Thriller/Épouvante-horreur/Un film intrigant à la personnalité marquée mais avec des longueurs et une narration qui laisse beaucoup de questions en suspens
Réalisé par Peter Strickland
Avec Marianne Jean-Baptiste, Gwendoline Christie, Fatma Mohamed, Hayley Squires, Julian Barratt, Leo Bill, Simon Manyonda, Caroline Catz, Richard Bremmer...
Long-métrage Britannique
Durée: 01h58mn
Année de production: 2018
Distributeur: Tamasa Distribution
Interdit aux moins de 12 ans
Date de sortie sur les écrans britanniques : 28 juin 2019
Date de sortie sur nos écrans : 20 novembre 2019
Résumé : la boutique de prêt-à-porter Dentley & Soper's, son petit personnel versé dans les cérémonies occultes, ses commerciaux aux sourires carnassiers. Sa robe rouge, superbe, et aussi maudite qu'une maison bâtie sur un cimetière indien. De corps en corps, le morceau de tissu torture ses différent(e)s propriétaires avec un certain raffinement dans la cruauté.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : le réalisateur Peter Strickland nous plonge dans un cauchemar vintage avec son IN FABRIC. Il n’est pas surprenant de voir apparaître le nom du réalisateur Ben Wheatley dans les producteurs exécutifs de ce film. C’est la même veine d’épouvante sertie d’étrangeté que Peter Strickland saigne ici à blanc pour nous conter la malédiction d’une robe rouge qui condamne tous ceux qui la portent.
Il donne volontairement un côté vieillot à l’atmosphère de son long-métrage. Il a une grande maîtrise de ses plans et des éléments qui les composent. Son concept rend curieux, mais les nombreuses aspérités de la narration compliquent l’adhésion totale à ce projet qui a, cependant, le mérite d’être original. On a l’impression de se retrouver devant une œuvre arty dont on ne sait pas trop si elle nous fascine ou nous agace.
Le réalisateur nous donne des éléments pour comprendre le cadre fantastique, la critique consumériste, le cycle démoniaque qui s’enclenche et se répète, mais il laisse aussi beaucoup de questions en suspens. À nous de comprendre ou de trouver des réponses, ce qui s’avère frustrant. De plus, la seconde partie est redondante et tire en longueur pour apporter assez peu d’eau au moulin au final de ces circonstances infernales.
Les situations, parfois presque burlesques, nous mettent toujours mal à l’aise. Elles font mouche. Les entretiens dans le cadre du travail notamment, menés par les deux excellents acteurs qui jouent les patrons Julian Barratt et Steve Oram, sont assez hallucinants et font grincer des dents.
Les personnages sont très travaillés. On sent que Peter Strickland, qui signe aussi le scénario de son film, les a façonnés. Parmi les protagonistes, on est interloqué par l’étrange Miss Luckmoore superbement interprété par Fatma Mohamed. L’actrice donne tout le relief et l’inquiétante bizarrerie, qui évoque immanquablement le vampirisme, à cette vendeuse de mode décalée aux intentions néfastes.
Marianne Jean-Baptiste est impeccable dans le rôle de Sheila Woolchapel. Elle est attachante, car elle fait vibrer la naïveté, la résilience et les tentatives de rébellion de Sheila. Les difficultés face au travail, à sa situation amoureuse ou à son fils Vince, interprété par Jaygann Ayeh, que Sheila élève seule, provoquent notre empathie.
Pour sa part, Gwendoline Christie interprète Gwen, la petite amie de Vince dont le sans-gêne vient mettre à mal le caractère plutôt doux de Sheila.
IN FABRIC intrigue avec ses allures de film gothique à la personnalité appuyée, cependant ses longueurs et ses questionnements sans réponse peuvent déplaire. On se laissera tenter par les appels suspects de l’équipe de vente du grand magasin Thames Valley Dentley & Soper si on aime le cinéma de genre qui utilise le déphasage comme marque de fabrique.
Il donne volontairement un côté vieillot à l’atmosphère de son long-métrage. Il a une grande maîtrise de ses plans et des éléments qui les composent. Son concept rend curieux, mais les nombreuses aspérités de la narration compliquent l’adhésion totale à ce projet qui a, cependant, le mérite d’être original. On a l’impression de se retrouver devant une œuvre arty dont on ne sait pas trop si elle nous fascine ou nous agace.
