jeudi 26 décembre 2019

FIRST LOVE, LE DERNIER YAKUZA


Action/Policier/Un film qui répond en partie aux attentes, mais qui tire en longueur

Réalisé par Takashi Miike
Avec Masataka Kubota, Nao Ohmori, Shôta Sometani, Sakurako Konishi, Becky, Jun Murakami, Seiyô Uchino, Sansei Shiomi...

Long-métrage Japonais/Britannique
Titre original : First Love 
Durée : 01h48mn
Année de production : 2019
Distributeur : Haut et Court 

Date de sortie sur nos écrans : 1 janvier 2020


Résumé : Tokyo, la nuit. Leo, un jeune boxeur, rencontre son « premier amour », Monica, une callgirl toxicomane. Elle est involontairement impliquée dans un trafic de drogue. Toute la nuit, un policier corrompu, un yakuza, son ennemi juré et une tueuse envoyée par les triades chinoises, vont les poursuivre. Tous ces destins s’entremêlent dans le style spectaculaire de Miike, anarchique et divertissant.

Bande-annonce (VOSTFR)



Ce que j'en ai pensé : avec plus d’une centaine de films à son compteur cinématographique, le réalisateur Takashi Miike est prolifique. Il nous sert une histoire de yakuza entremêlée de romance légère avec son FIRST LOVE, LE DERNIER YAKUZA. La construction narrative sous forme de pieuvre qui expose chaque tentacule indépendamment pour les faire se rejoindre reste une valeur sûre pour embringuer le spectateur dans cette aventure. En effet, notre curiosité est piquée et on se met à mettre les pièces du puzzle en place pour reconstituer l’image globale. 

La mise en place d’un plan foireux, dont on devine qu’il va être mené par des baltringues, nous fait d’ailleurs anticiper de bons moments en perspective. Le réalisateur apporte un point de vue culturel qui a son importance, parce qu’il montre que l’organisation criminelle des yakuzas au Japon subit un changement lié à la modernité et à la globalisation comme tout autre milieu sociétal. Il utilise aussi des situations personnelles extrêmement dramatiques pour les mettre en opposition avec des moments drôles. Il mélange donc les genres humour, drame et action. 

On attend de sa part une série de scènes d’action violentes et sanglantes et ce n’est pas tout à fait ce qu’on obtient avec ce long-métrage qui se révèle assez bavard. La mise en place du contexte est un peu longue et la dynamique de l’ensemble est assez inégale. Bien qu’on apprécie qu’il prenne le parti de raconter l’histoire de laissés pour compte, le scénario tire en longueur pour en arriver à sa finalité qui ne présente pas de surprise particulière.

Indépendamment, les personnages sont bien croqués, notamment Leo, un jeune boxeur sans illusions interprété par Masataka Kubota, Otomo, un policier corrompu interprété par Nao Ohmori, Kase, un jeune yakusa ambitieux, qui sent le vent tourner et veut agir en conséquence, interprété par Shôta Sometani et Julie, une femme qui a la colère chevillée au corps et dont on ne veut pas se faire un ennemi, interprétée par Becky. Mais parfois, leurs interactions ne sonnent pas juste, notamment à cause d’un mélange des genres qui n’est pas toujours clairement délimité.


Source et copyright photos @ Haut & Court

FIRST LOVE, LE DERNIER YAKUZA a de bons côtés et répond dans une certaine mesure aux attentes qu’on peut avoir sur ce type de film. Cependant, il aurait mérité d’être plus court et plus dense dans son déroulement pour en faire un divertissement à conseiller absolument. On pourra cependant se laisser tenter si on apprécie le travail du réalisateur ou qu’on a envie de voir un film d’action différent.

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

ENTRETIEN AVEC TAKASHI MIIKE

Depuis 13 ASSASSINS et HARA KIRI : MORT D'UN SAMOURAÏ, votre cinéma semble s'engager dans une voie plus classique. À vos yeux, FIRST LOVE (Hatsukoi) s'inscrit-il dans la même veine ?

Je respecte les codes du film d'époque lorsque je tourne un film d'époque et, de même, je respecte ceux du film de yakuza quand je tourne un film de yakuza. Cependant, je réinterprète ces codes de manière subjective. Je respecte les spécificités propres à chaque genre, mais je me les réapproprie pour m'exprimer librement comme le fait tout cinéaste appartenant à la génération actuelle. Et je crois que c'est un trait commun à tous mes films.

Le titre suggère une relation amoureuse même si le film se déroule dans un contexte très violent. Comment avez-vous réussi à trouver le bon équilibre ?

