mardi 11 septembre 2018

RBG


Documentaire/Lumineux, passionnnant, drôle et émouvant

Réalisé par Betsy West & Julie Cohen
Avec Ruth Bader Ginsburg, Gloria Steinem, Nina Totenberg...

Long-métrage Américain
Durée : 01h37mn
Année de production : 2018
Distributeur : L'Atelier Distribution 

Date de sortie sur nos écrans : 10 octobre 2018


Résumé : A 85 ans, RUTH BADER GINSBURG, est devenue une icône de la pop culture . Juge à la cour suprême des Etats-Unis, elle a construit un incroyable héritage juridique. Guerrière, elle s'est battue pour l'égalité hommes/femmes, et toutes formes de discrimination. Son aura  transgénérationnelle dépasse tous les clivages, elle est aujourd'hui l'une des femmes les plus influentes au monde et le dernier rempart anti-Trump. Betsy West et Julie Cohen nous font découvrir la fascinante vie de celle que l'on nomme désormais  "Notorious RBG"  .

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé RBG a été présenté en avant-première lors du 44ème Festival du Film Américain de Deauville.


Introduction du film, par sa co-réalistrice Betsy West, lors de sa projection au Festival Du Film Américain de Deauville le 8 septembre 2018

RBG est un documentaire, co-réalisé et co-produit par Betsy West et Julie Cohen, absolument réussi. Son sujet : une femme. Il s'agit de Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour suprême des États-Unis. Cette dame vous est peut-être inconnue. Si c'est le cas, je vous recommande vivement d'aller la découvrir dans ce film qui adresse sa notoriété, de façon assez drôle, et surtout son éminent travail effectué au niveau de la loi pour favoriser l'égalité des droits hommes/femmes aux États-Unis.



Les deux réalisatrices portent un regard plein de tendresse et d'admiration sur cette femme brillante et discrète qui n'a cessé de bousculer les idées machistes (et pas seulement vis-à-vis des femmes comme il est démontré très adroitement), sans grand big bang, mais avec une ténacité et une pugnacité qui laisse pantois. Elle a affronté les idées reçues, les obstacles infranchissables avec un calme incroyable. Elle représente le féminisme dans ce qu'il a de plus juste et aussi de plus réaliste sur le rôle que les hommes doivent y jouer. Car c'est aussi sur ceux qui ont souhaité les changements qu'elle s'est appuyée et ils ont participé à sa réussite. 


Ce portrait retrace le parcours de Ruth Bader Ginsburg, fait intervenir sa famille, ses amis ainsi que des collègues ou des personnes connues pour la décrire en tant que femme et en tant que professionnelle. Les réalisatrices relatent l'impact de son travail avec une grande pédagogie. Il en ressort un documentaire passionnant et lumineux. La juge Ruth Bader Ginsburg est une inspiration pour tous et découvrir cette femme, toute frêle, affronter des foules avec son esprit vif, ses arguments solides et sa certitude que ce combat peut et doit être mené est revigorant. 





RBG est extrêmement solide dans sa construction, il est drôle et émouvant dans son traitement, il est enthousiasmant par son sujet et il nous apprend beaucoup de faits qui méritent d'être connus. Ai-je encore besoin de vous convaincre ?

Copyright photos @ L'Atelier Distribution
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

NOTE DES RÉALISATRICES

Il y a trois ans, en janvier 2015, nous avons eu l’idée de réaliser un film documentaire sur Ruth Bader Ginsburg. Nous avions déjà, chacune de notre côté, interviewé la juge pour divers projets, et nous avions admiré son travail innovant en faveur des droits des femmes. Mais c’était avant qu’elle devienne une rock star octogénaire, « Notorious RBG » (la célèbre RBG). La génération Y vante ses louanges sur Twitter et Tumblr et s’approvisionne en tee-shirts et tote bags à son effigie, certains allant même jusqu’à se faire tatouer son visage en gros et en couleur. Un jour, en évoquant le phénomène RBG, nous nous sommes tournées l’une vers l’autre et nous nous sommes dit : « Il faut absolument qu’on réalise un documentaire sur la juge Ginsburg, là tout de suite. »

Dans ces discussions en amont, nous disions souvent que RBG « vivait son moment de gloire. » Ce que nous n’avions pas bien saisi, c’était que ce moment allait prendre de plus en plus d’importance alors même que nous relations sa vie extraordinaire.

