mardi 6 novembre 2018

SALE TEMPS À L'HÔTEL EL ROYALE


Policier/Thriller/Maîtrisé dans sa réalisation & sa narration, super casting, une réussite

Réalisé par Drew Goddard
Avec Jeff Bridges, Cynthia Erivo, Chris Hemsworth, Dakota Johnson, Jon Hamm, Lewis Pullman, Cailee Spaeny, Manny Jacinto, Jim O'Heir, Jonathan Whitesell, Xavier Dolan, Bethany Brown, Mark O'Brien, Nick Offerman...

Long-métrage Américain
Titre original : Bad Times at the El Royale
Durée: 02h22mn
Année de production: 2018
Distributeur: Twentieth Century Fox France

Interdit aux moins de 12 ans

Date de sortie sur les écrans américains : 12 octobre 2018
Date de sortie sur nos écrans : 7 novembre 2018


Résumé : Sept étrangers, chacun avec un secret à planquer, se retrouvent au El Royale sur les rives du lac Tahoe ; un hôtel miteux au lourd passé. Au cours d’une nuit fatidique, ils auront tous une dernière chance de se racheter… avant de prendre un aller simple pour l’enfer.

Bande annonce (VOSTFR)


Extrait - "Le El Royale, prêtres s'abstenir" (VOSTFR)



Ce que j'en ai pensé SALE TEMPS À L'HÔTEL EL ROYALE fait partie de ses films qui vous entraînent sur des chemins narratifs inattendus. Le réalisateur, Drew Goddard, maîtrise son histoire et les mouvements de sa caméra avec beaucoup de dextérité. Il nous montre l'action sous différents points de vue et de ce fait offre un rythme régulier à son long-métrage. Il ne perd jamais notre attention et conserve le sens de ce qu'il narre pendant toute la durée des 2h22 minutes que dure son film sans que ce dernier paraisse long. Il distille les informations au fur et à mesure pour nous donner un contexte. 

L'époque historique a son importance tant parce qu'elle participe indirectement à l'intrigue que par l'ambiance et la mentalité spécifique qui suivent dans son sillon. Le réalisateur la met en valeur du début à la fin. Il en est de même pour le motel El Royale, lieu de convergence des personnages qui est un protagoniste à part entière avec sa position géographique originale, sa structure inattendue ainsi que son décor témoin d'une époque et cinématographique à souhait. 

Le casting est extra. Il faut dire que les personnages sont bien travaillés. De Jeff Bridges qui interprète le Père Flynn, à Cynthia Erivo qui interprète Darlene Sweet, en passant par Chris Hemsworth dans le rôle de Billy Lee ou encore Dakota Johnson dans celui d'Emily Summerspring et Jon Hamm qui interprète Laramie Seymour Sullivan, ils sont tous excellents. Le coup de cœur parmi tous les protagonistes va à Lewis Pullman qui interprète Miles. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à son père, l'acteur Bill Pullman, dont il a hérité le charme et le talent. Il n'y a aucune fausse note parmi les acteurs. 




Et cela est vrai également pour la bande originale qui accompagne les événements en s'accordant sur leur tempo. La musique joue un vrai rôle dans ce film. 

SALE TEMPS À L'HÔTEL EL ROYALE est un film noir, dont la violence crue et intense surprend toujours par le calme qui la précède, qui nous enivre par son parfum de mystère pour mieux nous étonner et nous attirer dans la toile de son récit sur des âmes perdues. C'est une réussite !

Photos et images, avec l'aimable autorisation de Twentieth Century Fox

NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

VOUS AVEZ UNE CHAMBRE ?

En 1958, à l’hôtel El Royale, sur les rives du lac Tahoe, un homme aux abois dissimule un sac de toile sous le parquet de sa chambre. Un peu plus tard dans la nuit, quelqu’un lui rend visite… et l’assassine.

Dix ans plus tard, Darlene Sweet (Cynthia Erivo), une chanteuse de soul, débarque à l’hôtel avec sa valise. L’imperméable transparent qu’elle porte sur sa robe jaune donne l’impression qu’elle s’attend en permanence à voir les choses tourner à l’orage pour elle. Pourtant, cette femme réservée, digne et intègre, blessée mais pas encore vaincue, garde la tête haute.

Danny Glicker, le chef costumier, commente : « L’imperméable de Darlene dit tout d’elle. Elle s’efforce de se protéger du monde, mais elle n’a que de faibles moyens de défense. Elle appartient au monde de ces grands groupes de musique féminins qui, comme les Supremes, avaient un vrai sens du style, classique, sobre et toujours impeccable. Ces femmes ne s’habillaient jamais de manière tape-à-l’œil et ostentatoire, elles étaient toujours très distinguées et élégantes. Lorsque l’on rencontre Darlene pour la première fois sur le parking, on l’identifie tout de suite comme une vraie lady. Mais c’est aussi une femme qui voyage seule, et à mesure que l’histoire avance, on apprend qu’elle a vécu des choses traumatisantes. La façade impeccable qu’elle présente au monde est sa manière à elle de conserver quelque chose de précieux qu’elle a peur de perdre. »

