jeudi 13 septembre 2018

LEAVE NO TRACE



Drame/Beau film, adroitement réalisé, impeccablement interprété

Réalisé par Debra Granik
Avec Ben Foster, Thomasin McKenzie, Jeff Kober, Dale Dickey, Peter James DeLuca, Ayanna Berkshire, Isaiah Stone, Dana Millican...

Long-métrage Américain
Durée : 01h48mn
Année de production : 2018
Distributeur : Condor Distribution 

Date de sortie sur nos écrans : 19 septembre 2018


Résumé : Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle.

Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s'adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie.

Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l'appelle ? 

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai penséLEAVE NO TRACE est l’adaptation du roman ‘My abandonment’ de Peter Rock, publié en France sous le titre ‘L’abandon’. Ce film de la réalisatrice Debra Granik touche au cœur de ce qui fait le meilleur du cinéma indépendant américain : une histoire profondément humaine, jamais simple, dont les silences sont plus assourdissants que les mots prononcés. 

Debra Granik, la réalisatrice du film
De cette histoire, qui n’est pas facile à raconter tant elle se construit plus sur des non-dits que sur des faits, elle réussit à faire un film dont ressort une très grande force et des sentiments subtils. Elle nous fait suivre ses personnages, ne les quittant jamais d’une semelle, pour nous faire comprendre le contexte particulier dont il est ici question et le changement presque imperceptible, mais pourtant brutal qui s’installe dans la relation entre un père et sa fille. Ses images de l’homme vivant au plus proche de la nature sont superbes et franches. Sa façon de nous faire vivre l’agression de la civilisation par le ressenti du père est réellement efficace. Elle conte avec une grande cohérence et beaucoup de clarté cette aventure. Son travail sur la direction des acteurs est remarquable et ils sont excellents. Les émotions passent par un regard, une économie verbale intensifie l’utilisation des mots prononcés, les situations sont souvent douloureuses. 

Tout cela est parfaitement joué par Ben Foster, qui interprète Will, le père, et Thomasin McKenzie, qui interprète Tom, sa fille. Leur lien fusionnel est compréhensible dès les premières minutes. Il forme un tout qui n’est pourtant pas indifférent au changement pour la simple raison que dans ce tout, il y a une enfant qui grandit et qui devient une personne à part entière. 





En tant que spectateur, on peut débattre du bien-fondé des choix du père et de l’impact réel sur sa fille, mais au final, cela importe peu, car cette histoire leur appartient et nous ne sommes que des témoins silencieux. 

LEAVE NO TRACE est un beau film, adroitement réalisé, impeccablement interprété. Il nous donne beaucoup d’éléments sur ces deux êtres de façon sous-jacente, il faut écouter et observer pour les comprendre. Contrairement à son titre, LEAVE NO TRACE laisse une trace dans l’esprit du spectateur, c’est pourquoi il faut aller le découvrir au cinéma.


Copyright photos © CONDOR Entertainment

NOTES DE PRODUCTION
(Á ne regarder/lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

Ce film était présenté en compétition au 44ème Festival du Film Américain de Deauville.


A cette occasion, une conférence de presse, dont je vous partage les vidéos ci-dessous, en présence de la réalisatrice Debra Granik, a été organisée.






Début des notes de production

Leave no trace est le nouveau film de Debra Granik (Winter's Bone, Stray Dog, Down To The Bone). L'exploration mystérieuse et fascinante d'une existence vécue à la marge. Le film est adapté du roman "L’abandon" de Peter Rock.

Au casting on retrouve Ben Foster (The Messenger, Hell or High Water), Thomasin Harcourt McKenzie (Le Hobbit : la Bataille des Cinq Armées, The Changeover), Dale Dickey (Winter’s Bone, Hell or High Water), et Jeff Kober (Sully, Sons of Anarchy).

