Documentaire/Lumineux, passionnnant, drôle et émouvant
Réalisé par Betsy West & Julie Cohen
Avec Ruth Bader Ginsburg, Gloria Steinem, Nina Totenberg...
Long-métrage Américain
Durée : 01h37mn
Année de production : 2018
Distributeur : L'Atelier Distribution
Date de sortie sur nos écrans : 10 octobre 2018
Résumé : A 85 ans, RUTH BADER GINSBURG, est devenue une icône de la pop culture . Juge à la cour suprême des Etats-Unis, elle a construit un incroyable héritage juridique. Guerrière, elle s'est battue pour l'égalité hommes/femmes, et toutes formes de discrimination. Son aura transgénérationnelle dépasse tous les clivages, elle est aujourd'hui l'une des femmes les plus influentes au monde et le dernier rempart anti-Trump. Betsy West et Julie Cohen nous font découvrir la fascinante vie de celle que l'on nomme désormais "Notorious RBG" .
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : RBG a été présenté en avant-première lors du 44ème Festival du Film Américain de Deauville.
RBG est un documentaire, co-réalisé et co-produit par Betsy West et Julie Cohen, absolument réussi. Son sujet : une femme. Il s'agit de Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour suprême des États-Unis. Cette dame vous est peut-être inconnue. Si c'est le cas, je vous recommande vivement d'aller la découvrir dans ce film qui adresse sa notoriété, de façon assez drôle, et surtout son éminent travail effectué au niveau de la loi pour favoriser l'égalité des droits hommes/femmes aux États-Unis.
Introduction du film, par sa co-réalistrice Betsy West, lors de sa projection au Festival Du Film Américain de Deauville le 8 septembre 2018
RBG est un documentaire, co-réalisé et co-produit par Betsy West et Julie Cohen, absolument réussi. Son sujet : une femme. Il s'agit de Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour suprême des États-Unis. Cette dame vous est peut-être inconnue. Si c'est le cas, je vous recommande vivement d'aller la découvrir dans ce film qui adresse sa notoriété, de façon assez drôle, et surtout son éminent travail effectué au niveau de la loi pour favoriser l'égalité des droits hommes/femmes aux États-Unis.
Les deux réalisatrices portent un regard plein de tendresse et d'admiration sur cette femme brillante et discrète qui n'a cessé de bousculer les idées machistes (et pas seulement vis-à-vis des femmes comme il est démontré très adroitement), sans grand big bang, mais avec une ténacité et une pugnacité qui laisse pantois. Elle a affronté les idées reçues, les obstacles infranchissables avec un calme incroyable. Elle représente le féminisme dans ce qu'il a de plus juste et aussi de plus réaliste sur le rôle que les hommes doivent y jouer. Car c'est aussi sur ceux qui ont souhaité les changements qu'elle s'est appuyée et ils ont participé à sa réussite.
Ce portrait retrace le parcours de Ruth Bader Ginsburg, fait intervenir sa famille, ses amis ainsi que des collègues ou des personnes connues pour la décrire en tant que femme et en tant que professionnelle. Les réalisatrices relatent l'impact de son travail avec une grande pédagogie. Il en ressort un documentaire passionnant et lumineux. La juge Ruth Bader Ginsburg est une inspiration pour tous et découvrir cette femme, toute frêle, affronter des foules avec son esprit vif, ses arguments solides et sa certitude que ce combat peut et doit être mené est revigorant.
RBG est extrêmement solide dans sa construction, il est drôle et émouvant dans son traitement, il est enthousiasmant par son sujet et il nous apprend beaucoup de faits qui méritent d'être connus. Ai-je encore besoin de vous convaincre ?
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
NOTE DES RÉALISATRICES
Il y a trois ans, en janvier 2015, nous
avons eu l’idée de réaliser un film documentaire sur Ruth Bader
Ginsburg. Nous avions déjà, chacune de notre côté, interviewé la
juge pour divers projets, et nous avions admiré son travail innovant
en faveur des droits des femmes. Mais c’était avant qu’elle
devienne une rock star octogénaire, « Notorious RBG » (la célèbre
RBG). La génération Y vante ses louanges sur Twitter et Tumblr et
s’approvisionne en tee-shirts et tote bags à son effigie, certains
allant même jusqu’à se faire tatouer son visage en gros et en
couleur. Un jour, en évoquant le phénomène RBG, nous nous sommes
tournées l’une vers l’autre et nous nous sommes dit : « Il faut
absolument qu’on réalise un documentaire sur la juge Ginsburg, là
tout de suite. »
Dans ces discussions en amont, nous
disions souvent que RBG « vivait son moment de gloire. » Ce que
nous n’avions pas bien saisi, c’était que ce moment allait
prendre de plus en plus d’importance alors même que nous relations
sa vie extraordinaire.
