mercredi 26 août 2020

DANS UN JARDIN QU'ON DIRAIT ÉTERNEL


Drame/Un film délicat

Réalisé par Tatsushi Omori 
Avec Haru Kuroki, Mikako Tabe, Kiki Kirin, Mayu Harada, Saya Kawamura, Megumi Takizawa, Mayu Tsuruta, Mizuki Yamashita... 

Long-métrage Japonais 
Titre original : Nichinichi Kore Kôjitsu 
Durée: 01h40mn 
Année de production: 2018 
Distributeur: Art House 

Date de sortie sur nos écrans : 26 août 2020


Résumé : Dans une maison traditionnelle à Yokohama, Noriko et sa cousine Michiko s’initient à la cérémonie du thé. D'abord concentrée sur sa carrière dans l’édition, Noriko se laisse finalement séduire par les gestes ancestraux de Madame Takeda, son exigeante professeure. Au fil du temps, elle découvre la saveur de l’instant présent, prend conscience du rythme des saisons et change peu à peu son regard sur l’existence. Michiko, elle, décide de suivre un tout autre chemin.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : ce long-métrage s'inspire du roman La cérémonie du thé de l'autrice Noriko Morishita. Le réalisateur, Tatsushi Omori, également scénariste de ce film, nous convie à l’apprentissage du rituel du thé avec ces multiples gestes et ses étapes bien ordonnées. Par sa mise en scène minimaliste et fine, centrée sur ses personnages et leurs gestes, il ne se contente pas de nous guider au travers d'une cérémonie ancestrale avec ses codes et ses règles, il met aussi en exergue ces petites choses que l'on ne remarque plus dans notre quotidien pressé et bruyant, mais qui sont pourtant de petits riens qui mènent à une forme de paix intérieure si on leur consacre suffisamment d’attention. Ainsi, au travers d'un aspect culturel très fort, il universalise sa narration pour parler à tous, avec une grande délicatesse, de l'écoute, du ressenti, du toucher, ainsi que des émotions qui nous transpercent et avec lesquelles nous devons apprendre à cohabiter. 

Il met face à face l'énergie virevoltante de la jeunesse et la sagesse de la vieillesse, puis il unit l'apprentissage et la transmission. Il nous montre le ballet des mouvements, la beauté des petites pâtisseries illustratives d'un instant temporel furtif et porteuses de promesses de délices, les phrases sages qui viennent ponctuer les saisons qui s'égrènent, l’élégance des tenues traditionnelles… 

Le ton est parfois léger, voir insouciant, parfois dramatique, mais il demeure toujours lumineux. L'harmonie joyeuse et enlevée de la musique du compositeur Hiroko Sebu vient compléter ce récit avec douceur.

Noriko, la jeune femme dont on suit le parcours intérieur, est interprétée par Haru Kuroki. L’actrice est crédible dans tous les âges que sa protagoniste traverse. Grâce à son interprétation, les doutes et le manque de confiance qui assaillent Noriko tout au long de son parcours deviennent palpables.


Maître Takeda est interprétée par la regrettée Kiki Kirin, dont c’est ici le dernier rôle au cinéma ce qui le rend encore plus émouvant. Entre regards scrutateurs et exigeants, bienveillance et expérience de vie, cette magnifique actrice amène une grande justesse et une belle sensibilité à ce rôle.



Michiko, la cousine dynamique, qui prend le chemin tracé par la société, est interprétée par Mikako Tabe.


Copyright photos @ Art House

DANS UN JARDIN QU'ON DIRAIT ÉTERNEL est un film qui aborde, sans en avoir l’air a priori, des sujets profonds. Son réalisateur choisit d’aligner son rythme calme et posé avec le rituel qu’il nous fait découvrir, le but étant de prouver que la patience est une vertu qui apporte des bienfaits. En adhérant à cette notion, on sort de la séance bien récompensé par cette parenthèse philosophique, zen et touchante.

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Le jour de la projection du film, la pâtisserie TOMO avait installé un îlot thématique pour une démonstration très professionnelle et sérieuse nous permettant de découvrir le thé Matchâ, une boisson aux nombreux bienfaits. TOMO propose des ateliers pour découvrir des douceurs culinaires japonaises.













Pour compléter cette expérience bien agréable, nous avons également pu feuilleter deux livres sur le thé.



NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

Dans une maison traditionnelle à Yokohama, Noriko et sa cousine Michiko s’initient à la cérémonie du thé. D’abord concentrée sur sa carrière dans l’édition, Noriko se laisse finalement séduire par les gestes ancestraux de Madame Takeda, son exigeante professeure. Au fil du temps, elle découvre la saveur de l’instant présent, prend conscience du rythme des saisons et change peu à peu son regard sur l’existence. Michiko, elle, décide de suivre un tout autre chemin.

