dimanche 25 janvier 2015

Back to the future


Comédie/Drame/Très original et intéressant à découvrir

Réalisé par Alejandro González Iñárritu
Avec Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton, Andrea Riseborough, Amy Ryan, Emma Stone, Naomi Watts, Lindsay Duncan...

Long-métrage Américain
Durée : 1h59m
Année de production : 2014
Distributeur : Twentieth Century Fox France 

Date de sortie sur les écrans américains : 14 novembre 2014
Date de sortie sur nos écrans : 25 février 2015


Résumé : À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego…

S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir...

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : BIRDMAN est une expérience cinématographique singulière. C'est une sorte de pièce de théâtre dans la pièce de théâtre. Alejandro González Iñárritu, le réalisateur, filme son histoire comme un long plan séquence. C'est impressionnant et cela confère au film son ton particulier. Du coup, on suit avec intérêt les tribulations de ses personnages dont les histoires s'entrelacent. Leur état d'esprit, leurs espoirs, leurs sentiments, leurs faiblesses, leurs angoisses sont explorés. Le spectateur devient voyeur d'un huis-clos dans un théâtre de Broadway lors de la préparation de la première d'une pièce. L'ambiance New-yorkaise autour des théâtres et de la vie qui les anime est joliment croquée. Je ne saurais dire si elle est réaliste, mais en tout cas elle ressemble à l'idée que je m'en fais. L'organisation, telle que montrée ici, semble basée sur des projets insensés, des paris donnés perdants et une folie douce, ingrédient essentiel afin que les plans puissent prendre vie.
Dans BIRDMAN, tout tourne autour de Riggan Thomson, interpreté par un Michael Keaton dont le personnage est parfaitement touchant, amusant et pathétique. Riggan est un acteur dépressif sur le retour, qui doit faire face à une pression intense tout en combattant son démon intérieur. J'ai toujours aimé le style et l'energie de Michael Keaton et je l'ai retrouvé avec plaisir dans ce film.




L'acteur sauveur/emmerdeur, Mike Shiner, est interprété avec brio par Edward Norton. Ses scènes avec Michael Keaton sont un bonheur pour cinéphile.




Naomie Watts, qui interprète Lesley, une actrice qui joue son va-tout dans la pièce est très juste dans son jeu.


Tous les acteurs offrent une performance à fleur de peau, chacun dans son style et ils sont tous très convaincants.




Avec BIRDMAN, Alejandro González Iñárritu nous propose un film fort original sur les méandres de l'esprit d'un acteur qui vit la pression de son métier de plein fouet. Il nous divertit en nous exposant l'envers du décor dans une espèce de frénésie qui s'appuie sur une suite de petits drames. La réalisation est vraiment intéressante, les acteurs sont très bons, le sujet, entre drame et comédie, maintient l'attention jusqu'au bout. C'est spécial et peut-être pas grand public, mais si vous aimez le cinéma, c'est définitivement un film à découvrir.


NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
« La fortune conduit nos affaires mieux que nous n'eussions su désirer … »
« Don Quichotte », Miguel de Cervantès   
L’HOMME DANS LE COSTUME 

