ENTRETIEN AVEC RUBIKA
SHAH (RÉALISATRICE) ET ED GIBBS (PRODUCTEUR)
Quel a été le point de
départ du projet ?
Rubika Shah : J’ai
commencé à travailler sur White Riot parce que j’étais curieuse de la montée de
l’extrême-droite dans les années 70. J’en avais entendu parler, par bribes, par
ma famille, confrontée au racisme parce qu’elle est d’origine asiatique.
Ignorante de cette histoire récente, j’ai décidé de me lancer dans ce voyage.
Je me suis toujours
intéressée aux archives musicales et je suis tombée sur la performance des
Clash au Carnaval Rock Against Racism. Je ne pouvais pas croire que ce
mouvement avait existé à cette époque et que je n’en avais jamais entendu
parler. Au milieu de toute cette haine, un mouvement de contre-culture avait vu
le jour dans une petite imprimerie de l’Est de Londres. C’était un lieu pour
que les jeunes partagent leurs points de vue. Ils croyaient en l’égalité - la
musique, le punk, le graphisme étaient leurs armes.
D’autres documentaires
vous ont-ils inspirés ?
Rubika Shah : Ceux du
documentariste américain Brett Morgen, notamment Cobain: Montage of Heck et
Chicago 10. Son sens de la narration est remarquable, et ses films vous
captivent pour mieux révéler la vérité de leur sujet.
Ed Gibbs : On pourrait citer
aussi Fire in Babylon, de l’Anglais Stevan Riley, sur une équipe de cricket. Il
fallait trouver une façon de raconter une histoire complexe, impliquant
beaucoup de personnages, d’une façon claire et captivante.
Comment avez-vous eu
accès aux images d’archives, musicales ou non ?
Rubika Shah : C’est
toujours un processus complexe. Cela requiert des mois de recherche sur
internet, de nombreux échanges, virtuels ou non. Nous avons trouvé des images
qui n’ont jamais été vues, elles dormaient dans un grenier depuis plus de
trente ans. Notre chance a été aussi que beaucoup des détenteurs de droits
avaient soutenu la cause de RAR et certains étaient au Carnaval d’avril 78.
Ed Gibbs : Cela prend
beaucoup de temps. Certains propriétaires d’images ne savent pas exactement ce
qu’il y a dessus, d’autres demandent des montants exorbitants.
C’est une surprise de
découvrir les convictions nationalistes d’Eric Clapton et Rod Stewart. Ces
épisodes sont-ils connus ?
Rubika Shah : L’histoire
de Clapton est assez connue, mais je me suis rendue compte que beaucoup de gens
ignoraient ou avaient oublié le soutien exprimé par Rod Stewart à Enoch Powell.
Clapton a récemment fait savoir qu’il regrettait.
Comment avez-vous donné
vie aux pages de Temporary Hoarding ?
Rubika Shah : C’est un
style que mon animateur et moi avons développé pour la fabrication de White
Riot : London, un court-métrage de neuf minutes qui est une préfiguration du
film. Nous nous sommes inspirés de la charte graphique, le côté «scrapbook» du
magazine. Nous avons isolé des éléments et les avons animés en jouant sur la
vitesse pour donner un effet singulier.
Ed Gibbs : L’animation et
les effets spéciaux permettent de marier l’univers esthétique du fanzine et le
cinéma. C’était vital pour raconter cette histoire de rendre les pages de
Temporary Hoarding vivantes. Le fanzine a plus de quarante ans. Nous voulions
qu’un public d’aujourd’hui puisse y avoir accès.
En quoi le film est-il
d’actualité ?
Rubika Shah : La montée du
racisme et du fascisme tout autour du globe, le Brexit et le succès des
populismes le rendent incroyablement actuel. Des mouvements comme Extinction
Rebellion, nés de la base, montrent que le pouvoir du peuple peut être
efficace, ils sont une force puissante et positive du changement. Dans mon travail,
j’ai souvent traité des questions d’identité et de culture des jeunes : des
gens ordinaires essayant de donner du sens à notre place dans le monde. White
Riot est une histoire édifiante qui montre comment la culture des jeunes peut
faire la différence.
Que sont devenus les gens
que l’on voit dans le film ?
Rubika Shah : Reed a
poursuivi ses activités – notamment la photographie. Les photos de Syd Shelton
peuvent être vues partout dans le monde. Kate Webb est devenue journaliste.
Dennis Bovell fait toujours de la musique. Steel Pulse
aussi !