Avec une équipe de femmes aux postes
de création et de production, nous avons commencé le tournage en
juin 2016, en faisant notre possible pour suivre l’emploi du temps
chargé de notre juge. Nous l’avons filmée à son travail, en
vacances en famille et pendant ses séances de sport avec son coach
personnel. Nous avons également retrouvé les histoires
extraordinaires des clients qu’elle a représentés lorsqu’elle
était jeune avocate et qu’elle plaidait devant la Cour suprême
dans les années 1970. À l’époque, la discrimination envers les
femmes était tout à fait légale. La remarquable stratégie
juridique de RBG a abouti à cinq décisions révolutionnaires qui
ont permis des grandes avancées pour l’égalité homme-femme
devant la loi.
En tant que femmes, nous avons débuté
nos carrières respectives dans l’information télévisuelle après
l’influence de RBG qui a changé le monde des femmes actives, et
nous nous sommes rendues compte du chemin parcouru. Et pourtant,
pendant le tournage du film, un certain nombre d’hommes puissants
sont apparus comme des agresseurs sexuels, ce qui nous montre le
chemin qu’il nous reste encore à parcourir.
Nous avons pris à cœur l’approche
de la juge Ginsburg face au sexisme et à l’adversité. Quand,
après être sortie major de sa promotion à la faculté de droit,
elle n’a pas trouvé d’emploi, elle s’est rappelée le conseil
de sa mère : la colère est une perte de temps. Finalement, elle a
pu mettre à profit ses impressionnantes compétences juridiques pour
se battre pour les droits des femmes – un combat qu’elle mène
depuis cinq décennies.
L’engagement inébranlable de la juge
Ginsburg perdure, non seulement pour l’égalité des sexes mais
aussi pour les institutions démocratiques qui protègent les droits
de tous les citoyens. Pas étonnant qu’elle soit une icône de la
génération Y.
Rencontrer RBG en chair et en os est
une expérience intense. Sa voix est douce, mais son vocabulaire est
si limpide et choisi avec soin, qu’on se rapproche d’elle,
fascinées. Après l’élection de Donald Trump, la réaction la
plus fréquente lorsque nous expliquions le sujet du film, était :
“Comment se porte-t-elle ? Est-ce qu’elle va bien ?” Nous
voulons que les spectateurs voient par eux-mêmes la « Notorious RBG
» en action – veillant tard le soir pour écrire ses contestations
cinglantes et faire des planches, des squats et des pompes qui la
maintiennent en forme pour faire le métier qu’elle adore.
– Betsy West et Julie Cohen
RUTH BADER GINSBURG JUGE À LA COUR
SUPRÊME DES ÉTATS-UNIS
Ruth Bader Ginsburg est née à
Brooklyn, dans l’État de New York, le 15 mars 1933. Elle a épousé
Martin D. Ginsburg en 1954 et a eu deux enfants, une fille, Jane, et
un fils, James. Elle est diplômée de Cornell, elle a étudié le
droit à Harvard et a obtenu une licence à Columbia. Elle a été
clerc pour l’honorable Edmund L. Palmieri, juge à la cour fédérale
du district sud de New York, de 1959 à 1961. De 1961 à 1963, elle a
été associée de recherche puis directrice adjointe du Projet de la
faculté de droit Columbia sur la Procédure Internationale. Elle a
été professeur de droit à la faculté de Rutgers de 1963 à 1972,
et à la faculté de Columbia entre 1972 et 1980, et chercheuse au
Centre des études avancées des sciences comportementales à
Stanford, en Californie, de 1977 à 1978. En 1971, elle a joué un
rôle important dans le lancement du « Projet des droits des femmes
» de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), elle a
également été avocate pour l’ACLU de 1973 à 1980, et pour le
Conseil d’administration national de 1974 à 1980. Elle a été
nommée juge à la cour d’appel du district de Columbia en 1980. Le
président Clinton l’a nommée juge à la Cour suprême, elle a
pris ses fonctions le 10 août 1993.