Avec BIRDMAN ou la surprenante vertu de l’ignorance, Alejandro G. Iñárritu signe une comédie noire dans laquelle Riggan Thomson, acteur has been autrefois célèbre pour avoir incarné un super-héros, tente de relancer sa carrière en montant une audacieuse pièce de théâtre à Broadway. Il espère que ce projet insensé légitimera son statut d’artiste et prouvera à tous, y compris à lui-même, qu’il est autre chose qu’une star déchue…  Tout en préparant fébrilement la première, Riggan va devoir jongler avec tout ce qui fait, a fait ou fera sa vie… Quelques jours pour devenir complètement dingue ou avoir une chance de trouver son équilibre…
Alejandro G. Iñárritu confie : « Plusieurs éléments de l’histoire de Riggan ont trouvé un écho en moi, en particulier la réflexion sur la nature éphémère du succès et l’intérêt qu’il peut présenter. J’avais envie d’explorer la question de l’ego et l’idée que le succès – qu’il s’agisse d’une réussite financière ou de célébrité – est toujours une illusion. Ça n’est que temporaire. Quand on court après ce que l’on croit désirer en espérant la reconnaissance du public, même si on finit par l’obtenir, on se rend très vite compte que la satisfaction que l’on en retire est passagère. » Le réalisateur poursuit : « Riggan est un personnage profondément humain. Il m’est apparu comme une sorte de Don Quichotte : l’humour du film naît du décalage permanent entre sa très sérieuse ambition et la sordide réalité qui l’entoure. En fait, c’est notre histoire à tous. »
Il ajoute : « J’aime les personnages imparfaits, pétris de doutes et de contradictions… ce qui décrit bien toutes les personnes que je connais ! Riggan a fait de mauvais choix et cela affecte ses proches. Toute sa vie durant, il a confondu l’amour et l’admiration. Et il doit d’abord réaliser combien l’admiration est insignifiante avant de commencer péniblement à apprendre à aimer les autres et à s’aimer lui-même. » À propos de son personnage, Michael Keaton déclare : « J’ai considéré Riggan d’abord en tant qu’être humain. Mais étant acteur, il possède évidemment une personnalité à part. Les comédiens ont déjà tendance à être égocentriques, mais chez lui, le moins que l’on puisse dire c’est que cela prend des proportions démesurées. »  Pour l’ego torturé de Riggan, la frontière entre réalité et illusion est mince, voire inexistante. L’ombre de Birdman – arrogant compagnon de tous les instants – n’est jamais loin, que cela lui plaise ou non.
Alejandro G. Iñárritu explique : « Riggan entreprend d’apprendre à s’aimer, c’est un cheminement très personnel. Et tandis qu’il tente de se défaire de sa médiocrité, son ego – à la fois ami fidèle et persécuteur – reproduit les schémas que Riggan aimerait laisser derrière lui et le place face à ses multiples limites et à ses délires. Il y a là-dedans quelque chose de tragi-comique, mais aussi d’à la fois foncièrement réaliste et surréaliste. » Il poursuit : « Birdman est le surmoi de Riggan, et de son point de vue, Riggan fait une énorme erreur en montant cette pièce qui est clairement indigne d’eux. Du point de vue de Riggan en revanche, c’est Birdman qui a perdu la tête. Mais bien sûr, en définitive, ils sont tous les deux à côté de la plaque. » 
Comme tous les films d’Alejandro G. Iñárritu, BIRDMAN explore les multiples facettes de l’existence humaine à travers ses personnages, emmenés par Riggan, et oscille entre comédie et drame, illusion et réalité, laissant la porte ouverte à de nombreuses interprétations.  Le réalisateur déclare : « J’ai toujours pensé qu’après avoir atteint 40 ans, un projet qui ne vous effraie pas ne vaut pas la peine qu’on l’entreprenne. Et pour ce film, j’étais complètement terrorisé ! Il m’a poussé à m’aventurer en territoire inconnu, ce qui est loin d’être confortable. » Le producteur John Lesher déclare : « Il s’agit d’un film dramatique porté par des personnages forts qui contient aussi des éléments comiques. C’est un genre nouveau pour Alejandro. Mais il est très doué pour aborder le terrain de la condition humaine. » Michael Keaton ajoute : « Pour Alejandro, tout ce qui compte c’est le projet, le film, l’histoire et les personnages. Il lui tient à cœur de réaliser des œuvres sincères et pleines de sens. Et de ce point de vue, BIRDMAN est une réussite. » 
Si le film raconte les tribulations de comédiens, pour Alejandro G. Iñárritu leur quête d’admiration est universelle. Il développe : « La définition moderne de la réussite est la célébrité instantanée ; les gens ne veulent plus être reconnus pour une œuvre bâtie au fil du temps. En l’espace d’une seconde, on peut avoir 800 000 mentions « j’aime » et autant d’abonnés, et pour certains cela représente en soi une réussite, ce qui est complètement aberrant. L’immédiateté des réseaux sociaux peut facilement fausser la réalité perçue par un être humain, en particulier Riggan, qui doit se soumettre à l’image que les gens ont de lui. Tout cela est nouveau pour lui, et ce mélange des genres est difficile. Le film raconte justement l’histoire d’un homme qui tente de prouver qu’il est davantage qu’une célébrité éphémère. Mais dans le monde d’aujourd’hui où l’ironie règne en maître, celui qui veut être sincère se fait crucifier. C’est un monde absurde et surréaliste. Mon objectif était d’explorer de manière amusante ce qu’il y a de pire dans la nature humaine afin de nous réconcilier, si ce n’est avec le caractère imparfait de notre monde ou de l’être humain, avec la façon dont nous les abordons et les vivons. » 
La pièce montée par Riggan au prestigieux St. James Theater est adaptée de la nouvelle de Raymond Carver intitulée « Parlez-moi d’amour ». On y retrouve le thème de la quête incessante d’amour et de reconnaissance qui parcourt BIRDMAN.
Le réalisateur commente : « J’admire beaucoup Raymond Carver depuis l’adolescence, et cette nouvelle est un classique de la littérature. Je l’ai choisie pour le film parce que c’est en fait une très mauvaise idée ! J’essaie toujours de me mettre à la place de mes personnages, et pour quelqu’un comme Riggan, qui n’appartient pas à l’univers du théâtre, monter une pièce adaptée d’une nouvelle de Raymond Carver est extrêmement risqué, presque absurde. J’avais besoin qu’il y ait une pièce et il se trouve que les thèmes développés dans cette nouvelle sont très similaires à ceux du film car Riggan cherche désespérément à se faire aimer et à comprendre la source de cet amour. J’ai voulu jouer avec l’idée qu’il essaye d’appliquer certains des éléments de la pièce à sa propre vie. Petit à petit, il devient le personnage qu’il interprète : un type désespéré qui se réfugie dans une chambre d’hôtel miteuse, en quête d’amour. J’ai eu la chance que Tess Gallagher, la veuve de Raymond Carver, me fasse suffisamment confiance pour me confier les droits de l’histoire pour le film. Je lui en suis infiniment reconnaissant. » 