CHRONOLOGIE
1966
AVRIL: A Birmingham,
Enoch Powell, député conservateur et membre du «cabinet fantôme» d’Edward
Heath, prononce un discours qui met au pre - mier plan la question de
l’immigration et donne le triste ton des années à ve - nir. Rejetant le modèle
multi-cultura - liste britannique, prophétisant un ave - nir sanglant au pays,
Powell demande l’arrêt immédiat de l’immigration. «C’est la première fois
depuis la fin de la guerre, lit-on dans le Times, qu’un homme politique anglais
important en appelle à la haine raciale d’une ma - nière aussi directe. » Son
intervention reste connue comme le «Discours des fleuves de sang».
1976
MAI: David Bowie est
photographié à la gare Victoria de Londres en train de faire le salut nazi. La
photo fait le tour de la presse et on rappelle ses décla - rations de 1974: «La
Grande-Bretagne est prête pour un leader fasciste. Après, tout, le fascisme est
d’abord un nationalisme. Je crois profondément au fascisme, les peuples ont
toujours été plus efficaces sous un régime militaire .» Quelques semaines plus
tard, nou - veau dérapage dans une interview au magazine Playboy: «Les rock
stars sont fascistes. Adolf Hitler a été l'une des premières rock stars.
Regardez certains de ses films et voyez comment il bouge. Je pense qu 'il était
tout aussi bon que Jagger. (…) Ce n’était pas un politicien. C’était un artiste
média - tique. Il a utilisé la politique et le théâtre et a créé ce régime qui
a gouverné et contrôlé le show pendant 12 ans. Il a mis en scène un pays (…)
Les gens ne sont pas très malins. Ils disent qu’ils veulent la liberté, mais
quand ils en ont l’occasion, ils ignorent Nietzsche et choisissent Hitler parce
dès qu’il parle, musique et lumières se mettent en route à des moments stratégiques.
Un peu comme un concert de rock . » Bowie se défendra plus tard en af - firmant
ne pas avoir su se détacher de son personnage d’alors, le «Thin White Duke», et
avoir été régulière - ment sous l’emprise de drogues dures.
4 JUIN : Dans l’East End
de Londres, Gurdip Singh Chaggar, étudiant sikh de 18 ans, est assassiné par de
jeunes néo-fascistes. C’est le début d’une série d’agressions racistes contre
la population d’origine indienne qui conduira, deux ans plus tard – et après le
meurtre médiatisé d’Altab Ali – à la formation du Comité d’Action contre les
Attaques Racistes.
5 AOÛT: En concert à
Birmingham, Eric Clapton, probablement ivre, se lance dans une longue harangue
poli - tique: il appelle à voter pour le conservateur Enoch Powell, connu pour
ses positions anti-immigration et prévient ses fans que la Grande-Bretagne est
en train de devenir une «colonie noire». On trouve dans le livre Rebel rock:
The Politics of Popular Music, de John Street, une transcription de la diatribe
du musicien: « Y a-t-il des étrangers dans le public ce soir ? Si oui, levez la
main. Les ba - sanés, je veux dire, c’est vous que je regarde. Où êtes-vous ?
Je suis désolé mais un putain de basané… un Arabe a touché les fesses de ma
femme. On va me dire que, oui, c’est à ça que res - semblent tous ces foutus
étrangers et tous ces basanés, ils sont dégoûtants, c’est la vérité. Eh bien,
où que vous soyez, je pense que vous devriez tous partir. Pas seulement quitter
la salle mais quitter notre pays. Je ne veux pas de vous ici, dans la salle ou
dans mon pays. Écoutez-moi, les mecs ! Je pense que nous devrions voter pour
Enoch Powell. Enoch est notre homme. Je pense qu’Enoch a raison, je pense que
nous devrions tous les renvoyer chez eux. Empêchez la Grande-Bretagne de
devenir une colonie noire.»
30 AOÛT : Lancé dix ans
plus tôt, le Carnaval de Notting Hill n’est plus considéré comme une simple
manifestation festive et musicale. Le Carnival and Arts Committee soutient
qu’il n’est pas un « événement apolitique » mais l’expression «d’une minorité
dont les désavantages ont conduit à la frustration». Le dernier jour de
l’édition 1976 tourne à l’émeute : la foule tente de protéger un pickpocket
poursuivi par les policiers, dont la présence, et surtout le nombre, sont vus
comme une provocation en ces temps de tension sociale et ethnique. La rixe dure plusieurs heures et fait 160 blessés.