Avec une équipe de femmes aux postes de création et de production, nous avons commencé le tournage en juin 2016, en faisant notre possible pour suivre l’emploi du temps chargé de notre juge. Nous l’avons filmée à son travail, en vacances en famille et pendant ses séances de sport avec son coach personnel. Nous avons également retrouvé les histoires extraordinaires des clients qu’elle a représentés lorsqu’elle était jeune avocate et qu’elle plaidait devant la Cour suprême dans les années 1970. À l’époque, la discrimination envers les femmes était tout à fait légale. La remarquable stratégie juridique de RBG a abouti à cinq décisions révolutionnaires qui ont permis des grandes avancées pour l’égalité homme-femme devant la loi.

En tant que femmes, nous avons débuté nos carrières respectives dans l’information télévisuelle après l’influence de RBG qui a changé le monde des femmes actives, et nous nous sommes rendues compte du chemin parcouru. Et pourtant, pendant le tournage du film, un certain nombre d’hommes puissants sont apparus comme des agresseurs sexuels, ce qui nous montre le chemin qu’il nous reste encore à parcourir.

Nous avons pris à cœur l’approche de la juge Ginsburg face au sexisme et à l’adversité. Quand, après être sortie major de sa promotion à la faculté de droit, elle n’a pas trouvé d’emploi, elle s’est rappelée le conseil de sa mère : la colère est une perte de temps. Finalement, elle a pu mettre à profit ses impressionnantes compétences juridiques pour se battre pour les droits des femmes – un combat qu’elle mène depuis cinq décennies.

L’engagement inébranlable de la juge Ginsburg perdure, non seulement pour l’égalité des sexes mais aussi pour les institutions démocratiques qui protègent les droits de tous les citoyens. Pas étonnant qu’elle soit une icône de la génération Y.

Rencontrer RBG en chair et en os est une expérience intense. Sa voix est douce, mais son vocabulaire est si limpide et choisi avec soin, qu’on se rapproche d’elle, fascinées. Après l’élection de Donald Trump, la réaction la plus fréquente lorsque nous expliquions le sujet du film, était : “Comment se porte-t-elle ? Est-ce qu’elle va bien ?” Nous voulons que les spectateurs voient par eux-mêmes la « Notorious RBG » en action – veillant tard le soir pour écrire ses contestations cinglantes et faire des planches, des squats et des pompes qui la maintiennent en forme pour faire le métier qu’elle adore.

– Betsy West et Julie Cohen  

RUTH BADER GINSBURG JUGE À LA COUR SUPRÊME DES ÉTATS-UNIS

Ruth Bader Ginsburg est née à Brooklyn, dans l’État de New York, le 15 mars 1933. Elle a épousé Martin D. Ginsburg en 1954 et a eu deux enfants, une fille, Jane, et un fils, James. Elle est diplômée de Cornell, elle a étudié le droit à Harvard et a obtenu une licence à Columbia. Elle a été clerc pour l’honorable Edmund L. Palmieri, juge à la cour fédérale du district sud de New York, de 1959 à 1961. De 1961 à 1963, elle a été associée de recherche puis directrice adjointe du Projet de la faculté de droit Columbia sur la Procédure Internationale. Elle a été professeur de droit à la faculté de Rutgers de 1963 à 1972, et à la faculté de Columbia entre 1972 et 1980, et chercheuse au Centre des études avancées des sciences comportementales à Stanford, en Californie, de 1977 à 1978. En 1971, elle a joué un rôle important dans le lancement du « Projet des droits des femmes » de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), elle a également été avocate pour l’ACLU de 1973 à 1980, et pour le Conseil d’administration national de 1974 à 1980. Elle a été nommée juge à la cour d’appel du district de Columbia en 1980. Le président Clinton l’a nommée juge à la Cour suprême, elle a pris ses fonctions le 10 août 1993.

