Réalisé par Quentin Dupieux
Avec Jean Dujardin, Adèle Haenel, Albert Delpy, Pierre Gommé, Coralie Russier, Stéphane Jobert, Laurent Nicolas, Marie Bunel...
Long-métrage Français/Belge
Durée : 01h17mn
Année de production : 2019
Distributeur : Diaphana Distribution
Date de sortie sur nos écrans : 19 juin 2019
Bande annonce (VF)
Ce que j'en ai pensé : le réalisateur Quentin Dupieux fait toujours des longs-métrages (pas si long que ça d'ailleurs puisque celui-ci ne dure qu'une heure et dix-sept minutes) à part. Sa façon de filmer est très spécifique, car il raconte une histoire sans en avoir l'air. Il nous prend toujours par surprise, on ne sait jamais à quoi s'attendre ni dans quelle direction sa narration va aller. Cette fois, il explore la folie. Celle d'un homme totalement obnubilé par son blouson en daim. Il ancre le décor dans les tons marron du cervidé en question entre une montagne sans neige et un vieil hôtel à la décoration locale. Il filme son protagoniste de façon souvent indirecte.
Ce dernier, Georges, est interprété par Jean Dujardin, impeccable en homme en rupture avec la réalité qui s'enfonce dans les mensonges que son esprit lui dicte. L'acteur s'impose dans ce rôle inattendu et barré qu'il maîtrise complètement ne versant jamais dans l'excès. Au contraire, il rend les nuances qui forment la personnalité de son protagoniste lisibles et réussit à nous faire rire par moments tout en s'engageant de plus en plus dans l'aliénation dépeinte.
Face à lui, Adèle Haenel interprète avec crédibilité, Denise, une jeune femme sympathique qui se laisse embarquer dans le délire de Georges. Ce duo parvient à nous intriguer avec cette étrange affaire.
LE DAIM est bien une création de Quentin Dupieux, on ne peut pas en douter. Décalée, elle s'inscrit pourtant dans une certaine réalité. Il ne faut pas forcément chercher un sens à cette aventure, il faut juste profiter de la prestation des acteurs et du style si particulier du réalisateur.
Ce dernier, Georges, est interprété par Jean Dujardin, impeccable en homme en rupture avec la réalité qui s'enfonce dans les mensonges que son esprit lui dicte. L'acteur s'impose dans ce rôle inattendu et barré qu'il maîtrise complètement ne versant jamais dans l'excès. Au contraire, il rend les nuances qui forment la personnalité de son protagoniste lisibles et réussit à nous faire rire par moments tout en s'engageant de plus en plus dans l'aliénation dépeinte.
Face à lui, Adèle Haenel interprète avec crédibilité, Denise, une jeune femme sympathique qui se laisse embarquer dans le délire de Georges. Ce duo parvient à nous intriguer avec cette étrange affaire.
Copyright photos @ Diaphana Distribution
LE DAIM est bien une création de Quentin Dupieux, on ne peut pas en douter. Décalée, elle s'inscrit pourtant dans une certaine réalité. Il ne faut pas forcément chercher un sens à cette aventure, il faut juste profiter de la prestation des acteurs et du style si particulier du réalisateur.
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
ENTRETIEN AVEC QUENTIN DUPIEUX
Quel est le point de départ de cette
histoire ?
Je voulais filmer la folie. J’ai
l’étiquette d’un réalisateur qui fait des films fous, mais je
n’avais jamais vraiment filmé la folie en face. Bien sûr que
Steak, Rubber, Réalité, Au Poste! ont quelque chose de dingue. Mais
il y a toujours eu dans mes films précédents des astuces pour que
la folie soit plutôt un truc « rigolo » et hors du réel. C’est
les films qui étaient dingues, pas les personnages. J’avais très
envie de me confronter enfin à un personnage qui déraille, sans
artifice, sans mes trucages habituels. Le Daim est donc mon premier
film réaliste. Je sais que ça fait marrer les gens quand je le dis
mais je le pense profondément. C’est la première fois que je me
confronte à la réalité. Une histoire, des acteurs et c’est tout.
« Premier film réaliste »... C’est
quand même l’histoire d’un homme qui tombe amoureux d’un
blouson en daim...
Oui, mais la folie de Georges s’inscrit
dans une réalité. Dans mes précédents films, on était chez
Zinzinland, tout pouvait arriver. Ici, le personnage est concret. Le
monde qui l’entoure aussi. Vous pourriez croiser Georges dans la
rue. Vous pourriez même être Georges. C’est ça qui fait peur.
J’ai déjà côtoyé des « Georges » dans ma vie. C’est assez
déstabilisant. Normalement, dans un récit sur la folie, on assiste
au glissement du personnage. Ici, on ne sait quasiment rien de
Georges...
Pourquoi ne pas avoir filmé son
quotidien avant la rencontre avec le blouson ?