Pour Cynthia Erivo, la robe jaune symbolise l’essence même de Darlene. Elle commente : « Le jaune est une couleur si lumineuse qu’elle incarne parfaitement l’aura qui semble se dégager de cette jeune femme. C’est la couleur qui brille en son for intérieur ; on peut lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle a traversé beaucoup d’épreuves et elle a besoin de retrouver confiance en elle, pour savoir qui elle est au fond d’elle-même, et conserver l’amour de la musique qui est son moteur, ce qui la pousse à aller de l’avant. La musique est ce qui lui permet de garder sa pureté. »

Alors que Darlene suit la ligne matérialisée sur le parking pour gagner l’hôtel, lui-même situé sur la frontière entre la Californie et le Nevada, elle rencontre un prêtre, le père Daniel Flynn, qui paraît perdu et troublé. Jeff Bridges, qui incarne ce personnage, commente : « À première vue, c’est un prêtre des petites gens, le genre que l’on s’attend à trouver dans une soupe populaire. Mais il y a autre chose chez cet homme, que l’on perçoit à travers des détails qui ne sautent pas aux yeux à première vue, comme le fait que sa veste et son pantalon ne vont pas ensemble et que son col bâille un peu. Il n’est pas vraiment celui qu’il prétend être. Si vous faites attention, vous repérerez des indices... »

À la réception, déserte, Darlene et Flynn rencontrent un représentant de commerce, Laramie Seymour Sullivan (Jon Hamm), un homme du Sud un peu rustre qui porte une chemise froissée et une cravate brillante sous une veste en tissu écossais criarde – une tenue voyante qui s’accord bien à son bagout. Il n’est pas surprenant qu’un tel personnage insiste pour occuper la tout aussi ostentatoire suite nuptiale à lui tout seul. On comprend à travers ses paroles – presque un monologue – que l’hôtel El Royale était autrefois l’endroit où il fallait se montrer à Tahoe. Les célébrités et les figures politiques du pays fréquentaient l’hôtel et son casino, le bar, la piscine et les somptueuses chambres.

Mais cette époque est révolue – tout comme la décennie qui s’achève. L’hôtel El Royale a perdu sa licence de jeu, les célébrités ont cessé de venir, et les choses se sont très vite dégradées. Désormais, dans le hall d’entrée qui a perdu de son éclat et où l’on n’entend plus de rires, Flynn, Sweet, et Sullivan sont finalement accueillis par le gérant et unique employé de l’hôtel, Miles Miller (Lewis Pullman). Âgé de 20 ans, vêtu d’une chemise mal coupée et d’une veste défraîchie aux armes de l’hôtel, le jeune Miller a l’air de ne pas être à sa place, comme si on l’avait abandonné ici des années auparavant et qu’on avait oublié de prévenir sa famille.

Lewis Pullman déclare : « Miles est un drôle de type. Il n’est pas bien dans sa peau, il est nerveux et clairement, il ne maîtrise pas tout dans son établissement. On ne sait pas depuis combien de temps il est là ni pourquoi il est venu à l’hôtel El Royale. Il donne l’impression de se trouver dans un étrange purgatoire où il attend que l’inéluctable se produise. Il se révèle à mesure que l’histoire se poursuit, comme une sorte de poupée russe. On ne cesse de découvrir de nouvelles facettes de son histoire et de son personnage. »

Alors que Flynn et Darlene se décident sur la chambre – et donc l’État – dans lequel ils souhaitent séjourner, une voiture de sport arrive sur le parking en faisant crisser ses pneus. Débarque alors à l’hôtel Emily Summerspring (Dakota Johnson), une hippie dont les vêtements et l’attitude affirmée montrent qu’elle appartient clairement à la seconde vague du féminisme. Le chef costumier affirme : « Emily incarne la ‘self-made woman’ de 1969. Toute sa vie, elle a lutté, elle a dû faire preuve de force et a donc beaucoup d’assurance, elle est très affirmée, un peu crâneuse. » Vêtue d’un jean moulant, d’un gilet sans manches et d’une veste en cuir à franges, elle a une présence physique incroyable, puissante et excitante. » Emily demande une chambre, jette son argent sur le comptoir, attrape la clé et sort du hall aussi vite qu’elle y est entrée.

Quatre clients, un hôte étrange, et deux autres personnages encore à venir. Il va y avoir des rebondissements, des retournements de situations, des secrets. À l’hôtel El Royale, l’enfer est sur le point de se déchaîner…

CE QUI SE PASSE À L’HÔTEL EL ROYALE…

Jon Hamm raconte : « Quand j’étais enfant, nous voyagions presque partout en voiture. Je vivais dans l’État du Missouri, au beau milieu du pays, il était donc facile d’aller partout, mais prendre l’avion était un luxe qui coûtait cher, on s’empilait donc dans la voiture pour aller jusqu’en Floride. Nous sommes allés dans l’Utah. Nous sommes descendus au Texas, puis remontés dans le Wisconsin. Nous avons atteint Chicago. Je me souviens qu’on allait souvent dans des hôtels comme l’El Royale, et c’était génial. Toute une aventure ! Enfant, vous ne vous rendez pas vraiment compte du côté un peu sordide de tout ça. On prend juste ces endroits pour de nouveaux lieux sympas à découvrir, en espérant qu’il y aura une piscine... »

