Guerre/Comédie/Un drame émouvant qui revêt un costume de comédie
Réalisé par Taika Waititi
Avec Roman Griffin Davis, Thomasin McKenzie, Taika Waititi, Rebel Wilson, Stephen Merchant, Alfie Allen, Sam Rockwell, Scarlett Johansson...
Long-métrage Américain
Durée: 01h48mn
Année de production: 2019
Distributeur: The Walt Disney Company France
Date de sortie sur les écrans américains : 8 novembre 2019
Date de sortie sur nos écrans : 29 janvier 2020
Long-métrage Américain
Durée: 01h48mn
Année de production: 2019
Distributeur: The Walt Disney Company France
Date de sortie sur les écrans américains : 8 novembre 2019
Date de sortie sur nos écrans : 29 janvier 2020
Résumé : avec cet humour et cette sensibilité qui n’appartiennent qu’à lui, le réalisateur et scénariste Taika Waititi met en scène JOJO RABBIT, une satire se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l’épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu'imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : Taika Waititi a pris la plume pour écrire le scénario de son film qui est une adaptation du roman Le ciel en cage (Caging Skies) de Christine Leunens. Il nous offre une version cinématographique touchante de cette histoire.
JOJO RABBIT est un drame qui revêt un costume de comédie. Les spectateurs sont désarçonnés par l’humour insufflé par le réalisateur pour traiter des sujets terribles et dur. On ne sait pas toujours s'il faut rire ou pleurer à cause des idées putrides qui sont illustrées. Sa volonté de ridiculiser le nazisme ne laisse aucun doute. Il trouve d'ailleurs un équilibre adroit pour s'en moquer très franchement sans pour autant atténuer son illustration de la Seconde Guerre mondiale.
Le réalisateur semble nous conter une histoire simple, mais elle se révèle plus complexe qu'il n'y paraît sur les choix que l'on fait, les décisions que l'on prend, la façon dont on construit un point de vue négatif et comment il peut être amélioré. Sa mise en scène oppose presque toujours la gravité du contexte et une forme de légèreté. Il gère remarquablement les envols dramatiques qui trouvent une belle intensité sous sa caméra. L'utilisation de décors rassurants et de costumes aux couleurs intenses vient aussi amplifier l'impact des idées.
Les acteurs savent transmettre à la fois la dérision et la gravité des situations.
Roman Griffin Davis est impressionnant dans le rôle Jojo, on le croirait tout droit sorti du livre avec sa bouille toute mignonne, son manque de confiance en ses capacités, sa cruauté d'enfant qui souffre et qui ne peut s'empêcher de faire du mal aux autres, même si dans le fond, il a bon cœur. Thomasin McKenzie est impeccable dans le rôle d'Elsa, une jeune fille qui vit l'enfer, mais trouve tout de même le moyen d'exprimer sa sensibilité.
Scarlett Johansson est touchante dans le rôle de Rosie Betzler, la maman de Jojo dont la fantaisie et les leçons de vie sont autant de guides pour son petit garçon.
Taika Waititi interprète une version ressemblante et en même temps ridicule d'Adolf Hitler en coach imaginaire.
Sam Rockwell interprète le Capitaine Klenzendorf. Ce personnage est attachant parce qu'il réserve des surprises.
Copyright photos @ 20th Century Fox France
Rebel Wilson, pour sa part, apporte son énergie débordante à sa protagoniste Fraulein Rahm.
JOJO RABBIT apporte aux spectateurs la vision d'une situation dramatique vue sous le prisme d'un gamin de 10 ans. Il ne faut pas se fier à son air primaire de divertissement léger, car il décrit en fait un ensemble de destinées embringuées dans la folie de la guerre. On est surpris et ému par ce film.
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
QUELQUES MOTS DE TAIKA WAITITI
Scénariste, réalisateur et producteur
«J'ai toujours été attiré par les histoires qui voient la vie à travers les yeux des
enfants. Dans JOJO RABBIT, il se trouve simplement que c’est un enfant à qui on
n’accorderait aucun crédit.
Mon grand-père a combattu les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, et
cette période et ces événements m’ont toujours fasciné. Lorsque ma mère m'a parlé
du livre de Christine Leunen, Le ciel en cage, celui-ci m’a intrigué parce que cette
histoire était racontée à travers le regard d’un enfant allemand endoctriné, éduqué à
la haine par les adultes.
Lorsque j’ai moi-même eu des enfants, je suis devenu encore plus conscient
du fait que les adultes sont censés guider les enfants dans la vie et les élever pour
qu’ils soient meilleurs que nous. Pourtant, en temps de guerre, les adultes font
souvent tout le contraire. En fait, du point de vue des enfants, dans ces
circonstances-là, les adultes paraissent chaotiques et absurdes, alors que le monde
n’aurait besoin que de repères et de sagesse.
Étant moi-même Juif et Maori, j’ai dû affronter certains préjugés en
grandissant. JOJO RABBIT est donc à mes yeux un moyen de rappeler, surtout en ce
moment, que nous devons apprendre à nos enfants la tolérance et ne jamais oublier
que la haine n'a pas sa place en ce monde. Les enfants ne naissent pas avec la haine
en eux, ils y sont formés.
J'espère que l’humour de JOJO RABBIT permettra à une nouvelle génération
de s’impliquer. Il est essentiel de continuer à trouver de nouveaux moyens inventifs
de raconter aux générations futures l’horrible histoire de la Seconde Guerre
mondiale, encore et encore, afin que nos enfants puissent écouter, apprendre et aller
de l’avant, unis dans l’avenir. Pour mettre fin à l’ignorance et la remplacer par
l’amour. »
- Taika Waititi
NOTES DE PRODUCTION
« Jojo Betzler, dix ans et demi : aujourd’hui, tu rejoins les rangs des
Jeunesses hitlériennes.... Tu es au sommet de la forme mentale et
physique. Tu as le corps d’une panthère et l’esprit… d’une panthère
intelligente. Tu es un brillant exemple de perfection. »
- Jojo Betzler
À travers les yeux d’un enfant, JOJO RABBIT porte un regard drôle et incisif,
mais aussi profondément émouvant, sur une société devenue ivre d’intolérance.
S’inspirant de son propre héritage juif et des préjugés qui l’entouraient quand il était
lui-même enfant, le scénariste et réalisateur Taika Waititi (dont la mère est juive, son
père maori) s’élève vigoureusement contre la haine à travers cette satire grinçante
de l’idéologie nazie qui s’est emparée de l’âme allemande au plus fort de la Seconde
Guerre mondiale. Il choisit une histoire presque trop épouvantable pour être abordée
avec sobriété et solennité – celle d’un garçon qui, comme beaucoup à l’époque, a
subi un lavage de cerveau qui a engendré chez lui une dévotion absolue à Hitler –
pour en tirer une comédie sombre et captivante qui dénonce les idées toxiques de
l’antisémitisme et de la persécution d’autrui. En équilibre sur le fil de la comédie,
Taika Waititi conjugue la fureur de la satire avec l’espoir éternellement vivace que
l’on peut vaincre le fanatisme et la haine.
Avec JOJO RABBIT, Taika Waititi marche sur les traces de certains de ses
modèles : Mel Brooks, Charlie Chaplin, Ernst Lubitsch et Stanley Kubrick, pour n’en
citer que quelques-uns. Comme ces cinéastes, Waititi était à la recherche d’une
nouvelle façon de revisiter les sujets les plus troublants en utilisant la force morale
paradoxale de la parodie pure et simple. Le cinéaste fait en particulier écho à Brooks,
en tant qu’acteur juif venant bousculer l’image établie d’Hitler par le biais d’un
portrait loufoque et ridicule. Mais, s’il doit beaucoup à ses audacieux prédécesseurs,
JOJO RABBIT est un film finalement très ancré dans notre époque, avec ses
personnages profondément humains dont les faiblesses aveugles peuvent divertir,
mais dont les tourments intérieurs sont bien réels et particulièrement pertinents en
regard de l’actualité.
Basé sur le célèbre roman de Christine Leunens, Le ciel en cage, publié pour la
première fois en 2004, le film commence dans la ville imaginaire de Falkenheim.
Dans cette petite ville pittoresque vivant sous le régime nazi, la fin de la guerre
approche rapidement. Cependant, dans sa chambre, Jojo Betzler, un petit garçon de
10 ans, frémit d’impatience. Il va enfin vivre ce qu’il attendait depuis si longtemps : il
va rejoindre la Deutsches Jungvolk – la subdivision des Jeunesses hitlériennes
s’occupant des garçons âgés de 10 à 14 ans. Pour Jojo, si crédule et si perméable à
la propagande omniprésente, c’est la première occasion de faire quelque chose de
grand et d’important, d’aider à protéger sa mère qu’il aime au-delà de tout, et peut-être même de sentir qu’il appartient à quelque chose.
Pour apaiser ses craintes, Jojo emmène avec lui un ami imaginaire : une
apparition clownesque et lunatique d’Hitler, qui, avec toutes les émotions d’un
enfant, dispense des conseils que Jojo aurait pu demander à son père absent. Avec
Adolf en tête, Jojo se sent invincible. Mais en réalité, les problèmes du petit garçon
ne font que commencer. Après avoir été humilié (et presque décapité) dans le camp
des Jeunesses hitlériennes, sa frustration ne fait que grandir.
Puis Jojo fait une découverte qui, lentement mais radicalement, va
transformer sa vision du monde. Il s’aperçoit que sa mère a caché une jeune fille
juive chez eux, ce qui leur fait courir un terrible risque. Le choc est épouvantable –
voilà le « danger » dont on l’a averti qui le guette dans sa propre maison, sous son
nez, à quelques mètres de l’endroit où il se confie régulièrement à son ami
imaginaire, Hitler. Mais alors que Jojo s’efforce de garder un œil sur la mystérieuse
Elsa, sa peur et sa vigilance évoluent en quelque chose que même Adolf ne semble
pas comprendre. Car plus Jojo apprend à connaître Elsa, plus elle devient quelqu’un
à qui il refuse que l’on fasse du mal, alors que c’est ce que veulent ses idoles
nazies...