SEPTEMBRE: Un petit
groupe d’artistes et d’activistes, menés par le photographe Red Saunders,
publient dans l’hebdomadaire New Musical Express une lettreouverte à Eric
Clapton: «Quelle mouche te pique, Eric? (…) Ressaisis-toi. La moitié de la
musique est noire. Tu es le plus grand colon du rock. Tu es un bon musicien,
certes, mais où serais-tu sans le blues et le R&B? Toi aussi, il faut que
tu combattes ce poison qu’est le racisme. (…) Nous avons décidé de lancer un
mouvement populaire contre le poison de la musique raciste. (…) P-S : Qui a
tiré sur le shérif, Eric ? Certainement pas toi! » [en 1973, Eric Clapton a
connu un grand succès avec sa reprise de I Shot the Sheriff, de Bob Marley].
C’est la naissance du mouvement Rock Against Racism, ou RAR.
NOVEMBRE: Le premier
concert organisé par Rock Against Racism a lieu dans l’East End de Londres. Il
réunit la chanteuse Carol Grimes et le groupe de reggae Matumbi. A la fin du
concert, comme souvent à l’avenir dans les soirées RAR, les deux groupes jouent
ensemble. Dans la foulée paraît le premier numéro du fanzine Temporary Hoarding
(littéralement: panneau d’affichage temporaire), l’organe officiel de RAR. Le
premier édito sonne comme une déclaration d’intention: «On veut de la musique
rebelle, de la musique de la rue, de la musique capable d’annihiler la méfiance
et la peur mutuelle. Une musique de crise. Une musique de maintenant. Une
musique qui sait contre qui elle se bat. Rock contre le Racisme! Aimez la
musique, haïssez le racisme!»
1977
26 MARS: Sortie du
premier single du groupe The Clash, White Riot. Le titre est inspiré des
affrontements avec la police qui ont eu lieu l’année précédente au Carnaval de
Notting Hill, auquel assistaient Joe Strummer et Mick Jones. Pour eux, il
s’agit moins d’un appel à l’insurrection que d’un rappel: Noirs et Blancs
doivent se sentir également concernés par l’oppression économique et policière.
Le titre rentre début avril dans le Top 40.
5 MAI: après une forte
campagne anti-migrants, le National Front obtient le meilleur score de son
histoire aux élections régionales du Greater London Council: 5,3 % des
suffrages (soit près de 120.000 voix)
13 AOÛT: Une marche
anti-immigration est organisée par le National Front au sud-est de Londres, à
Lewisham, où le parti d’extrême-droite a devancé le Parti Travailliste aux
récentes élections, et où la police a multiplié les arrestations arbitraires de
jeunes Noirs. Martin Webster, «organisateur des activités nationales» du parti,
n’avance pas masqué: «Nous pensons qu’une société multi-raciale est une erreur,
qu’elle est néfaste et nous voulons la détruire.» Des militants anti-racistes
attendent les manifestants, la police s’en mêle et la situation dégénère:
l’affrontement sera connu sur le nom de «bataille de Lewisham». Bilan: plus de
cent blessés, plus de deux cents arrestations.
6 DÉCEMBRE: Diffusion sur
BBC 1 de cinq chansons de Sham 69, dont leur futur hit Borstal Breakout, jouées
en live dans l’émission du célèbre animateur John Peel, défricheur de musiques
nouvelles. L’émission contribue à la popularité du groupe et à sa signature
chez une «major» du disque, Polydor.
1978
30 AVRIL: Avec l’appui de
l’Anti-Nazi League, RAR organise un Carnaval à Londres : un défilé de Trafalgar
square à l’East End - plus de dix kilomètres - qui s’achève par un concert
géant à Victoria Park, auquel assistent plus de cent mille personnes. Ce
concert a souvent été baptisé le «Woodstock Punk». Il rassemble plusieurs
groupes familiers de RAR et de l’anti-racisme, notamment X-Ray Spex, la
formation de Poly Styrene, Steel Pulse, The Clash, qui accepte de laisser la
vedette au Tom Robinson Band. Jimmy Pursey rejoint les Clash sur scène pour
chanter avec eux White Riot: un geste significatif quand on sait que son
groupe, Sham 69, est aimé des skinheads d’extrême-droite.
JUIN: Le premier album de
The Tom Robinson Band, Power in the darkness, s’installe pendant plusieurs
semaines dans le Top album du hit-parade, où il grimpera jusqu’à la quatrième
place.
AUTOMNE: On estime que
plus de 400.000 personnes ont assisté à un concert RAR aux quatre coins du
pays.