LA PRODUCTION

Que ce soit dans son premier film, Down to the Bone, primé à Sundance, ou dans son documentaire, Stray Dog, Debra Granik a toujours eu à cœur d'explorer les vies des outsiders qui se battent pour garder leur indépendance. La troisième réalisation de Debra Granik ne fait pas exception à la règle, puisqu'elle est basée dans les chemins de traverse du Pacific Northwest, là où le roman, tiré d'une histoire vraie, de Peter Rock était déjà situé.

L'histoire vraie sur laquelle est basé Leave no trace est presque devenue une légende à Portland. Celle d'une fille et de son père, découverts alors qu'ils vivaient depuis 4 ans dans la réserve naturelle qui borde la banlieue de la ville. Ils ne s'y aventuraient que pour récupérer la pension d'invalidité du père et y acheter ce qu'ils ne pouvaient pas faire pousser. L'adolescente était en pleine santé, ne manquait de rien affectivement et son niveau scolaire était bien supérieur à celui d'autres enfants de son âge. Après avoir été placés dans un hara où le père pouvait travailler, le duo a disparu dans la nature. Peter Rock, intrigué par ce mystère, en a tiré une histoire fictionnelle qui remplit les trous de cette histoire, en imaginant des détails impossibles à connaître.

Ce sont les productrices Linda Reisman et Anne Harrison qui ont proposé ce roman à Debra Granik et sa collaboratrice de longue date, Anne Rossellini. L'histoire nous emmène dans les forêts et les enclaves rurales isolées de l'Oregon et de l'État de Washington. Un environnement qui a fasciné Granik : "Les films qui se situent dans une région spécifique ont une façon unique de nous parler et cette histoire est inextricable du Pacific Northwest. Il était facile de se projeter dans le lieu, d'imaginer le fond de ce voyage, et qu'il serait extrêmement photogénique. En plus d'une histoire intéressante à raconter."

Au moment où nous rencontrons ce duo père-fille, ils vivent dans un campement rudimentaire, utilisant leurs talents de survie pour se construire une vie presque entièrement en dehors des radars, invisible du monde extérieur. "Will et Tom ont un parcours très différent de ce que j'ai pu connaitre, ou vivre. Qui peut vivre sur un territoire public et rester indétectable pendant si longtemps ? Le livre de Peter détaillait pas mal de comportements très spécifiques que le père et la fille devaient avoir adopté, et ce qu'il leur fallait savoir pour vivre dans les bois. Cela nous a amené à une grande phase de recherche et de repérage, parce qu'il fallait les comprendre pour savoir comment filmer leur existence."

Will et Tom forment un duo des plus classiques dans la narration. Granik est allée chercher du côté de Shakespeare et des personnages de Prospero et Miranda pour les approcher au plus près. "Je suis très attirée par la façon dont les classiques content les relations humaines, la façon dont les gens se complètent. Les personnages de cette histoire prennent soin l'un de l'autre, et leurs pensées se croisent pour grandir dans la tête l'un de l'autre. Dans cette relation parent-enfant, parfois Tom doit prendre le rôle de l'adulte. Parce que son père a ses propres problèmes psychiatriques. Son rôle à lui c'est de tenter de lui apprendre tout ce qu'il sait d'utile".

La structure du film permet à Granik de conter cette histoire sans figure de "méchant". "Je veux parler à ceux qui aiment ces histoires, et ceux qui les créent, explique-t-elle. "Il y a 4 ou 5 thèmes majeurs dans la littérature et le cinéma, et nous les connaissons tous. Aujourd'hui il semble que ceux où les menaces sont directes, où les crimes ont des enjeux énormes, sont ceux que l'on apprécie le plus. Mais je pense que notre goût pour les histoires qui n'ont pas forcément les mêmes enjeux "catastrophe" peuvent résonner fortement en nous. Tom et son père cherchent un endroit où vivre. Beaucoup les aident dans leurs parcours. Mais ça reste un combat pour eux, parce qu'ils choisissent de vivre différemment." Les forces antagonistes ne sont pas personnifiées par un personnage "méchant", mais par quelque chose de plus impalpable : la pression de se conformer à la norme sociale. "