RUTH BADER GINSBURG LES GRANDES VICTOIRES DE SA CARRIÈRE  POUR L’ÉGALITÉ DES SEXES : 

Reed v. Reed (1971) Ruth Bader Ginsburg a écrit le résumé de cette affaire concernant les droits des femmes qui a fait jurisprudence. Ruth Ginsburg et son équipe ont convaincu la Cour suprême d’annuler une loi de l’Idaho stipulant que « les hommes doivent être préférés aux femmes » en tant qu’exécuteurs testamentaires.

Frontiero v. Richardson (1973) Pour sa première plaidoirie devant la Cour suprême, Ruth Ginsburg et son confrère ont convaincu la Cour de casser une loi fédérale discriminatoire. Ruth Ginsburg a obtenu pour sa cliente, une femme mariée membre de l’armée de l’air américaine, des allocations logement équivalentes à celles d’un pilote marié.

Weinberger v. Wiesenfeld (1975) Dans cette affaire, Ruth Ginsburg a démontré que les hommes aussi subissaient les conséquences des lois discriminatoires en raison du sexe. Représentant un veuf, père d’un petit garçon, elle a plaidé avec succès le fait que les veufs devraient bénéficier des mêmes allocations que les veuves.

Duren v. Missouri (1979) Suite à la plaidoirie percutante de Ruth Ginsburg, la Cour suprême a décidé qu’une loi du Missouri autorisant uniquement les femmes à choisir de ne pas remplir la fonction de juré était contraire à la constitution, niant aux défendeurs leur droit au 6e amendement d’être jugé par un jury reflétant un échantillon représentatif de leur communauté.

United States v. Virginia (1996) Pour sa première affaire portant sur les droits des femmes en tant que juge à la Cour suprême, Ruth Bader Ginsburg écrivait l’opinion majoritaire qui fit jurisprudence. Avec une décision à 7 voix contre 1, la Cour a invalidé la règle d’admission de l’Institut militaire de Virginie uniquement réservée aux hommes et a conclu que les règles gouvernementales qui discriminent en raison du sexe devraient être considérées comme anticonstitutionnelles.


Sessions v. Morales-Santana (2017) La juge Ginsburg est à l’origine de la décision de l’opinion majoritaire qui a déclaré inconstitutionnelles une mesure de la Loi sur l’immigration et la nationalité concernant la nationalité des enfants nés à l’étranger de parents non mariés et dont un seul est citoyen américain. La décision a annulé la mesure qui donnait la nationalité aux enfants de femmes non américaines qui ont vécu aux États-Unis pendant un an, alors qu’on demandait aux pères non américains d’être résidents depuis cinq ans. Elle a écrit que cette distinction juridique entre hommes et femmes « était extrêmement anachronique. »  

CONTESTATIONS CLÉ : 

Shelbv County v. Holder (2013) Quand la Cour suprême a invalidé une mesure de la loi sur le droit de vote de 1965, en disant qu’il n’était plus nécessaire d’éviter la discrimination contre les votants africains américains, Ruth Ginsburg a écrit une contestation cinglante. La décision de la Cour suprême revenait, a-t-elle écrit, à « jeter son parapluie pendant un orage parce que vous ne prenez pas la pluie. » 

Burwell v. Hobby Lobby (2014) La juge Ginsburg était contre l’opinion majoritaire qui autorisait une entreprise familiale à refuser de fournir une couverture d’assurance pour des contraceptifs, pour des raisons religieuses. « Le tribunal, je le crains, s’est aventuré sur un terrain miné » a écrit Ruth Ginsburg, qui pourrait ouvrir la voie au refus des employés de couvrir l’anesthésie, la transfusion sanguine et les antidépresseurs. 

Lilly Ledbetter v. Goodyear (2007) Le contestation de la juge Ginsburg dans cette affaire a conduit à une nouvelle loi avec un fort impact pour les travailleuses américaines. Le tribunal a statué que, même si Lilly Ledbetter, employée chez Goodyear, avait été sous-payée parce qu’elle était une femme, elle n’avait pas droit aux indemnités parce qu’elle avait trop attendu pour porter plainte. Dans sa contestation, Ruth Ginsburg a écrit que « le tribunal ne comprend pas ou est indifférent à la façon insidieuse dont les femmes peuvent être victimes de la discrimination salariale. » Elle continue, « La balle est dans le camp du Congrès. » Sans surprise, le Congrès a rapidement adopté la Loi Lilly Ledbetter sur l’égalité salariale, garantissant aux femmes ayant souffert d’une discrimination salariale longue durée le droit d’attaquer en justice. 

