Drame/Comédie/Des dialogues savoureux et de superbes acteurs pour une histoire pleine d'humanité
Réalisé par Martin McDonagh
Avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell, Peter Dinklage, John Hawkes, Lucas Hedges, Caleb Landry Jones, Samara Weaving...
Long-métrage Britannique/Américain
Titre original : Three Billboards Outside Ebbing, Missouri
Durée: 01h55mn
Année de production: 2017
Distributeur: Twentieth Century Fox France
Date de sortie sur les écrans américains : 10 novembre 2017
Date de sortie sur les écrans britanniques : 12 janvier 2018
Date de sortie sur nos écrans : 17 janvier 2018
Ce film a reçu 4
Meilleur film dramatique
***
Meilleure actrice (film dramatique) :
Frances McDormand
***
Meilleur acteur dans un second rôle (film dramatique) :
Sam Rockwell
***
Meilleur scénario :
Martin McDonagh
Résumé : Après des mois sans que l'enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l'entrée de leur ville.
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait - "Hey Dixon" (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : le réalisateur Martin McDonagh nous plonge dans un patchwork de la souffrance humaine avec ses personnages qui doivent affronter des peines intolérables, des douleurs intenables ou encore des déceptions viscérales. La gestion de la souffrance est propre à chaque individu et dans ce film, les protagonistes réagissent en fonction de leur personnalité et de leur passé.
Le réalisateur nous guide efficacement dans la mise en place rapide de l'intrigue autour de laquelle certains habitants d'Ebbing, Missouri, petite bourgade paumée, qui assume son côté redneck, vont interagir. Le coup de force du réalisateur est d'utiliser des dialogues affûtés et souvent drôles par leur franchise brutale pour alléger son propos et conférer à son film un statut de divertissement sur fond de thématique dure. En même temps, sa réalisation capte impeccablement l'ambiance de la petite ville ainsi que les fêlures de ces habitants. Sa mise en scène est précise, elle met en avant habilement les éléments nécessaires pour nous guider au cœur de ces tranches de vie.
Au centre de l'intrigue, il y a trois panneaux publicitaires déclencheurs de questionnements, de remises en question et d'affrontements. Ils sont un des personnages du film à part entière et, quelque part, le miroir du cheminement intérieur des protagonistes.
Ces derniers sont superbes dans leur volonté, leurs imperfections, leur force, leur vulnérabilité. Frances McDormand est impressionnante et formidable dans le rôle de Mildred Hayes par son calme apparent, cette rage rentrée qu'on sent prête à surgir à tout moment.
Elle s'impose face à ses excellents partenaires de jeu dont Woody Harrelson à la fois drôle et touchant dans le rôle du chef de la police Bill Willoughby ou encore Sam Rockwell, parfait, dans celui de Jason Dixon, un flic tocard qui doit prendre beaucoup de maturité pour son bien et celui de son entourage, sans oublier Caleb Landry Jones qui impose sa personnalité originale et touchante dans le rôle de Red Welby.
Avec 3 BILLBOARDS : LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE, Martin McDonagh réussit à nous subjuguer autour des réactions pleines d'humanité et de désespoir de personnages suite à un fait divers sordide. Entre superbes acteurs et réalisation soignée, c'est une très belle découverte cinématographique.
Le réalisateur nous guide efficacement dans la mise en place rapide de l'intrigue autour de laquelle certains habitants d'Ebbing, Missouri, petite bourgade paumée, qui assume son côté redneck, vont interagir. Le coup de force du réalisateur est d'utiliser des dialogues affûtés et souvent drôles par leur franchise brutale pour alléger son propos et conférer à son film un statut de divertissement sur fond de thématique dure. En même temps, sa réalisation capte impeccablement l'ambiance de la petite ville ainsi que les fêlures de ces habitants. Sa mise en scène est précise, elle met en avant habilement les éléments nécessaires pour nous guider au cœur de ces tranches de vie.
Au centre de l'intrigue, il y a trois panneaux publicitaires déclencheurs de questionnements, de remises en question et d'affrontements. Ils sont un des personnages du film à part entière et, quelque part, le miroir du cheminement intérieur des protagonistes.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
« Que
dit la loi à propos de ce qu’on peut et ne peut pas dire
sur
un panneau publicitaire? »
- Mildred
Hayes
Avec 3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE, Martin McDonagh
dresse un portrait sans concession de l’Amérique profonde à
travers l’histoire d’une mère poussée dans ses derniers
retranchements par l’incapacité de la police locale à élucider
le meurtre de sa fille. Il s’agit du troisième film du dramaturge,
scénariste et réalisateur irlandais à qui l’on doit également
le thriller à succès BONS BAISERS DE BRUGES, dont le scénario a
été nommé à l’Oscar et primé aux BAFTA Awards, ainsi que la
comédie policière 7 PSYCHOPATHES.
L’histoire débute lorsque Mildred Hayes décide de louer trois
panneaux publicitaires sur Drinkwater Road. Martin McDonagh se
souvient : « J’ai imaginé que la locataire des panneaux
était une mère exaspérée et le scénario s’est presque écrit
tout seul. Mildred est une femme forte, déterminée et en colère,
mais également brisée. C’est de là qu’est née l’histoire. »
Le film a séduit l’actrice oscarisée Frances McDormand, qui y
incarne une version moderne et féminine du héros de western
classique qui doit livrer bataille. Elle explique : « Sur
le plan physique, je me suis beaucoup inspirée de John Wayne car je
n’avais aucune référence féminine pour nourrir le personnage de
Mildred. Elle s’inscrit dans la tradition de « l’homme
mystérieux » des westerns spaghettis, l’étranger qui
débarque en ville, revolver à la main, et dégomme tout le monde –
à ceci près que la seule arme qu’utilise Mildred est son
intelligence. »
Le réalisateur commente : « Toutes ces influences étaient
palpables dans l’attitude et la manière de marcher de Frances. Je
pense que John Wayne est devenu une référence pour elle dans une
certaine mesure, mais j’ai aussi perçu du Marlon Brando et du
Montgomery Clift dans son interprétation. »
Mildred Hayes est le premier personnage principal féminin écrit par
Martin McDonagh pour le cinéma, mais c’est aussi peut-être le
plus implacable, car il s’agit d’une mère blessée et dénuée
de regrets qui met la cohésion de sa petite ville à rude l’épreuve.
Martin McDonagh et Frances McDormand sont entourés par les acteurs
acclamés Woody Harrelson, Sam Rockwell, Abbie Cornish, John Hawkes,
Lucas Hedges et Peter Dinklage.
LE
SCÉNARIO
« On
dirait que la police locale est trop occupée à torturer les Noirs
pour
s’embêter à résoudre un vrai crime.
Donc
je me suis dit que ces panneaux l’aideraient peut-être
à
revoir ses priorités. »
- Mildred
Hayes
3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE repose sur le conflit qui
oppose Mildred Hayes au chef de la police d’Ebbing. Martin McDonagh
raconte : « C’est l’histoire d’une guerre entre deux
personnes qui, dans une certaine mesure, ont toutes les deux raison.
C’est de là que naît toute la tension dramatique du film. »
Le film explore ce qui se produit lorsque la rage ne peut être
apaisée. Alors que la tension monte, il aborde les thèmes de la
division, de la colère et du poids de la morale. Le réalisateur
explique : « Que faire quand le chagrin et la colère que
l’on éprouve ne trouvent pas d’exutoire ? Que peut-on
faire, de constructif ou de destructeur, pour faire bouger et avancer
les choses ? J’avais envie de m’intéresser à ce qui se
passe lorsque l’on a perdu tout espoir mais que l’on décide de
continuer à se démener jusqu’à ce qu’il renaisse. Je pense que
la raison pour laquelle ce film est si différent des films policiers
en général, c’est que l’on ignore si le crime dont il est
question pourra être résolu. »
Le principal défi de Martin McDonagh a consisté à trouver
l’équilibre entre l’humour noir de l’histoire et la quête
poignante de Mildred. Il s’est attaché à ce que l’humour,
sombre et cinglant, soit présent quand bien même ses personnages
chancèlent sous le poids du deuil, du sentiment d’injustice et de
l’immobilisme.