RUTH BADER GINSBURG
LES GRANDES VICTOIRES DE SA CARRIÈRE
POUR L’ÉGALITÉ DES SEXES :
Reed v. Reed (1971) Ruth Bader Ginsburg
a écrit le résumé de cette affaire concernant les droits des
femmes qui a fait jurisprudence. Ruth Ginsburg et son équipe ont
convaincu la Cour suprême d’annuler une loi de l’Idaho stipulant
que « les hommes doivent être préférés aux femmes » en tant
qu’exécuteurs testamentaires.
Frontiero v. Richardson (1973) Pour sa
première plaidoirie devant la Cour suprême, Ruth Ginsburg et son
confrère ont convaincu la Cour de casser une loi fédérale
discriminatoire. Ruth Ginsburg a obtenu pour sa cliente, une femme
mariée membre de l’armée de l’air américaine, des allocations
logement équivalentes à celles d’un pilote marié.
Weinberger v. Wiesenfeld (1975) Dans
cette affaire, Ruth Ginsburg a démontré que les hommes aussi
subissaient les conséquences des lois discriminatoires en raison du
sexe. Représentant un veuf, père d’un petit garçon, elle a
plaidé avec succès le fait que les veufs devraient bénéficier des
mêmes allocations que les veuves.
Duren v. Missouri (1979) Suite à la
plaidoirie percutante de Ruth Ginsburg, la Cour suprême a décidé
qu’une loi du Missouri autorisant uniquement les femmes à choisir
de ne pas remplir la fonction de juré était contraire à la
constitution, niant aux défendeurs leur droit au 6e amendement
d’être jugé par un jury reflétant un échantillon représentatif
de leur communauté.
United States v. Virginia (1996) Pour
sa première affaire portant sur les droits des femmes en tant que
juge à la Cour suprême, Ruth Bader Ginsburg écrivait l’opinion
majoritaire qui fit jurisprudence. Avec une décision à 7 voix
contre 1, la Cour a invalidé la règle d’admission de l’Institut
militaire de Virginie uniquement réservée aux hommes et a conclu
que les règles gouvernementales qui discriminent en raison du sexe
devraient être considérées comme anticonstitutionnelles.
Sessions v. Morales-Santana (2017) La
juge Ginsburg est à l’origine de la décision de l’opinion
majoritaire qui a déclaré inconstitutionnelles une mesure de la Loi
sur l’immigration et la nationalité concernant la nationalité des
enfants nés à l’étranger de parents non mariés et dont un seul
est citoyen américain. La décision a annulé la mesure qui donnait
la nationalité aux enfants de femmes non américaines qui ont vécu
aux États-Unis pendant un an, alors qu’on demandait aux pères non
américains d’être résidents depuis cinq ans. Elle a écrit que
cette distinction juridique entre hommes et femmes « était
extrêmement anachronique. »
CONTESTATIONS CLÉ :
Shelbv County v.
Holder (2013) Quand la Cour suprême a invalidé une mesure de la loi
sur le droit de vote de 1965, en disant qu’il n’était plus
nécessaire d’éviter la discrimination contre les votants
africains américains, Ruth Ginsburg a écrit une contestation
cinglante. La décision de la Cour suprême revenait, a-t-elle écrit,
à « jeter son parapluie pendant un orage parce que vous ne prenez
pas la pluie. »
Burwell v. Hobby Lobby (2014) La juge Ginsburg était
contre l’opinion majoritaire qui autorisait une entreprise
familiale à refuser de fournir une couverture d’assurance pour des
contraceptifs, pour des raisons religieuses. « Le tribunal, je le
crains, s’est aventuré sur un terrain miné » a écrit Ruth
Ginsburg, qui pourrait ouvrir la voie au refus des employés de
couvrir l’anesthésie, la transfusion sanguine et les
antidépresseurs.