Bush v. Gore (2000) Quand le tribunal a décidé d’arrêter le recomptage du vote contesté de la Floride lors des élections de 2000, faisant ainsi de George W. Bush le Président des États-Unis, la juge Ginsburg a écrit son désaccord. Utilisant un langage courtois et technique, Ruth Ginsburg a déclaré que la majorité favorisait le parti républicain aux dépens du principe bien établi du droit des États. 

Gonzales v. Carhart (2007) La Cour suprême a statué qu’une interdiction du Congrès sur « les avortements à mi-parcours » n’était pas contraire à la Constitution même si elle n’offrait pas d’exception pour des procédures nécessaires à la protection de la santé de la mère. Dans sa contestation cinglante, Ruth Ginsburg a écrit que les défis juridiques pour les droits à l’avortement « sont centrés sur l’autonomie d’une femme à déterminer le cours de sa vie, et donc de jouir d’une égalité de statut citoyen. »  

Rencontre avec ZABOU BREITMAN, la voix française de RBG.

Connaissiez-vous cette femme discrète, chignon apprêté, voix toujours calme et posée, et d’une intelligence éblouissante?

Oui, je connaissais RBG car ma fille vit aux États-Unis. Tout le monde parle d’elle outre-Atlantique. Je savais qu’elle officiait à la Cour Suprême et qu’elle avait beaucoup œuvré pour les droits de la femme et contre toutes formes d’inégalités. Ma fille gère le recrutement dans une start-up et fait toujours très attention à la parité et à la diversité. Ruth Bader Ginsburg est très inspirante pour ces générations.

Le film marque le 25e anniversaire de sa nomination en tant que deuxième femme juge à la Cour Suprême des États-Unis. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de prêter votre voix à cette pionnière féministe ?

C’est une icône, parvenue à changer le cadre légal américain dès son accession, tout en s’imposant dans la pop culture. Elle est l’image d’une réussite intellectuelle et professionnelle au plus haut degré, comme cela peut arriver en Amérique, dans ces plus forts contrastes. Être l’ambassadrice d’un documentaire aussi beau inspirant, réalisé avec une grande délicatesse sur une femme aussi merveilleuse, c’est assez rare pour ne pas passer à côté d’un tel cadeau. Qui n’aurait pas eu envie d’y contribuer ? Et c’est un réel plaisir de la faire découvrir à tout le monde et en France.

Dès l’ouverture ultra-rythmée, cette femme de 85 ans a l’aura d’une rock star. Les images tranchent avec la discrétion intrinsèque de ces neuf juges de la Cour Suprême, quasiment inconnus des Américains et plus encore en France justement. Comment avez-vous appréhendé votre travail de doublage ?

Mon travail relève davantage de la voice-over ; ma voix passe par-dessus la sienne. J’ai toujours fait très attention à la laisser démarrer Ruth Bader Ginsburg et qu’on entende la fin de ses phrases. Il était important de rester à l’intérieur, ce qui n’est pas évident car le français est plus long que l’anglais. J’ai tenté d’être à la fois dans son sentiment, de respecter ses hésitations lorsqu’elle cherche ses mots, ou plutôt qu’elle hésite à choisir le plus opportun. Nous avons également recherché, quasiment traqué, certains termes précis pour les traductions. Nous nous sommes évertués à rester au plus près de l’adaptation des mots et de la pensée. Cette femme est très sobre, dans son comportement comme dans ses mots. Elle a une pensée droite, comme une flèche. On comprend pourquoi ses adversaires masculins n’en menaient pas large lors des procès. Elle est tellement brillante et rapide : elle écoute. Elle évalue. Elle trouve son angle d’attaque parce qu’elle est en retrait. Nous avons eu des difficultés à traduire les « small talks », qui n’est pas tout à fait « papotage ». Cela signifie surtout ces bavardages superflus, futiles. Elle évite ces bavardage sans fond, elle reste dans l’essence de la pensée. Être au plus juste et faire attention au sujet étaient donc primordial.