Il explique : « Ce qui est arrivé à la fille de Mildred
est tellement triste et tellement atroce qu’il m’a semblé que le
plus important était de canaliser l’humour, aussi noir fût-il, et
de s’assurer que le ton du film soit dominé par le combat que mène
Mildred contre le désespoir. »
La manière singulière qu’a Martin McDonagh de mêler plusieurs
tons a particulièrement séduit les acteurs. Lucas Hedges déclare :
« Les dialogues de Martin sont à la fois fantastiques et
parfaitement réalistes, ce dont rêvent tous les acteurs. Son
écriture est empreinte d’une incroyable sincérité émotionnelle
et est presque shakespearienne par moments tant le niveau est
élevé. »
Abbie Cornish ajoute : « Il y a quelque chose de très
brut dans le ton employé par Martin. Il n’y a aucun écran de
fumée, juste la pure vérité. »
3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE est le film le plus
tragique qu’ait écrit le réalisateur à ce jour, pourtant il y
est aussi question d’espoir. Il commente : « Le point de
départ de l’histoire est très triste mais elle contient aussi
beaucoup d’humour, et avec un peu de chance, les spectateurs la
trouveront également poignante par moments. C’est un peu comme
cela que je vois la vie, j’en perçois la tristesse mais j’ai
tendance à la tempérer en essayant de me concentrer sur le bon côté
des choses, en ayant recours à l’humour, même noir, et en luttant
contre le désespoir. »
Le producteur Graham Broadbent, qui avait déjà pris part à BONS
BAISERS DE BRUGES et 7 PSYCHOPATHES et produit à présent 3
BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE avec Martin McDonagh et
Peter Czernin, déclare : « Le film parvient à osciller
adroitement entre comédie et drame, et démontre une grande
ingéniosité narrative. »
Pour le producteur, c’est l’instinct de Martin McDonagh qui lui a
permis de trouver cet équilibre délicat. « Je pense que cela
lui vient de son expérience au théâtre. Sur le tournage, c’est
comme s’il savait d’avance comment le public allait réagir. Avec
lui, on sait que le scénario qu’il a écrit et les performances
qu’il va obtenir trouveront écho chez les spectateurs. »
MILDRED
« Mince,
du coup j’imagine que c’est sa parole contre la mienne, pas
vrai ?
Un
peu comme dans toutes ces affaires de viol dont on entend parler,
sauf
que cette fois-ci, la gonzesse rend les coups. »
- Mildred
Hayes
Mildred Hayes, qui est à l’origine des évènements du film, est
interprétée par l’actrice Frances McDormand, qui a fait ses
débuts au cinéma dans SANG POUR SANG, le film noir des frères
Coen. Depuis, sa carrière a été couronnée par un Tony Award, un
Emmy Award et un Oscar.
Martin McDonagh déclare : « J’ai écrit le rôle
de Mildred pour Frances car à mes yeux, c’est la seule actrice qui
possédait toutes les qualités nécessaires pour interpréter le
personnage. Je voulais quelqu’un qui ait une sensibilité ouvrière
et rurale ; il fallait aussi que cette personne ne joue pas le
sentimentalisme à outrance. Tout ce que fait Frances est
fondamentalement sincère. Je savais qu’elle saurait exprimer la
douleur de Mildred mais aussi faire preuve d’humour tout en restant
fidèle au personnage. »
Avec Mildred, Frances McDormand incarne un personnage habituellement
réservé aux hommes, celui du héros solitaire qui défie toute une
ville.
Graham Broadbent confie : « Nous n’avons jamais envisagé
de confier le rôle à une autre actrice. Frances a reçu le scénario
dès que Martin a été prêt à le faire lire et elle a accepté de
prendre part au projet, c’est aussi simple que ça. Martin a fait
de Mildred un personnage singulier que Frances habite de manière
exceptionnelle. Les acteurs capables d’exprimer toute la gamme des
émotions comprises entre le chagrin et l’humour sont rares.
Mildred peut parfois se montrer intraitable, mais Frances était
tellement à l’écoute de l’humanité du personnage qu’en
l’espace de quelques répliques comiques, on s’attache à elle. »
Frances McDormand a rencontré Martin McDonagh il y a quinze ans
après une représentation de sa pièce primée « The
Pillowman ». Après que le dramaturge eut brièvement évoqué
sa nouvelle carrière cinématographique, l’actrice lui avait
suggéré de lui écrire un film. Elle raconte : « Je m’en
suis voulu immédiatement d’avoir prononcé ces mots – ça ne se
fait pas de demander ainsi… Et puis quinze ans plus tard, j’ai
reçu le scénario de 3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE que
j’ai adoré. Je n’en revenais pas qu’il me propose le rôle de
Mildred. »
L’actrice poursuit : « Martin possède un talent
particulier pour parler de l’existence humaine d’une façon qui
tient presque de la tragédie grecque. Il s’autorise à explorer
plusieurs concepts fondamentaux à travers cette histoire, et en
choisissant un personnage principal féminin plutôt que masculin, il
la fait basculer dans le tragique. Il joue également sur le genre
cinématographique du film de vengeance moderne – même s’il ne
s’agit pas d’un film sur la vengeance féminine. À travers la
quête de justice de Mildred, l’histoire transcende la question du
sexe pour évoquer la condition humaine. »
Les dialogues puissants de Martin McDonagh ont trouvé écho chez
l’actrice, qui y a retrouvé une sensibilité proche du théâtre :
« Le style de Martin est une forme de réalisme magique, mêlé
ici à de l’Americana gothique, basé sur l’idée que les
habitants des petites villes ne sont pas prosaïques mais
poétiques. »
Elle poursuit : « Martin et moi avons toujours été
honnêtes l’un envers l’autre ; tout ce que j’avais à lui
dire, je le lui disais en face. La nature combative de nos échanges
a fait partie intégrante du processus. Nous ne tournions jamais une
scène sans que je l’interroge sur une réplique ou les motivations
du personnage. Nous nous sommes particulièrement affrontés sur la
question du port du bandana, qui symbolise pour moi le passage à
l’action de Mildred : je voulais qu’elle le porte beaucoup
plus souvent que lui. »
Pour Frances McDormand, outre la tragédie grecque et le réalisme
magique, 3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE puise son
inspiration dans le western. Pour construire le personnage de
Mildred, l’actrice s’est inspirée des icônes fondatrices de ce
genre très masculin, en partie parce qu’elle n’a pu trouver que
très peu d’exemples de femmes dans ces rôles. Elle explique :
« Rétrospectivement, j’avais aussi la Pam Greer des années
70 dans un coin de la tête, sauf que Mildred n’utilise pas sa
sexualité comme elle le faisait. »
Mildred n’a cependant rien d’un bandit armé du vieil Ouest,
c’est une simple mère de famille en quête de justice pour sa
fille. Frances McDormand déclare : « En tant que mère,
on vit dans la peur qu’il arrive quelque chose à son enfant. C’est
comme ça, on ne peut rien y faire. Je n’ai pas donné naissance à
mon fils, j’ai fait sa connaissance lorsqu’il avait six mois,
mais à la seconde où je l’ai tenu dans mes bras, où j’ai
respiré son odeur, j’ai su que j’étais responsable de lui et de
sa sécurité. Je devais veiller sur sa vie. En tant que parent, on
sait aussi combien l’inquiétude et l’anxiété qui vont de pair
avec cette volonté de protéger sa progéniture peuvent grandir avec
le temps. »
L’actrice a fait de la force du chagrin de Mildred le moteur de sa
performance. Elle explique : « Mildred n’est pas une
héroïne, elle est bien plus complexe que cela. La douleur l’a
conduite dans un no man’s land dont on ne revient pas. J’ai été
frappée par le fait que dans la plupart des langues, il n’existe
pas de mot pour décrire sa situation. Si on perd un mari, on est
veuve. Si on perd un parent, on est orphelin. Mais il n’y a pas de
terme pour qualifier un parent qui perd un enfant car biologiquement,
cela n’est pas censé se produire. C’est quelque chose qui
dépasse l’entendement, mais c’est dans cet abîme qu’a été
plongée Mildred, et c’est pourquoi elle tente le tout pour le
tout. »
Une chose était cependant claire pour Frances McDormand :
« Joel [Coen, son mari] m’a dit : « Personne ne se
transforme en dure à cuire, on l’est ou on ne l’est pas. »
Ce sont les circonstances qui font que Mildred laisse s’exprimer
cet aspect de sa personnalité, mais c’est quelque chose qui a
toujours été présent en elle, et cela explique sa relation avec
son ex-mari, Charlie. »
Mildred est également hantée par les échanges virulents qu’elle
a eus avec sa fille, allant jusqu’à lui souhaiter le pire le jour
même de son assassinat. L’actrice s’interroge : « Comment
peut-on vivre avec ça ? La réponse est simple : on ne
peut pas, et Mildred en est la preuve. »
Elle est arrivée à un point où elle n’a plus de larmes à
verser, ce qui explique pourquoi elle est si implacable face à
quiconque tente de se mettre en travers de son chemin. Frances
McDormand observe : « Je pense qu’elle agit ainsi
parce qu’elle n’arrive plus à accéder à sa vulnérabilité ni
à ses émotions. Il est devenu beaucoup plus facile pour elle de
lancer un cocktail Molotov que de pleurer. Mildred m’a fait penser
à cette légende hollandaise qui raconte qu’un petit garçon a
empêché une digue de céder en colmatant une fuite avec son doigt.