Lilly Ledbetter v. Goodyear (2007) Le contestation
de la juge Ginsburg dans cette affaire a conduit à une nouvelle loi
avec un fort impact pour les travailleuses américaines. Le tribunal
a statué que, même si Lilly Ledbetter, employée chez Goodyear,
avait été sous-payée parce qu’elle était une femme, elle
n’avait pas droit aux indemnités parce qu’elle avait trop
attendu pour porter plainte. Dans sa contestation, Ruth Ginsburg a
écrit que « le tribunal ne comprend pas ou est indifférent à la
façon insidieuse dont les femmes peuvent être victimes de la
discrimination salariale. » Elle continue, « La balle est dans le
camp du Congrès. » Sans surprise, le Congrès a rapidement adopté
la Loi Lilly Ledbetter sur l’égalité salariale, garantissant aux
femmes ayant souffert d’une discrimination salariale longue durée
le droit d’attaquer en justice.
Bush v. Gore (2000) Quand le
tribunal a décidé d’arrêter le recomptage du vote contesté de
la Floride lors des élections de 2000, faisant ainsi de George W.
Bush le Président des États-Unis, la juge Ginsburg a écrit son
désaccord. Utilisant un langage courtois et technique, Ruth Ginsburg
a déclaré que la majorité favorisait le parti républicain aux
dépens du principe bien établi du droit des États.
Gonzales v.
Carhart (2007) La Cour suprême a statué qu’une interdiction du
Congrès sur « les avortements à mi-parcours » n’était pas
contraire à la Constitution même si elle n’offrait pas
d’exception pour des procédures nécessaires à la protection de
la santé de la mère. Dans sa contestation cinglante, Ruth Ginsburg
a écrit que les défis juridiques pour les droits à l’avortement
« sont centrés sur l’autonomie d’une femme à déterminer le
cours de sa vie, et donc de jouir d’une égalité de statut
citoyen. »
Rencontre avec ZABOU BREITMAN, la voix
française de RBG.
Connaissiez-vous cette femme discrète,
chignon apprêté, voix toujours calme et posée, et d’une
intelligence éblouissante?
Oui, je connaissais RBG car ma fille
vit aux États-Unis. Tout le monde parle d’elle outre-Atlantique.
Je savais qu’elle officiait à la Cour Suprême et qu’elle avait
beaucoup œuvré pour les droits de la femme et contre toutes formes
d’inégalités. Ma fille gère le recrutement dans une start-up et
fait toujours très attention à la parité et à la diversité. Ruth
Bader Ginsburg est très inspirante pour ces générations.
Le film marque le 25e anniversaire de
sa nomination en tant que deuxième femme juge à la Cour Suprême
des États-Unis. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de prêter
votre voix à cette pionnière féministe ?
C’est une icône, parvenue à changer
le cadre légal américain dès son accession, tout en s’imposant
dans la pop culture. Elle est l’image d’une réussite
intellectuelle et professionnelle au plus haut degré, comme cela
peut arriver en Amérique, dans ces plus forts contrastes. Être
l’ambassadrice d’un documentaire aussi beau inspirant, réalisé
avec une grande délicatesse sur une femme aussi merveilleuse, c’est
assez rare pour ne pas passer à côté d’un tel cadeau. Qui
n’aurait pas eu envie d’y contribuer ? Et c’est un réel
plaisir de la faire découvrir à tout le monde et en France.
Dès l’ouverture ultra-rythmée,
cette femme de 85 ans a l’aura d’une rock star. Les images
tranchent avec la discrétion intrinsèque de ces neuf juges de la
Cour Suprême, quasiment inconnus des Américains et plus encore en
France justement. Comment avez-vous appréhendé votre travail de
doublage ?
Mon travail relève davantage de la
voice-over ; ma voix passe par-dessus la sienne. J’ai toujours fait
très attention à la laisser démarrer Ruth Bader Ginsburg et qu’on
entende la fin de ses phrases. Il était important de rester à
l’intérieur, ce qui n’est pas évident car le français est plus
long que l’anglais. J’ai tenté d’être à la fois dans son
sentiment, de respecter ses hésitations lorsqu’elle cherche ses
mots, ou plutôt qu’elle hésite à choisir le plus opportun. Nous
avons également recherché, quasiment traqué, certains termes
précis pour les traductions. Nous nous sommes évertués à rester
au plus près de l’adaptation des mots et de la pensée. Cette
femme est très sobre, dans son comportement comme dans ses mots.
Elle a une pensée droite, comme une flèche. On comprend pourquoi
ses adversaires masculins n’en menaient pas large lors des procès.
Elle est tellement brillante et rapide : elle écoute. Elle évalue.