Alors que JOJO RABBIT est une allégorie comique sur ce que coûte le fait de
laisser s’installer le sectarisme, que ce soit dans votre chambre ou à l’échelle d’une
nation, Jojo fait aussi un véritable voyage en tant qu’enfant aux portes de
l’adolescence. Car en trouvant le courage d’ouvrir son esprit, il découvre le pouvoir
qu’a l’amour de changer votre destin.
Taika Waititi dit que son espoir a toujours été que son film soit « purement
et simplement un élément perturbateur, sans honte aucune ». Il voulait sortir de sa
propre zone de confort, mais aussi faire voler en éclats l’idée que toutes les histoires
sur l’ère nazie ont déjà été racontées, en particulier de nos jours où les leçons de
cette époque doivent plus que jamais être écoutées. Avec la montée du nationalisme,
de l’antisémitisme et d’autres formes d’intolérance religieuse et raciale, attirer
l’attention des gens et les faire réfléchir est plus urgent et plus essentiel que jamais.
Le scénariste et réalisateur explique : « Je ne voulais en aucun cas faire un
drame classique sur la haine et les préjugés parce que nous sommes désormais
beaucoup trop habitués à ce genre de films. Quand quelque chose semble un peu
trop facile, j’aime semer le chaos. J’ai toujours été convaincu que la comédie est le meilleur moyen de mettre le public à l’aise. Alors, dans JOJO RABBIT, j’amène le
public au bon état d’esprit en le faisant rire, et une fois qu’ils ont baissé la garde, je
commence à semer ces petites doses de drame qui ont un poids sérieux et prennent
leur place en eux. »
Pour la romancière Christine Leunens, l’approche densifiée et humoristique de
son livre adoptée par Taika Waititi représente une superbe utilisation de la comédie
au service d’une histoire d’une immense gravité. Elle détaille : « Dans les films de
Taika, le rire n’est jamais gratuit. Il y a des conséquences. Même si vous ne les
voyez pas tout de suite, vous les sentirez. Il titille votre conscience. C’est après le rire
que le lien commence à se faire, attirant votre attention sur des choses qui ne sont
pas tout à fait justes, qui ne sont pas tout à fait drôles, vous plongeant dans des
émotions plus profondes et plus complexes – entre autres, vous prenez conscience
de l’absurdité de la situation, de la tragédie et de la douleur. »
VOICI JOJO RABBIT
« Promets-moi quelque chose, d’accord ? Quand tout ça sera fini et que le
monde sera redevenu normal, essaie de redevenir un enfant. »
- Rosie Betzler
Les nazis ont été parodiés à l’écran dès les années 1940, alors même qu’ils
représentaient un terrible danger pour le monde entier. Le rire était l’ultime
défense… Comme Mel Brooks l’a dit un jour : « Si l’on peut réduire Hitler à quelque
chose de risible, alors nous avons gagné. »
Cette tradition s’étend de Chaplin (LE DICTATEUR), Lubitsch (JEUX
DANGEREUX) et Mel Brooks (LES PRODUCTEURS), à John Boorman (HOPE AND
GLORY, LA GUERRE À 7 ANS), Roberto Benigni (LA VIE EST BELLE) et même Quentin
Tarantino (INGLOURIOUS BASTERDS). Elle a souvent suscité la controverse. Le père
du comédien juif Jack Benny aurait quitté le théâtre sous le choc en voyant son fils
interpréter un officier de la Gestapo dans JEUX DANGEREUX. Mais le film a aussi ému
plusieurs générations et, est aujourd’hui considéré, comme un exemple magistral
illustrant la façon dont la satire la plus féroce et la plus irrévérencieuse peut devenir
un tremplin vers une narration humaniste aux multiples facettes.
Stephen Merchant, qui joue le rôle d’un sombre capitaine nazi dans JOJO
RABBIT, note : « Pendant et après la guerre, on se moquait régulièrement d’Hitler
parce que c’était une façon pour les gens de faire face à l’horreur dont ils étaient
témoins. Taika poursuit cette tradition, mais avec sa propre voix, très moderne. »
Cette voix d’une originalité rafraîchissante s’est d’abord manifestée à travers
une série de comédies à la fois décalées et poignantes possédant une touche très
personnelle, comme À CHACUN SA CHACUNE et BOY. Après qu’il a été acclamé pour
son mockumentaire VAMPIRES EN TOUTE INTIMITÉ et pour l’aventure comique À LA POURSUITE DE RICKY BAKER, les studios Marvel ont demandé au cinéaste
d’apporter sa folle créativité à THOR : RAGNAROK. (Il a également joué Korg dans
ce dernier film, rôle qu’il a repris dans AVENGERS : ENDGAME).
JOJO RABBIT est à bien des égards le point culminant de sa carrière, car le
film mêle l’intimité émotionnelle et l’humour excentrique à des thèmes épiques qui lui
tiennent particulièrement à cœur. Mais la genèse du film a commencé avec sa propre
mère, une Néo-Zélandaise dont la famille juive russe a émigré au début des années
1900. C’est elle qui a été la première à lire Le ciel en cage, le livre de Christine
Leunens, et à raconter à son fils l’histoire de ce garçon dont la foi absolue en Hitler
est remise en cause quand il découvre que sa famille cache une jeune fille juive
derrière un faux mur dans le grenier.
Le producteur Carthew Neal raconte : « Elle lui a parlé du livre, pensant que
cette histoire pourrait trouver un écho chez lui. Quand Taika l’a lu, il s’est rendu
compte que c’était une histoire plus sérieuse qu’il ne l’avait imaginée, mais qui
possédait le cœur et la gravité nécessaires pour ce genre de sujet. Il a su en tirer sa
propre vision en apportant sa touche bien particulière et en l’intégrant dans la
tonalité comique de son univers. »
Taika Waititi déclare : « Le livre est plus dramatique, bien qu’il ait des
moments comiques. Mais j’ai senti que si j’abordais ce sujet, je devais y apporter ma
personnalité et mon style. Cela signifiait introduire davantage d’éléments
fantastiques et plus d’humour, afin de créer une sorte de danse entre le drame et la
satire. »
Taika Waititi a étonné Christine Leunens en créant une sorte
« d’improvisation jazz » à partir de son livre, en transformant la structure de son
histoire en une allégorie facétieuse de la façon dont la peur peut prendre racine dans
des esprits naïfs et s’y développer, et comment l’amour peut surgir par surprise pour
renverser les murs que nous dressons contre autrui. L’auteur observe en souriant :
« Si mon livre est un tableau de l’école classique, le film de Taika ressemble plus au
Guernica de Picasso. Il a trouvé de la place pour toutes les scènes les plus
essentielles, en leur apportant sa propre touche. »
En effet, Taika Waititi a apporté à Jojo Rabbit son vécu face à
l’omniprésence de l’intolérance dans le monde d’aujourd’hui. « La plupart des
préjugés que j’ai subis étaient dus à la couleur de ma peau, explique-t-il.
Traditionnellement, en Nouvelle-Zélande, il y a eu des préjugés contre le peuple
Maori. J’en ai fait l’expérience en grandissant, et j’ai appris à m’efforcer de les
ignorer, ce qui n’est pas une bonne chose, mais vous faites ce que vous devez pour
avancer. Pourtant, je crois que j’ai fini par les extérioriser par le prisme de la
comédie. C’est pourquoi je me sens très à l’aise quand je me moque des gens qui
trouvent intelligent d’en haïr d’autres juste parce qu’ils sont tels qu’ils sont. »
En commençant à écrire, Taika Waititi était surtout séduit par l’idée qu’Elsa,
la jeune fille juive, transforme Jojo malgré lui. Il explique : « Je me suis concentré
sur le fait de faire naître une amitié entre deux personnes qui sont, dans leur esprit, des ennemis jurés. J’aime la dynamique où, contrairement à ce que à quoi s’attend
Jojo, c’est Elsa qui a la plupart des cartes et prend les décisions. Mais aussi, ils sont
dans une situation inextricable qui les lie parce que tous deux devront faire face à de
terribles conséquences si leur secret est révélé. »
Pour Taika Waititi, il était également essentiel que tous les nazis du film
soient tournés en ridicule et moqués, mais qu’ils paraissent aussi humains, pleins des
mêmes défauts et bizarreries que nous tous, ce qui fait de leur participation aux
rouages de la machine fasciste une mise en garde d’autant plus effrayante qu’elle
montre à quel point les idéologies malveillantes peuvent facilement s’enraciner et se
répandre à grande échelle. C’est particulièrement vrai chez Jojo, qui vénère d’abord
ce qu’il considère comme la puissance d’Hitler, jusqu’à ce qu’il voie en Elsa et sa
mère une force dotée de principes moraux bien plus grande.
« Il était important que Jojo soit clairement perçu comme un garçon de 10 ans
qui ne sait vraiment rien de rien, explique le scénariste-réalisateur. Il adore l’idée de
s’habiller en uniforme et d’être accepté par le groupe. C’est comme cela que les nazis
ont endoctriné les enfants, en leur faisant sentir qu’ils font partie de ce ‘club’ qui
paraissait si cool. »
Tandis que dans le livre, Jojo vieillit, Taika Waititi inscrit entièrement son
film dans le point de vue d’un enfant de 10 ans. Il commente : « J’étais intéressé à
l’idée de voir la folie de la guerre et la haine, si manifestes chez les adultes, à travers
les yeux d’un enfant. Nous autres adultes, sommes censés guider les enfants et les
élever pour qu’ils soient meilleurs que nous. Pourtant, quand les enfants nous
regardent en temps de guerre, les adultes doivent leur sembler ridicules et fous. J’ai
donc abordé l’histoire par les yeux d’un enfant, en essayant de donner un sens à son
monde du mieux qu’il le peut dans les moments les plus absurdes et les plus
chaotiques de l’Histoire. »
Waititi savait qu’il devait donner au public une raison de suivre Jojo dans son
monde. « J’ai dû trouver comment amener les gens à se sentir proches de Jojo,
explique-t-il. Une façon d’y parvenir était de montrer qu’en vérité, il se sent intimidé,
effrayé et insignifiant, et qu’il a en tête de grands rêves, comme tous les enfants. »
Le réalisateur a par ailleurs placé le lien résilient mère-fils au cœur de son
film. Il a fait de Rosie Betzler non seulement une mère célibataire, mais aussi une
femme pleine de défi qui décide que tant que les idéaux d’empathie et de tolérance
seront piétinés, elle travaillera sans relâche à les faire respecter. Contrairement à
Jojo, elle ne voit que trop clairement le monde empoisonné qu’Hitler est en train de
construire, alors sa réponse naturelle est d’aider, comme elle le dit, « en faisant ce
qu’elle peut » – et c’est beaucoup. Mais cela signifie aussi cacher à Jojo la vérité sur
sa vie pour le protéger, tout en espérant que son petit garçon revienne à la raison.