Si Mildred retire son doigt et laisse s’écouler le flot de ses
émotions, elle sera noyée, paralysée, alors elle ne le fait pas. »
L’actrice ajoute : « On ne comprend pas toujours son
comportement, mais on n’en vient jamais à la détester ou à la
diaboliser. »
Woody Harrelson, qui incarne le chef Willoughby, la cible des
attaques de Mildred, se dit impressionné par la manière dont
Frances McDormand s’est préparée pour le rôle. « Elle a
travaillé d’arrache-pied pour parvenir à cerner son personnage.
Elle a imaginé l’histoire de toute sa famille ainsi que de sa
fille, qu’on voit à peine dans le film parce qu’elle est déjà
morte lorsque l’histoire commence. Elle travaille à la manière
d’un détective privé, elle rassemble tout ce qu’elle peut sur
son personnage, et les informations qu’elle a glanées nourrissent
son interprétation. Frances possède également un sacré sens de
l’humour, elle a réussi à rendre encore plus drôles des
répliques qui l’étaient déjà dans le scénario. »
Sam Rockwell ajoute : « Frances est une actrice d’une
incroyable intensité dont la détermination et la compassion
correspondent parfaitement à Mildred. Elle fait du personnage une
battante jusqu’au-boutiste. Elle-même possède une forte
personnalité, comme Mildred, elle ne se laisse pas faire, et cela
transparaît très clairement dans le film. »
S’il y a bien une chose sur laquelle Martin McDonagh et Frances
McDormand étaient sur la même longueur d’onde, c’était le ton
à donner au film. Le réalisateur commente : « Nous
étions d’accord sur le fait que la comédie ne devait jamais
prendre le pas sur les émotions de Mildred. Nous pensions tous les
deux que le personnage devait être libre d’exprimer sa rage,
d’être en colère et d’évacuer ses émotions. Frances a dû
jongler avec beaucoup d’éléments en même temps mais elle s’en
est brillamment sortie. »
Au début de sa préparation, Frances McDormand a eu une idée qui a
rapidement trouvé un écho dans son jeu : ne porter qu’une
seule et même tenue tout au long du film. Martin McDonagh se
souvient : « Frances a pensé qu’il serait intéressant
que Mildred porte la même combinaison jour après jour, comme s’il
s’agissait d’un uniforme qu’elle endosse pour mener sa guerre,
et j’ai trouvé que c’était une très bonne idée sur le plan
cinématographique. Nous avons travaillé avec la chef costumière
Melissa Toth pour nous assurer que sa tenue ne soit pas trop monotone
en y ajoutant de petites touches ici et là. J’ai beaucoup aimé
l’idée que Mildred n’ait pas le temps de penser à sa manière
de s’habiller parce qu’elle a un combat à mener. »
La chef costumière ajoute : « La manière dont Frances
interprète Mildred en fait un personnage très radical et pour elle,
il était important de montrer que Mildred livre une bataille qui
l’anime dès qu’elle se lève le matin et enfile ses vêtements.
Elle porte parfois un bandana, et à un moment donné elle a même le
tablier qu’elle porte dans la boutique de souvenirs où elle
travaille par-dessus son costume. La combinaison a vraiment joué un
rôle dans l’interprétation de Frances. Il arrive parfois qu’un
costume libère un acteur et lui permette de s’engager pleinement
dans son personnage. »
Melissa Toth a particulièrement aimé la manière dont son costume a
souligné la férocité de Frances McDormand dans le rôle. Elle
déclare : « Je trouve très intéressant que grâce à ce
rôle, Frances initie un débat sur le type de rôles que les femmes
peuvent et doivent incarner. Mildred ne fait pas dans la
demi-mesure. »
WILLOUGHBY
« Je
fais tout mon possible pour le retrouver, Mme Hayes.
Je
ne pense pas que ces panneaux soient très justes. »
- Shérif Willoughby
Lorsque le message de Mildred Hayes s’affiche sur les panneaux
publicitaires à l’entrée d’Ebbing, il semble viser directement
un homme : le chef de la police locale, Bill Willoughby, qui n’a
pas réussi à résoudre le meurtre de sa fille, la laissant pleine
d’amertume. Mais plus on apprend à connaître le chef Willoughby,
plus il semble évident que l’homme à qui Mildred a déclaré la
guerre livre déjà une bataille sur le front personnel.
Martin McDonagh déclare : « Bill est un type bien qui
tend à voir le meilleur en l’homme. C’est à bien des égards
l’archétype du flic intègre de province, mais on découvre
rapidement qu’il n’est pas en très bonne santé, en plus de quoi
il est désormais confronté à des choix difficiles et de sombres
réalités. Mildred s’en prend à lui pour d’excellents motifs,
mais il a ses propres raisons d’agir comme il le fait. »
Bill Willoughby, qui est à la fois l’ennemi juré et le seul
espoir de Mildred, est incarné par l’acteur nommé deux fois à
l’Oscar Woody Harrelson, que l’on a récemment pu voir dans les
rôles contrastés d’un colonel luttant pour la survie de
l’humanité dans LA PLANÈTE DES SINGES : SUPRÉMATIE et d’un
père alcoolique excentrique dans LE CHÂTEAU DE VERRE.
Le réalisateur, qui est ami avec Woody Harrelson depuis plusieurs
années, lui avait déjà confié le rôle de Charlie Costello, le
gangster boute-en-train de 7 PSYCHOPATHES. Il commente : « Dans
ce film, on découvre une facette différente de Woody car il joue un
rôle à l’opposé de celui qu’il tenait dans 7 PSYCHOPATHES. Il
campe cette fois un personnage plus sincère, plus mélancolique et
plus réaliste auquel il confère non seulement beaucoup d’humour,
mais aussi une profonde intégrité et beaucoup de pudeur. La décence
de Woody transparaît chez Willoughby et je pense que c’est la
raison pour laquelle il est si juste dans ce rôle. »
Graham Broadbent ajoute : « Woody est habitué aux rôles
de hors-la-loi ou de marginaux ; de TUEURS NÉS à RAMPART il
est généralement du mauvais côté de la loi ou incarne des
personnages très sombres. Il est donc intéressant de le voir dans
le rôle de Willoughby, un chef de la police au grand cœur et un
homme admiré et respecté par toute sa communauté. »
L’acteur confie avoir sauté sur l’occasion de retravailler avec
Martin McDonagh. « Martin est selon moi l’un des meilleurs
cinéastes qui soient. Son écriture est originale, dynamique et
drôle avec une grande richesse émotionnelle, et les scénaristes
comme lui sont rares. Il réussit à saisir l’essence des relations
humaines et de la condition humaine tout en maniant brillamment
l’humour, le suspense et l’émotion. »
Woody Harrelson a été impressionné par la capacité de Willoughby
à faire face à toute sorte de pressions sans jamais céder à
aucune. Il observe : « Il est attaqué de manière
virulente par Mildred et il a des soucis de santé, ça fait beaucoup
pour un seul homme. Mais ce que je trouve intéressant chez lui,
c’est qu’il prend tout avec philosophie. Malgré les nombreux
problèmes auxquels il est confronté, il continue à avancer. »
Une fois les panneaux publicitaires installés, Mildred et Willoughby
deviennent instantanément ennemis, ce qui ne veut pas dire qu’ils
ne font pas preuve d’une certaine compréhension mutuelle. Frances
McDormand confie : « Woody et moi n’avons pas vraiment
parlé de nos personnages, ce n’était pas nécessaire. Lui et moi
nous ressemblons beaucoup, au point que je pense qu’il aurait pu
interpréter Mildred et moi Willoughby ! S’il y a un semblant
de tension sexuelle traditionnelle dans ce film, c’est entre ces
deux-là que ça se joue – mais leur relation est bien plus
complexe et plus intéressante que cela. Ils auraient pu être amis
ou partenaires, et dans de meilleures circonstances, ils auraient pu
trouver les réponses à leurs questions ensemble. »
La dévotion totale de Willoughby envers sa famille a touché Woody
Harrelson, qui déclare : « Je me suis identifié à sa
volonté de prendre soin de ses enfants et de sa femme. J’aime
aussi le fait qu’il ne s’appesantit pas sur ses problèmes de
santé, il est déterminé à continuer à vivre sa vie et refuse de
se laisser entraver par la maladie. »
Tandis que les problèmes s’accumulent pour Willoughby, Martin
McDonagh a laissé à Woody Harrelson toute la liberté nécessaire
pour explorer les ressorts émotionnels du personnage. L’acteur
raconte : « Martin n’est pas un réalisateur qui vous
force la main, il se contente de vous donner quelques indications
mais il a une vision très claire de ce qu’il veut et parvient à
vous y emmener avec seulement quelques petits ajustements. Il possède
par ailleurs un solide sens de l’humour, il n’hésitait pas à se
moquer gentiment de moi quand j’en faisais un peu trop, ce qui me
faisait rire au lieu de me déstabiliser. »
Pour Woody Harrelson, l’un des nombreux talents de Martin McDonagh
consiste à créer des personnages plus complexes qu’il y paraît.