Je l’ai filmé. On voyait le
quotidien de ce mec, sa femme, ses enfants... Et puis on le voyait
quitter tout ça. Mais au montage, c’était ennuyeux, ça ne
marchait pas. C’était comme donner des clefs inutiles au
spectateurs. J’ai supprimé tout ce passage pour qu’on se
concentre uniquement sur Georges et son blouson. Je me suis vite
rendu compte qu’en racontant l’obsession pure, en ne lui donnant
aucune explication, aucune raison, ça devenait un miroir pour le
spectateur. On ne quitte quasiment pas Georges du film.
Comment avez-vous travaillé avec Jean
Dujardin ?
Je n’ai quasiment pas eu à
convaincre Jean. Ça a été comme un déclic entre nous. Je lui ai
parlé de cette histoire et il m’a dit oui tout de suite. Je crois
que comme moi, la question de l’obsession l’attirait beaucoup. Il
était totalement habité par le personnage sur le plateau, on peut
voir dans ses yeux qu’il ne fait pas semblant, il a vécu le film
presque au premier degré, tout en s’amusant énormément. C’était
très important pour moi de ne pas emmener Jean à faire semblant
d’être fou, le film aurait été moins intéressant. Je voulais
que ce soit un tournage très intime pour justement permettre à Jean
de se sentir libre, à peine observé. C’est un film sur la
solitude, sur une forme de tristesse qui vire à la dinguerie.
C’était important de laisser tomber le système de mise en scène
très cadrée de mes précédents films, pour aller vers quelque
chose de plus souple, plus proche des acteurs. Il y a beaucoup de
moments dans le film où Jean pourrait presque donner l’impression
de ne pas jouer, tellement il est naturel. On dirait presque un
documentaire animalier. Adèle Haenel a aussi apporté quelque chose
de très animal. Leur face à face avec Jean donne quelque chose de
très étrange. Il se passe énormément de choses dans leurs
regards, c’est très fort. Son personnage était bien plus
rationnel à l’écriture. C’est elle qui a emmené quelque chose
d’inquiétant en plus. Comme si son personnage était contaminé
par la folie de Georges..
Même s’il y a souvent eu dans vos
films un aspect angoissant, est-ce que vous diriez que Le Daim est
votre premier film d’horreur ?
Oui et je le revendique. Dans mes films
précédents, il y a toujours eu quelque chose qui mettait l’horreur
à distance. On peut se dire que ce sont des cauchemars avec leurs
lots de violence absurde, que tout ça n’est pas vrai. Là, j’ai
voulu avec Le Daim me rapprocher du fait-divers, en restant toujours
du côté le plus concret de la folie. Je me rends compte que ça
produit quelque chose de très différent sur les spectateurs. Ça
les perturbe. Ils ne savent plus s’ils doivent être horrifiés de
ce qu’ils voient ou en rire. C’est une idée qui me plait
beaucoup.
C’est aussi un film sur le cinéma.
Georges devient réalisateur et acteur...
Attention, il n’y a pas de lecture au
deuxième degré. Georges trouve dans cette caméra un moyen d’être
créatif, de s’exprimer. C’est finalement plus un hommage à
l’enfant que j’étais – ado je créais des petits films
d’horreur dans les bois avec mes copains pour acteurs- qu’un
véritable discours sur le cinéma. Georges documente son « grand
projet » par la caméra. Pour nous et pour Denise ça devient un
spectacle. Peut-être même pas une fiction. Juste un film, des
images. Pour Georges, c’est une réalité.
ENTRETIEN AVEC JEAN DUJARDIN
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le
cinéma de Quentin Dupieux ?
Avec Quentin, c’est une histoire de
séduction. Je connaissais son cinéma mais je n’étais pas
vraiment sûr d’y avoir ma place. Et puis, il est venu me proposer
ce Daim. Tu vois débarquer un type marrant, sympa, détendu, à la
cool. Mais il suffit de quelques minutes pour comprendre tout de
suite que le type a une vision hyper précise de ce qu’il veut
faire. Il m’a raconté son histoire de blouson et ça m’a plu.
Quentin a quelque chose de très séduisant. On a envie de lui
plaire. On sent bien qu’avec lui les choses ne sont pas tout à
fait comme ailleurs. Et puis j’ai tout de suite aimé son énergie,
son envie de faire du cinéma là, tout de suite, maintenant. C’est
rare les metteurs en scène qui ont un regard, une vision aussi forte
que Quentin. Avec lui, on se sent en sécurité même dans les scènes
les plus dingues. Ca fait partie de ces gens avec lesquels il faut se
laisser aller. Ça ne sert à rien d’avoir de l’ego avec Quentin.
Ça ne peut pas marcher. Il faut se mettre au service de son
imaginaire.
Comment approche-t-on un personnage
comme Georges ?
En ne jouant pas le scenario. Il était
hors de question de faire un numéro d’actor studio sur la folie.