Taika Waititi déclare : « Il y a beaucoup de femmes fortes dans ma vie, je
voulais aussi que ce soit l’histoire d’une mère célibataire très forte qui essaie de
sauver son fils et d’autres personnes, tout en s’efforçant de préserver l’innocence de
Jojo. L’un de mes principaux repères a été le film de Scorsese ALICE N’EST PLUS ICI. J’ai toujours aimé le portrait que faisait Ellen Burstyn d’une mère dans ce film parce
qu’elle est ridicule et amusante et qu’elle me rappelle ma propre mère, alors je
voulais tendre vers cela avec Rosie. »
Alors que le film accueille des anachronismes tels que les chansons des
Beatles et de Bowie, Waititi s’est aussi plongé dans des livres et des documentaires
sur la Seconde Guerre mondiale. Il raconte : « J’ai lu beaucoup de choses sur le
psychisme allemand avant la guerre et sur la question de savoir comment il a été
possible d’endoctriner le pays tout entier, comment ils ont exploité le désespoir des
gens après une dépression. J’ai regardé des documentaires, comme WORLD WAR II
IN COLOUR, HITLER’S CHILDREN et THE HITLER YOUTH, pour me faire une idée de
la réalité des choses. Je voulais être précis, ne jouer qu’avec la musique, la palette et
la langue. »
Plus Taika Waititi écrivait, plus l’éveil de Jojo semblait refléter la réaction
qu’a eue le monde après la Seconde Guerre mondiale : stupéfait par la perte
collective de l’innocence, puis s’unissant pour affirmer que les idéologies porteuses
de haine ne pourraient plus jamais s’imposer comme cela. Et pourtant, les temps
changent à nouveau…
Taika Waititi se souvient : « Au moment où nous sommes entrés en
production, nous avons commencé à voir réapparaître de plus en plus cette façon de
penser, et il est devenu encore plus urgent de raconter cette histoire. J’ai le
sentiment d’être en bonne compagnie avec des comédies comme LE DICTATEUR où
l’on amuse le public tout en essayant de mettre en garde contre la gravité de
certains sujets. C’est aussi un rappel qu’Hitler est vraiment récent dans l’histoire
humaine et que nous devons continuer à en parler, parce que la dynamique qui a
permis tout cela ne va pas disparaître. »
Taika Waititi ne s’est pas retenu dans l’écriture, sachant que pour dire ce
qu’il avait à dire, il ne devait pas hésiter. « En tant qu’artiste, on doit toujours se
remettre en question. Si je ne redoute pas qu’un projet puisse être un désastre, alors
c’est qu’il n’en vaut pas la peine. J’aime que mon travail soit assez risqué pour
pouvoir échouer. Parce que c’est là que je commence à me démener, que j’essaie de
faire de mon mieux, et c’est là que je suis le plus créatif et le plus inventif. »
Lorsque le scénario a commencé à circuler, cette inventivité a constitué son
attrait. La libre utilisation du dialogue contemporain a particulièrement séduit les
acteurs, qui ont adoré le fait qu’il semble avoir un pied fermement ancré dans une
réalité vitale, tandis que l’autre danse dans quelque chose de beaucoup plus décalé.
Sam Rockwell est tombé sous le charme : « J’ai trouvé ça brillant, et je ne dis pas
ça à la légère. Quel esprit ! Je me souviens d’avoir lu cette scène où Rosie explique à
Jojo combien l’amour est puissant, et Jojo lui répond que la chose la plus forte au
monde, c’est le métal. C’est hilarant et rafraîchissant, mais c’est aussi une écriture
remarquablement belle et touchante. »
Sam Rockwell poursuit : « La sensibilité de Taika puise ses influences chez
Mel Brooks et les Marx Brothers, et il la mélange avec une narration incroyablement
poignante et pertinente. Il marche avec brio sur la corde raide. »
Pour Scarlett Johansson, qui joue Rosie, la mère pleine de vie de Jojo,
l’attrait du scénario réside dans les risques qu’il prend – Waititi entremêle la farce et
le désastre, passant de la comédie noire à la folie chaotique et à un sentiment
d’étonnement poignant. « Ce que j’ai trouvé tellement beau dans cette histoire, ditelle, c’est l’espoir que l’on en vient à ressentir à la fin. C’est tellement inattendu... »
TROUVER JOJO
« Juste deux choses. Premièrement : c’est illégal pour les nazis et les Juifs
de traîner ensemble comme on le fait, et encore plus de s’embrasser, donc
c’est déjà hors de question. Et deuxièmement : ce serait juste un baiser de
sympathie, ça ne compte pas. »
- Jojo Betzler
Pour donner vie à son film, Taika Waititi a commencé par chercher un Jojo en
chair et en os. Existait-il dans la vraie vie un petit garçon qui pourrait incarner avec
brio le mélange d’enthousiasme aveugle et d’émotions indomptées du personnage,
tout en portant sur ses petites épaules les thèmes profonds du film et la
transformation intérieure du personnage ? Pour trouver la réponse à cette
angoissante question, le réalisateur et son équipe de casting ont regardé plus de
1000 enregistrements d’auditions. Ils ont entrepris une recherche exhaustive, allant
de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie jusqu’aux États-Unis et au Canada en passant
par le Royaume-Uni et l’Allemagne. Enfin, la recherche s’est brusquement arrêtée
dès qu’ils ont rencontré Roman Griffin Davis, un jeune Britannique de 11 ans.
Roman Griffin Davis semblait comprendre, avec une finesse d’esprit
dépassant de loin son âge, comment le simple désir de Jojo d’être accepté, admiré et
aimé est déformé pour servir un but sinistre et malveillant. Le producteur Carthew
Neal se souvient : « Taika cherchait quelqu’un qui ait cette étincelle dans le regard
et l’enthousiasme extrême pour la vie dont fait preuve Jojo. Nous avons tout de suite
aimé Roman, mais nous avons aussi vu qu’il avait la capacité de mêler à l’humour la
colère, l’anxiété, la soif de découverte et d’autres émotions subtiles. L’attention de
Roman est incroyablement impressionnante pour un enfant de son âge, et il a été
capable d’apporter une intensité inhabituelle à des scènes très difficiles. »
Le jeune acteur confie que sa plus grande source d’inspiration a été de voir
dans le film l’occasion de rappeler aux gens l’histoire pénible du sectarisme et à quel
point il peut toucher non seulement des sociétés entières, mais surtout des enfants.
« Je me souviens qu’une fois, j’ai parlé de la croix gammée à un copain, et qu’il ne
savait pas de quoi il s’agissait. Je lui ai dit que c’était le symbole nazi. Il ne savait
même pas à quoi ça ressemblait ! J’espère donc que ce film rappellera aux gens ce
qui s’est passé dans l’Allemagne nazie avec une histoire d’un autre genre, différente
de ce que l’on connaît. Ce que j’aime le plus dans ce film, c’est que même s’il s’agit
d’un film qui pèse lourd, d’un film très important, beaucoup de choses sont montrées
à travers l’humour et la comédie. »
Bien qu’il s’agisse de son tout premier rôle à l’écran et qu’il ait été
parfaitement entouré par Taika Waititi et ses partenaires très expérimentés, Roman
Griffin Davis était bien conscient d’avoir une tâche colossale à accomplir. Il
explique : « Jojo est un garçon très, très conflictuel, donc c’était un grand défi.
Quand on le rencontre pour la première fois, il croit vraiment à toute cette
propagande. Mais on voit aussi que ce n’est qu’un gentil garçon qui ne sait pas
vraiment de quoi il parle ! Il cherche auprès des nazis quelque chose qui manque à
sa vie. Son père est parti, sa mère est occupée avec des choses dont elle ne parle
pas, alors il n’a personne d’autre vers qui se tourner qu’un ami imaginaire, et il
imagine que le seul qui puisse vraiment l’aider, c’est Hitler. »
Taika Waititi dit que son but en travaillant avec son jeune acteur était de
laisser transparaître toutes ses réactions naturelles et son charisme inné. « Roman
est un enfant très attachant et très beau, que l’on a envie de protéger. Il a du cœur,
il est très attentionné, et l’idée a toujours été que cela se sente en filigrane chez le
personnage. Il y a beaucoup de Roman dans le Jojo qu’on voit à l’écran. »
Sur le plateau, Taika Waititi a laissé à Roman Griffin Davis l’espace
nécessaire pour faire ses propres explorations – mais il a aussi fait appel à un coach,
sa collaboratrice de longue date Rachel House, qui a coaché les jeunes acteurs
principaux James Rolleston et Julian Dennison dans les films précédents du
réalisateur, BOY et À LA POURSUITE DE RICKY BAKER.