Il explique : « Ce qu’il y a d’incroyable avec Martin,
c’est qu’il vous présente des personnages apparemment assez
simples qui se révèlent en fin de compte beaucoup plus profonds
qu’on ne le pensait. Et c’est en les découvrant au-delà des
apparences que l’on s’attache vraiment à eux. La force de son
écriture réside dans sa capacité à créer des personnages
inoubliables. »
Anne, la femme du shérif Willoughby, joue un rôle clé dans la vie
de son mari. Le personnage est interprété par Abbie Cornish, qui
avait déjà collaboré avec Martin McDonagh et Woody Harrelson dans
7 PSYCHOPATHES, ce qui a beaucoup facilité leur relation à l’écran.
L’actrice déclare : « Woody et moi sommes amis, c’était
donc plus facile de nous glisser dans la peau de deux époux très
proches l’un de l’autre. Pour incarner Anne, j’avais besoin de
me sentir libre. Le mariage d’Anne et Willoughby est très évolué,
il repose sur l’amour et l’admiration mutuelle, mais ils ont
aussi plaisir à se moquer l’un de l’autre, à se faire rire
mutuellement et à se séduire au quotidien. C’est comme si la
passion des débuts côtoyait la complicité intime propre à l’amour
intemporel. »
Woody Harrelson a ému sa partenaire par la direction dans laquelle
il a emmené son personnage, et son interprétation n’a fait que
rendre la réaction d’Anne face au déclin de son mari plus
naturelle pour l’actrice. Elle explique : « En tant
qu’acteur, Woody fait preuve d’une authenticité extraordinaire.
Ça a été très touchant de le voir insuffler tant de vie à
Willoughby à un moment de sa vie où la situation semble désespérée.
Willoughby est face à son destin, mais Woody parvient néanmoins à
lui instiller de la vitalité. J’ai aussi pris beaucoup de plaisir
à lui donner la réplique parce que je ne savais jamais ce qu’il
allait faire, et jouer une femme et un mari avec quelqu’un comme
lui est passionnant. »
DIXON
« On
ne traite pas un policier de putain de connard dans son propre
commissariat, Mme Hayes. Ni nulle part ailleurs, en fait. »
- L’agent
Dixon
Dixon, le bras droit de Willoughby, est un policier dont le potentiel
est limité par sa grande intolérance et un tempérament des plus
imprévisibles qui le conduit à usurper l’autorité et le
commandement de son supérieur.
Dixon est interprété par Sam Rockwell, que l’on a pu voir dans la
peau de nombreux personnages inoubliables, dont Chuck Barris dans
CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX, le protégé de l’escroc campé
par Nicolas Cage dans LES ASSOCIÉS, l’astronaute Sam Bell dans
MOON, Kenny Waters, condamné à tort pour meurtre dans
CONVICTION de Tony Goldwyn, Charley Ford, un membre du gang de Jesse
James dans L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD et
Billy Bickle dans 7 PSYCHOPATHES pour Martin McDonagh.
À propos du personnage, le réalisateur déclare : « Dixon
semble représenter tout ce qu’il y a de pire chez un homme, mais
grâce à l’interprétation de Sam, il se dégage de lui quelque
chose d’enfantin et de touchant malgré son caractère odieux et
ses terribles défauts. »
Woody Harrelson confie : « Dixon est sans doute le
personnage que je préfère dans le film. Sam a le don unique
d’interpréter des personnages légèrement désaxés. Dixon a la
plupart du temps de mauvaises intentions, pourtant il possède aussi
une qualité rédemptrice. Sam confère une réelle innocence au
personnage, de sorte qu’on s’attache à lui même s’il agit de
manière répréhensible. Je trouve que c’est un acteur formidable,
et ça a été un plaisir de retravailler avec lui. »
Bien que Martin McDonagh et Sam Rockwell aient non seulement
collaboré sur 7 PSYCHOPATHES mais également sur la pièce « A
Behanding in Spokane », 3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA
VENGEANCE a constitué une expérience à part. Le réalisateur
déclare : « Sam est toujours mon acteur de choix pour
cette génération. Lorsqu’il interprète un personnage inquiétant,
il ne le fait pas à moitié. »
La polyvalence de l’acteur sied particulièrement au personnage de
Dixon, qui connaît de profonds changements durant le film. Graham
Broadbent observe : « Sam a énormément apporté au
personnage en improvisant avec Martin. Ils essayaient tout un tas
d’options différentes jusqu’à ce qu’ils trouvent ce qui
fonctionnait le mieux. Et à l’image de l’écriture de Martin,
Sam peut être drôle, tragique et triste à la fois. »
Frances McDormand confie avoir été impressionnée par la manière
dont Sam Rockwell a interprété son personnage. Elle déclare : « Je
pense qu’il n’a jamais été aussi bon que dans ce film. Il
existe une véritable symbiose entre Martin et lui, de celles qui
unissent un acteur et un réalisateur qui ont déjà travaillé
ensemble à plusieurs reprises et s’améliorent à chaque fois. »
L’actrice poursuit : « Sam et moi avons énormément de
respect l’un pour l’autre, nous avons donc pris beaucoup de
plaisir à tourner ensemble. Les choix qu’il fait sont totalement
aléatoires, étonnants et imprévisibles ; lui donner la
réplique, c’est un peu comme monter dans des montagnes russes sans
savoir où sont les montées et les descentes ! Je pense qu’il
était conscient d’avoir trouvé en moi une âme sœur. Nous ne
sommes jamais allés au-delà du point de non-retour, mais nous
étions toujours au bord du précipice. Ce qui me plaît aussi avec
Dixon, c’est que Martin lui permet d’accéder à la rédemption
sans jamais tomber dans la caricature. Ce qui le sauve, c’est son
amour pour Willoughby, la tendresse qui unit les deux hommes. »
À l’instar de ses partenaires, Sam Rockwell a été séduit par
l’écriture de Martin McDonagh. Il déclare : « Dans
ce film, Martin traite avec brio la question des tabous, raciaux ou
autres, en les évoquant avec beaucoup d’éloquence et de tact. »
L’acteur note que bien que Martin McDonagh soit originaire
d’Irlande, il semble avoir parfaitement compris les rouages de
l’Amérique profonde – peut-être est-ce dû au fait que toutes
les petites villes ouvrières du monde se ressemblent. Il commente :
« Martin connaît bien l’atmosphère qui règne dans les
petites villes parce qu’il y a en Irlande exactement les mêmes
tensions qu’ailleurs. La classe ouvrière reste la classe ouvrière,
peu importe où l’on se trouve, et c’est un sujet sur lequel il
écrit très bien. Cette histoire pourrait se dérouler en Irlande ou
à Brooklyn, et elle fonctionnerait tout aussi bien que dans le
Missouri. »
Il poursuit : « Dixon a l’étoffe d’un personnage
classique. Il me fait penser à Edmond, le fil illégitime de
Gloucester, dans « Le Roi Lear » car c’est un homme en
colère qui en veut au monde entier et est persuadé qu’il a
toujours été maltraité. À première vue, on pourrait penser que
c’est le méchant d’Ebbing, mais le personnage est en réalité
bien plus complexe. »
À mesure que l’on découvre la vie de famille de Dixon, la source
de ses troubles psychiques devient évidente. Sam Rockwell explique :
« Il vit toujours avec sa mère et est un peu paumé. Il est
incapable de prendre son envol et de devenir enfin un adulte. Il
entretient une relation extrêmement dysfonctionnelle avec sa mère,
ce qui engendre chez lui d’importants traumatismes. Le problème,
c’est qu’il passe ses nerfs sur les autres. »
Il poursuit : « Nous pouvons tous, dans une certaine
mesure, comprendre sa colère et sa tristesse, mais aussi son
adoration pour le chef Willoughby. Nous avons tous déjà ressenti
une admiration et un désir d’approbation similaires. »
L’admiration mutuelle de Sam Rockwell et Woody Harrelson a permis
de renforcer les liens complexes qui unissent leurs personnages à
l’écran. Sam Rockwell déclare : « Woody a un solide
sens moral et c’est quelqu’un de très calme, ce qui vous met
immédiatement à l’aise. Avec les grands acteurs comme lui, il y a
souvent de l’incertitude et de l’espièglerie, et on retrouve
tout cela chez Willoughby grâce à son interprétation. Son approche
est toujours imprévisible. »
Pour Martin McDonagh et Sam Rockwell, le plus grand danger aurait été
de laisser Dixon basculer dans la caricature, ne serait-ce que
l’espace d’une seconde. Il était essentiel pour eux de se
concentrer sur l’humanité du personnage. L’acteur commente :
« Nous savions tous les deux qu’interpréter Dixon serait un
véritable numéro d’équilibriste, car tomber dans l’excès de
la comédie ou du drame serait tout aussi dangereux. Je pense qu’en
fin de compte, les spectateurs éprouveront des sentiments
contradictoires vis-à-vis de Dixon. J’aimerais qu’il provoque en
eux de l’irritation, de la colère et de l’amusement, en même
temps que de la compassion. »
JAMES
« Je
sais bien que je suis un nain qui vend des voitures d’occasion et
que j’ai un problème avec l’alcool. Ça, je le sais.