Dans cette histoire, l'enjeu, c'est la survie. Où vont ceux qui ne rentrent pas dans les clous de notre culture "mainstream" ? Comment peuvent-ils s'en sortir ? Les enjeux sont aussi liés à la relation complexe entre Tom et son père. Après leur expulsion du parc, où ils avaient un mode de communication et de structure qui leur convenait, ils sont plongés dans un autre monde qui les oblige à en apprendre plus l'un sur l'autre. Tom est curieuse, une vraie Pandore, et Will sent que cette curiosité l'éloigne de lui, ce qui les séparera. C'est quelque chose d'universel et chacun a sa façon de l'aborder puisque grandir peut vouloir dire se séparer de celui ou celle auprès de qui on a grandi. Ces enjeux sont énormes : cela peut être extrêmement difficile."

Avec le personnage du père, Granik revient à un sujet qui lui est cher et qu'elle a déjà exploré dans ses œuvres précédentes : "Je trouve les vies de vétérans très intéressantes, en particulier la façon dont la guerre affecte leurs vies à leur retour. Cela fait longtemps que les guerres en Irak et en Afghanistan ont commencé, les civils commencent à oublier. Mais les vétérans ne le peuvent pas. Dans le livre, le père était un vétéran, mais quand je suis arrivée à Portland, c'est quelque chose que j'ai pu ajouter en me basant sur les expériences de vétérans que j'ai rencontrés."

LE CASTING

Ben Foster, qui joue Will, est connu pour ses performances intenses et précises dans des films comme Hell or High Water, Lone Survivor et 3:10 to Yuma. "J'ai vu et aimé le travail de Ben, comme dans The Messenger." explique Granik. "Ce rôle est complexe, et je savais qu'il pourrait y mettre toutes les facettes et tout l'intensité qu'il faudrait. Il travaille très en profondeur, sans jamais rien laisser au hasard".

Foster était aussi très intéressé par les expériences de vétérans "J'ai été touchée par le fait qu'il ai beaucoup travaillé, et fait des recherches, sur les expériences de soldats revenant du front. Dans plusieurs de ses films, on lui a demandé d'aller chercher au plus profond de lui. J'ai aussi appris que cette idée d'une existence hors du monde, avec moins de possessions, et la question des réseaux sociaux étaient au cœur de ses questionnements. Le moins qu'on puisse dire c'est que c'est bien tombé."

Pour une réalisatrice habituée aux films d'auteurs, un acteur comme Foster est un immense cadeau, ajoute-t-elle. "Ben est un défenseur du cinéma indépendant. Il s'investit totalement dans la recherche, s'immerge dans la documentation et y reste attaché. Il n'a pas peur de nager en eaux troubles, de s'investir émotionnellement. Il a travaillé en profondeur avec des gens comme Oren Moverman, il comprend l'envie de faire des films sans filets, et il la défend même."

Thomasin Harcourt McKenzie, qui joue Tom, est arrivée sur le projet via une vidéo d'audition envoyée à Kerry Barden et Paul Schnee, se souvient Granik. "Quand on nous a dit qu'elle était de Nouvelle-Zélande, je me suis dit "impossible". Je n'avais pas envie de prendre quelqu'un qui ne soit pas de cette région. Nous avons rencontré beaucoup de jeunes actrices, toutes très bonnes. Mais l'audition de Tom m'est restée. Quelque chose dans sa façon de jouer me disait qu'elle avait la bonne intuition pour ce rôle."

L'actrice a dû imaginer une vie sans ce que les ados d'aujourd'hui n'abandonneraient pour rien au monde, comme les réseaux sociaux. "C'est vraiment complexe, pour un ado du monde d'aujourd'hui", raconte Granik, "je pense que les acteurs qui travaillent très tôt dans le monde du cinéma et de la télévision aujourd'hui ont du mal à retrouver cette innocence. Mais il y avait quelque chose de pur, de non-urbain, chez Thomasin."