En outre, ses partenaires chevronnés ont inondé Davis de conseils avisés. Le
réalisateur commente : « Au fil du temps, Roman est devenu un acteur étonnant, en
partie parce qu’il était entouré de grands acteurs comme Scarlett Johansson, Sam
Rockwell, Rebel Wilson et Alfie Allen. Il a appris à poser toutes les bonnes
questions. » Sam Rockwell observe : « Taika a vraiment réussi à faire en sorte que
Roman approfondisse l’expérience de Jojo, mais quelque part, Roman s’amusait
toujours. »
Dans le cadre de sa préparation, Roman Griffin Davis a fait des recherches
sur les Jeunesses hitlériennes, l’organisation créée en 1922 pour endoctriner les
enfants et les adolescents selon l’idéologie nazie et les former à devenir des outils de
guerre. Cela lui a donné une idée de la noirceur de la réalité du monde de Jojo,
même si celui-ci espérait vivre une aventure glorieuse, comme le souhaiterait
n’importe quel enfant de 10 ans. « Ce que les nazis ont fait aux enfants était
vraiment horrible, déclare-t-il. Ils voulaient une armée de fanatiques pour les aider à
conquérir le monde. Je sais maintenant qu’il y avait des soldats de 16 ans sur les
lignes de front – ils étaient terrifiés, mais ils étaient souvent aussi les plus courageux.
Tant de gens ont été tués… »
Pour compléter le petit monde de Jojo et jouer le rôle de son adorable
meilleur ami Yorki, c’est Archie Yates qui a été choisi. Le jeune garçon a tout de suite
adopté la vision du monde particulière de son personnage. Taika Waititi
commente : « Archie est exactement comme on le croit : il a égayé le plateau et tout
le monde l’aimait. Il a une façon très différente et unique de voir le monde, il est très confiant. La plupart du temps, Jojo et lui semblent être les deux personnages les plus
sains d’esprit du film. »
Si le fait d’avoir à « jouer » avec Hitler a été bizarre et inattendu, certaines
des scènes les plus exigeantes pour Roman Griffin Davis ont été celles où Jojo lutte
pour savoir comment réagir face à Elsa, qu’il croit vraiment douée de pouvoirs
diaboliques. Roman Griffin Davis déclare : « C’était vraiment difficile pour moi
parce que Jojo, au début, pense en lui-même que « les gens de sa confession ne
sont pas dignes de confiance ». Cela me semblait tellement mal de penser ainsi !
Elsa vit dans un réduit, une sorte de grotte, affamée et toute seule, donc c’était
difficile pour moi de trouver des sentiments aussi forts et de lui faire des reproches
pro-nazis. »
Pourtant, même Jojo ne peut pas continuer à se méfier d’Elsa très longtemps.
Au début, il ne fait que garder le secret de peur que sa mère soit arrêtée, mais plus il
apprend à connaître Elsa, moins il peut résister à ce qui commence à ressembler à
une amitié authentique et révélatrice qui ébranle son monde et ses certitudes. À bien
des égards, Elsa possède toute la bravoure et la dignité que Jojo ne peut que rêver
d’avoir. Quand il commence à lui écrire de fausses lettres de son petit ami Nathan,
Jojo ne peut s’empêcher de leur insuffler son propre engouement grandissant.
Roman Griffin Davis détaille : « En dépit de tout ce qu’il est censé penser d’elle,
Jojo commence vraiment à l’apprécier. Je crois que c’est assez déroutant pour lui :
comment peut-il avoir une telle affection pour Elsa malgré ses convictions profondes
? Ce questionnement le pousse à tout remettre en question, même Hitler. »
AUTOUR DE JOJO
ELSA
Thomasin McKenzie
"Nous serons tous morts si tu dis un seul mot sur moi.
Un seul mot... et je rendrai service au monde entier
en te coupant ta tête de nazi. Pigé ? »
- Elsa
Pour jouer Elsa, la « fille dans le mur » que Jojo est si choqué de découvrir,
Taika Waititi a cherché une adolescente qui pourrait apporter la remarquable force
intérieure et la maîtrise de soi qui désamorcent la méfiance de Jojo. Elle devait être
assez mystérieuse pour inciter Jojo à vouloir en savoir plus, mais avec une humanité
qui sape les illusions du jeune garçon et le confronte au fait déconcertant que tout ce
qu’on lui a fait croire à propos des Juifs est un terrible mensonge.
Par-dessus tout, le réalisateur voulait qu’Elsa prenne du plaisir à affirmer son
emprise sur Jojo. Le producteur Carthew Neal commente : « Elsa paraît si
vulnérable, piégée dans ce petit vide sanitaire, mais ce que Taika voulait vraiment, c’était contrer cela en montrant qu’Elsa est en fait plus forte et plus féroce que tout
le monde. »
Taika Waititi a trouvé cette âpreté et cette complexité qu’il recherchait chez
Thomasin McKenzie, la jeune actrice néo-zélandaise qui a attiré l’attention du monde
entier l’an dernier avec interprétation d’une jeune fille sans abri vivant dans les bois
avec son père dans LEAVE NO TRACE de Debra Granik. Le réalisateur confie : « J’ai
connu Thomasin en Nouvelle-Zélande. Je savais que c’était une étoile montante
possédant quelque chose de vraiment spécial. »
Si le personnage d’Elsa représente rien de moins que l’espoir et la résilience
de l’humanité face à la haine sans limites et au mal, Taika Waititi voulait qu’elle
apparaisse également comme une adolescente moderne pleine d’énergie. Il
explique : « Tout ce que Jojo sait sur les Juifs est issu de la propagande et des
enseignements de l’école qui disent qu’ils ont des cornes et des queues de diable et
que ce sont des créatures monstrueuses. Je voulais qu’Elsa soit cette jeune fille très
jolie, très cool qui a une attitude de dure à cuire, alors il est instantanément fasciné
et intimidé par elle. »
Émue par cette histoire lui ouvrant une perspective qu’elle n’avait jamais
connue auparavant, Thomasin McKenzie s’est lancée dans des recherches qui,
couplées à ses discussions avec Taika Waititi, l’ont amenée plus profondément dans
la psyché d’Elsa et l’ont aidée à créer un personnage qui défie les stéréotypes. « J’ai
fait beaucoup de recherches personnelles sur ce que c’était que d’être une jeune fille
juive pendant la Seconde Guerre mondiale, déclare l’actrice. Mais j’avais en tête une
idée d’Elsa victimisée, et quand j’ai rencontré Taika, il m’a dit de plutôt penser à elle
comme à une fille qui n’est pas une victime du tout et qui ne se voit certainement
pas comme telle. J’aime le fait qu’elle soit très vivante et qu’elle ait une grande
complexité. »
Jamais complaisante ni passive, Elsa a une vitalité et une espièglerie qu’elle
utilise pour essayer d’empêcher Jojo de la dénoncer. La jeune actrice raconte :
« Taika m’a dit de regarder le film FATAL GAMES parce que c’était le genre de
personnage qu’il avait imaginé pour Elsa – cette comédie culte classique des années
80 met en scène une bande d’adolescentes précoces et conscientes d’elles-mêmes
qui se battent pour être populaires au lycée. »
Taika Waititi explique : « Je voulais que Thomasin pense à Elsa comme à
quelqu’un qui aurait été l’une des filles les plus cools de l’école avant que tout cela
n’arrive. Il fallait qu’elle éprouve du ressentiment d’avoir été obligée d’abandonner
cette vie très amusante où elle était populaire et avait beaucoup de choses à faire.
Maintenant elle se cache et n’a plus rien. J’aime aussi qu’elle blâme Jojo et toutes ses
mauvaises idées et le rende responsable de sa situation. »
Thomasin McKenzie voit Elsa comme étant surtout assoiffée de liberté. « Ce
que j’aime vraiment, c’est qu’elle ne veut aucune pitié, elle veut juste pouvoir vivre
sa vie sans que toutes ces choses détestables n’arrivent. Bien sûr, je n’ai jamais eu à
me cacher pour sauver ma vie comme elle, mais je me sens proche de l’adolescente qu’elle était avant tout cela, quand elle s’intéressait aux garçons, bavardait de tout et
de rien avec ses amies et faisait toutes ces choses que les enfants font et dont ils
rêvent normalement. Elle n’a pas changé, elle est toujours cette personne, même
cachée. »
L’introduction inhabituelle d’Elsa est une des scènes préférées de Thomasin
McKenzie. Elle commente : « Au début, on ne sait pas vraiment si c’est un monstre
ou un fantôme. On ignore qui elle est et quelles sont ses intentions. On la découvre
du point de vue de Jojo, donc on commence par en avoir peur. Mais alors, comme
Jojo, on découvre de plus en plus qui elle est et tout ce qu’elle traverse. Quand Elsa
et Jojo commencent à mieux se connaître, à comprendre qui ils sont vraiment en
dehors de toute la propagande qui les entoure, ils développent une relation presque
fraternelle. »
Travailler avec Roman Griffin Davis n’a fait que ressortir un peu plus cette
humanité. Thomasin McKenzie se souvient : « J’ai rencontré Roman pour la
première fois pour une répétition. Il a fait irruption et il était si confiant, si drôle et
sans aucune peur ! Il a été capable d’apporter toutes ces émotions intenses que je
ne suis pas sûre que l’on pourrait attendre chez un enfant de 11 ans. J’admire
vraiment la façon dont il se sentait responsable de raconter l’histoire de Jojo. »
Dans ses scènes brèves mais mémorables avec Scarlett Johansson, McKenzie
se souvient d’avoir eu à faire ressentir le deuil et la douleur de la perte en très peu
de mots. Elle précise : « On ne voit pas toute l’étendue de leur relation, mais Rosie
est quelqu’un qui lui sauve la vie et qui met beaucoup de choses en jeu juste pour
avoir Elsa chez elle et la protéger. Elsa ressent de l’admiration pour elle et rêve
d’établir une relation avec elle, d’avoir une mère et quelqu’un à qui parler. »
ROSIE BETZLER
Scarlett Johansson
« Tu iras au Maroc, tu prendras des amants et tu les feras souffrir,
tu regarderas un tigre dans les yeux et tu apprendras à faire confiance
sans crainte. C’est cela, être une femme, ou du moins ça pourrait l’être. »
- Rosie Betzler à Elsa
Scarlett Johansson a interprété un extraterrestre, le sujet d’un tableau de
Vermeer et Black Widow parmi tant d’autres personnages, mais le rôle de Rosie
Betzler, la mère enjouée mais aussi farouchement rebelle de Jojo, était quelque
chose de nouveau pour l’actrice. Celle-ci connaissait déjà Taika Waititi, et quand elle
a entendu parler de JOJO RABBIT, elle a été immédiatement intriguée. Puis elle a
découvert Rosie, et elle n’a plus cessé de penser à ce personnage.