Le réalisateur nous donne des éléments pour comprendre le cadre fantastique, la critique consumériste, le cycle démoniaque qui s’enclenche et se répète, mais il laisse aussi beaucoup de questions en suspens. À nous de comprendre ou de trouver des réponses, ce qui s’avère frustrant. De plus, la seconde partie est redondante et tire en longueur pour apporter assez peu d’eau au moulin au final de ces circonstances infernales.
Les situations, parfois presque burlesques, nous mettent toujours mal à l’aise. Elles font mouche. Les entretiens dans le cadre du travail notamment, menés par les deux excellents acteurs qui jouent les patrons Julian Barratt et Steve Oram, sont assez hallucinants et font grincer des dents.
Les personnages sont très travaillés. On sent que Peter Strickland, qui signe aussi le scénario de son film, les a façonnés. Parmi les protagonistes, on est interloqué par l’étrange Miss Luckmoore superbement interprété par Fatma Mohamed. L’actrice donne tout le relief et l’inquiétante bizarrerie, qui évoque immanquablement le vampirisme, à cette vendeuse de mode décalée aux intentions néfastes.
Marianne Jean-Baptiste est impeccable dans le rôle de Sheila Woolchapel. Elle est attachante, car elle fait vibrer la naïveté, la résilience et les tentatives de rébellion de Sheila. Les difficultés face au travail, à sa situation amoureuse ou à son fils Vince, interprété par Jaygann Ayeh, que Sheila élève seule, provoquent notre empathie.
IN FABRIC intrigue avec ses allures de film gothique à la personnalité appuyée, cependant ses longueurs et ses questionnements sans réponse peuvent déplaire. On se laissera tenter par les appels suspects de l’équipe de vente du grand magasin Thames Valley Dentley & Soper si on aime le cinéma de genre qui utilise le déphasage comme marque de fabrique.
Copyright photos @ Tamasa Distribution
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
ENTRETIEN AVEC PETER STRICKLAND
4 ans sont passés depuis The Duke of
Burgundy. Qu’avez-vous fait depuis ?
J’ai fait deux films d’affilée,
The Duke et le film concert de Björk (Björk : Biophilia Live), et
je me suis consacré à écrire et à réaliser des pièces
radiophoniques (The Len Continuum, The Len Dimension et The Stone
Tape, toutes pour la BBC).
C’est votre premier film en
Angleterre, ce qui est inhabituel pour un réalisateur britannique.
Avec cette ville fictive de Thames-Valley-on-Thames, qui représente
votre ville natale Reading, livrez-vous un récit plus autobio
graphique que ce dont vous avez l’habitude ?
Si on m’avait dit il y a 10 ans que
j’allais faire un film sur les soldes de janvier à Reading, je me
serais probablement évanoui. Mais c’est génial de faire un film
qui se déroule là-bas. A mes débuts, je voulais m’éloigner le
plus possible de l’Angleterre, j’ai voulu faire un film en
Transylvanie – au final pas si loin que ça. J’avais déménagé
en Hongrie après le tournage et tout semblait plus exotique là-bas.
Maintenant la boucle est bouclée puisque c’est l’Angleterre que
je trouve exotique. Ce film n’est pas vraiment plus
autobiographique que mes autres films ; simplement j’ai mis plein
de choses qui m’intéressent, le plus possible. Par exemple, avec
la scène de la machine à laver ; en Hongrie il y a encore de
vieilles machines à laver de la période socialiste qui deviennent
folles furieuses.
L’humour et l’horreur sont plus
manifestes que dans vos films précédents, mais le film ne suit pas
vraiment les règles de l’un ou de l’autre genre. Par exemple, il
n’y a aucune explication sur le pouvoir de la robe ?