Les américains le font très bien mais ce n’est pas le registre du
cinéma de Quentin. Je le comprends Georges. Il y a un truc en lui,
une solitude, une envie de tout foutre en l’air qui me touche
personnellement. Georges lâche tout. Qui n’a pas rêvé de faire
ça ? A partir du moment où j’ai compris ça, je me suis mis à
jouer ce personnage le plus normalement possible. Des petits gestes,
des regards, une façon d’être bien ancré dans le sol. Pour que
ce personnage fonctionne, il faut qu’on y croie tout de suite. Il
doit être très terrien. Je crois qu’il ne faut pas chercher à
faire le malin dans un film de Quentin Dupieux. Faut juste être à
sa place. Ca donne forcément quelque chose d’inattendu avec lui.
Je ne m’étais pas rendu compte sur le tournage à quel point je
suis à l’écran un double de Quentin. Je ne sais pas… C’est un
truc étrange. La barbe, les gestes, la manière de parler… Je n’ai
absolument pas cherché à l’imiter et lui-même ne m’a jamais
dirigé dans cette direction. Mais on est obligé de reconnaître
qu’à l’image ça produit un truc inquiétant .
Comment définiriez-vous sa manière de
travailler ?
J’aime énormément le côté « non
professionnel » de son cinéma. C’est quelque chose qu’il
revendique. Il n’a pas de méthode, pas de système. Il fait des
films, le plus rapidement, le plus spontanément possible. J’adore
ça. Après, Quentin a quelque chose en commun de très important
avec Michel Hazanavicius : il travaille par le vide. Ils aiment quand
les scènes durent et qu’il n’y a rien à jouer. Ce sont des
temps longs, pas forcément des temps morts. Ils laissent les
personnages et les acteurs exister, réagir à ce qui se passe. Ca
peut être déstabilisant pour certains acteurs. Moi, j’adore ça.
C’est dans ces moments de flottements que la comédie et le drame
se mélangent. On est pile à la frontière. Ce sont par exemple
toutes ces scènes où Georges réclame de l’argent ou ne peut pas
payer. Quentin prend le temps d’étirer le malaise, de laisser
planer le doute. Est-ce que Georges va devenir violent ? Se mettre à
pleurer ? A rire ? On ne sait jamais ce qui va se passer. Ce sont des
petites morts, des petites agonies de temps qui me font hurler de
rire.
C’est aussi votre premier film
d’horreur et votre premier rôle de serial killer…
Ca, ça m’a éclaté ! J’avais déjà
joué un personnage borderline dans Le Convoyeur (Nicolas Boukhrief,
2003) mais rien de comparable avec ce que m’a proposé Quentin.
J’avais très envie depuis longtemps d’explorer ce genre de
territoire. La folie, l’obsession, ça m’a toujours beaucoup
attiré. J’aime la façon dont le film glisse du polar social vers
quelque chose de complètement gore et bizarre. J’ai beaucoup pensé
à Patrick Dewaere dans Série Noire (Alain Corneau, 1979). Les
paysages, la France, l’ennui… Quentin s’est emparé de
l’atmosphère de ce cinéma là et l’a emmené vers quelque chose
de très personnel, très singulier .
Outre Adèle Haenel, votre partenaire
principale est une veste en daim… Comment joue-t-on quand le
costume est aussi un personnage ?
J’ai essayé sept blousons. Celui-ci
était un des premiers… J’ai senti en le mettant qu’il se
passait quelque chose. Spontanément, très vite, on s’est dit «
voilà, c’est le bon ». Comme un casting en fait. Il y avait une
alchimie entre nous, ça fonctionnait. Cette veste sur moi, ça
racontait quelque chose. C’est un personnage cette veste. Peut-être
parce qu’honnêtement, personne ne peut porter ça. Elle est
au-delà de tout, du bon goût, du bon sens. On ne se sent pas
ridicule quand on porte une veste comme ça. On se sent différent.
Ca m’a beaucoup aidé pour jouer. Je ne devrais peut-être pas le
dire mais, comme Georges, j’ai moi aussi une petite fascination
pour un vêtement. J’adore les bottes. J’en achète plein mais je
ne les mets jamais. Je ne sais pas pourquoi mais les voir chez moi,
ça me fait plaisir. Et dans le film, les bottes en daim que porte
Georges, ce sont les miennes en fait. Donc, avec cette veste on s’est
tout de suite très bien entendus. On en parle comme si c’était un
personnage mais pour moi, vraiment, je pense que la veste est hantée.
Je ne sais pas si Quentin sera d’accord avec ça mais moi, j’ai
eu cette impression en voyant le film. C’est le génie du montage
de Quentin. Quand on tourne avec lui, on ne peut pas vraiment savoir
ce que va donner le film. Toutes les scènes où je dialogue avec la
veste, sur le tournage, on se disait « oui, c’est chouette, c’est
marrant ». Mais monté par Quentin, ça devient inquiétant, drôle,
tragique, étrange…C’est comme s’il trouvait le meilleur
rythme, la meilleure place pour chaque scène. Soudain, le puzzle
prend forme. Peu de cinéaste ont une telle maîtrise. Pour un
acteur, travailler avec lui, c’est forcément très excitant.
Source et copyright des textes des notes de production @ Diaphana Distribution
#LeDaim
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