Elle déclare : « Ce que j’aime chez Rosie, c’est qu’elle est inlassablement
imaginative, poétique et romantique, et en même temps, elle est la force sur laquelle
s’ancre Jojo. Elle se bat pour la Résistance et c’est vraiment une femme très moderne. C’est un phare dans cette sombre nuit. C’est très rare que je lise un
scénario et que je dise ‘il faut absolument que je fasse ce film’, mais c’est ce que j’ai
vraiment ressenti quand j’ai lu celui-ci. »
Scarlett Johansson et Taika Waititi ont beaucoup parlé du genre de mère
qu’est Rosie : elle s’efforce d’équilibrer son besoin de vivre audacieusement et d’être
fidèle à elle-même tout en faisant tout son possible pour garder Jojo en sécurité, le
protéger de la douleur de la perte et du danger. « J’ai eu de longues conversations
avec Taika sur ce que c’est que d’être un parent qui travaille, qui a une vie
professionnelle passionnante mais qui est aussi un parent très investi. Je pense que
ça a nous a aidés à cerner Rosie. Elle est pleine de vie, mystérieuse, mais surtout,
elle n’a pas abandonné. Être mère est une grande partie de son identité, mais ce
n’est qu’une partie d’elle. Elle est aussi pleine de ferveur et d’idées et je voulais
qu’elle ait toutes ces nuances différentes, qu’on la sente vraiment débordante de
vie. »
Taika Waititi déclare : « Scarlett Johansson a apporté au rôle des nuances
que je n’avais pas anticipées. Elle a ce genre de qualité loufoque que j’ai toujours
voulu voir dans un film. En même temps, sa Rosie est une lettre d’amour aux mères
célibataires. Même au cœur d’une époque si dangereuse et si folle, Rosie veille sur
l’innocence de Jojo, et elle est vraiment l’un des personnages les plus forts du film. »
Scarlett Johansson a développé ses propres liens étroits avec Roman Griffin
Davis pendant le tournage. Elle commente : « Rosie et Jojo ont une relation très
aimante et je voulais que cette tendresse entre eux se sente instantanément quand
on les voit. Même si Rosie est une rêveuse et qu’elle joue parfois la comédie, elle est
aussi très pragmatique. Une grande partie de la vie d’un parent consiste à trouver
l’équilibre constant entre notre côté pratique, responsable et adulte et le côté plus
léger capable de créer un monde magique pour nos enfants. »
Pour tout le monde sur le plateau, le lien entre Scarlett Johansson et Roman
Griffin Davis était palpable. Carthew Neal déclare : « Scarlett était tellement
affectueuse avec Roman ! Lui a répondu à son affection avec tant de force que nous
avons tous pu voir se nouer entre eux un lien profond dès le premier jour. »
Dans l’une des scènes les plus poignantes du film, Rosie imite le père absent
de Jojo pour tenter de l’atteindre, en se dessinant une barbe et en tenant une
conversation avec elle-même qui va de la tension explosive à la mélancolie en
passant par la tendresse.
À la fois comique, déchirante et douce-amère, Scarlett Johansson attribue à
l’écriture de Taika Waititi la source de sa performance. « Son écriture sait être à la
fois triste, poignante et charmante, décrit-t-elle. Elle est très colorée, mais aussi
complexe. C’est le cadeau que Taika offre à ses acteurs. »
LE CAPITAINE KLENZENDORF
Sam Rockwell
« Qui suis-je, et pourquoi suis-je ici en train de parler à une bande de
petits morveux au lieu de conduire mes hommes vers une mort glorieuse ?
Excellente question. Je me la pose tous les jours depuis l’Opération
Merdage, durant laquelle j’ai perdu un œil au cours d’une attaque ennemie
parfaitement évitable. »
- Le capitaine Klenzendorf
Avec le rôle du capitaine Klenzendorf, l’entraîneur autoritaire des Jeunesses
hitlériennes qui est tout à tour l’idole, l’ennemi juré et le confident de Jojo, Sam
Rockwell montre une fois de plus l’étendue de son registre. Oscarisé pour son
portrait d’un flic dans une petite ville américaine dans 3 BILLBOARDS, LES
PANNEAUX DE LA VENGEANCE et acclamé pour son interprétation du légendaire Bob
Fosse dans la série « Fosse/Verdon » à la télévision, il apporte à la fois une outrance
amusante et une touche d’humanité au guerrier nazi qui n’a qu’un œil, aucune
confiance dans le commandement militaire et beaucoup de secrets.
L’alliance de la comédie et du drame, du cynisme et de la rébellion tranquille
chez Klenzendorf a intrigué l’acteur. « C’est un ton très inhabituel que Taika Waititi
avait en tête pour ce film. On est d’abord incrédule : ce film va-t-il vraiment avoir un
enfant pro-nazi comme héros ? Au final, l’histoire parle avec éloquence de tolérance,
de famille et d’humanité : c’est un film d’une magnifique sophistication. »
Plutôt que de se tourner vers les véritables nazis qui ont marqué l’Histoire,
Sam Rockwell s’est plutôt inspiré de comédiens classiques. « J’ai regardé Bill
Murray et Walter Matthau, confie-il en riant. Klenzendorf est allemand, il est borgne
et il est gay, mais à part ça, il ressemble beaucoup à Matthau dans THE BAD NEWS
BEARS, LA CHOUETTE ÉQUIPE. »
Bien qu’il y ait une part d’absurdité dans le personnage, Sam Rockwell
apprécie que Klenzendorf ait plus à offrir qu’il n’y paraît. « J’aime vraiment les rôles
qui possèdent une dichotomie, et Klenzendorf a bien des facettes. Il a ses propres
secrets. C’est un nazi gay, ce qui n’est pas quelque chose que l’on croise très souvent
même s’il y en a eu, et j’ai trouvé fascinant de travailler avec cette juxtaposition. »
Sam Rockwell a également puisé son inspiration chez ses partenaires.
« Stephen Merchant me faisait mourir de rire avec ses improvisations, c’était
extraordinaire de les voir lui et Taika s’amuser et nous embarquer. Et puis Rebel
Wilson est hilarante. Elle est drôle, bizarre et très originale. »
Freddie Finkel, le bras droit de Klenzendorf, se consacre à 100 % à
l’Allemagne, mais plus encore à Klenzendorf en raison de la relation silencieuse qui
existe entre eux. De façon inattendue, c’est Alfie Allen, mieux connu sous le nom
de Theon Greyjoy dans « Game of Thrones », qui a été choisi pour incarner ce personnage. Il explique : « Ce rôle ne ressemble à rien de ce que j’ai pu faire
auparavant. C’est une idée risquée, excitante, et j’espère que ce film accomplira la
mission de toute forme d’art, qui est de provoquer des émotions différentes chez
tous les profils de personnes. »
Alfie Allen a été ravi de pouvoir collaborer si étroitement avec Sam Rockwell.
« Nous avons eu quotidiennement l’occasion d’improviser et de nous amuser, c’était
incroyable. Toute la dynamique était fantastique. »
L’acteur poursuit : « L’atmosphère familiale sur le plateau a permis à tous les
acteurs de prendre plus facilement des risques. Taika est tellement passionné que
son enthousiasme gagne tout le monde. Il aime s’amuser mais il adore aussi
travailler dur et aller au fond des choses. Pour lui, il s’agit d’établir la confiance et de
créer une atmosphère où tout le monde se sente bien. Un tel environnement fait
ressortir le meilleur chez nous tous. »
ADOLF HITLER
Taika Waititi
« Il n’y a aucune raison de laisser cette chose dans le grenier te
gâcher la vie. Tu pourrais même l’utiliser à ton avantage. »
- Adolf
Non content d’avoir écrit et réalisé le film, Taika Waititi en tient l’un des
rôles principaux : l’ami imaginaire et le conseiller de Jojo, Adolf. Il confie en
souriant : « Je n’étais pas mon premier choix pour ce rôle, et je n’étais pas non plus
le choix le plus évident. Au début, nous avons rencontré d’autres acteurs. L’idée
d’interpréter un tel personnage les rendait sans doute nerveux, ça se comprend, et
ils n’étaient pas très à l’aise avec ça. Moi je trouvais ça amusant parce que je ne l’ai
pas réellement basé sur le vrai Hitler. Il est le fruit de l’imagination de Jojo, et sa
connaissance du monde se limite donc à ce qu’un enfant de 10 ans en comprend.
C’est le petit diable sur l’épaule de Jojo. C’est aussi une projection de tous les héros
de Jojo, y compris son père. »
Alors que Taika Waititi adopte les tristement célèbres caractéristiques d’Hitler
– le langage rageur, dictatorial et les gestes exagérés – sa version est également
imprégnée de la joie enfantine de Jojo, jusqu’à ce qu’elle commence à craquer aux
coutures... « J’ai décidé de le jouer comme une version plus stupide de moi-même –
si c’est possible ! – mais avec une moustache hitlérienne. »
La version fantaisiste d’Hitler vue par Jojo est très éloignée de la figure
historique. C’est plutôt un cocktail loufoque et extravagant des pulsions, des désirs,
des choses qu’il a lues ou entendues et de son désir ardent d’avoir une figure
paternelle.
Roman Griffin Davis déclare : « La version d’Adolf de Jojo peut parfois être
très gentille, ce qui peut sembler un peu bizarre parce que c’est Hitler, mais à
d’autres moments, il est proprement effrayant. Taika était vraiment génial pour ça, il
pouvait être tellement drôle et puis soudain, il me fixait intensément. C’est quelqu’un
de super positif et d’optimiste, mais quand il est Hitler, il peut vraiment avoir l’air
mauvais ! »
La première fois que Roman Griffin Davis a vu Taika Waititi en costume, il a
senti un frisson le parcourir. Il se souvient : « Je suis allé dans la chambre de Taika
pour lui poser une question et j’ai découvert Hitler ! Ma mâchoire s’est décrochée : je
n’avais jamais vu un Hitler grandeur nature. Je l’avais vu sur un minuscule iPad, mais
le voir deux fois plus grand que moi m’a fichu la trouille ! »
Au fur et à mesure que Jojo mûrit, Hitler évolue parallèlement à son esprit.