J’étais très partagé sur ce point
: faut-il expliquer l’origine de la malédiction ? Dans un
brouillon j’essayais d’aller dans cette direction, mais je me
suis rendu compte que ce n’était pas vraiment nécessaire, c’est
un fait que la robe est maudite et cela suffit, surtout après ce qui
arrive à la première victime. C’est un medium pour explorer
comment les gens interagissent avec les vêtements. J’imagine que
c’est un drame très humain au fond. Les vêtements m’intéressent
beaucoup. Je suis intéressé par les objets et par le pouvoir
presque alchimique qu’ils ont au cinéma. Le pouvoir de
l’association avec un objet et comment cela peut nous hanter est ce
que j’essaye d’ouvrir comme sujet. Comment le fait de voir le
vêtement d’un parent décédé peut altérer tout à coup votre
tension artérielle. Il y aussi la métamorphose qui opère lorsque
l’on porte un vêtement. Une chemise, selon qui la porte et qui l’a
portée avant, peut provoquer toutes sortes de réactions, de
l’excitation au dégoût.
C’est ce que j’ai essayé
d’explorer avec des thèmes comme Babs et sa dysmorphose, ou Reg et
son fétiche pour les collants, pour représenter au mieux comment
les gens réagissent à la texture ou à leur propre corps dans un
vêtement. Au-delà du tactile, il y a aussi une approche fétichiste
aux textures sonores, par exemple avec une réponse autonome
sensorielle culminante (ASMR) à la litanie de la machine à laver de
Reg. C’est un univers dans lequel les objets et les sons
contiennent une force ou un pouvoir inhérent.
La distribution artistique est plus
hétérogène que dans vos films précédents, avec beaucoup plus de
dialogue et des interprètes avec des formations aussi bien en
théâtre, cinéma, comédie qu’en musique. Parlez-nous de certains
de vos choix.
Pour Sheila, tout ce dont j’étais
sûr c’était qu’elle devait être une femme d’âge moyen.
Marianne Jean-Baptiste est tellement douée pour la colère subtile
et comique. J’ai beaucoup aimé sa performance, elle a un potentiel
comique incroyable, je devais me retenir de rire par moments. Je ne
sais pas pourquoi elle ne travaille pas davantage en Angleterre, elle
est très douée. Hayley Squires (Babs) était géniale. J’ai adoré
travailler avec elle. Elle n’a pas besoin de beaucoup
d’indications, elle a parfaitement compris l’atmosphère.
Concernant Gwendoline Christie (Gwen) j’ai écrit le rôle avant
d’être en contact avec elle. Je lui ai dit « il y a ce personnage
qui s’appelle Gwen, tant que ça ne te dérange pas qu’il y ait
cette coïncidence bizarre sur vos noms ou le fait qu’elle n’est
pas très sympa… ». Je voulais un personnage comme Withnail ;
quelqu’un qui est fascinant et amusant à regarder mais avec qui on
ne voudrait jamais se trouver dans une même pièce.
Leo Bill (Reg) s’est vraiment
transformé. Voir Leo dans la vie réelle et voir Reg, c’est voir
deux personnes différentes. Même la manière dont il marche est
différente.
Barry Adamson (Zach) a été suggéré
par la directrice de casting Shaheen Baig. Je voulais quelqu’un qui
venait de la musique, et elle a suggéré Barry.
Steve Oram (Clive) et Julian Barratt
(Stash) ont une très bonne alchimie ensemble. J’ai travaillé avec
eux séparément sur des pièces radiophoniques et je voulais les
rassembler.
Fatma Mohamed (Miss Luckmoore) a joué
dans tous mes films. Je l’ai trouvée dans une petite ville de
Transylvanie, un de ces coups de chance qu’on a parfois dans la vie
; elle s’investit pleinement dans tout ce qu’elle entreprend. Je
n’aurais pas pu imaginer faire un film sans elle.
J’ai senti que tous les acteurs
avaient entièrement compris ce qu’on essayait de faire.
Vous avez choisi Tim Gane (Stereolab,
Cavern of Anti-Matter, McCarthy) pour la bande son, faisant suite à
Broadcast et Cat’s Eyes sur vos autres films. Comment avez-vous
découvert la musique de Gane ?
