samedi 3 novembre 2018

NOUS, TIKOPIA


Documentaire/Une invitation au voyage touchante et inquiétante

Réalisé par Corto Fajal
Opérateur image: Charles Hubert Morin
Opératrice son: Corinne Gigon
Monteuse: Ranwa Stephan
Etalonnage/effets visuels: Pierre Bouchon
Musique: Dominique Molard
Interprète voix de l’île: Sève Laurent Fajal
Produit par Corto Fajal et John Erling Utsi

Avec le soutien de
La Région Bretagne en partenariat avec le CNC
La Communauté de Commune de Bretagne Romantique
Le Breizh Film Fund
TV Rennes
Le Sami Film Institute 

Long-métrage Français 
Durée : 01h40mn
Année de production : 2017
Distributeur : Arwestud Films 

Date de sortie sur nos écrans : 7 novembre 2018


Résumé : depuis 3000 ans, les tikopiens considèrent leur île comme un être vivant qui les abrite, les protège et les nourrit. Ils ont bâti avec elle une relation particulière faites de droits et de devoirs réciproques. Son avis est régulièrement sollicité lors des grandes décisions concernant la vie sur l’île. « Nous tikopia » se construit autour de cette relation entre l’île et ses habitants et se raconte à travers le point de vue et la parole de l’île.

Bande annonce (VF et VOSTFR)

Ce que j'en ai penséAu travers de son documentaire, le réalisateur Corto Fajal ne nous propose pas simplement une invitation au voyage. Bien qu'il nous berce de belles images, il sait guider son propos vers les enjeux réels de la survie de cette île et de ces habitants. Il nous montre les rituels, les croyances, les chants, les danses... 





Mais aussi la fragilité de tout cela face à une modernité qui frappe de son pied acéré et violent les roches qui entourent Tikopia. Il n'y a pas beaucoup de moyens de lutter contre l'attrait de la facilité, du confort et de la technologie que la vie moderne occidentale englobe. Le coût à payer est élevé. C'est une partie (voire tout) de son histoire et de ses traditions qui s'apprêtent à être englouties sous les flots des touristes qui ne font qu'une escale, parmi les habitants de l'île, aussi dénuée de sens que dangereuse pour l'équilibre délicat qui régit les lois de la nature face à l'avidité de l'homme. Les premiers frémissements de prise de conscience et d'envie de lutter pour revenir à l'harmonie avec la terre, la mer et à l'unité entre les hommes se font sentir, mais n'est-il pas trop tard ? Le réalisateur évoque tous ces sujets en donnant une voix à Tikopia qui sert de fil rouge à son film. Elle nous raconte son passé, ses ressentis et ses doutes sur l'avenir.

 


NOUS, TIKOPIA est un documentaire touchant et inquiétant. Il se fait le témoin d'une catastrophe annoncée et pose des questions délicates auxquelles il est difficile de répondre. Peut-être pouvons-nous être optimistes et penser que les générations futures sauront préserver l'essentiel ou serait-ce nous mentir ?

Source et copyright photos @ Arwestud Films

NOTES DE PRODUCTION

À propos du film… 

En 2012, après 12 jours de navigation, Corto Fajal et John Erling Utsi, le coproducteur suédois, accostent sur l’île de Tikopia; la plus isolée de l’archipel des Salomon. 

C’est dans un livre que Corto découvre cette île: éloignée de toutes routes maritimes traditionnelles, une civilisation singulière d’origine polynésienne y aurait évoluée jusqu’à nos jours quasiment sans influences extérieures. L’île serait encore gouvernée par des chefs tribaux et un roi. Mais le plus excitant était la description de cette civilisation dans laquelle l’île est considérée comme vivante et impliquée dans toutes les décisions. 

Il n’en fallait pas plus pour que dans sa fougue aventurière, Corto Fajal veuille rencontrer ses habitants. Ce qui s’amorçait comme les prémisses d’un projet faisait déjà briller les yeux de ses interlocuteurs lorsqu’il en parlait. Cette première expédition s’organise avec John, co-producteur de son film précédent, avec qui il vient de partager cinq ans dans le Grand Nord. Ils affrètent un voilier au départ de Nouvelle Calédonie, seul moyen de rejoindre l’île, située hors de toutes routes maritimes. 

A l’issue de ce premier voyage, nait le projet «Nous, Tikopia». 

Quelle aventure!! « It’s a long long way from anyway to sail to Tikopia….. » chantent les tikopiens lorsqu’ils accueillent un visiteur: un peu comme le chemin de ce film. La réalisation d’un projet sur une durée aussi longue, en un endroit si difficile d’accès et sans communication possible a été chaotique. Face au modèle économique fragile d’un telle aventure il a fallu innover pour puiser la ressource et l’énergie nécessaire, alternant doutes, émotions intenses et fulgurances…. 

Après deux expéditions de plusieurs mois en 2014 et 2016, l’organisation et le financement d’une opération humanitaire pour pallier à la pénurie d’eau potable dont souffre l’île en mobilisant les efforts financiers et logistiques de partenaires en France, aux Etats Unis, en Nouvelle Zélande et en Allemagne, une post-production impliquant la traduction des rushes à partir d’une langue que personne d’autres que les tikopiens ne parlent, le dérushage de 123h00 d’images, c’est une aventure de 6 ans qui se termine:place à la diffusion. 