Granik a aussi choisi deux acteurs de Winter's Bone, dans des rôles très différents : Dale Dickey et Isaiah Stone, qui y interprète le petit frère de Jennifer Lawrence. Dickey joue Dale, un personnage sans fioritures qui est ce que Tom connaît de plus "maternel" dans cette histoire. "Peu de gens ne connaissent pas Dale et son travail, dit Granik de son actrice, à mes yeux c'est l'une des actrices les plus aimées du moment. Elle est incroyable, imprime la pellicule avec une réelle intensité. Ses yeux parlent pour elle. Elle est à l'écoute, et toujours vigilante à ce qui se passe autour d'elle. Et même si elle a vécu en Californie toute sa vie, ses racines sont dans le Tennessee, et elle peut du coup tout jouer. Elle peut être de toutes les régions, jouer toutes les classes sociales, ce qui est rare."

Stone, qui joue le voisin de Tom et son premier vrai ami, avait 13 ans quand Granik l'a choisi dans Winter's Bone. "Je pense qu'on l'a empêché de suivre un cursus d'agriculture. Il venait du coin, mais c'est quelqu'un de très spécial. Il sort d'une vie compliquée, et il irradie d'humanité. J'adorerais travailler avec lui à nouveau".

DANS LES BOIS

Pour une réalisatrice qui aime particulièrement la recherche, les détails de la vie quotidienne de Tom étaient particulièrement fascinants. Granik voulait tout connaître des besoins de son personnage pour vivre dans la nature :"Tom et son père font partie de ce mouvement autour de la préservation et de l'application de techniques de survie primitives. C'est une forme de « survivalisme », à laquelle s'ajoute l'envie de préserver des talents que nos ancêtres pouvaient avoir. Pour moi, ce fut très simple. Il a suffi d'aller voir les locaux et de leur demander "Comment vit-on vraiment dans Forest Park ? Pouvez-vous nous montrer des endroits où des gens ont vraiment vécu ?"

Le Dr Nicole Apelian, originaire de Portland, qui a étudié des Bushmen du Botswana et a remporté la compétition "Alone" sur History Channel, a apporté une aide inestimable à cette entreprise. Ayant survécu dans la nature pendant 57 jours seulement équipée de son couteau et de ses talents, Apelian enseigne maintenant la survie dans la nature et le bien-être au naturel. "Nicole nous a appris quelques-unes de ses techniques, celles qui lui permettent de vivre ainsi. C'est une vie très disciplinée, et un engagement pur à ne pas vouloir plus que ce dont on a besoin. Comme Tom et Will, nous avons appris à différencier le "besoin" de l’"envie". Ce qui m'a ramenée, bien sûr, à Thoreau. Ce narrateur du livre de Peter m'a amenée à me demander comment quelqu'un pouvait vivre heureux et comblé par peu de possessions. Qui, parmi nous, a la force et l'autonomie de se passer du nouveau téléphone, de s'extraire du brouhaha social de notre société de consumérisme digital ?"

Les deux acteurs principaux se sont lancés dans cette aventure de survie avec Apelian. Les premières choses à apprendre étant le maniement du couteau et comment faire du feu. "Nicole leur a appris à préparer des brindilles et des bûches, ce qui lie le couteau et le feu. Tom est devenue très forte. Ben, lui préférait le "ferro stick", qui permet d'allumer un feu avec du ferrocerium en bâton sur lequel on fait des étincelles au couteau".

Ils ont aussi appris à trouver de l'eau alors qu'il n'y a pas de source visible. "C'était une expérience très riche. Ils ont appris à presser la mousse de la forêt tropicale pacifique pour trouver de l'eau et survivre… Nicole a choisi de leur apprendre des choses qu'une famille pourrait faire sans matériel spécifique et leur a appris à les faire, pour de vrai."

Le Pacific Northwest est un vivier pour le mouvement de décroissance. Hors de ses forêts, une culture entière est faite de personnes qui vivent de façon humble, ce qui implique de faire avec, et sans. Peter Rock avait commencé à dessiner ce schéma pour Tom et son père, et les acteurs et auteurs y ont ajouté des détails et réalités. "La première fois que nous sommes allés en repérage dans le parc, les rangers nous ont montré des endroits où des habitants étaient restés cachés pendant longtemps. On nous a aussi présenté un homme qui a vécu 3 ans dans un parc voisin, il nous a beaucoup parlé, montré ses techniques et inventions. Y compris un cuit-œuf solaire".