SOUS LES FEUX DE LA RAMPE 

 Le personnage principal de BIRDMAN, Riggan Thomson, est interprété par Michael Keaton. L’acteur, qui a joué des rôles très éclectiques dans toutes sortes de genres cinématographiques, s’est notamment illustré dans BATMAN et BATMAN, LE DÉFI réalisés par Tim Burton, des films qui ont lancé le genre du blockbuster de super-héros issus des comics. À l’instar de son personnage, il n’a pas poursuivi dans cette voie et a laissé d’autres comédiens revêtir le costume du Chevalier noir dans les films suivants.  Alejandro G. Iñárritu déclare : « Michael est un acteur très talentueux, très impressionnant. Je n’avais encore jamais rencontré ou travaillé avec quelqu’un qui maîtrise aussi bien son art, que ce soit dans la comédie ou dans le drame. Et puis c’est l’un des rares acteurs à avoir traversé la même chose que le personnage, je dirais même qu’il a été l’une des premières stars de films de super-héros en ressuscitant le personnage mythique de Batman. C’est un peu « l’ancêtre » de toutes les adaptations de comics qui fleurissent sur nos écrans aujourd’hui, il était donc le candidat idéal pour interpréter Riggan. Lorsqu’il a accepté de prendre part au projet, j’ai su que le film correspondrait exactement à ce que je voulais parce que sa présence renforcerait le réalisme de l’histoire, non seulement parce qu’elle fait écho à son expérience personnelle, mais également parce que Michael possède un talent immense. »
Le réalisateur poursuit : « La volonté de Michael de dépeindre les qualités et les défauts de Riggan sans pour autant émettre le moindre jugement était aussi essentielle pour le rôle. Il incarne Riggan avec une sincérité et une authenticité absolues. En raison de la manière dont le film a été tourné, il a fallu qu’il fasse non seulement preuve d’une grande précision physique sur le plan rythmique, mais également qu’il passe d’une émotion à une autre sans une once d’ironie. Il a réussi à puiser en lui des ressources que je n’imaginais pas. Je ne sais pas comment il a fait, mais c’était incroyable à observer. »  Pendant tout le film, Riggan éprouve un mélange d’émotions conflictuelles telles que l’enthousiasme, le doute, le regret, l’ambition, la colère, la tendresse, l’espoir et la peur, sans parler du fait qu’il est sans cesse suivi par le personnage de Birdman, fruit de son imagination fertile. À propos de son personnage Michael Keaton déclare : « Je pense que ce qui définit Riggan, ce sont ses contradictions. Il a l’impression d’être le roi du monde l’espace d’un instant, et quelques secondes plus tard d’être au fond du trou. Dans une même scène, il traverse toute une gamme d’émotions. Je n’avais encore jamais incarné un personnage de cinéma ou de théâtre qui passe par autant d’extrêmes en si peu de temps, mais c’est précisément ce qui m’a plu chez lui. »
L’acteur poursuit : « Jamais je ne me suis moins identifié à un personnage qu’à Riggan, mais cela ne m’empêche pas de le comprendre par certains aspects parce que c’est quelqu’un d’authentique, de sincère et de foncièrement humain. »     Alejandro G. Iñárritu déclare : « Pour moi, le casting est l’une des plus grandes responsabilités qui incombent au réalisateur. J’ai essayé de choisir des acteurs qui ne fassent pas des caricatures de leurs personnages mais essayent au contraire de s’approprier leur humanité et de leur conférer une certaine profondeur face à l’absurdité de la situation. La distribution de BIRDMAN est composée d’acteurs fantastiques dotés d’une grande sensibilité qui sont capables de jouer dans l’instant présent et de se mettre totalement au service de l’histoire. » 
Naomi Watts interprète Lesley, une actrice qui fait ses débuts à Broadway dans la pièce de Riggan. Elle a aimé retravailler sous la direction d’Alejandro G. Iñárritu, avec qui elle avait déjà collaboré sur 21 GRAMMES. Elle déclare : « BIRDMAN est le film le plus complexe que j’aie jamais tourné en raison de sa forme visuelle atypique. Il a été construit pour donner l’impression d’être un seul et même long plan ; chaque plan-séquence que nous avons tourné est interprété par plusieurs acteurs qui se déplacent d’un lieu à l’autre et représente 15 pages de dialogue… On n’a pas le droit à l’erreur. D’habitude, une même scène est tournée sous différents angles et si on n’est pas satisfait du résultat, on peut refaire une prise. Cela nous permet de nous économiser ou de nous améliorer. Mais pas ici. En raison du style adopté par Alejandro, tout le monde doit être au sommet de son art à chaque instant – et pas seulement les acteurs, d’ailleurs. Nous étions tous sur la brèche, que ce soit le département accessoires, les cascadeurs ou les cadreurs. C’est une sorte de course de relais dans laquelle chacun a un rôle précis à jouer et ne veut pas laisser tomber les autres. C’est un véritable travail d’équipe. »
Naomi Watts a trouvé cette expérience stimulante. Elle explique : « C’était un peu comme assister à une master class. Même si cela a été exténuant, ça a aussi été un formidable défi et j’étais très heureuse de tenter une expérience nouvelle. C’est pour Alejandro que cela a été le plus dur. Il arrivait qu’à une heure de la fin de la journée de tournage il n’ait pas encore obtenu la prise qu’il souhaitait, mais comme par magie, c’est à ce moment-là que tout se synchronisait. Il fallait qu’il mette la scène en boîte dans la journée car il ne pouvait pas couper ou monter la scène en postproduction, mais à la fin d’une prise, s’il avait aimé ce que nous avions fait, il nous félicitait et nous applaudissait. Nous voulions tous lui faire plaisir. C’était un peu comme remporter une épreuve olympique. » Pour Lesley, le personnage que joue Naomi Watts, jouer dans une pièce à Broadway équivaut également à participer aux Jeux Olympiques, et cela influe sur tout le reste. Sa ténacité conduit d’ailleurs au casting de l’égocentrique acteur Mike Shiner, incarné par Edward Norton.
Naomi Watts raconte : « Se produire à Broadway est un rêve de petite fille pour elle, et il se réalise enfin. Rien d’autre ne compte à ses yeux et elle est prête à tout pour que cela se passe bien. Les acteurs sont des êtres complexes et il n’y a pas de raison pour qu’on ne puisse pas se moquer gentiment d’eux de temps en temps. Lesley en particulier, aimerait plus que tout percer à Broadway, c’est pourquoi elle est terrorisée à l’idée que la pièce soit annulée lorsque l’un des acteurs principaux se blesse juste avant la première. En dépit des risques pour elle, elle propose alors son petit ami pour le remplacer, même si elle sait qu’il y aura forcément des problèmes avec lui. » 
Edward Norton, aussi connu pour son travail au théâtre qu’au cinéma, a été impressionné par l’exactitude avec laquelle BIRDMAN réussit à dépeindre l’univers du théâtre new-yorkais. Il commente : « Lorsque j’ai lu le scénario, je me suis demandé comment Alejandro et ses partenaires d’écriture avaient réussi à intégrer l’aspect humoristique et poignant de la vie des acteurs en général, mais en particulier les vicissitudes de celle des acteurs de théâtre new-yorkais. J’ai été frappé par la justesse du scénario parce que je connais bien l’univers du théâtre new-yorkais pour y jouer depuis le début de ma carrière. » Ce monde à part offre en effet l’opportunité d’explorer, voire d’épingler, les « particularités » de la communauté théâtrale dont Mike Shiner est un excentrique représentant.
Edward Norton reprend : « Chez les acteurs, on trouve inévitablement un mélange d’authentique talent artistique et de passion pour la narration, mais également du narcissisme, de l’égocentrisme et une grande estime de soi. Ce qui m’a plu chez Shiner, c’est que bien que ce soit un mufle vaniteux, avide et sournois doté d’un ego surdimensionné, c’est aussi un acteur extrêmement talentueux. Il sait exactement de quoi il parle, il est dévoué à son art, il travaille dur et est très sensible. Il est capable de déceler la véritable nature des gens au-delà de la carapace qu’ils se sont forgée. Je pense que le public aura la même réaction que Riggan vis-àvis de lui. »