Mais
t’es qui, toi, exactement ?
T’es
la femme aux panneaux publicitaires qui ne sourit jamais… »
- James
James, un habitant d’Ebbing qui en pince pour Mildred, est incarné
par Peter Dinklage, lauréat de deux Emmy Awards et d’un Golden
Globe pour le rôle de Tyrion Lannister dans « Game of
Thrones » sur HBO.
Dans 3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE, il joue un
personnage à l’opposé de celui qu’il interprète dans la
populaire série télévisée : il est un vendeur de véhicules
d’occasion dont l’ambition première est de décrocher un
rendez-vous avec Mildred. L’acteur se souvient de sa réaction à
la lecture du scénario : « Je me suis dit : « Martin
a encore réussi ! ». Dans ses scénarios, tous les rôles,
même les plus petits, sont toujours incroyablement bien écrits. Les
personnages se complexifient au fil des pages, et c’est le cas de
James comme de tous les autres. »
À propos de son personnage, Peter Dinklage déclare : « James
n’a pas une très haute estime de lui-même mais il est déterminé
à retenir l’attention de Mildred. »
Le film marque la première collaboration de l’acteur avec Frances
McDormand. Il confie : « Elle fait partie des plus grandes
actrices parce qu’elle n’a aucune vanité et qu’elle se donne
toujours à cent pour cent. »
Peter Dinklage a également pris plaisir à voir Sam Rockwell
incarner Dixon dans toute sa complexité. Il explique : « Martin
et Sam en particulier ont réussi à remettre en cause tous nos a
priori sur Dixon, et c’est extrêmement satisfaisant. Au fil de
l’histoire, on se prend à éprouver de l’empathie pour lui. »
Tout comme ses partenaires, Peter Dinklage a été impressionné par
l’agilité avec laquelle le réalisateur réussit à changer le ton
du film. « L’équilibre délicat entre la comédie et le
drame auquel parvient Martin est absolument remarquable. J’imagine
que cela tient à la raison pour laquelle certaines personnes sont
prises de fous rires à un enterrement. Dans la vie, la frontière
entre les émotions contraires est souvent ténue. Lorsque l’humour
succède à la tragédie, c’est un grand soulagement, et je pense
que c’est dans la nature humaine de chercher ce genre d’exutoire.
Martin ne peut pas s’empêcher d’être touchant puis hilarant et
à nouveau émouvant parce que c’est le genre de conteur qu’il
est. »
CHARLIE
« Tu
n’as pas besoin de te justifier parce que tu dînes avec un nain,
Mildred. »
- Charlie
Charlie, l’ex-mari de Mildred, est lui aussi dévasté par la perte
de leur fille, mais c’est bien là la seule chose qu’ils ont en
commun.
Aussi tourmenté que drôle, Charlie fait lui aussi partie de ces
seconds rôles plus complexes qu’il y paraît. C’est la raison
pour laquelle Martin McDonagh a confié le rôle à l’acteur nommé
à l’Oscar John Hawkes, connu pour ses rôles intenses mais humains
dans WINTER’S BONE, MARTHA MARCY MAY MARLENE, THE SESSIONS ou
encore « Deadwood » sur HBO. Le réalisateur commente :
« John n’apparaît que dans une poignée de scènes, mais il
fallait qu’il soit à chaque fois époustouflant, et il a
parfaitement rempli sa mission. »
L’acteur déclare : « Charlie aurait pu être un
personnage antipathique, ce qui ne me fait pas peur en tant que
comédien, mais Martin l’a écrit avec une telle délicatesse qu’il
en devient incroyablement complexe. On sent que Mildred et lui ont
encore des sentiments l’un pour l’autre, ce qui est assez
inattendu. Et Frances est tellement extraordinaire dans le rôle de
Mildred que ça a rendu les choses très faciles. »
John Hawkes était en effet très impatient de travailler avec
Frances McDormand. Il explique : « Elle fait partie de mes
actrices préférées, c’était donc excitant et intimidant à la
fois. Mais elle est tellement gentille, agréable et généreuse,
tant dans la vie que devant la caméra, que je me suis immédiatement
senti à l’aise. Il m’est parfois arrivé de perdre le fil d’une
scène parce que j’étais captivé par son jeu… avant de réaliser
que c’était à moi de parler ! »
Au fil des interactions entre Charlie et Mildred se dessine le
spectre d’un passé fait d’abus mutuels. L’acteur raconte :
« Charlie buvait et criait sans doute plus que de raison
lorsqu’ils étaient ensemble, mais je pense aussi qu’il avait
beaucoup d’amour à donner, leur relation n’était donc pas
totalement manichéenne. J’aime explorer les nuances et avec ce
film, je suis gâté. »
Avec l’aide de Martin McDonagh, John Hawkes a réussi à négocier
ces zones grises avec brio. Il explique : « Martin
n’est pas du genre à vous donner des indications de jeu vagues, il
est très précis. Et Charlie est un personnage tellement secret que
son aide m’a été précieuse pour mieux le cerner. Je pense que
son expérience théâtrale lui permet d’instaurer une forme de
communion avec ses acteurs. »
ROBBIE
« Pour
ceux qui ont essayé d’éviter d’entrer dans les détails de ce
qui lui est arrivé parce qu’ils pensaient que rien de bon n’en
sortirait et qu’ils ne pourraient pas le supporter, c’est
vraiment top d’être informé par un message de six mètres de
haut, et dans une jolie police de caractère, des moindres détails
de sa mort. »
- Robbie Hayes
Robbie, le fils de Mildred, tente de surmonter la tragédie qui a
frappé sa famille à sa manière, et trouve l’obsession de sa mère
pour le meurtre de sa sœur tristement cocasse.
C’est Lucas Hedges, nommé à l’Oscar pour son rôle dans
MANCHESTER BY THE SEA en 2017, qui interprète le rôle. L’acteur
déclare : « Robbie traverse une période de transition
depuis la mort de sa sœur. Il était probablement plus doux, plus
émotif et plus immature avant cet évènement, mais dans le film on
le voit progressivement sortir de sa coquille et s’endurcir. Il
possède par ailleurs un incroyable sens de l’humour étant donné
la situation dans laquelle il se trouve, car Martin aime opposer
l’humour à la noirceur. »
Robbie est blessé par le fait que sa mère ne partage pas sa douleur
avec lui et ne le consulte pas avant de prendre des décisions. Lucas
Hedges raconte : « Après la mort d’Angela, Mildred a
passé sept mois en état de catatonie sous l’effet du choc, Robbie
a donc pris soin d’elle comme un enfant n’a habituellement jamais
besoin de prendre soin de sa mère. Il l’aime profondément mais il
est perdu parce qu’elle ne lui confie jamais ce qu’elle ressent
ou quelles sont ses intentions – elle ne pense même pas à
l’avertir pour les panneaux. »
Robbie est celui qui subit le plus violemment les conséquences de la
vendetta de Mildred, qui préfère se détourner de lui pour se
consacrer à sa quête de justice. France McDormand commente :
« Mildred sait que Robbie est capable de survivre par lui-même,
il devient donc un dommage collatéral car elle le sacrifie d’une
certaine manière. »
À propos de sa méthode de travail avec son jeune partenaire,
l’actrice déclare : « Avant nos scènes, j’ai
expliqué à Lucas que je pouvais lui accorder toute l’attention
dont il avait besoin hors caméra mais qu’une fois devant
l’objectif, il n’allait pas pouvoir obtenir grand-chose de moi
parce que c’est ce que vit Robbie depuis sept mois. Mildred a passé
tout ce temps sur le canapé, en état de choc, et il a dû s’occuper
d’elle comme d’une invalide. Je sais que ça a été difficile
pour Lucas parce que c’est un jeune acteur qui a besoin d’interagir
avec ses partenaires, mais ce n’est pas le genre de personnage
qu’est Mildred. Je ne pouvais pas être là pour lui car Mildred
n’est pas là pour Robbie. »
Apprendre auprès de Frances McDormand est une opportunité que Lucas
Hedges n’aurait ratée pour rien au monde. L’acteur, qui a étudié
au conservatoire de l’école des arts de l’université de
Caroline du Nord, commente : « C’était comme si j’étais
à nouveau étudiant et qu’elle était le professeur. J’ai noté
tous les conseils qu’elle m’a donnés dans un carnet spécial
afin de pouvoir les consulter à l’avenir. »
À propos de sa partenaire, il ajoute : « Frances n’est
pas du genre à baratiner, je ne l’ai jamais entendue dire quelque
chose qu’elle ne pensait pas. Elle ne vous complimentera que si
elle pense que vous le méritez vraiment. Elle est gentille, mais
sévère. Elle possède la même force que Mildred. »
RED
« Je
ne transgresse aucune loi sur la propriété.