Elle trouve son angle d’attaque parce qu’elle est en retrait.
Nous avons eu des difficultés à traduire les « small talks », qui
n’est pas tout à fait « papotage ». Cela signifie surtout ces
bavardages superflus, futiles. Elle évite ces bavardage sans fond,
elle reste dans l’essence de la pensée. Être au plus juste et
faire attention au sujet étaient donc primordial.
« Je ne demande aucune faveur selon
mon sexe. Tout ce que je demande de nos confrères, c’est d’ôter
leurs pieds de notre nuque ». Cette citation prononcée semble
encore d’actualité. Quel est votre sentiment ?
C’est une citation forte mais RBG dit
surtout que la discrimination de genre n’aide pas les femmes à
être sur un piédestal, ça les enferme dans une cage. Ces deux
phrases sont absolument fondamentales, elles disent ce qu’elles
veulent dire et on ressent l’évolution entre les deux. Ce qu’elle
cite de Sarah Grimké est clair, mais j’ai plus de réaction sur le
piédestal et la cage. La première est très frontale ; on parlait
d’une certaine manière et la pensée a eu l’occasion et l’heure
de s’affirmer. Quand elle prononce « loin de mettre les femmes sur
un piédestal, ça les conserve dans une cage », c’est une pensée
d’aujourd’hui, qui sous-tend l’idée « C’est jolie une
femme, c’est comme une belle voiture! ». C’est beaucoup plus
pernicieux. Dans le premier cas, ça signifie « ils nous font du mal
», dans le second « attention, ils ne nous font pas du bien ».
Cette nuance est terrible. Sous couvert de faire du bien, on enferme
quelqu’un. C’est vraiment intéressant car elle la prononce quand
elle est nommée à la Cour Suprême pour défendre sa cause sur la
discrimination de genre, la « gender line », expression qui a été
d’ailleurs difficile à traduire pour expliquer la frontière entre
les sexes.
Ce documentaire sort à un moment
opportun, à l’ère des mouvements #MeToo et Time’s Up. La
société a-t-elle plus que jamais besoin d’icônes, d’héroïnes
et de dissidentes pour faire évoluer les mentalités
discriminatoires et renverser les préjugés sexistes ?
Oui, bien sûr. Pour moi, ce
documentaire est surtout très stimulant. Il fait du bien. On se sent
meilleur après la vision de ce film, en suivant cette femme
bienveillante, forte, les gens comme elle, peu nombreux, sont
capables de vous inspirer de vous rendre fort et capables à votre
tour d’accomplir quelque chose d’utile, d’humain. C’est la
raison pour laquelle les jeunes l’aiment tant aux États-Unis. On
voit en elle sa jeunesse et ses convictions, intouchées,
intouchables. Elle est guidée par une pensée de fond, plus droite,
plus honnête et plus fondamentale qu’une politique à court terme,
qu’une posture ou qu’un selfie. C’est une marathonienne du
droit, une figure immortelle, une résistante, une héroïne : «
Wonder Woman » comme l’appellent les jeunes américains.
Aux États-Unis, Ruth Bader Ginsburg a
développé un héritage juridique sans précédent. En France,
Simone Veil, qui a entre autres imposé la loi sur l’avortement,
est entrée au Panthéon le 30 juin dernier. Des femmes de cette
trempe peuvent-elles encore exister aujourd’hui ?
Je pense que dans ce cas encore c’est
l’histoire d’une vision. Ces femmes travaillent sur le fond. Or,
les formes actuelles de communication sont précipitées. Je me
demande si la précipitation des informations ne détruit pas
lentement la pensée profonde, qui se pétrit, se travaille, se
mûrit. RBG, c’était ça, elle parle peu, elle réfléchit.
J’ignore qui peut reprendre le flambeau aujourd’hui. Mais en même
temps, Simone Veil, qu’on a beaucoup aimé et qu’on aime beaucoup
maintenant, n’était pas aussi célébrée à l’époque. «
Notorious RBG », c’est aussi la méthode à l’américaine, c’est
aussi le selfie, le média rapide, l’identité visuelle
contemporaine. Quand c’est à bon escient…
RBG souligne qu’elle se voyait comme
une enseignante de maternelle car les juges ne croyaient pas que les
inégalités entre les sexe existaient. S’agit-il finalement
toujours d’éduquer, d’éducation ?