Taika Waititi commente : « J’ai commencé par donner à Adolf une certaine
posture, mais tout au long du film, son attitude devient de plus en plus triste, comme
s’il se courbait sous la charge. Il est très léger au début, comme Jojo, mais à la fin
du film, il est juste ce triste despote. »
FRAULEIN RAHM
Rebel Wilson
« Rangez vos affaires, les enfants, c’est l’heure de brûler des livres ! »
- Fraulein Rahm
Fraulein Rahm, incarnée par Rebel Wilson, est l’instructrice de la Jungvolk qui
enseigne aux filles comment accomplir leur « devoir féminin » en temps de guerre,
mais qui rêve de rejoindre elle-même le front. Ce personnage apporte une note
d’humour noir. La star australienne est connue pour sa capacité à donner vie à des
personnages à l’innocence hilarante. Fraulein Rahm, toujours prête à avaler les plus
absurdes mythes nazis, s’inscrit dans cette tradition.
Lorsque Taika Waititi lui a fait lire le scénario et lui a demandé d’apporter sa
touche personnelle à ce personnage très inhabituel, l’actrice a été ravie. « Ce n’est
pas tous les jours qu’on vous propose un scénario à la fois si drôle et si puissant,
alors j’ai immédiatement voulu faire ce film. Ce que j’aime dans le style de Taika,
c’est que son sens de la comédie est très naturel – et très inhabituel. »
Rebel Wilson s’est aussi beaucoup amusée avec Sam Rockwell, comme elle
le raconte : « Je suis une grande fan de Sam. Il est excellent dans ce qu’il fait, mais
c’est aussi le type le plus gentil du monde. Donc, à part le fait de jouer une nazie,
c’était vraiment cool de travailler avec lui ! »
Malgré son portrait satirique d’une femme qui ne remet absolument rien en
question, Rebel Wilson note que Fraulein Rahm est représentative de nombreuses femmes allemandes qui ont joué un rôle de premier plan dans la guerre. Elle
explique : « Le film se déroule vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque
beaucoup d’Allemands avaient été tués, ce qui a permis aux femmes d’exercer des
métiers qui étaient auparavant exercés par des hommes. C’est ce qui s’est vraiment
passé : en 1945, tout le monde était sur le pont et les femmes faisaient tout ce
qu’elles pouvaient. Fraulein Rahm fait tout ce qu’elle peut pour son pays : elle
enseigne aux filles leurs tâches féminines, elle fait suivre une thérapie physique à
Jojo, et elle tire à la mitrailleuse. »
Le producteur Carthew Neal commente : « Le talent pour l’improvisation de
Rebel Wilson, son intrépidité, et sa façon d’équilibrer l’aveuglement absurde de son
personnage avec son impact sur le monde correspondaient parfaitement au mélange
des tons du film. Elle faisait souvent plier de rire l’équipe de tournage. Elle
improvisait, elle sortait ses propres répliques tous les jours, et c’est comme ça que
Taika aime travailler. »
LE CAPITAINE HERMAN DEERTZ
Stephen Merchant
« Nous étions en train de nous Heil-Hitleriser, et nous nous apprêtons à
mener une enquête aléatoire. »
- Capitaine Herman Deertz
Le personnage le plus hilarant, le plus sombre et le plus effrayant de tous
reste sans doute le capitaine Herman Deertz de la Gestapo de Falkenheim, qui
enquête méticuleusement sur les Juifs cachés et les résistants. Ce rôle délicat est
tenu par l’acteur et scénariste comique anglais Stephen Merchant, connu pour avoir
coécrit et coréalisé avec Ricky Gervais la très influente série britannique « The
Office », coécrit et joué dans la série « Extras » avec Gervais, ainsi que pour sa série
comique HBO « Hello Ladies », et comme réalisateur notamment avec son dernier
film UNE FAMILLE SUR LE RING.
Stephen Merchant a beaucoup apprécié le ton qui sous-tend tout le
scénario de Taika Waititi. « Il a pris un sujet très sombre et a trouvé un moyen de lui
injecter de l’humour, de l’émotion et du cœur. J’ai trouvé que le scénario avait un
côté satirique incisif dans la veine de DOCTEUR FOLAMOUR et d’autres comédies
noires qui abordent des sujets graves en les rendant très drôles. »
Bien qu’il s’agisse de leur première collaboration, Stephen Merchant avait le
sentiment que lui et Taika Waititi seraient sur la même longueur d’onde. « Je savais
que je partageais probablement une sensibilité commune, tant au niveau de notre
sens de l’humour que de notre style de jeu... et je n’ai pas été déçu. Taika a été très
collaboratif et il m’a permis de jouer avec le personnage et d’improviser des
répliques. »
Une partie de l’objectif de Stephen Merchant était de conserver le caractère
menaçant du capitaine Deertz tout en restant dans la tonalité grotesque du film. Il
espère que le personnage rappellera aux gens à quel point les cultes de la
personnalité peuvent dépasser toute mesure. Il observe : « Il y a quelque chose de
risible dans le culte voué à ce petit homme avec sa petite moustache qui a des
allures de comptable en colère, et c’est l’une des choses sur lesquelles joue Taika. Il
dénonce très bien cette façon dont les gens peuvent être emportés par de pareilles
conneries – faute d’un meilleur mot. C’est toujours vrai aujourd’hui. On voit encore
partout dans le monde des gens être emportés par ce genre d’idéologie dangereuse,
surtout lorsqu’il est question d’uniforme et d’identité. C’est essentiel de garder l’esprit
critique. »
L’acteur précise : « Je pense que le film risque d’en froisser certains, mais
j’espère que les gens verront qu’il s’agit aussi de la superbe et éternelle histoire d’un
garçon qui apprend à penser par lui-même, à ne pas gober tout ce qu’on lui dit, mais
à remettre les choses en question. »
RECRÉER L’ALLEMAGNE
DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
« Les Russes arrivent, Jojo ! Et les Américains de l’autre côté, et
l’Angleterre, et la Chine, et l’Afrique, et l’Inde ! Le monde entier arrive ! »
- Yorki
Comme l’histoire, le monde de JOJO RABBIT est vu à travers la lorgnette d’un
enfant de 10 ans. C’est un monde plein de couleurs vives et de beauté bucolique,
même sous l’oppression destructrice de l’Allemagne nazie.
Dès le début du projet, Taika Waititi savait qu’il voulait emmener le public audelà d’un regard nostalgique et de l’esthétique propre aux films de guerre. Il
développe : « Dans de nombreux films se déroulant à l’époque de la Seconde Guerre
mondiale, tout le monde s’habille en marron et en gris, c’est un peu triste et daté.
Mais si vous regardez la mode de l’époque, il y avait vraiment beaucoup de couleurs
vives et de style. Nous ne voulions pas aller trop loin et basculer dans quelque chose
de surréaliste, mais nous désirions vraiment faire ressortir la couleur et l’énergie que
l’on ne voit pas habituellement. »
Pour créer le monde nuancé de Jojo, Taika Waititi a réuni une équipe soudée
et primée emmenée par le directeur de la photographie Mihai Malaimare (THE
MASTER, THE HATE U GIVE – LA HAINE QU’ON DONNE), le chef décorateur nommé
aux Oscars Ra Vincent (LE HOBBIT : UN VOYAGE INATTENDU, THOR : RAGNAROK)
et la chef costumière Mayes Rubeo (THOR : RAGNAROK, AVATAR).
Mihai Malaimare explique que sa récente redécouverte d’images en couleur
de l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale a complètement changé sa vision d’une époque qui, dans l’esprit de la plupart des gens, reste en noir et blanc. Voir ce
monde en couleurs, tel que Jojo, Rosie et Elsa l’auraient vécu, lui donne une toute
nouvelle dimension et une rare vivacité.
Le directeur de la photographie raconte : « Taika et moi avons discuté très tôt
du fait que notre perception de cette époque peut nous jouer des tours. Nous avons
vu tant de films historiques de la Seconde Guerre mondiale en noir et blanc ou dans
des couleurs sombres, que nous sommes choqués de voir un spectre de couleurs
aussi vibrant. Mais c’était ça la réalité, et une fois que nous avons décidé d’y adhérer,
cette notion a circulé dans toute la conception des décors et des costumes, et a
contribué à donner le ton que voulait Taika pour cette histoire. C’est un peu étrange
pour le public parce que nous n’y sommes pas habitués, mais la couleur, je pense,
rend cette histoire plus réelle pour nous tous. »
Le chef décorateur Ra Vincent précise : « Nous avons tous eu le sentiment
d’avoir l’occasion unique de créer un look différent des autres films sur cette époque.
Puisque le public voit le monde à travers les yeux de Jojo, notre palette créative
pouvait non seulement utiliser la couleur, mais des couleurs plus intenses, et nous
pouvions rendre les environnements plus joyeusement abstraits. À l’âge de Jojo, les
choses sont un peu plus roses et le monde semble plus vaste et plus étonnant. Donc,
nous avons vraiment essayé de recréer ce sentiment que nous avons tous connu
dans l’enfance, mais dans les années 1940 en Allemagne. »
Mihai Malaimare s’est également intéressé aux photographies et images
authentiques d’enfants de l’époque, en particulier à l’œuvre du fondateur de Magnum
Photos, Henri Cartier-Bresson. Cartier-Bresson a commencé à photographier l’Europe
au bord du changement au début des années 1930. Plus tard, après s’être échappé
d’un camp de prisonniers de guerre allemand, il a immortalisé les peuples de l’Europe
pendant et après la libération par les Alliés. Ses photographies d’enfants font naître
une émotion particulièrement surréaliste due au contraste entre leur spontanéité
ludique et leur joie d’être en vie sur fond de la destruction et des difficultés de la
guerre.