Si le scénario ravivait de bons souvenirs chez Jon Hamm, son partenaire Lewis Pullman, lui, se trouvait justement dans un hôtel de ce genre lorsqu’il a reçu l’appel. Ce dernier se souvient : « J’ai passé une audition, mais au début c’était juste un monologue, je ne savais pas du tout de quoi parlait le film. Ensuite, Drew m’a envoyé le scénario avec une confidentialité digne du FBI. J’étais en voyage le long de la côte californienne avec ma sœur, et nous séjournions dans cet hôtel vieillot entouré de séquoias ; c’était l’endroit parfait pour s’imprégner du scénario. Il est absolument phénoménal. Je n’avais jamais rien lu de tel. C’était incroyable. »

« Incroyable » est aussi le terme que Jeff Bridges a employé pour décrire l’histoire. « Quand j’ai lu le scénario, je me suis dit que je n’avais jamais vu ça, que c’était le genre de film que j’adorerais voir. Apprendre ensuite que le scénariste, Drew Goddard, serait aussi le réalisateur du film, a été un vrai plus. »

Pour Jeff Bridges, « L’une des plus belles surprises, car c’est tellement rare, c’est que certaines prises durent 10 minutes. Cela vous permet vraiment en tant qu’acteur de vous immerger dans la scène. C’est une véritable occasion de montrer ce dont vous êtes capable. Le public est ainsi aspiré dans l’histoire, de la plus belle des manières, lorsque le rythme n’est pas sans cesse coupé. »

Cailee Spaeny, dont la carrière démarre au cinéma, joue Rose, la cinquième cliente de l’hôtel El Royale cette nuit-là. La complexité du scénario et son propre rôle ont été au départ intimidants pour elle. « C’est quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant et je n’étais pas sûre de pouvoir. Ensuite, j’ai rencontré Drew, et c’est la personne la plus sincère et la plus gentille que je connaisse. »

Chris Hemsworth avait déjà travaillé avec Drew Goddard et était un grand fan de son travail, mais le scénario a été pour lui une belle découverte. Il confie : « C’est un des meilleurs scripts que j’ai pu lire. C’est frais, unique, avec des moments dramatiques, un humour sinistre, complexe, et avec une belle profondeur et plusieurs histoires qui s’entrecroisent. Le chaos ne fait que s’intensifier et tout devient un château de cartes qui s’effondre. C’est aussi imprévisible qu’intense. »

De même, son personnage était à ses yeux un autre point fort. « Je ne pensais pas que je m’amuserais autant, confie l’acteur. Dans ma carrière, j’ai souvent eu des rôles de héros, ce qui implique certaines règles auxquelles il faut rester fidèle, donc tout est assez prévisible. Mais ici, pouvoir être imprévisible pour garder le public en haleine a été étonnamment amusant. »

Tourner SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE a permis à Cailee Spaeny de se faire une nouvelle amie et de trouver un mentor en la personne de Dakota Johnson. Cette dernière confie : « Cailee est une magnifique personne, c’est une actrice incroyable et elle est d’une complexité et d’une intelligence merveilleuses. Nous sommes devenues proches et je l’aime beaucoup. C’est très spécial lorsque pareille chose se produit. J’ai rarement connu cela sur un tournage, nouer des liens forts avec quelqu’un et que cela continue hors des plateaux. Elle est très talentueuse et elle a tout l’avenir devant elle. »

La plus grande surprise a sans doute cependant été pour Cynthia Erivo, qui joue Darlene. Elle raconte : « Nous ne pouvions pas avoir le scénario complet, juste quelques scènes, je n’avais donc pas réalisé à quel point le rôle était important. Je savais juste que je devais chanter, j’ai donc fait une vidéo en pensant que ça allait être un petit rôle mais que ce serait quand même génial. Ensuite, j’ai passé une audition avec Drew et Carmen Cuba, la directrice de casting, et je me souviens avoir quitté la pièce en me disant que celle qui aurait ce rôle allait passer de super moments. Plus tard, lorsque nous avons étudié le contrat, je me suis fait la réflexion qu’ils étaient vraiment généreux pour un petit rôle. J’en ai parlé à mon agent en disant : « C’est un plus grand rôle que ce que je pensais, n’est-ce pas ? », et il m’a répondu : « Oh oui, Cynthia ! ». Ce fut une énorme surprise. Si seulement quelqu’un avait filmé ce moment ! J’ignorais complètement que Darlene était le personnage principal. »

Le scénariste et réalisateur Drew Goddard confie : « Je voulais un casting de rêve, donc je savais qu’il fallait que j’écrive un scénario qui allait attirer ces grands acteurs. Je me souviens que sur le tournage, il m’arrivait de regarder Jeff, Cynthia, Chris, Jon, et Dakota sans arriver à y croire. J’observais ces poids lourds du cinéma en me demandant comment j’avais réussi à en arriver là. Je ne réalise toujours pas la chance que j’ai. C’est vraiment très, très spécial. »

Le sentiment était partagé, comme le raconte Jeff Bridges : « Quel réalisateur et scénariste formidable que Drew Goddard ! Les metteurs en scène que je préfère sont ceux qui sont prêts à vous laisser carte blanche, qui créent une ambiance libre et chaleureuse sur le plateau. Et c’est ce que Drew a fait. Vous sentez vraiment chez lui un esprit de collaboration, une douceur et beaucoup de gentillesse, ce qui permet à tout le monde d’être détendu. Et lorsque vous êtes détendu, vous êtes meilleur dans votre travail, vous êtes prêt à explorer diverses manières de faire, d’autres directions de jeu. C’était très encourageant de l’entendre dire ‘Partagez vos idées. Comment vous voyez les choses ?’ J’ai adoré travailler avec lui. Il fait maintenant partie de mes réalisateurs préférés. »

