tout ça. Mais avec Martin, nous avons réfléchi à la
manière d’éclairer chaque zone pour pouvoir faire des plans
larges sans avoir recours à du matériel d’éclairage classique. »
« Une autre difficulté qui
s’est présentée, c’est que la plupart de l’action a lieu dans
un seul espace. Mais lorsque j’ai vu les illustrations de Martin et
entendu comment Drew imaginait l’espace, toutes mes inquiétudes
ont disparu, car cet endroit est au final un kaléidoscope d’images.
Ce n’est pas un espace unique, c’est une multitude d’espaces
qui changent. Et il s’est avéré que créer l’ensemble du décor
sur un même plateau était d’entrée de jeu une idée de génie.
En premier lieu, nous tournions à Vancouver, il aurait donc été
impossible de tourner les plans extérieurs de nuit pendant l’hiver,
avec la pluie et les températures sous zéro. Mais tourner en
intérieur donnait au film une ambiance particulière. J’étais en
plus en mesure de contrôler le rétroéclairage de la pluie. Nous
étions très souples dans notre organisation et nous pouvions
modifier assez facilement les axes caméra. Nous pouvions en outre
déclencher ou arrêter la pluie à volonté – ce qui était une
bénédiction pour les acteurs car nous pouvions les laisser se
reposer après plusieurs prises sous une pluie diluvienne. »
SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE a
été tourné sur pellicule et non en numérique. Drew Goddard se
souvient : « Alors que j’écrivais ce film, il m’est
apparu qu’il devait être tourné sur pellicule. Il y a des
motifs financiers légitimes à tourner en numérique, je peux le
comprendre, pourtant j’avais la sensation que ce film appelait la
pellicule. Cela tenait à la manière dont on se souvient des choses,
la manière de les capter, la signification que l’on donne aux
images et aux photos prises il y a longtemps. C’était donc une
question de sensibilité pour moi de tourner sur pellicule. Je
voulais voir le grain. Je voulais voir les bonnes surprises qui
peuvent apparaître sur pellicule et qui n’ont pas lieu lorsque
vous tournez en numérique. »
Heureusement pour Drew Goddard, le
directeur de la photographie qu’il a choisi, le ‘téméraire’
Seamus McGarvey, était du même avis. « Nous étions
exactement sur la même longueur d’onde, » se souvient
celui-ci.
Mais pourquoi en anamorphique ?
Le réalisateur explique : « SALE TEMPS À L’HÔTEL EL
ROYALE a été conçu pour être projeté dans des salles de cinéma.
C’est pour cette raison que nous avons tourné en anamorphique et
sur pellicule. J’adore les salles de cinéma. J’adore cette
expérience commune. Lorsque vous entendez la personne assise à côté
de vous rire pour la même chose que vous, cela créé un lien qui ne
peut exister ailleurs, qui ne se forge pas dans votre salon. Je
voulais tirer pleinement profit de la taille de l’image. Lorsque
vous avez autant d’acteurs, vous avez besoin d’un format large
pour tous les avoir à l’image. J’ai beaucoup observé les films
de Sergio Leone, la manière dont il élargissait le cadrage pour
avoir tous les acteurs à l’image et filmer chacun magnifiquement.
Pour être honnête, rien n’est facile quand vous avez un seul
espace et sept acteurs sur l’écran en même temps, donc tourner en
anamorphique était très important pour moi. »
Pour respecter l’époque à laquelle
se déroule l’histoire, le directeur de la photographie Seamus
McGarvey a utilisé d’anciens objectifs anamorphiques datant de la
période années 60-début 70. Selon lui, « ils ont des
particularités. Chacun d’eux est comme un enfant égaré, plein de
personnalité et d’imperfections que nous avons acceptées. Ce ne
sont pas de parfaits objectifs Zeiss qui offrent une netteté égale
sur toute la surface d’image. Ils ont des aberrations que j’ai
exploitées. Ils présentent des inégalités de surface, des
dépressions, des zones de flou, et la mise au point est
particulièrement difficile. Mais sur un décor comme celui-ci, ils
brouillent un peu les contours. Vous pouvez filmer avec une très
faible profondeur de champ quand vous en avez besoin. Cela permet de
faire le net sur les personnages pour que l’arrière-plan, une fois
qu’il a été révélé grâce à un plan large en début de scène,
s’estompe et que l’on puisse entrer, métaphoriquement parlant,
dans la tête des protagonistes. On peut créer un aspect
psychologique grâce à la photographie. »
Le décor largement ouvert,
l’attention portée aux détails, et les choix de prises de vues
ont eu un effet spectaculaire sur les acteurs. Dakota Johnson résume
très bien ce qu’ont vécu les comédiens lorsqu’elle dit :
« Je n’avais jamais vu un tel décor. C’est un vrai
personnage du film. Il était menaçant, mystérieux, attirant et
terrifiant. Il recelait une énergie étrange, déroutante au départ,
mais par la suite tout le monde s’est senti à l’aise et s’y
est attaché. »
Et plus l’actrice prêtait attention
aux détails élaborés autour d’elle et voyait ses partenaires
interagir avec l’espace, plus la portée de ce qu’ils étaient en
train d’accomplir devenait évidente. « Même le dernier
jour, j’en apprenais encore, se souvient-elle. Je continuais à
découvrir davantage les personnages, le scénario, la conception du
décor, l’architecture du bâtiment, et même les ombres qu’il
projetait. C’était tellement complexe... Je pense que ce sera plus
gratifiant encore chaque fois que l’on reverra le film. C’est une
véritable œuvre d’art. »
Source des notes de production @ Twentieth Century Fox
Notes de production partagées avec l'aimable autorisation de Twentieth Century Fox
#ElRoyale
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