En ce qui concerne l’Hitler imaginaire de Taika Waititi, celui-ci et Malaimare
ont opté pour une technique de prise de vues réaliste qui met en évidence la
normalité : il est tout à fait ordinaire pour Jojo de converser avec cet ami qu’il a fait
naître dans son esprit. Le directeur de la photographie explique : « Taika et moi
sommes arrivés très vite à la conclusion que nous devions filmer ce Hitler comme un
vrai personnage parce que plus il est réel, plus on voit à travers les yeux de Jojo. »
Utilisant la série de caméras numériques 35 mm Arri Alexa SXT, Mihai
Malaimare a adopté une approche unique quant aux objectifs. Plutôt que de s’en
tenir aux optiques anamorphiques standard 2X, il a utilisé les objectifs
anamorphiques 1.3X Hawk V-lite qui donnent une sensation plus organique.
« L’utilisation d’objectifs anamorphiques 1.3X nous a offert la saturation de couleurs
que nous recherchions. Les tons de peau ont cette qualité veloutée, ce qui donne
une sensation très vivante sans être trop cinématographique. Cela aussi contribue au ton du film. Et comme les objectifs Hawk sont fabriqués en Allemagne, il était utile
de tourner à proximité. »
Pour créer Falkenheim, la ville natale fictive de Jojo, la production s’est rendue
à Žatec et Úštěk, deux petites villes de la République tchèque, dans une région qui a
autrefois été annexée par l’Allemagne et était sous occupation allemande pendant la
Seconde Guerre mondiale. Ici, dans un endroit qui n’a jamais été bombardé, les
bâtiments d’avant-guerre ont conservé leur style d’antan.
Le chef décorateur Ra Vincent note : « Nous avons choisi ces villes parce
qu’elles avaient beaucoup de caractère et qu’elles semblaient être les plus
allemandes de toutes les villes tchèques que nous avons visitées, avec leur
architecture de style baroque allemand. »
Mihai Malaimare a découvert que tourner en République tchèque lui donnait la
liberté de création dont a besoin un directeur de la photographie. Il développe :
« Souvent, sur un film d’époque, on essaie de cacher les traces du monde moderne
avec des angles de caméra et des éclairages, mais ici, tout était si beau et
authentique et il y avait tellement de détails que cela nous a offert beaucoup plus de
possibilités. On pouvait à peine déceler la présence du XXIe siècle parce qu’il n’y avait
pas de fils ou d’appareils de climatisation ou quoi que ce soit qui fasse de faux
raccords visuels. Nous avons donc eu le luxe de pouvoir nous déplacer librement et
de tourner à 360 degrés.»
La plupart des décors intérieurs ont été construits sur les plateaux des studios
Barrandov de Prague, un lieu lourd de sens pour y tourner une satire de la Seconde
Guerre mondiale puisque pendant l’occupation allemande, ces mêmes studios ont
servi à une propagande nazie. Le chef décorateur Ra Vincent déclare : « Il y avait
une sorte de justice immanente à faire JOJO RABBIT ici.»
Le cœur du travail de Ra Vincent a été la conception de la maison Betzler, où
se déroule une grande partie de l’action. Il explique : « Nous voulions que la maison
de Jojo et Rosie ait une palette très différente de celle des autres films d’époque. Le
bâtiment lui-même est une maison en pierre typiquement baroque, mais nous avons
décidé qu’en l’aménageant et en la décorant, les Betzler seraient très branchés et en
phase avec leur temps. Cette époque entre 1930 et 1945 fut en fait une période
révolutionnaire pour le style en Europe, malgré la guerre. Et Rosie est une femme
très élégante, donc sa maison a beaucoup de cachet, avec des inspirations Art Déco
très modernes. »
Mihai Malamare commente : « L’intérieur de la maison était incroyable. Les
décors de Ra étaient si riches que nous pouvions tourner dans toutes les directions,
c’était fantastique. »
Cependant, au plus profond de cette maison si lumineuse se trouve l’espace
sombre et exigu derrière le mur où se dissimule Elsa. Cet endroit fait naître un
sentiment opposé, reflétant la tension presque insupportable sous laquelle elle est
contrainte de vivre. Cela a également représenté l’un des défis techniques les plus sérieux de Mihai Malaimare, qui explique : « Pour éclairer cet espace, nous
n’avons utilisé que des bougies, des lampes à gaz et quelques LED de 5 watts. Mais
nous utilisions aussi des objectifs T1 et lorsque vous filmez à cette vitesse avec une
lumière aussi faible, vous êtes très limité, surtout en ce qui concerne les
mouvements des acteurs. C’était très difficile, et nous sommes absolument ravis des
plans obtenus. »
Au fur et à mesure que les événements du film s’aggravent, les couleurs
s’assombrissent. Ra Vincent explique : « Pour les moments les plus heureux et les
plus ludiques de l’histoire, nous avons utilisé une palette diversifiée de couleurs
sursaturées. Ensuite, nous la réduisons au fur et à mesure que les drames entrent en
jeu. La plus grande partie du film a lieu à l’automne, nous avons donc eu la chance
d’apporter dans nos scènes de rue des verts luxuriants parsemés de magnifiques
rouges, d’orange et de rose. »
S’HABILLER DURANT
LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Pour créer les costumes, Mayes Rubeo, connue pour ses créations allant de
l’ancien royaume maya d’APOCALYPTO au monde imaginaire d’AVATAR et à l’univers
de fiction de THOR : RAGNAROK, a travaillé en étroite collaboration avec le chef
décorateur Ra Vincent.
Taika Waititi avait observé lors de ses recherches qu’à l’époque, les gens
avaient tendance à s’habiller de façon beaucoup plus formelle qu’aujourd’hui, peutêtre par fatalisme, et il voulait saisir ce sentiment persistant de beauté et d’élégance.
Il explique : « Vers la fin de la guerre, les gens pensaient que chaque jour pourrait
être le dernier, alors ils portaient leurs plus beaux vêtements et se maquillaient. S’ils
devaient mourir, ils voulaient être beaux. »
Comme avec Ra Vincent, Taika Waititi a impressionné Mayes Rubeo en lui
disant qu’il voulait une esthétique inattendue et remplie de l’esprit de l’enfance. La
chef costumière se souvient : « Taika a toujours dit qu’il voulait une Seconde Guerre
mondiale qui ne ressemble à aucune autre, parce que ce film est vu à travers les
yeux d’un enfant de 10 ans. À cet âge-là, tout ce dont on se souvient est paré d’un
certain éclat. Tout ressemble à un matin de printemps. À mon sens, ce que Taika
recherchait ressemblait beaucoup à ce que faisaient les Néoréalistes italiens dans les
années 40, mais en couleurs. Le film a toutes cette qualité néoréaliste où il y a des
moments ensoleillés et charmants mais aussi des moments très dramatiques, et
l’ambiance peut passer de la drôlerie et de la légèreté à la tragédie en un clin d’œil. »
La part la plus importante du travail de Mayes Rubeo a porté sur le cœur
battant de l’univers de Jojo : sa mère, la très chic Rosie Betzler. La chef costumière a
écumé les ateliers de costumes italiens pour trouver des pièces vintage de choix.
Mais elle a aussi créé plusieurs chemisiers et robes de Rosie à la main pour faire
ressortir encore davantage son caractère.
Elle explique : « Rosie est un merveilleux personnage extraverti dont la vie est
comme une provocation parce qu’elle est très déterminée et qu’elle n’est pas du tout
d’accord avec Hitler. Pour moi, elle était l’ancre, la source d’où naissaient tous les
autres costumes. Nous avons pensé à elle comme à une femme ayant été une artiste
et cela m’a servi de point de départ. De plus, on a le sentiment qu’avant la guerre,
les Betzler vivaient bien. Même s’ils n’ont plus qu’une seule pomme de terre à
manger, elle est servie sur une belle nappe parce que Rosie croit toujours en ce que
la vie peut avoir d’agréable. »
Le style de Rosie devait être si particulier que le public devait la reconnaître
instantanément dans la scène qui est un tournant émotionnel dévastateur de
l’histoire. La chef costumière explique : « Le papillon semblait exprimer qui elle est,
et nous avons utilisé des chaussures très singulières, qui se distinguent pour une
dame de l’époque. C’est un moment puissant quand on voit les chaussures et qu’on
fait le lien avec le papillon. »
Pour Mihai Malaimare, la caméra n’a pas eu besoin de reculer à ce moment-là. Il commente : « Nous avons travaillé avec Mayes tout au long du processus pour
préparer cette scène. Donc, avec la caméra, nous avons fait en sorte de nous assurer
que le public connaisse les chaussures de Rosie. Par exemple, on les remarque
quand elle danse au bord de la rivière dans ce moment lumineux et léger pour que
plus tard, on n’ait plus à les montrer. »
Jojo, bien sûr, porte principalement son uniforme des Jeunesses hitlériennes
que Mayes Rubeo a basé sur des documents authentiques de l’époque. Elle
raconte : « Nous avons trouvé quelques uniformes d’époque à Berlin, mais il en
fallait beaucoup dans des tailles différentes pour tous les figurants, alors nous en
avons fabriqué nous-mêmes. Quand vous voyez Jojo dans son uniforme à la maison,
on a l’impression d’un garçon qui essaye d’être le policier chez lui. »
Pour le portrait absurde d’Hitler par Taika Waititi, Mayes Rubeo a également
choisi le tristement célèbre uniforme brun du Parti nazi. Elle a doté cet Adolf d’un
pantalon d’équitation plus volumineux qui souligne à la fois sa nature imaginaire et
ses doutes.
Pendant une grande partie du film, Mayes Rubeo est restée fidèle à
l’austérité et à l’allure impeccable des uniformes qu’affectionnait l’armée allemande.
Mais elle a eu l’occasion d’apporter un peu de fantaisie avec le capitaine Klenzendorf,
qui s’imagine secrètement en créateur d’uniformes et finit par se libérer pour enfin
donner vie à son costume de rêve. Elle explique en souriant : « Le capitaine
Klenzendorf vit dans son propre monde. Il a toute cette créativité flamboyante que
nous avons voulu exprimer à la fin, quand il explose littéralement sur la scène. Taika
a apporté beaucoup d’idées et je savais qu’il voulait quelque chose de spécial, de
coloré et de drôle, avec une pointe d’héroïsme. L’essentiel pour moi, c’est que cela
ressemble à un uniforme fait par quelqu’un qui ne connaît presque rien à la couture.