« Je ne demande aucune faveur selon mon sexe. Tout ce que je demande de nos confrères, c’est d’ôter leurs pieds de notre nuque ». Cette citation prononcée semble encore d’actualité. Quel est votre sentiment ?

C’est une citation forte mais RBG dit surtout que la discrimination de genre n’aide pas les femmes à être sur un piédestal, ça les enferme dans une cage. Ces deux phrases sont absolument fondamentales, elles disent ce qu’elles veulent dire et on ressent l’évolution entre les deux. Ce qu’elle cite de Sarah Grimké est clair, mais j’ai plus de réaction sur le piédestal et la cage. La première est très frontale ; on parlait d’une certaine manière et la pensée a eu l’occasion et l’heure de s’affirmer. Quand elle prononce « loin de mettre les femmes sur un piédestal, ça les conserve dans une cage », c’est une pensée d’aujourd’hui, qui sous-tend l’idée « C’est jolie une femme, c’est comme une belle voiture! ». C’est beaucoup plus pernicieux. Dans le premier cas, ça signifie « ils nous font du mal », dans le second « attention, ils ne nous font pas du bien ». Cette nuance est terrible. Sous couvert de faire du bien, on enferme quelqu’un. C’est vraiment intéressant car elle la prononce quand elle est nommée à la Cour Suprême pour défendre sa cause sur la discrimination de genre, la « gender line », expression qui a été d’ailleurs difficile à traduire pour expliquer la frontière entre les sexes.

Ce documentaire sort à un moment opportun, à l’ère des mouvements #MeToo et Time’s Up. La société a-t-elle plus que jamais besoin d’icônes, d’héroïnes et de dissidentes pour faire évoluer les mentalités discriminatoires et renverser les préjugés sexistes ?

Oui, bien sûr. Pour moi, ce documentaire est surtout très stimulant. Il fait du bien. On se sent meilleur après la vision de ce film, en suivant cette femme bienveillante, forte, les gens comme elle, peu nombreux, sont capables de vous inspirer de vous rendre fort et capables à votre tour d’accomplir quelque chose d’utile, d’humain. C’est la raison pour laquelle les jeunes l’aiment tant aux États-Unis. On voit en elle sa jeunesse et ses convictions, intouchées, intouchables. Elle est guidée par une pensée de fond, plus droite, plus honnête et plus fondamentale qu’une politique à court terme, qu’une posture ou qu’un selfie. C’est une marathonienne du droit, une figure immortelle, une résistante, une héroïne : « Wonder Woman » comme l’appellent les jeunes américains.

Aux États-Unis, Ruth Bader Ginsburg a développé un héritage juridique sans précédent. En France, Simone Veil, qui a entre autres imposé la loi sur l’avortement, est entrée au Panthéon le 30 juin dernier. Des femmes de cette trempe peuvent-elles encore exister aujourd’hui ?

Je pense que dans ce cas encore c’est l’histoire d’une vision. Ces femmes travaillent sur le fond. Or, les formes actuelles de communication sont précipitées. Je me demande si la précipitation des informations ne détruit pas lentement la pensée profonde, qui se pétrit, se travaille, se mûrit. RBG, c’était ça, elle parle peu, elle réfléchit. J’ignore qui peut reprendre le flambeau aujourd’hui. Mais en même temps, Simone Veil, qu’on a beaucoup aimé et qu’on aime beaucoup maintenant, n’était pas aussi célébrée à l’époque. « Notorious RBG », c’est aussi la méthode à l’américaine, c’est aussi le selfie, le média rapide, l’identité visuelle contemporaine. Quand c’est à bon escient…

RBG souligne qu’elle se voyait comme une enseignante de maternelle car les juges ne croyaient pas que les inégalités entre les sexe existaient. S’agit-il finalement toujours d’éduquer, d’éducation ?