Drew Goddard raconte : « SALE TEMPS A L’HÔTEL EL ROYALE était la définition parfaite d’un projet passionnel. Je l’ai écrit pour moi. J’ai travaillé sur de nombreux films à gros budget, avec beaucoup de prévisualisation et des effets visuels complexes, et un jour je m’en suis plaint auprès de ma femme. Je lui ai dit : ‘Je suis fatigué de tout ça. Mon prochain film, ce sera juste quelques acteurs qui dialoguent dans une pièce.’ Au début je plaisantais, mais ce genre de restrictions peut être positif pour un scénariste. Je me suis donc lancé le défi d’élaborer un scénario où l’on avait plusieurs personnages dans un espace fermé. Comment rendre cela intéressant ? Comment tourner l’histoire lorsqu’elle se déroule principalement dans un même endroit ? Comment modifier ce lieu au cours d’une seule et même nuit ? Toutes ces questions ont apporté leur lot de difficultés, mais je me suis vraiment amusé à y répondre dans l’écriture. Et j’adore les hôtels. J’aime ces lieux où les gens arrivent pour un laps de temps assez court et où se produisent toutes ces rencontres. Je voulais explorer cette idée qu’une nuit dans un hôtel peut changer la vie de quelqu’un. »

Le scénariste et réalisateur ajoute : « Il existe un adage dans l’écriture qui dit : ‘Écris ce que tu veux voir’. Je me suis donc enfermé dans une chambre d’hôtel et j’ai écrit le film que je voulais voir. Tout a commencé avec mon amour du film noir, des romans policiers et des films choraux classiques où vous ne savez pas vraiment qui est le personnage principal et où vous voyez plusieurs stars de cinéma dans un espace limité. Ensuite, j’ai convaincu la Fox de me laisser faire ce film, et voilà le résultat ! »

Drew Goddard a situé son histoire dans les années 1960, période parfaite pour un film qui révèle couche après couche l’action et les personnages. Il observe : « Les années 60 sont le symbole d’un esprit d’érotisme, de chaleur et de fête, mais là-dessous existait une forme de paranoïa. Sous les paillettes et le côté glamour, on surveillait les choses. »

« L’hôtel El Royale n’existe pas, précise le chef décorateur Martin Whist. Ce n’est pas une reproduction. Il n’est même pas d’une authenticité rigoureuse, mais il a le parfum de l’authenticité, il sonne vrai. Vous croyez en cet endroit. Il est confortable. Mais en même temps, il est désormais trop grand car il a été construit pour accueillir un grand nombre de gens alors que peu de personnes y séjournent à présent. Le film est cadré un peu comme un western. Un personnage ici, un autre là-bas, un autre plus loin encore, et pourtant vous pouvez voir chacun d’entre eux. Il y a de la géographie extérieure dans cet intérieur. Le sentiment étrange, solitaire, d’avoir été oublié par le monde. C’est une sorte de piège, quelque part. »

La curieuse frontière de séparation entre la Californie et le Nevada constitue une métaphore qui perdure tout au long du film. Drew Goddard explique : « De la chaleur et de la lumière à l’ouest ; de l’espoir et des opportunités à l’est. La Californie est chaleureuse et lumineuse, elle attire les gens comme le chant d’une sirène. Vous éprouvez un élan envers cet endroit. Le Nevada promet davantage un changement de vie, l’idée que vous pouvez entrer dans un casino et en ressortir différent. C’est une promesse d’espoir, associée à l’esprit de conquête du Nevada, un État qui a commencé par être hors-la-loi avant de devenir doucement l’étendard du capitalisme. »

Mais même si le Nevada promet de vous changer, ce n’est pas forcément pour le mieux : cette route vers le meilleur peut être périlleuse. C’est au Nevada que Darlene, la Californienne, est invitée à se rendre par le père Flynn. « C’est au Nevada que se déroulent les jeux d’argent et les paris, précise Cynthia Erivo. C’est le côté obscur. Lorsqu’on pénètre au Nevada, on sait que les choses vont mal tourner – c’est vrai pour quiconque franchit la ligne. »

Martin Whist, le chef décorateur, précise : « La séduction de la Californie est délibérément sournoise. Lorsque les gens voient la partie californienne de l’hôtel, ils pensent à l’optimisme, la chaleur et le côté accueillant qu’elle représente. Mais en réalité, c’est un démon. Car derrière cette façade enjouée rampent la corruption, le mal et la suspicion. »

Le thème de la rédemption se retrouve dans la structure du bâtiment principal. Le chef décorateur souligne : « Je voulais créer l’esprit d’une nef d’église à l’intérieur. Il y a une notion d’élévation dans l’architecture. On a l’impression de se promener dans une cathédrale – avec un juke-box à une extrémité. Un juke-box qui attire tous les regards à l’arrivée. »