Si BIRDMAN explore l’univers des acteurs, c’est l’universalité des thèmes du film qui a séduit Edward Norton. Il explique : « Dès le départ, Alejandro m’a dit qu’il ne voulait pas que le film parle uniquement des acteurs ou des artistes. Il tenait à ce que tout le monde puisse s’identifier aux personnages. Ce qui l’intéressait vraiment, c’était de décrire ces moments où l’on prend conscience que la réalité est bien différente du portrait flatteur que l’on s’était fait de soi-même autrefois. Alejandro est quelqu’un de très sensible. Ce peut être terrifiant lorsqu’on arrive à un certain âge, qu’on commence à envisager sa propre mort et qu’on doit faire face au fait que l’on n’est pas devenu ce dont on rêvait. Dans le film, Riggan tente de retrouver son estime de soi – le fait qu’il soit acteur est anecdotique. Je trouve que la manière dont il le fait est poignante et souvent hilarante parce qu’il est prêt à aller très loin pour y arriver. »
Les relations entre Riggan et certains de ses acteurs illustrent également le caractère universel de l’histoire. L’acteur commente : « Riggan se sent menacé par Mike Shiner, qui est plus jeune que lui, c’est l’histoire classique du jeune ambitieux et du type plus âgé qui veut prouver qu’il a toujours sa place dans la société. Le film met aussi en scène des histoires d’amour et les relations familiales, des thèmes qui parlent à tout le monde. » 
Le producteur de la pièce et meilleur ami de Riggan, Jake, est interprété par Zach Galifianakis. Il s’efforce de gérer la situation de son mieux, et il a du pain sur la planche. De tous les personnages, Jake est sans doute le plus sensé – un changement bienvenu pour l’acteur, plus habitué aux personnages déjantés.
Celui-ci déclare : « Je suis un grand fan des films d’Alejandro. Je l’appréciais déjà avant de le rencontrer. Lorsque nous nous sommes retrouvés autour d’un café, il m’a dit qu’il voulait me confier un rôle sérieux et subtil, loin de la caricature, ce qui était assez nouveau pour moi. » À propos de son personnage, l’acteur déclare : « Riggan et Jake travaillent ensemble depuis longtemps. Je pense qu’ils ont dû connaître de bons moments dans le passé, lorsque Riggan était au sommet de la gloire. Mais pour préparer leur prochain film, ils doivent passer par Broadway afin de retrouver un semblant de légitimité. Jake est à mes yeux un personnage archétypal. Il s’emporte facilement et pique parfois des colères, ce qui est aussi assez plaisant à jouer. »  
Emma Stone interprète Sam, la fille de Riggan fraîchement sortie de désintoxication, qui est aussi son assistante. Leurs rapports sont tendus, car la jeune fille a grandi sans son père, accaparé par le succès du super-héros Birdman. Et le fait qu’il l’ait engagée comme assistante n’améliore en rien la situation. Fine observatrice, Sam regarde son père et son histrionisme – sa recherche constante d’attention – avec une froideur ironique qui, bien que fondée, relève aussi du mécanisme de défense.
L’actrice déclare : « Comme elle vient de sortir de désintoxication, Sam doit être surveillée par un membre de sa famille, mais elle commet une grosse erreur en acceptant de travailler pour son père. Le fait qu’il se montre aussi distant avec elle au début et lui assigne des tâches sans intérêt n’aide pas. Si leur relation ne commence pas sous les meilleurs auspices, à la fin du film elle réalise qu’ils sont en fait très similaires. Sam est l’un des seuls personnages du film à ne pas être actrice et à ne pas jouer dans la pièce. Cela a été agréable d’incarner ce personnage en marge qui observe ce qui se passe sans pour autant intervenir dans ce grand tourbillon. » Si la pièce constitue l’unique chance de Riggan de se refaire une réputation artistique, sa fille quant à elle a un point de vue très différent et résolument moderne. Emma Stone déclare : « On découvre Riggan à un point de non-retour, alors qu’il est en train d’orchestrer un comeback avant tout motivé par un désir de légitimité. Mon personnage, Sam, lui fait découvrir les réseaux sociaux et la forme moderne de la célébrité, qu’il ignore délibérément. Les acteurs sont aujourd’hui beaucoup plus accessibles qu’il y a 20 ou 30 ans, à l’époque où Riggan incarnait Birdman. Il veut être apprécié et respecté en tant qu’artiste, mais il veut aussi qu’on l’adule, il veut faire encore mieux que le voisin, plaire à encore plus de monde… Et je pense que c’est quelque chose que nous pouvons tous comprendre et concevoir. »
Tout au long du tournage, l’actrice a pu compter sur le soutien sans faille d’Alejandro G. Iñárritu. Elle déclare : « J’ai beaucoup appris sur ce film. C’était passionnant d’entrer dans la peau du personnage pendant des périodes aussi longues. Et puis Alejandro comprend parfaitement ses acteurs, il sait ce qui se passe dans leur tête réplique après réplique, parfois même mieux qu’eux ! Je me souviens d’une journée où je sentais que je n’y arrivais pas et à l’instant même où j’ai enfin compris ce que je devais faire, il m’a applaudie et encouragée. C’était incroyable. Je n’avais jamais rencontré un réalisateur capable de se mettre à ce point à la place d’un acteur. » 
Amy Ryan incarne Sylvia, la mère de Sam et l’ex-femme de Riggan, qui vient de temps en temps au théâtre pour vérifier que tout se passe bien entre eux. L’actrice déclare : « Sylvia est à mon sens la seule personne stable et raisonnable dans la vie de son ex-mari et de sa fille. Elle est la voix de la raison et incarne l’amour véritable, tandis que les autres personnages confondent amour et adoration et mesurent leur valeur à l’aune de leur célébrité. » Contrairement à d’autres personnes de son entourage, Sylvia est une alliée indéfectible pour Riggan, même si celui-ci ne lui rend pas la tâche facile. Amy Ryan explique : « Le plus difficile lorsqu’on veut aider quelqu’un, c’est de ne pas être entendu. Et c’est précisément ce qui se produit avec Riggan et Sylvia, il n’arrête pas de se mettre lui-même des bâtons dans les roues et est incapable de se voir tel que Sylvia le voit. Malgré leur divorce, et même si c’est épuisant, elle continue à le soutenir. » Comme ses partenaires, l’actrice a dû se faire au style visuel très particulier du film. Il a fallu qu’elle s’adapte très rapidement et a apprécié de pouvoir compter sur le reste de l’équipe. Elle commente : « Les longues répétitions d’avant-tournage m’ont beaucoup aidée. Ça a été un plaisir d’être tous rassemblés, c’est tellement rare que tous les acteurs soient présents en même temps sur le tournage d’un film... Nous formions une équipe soudée. » 
Andrea Riseborough incarne Laura, la maîtresse de Riggan et l’une des actrices de la pièce. L’apparente indécision de ce dernier engendre toutes sortes de réactions chez Laura qui, à l’inverse de son compagnon, est en quête d’une relation adulte et sincère et non de l’adulation du public. Andrea Riseborough a appris à connaître intimement son personnage au cours des répétitions élaborées orchestrées par Alejandro G. Iñárritu, un processus qui s’est prolongé tout au long du tournage. Outre l’importance de l’aspect technique du tournage, le réalisateur a également porté une attention toute particulière au développement des personnages et des différentes intrigues.
L’actrice commente : « Alejandro a façonné chaque moment du film et réussi à leur conférer une véritable authenticité. Ce qui m’a le plus fasciné chez lui, c’est qu’avant même de commencer à tourner, pendant les répétitions, il s’est assuré que je comprenne bien qui était mon personnage. J’ai tout de suite eu l’impression de connaître Laura, mais pendant le tournage, je l’ai découverte tous les jours davantage grâce à Alejandro. Il dévoile très peu de choses sur ses personnages de sorte que chaque acteur puisse se les approprier. J’ai trouvé sa manière de travailler extraordinaire et résolument unique. » 