Ce film parle de hors-la-loi désespérés qui tentent de profiter au maximum de l'existence mais qui, par conséquent, risquent la mort. Dans le même temps, c'est ce qui donne lieu à la naissance d'une relation amoureuse. Le parcours de hors-la-loi désespérés croise celui d'autres personnages. Ce genre d'équilibre se trouve sans calcul.

Avec FIRST LOVE, vous collaborez de nouveau avec le scénariste Masaru Nakamura. Comment a-t-il contribué au scénario ?

Il a tenté de dépeindre avec romantisme des êtres importants à ses yeux, mais méprisés par la société. J'ai tenté d'interpréter cette histoire pour montrer que chacun d'entre nous est forcément impliqué dans la vie d'autrui, d'une manière ou d'une autre. Masaru a exprimé la beauté de cette situation par la violence.

Véritable film de gangster, FIRST LOVE aborde des thèmes propres au genre comme la drogue, la corruption policière, la guerre des gangs et la duplicité. Y a-t-il un de ces thèmes qui soit particulièrement sensible au Japon ?

J'ai le sentiment qu'aujourd'hui les Yakuza ne peuvent plus vivre comme ils l'ont toujours fait. C'est sans doute mieux pour la société, mais c'est une contrainte néanmoins. À notre époque, le sens même du mot "liberté" est remis en question.

La présence de gangsters chinois est surprenante. Les triades ont-elles investi la mafia japonaise ou est-ce un choix que vous avez fait pour des raisons de dramaturgie ?

C'est la réalité actuelle au Japon. Les yakuzas jouaient un rôle de "milice" autoproclamée, mais ils ont perdu de leur pouvoir et les hors-la-loi d'horizons différents, comme les gangsters chinois, profitent de la situation et suscitent de nouveaux problèmes.

Entre les scènes de boxe, de courses-poursuites, de fusillades et de combats au sabre, quelles sont celles qui ont été les plus difficiles à tourner ?

Elles sont toutes difficiles à tourner. La difficulté, c'est que le cinéma japonais évite de prendre des risques en ne présentant au public que des films "bienveillants" (qui ne dérangent pas le spectateur). Le plus triste, c'est qu'aujourd'hui il est devenu difficile d'envisager de faire un film dont l'objectif premier n'est pas de gagner de l'argent.

Les personnages féminins sont moins nombreux que leurs homologues masculins, mais elles s'imposent toutes avec force. Avez-vous eu du mal à trouver les actrices correspondant aux rôles ?

Pour Monica, l'héroïne du film, on a organisé une audition qu'on a limitée à des comédiennes qu'on ne connaissait pas. Je me suis dit que le spectateur aurait davantage le sentiment que le film est réaliste en engageant une actrice inconnue. On a eu la chance de dénicher des acteurs magnifiques.

Comment avez-vous travaillé avec le compositeur ? Quelles consignes lui avez-vous données ?

Au départ, on ne communiquait pas, mais je lui ai demandé de commencer par lire le scénario. Ensuite, je l'ai laissé mûrir ses idées. Après la fin du tournage, je lui ai montré la première version du montage qui était assez proche du montage définitif. J'ai souhaité qu'il confronte ce qu'il avait imaginé pour ce projet au film quasi monté. Mes consignes se résument à cette différence entre les deux. Par la suite, le compositeur choisit sa tonalité (qui se traduit par l'instrument principal qu'il utilisera) et nous nous voyons. Pour l'essentiel, je lui demande d'écrire la musique qu'il a en tête. Il a parfois des questions auxquelles je réponds et voilà tout.

Avez-vous laissé les acteurs improviser sur le plateau ?

C'étaient des comédiens formidables si bien qu'ils ont improvisé de manière très spontanée. Le scénario n'est-il pas là pour ça ?

C'est la quatrième fois que Jeremy Thomas participe à l'un de vos films. Comment l'avez-vous rencontré ?

Jeremy est un vrai producteur. Un vrai producteur est un prédateur qui a un flair incroyable et qui est constamment aux aguets pour repérer les meilleurs talents. La meilleure histoire, le meilleur musicien, le meilleur réalisateur. C'est à travers ses goûts que Jeremy m'a rencontré. À cette époque, il m'a impressionné. Je n'étais qu'une petite souris insignifiante face à lui. Je crois que c'était à la Mostra de Venise il y dix ans.

Vous êtes un cinéaste prolifique. Qu'est-ce qui distingue ce film de vos précédents longs métrages ?

Ce film me rend heureux, comme si je revenais à mes thèmes familiers.

En faisant le calcul, on se rend compte que vous avez réalisé plus de 4 films par an au cours des 25 dernières années. Souhaitez-vous ralentir le tempo ?

Hmm… Je ne crois pas que cette décision m'appartienne. Il y a quelque part en moi ce sentiment que je suis en train de décliner physiquement, si bien que je me dis que je devrais tourner tant que je peux. Du coup, j'ai plutôt l'intention d'augmenter la cadence que de la ralentir. Je préférerais encore m'arrêter totalement que de diminuer le rythme.