C’était très amusant à faire ! »
Avec autant de styles qui, comme le film, passent de l’authentiquement
historique à l’absolument unique, Mayes Rubeo a passé de longues heures à
travailler avec Taika Waititi – ce qui, assure-t-elle, n’a jamais cessé d’être un plaisir.
« Taika aime constamment échanger et j’ai adoré ça aussi, parce que c’est en
passant autant de temps ensemble que l’on arrive à créer quelque chose qui
s’harmonise avec tous les autres éléments, ce qui était particulièrement important
pour Jojo. »
Jason Chen, le superviseur des effets visuels, a été chargé d’étendre le
monde de Jojo. Il a eu beaucoup à faire pour la scène de combat culminante du film,
lorsqu’un combat intense passe d’une abstraction pour Jojo à la réalité qui fond sur
sa rue. Il explique : « Nous voulions que le film bascule dans un chaos absolu avec
des chars partout et beaucoup de tirs, d’explosions et de destruction. Pendant la
majeure partie du film, on se trouve dans l’imagination de Jojo, avec sa vision
ludique de la guerre, mais quand les combats font irruption chez lui, dans sa rue, on
est soudain frappé par la réalité de la guerre. Nous voulions que la terreur et le
vacarme soient très réels. »
Mihai Malaimare commente : « D’une certaine manière, cela paraît très
viscéral, très réel, mais nous avons aussi créé quelque chose qui se transforme en un
moment magique et surréaliste dans le film. »
L’une des scènes préférées de Jason Chen est celle où Jojo et Elsa discutent
dans le grenier, se rapprochant malgré eux, et qu’un paysage nocturne scintille dans
le ciel derrière eux. « Il y a une unique petite fenêtre au-dessus d’eux qui reflète
l’éclatement lointain des bombes. Nous avons utilisé un matte painting qui ressemble
presque à des étoiles au-dessus d’eux pour créer ce moment romantique mais
déchirant. »
Comme le reste de l’équipe, Jason Chen aimait relever chaque jour le défi de
stimuler sa créativité comme jamais. « Taika est quelqu’un qui a vraiment l’esprit
d’équipe dans le travail. Il écoute les suggestions de tout le monde. Il demande
réellement à tous ses collaborateurs de l’appuyer pour l’aider à porter sa vision
jusqu’à l’excellence. »
MUSIQUE, JOJO !
« Le Reich est mourant. Nous allons perdre cette guerre, et ensuite ?
Tout ce que je dis, c’est que la vie est un don et qu’il faut la célébrer. »
- Rosie Betzler
Taika Waititi et son monteur, Tom Eagles (VAMPIRES EN TOUTE INTIMITÉ,
À LA POURSUITE DE RICKY BAKER) ont collaboré étroitement avec le compositeur
oscarisé Michael Giacchino, qui a écrit parallèlement au montage une musique
originale qui s’accorde à la perfection avec l’esprit du film et couvre tout le spectre
des émotions de Jojo.
Le réalisateur déclare : « J’admire le travail de Michael depuis longtemps, en
particulier son incroyable et émouvante musique pour le film Pixar LÀ-HAUT. »
Reconnu pour avoir créé les partitions immédiatement reconnaissables de sept
des films d’animation du studio Pixar, Michael Giacchino est également devenu l’un
des compositeurs les plus recherchés pour des méga-blockbusters tels que STAR
TREK SANS LIMITES, SPIDER-MAN : HOMECOMING et LA PLANÈTE DES SINGES :
SUPRÉMATIE. Il confie que la musique qu’il a écrite pour JOJO RABBIT est peut-être
sa préférée à ce jour : « Je suis fier de participer à un film qui n’a pas peur de dire
sa vérité et dont le propos pourrait faire sourciller, mais qui, je l’espère, engendrera
des discussions de fond. Taika a magnifiquement développé cette idée folle, et je
pense que si l’on veut dire quelque chose de vrai et de nécessaire dans ce monde, il
faut prendre de gros risques. »
Le réalisateur déclare : « La musique de Michael a élevé JOJO RABBIT au
niveau supérieur, en augmentant la résonance émotionnelle et en reliant
indissociablement les thèmes, les personnages et le monde du film. Nous avons
travaillé dans un esprit d’entière collaboration, très instinctif chez lui comme chez
moi. »
Bien que Michael Giacchino évite habituellement de lire les scénarios,
préférant absorber les émotions plus directement en regardant les images tournées,
Taika Waititi lui a demandé de jeter un coup d’œil au sien pour qu’ils puissent en
parler. Le compositeur s’en dit enchanté. « J’ai énormément aimé le script, dit-il, et
connaissant les autres films de Taika, je savais qu’il apporterait la touche qu’il fallait.
Il comprend vraiment à quel point la comédie et la tragédie sont intimement liées.
La meilleure comédie naît à mon sens des situations humaines les plus dures, et
l’Allemagne nazie est l’une des situations les plus terribles de l’Histoire. »
Une fois qu’il a pris la mesure du scénario, le compositeur et le scénariste-réalisateur-acteur ont discuté de la tonalité générale de la musique. Michael
Giacchino se souvient : « Nous étions tous les deux d’accord sur le fait que nous
voulions être honnêtes, purs et vrais avec la musique. Taika n’avait pas besoin que la
musique soit comique parce que le film était déjà très drôle. La première question que je me pose toujours est la suivante : quel sentiment veut-on que les gens
retiennent de ce film ? Pour moi, l’idée prédominante est que Jojo évolue
progressivement d’une attitude fermée, aveugle sur le monde, vers une vision des
choses ouverte, globale, dessillée. Telle a été notre inspiration. »
Pour Michael Giacchino, il était clair que, tout comme l’esthétique du film
émane de l’innocence, de l’exubérance et de la naïveté de Jojo, la musique devait
elle aussi être guidée par son caractère émotionnellement changeant. « J’avais le
sentiment que la musique devait toujours rester au plus près de Jojo. La première
chose que j’ai faite a donc été d’écrire une suite de 11 minutes qui montre l’évolution
de son personnage. Bien qu’il y ait des moments où Rosie ou Elsa modifient la
musique, elle prend d’abord sa source dans les émotions de Jojo. La mélodie
principale est jouée tout au long du film de plusieurs manières différentes. Elle
commence comme une marche, puis devient par la suite un adagio pendant la
bataille, tandis que le nationalisme aveugle de Jojo commence à se transformer en
autre chose. »
Michael Giacchino était également prêt à sortir des sentiers battus. Il a ainsi
écrit des chansons avec la parolière Elyssa Samsel que Jojo et ses compatriotes
chantent dans le camp des Jeunesses hitlériennes, et grâce à ses liens avec Paul
McCartney, il a pu expliquer à celui-ci pourquoi il fallait absolument autoriser Taika
Waititi à utiliser la version allemande de « I Want To Hold Your Hand » des Beatles
pour une scène sur l’hystérie et Hitler.
Pourtant, les bases du travail de composition de Michael Giacchino reposent
toujours sur des influences classiques. « Je savais que je voulais une partition très
européenne, explique-t-il, quelque chose qui donne l’impression que si vous vous
étiez promené dans la rue en 1939 en Allemagne, vous auriez pu entendre cette
musique par la fenêtre de quelqu’un. Chopin, Liszt et Satie figurent parmi mes
influences. Mais ce qui m’a le plus inspiré, c’est de me dire constamment : Que
demande le film ? Il faut essayer d’accueillir ces émotions très dures et de les
ressentir dans vos tripes. C’est le défi d’un film comme celui-ci. »
Ces émotions ont conduit au choix d’un ensemble orchestral épuré : un
orchestre de 22 musiciens avec au centre un quatuor à cordes, ainsi qu’un piano,
deux guitares, quelques cuivres et des percussions. « C’est pour moi un changement
bienvenu de travailler avec un ensemble aussi intime, déclare le compositeur. J’ai
l’habitude de collaborer avec un orchestre de 100 musiciens, mais plus l’orchestre est
petit, plus le son est riche en émotions. »
Tandis que le film passe des Beatles à Bowie (en utilisant la version allemande
de la chanson « Heroes », une chanson sur le mur de Berlin que David Buckley,
autorité reconnue sur Bowie, a désignée comme « l’éloge ultime de la pop quant au
triomphe possible de l’esprit humain sur l’adversité »), la partition contraste avec ces
anachronismes.
Le compositeur observe : « Avoir une musique orchestrale plus traditionnelle
ponctuée de titres des Beatles et de Bowie rend la bande originale du film bien plus étrange et plus puissante. D’une façon ou d’une autre, tout fonctionne ensemble,
même si je ne sais pas trop comment ! C’est peut-être parce que tout a été choisi
exactement en fonction de la juste émotion correspondant à chaque scène. Nous
avons eu de gros problèmes pour convaincre les gens de nous laisser utiliser leurs
chansons pour une histoire sur Hitler. J’avais déjà eu l’occasion incroyable de
travailler avec Paul McCartney, qui est l’un de mes héros, alors j’ai fait partie de ceux
qui l’ont approché pour lui expliquer que ce film n’est pas ce qu’on pourrait croire et
que c’est vraiment une prise de position puissante contre la haine. Finalement, tout
s’est arrangé et Taika a pu avoir les chansons qu’il voulait. »
En effet, pour que JOJO RABBIT soit une réussite, il a fallu qu’il y ait
suffisamment de gens pour croire en ce que le film essaie de faire et en son audace.
En fin de compte, tout comme JOJO RABBIT dénonce la réalité tragiquement
absurde de l’autoritarisme et de la ferveur nationaliste, et le poids des préjugés et de
la haine, le film nous rappelle également nos liens avec nos semblables et la
responsabilité qui est la nôtre : faire de notre mieux, à commencer par nous efforcer
d’être bons les uns envers les autres.
Taika Waititi conclut : « C’est exactement le bon moment pour raconter
cette histoire, parce que personne ne voudrait qu’il soit trop tard pour pouvoir le
faire. »
#JojoRabbit
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