Je
ne transgresse aucune foutue loi d’aucune sorte.
J’ai
tout vérifié. »
- Red
Lorsque Mildred décide de louer trois emplacements publicitaires
pour provoquer la police et les habitants d’Ebbing, elle conclut un
accord avec le jeune Red Welby de l’agence de publicité de la
ville… un accord qui n’augure rien de bon pour lui.
Le rôle est interprété par Caleb Landry Jones, qui a fait ses
débuts au cinéma dans le rôle d’un petit garçon à vélo dans
NO COUNTRY FOR OLD MEN – NON, CE PAYS N’EST PAS POUR LE VIEIL
HOMME des frères Coen et qu’on a récemment pu voir dans le film
d’horreur GET OUT. L’acteur déclare : « J’ai été
tellement frappé par le scénario que j’aurais accepté de jouer
n’importe quel rôle ! »
Mais le défi présenté par Red était d’un genre très
particulier car lorsque le personnage s’implique dans la quête de
justice de Mildred, il en paye le prix fort. Caleb Landry Jones
explique : « Au début, Red cherche simplement à se
faire mousser devant sa séduisante assistante et à empocher
l’argent que lui propose Mildred, c’est pourquoi il accepte sa
proposition. Mais en en apprenant davantage sur Mildred et sa
situation, leur transaction prend un tour inattendu. »
Red fait lui aussi partie des marginaux de la ville. L’acteur
poursuit : « Dans l’esprit de Martin, Red cherche à
quitter Ebbing à tout prix et vite, et il est persuadé d’y
parvenir… mais je pense que cela n’arrivera pas. »
Dans le film, Red est défenestré. Martin McDonagh a pris la
décision de tourner la scène en un seul et ambitieux plan-séquence.
Il explique : « J’ai écrit cette scène de manière à
ce qu’elle soit tournée en une seule prise car sur le plan
cinématographique, c’est la scène phare du film. Nous avons
réservé une journée entière pour la filmer et avons alloué
énormément de temps à sa préparation. Nous n’avons dû
recommencer que quatre ou cinq fois si bien qu’à midi, c’était
dans la boîte. Je ne me souviens plus exactement de ce qu’on a
fait le restant de la journée, probablement boire pour fêter ça !
Il y a quelque chose de jouissif dans le fait de réaliser une prise
de deux minutes comme celle-ci où tant de choses se passent. »
D’AUTRES HABITANTS D’EBBING
La distribution de 3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE est
complétée par Samara Weaving dans le rôle de Penelope, la petite
amie à peine sortie de l’adolescence de Charlie ; Amanda
Warren dans le rôle de Denise, l’unique confidente de Mildred ;
Kerry Condon dans le rôle de Pamela, la petite amie de Red ; et
Zeljko Ivanek dans le rôle de Cedric, le sergent chargé des tâches
administratives.
À propos de son personnage, Kerry Condon, qu’on a récemment pu
voir dans CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR, déclare : « Pamela
représente tout ce que la fille de Mildred ne sera jamais. C’est
très typique de Martin d’accorder une telle importance à un
personnage qui n’a que quelques répliques dans le film. »
Zeljko Ivanek, qui avait déjà collaboré avec le cinéaste sur BONS
BAISERS DE BRUGES, a lui aussi pris plaisir à incarner son
personnage. « Malgré le fait qu’il vive dans une toute
petite ville, Cedric prend son métier très au sérieux et j’ai
adoré me glisser dans sa peau. »
Martin McDonagh a longuement répété avec l’ensemble des acteurs,
à l’exception de Frances McDormand qui arrivait toujours au
dernier moment sur le tournage – une idée que lui a soumise
l’actrice. Le réalisateur explique : « Mildred est en
guerre contre le monde entier, c’est pourquoi Frances a eu le
sentiment qu’il serait intéressant d’explorer les réactions de
ses partenaires de manière spontanée devant la caméra. J’ai
petit à petit accepté l’idée, même si au début je n’étais
pas chaud. Travailler avec le reste de la distribution m’a rappelé
mes débuts au théâtre dans le sens où nous avons longuement
évoqué leurs personnages et les choix qu’ils font. 3 BILLBOARDS,
LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE est un véritable film choral. »
L’ESTHÉTIQUE
DU FILM
« J’aurai
au moins retrouvé l’espoir l’espace d’une journée,
ça
ne m’était pas arrivé depuis un moment. »
- Mildred
Hayes
Bien qu’Ebbing soit une ville fictive, Martin McDonagh a recréé
avec brio l’ambiance charmante mais étouffante propre aux petites
villes de province où tout le monde connaît les histoires de tout
le monde… et bien plus encore. Pour l’aider à faire de la ville
un personnage du film à part entière, le réalisateur a fait appel
à une équipe composée du directeur de la photographie Ben Davis,
du chef monteur Jon Gregory, de la chef décoratrice Inbal Weinberg
et de la chef costumière Melissa Toth.
Ben Davis, à qui l’on doit l’image de films aussi éclectiques
que INDIAN PALACE ou LES GARDIENS DE LA GALAXIE, a collaboré pour la
première fois avec Martin McDonagh sur 7 PSYCHOPATHES. Le producteur
Graham Broadbent déclare : « La relation qui unit Ben et
Martin permet à la vision de Martin de prendre vie sur le plan
visuel. Ben confère un caractère spectaculaire aux paysages ruraux
américains et filme les personnages de manière minimale mais
néanmoins poignante. »
Martin McDonagh qualifie l’esthétique du film de « magnifique
sans être trop moderne, trop stylisée ou trop saturée ». Il
ajoute : « Ben et moi sommes tous les deux fans des films
américains des années 70 dont nous voulions reproduire
l’atmosphère. »
S’il s’est inspiré du cinéma des années 70, le directeur de la
photo remarque que l’œuvre de Martin McDonagh n’a pas vraiment
de points de référence précis. Il explique : « À aucun
moment en lisant le scénario je me suis dit qu’une scène me
faisait penser à tel ou tel film ou telle ou telle image. Son œuvre
est en tout point originale et unique. »
Il a toutefois puisé l’inspiration dans le travail de Stephen
Shore, un photographe d’art américain des années 70 connu pour
ses paysages dépeuplés et ses scènes du quotidien : repas
dans un diner, panneau publicitaire érigé sur le bord de la
route ou motel désolé.