J’ai sorti un single de Cavern of
Anti-Matter avec ma maison de disques, Peripheral Conserve. J’ai
parlé cinéma avec Tim Gane, avant même qu’il y ait un scénario
ou même un concept et je lui ai demandé de me faire des démos. Il
m’a envoyé des douzaines de pistes instrumentales, que j’ai
écoutées tout en écrivant.
A chaque fois que je travaille avec un
groupe, je deviens un peu plus confiant. Au début, je n’avais pas
beaucoup d’expérience de travail avec des musiciens et j’étais
trop esclave de mes références, qui peuvent être étouffantes. On
parle toujours références aujourd’hui mais seulement en terme
d’atmosphère, de tempo et d’instruments, rien de plus.
Maintenant, j’essaye de donner aux musiciens le plus d’espace
possible. Tim est quelqu’un qui a une connaissance encyclopédique
de la musique et du cinéma, et il est toujours prêt à essayer
quelque chose de nouveau. Il n’a pas peur du bruit; quelques-uns de
ses éléments non-musicaux s’apparentent plutôt à du sound
design qu’à une bande son. Il a fait toute la musique du film,
même le muzak de la boutique. La seule qui n’est pas de lui est la
musique de la publicité, qui est de James Ferraro.
Le sound design est-il très important
dans vos films ?
C’est important dans tous les films,
surtout si vous n’avez pas beaucoup d’argent. On s’est servis
du son pour faire rentrer le spectateur dans cet univers
instantanément. Dans les scènes de la boutique, nous avions
beaucoup de trucages sonores, d’effets tels que les cintres sur les
rampes etc. Mais au final, on a tout enlevé pour ne garder que les
voix des clients à basse fréquence, ce qui est à la fois apaisant
et inquiétant, comme si quelque chose était étrange et décalé,
mais on ne sait pas quoi. Quand on l’a enregistré, cela m’a fait
entrer en transe et je me suis endormi, ce qui pour moi était un
signe de succès.
La boutique, avec ses rituels obscurs
et mystérieux, joue un rôle crucial dans le film. Comme beaucoup de
gens, vous avez travaillé dans la vente. Est-ce une manière de
régler vos comptes ?
J’ai travaillé pour Asda, Waitrose,
Threshers, Boots et WHSmiths. Ce film n’est pas une œuvre-revanche.
Je ne suis pas intéressé par l’écriture comme vendetta. Il peut
être vu comme une satire du consumérisme, d’une certaine manière,
mais je le vois plutôt comme une célébration du shopping. Une
bonne boutique est presque comme un musée, en un sens. L’atmosphère
peut vraiment changer votre humeur. Le shopping en ligne est
différent que de rentrer dans ces espaces physiques qui sont tous
différents.
Le shopping est un passe-temps très
prosaïque mais si tu prends une activité excessivement familière,
tu peux y trouver de l’insolite. Quand tu fais un inventaire de
stock à 5h du matin et que tu regardes par la fenêtre et tu vois
une queue de gens silencieux, c’est quasiment comme Dawn of the
Dead de George A. Romero. Ce peut être assez glauque.
Un de mes premiers souvenirs d’enfant
se déroule chez Jackson’s à Reading (un vieux grand magasin fondé
en 1875) dans ma poussette sous un mannequin, sa main était figée
quelques centimètres au-dessus de ma tête. Ce qui explique sûrement
beaucoup de choses.
PETER STRICKLAND
Peter est né et a passé son enfance à
Reading. Il a commencé par faire des courts-métrages, dont
Bubblegum dans lequel figurent des stars de cinéma underground comme
Nick Zedd et Holly Woodlawn. Son premier long-métrage, un thriller
de revanche auto-financé Katalin Varga, a attiré l’attention dans
de nombreux festivals. Avec Berberian Sound Studio et The Duke of
Burgundy, il gagne un succès critique et se distingue comme un
réalisateur avec une vision unique, et des inspirations et
obsessions cinématographiques inhabituelles.
Peter a écrit et dirigé trois pièces
radiographiques pour la BBC : deux comédies se déroulant à
Reading, The Len Continuum et The Len Dimension, et une adaptation
acoustique originale de The Stone Tape de Nigel Kneale avec Romola
Garai.