AU RYTHME DE LA VIE 

 En amont du tournage, BIRDMAN a été conçu et écrit pour donner l’impression de constituer une tranche de vie continue. Alejandro G. Iñárritu déclare : « Dès l’écriture de la première page du scénario, je savais que je voulais offrir au public une expérience intensément vivante, et livrer le point de vue du personnage principal d’une manière radicale. C’est une technique nouvelle pour moi et pour toute l’équipe, ça a donc été un défi du début à la fin, de l’écriture du scénario à la postproduction. »  En raison de la nature même de ces plans-séquences – de longs plans intuitifs et continus réalisés avec des Steadicam ou des caméras portées – le film n’a pu être éclairé de manière traditionnelle. Les déplacements et les dialogues étaient parfaitement synchronisés avec les mouvements de caméra, de sorte qu’on se serait davantage cru dans le théâtre où se déroule l’essentiel de l’action que sur le tournage d’un film.
Le réalisateur explique : « Nous avons chorégraphié, répété et conçu les plans du film dans un décor vide avec des doublures. Dans une comédie, le rythme est fondamental. De cette façon, j’ai non seulement trouvé le rythme interne des scènes mais j’ai également pu façonner les décors avec la plus grande précision en fonction de ce que nous apprenions en travaillant chaque scène. » Il poursuit : « Chivo (Emmanuel Lubezki) a été magistral. Outre le fait d’être un génie de l’éclairage, je connais peu de directeurs de la photo qui auraient été capables de faire face aux exigences techniques de ce film. En raison de la façon de filmer, il était impossible d’éclairer les acteurs de manière traditionnelle – ordinairement, on filme une même scène en multipliant les angles de prise de vues, et on éclaire selon chaque angle en prenant le temps de régler la mise en lumière, mais ici ce n’était pas le cas. Pour éclairer correctement les acteurs sans compromettre l’esthétique du film, Chivo a dû faire preuve d’une habileté et d’un talent incroyable. Je pense qu’il était le seul à pouvoir le faire. »
En raison de la particularité du style de prises de vues, Alejandro G. Iñárritu a tenu à faire des répétitions détaillées avec tous les acteurs. Il explique : « Il fallait absolument qu’ils comprennent ce que je faisais, chaque déplacement, chaque pas, chaque mouvement de tête a été décidé à l’avance et méticuleusement chorégraphié. Il n’y avait pas de place pour l’improvisation, tout était réglé comme du papier à musique. » Michael Keaton déclare : « Chaque jour de tournage s’est déroulé comme s’il s’agissait d’une seule et même scène, en continuité. Habituellement, le réalisateur réalise 5 prises par-ci, 12 par là et des tas de gros plans pour pouvoir monter la scène comme il l’entend. Mais ça n’est pas le cas dans ce film, il n’y a pas de filet de sécurité. On ne peut pas s’y reprendre à plusieurs fois. Il fallait que tout s’accorde parfaitement et que chaque acteur soit au sommet de son art. » Le réalisateur confie : « J’ai envoyé une copie de la photo de Philippe Petit qui se trouve dans mon bureau à tous les acteurs du film. Je tenais à ce qu’ils se souviennent que nous serions tous des funambules sur ce projet et qu’il allait falloir que nous fassions preuve de précision et d’assurance, tout en se faisant tous confiance, car nous pouvions très facilement faire un faux pas. »
Outre l’importance de l’aspect technique des répétitions, il était également essentiel que les acteurs passent du temps à creuser leurs personnages. Alejandro G. Iñárritu commente : « Nous avons pris le temps d’étudier minutieusement le sens et le but de chaque scène, ainsi que chaque personnage dans les moindres détails, afin de déterminer leurs motivations et les conséquences de leurs actions et de leurs émotions. » Edward Norton a beaucoup apprécié la technique de prise de vues dans laquelle la caméra suit en permanence l’acteur. Il déclare : « Cela souligne non seulement les étranges liens affectifs qui unissent les personnages, mais constitue également en quelque sorte l’étape suivante logique dans l’œuvre d’Alejandro. Je trouve en outre que cela confère une certaine théâtralité au film, dont le sujet est justement le théâtre. »  L’acteur poursuit : « L’idée d’Alejandro était passionnante, il voulait instaurer une unité, une interconnexion entre tous les plans. Le fait de tourner en plans séquences est une variation sur un thème récurrent dans son œuvre, qui vise à créer un film fait de moments interconnectés les uns aux autres. Prenez BABEL par exemple, les univers du film, aussi différents soient-ils, sont reliés par un fil conducteur.
Dans BIRDMAN, les relations des personnages et les événements sont liés par une unité visuelle qui nous porte d’une scène à l’autre sans rupture, ce qui m’a beaucoup plu. Cela permet aux acteurs de s’exprimer comme seul le théâtre le permet, et c’est quelque chose de très fort. Je trouve également que cela confère inconsciemment une certaine énergie au jeu des acteurs. Alejandro compare cela au fait de marcher sur un fil sans filet de sécurité. Cela affûte votre jeu, différemment d’un tournage classique. » Pour Emma Stone en revanche, le tournage en plans continus a été une expérience assez éprouvante. L’actrice déclare : « Il y a une scène dans laquelle je n’ai qu’une ou deux répliques, mais il était très important que je les dise bien parce qu’elles s’intègrent dans une très longue scène entre Michael et Edward. Je devais intervenir pour dire quelque chose comme : « Larry est prêt pour l’essayage » puis disparaître avec Edward. Je n’avais que ça à faire, mais Alejandro m’a demandé d’aller un peu plus lentement, de réduire mon rythme d’un tiers, sans quoi la scène ne pourrait pas fonctionner. J’étais très tendue, je n’avais pas le droit à l’erreur. Au bout de la 25e prise, je n’en pouvais plus, je n’arrivais même plus à dire ma réplique ! La pression était immense. Comme au théâtre, chaque prise est concentrée sur vous. C’était intensif. Tout est extrêmement technique mais il faut également être présent et dynamique car chaque image où l’on apparaît sera dans le film, rien n’est coupé. Si on fait une erreur, le réalisateur ne pourra pas utiliser une autre prise. »
Zach Galifianakis qualifie le style visuel d’Alejandro G. Iñárritu de « narration fluide et continue » et voit dans le film une véritable réflexion sur le métier d’acteur – ainsi qu’une sorte de test pour chacun des comédiens. Il commente : « Le fait que la caméra se déplace en temps réel est une manière très intéressante de raconter une histoire. Tout est calculé dans les moindres détails : les marques à respecter, les déplacements des acteurs, les dialogues. C’est un mélange d’hyper précision dans la mise en scène et de fluidité dans la captation des images. Je ne pensais pas être capable d’une telle précision, mais Alejandro m’a beaucoup rassuré, c’est quelqu’un de très sympathique. C’est très intéressant parce que BIRDMAN raconte l’histoire d’un comédien et que ce film a nécessité de véritables performances d’acteurs de la part de tous ceux qui y ont participé. »
  