DES CHANSONS ROYALES

Pour créer l’ambiance sonore qu’il souhaitait, Drew Goddard a engagé le producteur de musique Harvey Mason. Ce dernier raconte : « Lorsque Drew Goddard, le producteur Jeremy Latcham et moi avons discuté pour la première fois du projet, Drew avait une idée très précise de ce qu’il voulait entendre. Toutes les chansons étaient évidemment pré-écrites, mais elles ont été choisies parce que les paroles correspondaient à l’histoire et à l’état d’esprit que Drew voulait transmettre selon les scènes. Elles ont donné plus de profondeur à l’histoire et certaines livraient encore davantage d’informations sur les personnages. Drew a fait un superbe travail en choisissant les chansons et il les a intégrées au scénario de manière unique. On pourrait croire à une comédie musicale, mais ce n’en est pas une. »

« Mon travail, ajoute Harvey Mason, a consisté à rendre la musique authentique et unique pour ce film. Nous ne voulions pas de version karaoké des chansons. Nous voulions quelque chose qui corresponde vraiment à cet environnement incroyable mais qui reste fidèle aux chansons originales. Nous devions marcher sur le fil entre respecter l’original de la chanson et rester dans l’époque du film. »

Ils sont notamment parvenus à cette originalité en enregistrant Cynthia Erivo en direct sur le plateau. « Ce n’était pas du play-back, c’était une performance live, précise Harvey Mason. Lorsque Cynthia chantait, nous avons utilisé une musique pré-enregistrée, mais nous avons enregistré la voix en live. En général, les gens ne sont pas assez courageux pour enregistrer sur un plateau. Mais nous avions un réalisateur et des producteurs exceptionnels, et Cynthia est une fantastique chanteuse. Elle puise sa grande force dans son expérience acquise à Broadway. Elle a une voix puissante et est d’une grande précision dans son interprétation. Elle peut recommencer encore et encore en gardant la même émotion. Nombreux sont ceux qui en sont capables une fois, peut-être deux, mais elle, elle peut le faire encore et encore et encore. Elle est tellement talentueuse ! C’aurait été stupide de ne pas en profiter, et ça a donné quelque chose d’exceptionnel. »

Cynthia Erivo a elle aussi adoré cette approche et elle est très fière de ce qu’elle a accompli. Elle explique : « Chaque fois que l’on me voit chanter dans le film, je chante pour de vrai. Bien sûr, il y a eu des difficultés. Il y a une scène que l’on a refaite 20 fois d’affilée, un morceau de quatre minutes qu’il a fallu chanter encore et encore. Bien sûr vous êtes fatiguée, mais il fallait trouver le moyen de ne pas perdre en qualité. J’étais intransigeante sur ce point. Tout le monde m’a beaucoup aidée, en s’assurant que tout allait bien pour moi, en m’apportant tout ce dont j’avais besoin pour garder une bonne voix. J’avais de l’eau, du thé, un humidificateur, le chauffage était à la bonne température : tout était fait pour que je puisse continuer. »

Et lorsque Cynthia Erivo chantait, l’atmosphère était électrique. Jeff Bridges raconte : « Lorsque vous avez une chanteuse comme Cynthia, c’est un pur régal. Les autres membres du casting, de l’équipe technique et moi-même avons été chanceux d’être là pendant ses performances. Nous avons pu écouter tout au long de la journée ces magnifiques mélodies. Ça vous emmène ailleurs. C’est tellement beau... Quelle sublime actrice ! »

Cynthia Erivo sourit et retourne le compliment. « Jeff est quelqu’un de bien, j’avais hâte de me retrouver sur le plateau avec lui et de le prendre dans mes bras. Il est tellement généreux, et il crée une magnifique énergie dans la pièce lorsque vous tournez une scène avec lui. Vous pouvez le faire de milliers de façons différentes, c’est toujours vrai, réel, et c’est magnifique. »

LE DRESS CODE

Le chef costumier Danny Glicker a également aidé les acteurs à rester fidèles à leurs personnages. Il confie : « SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE a été une occasion unique pour moi d’entourer chaque personnage d’un niveau de détail et d’attention très élevé pour répondre à ce qu’exigeait l’histoire. Et pour un costumier, le personnage, c’est tout. Ce fut une expérience enivrante de passer autant de temps sur chaque personnage avec Drew, de se concentrer sur chaque acteur et son rôle spécifique. Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce projet, c’est l’opportunité pour moi de raconter la vérité sur le personnage mais de dire aussi ses mensonges, selon la manière dont chacun se présente au début du film. »

Danny Glicker confie que ce sont les nuances apportées par Drew Goddard à l’écriture de son scénario qui lui ont donné une idée précise des personnages. Le chef costumier raconte : « L’une des phrases du scénario que j’ai adorée, c’est : ‘On voit les chaussures de sport de Miles qui se précipitent’. À ce moment-là, j’ai su qui était Miles. Il n’est pas encore arrivé à la réception. On n’a vu que le bas de son corps. C’est un enfant qui arrive à peine à adopter l’attitude correcte devant ses clients, à ‘bien présenter’. Sans cette phrase, je ne sais pas si j’aurais compris Miles aussi vite. Nous l’avons donc doté de la paire de chaussures que porte le personnage de Mister Rogers (dans la célèbre émission pour la jeunesse de l’époque animée par Fred Rogers, « Mister Rogers’ Neighborhood »), des chaussures usées les plus parfaites qui soient. Ce genre de détails inclus dans le scénario de Drew ont vraiment permis de profiler les personnages. »

BIENVENUE À L’HÔTEL EL ROYALE

Le plus grand rôle revient peut-être à l’hôtel El Royale lui-même. Mis à part les retours dans le passé des personnages, toute l’action se déroule dans un seul lieu. Pour aborder cette difficulté, les producteurs se sont tournés vers le chef décorateur Martin Whist. Celui-ci avait déjà travaillé avec Drew Goddard sur le film CLOVERFIELD, dont Goddard était scénariste, puis lors de ses débuts en tant que réalisateur sur LA CABANE DANS LES BOIS. Whist a engagé l’ensemblier Hamish Purdy, avec qui il était allé au lycée en Colombie-Britannique (tous les deux ont poursuivi des carrières dans le cinéma, mais à la base dans des voies séparées), et le superviseur artistique Michael Diner.