Le premier acte de Leave no Trace se situe dans Forest Park, un parc municipal dans les montagnes Tualatin, à quelques kilomètres de la banlieue sud de Portland. C'est l'une des forêts urbaines les plus grandes du pays, s'étalant sur plus de 5100 hectares. "C'est un endroit rare, raconte Granik. C'est le poumon de la ville et il est incroyable. Les rangers et les amoureux du parc en prennent grand soin et il est très visité, mais quand le sentier s'arrête, le terrain est escarpé, et presque impossible à traverser à pied. Quelques intrépides y vivent, et ne laissent aucune trace…"

SUR LA ROUTE POUR REVENIR DANS LES BOIS

Après la découverte de leur campement en forêt, Tom et son père sont pris en charge par les services sociaux municipaux. Ils sont bien sûr très stressés, mais leurs interlocuteurs sont empathiques et ouverts. On les envoie dans une ferme, où Will doit récolter des sapins de noël, et où le propriétaire les invite à le rejoindre à l'église où ils assistent à une danse de dévotion. "Les églises rurales et les danses de dévotion sont un pilier de la vie en communauté dans de nombreux états. Ce qu'on y danse et ceux qui y dansent varient. La question était simple : qu'est-ce que Tom et Will verraient, qu'est-ce qu'ils en penseraient ? Et puis Tom rencontre un jeune homme qui élève des lapins… La culture de l'agriculture, de ces ados qui élèvent des animaux, varie aussi selon les régions, tout comme l'apiculture, qu'ils découvrent plus tard. J'aime inclure des détails réels, qui dépendent de l'endroit où l'on filme, et les faire jouer dans la narration. C'est une chance de montrer la réalité des USA, je veux montrer ce qui plait aux gens, là où ils vivent, ce qu'ils font pour enrichir leurs vies."

Dans la seconde moitié de Leave no trace, Will et Tom prennent la route pour retourner à la nature et retrouver un endroit où vivre qui leur permette de vivre comme ils l'entendent. Leurs rencontres, un routier, le gérant d'un trailer park, un apiculteur, et un médecin vétéran de l'armée leur offrent de l'aide et de l'espoir.

Cette partie du film a été tourné dans Squaw Mountain, un ancien camping qui est maintenant une enclave hors du temps, nichée dans une vallée d'Oregon. "C'était une chance incroyable de tourner là-bas, cet endroit plein de détails anthropologiques, de particularités. Ça ne se voit pas dans le film, mais cette vallée est en fait le dernier endroit où on trouve des arbres. Les entreprises ont abattu tous les arbres environnants. Ils sont vraiment les derniers de leur espèce. Il n'y a plus rien pour arrêter le vent à des kilomètres à la ronde et les arbres tombent les uns après les autres. C'est une communauté qui se bat pour garder une vie un peu bohémienne. Dans le film, cet endroit qui recueille les voyageurs n'est pas nommé, comme le père ne l'est jamais. Will est un homme ordinaire, qui utilise des techniques qui ne sont pas extraordinaires pour rester discret. L'endroit où ils arrivent est un genre d'utopie… L'histoire touche parfois aux thèmes de la communauté et de l'individualité."

Chad Keith et Jonathan Guggenheim ont travaillé au sein de ces paysages pour créer un environnement réaliste à ces vies sans superflu. "Tout devait être utile, précis, raconte la réalisatrice, la précision est importante pour le père. Il veut être attentif à tout, mais parfois ses démons gagnent. Les choses qu'ils ont chez eux sont pratiques, mais pas rares technologiquement. Chad les a achetées d'occasion, dans des vide greniers, des choses que Will aurait pu rechercher. "