Peter a aussi réalisé le film concert
de Björk, Björk : Biophilia Live, ainsi que des clips pour les
groupes Cavern of Anti-Matter, The KVB, A Hawk And A Hacksaw et
Flying Saucer Attack.
ENTRETIEN AVEC JO THOMPSON
COSTUMIÈRE
Comment êtes-vous arrivée sur ce
projet ?
Ma première discussion avec Peter
était par Skype car il vit en Hongrie. Nous avons parlé pendant
près de deux heures. Je lui ai ensuite envoyé beaucoup de
références. Il m’a contactée quelques jours plus tard pour me
dire qu’il m’engageait. C’était pour moi une très belle
opportunité car il y a beaucoup de création autour des costumes. Le
film parle d’une robe maléfique et possédée, c’est presque un
personnage, ce qui était très ambitieux. Dans le scénario initial,
la robe était décrite comme blanche et maculée de sang. C’est
une robe démoniaque qui apporte quelque chose de terrible à celui
qui va la porter. Nous avons eu de très longues discussions car je
sentais qu’en blanc, la robe ne serait pas suffisamment
surprenante. En plus, on la retrouve dans différents endroits, elle
est parfois cachée. Après beaucoup de discussions, nous avons donc
décidé qu’elle serait rouge et comme Peter était le scénariste,
il pouvait modifier le scénario et y introduire la couleur, la
description de la robe, les références au sang, au gore et toutes
ces choses attendues dans un film d’horreur.
Comment avez-vous travaillé sur cette
robe ?
J’avais beaucoup d’images et nous
avons eu beaucoup d’échanges. La robe devait-elle être
victorienne, ou 1920, 1930 ? Comme le film se déroule dans un
univers parallèle, entre les années 70, 80 et 90, il y avait ce
contraste entre le monde réel de cette période et ce monde
imaginaire. Il y a donc un mélange de périodes qui est une forme de
commentaire sur le rapport que les gens ont à la mode tout au long
de l’histoire, la mode tenant une place importante dans la vie des
gens, témoignant des choix qu’ils font au travers des vêtements
qu’ils portent.
Nous avons fait beaucoup de recherches
puis j’ai esquissé des dessins très basiques. J’ai réalisé la
plupart des essais sur un mannequin et avec un merveilleux couturier,
Kesha, qui a créé la robe. Nous avons essayé des formes très
différentes, Peter y a participé, nous avons parlé de la forme, de
la longueur. Autre chose, la robe devait aller à différentes
personnes, des mannequins, des acteurs. Beaucoup des acteurs
n’étaient pas sur place, Marianne Jean-Baptiste vit à Los
Angeles, nous avons donc dû la faire d’après ses mesures. Tout
était très compliqué. La robe a été confectionnée avec toutes
ses répliques ainsi que toutes les étiquettes à l’intérieur
comme l’étiquette pour les instructions de lavage, les étiquettes
du magasin, tout a été brodé ou imprimé. Et puis à l’intérieur
de la robe, il y a des inscriptions en latin qui disent, de mémoire,
‘Celui qui porte cette robe mourra’.
Cela a été un processus extrêmement
long. Une autre apparition de la robe est dans une scène où un des
personnages accouche. C’est un rêve. Mais au lieu de donner
naissance à un enfant, la femme donne naissance à un bébé très
macabre qui porte une petite robe rouge. La robe est présente dans
tous ces aspects du film. C’était très drôle à faire.
Nous avions beaucoup de contraintes de
temps mais j’ai été très chanceuse car les producteurs ont
réalisé combien la robe était importante, donc ils m’ont confié
un budget plus important. Ils m’ont laissé faire ce que je voulais
plutôt que de chercher des compromis. Merci aux producteurs !
La robe est-elle faite d’une matière
très particulière ?
Nous avons essayé différents types de
soie, du synthétique car c’était bon marché et de la soie ce qui
était beaucoup mieux. Beaucoup de choses se passent avec la robe, il
y a des moments très fantomatiques où la robe flotte et tente
d’étouffer un des personnages. Nous avons expérimenté différents
matériaux, nous avons fait des essais avec l’équipe d’effets
spéciaux et nous avons décidé quel serait le meilleur matériau.