1979
3 MAI: Le National Front
subit un large revers aux élections législatives, n’enregistrant que 1,3 % des
suffrages. Mais le scrutin marque aussi la victoire des Conservateurs et de
Margaret Thatcher, qui a su attirer l’électeur frontiste en ne cachant pas
qu’Enoch Powel l’a inspirée.
1981
AVRIL: Des émeutes
éclatent dans toute l’Angleterre, et particulièrement à Brixton, au sud de
Londres, rendant prophétique la chanson des Clash, Guns of Brixton, parue deux
ans plus tôt. Elles opposent à la police une population multi-ethnique,
fatiguée de la «sus law» - la loi sur les suspects qui autorise à la police
interpellations et fouilles sans raison – et victime de la misère sociale née
de la politique économique de Margaret Thatcher.
JUILLET: Au Carnaval RAR
de Leeds, un des deux chanteurs des Specials, Neville Staple, admire la mixité
du public: «J’ai l’impression de voir une immense peau de zèbre déployée
jusqu’à l’horizon! Tout est noir et blanc, noir et blanc!» Via ses nombreuses
antennes régionales, Rock Against Racism organisera et parrainera de nombreux
concerts jusqu’en 1982, mêlant à chaque fois artistes blancs et noirs, reggae
et punk, ska et new-wave. Il y aura quinze numéros de
Temporary Hoarding.
RED SAUNDERS Red Saunders
est un photographe professionnel qui combine sa pratique avec de l’activisme
culturel, artistique, musical et politique. Il est à l’origine de Rock
Against Racism. Il s’est spécialisé dans le portrait, travaillant pendant près
de vingt ans pour le Sunday Times Magazine, Rolling Stone, GQ, Time, Life,
et les magazines du groupe Condé Nast. Il a fait partie du groupe de théâtre
radical CAST. L’un de ses derniers projets, Hidden, vise à reconstituer par
la photographie quelques moments oubliés de l’histoire des luttes pour la
justice sociale et la démocratie.
ROGER HUDDLE Auteur,
graphiste et socialiste, Roger Huddle est né à Wal - thamstow, dans le nord-est
de Londres, où il réside encore aujourd’hui. Le militantisme a toujours été
au centre de sa vie: il a été tour à tour membre fondateur de Rock Against Racism,
actif dans la campagne Artists Against Cuts et aujourd’hui engagé dans des
actions concernant le maintien des niveaux de retraite. Ces dix dernières
années, il a pratiqué intensivement l’écriture créative, l’étude de l’histoire
de l’art et le jardinage. Ses influences principales : le créateur libertaire
du XIXème siècle William Morris, le jazz, le constructivisme et Marx.
KATE WEBB Journaliste,
Kate Webb est une contributrice régulière au Times Literary Supplement et à The
Spectator. Elle a également écrit pour The Guardian,
Observer, Al Jazeera, Daily Telegraph, Guernica, Cineaste, Electric Literature,
British Review of Journalism, etc. Elle a publié des essais sur Angela Carter et Christina Stead.
LES GROUPES
THE CLASH
Formé en 1976, à l’avant-garde
du punk anglais, The Clash va rapidement devenir le groupe de rock le plus
iconique de l’époque, symbole de contestation intelligente et de rébellion
esthétique. Son influence est d’autant plus importante qu’il est une formation
pionnière dans l’intégration du reggae, du dub, du funk, du jazz et du hip-hop
au punk-rock du moment. Cela fait de The Clash l’un des groupes les plus
respectés et les plus «samplés» par les DJ d’aujourd’hui. Avant sa séparation
en 1986, The Clash a sorti six albums, dont le légendaire double album London
Calling (1979), élu album de la décennie par le magazine Rolling Stone, et le
triple album plus expérimental Sandinista ! (1980).
STEEL PULSE
Ce groupe de reggae est
originaire d’Handsworth, une banlieue au Nord de Birmingham où se sont
installés beaucoup d’immigrants afro-caribéens, indiens et plus largement
asiatiques. Le premier album du groupe, Handsworth Revolution, comprend
notamment le titre Ku Klux Klan qui dénonce le racisme de la société britannique
de l’époque.
TOM ROBINSON
Né à Cambrigde en 1950,
Tom Robinson s’est fait connaître à la fin des années 70 comme musicien et
activiste LGBT au sein du Tom Robinson Band, l’un des premiers soutiens de Rock
Against Racism et d’Amnesty International. En 1977, leur premier single, 2-4-6-8
Motorway est l’un des jalons de la musique pop-rock anglaise du moment. Le
premier album du groupe, Power in the Darkness est devenu disque d’or au Japon
et au Royaume-Uni. Tom Robinson a connu par la suite une fructueuse carrière
solo, et a co-écrit des morceaux avec notamment Peter Gabriel, Elton John et
Dan Hartman.