Merveilleux! J’adore ce moment. Elle
était obligée d’utiliser des termes extrêmement basiques pour se
faire comprendre. Et c’est là sa plus grande force. Jean Rostand
disait que « quand on crie, on n’écoute pas ». Elle était
obligée d’agir ainsi, puisque la pensée simple d’une parité
homme femme, salariale, sociale, éducative, dans les années 60/70
n’était pas vraiment concevable. Ces hommes ne se doutent même
pas que cela puisse exister. Elle reprend donc le livre en tissu avec
le dessin du canard avec écrit canard au-dessus, pour reprendre une
éducation bien imparfaite. Mais si c’est hors de leur concept, ils
ont été aussi capables d’écouter et de comprendre. Et RBG a été
suffisamment intelligente pour avoir su se faire écouter.
Le film laisse une place importante à
son mari, Marty, un homme qui n’a pas eu peur d’épouser une
femme d’esprit, carriériste à la volonté inaltérable, et a même
qui a contribué à faire campagne pour la rendre populaire…
Je trouve cela bouleversant que son
mari ait participé au désir de justice hors norme de sa femme.
Qu’il ait même considéré qu’elle avait un destin peut-être
plus fort que le sien. Et comme RBG le répète, les hommes sont là
aussi. C’est le même principe que pour toute forme de, on n’a
pas besoin d’être noir, ou gay, pour s’engager aux côtés des
minorités discriminées . On n’est pas obligé d’être une femme
pour manifester pour les droits de la femme. Marty est également un
homme anticonventionnel pour son époque, et même pour la nôtre,
qui aimait l’esprit de cette femme autant que son apparence.
L’amour complet. Leur histoire est une très grande histoire
d’amour, forte, rare. C’est l’histoire de l’amour du combat,
pour les avancées sociales, pour le respect. Ruth a trouvé sa juste
place dans ce couple, grâce à cet homme. Il a tout simplement
compris que cette femme avait plus de choses à dire, plus d’avancées
à mettre en place que lui. C’est très net. Elle l’exprime
elle-même, il n’avait pas besoin de se prouver quoi que ce soit
car il était bien dans sa peau. Il n’avait pas de problème de
place. C’est souvent l’inquiétude des hommes. Mais cet homme ne
s’est pas senti fragile ni menacé. Sa réussite, est aussi leur
réussite à tous deux. Leur place respective est parfaitement
assumée : il est extraverti, drôle, sociable, elle est timide,
réservée. C’est un couple exceptionnel. RBG demande que chacun
ait une place d’égalité. Cela ne signifie pas que tout le monde
est identique, mais plutôt que chacun ait la même chance et le même
éventail des possibles. J’aime qu’elle pose naïvement la
question : pourquoi tant inégalité de disparités sociales entre
les femmes et les hommes ?
Nommée à la Cour d’appel par Jimmy
Carter, à la Cour Suprême par Bill Clinton, elle représente
aujourd’hui le dernier bouclier contre le gouvernement ultra
conservateur de Donald Trump, qu’elle a traité d’imposteur avant
d’être contrainte de regretter ses paroles. Si elle quitte son
siège, elle donnerait la main aux conservateurs…
Ce qui inquiète cette femme, ce n’est
pas de mourir, mais de ne plus pouvoir défendre ses concitoyens et
la justice. C’est ce qui l’inquiète et ce qui la guide. Depuis
qu’elle a perdu Marty, son âme sœur, il lui reste maintenant à
défendre l’humanité comme elle l’a toujours fait. Mais il ne
lui reste plus que ça. Elle se demande aujourd’hui « Si je ne
suis plus là, qui le fera ? ».
Qu’est-ce qui vous a le plus touché
dans ce film ?
Tout me touche à divers degrés.
L’amour plein et serein de ce couple. Leur amour de l’humanité.
La petite histoire est admirable, en résonnance avec la grande. Ce
qui n’est pas toujours le cas. Dans le couple Simone Veil on
pouvait entrevoir cet accord là. C’est extraordinaire. L’avancée
est aussi faite à deux, et c’est bouleversant. L’humanité,
c’est ce qui ressort de ce documentaire. Et la chance que les
américains aient pu être, et soient encore, défendus avec tant de
passion et d’honnêteté par RBG.
Source et copyright des notes de production @ L'Atelier Distribution
#RBG
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