Normalement, un film comme celui-ci aurait dû allier des plans extérieurs tournés en décors réels associés à des décors intérieurs construits en studio. Mais Martin Whist s’est rapidement rendu compte que ça ne fonctionnerait pas avec l’hôtel El Royale, à cause d’une interaction complexe entre les intérieurs et les extérieurs, et entre les pièces intérieures de l’hôtel. Le chef décorateur raconte : « Il était évident que nous allions devoir créer l’ensemble des extérieurs en studio, ainsi que les intérieurs des pièces et le hall de l’hôtel. En termes de budget, c’était plus lourd, mais il fallait que l’on puisse entrer et sortir de l’hôtel sans couper à la prise de vues. Ça devait être un seul et même environnement. Nous avons fini par construire des façades extérieures pour le lieu des arrivées en voiture, et nous avons tourné ces scènes en journée pour pouvoir avoir la lumière naturelle du jour, mais c’est tout. »

Au final, l’équipe décoration a créé un décor de près de 1 000 mètres carrés sur un plateau de 5 500 mètres carrés dans les studios Mammoth à Burnaby, près de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Non seulement ce genre de plateau est très rare – c’était la première fois en 20 ans de carrière pour Michael Diner – mais cela présente d’énormes difficultés. Le timing, pour commencer. Sur la plupart des films, les décors continuent d’être construits et accessoirisés une fois le tournage lancé, les premiers décors étant démontés après que leurs scènes y ont été tournées, et la production progresse ainsi. Mais le décor complet de l’hôtel El Royale devait être prêt dès le premier jour de tournage, pour les plans intérieurs comme extérieurs, et convenir aux jours de pluie comme aux jours secs. Pour les décorateurs, cela voulait dire un planning de production très serré où tout devait être pré-visualisé jusqu’au plus infime détail. Il ne s’agissait pas de créer puis modifier un meuble si jamais il ne convenait pas, ou de changer la couleur d’une peinture ou un modèle de tapis si finalement le réalisateur ne l’aimait pas ou trouvait qu’il ne reflétait pas la lumière comme prévu.

« Tout a été fait sur mesure, raconte l’ensemblier Hamish Purdy. En soi, ce n’est pas difficile, mais cela prend du temps. Vous devez choisir les matériaux, faire des essais, les renvoyer, procéder à des ajustements, faire à nouveau des essais, recommencer, ensuite calculer la quantité dont vous avez besoin, prendre en compte les cascades, les coups de feu et tout ce qui va endommager le décor. Et il y avait des contraintes de temps incompressibles, par exemple le délai de fabrication pour l’usine qui fournissait 1 000 mètres carrés de moquette spécialement pour nous : si nous n’avions pas passé la commande à temps, cela aurait retardé le tournage. »

« Ajoutons à cela le fait qu’il s’agissait d’un film d’époque et que l’on ne peut pas juste aller faire un tour au magasin du coin pour acheter le matériel. Par exemple, une partie du papier peint a été fabriquée selon une technique de sérigraphie et de flocage des années 1950. Un autre a été créé par un vendeur dans l’Idaho qui fabrique du papier antique en utilisant la xylographie. Pour d’autres éléments, comme l’enseigne lumineuse, il ne reste que peu de fabricants, et la plupart des composants mécaniques et électriques nécessaires sont rares et difficiles à trouver. Et les roulettes, tellement essentielles aux dernières scènes, coûtent cher et sont difficiles à obtenir, en particulier lorsque vous en avez besoin de deux identiques. Pourtant, ce n’est rien par rapport aux 24 machines à sous de l’époque qu’il a fallu réunir… »

Hamish Purdy reconnaît cependant que tout n’a pas été si difficile. « En faisant des recherches, nous avons constaté qu’il y avait beaucoup de tourisme et de jeu dans la région. Tahoe avait des équipes de ski nautique, proposait des courses de bateaux et toutes sortes d’activités que l’on pratique sous le soleil californien. J’ai réussi à retrouver des brochures promotionnelles de casinos qui existaient à Tahoe à cette époque. Ils avaient une promotion appelée ‘Mise de départ’. C’était un coupon d’une valeur de 15 $ pour jouer dans un casino partenaire de l’opération. Une autre faisait de la pub pour des danseuses de cancan. Mais la meilleure, celle que Drew préférait, c’était le « buffet avec du jambon à volonté. » Aujourd’hui, cela fait sourire, mais à l’époque c’était très courant. »