POLY STYRENE
Marianne Joan
Elliot-Said, alias Poly Styrene, était une pionnière du punk-rock, dont le
chant intense et brut et les costumes de scène colorés et subversifs ont inspi ré
une génération de femmes dans le rock. C’est après avoir assisté à un concert
des Sex Pistols qu’elle a pris le nom de Poly Styrene et formé, dès 1976, le
groupe X-ray Spex, dont elle écrit et chante les textes. Ses chansons courtes,
pleines d’humour ou de colère dénoncent le sexisme, le racisme ou le
consumérisme et vont assurer au groupe une base de fans. Sa chanson la plus
connue est Oh Bondage, Up Yours en 1977, mais le groupe se dissoudra deux ans
plus tard, après la sortie de l’album Germ free adolescents. Elle poursuit sa
carrière en solo et son album Generation indigo sort au printemps 2011,
quelques semaines avant sa mort d’un cancer à 53 ans.
ALIEN KULTURE
Actif de 1979 à 1981,
Alien Kulture a été fondé par Ausaf Abbas, Azhar Rana, Pervez Bilgrami, tous
trois d’origine asiatique et de Huw Jones, le «blanc-bec» du groupe, comme il
aimait à se faire appeler. Inspiré par la scène punk naissante, l’Anti-Nazi
League et la série de concerts de Rock Against Racism, le groupe cherche à
exprimer les frustrations des immigrés asiatiques de la seconde génération
durant une période de tension ethnique et d’émeute raciale. Ses membres
trouvent dans la musique une forme d’action politique qu’ils n’ont pu mener via
les moyens classiques. Leur nom est une réponse à une déclaration de Margaret
Thatcher, récemment désignée Premier Ministre, où elle dit craindre que le
Royaume-Uni ne soit «submergé par des gens de culture différente». Leurs
chansons qui évoquent le racisme ou des questions plus propres à la communauté
d’origine asiatique, comme les mariages arrangés, provoquent aussi bien des
attaques des néo-Nazis proches du National Front que de leur propre communauté,
qui se sent diffamée. Leur single Culture Crossover (face B: Asian youth) est
publié par Rock Against Racism Records, mais le groupe se dissoudra après une
trentaine de concerts.
SHAM 69
Formé en 1975 à Hersham
dans la banlieue de Londres, Sham 69 a été l’un des groupes punk les plus
célèbres d’Angleterre, avec cinq singles dans le Top 20, notamment If the kids
are united et Hurry up Harry. La popularité du groupe l’a conduit à être reçu à
Top of the pops, la célèbre émission musicale de la BBC. Le groupe a «splitté»
en 1979, son leader Jimmy Pursey continuant une carrière solo. Puis Sham 69
s’est reformé en 1987 et il reste actif depuis.
THE SELECTER
Formé à Coventry, The
Selecter est un groupe de ska «2-tone», l’un des pionniers du «revival» de
cette musique caribéenne. Il tient son nom du vocable dont on désigne les DJ en
Jamaïque. La chanteuse Pauline Black rejoint le groupe naissant à l’été 1979 et
impose une voix à la riche tessiture et une forte personnalité. Après le premier
album Too much pressure, paru en février 1980, qui contient notamment les singles
Three Minute Hero et Missing Words, le groupe connaîtra succès et éclipses. Ses
deux leaders, Pauline Black et le «songwriter» Neol Davies s’en disputeront la
paternité, qui reviendra, finalement à la chanteuse. Le groupe est toujours en
activité.
DERRIÈRE LA CAMÉRA
RUBIKA SHAH
Les films de Rubika Shah
ont été présentés dans les festivals de Sundance, Berlin, Tribeca, etc. Après
des documentaires consacrés à Gore Vidal et Spike Lee, elle a signé en 2015 le
court-métrage Let’s dance: Bowie down under, dont elle prépare une version
longue. White Riot a également commencé sous la forme d’un court-métrage, White
Riot : London. Le long métrage a reçu le Grierson Award, Prix du Meilleur
documentaire au Festival de Londres 2019 et une mention dans la section
Generation du Festival de Berlin 2020.
ED GIBBS
Ed Gibbs a produit
plusieurs films, dont White Riot. Ses productions ont été montrées dans les
festivals de Sundance, Berlin, Tribeca, etc. Il est aussi journaliste et
critique, travaillant notamment pour ABC News, BBC News, Little White Lies,
Rolling Stone, Time out et The Guardian.
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