LA PRODUCTION 

LES DÉCORS 

BIRDMAN a été entièrement tourné à New York en 30 jours. C’est le premier film qu’Alejandro G. Iñárritu tourne dans cette ville, et il n’aurait tourné ailleurs pour rien au monde.  Le producteur John Lesher explique : « La ville et Broadway sont des personnages à part entière dans le film. Comme nous voulions être les plus authentiques possible, il était inenvisageable de tourner ailleurs qu’à New York. Et puis ce qui est fantastique, c’est qu’on y trouve plein d’artistes, de techniciens et d’acteurs talentueux issus de l’univers du théâtre et du cinéma : exactement ce que recherchait Alejandro. »   L’équipe a également choisi de tourner le film chronologiquement, une décision plutôt inhabituelle au cinéma et particulièrement ambitieuse pour un film tourné en plans-séquences et en si peu de temps.
Le producteur Jim Skotchdopole explique : « Il était essentiel pour Alejandro de travailler dans la continuité et d’explorer la psychologie de Riggan car c’est sur cela que repose tout le film. Michael faisait tous les jours un travail extraordinaire pour trouver le ton juste et le rythme dans l’évolution de son personnage. Il a véritablement été éblouissant. » La production a tourné la majeure partie du film à Broadway, au St. James Theatre, situé sur la 44e rue, en plein cœur de Times Square. L’histoire de ce théâtre est particulièrement riche : construit sur le site original du restaurant Sardi’s, il a été inauguré en 1927 et a accueilli de nombreuses pièces à succès, dont «  Native Son », « Oklahoma », « The King and I », « The Pajama Game », « Beckett » et plus récemment « Gypsy », « American Idiot », « Hair » et « Bullets Over Broadway ».
Le régisseur d’extérieurs Joaquin Prange déclare : « C’est la première fois qu’un film est tourné à l’intérieur d’un théâtre de Broadway en activité sur une durée aussi longue. Le théâtre joue en effet un rôle majeur dans le film. Le plus difficile a été de trouver un théâtre qui puisse se plier à notre emploi du temps. Nous en avions sélectionné une demi-douzaine mais Alejandro – et le reste de l’équipe – a vraiment été séduit par l’histoire, le style et l’atmosphère du St. James. Majestueux, il possède beaucoup de caractère, il est assez rustique et je pense que cela correspond bien à l’image qu’Alejandro voulait donner de Riggan. Ce dernier ne travaille pas dans le théâtre le plus en vue de Broadway, il se trouve d’ailleurs dans une petite rue, à quelques pas de la célèbre avenue. Et s’il est entouré de théâtres à succès, le St. James a connu quelques revers, cela semblait donc être l’endroit idéal pour monter sa pièce. »
Il poursuit : « Le monde du spectacle de Broadway est régi par un emploi du temps très strict : les artistes répètent de 8 heures du matin à minuit, alors que notre emploi du temps à nous était dicté par ce que nous devions tourner et l’heure à laquelle nous avions fini la veille. Ce genre de détail a obligé le théâtre à rester ouvert 24 heures sur 24, mais l’équipe a été fantastique. Nous avons tous beaucoup appris pendant ce tournage. » BIRDMAN a bien entendu été tourné sur la scène du St. James, où les acteurs interprètent la scène finale de « Parlez-moi d’amour » devant un public de figurants. Le foyer et la façade du théâtre servent également de décors au film.  Joaquin Prange déclare : « Il était important pour Alejandro de capter l’ambiance de Times Square et Broadway : l’agitation de la rue, les passants, les lumières, la circulation, en un mot l’essence du lieu, et la 44e rue est parfaite pour cela, car elle se situe à quelques dizaines de mètres seulement de Times Square où cette énergie est palpable. »  Le chef décorateur Kevin Thompson a eu pour mission de rattacher au St. James les décors des coulisses et des loges construits par son équipe aux studios Astoria.
Il raconte : « Lors de notre première conversation, Alejandro et moi avons discuté de l’univers physique du théâtre sur scène et dans les coulisses. Il avait très envie que les deux s’entremêlent et se chevauchent. Je pensais qu’il serait très difficile de faire se rencontrer ces deux mondes, mais l’idée de filmer dans un vrai théâtre de Broadway, de créer des décors pour le film et pour la pièce, ainsi que les loges et le labyrinthe de couloirs des coulisses m’a beaucoup intrigué. » Les répétitions voulues par Alejandro G. Iñárritu ont permis de définir les décors construits par l’équipe de Kevin Thompson, décors qui évoluent au fil de l’histoire, non seulement pour s’adapter aux mouvements de la caméra, mais également pour refléter l’état d’esprit de Riggan.
Le chef décorateur explique : « La taille et la forme des décors ont été dictées par les répétitions. Ils devaient s’adapter aux déplacements des acteurs : qu’ils montent ou qu’ils descendent les escaliers, qu’ils parcourent un long couloir ou qu’ils marquent un arrêt. Les répétitions ont notamment permis de déterminer la longueur des couloirs entre les loges, et la distance entre la loge de Riggan et la scène. Pour répondre à tous ces impératifs, nous avons créé des coulisses modulables pour s’adapter aux besoins de chaque scène et donner l’impression que la scène a été réalisée sans coupure ni montage. Le couloir qui mène à la loge de Riggan rétrécit quant à lui au fil de l’histoire, les murs se rapprochent et le plafond descend afin d’illustrer l’état d’esprit du personnage. Le décor a également été réalisé de sorte qu’on puisse retirer un élément pour rendre une prise de vues possible. Chivo pouvait soudain se positionner à la place du mur ou en faire disparaître un pan, ce qui est impossible si vous tournez dans des lieux réels. »
À propos de l’éclairage et de la palette de couleurs du film, Kevin Thompson déclare : « Alejandro aime les couleurs neutres et délavées. Pour obtenir ce résultat, mon département a utilisé l’éclairage de Chivo. Nous nous sommes servis des sources lumineuses présentes dans le décor parce qu’il fallait que le caméraman puisse se déplacer librement sans qu’il y ait des spots sur son chemin ou dans le champ. Nous avons choisi des lampes aux températures de couleur différentes, de la plus froide à la plus chaude. Les décors ont été éclairés pour le cinéma, pas pour le théâtre – à Broadway, on utilise des lumières plus colorées, qui accentuent le rouge et le bleu, alors que nous avons opté pour un éclairage plus nuancé mélangeant couleurs chaudes et froides. Chivo a éclairé la scène du théâtre de manière tout à fait unique grâce à une immense LED installée au plafond dont on pouvait changer la couleur et la position au fil du tournage. » 