Ben Davis a également passé beaucoup de temps sur les lieux du
tournage afin de s’imprégner de leur atmosphère et de leur
géographie. Il explique : « Le positionnement de la
caméra est essentiel pour moi, c’est pourquoi j’accorde beaucoup
d’attention à la préparation. Au lieu de rester enfermés au
bureau, nous nous rendions sur les lieux du tournage que je
photographiais sous tous les angles pour trouver la meilleure manière
de les filmer. Je me suis particulièrement intéressé à ces toutes
petites villes qui n’ont qu’une rue principale et à la manière
dont elles sont photographiées. J’ai alors remarqué que tout
repose sur le moment de la journée que l’on choisit. »
Il a donc fallu adapter les horaires de tournage, ce qui n’est
jamais évident. Le directeur de la photographie déclare : « Je
voulais tourner l’essentiel du film à l’aube ou au crépuscule
pour bénéficier de la magnifique lumière rasante du soleil, mais
ce sont des moments par définition assez brefs et il y a tellement
de dialogues dans le film que ça a été très difficile pour
Martin. Il passait énormément de temps à répéter avec les
acteurs et le moment venu, nous tournions aussi vite que possible. Et
par chance, tout le monde était au top. »
Le film met également en scène non pas un mais deux incendies, des
séquences exigeantes sur le plan technique puisqu’elles ont été
réalisées sans effets numériques. Ben Davis explique : « Nous
avons fait le choix d’avoir recours aux effets spéciaux physiques
pour leur impact émotionnel. La présence de vraies flammes affecte
les acteurs et cela se ressent à l’écran, ils se nourrissent de
la puissance et de la chaleur du feu. Mais évidemment, déclencher
un incendie nécessite une vigilance et une logistique très
particulières. »
L’épique plan-séquence qui se déroule dans le bureau de Red est
sans doute le plus difficile qu’ait eu à tourner Ben Davis, mais
le directeur de la photo affirme qu’il ne s’agit pas simplement
d’une décision esthétique. Il commente : « Techniquement,
filmer un long plan-séquence est très stimulant, mais on ne devrait
y avoir recours que si l’histoire l’exige et que cela présente
un intérêt sur le plan dramatique. »
Il poursuit : « Je pense que c’est le cas ici. Le fait
qu’il n’y ait pas de coupe rend le plan incroyablement immersif,
on a le sentiment de se trouver aux côtés du personnage de Dixon à
chaque pas. Et la brutalité de la scène est d’autant plus
convaincante que le plan n’est pas coupé pour rappeler au public
qu’il regarde une œuvre de fiction. »
Graham Broadbent déclare : « Ce plan-séquence permet de
réunir les deux univers du film, celui du poste de police et celui
de l’agence de publicité. Ça a été très compliqué car la
scène comprend des escaliers, une bagarre, une cascade, de nouveau
des escaliers, de la violence dans la rue et le poste de police. Ben
et toute l’équipe ont fait un boulot incroyable pour donner vie au
plan de manière viscérale. »
Melissa Toth se souvient : « Tous les chefs de
départements étaient sur le pied de guerre. En plus de tout le
reste, Caleb devait rapidement se changer et passer des vêtements
déchirés et ensanglantés pendant qu’il descendait les escaliers,
mon équipe a donc aussi eu un rôle à jouer dans la scène. J’avais
un peu l’impression d’assister à une pièce de théâtre, j’ai
même ressenti une certaine nervosité mais nous sommes tous ravis du
résultat final. »
UNE
VILLE ET TROIS PANNEAUX PUBLICITAIRES
« Combien
ils coûtent, les lapins avec écrit dessus
« Bienvenue
dans le Missouri » ? »
- L’homme aux cheveux ras
Ebbing, ville fictive située dans les monts Ozark, est elle aussi
par nature contradictoire car si elle semble immuable, elle se heurte
en réalité violemment au monde moderne. Après avoir parcouru
l’Ohio, le Nouveau-Mexique, le Missouri, le Mississippi et la
Géorgie à la recherche de la petite ville parfaite, la production a
découvert la localité de Sylva, située en plein cœur des Great
Smoky Mountains, en Caroline du Nord.
Martin McDonagh déclare : « Rien à Sylva ne laisse
soupçonner qu’une histoire aussi sombre que celle-ci puisse s’y
dérouler. Il était important que la ville soit un bon faire-valoir
pour Mildred. »
La mission qui a consisté à transformer Sylva en Ebbing a incombé
à la chef décoratrice Inbal Weinberg (BEASTS OF NO NATION, ST.
VINCENT) qui a commencé par faire des recherches sur l’histoire
visuelle des bourgades du centre des États-Unis. Elle
explique : « J’ai puisé l’inspiration dans deux
types de photos différentes : celles des photographes
documentaristes des années 60 et 70 qui ont immortalisé la vie
quotidienne de l’époque, et celles des photographes contemporains
qui racontent la disparition de ces villes. J’ai été influencée
à la fois par le rythme de la vie quotidienne dans ces localités et
par les vestiges d’un mode de vie en voie en disparition. »
La chef décoratrice a ensuite élaboré sa propre vision d’Ebbing
en concertation avec Martin McDonagh. Elle déclare : « Ebbing
n’est pas une ville très riche, mais elle n’est pas non plus en
faillite. Elle ne s’est pas embourgeoisée et reste comme figée
dans le temps ; elle fait partie de ces bourgades qui à
première vue semblent ne pas avoir évolué depuis cinquante ans –
seuls quelques rares signes de changement sont perceptibles. C’est
une ville un peu rustique mais fière de son histoire. »
Pour donner vie à sa vision, Inbal Weinberg a parcouru Sylva à la
recherche des décors du film. Elle commente : « Il était
primordial aux yeux de Martin que tous les décors soient réels. Il
a d’ailleurs choisi Sylva non seulement parce qu’elle possède
une grand-rue tout ce qu’il y a de plus classique mais également
parce qu’elle nous a permis d’installer à proximité l’agence
de publicité et le poste de police, exactement comme dans le
scénario. Ce qui caractérise une petite ville, c’est ce sentiment
que tout le monde connaît la vie de tout le monde, et il était très
important pour Martin de transmettre cela à travers les décors. »
La chef décoratrice s’est ensuite mise en quête de la route au
bord de laquelle Mildred loue ses trois panneaux publicitaires. La
difficulté a été que Martin McDonagh tenait à ce que la maison de
Mildred se situe à proximité de sorte qu’on voie toujours les
panneaux en arrière-plan. Elle se souvient : « Nous avons
parcouru un nombre incalculable de routes et roulé pendant des jours
et des jours dans l’ouest de la Caroline du Nord. »
Il s’avère que c’est la première route qu’ils ont repérée
qui a conquis le réalisateur. Il raconte : « Elle était
pittoresque et magnifique, mais également désolée. Une fois notre
choix arrêté, Inbal et moi avons commencé à travailler sur
l’apparence des panneaux publicitaires. »
La chef décoratrice a soumis de nombreuses options à Martin
McDonagh. Elle raconte : « J’ai épluché toutes les
photos existantes de panneaux publicitaires utilisés à des fins
personnelles. Nous avons essayé différentes polices d’écriture,
différentes couleurs et différents positionnements du message.
Martin a eu alors l’idée d’utiliser un fond rouge pour faire
ressortir les lettres et ça a été l’une de nos plus grandes
avancées. Nous avons testé son idée et avons adoré le résultat.
Ça a été une formidable décision qui nous a amenés à faire du
rouge une couleur phare du film. »
Les panneaux d’affichage connaissent six états différents au
cours du film. Inbal Weinberg déclare : « Ça a été
incroyablement complexe car ces panneaux sont d’immenses structures
qui ne sont pas faciles à déplacer. Nous avons eu des réunions
entières dédiées à ce sujet. »
La production tenait également à recouvrir les panneaux tous les
soirs afin de ne pas scandaliser les habitants qui empruntaient la
route.
Outre le choix des décors, la chef décoratrice s’est aussi
occupée de mettre au point les moindres détails de la vie d’Ebbing
– elle a même imaginé des autocollants pour les pare-chocs des
voitures et la mascotte du lycée.
Pour créer le poste de police de la ville, Inbal Weinberg et son
équipe ont transformé une gigantesque boutique d’antiquités.
Elle déclare : « J’ai fait beaucoup de recherches sur
les commissariats d’époque qu’on trouve dans les petites villes.
Nous voulions qu’il comprenne une cellule de détention provisoire,
même si elles ne sont plus vraiment utilisées de nos jours, mais
dans mon esprit le lieu n’avait tout simplement jamais été
rénové. Tout a ensuite été ignifugé, jusqu’au sol, et notre
superviseur des effets spéciaux, Burt Dalton, nous a aidés à
réaliser des tests de combustion sur tous les éléments du décor,
des bureaux aux ampoules. »
Pour le bureau de Red, la chef décoratrice a opté pour une
décoration rétro. Elle explique : « J’ai surtout été
inspirée par des photos d’agences de pub des années 20 et 30 avec
le boum de l’affichage. C’est ce qui nous a donné l’idée
d’utiliser les murs pour mettre en valeur l’histoire d’Ebbing,
comme le bicentenaire de l’arrivée du chemin de fer. Nous avons
déniché de vieilles publicités dans des entrepôts d’accessoires
et acheté des objets dans un atelier local. »
Chez Mildred, le désordre règne. Inbal Weinberg explique : « Il
fallait que sa maison ressemble à celle d’une mère en deuil.
Frances nous a donné plein d’idées. Il était important pour nous
tous que la chambre de sa fille soit la plus impeccable de la maison.