La robe a un effet diaphane, elle flotte dans les airs, nous avons
donc décidé d’avoir deux couches, une en soie et une en
mousseline de soie. Le tissu est très onéreux mais ça en valait la
peine car ça a un réel impact d’avoir une robe qui devient une
créature.
Vous avez également travaillé sur les
costumes des autres personnages et vous vous êtes inspirée de
différentes périodes…
La robe est portée par différentes
personnes. Elle est vendue dans un grand magasin appelé Dentley &
Soper’s. C’est un lieu très étrange et ce que nous voulions
également créer était le sentiment que même si les vendeurs
portent des costumes, les clients qui sont des gens plutôt
ordinaires ne se questionnent pas sur le fait que quelqu’un porte
une robe victorienne et serve habillé ainsi dans un grand magasin.
De la même façon avec les vendeurs, nous n’étions pas sûrs au
début de ce que nous voulions faire. Nous avons considéré
différentes options : devaient-ils porter des costumes d’aliens ou
des combinaisons ? Puis j’ai réalisé que – je ne sais pas si
vous avez ça en France mais je suis sûre que vous l’avez – en
Angleterre quand vous allez dans un grand magasin de luxe comme
Selfridges ou Harrods, tout le monde porte du noir et a une allure
très austère. En tant que client, on peut avoir l’impression
d’être aliéné car ces personnes donnent l’impression d’être
en charge et semblent venir d’un autre monde. J’ai essayé de
recréer ça en faisant quelque chose de différent. Nous avons fait
des costumes victoriens hybrides. Au lieu d’être longs, ils sont
coupés au genou et dévoilent des bottes. Tout a été fait sur
mesure par une compagnie avec laquelle je travaille beaucoup, Sands
Films basée à Londres. Ils sont fabuleux ! Nous avons eu de
merveilleux essayages où tout a été taillé sur mesure et
customisé pour accommoder chaque physionomie. Donc les costumes sont
ajustés de façon très harmonieuse.
Nous avons également eu une séance de
brainstorming, et là encore je suis remontée dans le temps et ai
trouvé des costumes de religieuses de l’époque victorienne que
nous avons recréés.
C’était principalement victorien et
milieu du 20ème siècle je pense, fin du 20ème siècle. Je ne vois
pas vraiment d’autres périodes. Je pense qu’avec la robe, je me
suis inspirée des années 30 dans les formes car je voulais cette
fluidité, cette façon de bouger. C’est à peu près tout.
Comment les acteurs ont-ils travaillé
autour des costumes ?
C’était intéressant pour moi car je
suis habituée aux acteurs qui sont très impliqués dans le choix de
leur costume. On collabore pour créer le personnage. Mais dans ce
type de film et avec la façon dont Peter travaille, tout est très
conceptuel. Il écrit tout. Le moindre détail est pensé. Rien n’est
là par hasard. Il a recréé tout un monde. Ce qui était
intéressant, c’est que tous les acteurs ont adhéré à cela car
ils voulaient tous travailler avec lui. Il est très admiré en
Angleterre, je ne sais pas si c’est le cas en France. Par exemple
Gwendoline Christie voulait travailler avec lui, donc elle a rejoint
le projet et nous avons tous fait ce qu’il souhaitait, et elle est
fantastique, elle a adopté cette façon de faire. J’ai fait créer
de la lingerie sur mesure pour elle.
C’est un processus très créatif et
les acteurs l’ont accepté, ce qui est passionnant. J’ai
participé à beaucoup de projets où ils ne suivent pas. Pour moi
c’était assez exaltant.
Marianne Jean-Baptiste est une actrice
que l’on voit habituellement dans d’autres types de films…
Oui, elle a travaillé pour Mike Leigh,
elle a aussi joué dans la série Broadchurch. Elle habite à Los
Angeles donc ça a dû être assez difficile car elle était
éloignée, mais elle est venue et nous avons fait les premiers
essayages. Nous avions dessiné la forme de la robe et commencé des
essayages sur Leo Bill qui joue Reg. Nous avions donc fait les
premiers essayages sur un homme. Mais elle l’a accepté, je ne sais
pas ce qu’elle ressentait intérieurement mais de l’extérieur,
elle paraissait vraiment l’aimer. Elle avait la robe rouge qui lui
allait très bien et le reste de ses costumes était très banal.