LES COSTUMES
  
Le chef costumier Albert Wolsky possède une longue expérience au cinéma et au théâtre. Il a remporté l’Oscar des meilleurs costumes à deux reprises (pour BUGSY de Barry Levinson et QUE LE SPECTACLE COMMENCE de Bob Fosse) sur 7 nominations, et a été cité au Tony Award pour son travail sur la production de « The Heiress » en 2013. Tout au long de sa carrière, il n’a cessé de passer de la scène au cinéma et vice-versa.
Dans le film, il est justement question de ce va-et-vient entre Broadway et Hollywood qui se manifeste dans les costumes imaginés par Albert Wolsky : il n’y avait en effet personne de mieux placé que lui pour comprendre cette tension. Ce difficile mélange des genres est surtout présent dans les costumes portés par les personnages à la ville. Le chef costumier déclare : « Pour les scènes de répétitions, j’ai essayé d’instaurer une certaine décontraction car personne ne s’habille spécialement pour ce genre de chose. Ce style informel et décontracté a été en partie inspiré par le mode de vie californien. J’ai toujours gardé à l’esprit qu’il fallait trouver l’équilibre entre l’univers du théâtre et celui d’Hollywood. La différence entre la décontraction new-yorkaise et le cool californien est subtile, mais elle existe bel et bien. » Évidemment, Albert Wolsky a aussi conçu les costumes portés par les personnages dans « Parlez-moi d’amour ».
Pour ce faire, il a dû réaliser un nouveau numéro d’équilibriste : il lui a fallu créer des costumes que l’on pourrait voir sur les scènes de Broadway, qui soient également cinématographiques et se distinguent des tenues de tous les jours portées par les personnages.  Le chef costumier déclare : « Bien que Raymond Carver ait écrit l’histoire au début des années 80, j’ai pensé qu’il serait plus judicieux de remonter un peu plus en arrière dans le temps. J’ai opté pour les années 50 parce que le style des années 70 et 80 est trop proche de ce que nous portons aujourd’hui. Mais il a aussi fallu que je réfléchisse aux matières que j’allais utiliser parce que tout cela allait être filmé. La caméra perçoit le monde en deux dimensions, contrairement à notre œil, c’est pourquoi la texture et la profondeur de certains tissus sont plus évidentes sur scène qu’au cinéma – j’ai appris cela en travaillant alternativement dans ces deux milieux. Ce qui fonctionne pour un gros plan au cinéma, par exemple, ne fonctionnera pas pour les spectateurs qui se trouvent au 10e rang de la salle de théâtre. Pour ce qui est des couleurs, j’ai opté pour quelque chose de légèrement différent.
Chivo n’aime pas les couleurs primaires, j’ai donc sciemment utilisé des teintes plus profondes pour la pièce que pour le reste du film. » Le travail du chef costumier sur QUE LE SPECTACLE COMMENCE, un film précurseur qui explore lui aussi l’ambivalence entre Broadway et Hollywood, ainsi que la nature de l’art et du commerce, a intrigué Alejandro G. Iñárritu. Albert Wolsky raconte : « QUE LE SPECTACLE COMMENCE est la première chose dont nous avons parlé. Ce film semble avoir influencé de nombreux réalisateurs. Personnellement, mon travail s’inspire toujours du sujet du film, mais ma propre expérience m’influence aussi et au bout d’un moment il est difficile de distinguer d’où vient telle ou telle idée parce que cela forme un tout. » 

BIRDMAN 

Le seul costume qu’Albert Wolsky n’a pas créé est celui de Birdman. C’est à Mike Elizalde, que Guillermo del Toro a recommandé à Alejandro G. Iñárritu, qu’est revenue cette mission. Mike Elizalde déclare : « J’étais ravi de prendre part à ce projet parce que j’admire le travail d’Alejandro depuis longtemps, c’est un brillant cinéaste. Et puis ce n’est pas tous les jours que quelqu’un comme moi, qui travaille dans le domaine des effets spéciaux et des maquillages prosthétiques pour fabriquer des créatures de toutes sortes, a l’opportunité de participer à un film dans le genre de ceux d’Alejandro. J’ai très vite compris qu’il savait exactement ce qu’il voulait, ce qui m’a beaucoup facilité la tâche. »
Mike Elizalde a commencé à imaginer Birdman à la lecture du scénario et dès lors, il était évident que le personnage ne ressemblerait en rien aux autres créatures qu’il avait déjà créées.  Il explique : « Birdman est l’alter ego de Riggan, j’ai tout de suite pris la mesure de son importance dans l’histoire mais aussi dans l’esprit de Riggan. C’est Birdman qui l’a rendu célèbre, mais c’est aussi lui qui l’a à jamais catalogué comme « acteur de films de super-héros ». Il a donc fallu que nous prenions tout cela en compte. Habituellement, lorsqu’on conçoit une créature, on sait exactement de quoi il s’agit : vampire, loup-garou… Mais Birdman est bien plus que ça. C’est la manifestation psychologique du passé de Riggan, ce qui le définit mais peut aussi le détruire, et l’a déjà détruit à certains égards. C’était un défi passionnant à relever. »
Birdman est né de la collaboration entre Alejandro G. Iñárritu, Michael Keaton et Mike Elizalde et son équipe. Ce dernier explique : « Alejandro souhaitait intentionnellement faire référence au fait que Michael avait interprété Batman, comme une sorte de mise en abyme. Le masque qu’il porte ne laisse donc apparaître que le bas de son visage, comme celui de Batman. Il nous a également montré la photo d’un vautour de dos avec ses larges épaules et ses magnifiques plumes bleutées. Mon équipe et moi avons ensuite imaginé un croquis général du costume comprenant certaines parties plus détaillées que d’autres, une palette sombre pour refléter la psychologie du personnage, et certains éléments plus tape-à-l’œil, comme sa grosse boucle de ceinture dorée, pour souligner son ego. Nous avons fait en sorte que Birdman soit un personnage grandiose, l’antithèse de ce que Riggan est devenu. Nous l’avons également doté d’un masque qui fait penser à un faucon, d’impressionnantes ailes et d’une combinaison élégante, moderne, près du corps, avec un côté un peu cabotin. »
Mike Elizalde et son équipe ont fabriqué le costume et ses accessoires en collaboration avec Michael Keaton, en utilisant des tissus aux propriétés spéciales. Mike Elizalde commente : « Le costume de Birdman a été réalisé sur mesure et allait parfaitement à Michael. Il était en outre suffisamment léger pour ne pas le gêner pendant qu’il jouait. Il nous a fait un immense compliment en nous disant qu’il était à l’aise lorsqu’il le portait. Je pense donc que nous avons rempli notre mission en créant un costume qui correspondait à l’idée d’Alejandro et n’entravait pas le jeu de Michael. »
  