Toute la difficulté a consisté à créer une chambre d’adolescente
vivante et en même temps remplie de l’absence de son occupante. »
Parmi les décors préférés de la chef décoratrice figure la
maison où Dixon vit avec sa mère. Elle commente : « Martin
voulait qu’on puisse voir la rue principale depuis le porche de
Dixon. Et étonnamment, nous avons trouvé la maison idéale,
exactement comme il l’avait imaginée. Il s’agit d’une très
petite maison dans laquelle il n’a pas été évident de tourner,
mais Martin l’aimait tellement que nous nous sommes donné les
moyens pour que ça fonctionne. Pour les œuvres rustiques que
réalise sa mère, nous avons acheté de magnifiques tableaux naïfs
peints par un artiste installé en Caroline du Sud. Nous avons
ensuite tapissé les murs de photos de famille sous lesquelles on
distingue un papier peint jauni par la fumée de cigarette. »
La fantasque boutique de souvenirs où travaille Mildred fait
également partie des décors favoris d’Inbal Weinberg. Elle
commente : « Le lieu n’existait pas, il a fallu le créer
de toutes pièces et fabriquer tous les bibelots et souvenirs marqués
au nom d’une ville fictive ! Nous aimions l’idée que bien
qu’il s’agisse d’un magasin de souvenirs, l’endroit ne soit
pas très accueillant. À l’image du personnage de Mildred, la
boutique est isolée. » (Notons que l’on y trouve des objets
en forme de lapins, un thème récurrent dans l’œuvre de Martin
McDonagh.)
Tout au long du projet, Inbal Weinberg a été heureuse de voir
combien les habitants de Sylva soutenaient la transformation de leur
ville. Elle raconte : « Plus le temps passait, plus ils
étaient enthousiastes, ils ont même commencé à confectionner
leurs propres tee-shirts et souvenirs aux couleurs d’Ebbing. Les
habitants de Sylva ont beaucoup apporté au tournage. »
Melissa Toth a eu pour mission d’habiller les habitants d’Ebbing
et de créer les tenues rétro de Red et Pamela ainsi que les
uniformes de la police. La chef costumière a collaboré au cours de
sa carrière avec les plus grands visionnaires, dont Michel Gondry
sur ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND et Kenneth Lonergan sur
MARGARET et MANCHESTER BY THE SEA, mais elle confie que même au sein
de ce groupe, Martin McDonagh est un cinéaste à part.
Elle déclare : « Son écriture est unique en son genre.
Ce qui rend son travail si intéressant pour un chef costumier, c’est
que la manière dont les personnages s’expriment ne correspond pas
forcément à la manière dont on les perçoit. Ma méthode de
travail a consisté à le bombarder d’idées et à attendre son
retour. Il me donnait parfois quelques indices sur un personnage,
comme sa chanson préférée, et cela nourrissait mon travail. Ses
histoires sont intenses, complexes et sombres, mais c’est quelqu’un
avec qui il est très agréable de collaborer, ce qui est une
combinaison rare. »
La chef costumière poursuit : « Bien que Mildred soit le
personnage central – et que sa combinaison joue un rôle essentiel
– l’histoire est pleine de personnages loufoques qui en font un
véritable film choral. L’écriture de Martin vous laisse beaucoup
de liberté, les univers qu’il a créés sont empreints de
profondeur et de mystère, et il n’y a rien de plus passionnant que
de sonder les profondeurs du mystère à travers les costumes des
personnages. »
Pour les uniformes des policiers d’Ebbing, Melissa Toth a fait des
recherches sur la police en milieu rural et s’est concentrée sur
les écussons brodés qui distinguent les forces locales les unes des
autres. Lorsque Dixon n’est pas en service, il porte une veste
jaune moutarde qui souligne subtilement le fait qu’il y a quelque
chose de pas net chez le personnage. La chef costumière explique :
« Nous avons fait tremper et teint cette veste jusqu’à ce
qu’elle ait la couleur parfaite. J’ai beaucoup aimé collaborer
avec Sam. Il travaille énormément mais lorsqu’on le voit dans ce
rôle, ça a l’air naturel. »
Parmi les tenues préférées de Melissa Toth figure aussi la robe
légère à fleurs que porte Anne, la femme du shérif Willoughby,
lors de leur pique-nique avant que la situation prenne un mauvais
tour. Elle explique : « À la manière dont Abbie porte
cette robe, on comprend que son personnage profite pleinement de
chaque instant. La scène dans laquelle la robe ondule sous l’effet
de la brise lors du pique-nique montre à quel point un costume peut
avoir un impact visuel. »
Pour la musique du film, Martin McDonagh s’est tourné vers le
compositeur Carter Burwell, avec qui il avait déjà collaboré sur
ses deux premiers films. Le compositeur, nommé à l’Oscar pour
CAROL mais également reconnu pour son travail pour les frères Coen
et Spike Jonze, déclare : « La lecture du scénario m’a
plongé dans l’atmosphère des petites villes où tout le monde se
connaît depuis l’école primaire et perpétue une partie de la
violence, des préjugés et des idylles d’alors à l’âge
adulte. »
Au fil des pages, un tourbillon d’idées musicales allant des
standards américains aux thèmes des westerns spaghettis lui est
venu à l’esprit. Il se souvient : « J’avais
initialement dans l’idée d’écrire une musique originale
évoquant les films de Sergio Leone parce que 3 BILLBOARDS, LES
PANNEAUX DE LA VENGEANCE est peuplé de personnages plus
qu’imparfaits à la recherche de leur propre forme de justice dans
un monde impitoyable. Je ne suis finalement pas allé totalement dans
cette direction mais il reste un peu de cette influence dans la
musique du film. »
Le fait que l’intrigue soit aussi inclassable était pile dans les
cordes de Carter Burwell, qui explique : « J’aime
prendre part à des projets multidimensionnels, et c’est la
meilleure description que l’on puisse faire de ce film. Il se passe
tout et son contraire dans pratiquement toutes les scènes. Dans une
scène de grande violence, il y a aussi du pathos et dans une scène
très émouvante, il y a aussi de l’humour. Et je pense que c’est
ma force en tant que compositeur : j’aime concilier les
contradictions. »
Le compositeur poursuit : « Selon moi, le rôle majeur de
la musique dans ce film était de refléter les émotions de Mildred
et de faire en sorte que le public reste de son côté. Elle repose
donc sur trois thèmes basiques qui sont l’émotion, la guerre
et la mort – un thème qui accompagne non seulement Mildred, dont
la fille a été assassinée, mais aussi le personnage de Woody
Harrelson. »
Il ajoute : « Toutes mes créations sont ancrées dans la
folk américaine grâce à la présence de nombreuses guitares
acoustiques, mais le thème guerrier de Mildred a aussi des airs de
marche militaire avec ses tambours, ses claquements de mains et ses
bruits de bottes. »
La scène dans laquelle les panneaux publicitaires de Mildred sont
incendiés a constitué un défi majeur pour Carter Burwell, qui a
cherché à exprimer le caractère dramatique de l’évènement sans
tomber dans le sentimentalisme. Il explique : « J’ai
mis du temps à composer la musique de cette séquence car je voulais
qu’elle exprime un sentiment d'urgence mais également une certaine
violence et une forme de désespoir. J’ai utilisé un mélange de
mandoline, de percussions et de cordes, et la manière dont le
morceau trouve écho dans le jeu des acteurs est très
satisfaisante. »
Au fil de leurs collaborations, Carter Burwell et Martin McDonagh ont
développé leur propre méthode de travail, qui consiste à s’isoler
de toute influence extérieure. Le compositeur commente : « Nous
travaillons en tête à tête, ce qui n’est pas toujours la manière
de procéder au cinéma. Nous parlons de tout, juste lui et moi,
personne d’autre n’intervient dans la conversation, ce qui rend
le processus assez intime. Pour Martin comme pour moi, le plus
important était de se focaliser sur le mélange de rage, de douceur
et de chagrin de Mildred. »
Pour Graham Broadbent, ce mélange explosif – et le chemin
incendiaire qu’il se fraie à travers Ebbing – est ce qui fait la
force du film. « Il n’y avait aucun doute que cette histoire
serait drôle parce que le scénario était hilarant et que nous
avions rassemblé une distribution exceptionnelle. Mais tout au long
de la production, Martin a pris soin de protéger la magnifique
tristesse et l’amour de l’humanité qui parcourent le film, et
c’est ce qui lui donne toute sa dimension. »
Pour Martin McDonagh, la trajectoire du film vers la lumière, aussi
ténue et diffuse soit-elle, était inévitable car c’est ce qui le
motive lui-même. Il conclut : « Je trouve qu’il y a
quelque chose d’assez optimiste dans l’entêtement de Mildred
mais aussi dans la décence de Willoughby. La manière dont Frances
interprète Mildred est poignante malgré la terrible épreuve
qu’elle a vécue et l’incertitude qui entoure son combat.
J’espère que les spectateurs seront émus et amusés, voire même
qu’ils ressentiront par moment une pointe de colère. Mais
j’aimerais avant tout qu’ils gardent le souvenir d’une histoire
riche et inattendue. »
Autre post du blog lié à 3 BILLBOARDS - LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE
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