Avant même que l’équipe de production puisse commencer à faire des essais avec le matériel et à faire fonctionner les roulettes, les machines à sous et autres objets d’époque, l’ensemble du décor a dû être cartographié pour correspondre à la « chorégraphie spatiale » du scénario, à la dizaine de centimètres près. Martin Whist explique : « L’espace devait s’agencer à la perfection pour le scénario, comme si l’on avait affaire à une danse très élégante. Drew et moi avons entièrement chorégraphié les scènes, par exemple, comment on voit depuis la porte principale l’arrivée d’Emily, comment faire le lien avec l’espace réception, et comment le comptoir est lié avec la cafetière, et la cafetière par rapport à la zone de restauration, aux banquettes, et au distributeur automatique. Le décor est tellement ouvert que chaque zone devait pouvoir être utilisée pour sa propre scène mais aussi comme arrière-plan pour d’autres scènes ; tout devait donc être unifié et intéressant à voir, que ce soit pour le premier plan ou l’arrière-plan. Ensuite la mise en place, la chorégraphie précise des déplacements des acteurs et le chronométrage des plans ont déterminé par exemple, la longueur de l’aile et la distance entre les fenêtres. Qui à leur tour, ont déterminé les dimensions des pièces – qui à ce moment-là étaient trop grandes. Nous avons dû faire plusieurs va-et-vient pour obtenir ce que Drew souhaitait, à la fois en ce qui concernait la durée et le rendu visuel. Je n’ai pas créé un espace pour que Drew cherche ensuite à voir comment l’utiliser, c’était l’inverse, et pour moi ce n’était pas habituel. C’était surprenant. »

Alors que Martin Whist s’attaquait à la question de la grandeur et de la structure des pièces, le directeur de la photographie Seamus McGarvey devait trouver comment filmer à travers les vitres sans tain qui sont révélées au fil des événements. Il raconte : « La difficulté ici était que Drew voulait voir le reflet de l’acteur qui regarde dans la pièce mais il désirait également que l’on voie l’intérieur de la pièce elle-même. Nous devions donc réfléchir à la manière d’y parvenir. J’ai utilisé ces miroirs sans tain, qui ont été coûteux à faire faire, mais qui en valent la peine car même si la luminosité est faible, on a quand même un reflet du côté sombre tout en pouvant voir l’intérieur de la pièce. Ce sont donc réellement des miroirs à travers lesquels on observe l’intérieur. »

Pour répondre à tous les besoins du tournage, quatre types différents de verre ont été utilisés : du verre pur, du miroir pur, et des miroirs semi-réfléchissants avec un reflet partiel, soit en 60/40 soit en 70/30, selon la quantité de reflets voulue et l’intensité de la lumière utilisée d’un côté ou de l’autre. »

Il a fallu aussi compter avec la difficulté d’avoir du feu et de la pluie sur un décor construit à l’intérieur. Pour cela, l’équipe a utilisé un décor surélevé au-dessus d’une plaque goudronnée permettant la récupération de l’eau, et y a intégré des tuyaux permettant d’arroser le décor à la demande avec 4000 litres d’eau.

Pour ce qui est du feu, Drew Goddard voulait réaliser le plus possible de choses sur le plateau. L’équipe chargée de la construction des décors a donc utilisé du béton et du ciment, là où on aurait plutôt utilisé du plâtre, et avec la collaboration de l’équipe en charge des effets spéciaux, a découvert que des tissus résistants au feu pouvaient être imprimés en utilisant une imprimante à jet d’encre pour reproduire les motifs de la moquette ou des rideaux. L’équipe a même fabriqué des plantes en métal qui ont l’air authentiques.

La dernière difficulté pour l’équipe de production, comme s’ils n’en avaient pas eu assez, a été de répondre à la décision de Goddard de tourner en anamorphique. Martin Whist détaille : « Le format anamorphique correspond à une image large à faible hauteur ; le sol et le plafond ont donc compté davantage dans ce décor que dans tous ceux que j’ai pu créer auparavant. Je l’ai conçu pour se plier à ce format d’objectif et au cadrage, grande largeur et faible hauteur, et aussi pour qu’il puisse impliquer une certaine profondeur. Je voulais filmer cette distance et pouvoir recadrer, resserrer. Si vous avez un plafond très haut et un grand espace, vous perdez la notion de compression ; la densité disparaît et ça devient inintéressant visuellement. Je voulais que chaque surface soit visible dans le cadre et que ce soit visuellement intrigant. »

L’équipe a réussi cet exploit en suspendant l’ensemble du plafond de 1 000 mètres carré du décor au plafond du studio, il n’y avait donc pas besoin des structures et poutrelles de soutien habituelles qui auraient pu entraver le champ des caméras.