Adoptant d’emblée un point de vue cinématographique, Corto a souhaité rendre compte de la relation particulière que les habitants entretiennent avec leur l’île. 

C’est à travers un positionnement audacieux sur le dispositif que se construit la trame narrative du film en s’exonérant des codes du film ethnographique. 

CORTO FAJAL - Réalisateur 

Corto Fajal a les yeux qui brillent quand il parle de son métier. Un métier de réalisateur au long cours, qui lui permet « de vivre ce qu’il filme ». C’est un préalable indispensable à tout projet qui le guide. Ce qu’il filme, il veut le ressentir de l’intérieur pour mieux le partager: « cela s’inscrit dans une temporalité longue, et une démarche cohérente avec ce en quoi je crois». Après cinq années à vivre avec les samis dans le Grand Nord pour son film « Jon face aux vents » sorti en 2011, Corto a organisé plusieurs expéditions sur l’île de Tikopia ces 6 derniers années ou il a passé plusieurs mois. 

« J’ai découvert l’existence de Tikopia en lisant le livre «Effondrement» de Jared Diamond, alors que j’étais coincé pendant des jours dans une cabane lors d’une tempête de neige sur le tournage de mon précédent film avec les éleveurs de rennes. 

Les habitants de l’île la perçoivent comme un être vivant, elle était d’ailleurs une de leur divinité avant qu’ils se christianisent il y a une trentaine d’années: un christianisme syncrétique et pragmatique, qui n’a pas effacé les croyances, pratiques et perceptions traditionnelles. 

Du coup, l’opportunité était trop belle d’expérimenter un point de vue animiste en construisant le film comme un dialogue entre le roi de l’île et l’île elle même. L’animisme me fascine, je le crois parfois plus proche d’un niveau de réalité qui nous échappe dans les sociétés occidentales. A Tikopia, le « je » n’existe pas, ils ont un mot pour dire « nous » en parlant des gens et « nous » pour parler d’eux et l’île.. c’est très beau comme concept, je trouve. Leur langue, comme c’est souvent le cas, démontre une manière de penser et de se penser originale. 

On va dire que c’est l’audace du film. Faire parler une île: durant la production, cela a souvent laissé mes interlocuteurs dubitatifs. Ils me soulignaient l’aspect «casse gueule». J’avoue avoir été déstabilisé parfois jusqu’à douter.. jusqu’à ce jour de mon arrivée sur l’île, lors de la 2ème expédition: Ti Namo, le roi de l’île m’accueille et me demande des nouvelles du film… Je lui explique mon dilemme, il me regarde sans expression, puis se met à rire. Devant mon air surpris il me dit « Vous êtes étranges, vous les palengis (les blancs): vous croyez qu’il n’y a qu’à nous qu’elle s’adresse la Terre? C’est juste que vous, vous avez perdu l’habitude de l’écouter ». Après ça je ne me suis plus laissé désarçonné par les arguments rationnels du monde qui est le mien, et me suis senti porté par la légitimité du point de vue original des tikopiens. 

Concrètement il a fallu imaginer des pistes pour concevoir le film comme une expérience animiste: filmer du point de vue de l’île, imaginer avec les habitants ce qu’elle pourrait dire, privilégier la quête émotionnelle en cherchant à faire ressentir, saisir le lien organique qui unit les tikopiens à leur île dans toute sa dimension. Toute la narration, l’image, les gros plans, la musique, l’ambiance sonore, la voix de l’île sont au service de cette recherche émotionnelle… » 

Quelques mots sur tikopia 

Tikopia est une île de 5 km2 située dans la province de Temotu des îles Salomon. C’est un ancien volcan dont le lac Te Roto est le cratère. Son point le plus haut est le mont Reani avec 380 m au-dessus du niveau de la mer. Bien qu'elle se situe en Mélanésie, elle est peuplée de Polynésiens qui parlent le tikopien. La population est estimée à 2000 personnes ces dernières années. Les datations situent le premier peuplement de l’île à 3000 ans environ.

L’île alimente les imaginaires depuis plusieurs siècles: elle est ainsi citée dans « 20 000 lieues sous les mers » de Jules Verne, a été étudié durant tout le 20ème siècle par un ethnologue Raymond Firth qui en a tiré la littérature de référence en matière ethno-économique, elle est citée comme un modèle de résilience par Jared Diamond et d’autres chercheurs, Maurice Godelier et même Claude Levy Strauss la cite régulièrement et le collapsologue Pablo Servigne y fait référence dans son ouvrage « Comment tout peut s’effondrer ».

Les tikopiens font malgré eux partie de la Grande Histoire de France.: ils sont les tristes et seuls témoins du naufrage des navires « l’Astrolabe » et « la Boussole » sur lesquels s’est déroulée la plus grande expédition scientifique française menée à ce jour: l’expédition Lapérouse. On leur doit la découverte de la garde de l’épée de Lapérouse et les témoignages du naufrage près de l’île de Vanikoro au XIXème siècle, qui ont permit de retrouver les épaves presque 70 ans plus tard.


Source et copyright des textes des notes de production @ Arwestud Films

 
#NousTikopia

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