Merveilleux! J’adore ce moment. Elle était obligée d’utiliser des termes extrêmement basiques pour se faire comprendre. Et c’est là sa plus grande force. Jean Rostand disait que « quand on crie, on n’écoute pas ». Elle était obligée d’agir ainsi, puisque la pensée simple d’une parité homme femme, salariale, sociale, éducative, dans les années 60/70 n’était pas vraiment concevable. Ces hommes ne se doutent même pas que cela puisse exister. Elle reprend donc le livre en tissu avec le dessin du canard avec écrit canard au-dessus, pour reprendre une éducation bien imparfaite. Mais si c’est hors de leur concept, ils ont été aussi capables d’écouter et de comprendre. Et RBG a été suffisamment intelligente pour avoir su se faire écouter.

Le film laisse une place importante à son mari, Marty, un homme qui n’a pas eu peur d’épouser une femme d’esprit, carriériste à la volonté inaltérable, et a même qui a contribué à faire campagne pour la rendre populaire…

Je trouve cela bouleversant que son mari ait participé au désir de justice hors norme de sa femme. Qu’il ait même considéré qu’elle avait un destin peut-être plus fort que le sien. Et comme RBG le répète, les hommes sont là aussi. C’est le même principe que pour toute forme de, on n’a pas besoin d’être noir, ou gay, pour s’engager aux côtés des minorités discriminées . On n’est pas obligé d’être une femme pour manifester pour les droits de la femme. Marty est également un homme anticonventionnel pour son époque, et même pour la nôtre, qui aimait l’esprit de cette femme autant que son apparence. L’amour complet. Leur histoire est une très grande histoire d’amour, forte, rare. C’est l’histoire de l’amour du combat, pour les avancées sociales, pour le respect. Ruth a trouvé sa juste place dans ce couple, grâce à cet homme. Il a tout simplement compris que cette femme avait plus de choses à dire, plus d’avancées à mettre en place que lui. C’est très net. Elle l’exprime elle-même, il n’avait pas besoin de se prouver quoi que ce soit car il était bien dans sa peau. Il n’avait pas de problème de place. C’est souvent l’inquiétude des hommes. Mais cet homme ne s’est pas senti fragile ni menacé. Sa réussite, est aussi leur réussite à tous deux. Leur place respective est parfaitement assumée : il est extraverti, drôle, sociable, elle est timide, réservée. C’est un couple exceptionnel. RBG demande que chacun ait une place d’égalité. Cela ne signifie pas que tout le monde est identique, mais plutôt que chacun ait la même chance et le même éventail des possibles. J’aime qu’elle pose naïvement la question : pourquoi tant inégalité de disparités sociales entre les femmes et les hommes ?

Nommée à la Cour d’appel par Jimmy Carter, à la Cour Suprême par Bill Clinton, elle représente aujourd’hui le dernier bouclier contre le gouvernement ultra conservateur de Donald Trump, qu’elle a traité d’imposteur avant d’être contrainte de regretter ses paroles. Si elle quitte son siège, elle donnerait la main aux conservateurs…

Ce qui inquiète cette femme, ce n’est pas de mourir, mais de ne plus pouvoir défendre ses concitoyens et la justice. C’est ce qui l’inquiète et ce qui la guide. Depuis qu’elle a perdu Marty, son âme sœur, il lui reste maintenant à défendre l’humanité comme elle l’a toujours fait. Mais il ne lui reste plus que ça. Elle se demande aujourd’hui « Si je ne suis plus là, qui le fera ? ».

Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans ce film ?

Tout me touche à divers degrés. L’amour plein et serein de ce couple. Leur amour de l’humanité. La petite histoire est admirable, en résonnance avec la grande. Ce qui n’est pas toujours le cas. Dans le couple Simone Veil on pouvait entrevoir cet accord là. C’est extraordinaire. L’avancée est aussi faite à deux, et c’est bouleversant. L’humanité, c’est ce qui ressort de ce documentaire. Et la chance que les américains aient pu être, et soient encore, défendus avec tant de passion et d’honnêteté par RBG.  

Source et copyright des notes de production @ L'Atelier Distribution

#RBG

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