LE MONTAGE 

Les monteurs Stephen Mirrione et Douglas Crise ont ensuite été chargés d’assembler tous les éléments du film sans nuire à la fluidité du style d’Alejandro G. Iñárritu. Tous deux avaient déjà travaillé avec le réalisateur et étaient conscients du rôle crucial du montage pour ce film.
Douglas Crise déclare : « Pendant le tournage, Alejandro m’a répété à plusieurs reprises qu’il fallait qu’il pense à tout maintenant parce qu’il ne pourrait plus rien changer en salle de montage. » Stephen Mirrione ajoute : « Cette fois-ci, il n’aurait pas de deuxième chance et cela le hantait. Mais la raison pour laquelle le film est si réussi, c’est que les acteurs étaient remarquablement préparés. »
Comme pour les acteurs et le reste de l’équipe, les répétitions ont constitué la base du travail des deux monteurs. Stephen Mirrione explique : « Avant même que le tournage ne débute, nous avions prémonté les images des répétitions et des lectures du scénario afin qu’avec Alejandro, nous puissions nous faire une idée de ce que donnerait le film sur le plan visuel et sonore, pour éviter les redondances et repérer les déplacements. Nous avons donc pu nous mettre au travail très tôt. »
L’équipe en charge des effets visuels s’est révélée être un partenaire de choix pour le duo de monteurs car elle a contribué à fluidifier encore davantage le film en travaillant sur les transitions entre les scènes. Comme pour n’importe quel film, les monteurs se sont autant servis de leurs oreilles que de leurs yeux mais en raison de la grande précision des plans, ils ont dû se montrer extrêmement vigilants dans le choix des sons. Si BIRDMAN semble aussi fluide sur le plan visuel et sonore, c’est grâce à la préparation minutieuse du montage, comme de tous les aspects du film.
Douglas Crise explique : « La différence majeure avec ce film, c’est que rien n’indique clairement le début et la fin d’une scène car elles se fondent toutes les unes dans les autres. Alejandro a comparé cela au fait de dévaler une pente sans s’arrêter. Il n’y a pas de transition évidente, les personnages continuent simplement à vivre leur vie. »
Stephen Mirrione ajoute : « Nous étions très bien préparés et avions anticipé la plupart des écueils, mais ce que nous n’avions pas prévu, c’était la différence de rythme entre les scènes. Par moments, lorsqu’une scène ne nous satisfaisait pas, que son tempo ne collait pas au reste du film, nous avions la possibilité de l’accélérer ou de la ralentir de manière imperceptible pour le public, et cela a fait toute la différence. » 

LA MUSIQUE 

Les deux monteurs ont également travaillé en étroite collaboration avec Alejandro G. Iñárritu et l’ingénieur du son Martín Hernández à la création du refrain musical qui cadence le film et qui, à l’instar de Birdman, accompagne Riggan partout où il va.  Tout a commencé lorsque Douglas Crise a retrouvé le réalisateur sur le tournage pour lui montrer la première version du montage.
Alejandro G. Iñárritu déclare : « Le montage permet de modifier le rythme et la cadence d’un film, et ne pas pouvoir utiliser cet outil dans une comédie peut se révéler très handicapant. J’ai donc pensé qu’utiliser un morceau à la batterie comme bande son principale confèrerait non seulement un certain dynamisme au film mais que cela m’aiderait aussi à trouver le rythme que je voulais lui imprimer. Le batteur mexicain Antonio Sanchez, l’un des meilleurs au monde, et moi avons loué un studio une semaine avant le début du tournage. Il a enregistré et improvisé 60 morceaux inspirés des thèmes et des émotions développés dans le film. Cela m’a énormément aidé, j’ai même parfois utilisé sa musique sur le tournage pour que les acteurs prennent conscience du rythme de la scène. Le rythme est fondamental au cinéma. »
Douglas Crise commente : « Alejandro m’a demandé de choisir mes six morceaux préférés parmi les enregistrements d’Antonio Sanchez. Nous les avons assemblés de sorte qu’ils forment un seul morceau que le batteur puisse jouer lors du tournage de la scène. Alejandro avait eu l’idée de cette bande son dès le départ, et nous avons très vite créé ce montage sonore pour lui. »
Stephen Mirrione raconte : « Et puis Martín y a ajouté tout son talent. Une fois la première version du montage réalisée et plusieurs de ces morceaux à la batterie intégrés pour former une trame musicale, Alejandro et lui ont passé beaucoup de temps à retravailler le son pour lui apporter des nuances, essayer des rythmes différents. La musique joue un rôle très important au cinéma, elle influence la perspective, l’atmosphère et le ton d’un film, mais je trouve que c’est particulièrement vrai dans BIRDMAN, car le rythme est dicté par les mouvements de caméra et qu’il est moins évident d’avoir une incidence sur le rythme du film lorsqu’on ne peut pas jouer sur les coupes au montage. Il a fallu s’appuyer sur la musique plus que d’habitude pour accélérer ou ralentir la cadence du film. »
Le rythme des percussions lié aux mouvements de caméra, eux-mêmes liés au cheminement intérieur de Riggan et à sa réflexion artistique, ne sont pas de simples gadgets mais des indicateurs de la véritable nature du film.  Alejandro G. Iñárritu déclare : « Je trouve que cette technique narrative a quelque chose de magique. En filmant de cette manière, en une sorte de plan continu, je voulais plonger les spectateurs dans la peau du personnage principal, qu’ils découvrent le monde à travers lui et qu’ils comprennent sa façon de penser. Je désirais qu’ils soient submergés par un flot d’émotions et que comme Riggan, ils soient incapables d’y échapper, de sorte qu’ils comprennent le désespoir qu’il traîne partout avec lui. Et puis quand on y pense, la vie n’est finalement qu’un long planséquence. Du matin au soir, nous sommes les héros de notre propre vie, il est impossible d’échapper à nos problèmes ou de nous réfugier dans un univers parallèle. Nous sommes piégés dans notre propre réalité. C’est comme cela que nous vivons notre vie, c’est donc comme cela que je voulais que l’on découvre l’univers de Riggan. Il ne s’agit pas uniquement d’un artifice visuel, je tenais à réaliser un film émouvant, intense et riche de sens. J’espère avoir atteint mon objectif. » 

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