Filmer en Oregon a aussi permis de travailler avec une équipe locale. "Les natifs de l'Oregon savent ce qu'est un Doug Fir, comment travailler avec de grandes fougères et quelles branches pourraient s'avérer dangereuses pendant une tempête." L'équipe a aussi été précieuse pour pouvoir gérer les fameuses pluies de Portland. "Une des grandes questions du film a été de savoir comment inclure la pluie dans la narration. Les locaux nous ont appris à travailler avec elle, qu'on ne doive pas s'arrêter, même pour des questions de son. Il fallait reconnaître que c'était la saison des pluies et continuer à filmer." Ce qui veut dire en particulier que les vêtements de McKenzie et Foster devaient être imperméables. Ils ont été exposés aux éléments d'une façon très dure. "Il y a une scène dans le film, ils sont en randonnée, où ils ont risqué une sérieuse hypothermie. Nous avons eu de la chance ce jour-là, les cieux n'étaient pas cléments et nous avons pu filmer la réalité de cette inclémence."

LA MUSIQUE

Pour la bande originale, Granik a collaboré pour la deuxième fois avec le compositeur Dickon Hinchliffe. Depuis 2002, il a composé et enregistré les bandes originales de plusieurs films américains, anglais et français, dont Winter's Bone.

"Nous aimons tous les deux les BO minimalistes, mais il a un talent qui va au-delà. J'aime laisser la place aux spectateurs de réfléchir, décider de leurs propres émotions. La BO rajoute à l'ambiance et l'humeur, mais il faut qu'elle soit minimaliste dans son implication dans l'histoire."

Quand Tom et son père trouvent asile auprès d'un groupe qui s'est installé dans des cabanes et des mobile-homes, des musiciens se rassemblent dehors pour un bœuf. Deux musiciens contemporains de folk se produisent dans cette séquence. Michael Hurley, une légende de la scène folk de Greenwich Village dans les années 60 et Marisa Anderson, une musicienne locale connue sur la scène nationale. Hurley, qui fait de la musique depuis 50 ans a un style unique de "outsider folk" qui lui a valu une réputation de hors-la-loi musical, un rien surréaliste. "Il est au centre de la fin du film, dit Granik. La musique qu'il joue est très appréciée dans la région. Hurley vit à Astoria, dans l'Oregon, des amis de la production nous l'ont recommandé. Marisa le connaissait professionnellement, et elle l'a contacté. Elle est elle aussi une musicienne prolifique et douée".

Granik considère que son film est dans la lignée d'une grande tradition de réalisateurs américains. "Il y a toujours eu, et il y aura toujours, des conteurs d'histoire qui se demanderont ce qu'il se passe à la marge, ce qu'on ne raconte pas souvent ? C'est parfois vu comme nonconventionnel, de ne pas avoir de sexe ou de violence dans un film. Mais beaucoup de personnes à la marge vivent avec des questions plus fondamentales, où vivre par exemple. Quand vous êtes expulsé de terrains publics, et que vous n'avez pas autant d'option que d'autres qui vivent dans la norme, les enjeux sont énormes. "

Malgré les difficultés que rencontrent ses personnages, Granik pense que son film est, après tout, plein d'espoir. "Le père de Tom lui a appris des méthodes qui lui ont permis de structurer sa vie, et lui transmet ce qu'il veut qu'elle connaisse. Au final, Tom comprend mieux son père et ce qui les différencie. Ce sont les premières étapes pour apprendre à vivre ensemble et la tolérance. La vie à Squaw Mountain peut être dure, mais il y a aussi la possibilité d'un feu de camp. Une guitare sera sortie. De la musique sera jouée. Le pain sera partagé. Les gens vont coexister. Et on s'occupera des abeilles. Ils créent la vie qu'ils veulent vivre. Je suis remplie d'admiration pour ces choix qui vont à contre-courant, parce que ceux qui les vivent ont trouvé, ou créent, une façon de vivre qui va à l'encontre de tout ce qu'on nous a appris. Il y a une citation de Tolkien dont je suis tombée amoureuse pendant ce tournage "ceux qui errent ne sont pas tous perdus". Beaucoup de gens cherchent des alternatives… Et ça me donne de l'espoir.

Copyright des notes de production © CONDOR Entertainment

#LeaveNoTrace

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