Elle travaille dans une banque donc elle porte simplement un uniforme
standard. J’ai fait imprimer des chemises, cela avait beaucoup à
voir avec les étiquettes, réduire, enlever la personnalité. Cela a
à voir avec l’attitude professionnelle, je suppose que si vous
travaillez dans une banque, vous devez effacer votre identité.
Il y a quelque chose de très
intéressant dans la relation que les gens ont au vêtement et le
film parle beaucoup de cela.
Vous avez cette mère célibataire qui
élève ce fils très difficile, lui-même ayant une relation avec
une femme beaucoup plus âgée. Elle se sent invisible et elle
cherche désespérément un partenaire. Elle va sur ‘Single Heart’
et décroche un rendez-vous, elle doit donc trouver quelque chose à
porter. Elle met toute son espérance dans la robe, pensant que si
elle achète cette robe, sa vie entière sera transformée. Ce que
font beaucoup de gens. Vous allez à un évènement particulier, ou
vous avez un nouveau rendez-vous galant, vous achetez quelque chose
de particulier. Cela construit une grande partie du film. Mais
quelque chose de terrible lui arrive à cause de cette robe qu’une
personne trouve ensuite dans un magasin de seconde main. Il trouve
cette robe très bien pour son enterrement de vie de garçon. Tout le
monde est charmé par la robe sans réaliser qu’elle porte ce
maléfice.
Je pense que l’on dit beaucoup par
les vêtements que nous choisissons de ce que nous essayons de dire
au monde. C’est un aspect intéressant du film car les gens
achètent la robe et la portent en pensant qu’elle leur portera
chance, mais le spectateur sait que c’est le contraire. Ce qui est
assez drôle. J’ai vu le film quatre fois et à chaque fois que je
le vois, il y a une réaction différente de la part des spectateurs.
Quand nous tournions le film, je pensais que c’était une comédie
et je répétais à Peter ‘c’est une comédie’. Et quand nous
l’avons vu au festival du film de Londres, tout le monde a ri. Si
vous êtes dedans et que vous l’acceptez, vous appréciez vraiment
et vous trouvez cela drôle. Si vous n’êtes pas dedans vous
détestez… Mais je pense que d’une manière générale en
Angleterre, aux Etats-Unis, au Canada, les gens sont réellement
entrés dedans.
Le grand magasin est aussi très
intéressant. Quelle en a été la source d’inspiration ?
La source d’inspiration est un
magasin appelé Jacksons à Reading, une très petite ville en
Angleterre. Peter y est allé enfant, comme moi. Comme je le disais
précédemment, quand on va dans ces grands magasins, c’est comme
un monde étranger. Si vous n’avez pas d’argent et que vous êtes
un enfant, vous vous demandez ce que tout le monde est en train de
faire, regardant, essayant des choses, prenant des articles sur les
porte-manteaux. Nous voulions créer quelque chose de très
oppressant, c’était un monde qui pouvait être habité par des
fantômes, des extraterrestres ou des créatures étranges. Vous êtes
supposé sentir… Je me suis toujours sentie mal à l’aise en les
voyant car ils avaient cette relation étrange avec les mannequins.
Les mannequins portent la robe et paraissent eux aussi possédés.
C’était supposé être un monde assez effrayant. Il y a un film
que Peter m’a demandé de regarder, Carnival of Souls, dans lequel
il y a une scène où le personnage va dans un magasin et c’est
très effrayant. C’est le sentiment que nous avons essayé de
créer. C’est un monde où en tant que client on ne sait pas ce qui
se passe et tout a lieu sous terre ou au dessus... Vous êtes poussé
à dépenser de l’argent, vous n’avez pas nécessairement besoin
de ces choses mais vous êtes venu là en cherchant un but donc vous
avez besoin d’acheter quelque chose. Je pense que c’est le
sentiment derrière cela.
Octobre 2019
Propos recueillis au Festival des
villes soeurs Le Tréport - Mers les Bains, Mode, Costume &
Cinéma
Source et copyright des textes des notes de production @ Tamasa Distribution
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