L’inconvénient d’un plafond bas et d’un champ large, cependant, c’est qu’il n’y avait pas de place pour suspendre l’éclairage. Seamus McGarvey note : « Il n’y avait nulle part où mettre l’éclairage ordinaire d’un tournage. Avec un décor de cette ampleur, il aurait fallu d’ordinaire des projecteurs placés au-dessus pour le rétroéclairage et pour construire l’ambiance lumineuse globale. Lorsque j’ai commencé à travailler et que j’ai vu les plans de construction, je me suis demandé comment j’allais bien pouvoir éclairer tout ça. Mais avec Martin, nous avons réfléchi à la manière d’éclairer chaque zone pour pouvoir faire des plans larges sans avoir recours à du matériel d’éclairage classique. »

« Une autre difficulté qui s’est présentée, c’est que la plupart de l’action a lieu dans un seul espace. Mais lorsque j’ai vu les illustrations de Martin et entendu comment Drew imaginait l’espace, toutes mes inquiétudes ont disparu, car cet endroit est au final un kaléidoscope d’images. Ce n’est pas un espace unique, c’est une multitude d’espaces qui changent. Et il s’est avéré que créer l’ensemble du décor sur un même plateau était d’entrée de jeu une idée de génie. En premier lieu, nous tournions à Vancouver, il aurait donc été impossible de tourner les plans extérieurs de nuit pendant l’hiver, avec la pluie et les températures sous zéro. Mais tourner en intérieur donnait au film une ambiance particulière. J’étais en plus en mesure de contrôler le rétroéclairage de la pluie. Nous étions très souples dans notre organisation et nous pouvions modifier assez facilement les axes caméra. Nous pouvions en outre déclencher ou arrêter la pluie à volonté – ce qui était une bénédiction pour les acteurs car nous pouvions les laisser se reposer après plusieurs prises sous une pluie diluvienne. »

SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE a été tourné sur pellicule et non en numérique. Drew Goddard se souvient : « Alors que j’écrivais ce film, il m’est apparu qu’il devait être tourné sur pellicule. Il y a des motifs financiers légitimes à tourner en numérique, je peux le comprendre, pourtant j’avais la sensation que ce film appelait la pellicule. Cela tenait à la manière dont on se souvient des choses, la manière de les capter, la signification que l’on donne aux images et aux photos prises il y a longtemps. C’était donc une question de sensibilité pour moi de tourner sur pellicule. Je voulais voir le grain. Je voulais voir les bonnes surprises qui peuvent apparaître sur pellicule et qui n’ont pas lieu lorsque vous tournez en numérique. »

Heureusement pour Drew Goddard, le directeur de la photographie qu’il a choisi, le ‘téméraire’ Seamus McGarvey, était du même avis. « Nous étions exactement sur la même longueur d’onde, » se souvient celui-ci.

Mais pourquoi en anamorphique ? Le réalisateur explique : « SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE a été conçu pour être projeté dans des salles de cinéma. C’est pour cette raison que nous avons tourné en anamorphique et sur pellicule. J’adore les salles de cinéma. J’adore cette expérience commune. Lorsque vous entendez la personne assise à côté de vous rire pour la même chose que vous, cela créé un lien qui ne peut exister ailleurs, qui ne se forge pas dans votre salon. Je voulais tirer pleinement profit de la taille de l’image. Lorsque vous avez autant d’acteurs, vous avez besoin d’un format large pour tous les avoir à l’image. J’ai beaucoup observé les films de Sergio Leone, la manière dont il élargissait le cadrage pour avoir tous les acteurs à l’image et filmer chacun magnifiquement. Pour être honnête, rien n’est facile quand vous avez un seul espace et sept acteurs sur l’écran en même temps, donc tourner en anamorphique était très important pour moi. »

Pour respecter l’époque à laquelle se déroule l’histoire, le directeur de la photographie Seamus McGarvey a utilisé d’anciens objectifs anamorphiques datant de la période années 60-début 70. Selon lui, « ils ont des particularités. Chacun d’eux est comme un enfant égaré, plein de personnalité et d’imperfections que nous avons acceptées. Ce ne sont pas de parfaits objectifs Zeiss qui offrent une netteté égale sur toute la surface d’image. Ils ont des aberrations que j’ai exploitées. Ils présentent des inégalités de surface, des dépressions, des zones de flou, et la mise au point est particulièrement difficile. Mais sur un décor comme celui-ci, ils brouillent un peu les contours. Vous pouvez filmer avec une très faible profondeur de champ quand vous en avez besoin. Cela permet de faire le net sur les personnages pour que l’arrière-plan, une fois qu’il a été révélé grâce à un plan large en début de scène, s’estompe et que l’on puisse entrer, métaphoriquement parlant, dans la tête des protagonistes. On peut créer un aspect psychologique grâce à la photographie. »

Le décor largement ouvert, l’attention portée aux détails, et les choix de prises de vues ont eu un effet spectaculaire sur les acteurs. Dakota Johnson résume très bien ce qu’ont vécu les comédiens lorsqu’elle dit : « Je n’avais jamais vu un tel décor. C’est un vrai personnage du film. Il était menaçant, mystérieux, attirant et terrifiant. Il recelait une énergie étrange, déroutante au départ, mais par la suite tout le monde s’est senti à l’aise et s’y est attaché. »

Et plus l’actrice prêtait attention aux détails élaborés autour d’elle et voyait ses partenaires interagir avec l’espace, plus la portée de ce qu’ils étaient en train d’accomplir devenait évidente. « Même le dernier jour, j’en apprenais encore, se souvient-elle. Je continuais à découvrir davantage les personnages, le scénario, la conception du décor, l’architecture du bâtiment, et même les ombres qu’il projetait. C’était tellement complexe... Je pense que ce sera plus gratifiant encore chaque fois que l’on reverra le film. C’est une véritable œuvre d’art. »

Source des notes de production @ Twentieth Century Fox
Notes de production partagées avec l'aimable autorisation de Twentieth Century Fox

  
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