À quel public FIRST LOVE devrait-il s'adresser au Japon ? Pensez-vous qu'il soit encore possible de choquer le spectateur au cinéma ?

Le système de classification au Japon est progressiste. Ce film peut être vu par des enfants d'école maternelle s'ils viennent au cinéma accompagnés par leurs parents. Cependant, je pense que les enfants n'iront pas voir ce film. Les enfants ont, curieusement, une sorte de sixième sens qui les protège des dangers les menaçant. Dans le même temps, j'ai foi dans la force du cinéma. Le mode de distribution des films est peut-être en train de changer mais cela ne change rien à ma vision des films. Et le cinéma continuera à bousculer le spectateur.

Quel message aimeriez-vous adresser au public en amont de l'avant-première mondiale de FIRST LOVE ?

J'espère que le film vous plaira. J'ai hâte de vous retrouver dans les salles de cinéma !

À propos de TAKASHI MIIKE

Né le 24 août 1960, Takashi Miike passe sa jeunesse dans le quartier coréen (Yao) d’Osaka au japon, Il sortira diplômé de l’Institut de cinéma Yokohama, Hoso Eiga Senmon Gakko, dont le doyen n’est autre que Shohei Imamura. Après une expérience à la télévision, Miike sera repêché par Imamura qui fera de lui son assistant réalisateur sur Zegen, Le Seigneur des Bordels et Pluie Noire.

Ses premiers films se font directement en vidéo grâce au système V-cinéma, une façon pour les studios japonais de permettre aux jeunes cinéastes de montrer leur savoir-faire sans user de gros budgets. Il est reconnu par ses pairs avec Les Affranchis de Shinjuku, son style y est déjà énergique. Cinéaste acharné, il multiplie les tournages en explorant de nouveaux genres. Takashi Miike aura réalisé plus de 100 films entre la fin des années 90 et 2019. On le voit pervertir autant le Yakusa Eiga (Film de mafieux), que la comédie burlesque (Yatterman) en passant par le drame intimiste (Visitor Q), le western (Sukiyaki Western Django), le cinéma horrifique (La Mort en Ligne) ou l’adaptation de manga (Crows Zero 1 et 2, Ichi The Killer, Terra Formas) et le Tokusatsu, c'est à dire les films de super-héros à la japonaise (Zebraman) et le film d’action (Dead or Alive 1, 2, 3).

Très vite, on peut lui reconnaitre une volonté d’exprimer par le cinéma les tendances « do it yourself » de la culture punk. Il y a chez Miike une pulsion incontrôlable d’envoyer balader les idées toutes faites et de tendre à la société japonaise un miroir à peine déformant d’un monde particulièrement violent qui n’offre à personne la possibilité d’un avenir radieux : No Future.

Qu’il se tourne vers les films pour enfants ou vers le cinéma gore, on remarque une même envie de salir ses personnages avec des fluides corporels ou en situant l’action dans des décharges publiques. De film en film c’est aussi un cinéma baigné par une vision mélancolique mais humaniste de la vie qui se détache. Bird People In China en est l’exemple le plus flagrant. Il faut se tourner vers Gozu, son film manifeste pour avoir une vision plus globale de son art. Une histoire de Yakuza paranoïaque sous influence de l’écriture automatique. Takashi Miike montre une réelle jouissance à compiler ses thèmes de prédilection tout en construisant une architecture cinématographique unique. Après avoir été salué par Quentin Tarantino, Audition a eu les honneurs de la critique occidentale.

Il a signé récemment Jojo’s Bizarre Adventures. Pour son centième film, Blade of the Immortal (2017) est une adaptation du manga « L’habitant de l’infini » de Hiroaki Samura pour lequel il a monté les marches à Cannes en compagnie de Takuya Kimura. Il présente à Cannes en Mai 2019, son nouvel opus, FIRST LOVE (Hatsukoi) dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Il retrouve l’acteur Masataka Kubota, déjà dirigé dans 13 Assassins et Nao Otomo, qui tenait le premier rôle dans Ichi The Killer. Parmi ses fidèles collaborateurs, il s’est à nouveau attaché les services du scénariste Masaru Nakamura (Bird People in China, Sukiyaki Western : Django), son compositeur Koji Endo (13 assassins, Hara-Kiri : Mort d’un Samouraï) et son directeur de la photographie Nobuyasu Kita (13 Assassins, Hara-Kiri : Mort d’un Samouraï, Blade of the Immortal)

Source : Gael Martin - Blog Médiapart - droits réservés  

Source et copyright des textes des notes de production @ Haut et Court 

  
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