Une ode à l’apaisement et à ces petites choses qui font le sel de l’existence Madame Takeda est de celles qui ré-enchante le monde et sait écouter aussi bien les murmures du thé qui frémit que ceux du cœur des hommes. Tandis que le retour des beaux jours porte les habitants sur les plages de Yokohama ou dans les bars karaoké, elle fait le choix de la constance – « chaque journée est une belle journée », alors pourquoi chercher à combler l’existence par une frénésie trop humaine ? Son enseignement de l’art du thé lui a déjà beaucoup dit des soifs intérieures et de la manière de s’emplir, sans débordements, de cette matière chaude et savoureuse qu’on nomme aussi la vie. Et quel enseignement ! 

Captivant et hypnotique, il gorge d’importance tout ce qui pourrait ne pas en avoir. Ou en avoir trop, au point que l’analyse peut parfois prendre le dessus sur le lâcher-prise. La fluidité des gestes de Madame Takeda, du pliage d’une simple serviette à la finesse de ses pâtisseries, n’a ainsi pas d’équivalent. Sans parler de la fascination qu’exerce forcément la découverte d’un rituel riche et passionnant, dont la vieille dame fait don avec sagesse.
La cérémonie du thé n’est qu’un prétexte ou presque, lorsque le film rejoint la quête de la jeune Noriko pour chercher à comprendre le sens profond de sa vie. Sa cousine Michiko, elle, préfère foncer dans l’existence sans prendre le temps du recul. Elle rêve de voyages, d’amour, d’une famille à fonder, elle est le Japon d’aujourd’hui… Noriko admire cette insolence téméraire que sa timidité naturelle l’empêche d’appliquer. Sans idée du futur, elle se rend chaque samedi chez Madame Takeda pour apprendre le temps qui passe. Les saisons. S’inscrivant dans une tradition toute japonaise, elle apprivoise peu à peu le sentiment d’éternité, où le respect de soi et des autres communient. 24 ans plus tard, à l’heure du bilan, sa cousine Michiko, par son désir de modernité, n’a-t-elle pas reproduit un schéma autrement ancestral ? Noriko, elle, s’est vue capable de faire les mêmes choses, chaque année, de la même manière, petit à petit détachée de l’angoisse du quotidien. Est-ce maintenant que tout commence ?

Plus qu’un récit initiatique de transmission entre générations, ce film apprend à mettre des suppléments d’âme dans nos actes, pour atteindre à une plus grande liberté. Sa force est de rester aussi humble que l’enseignement de Madame Takeda. Les mouvements de la caméra, aériens, rejoignent ceux de la vieille dame dans une osmose douce et sensible. Au beau milieu de ce jardin, hors du temps, l’image de Kirin Kiki, aux yeux rieurs, semble immuable. Dans un jardin qu’on dirait éternel l’honore une dernière fois autant qu’il sublime nos petites existences. Il ne tient donc qu’à nous d’infuser le monde, d’y déployer nos saveurs. Et de déguster cette tasse de thé, revigorante !

KIRIN KIKI

Kirin Kiki, muse aux cheveux d’argent de Hirokazu Kore-eda ( Une affaire de famille, 2018) et icône du cinéma japonais (Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase en 2015), incarne ici une Maître de thé qui symbolise à la perfection les leçons de vie qu’elle dispense. Quel plus bel hommage que ce film où le temps, une fois apprivoisé, permet d’accéder à un univers de spiritualité, harmonieux et paisible, à une forme d’éternité ? 

Kirin Kiki nous a quittés en septembre 2018 mais est rayonnante dans son dernier film.
Au fil d’une carrière marquée par d’innombrables succès, Kirin Kiki aura fini par faire de son âge une marque de fabrique. Incarnation de la grand-mère idéale, c’est sa façon d’affronter l’intimité avec la mort qui aura marqué les esprits. Une bataille plus que décennale et médiatiquement assumée avec son cancer du sein ont forgé chez elle une franchise rare (montrant par exemple ses scans à des producteurs pour décliner une nouvelle offre de film) et un détachement facilitant ses adieux : « Une leçon importante que m’a appris la maladie est que mon corps physique n’est pas vraiment le mien »,  dira-t-elle. Ce grand départ n’est que le point culminant d’une vie vécue pleinement. Promise à un brillant avenir pharmaceutique, elle rate son concours à l’université mais répond par hasard à un casting. Dix ans de théâtre shingeki débutent. Ses dettes la poussent à accepter les offres les mieux payées puis son succès lui permettra de passer de publicité en film télévisé et de film télévisé en long-métrage, et de s’assurer une grande longévité à l’écran.

Tout au long de sa vie, ses choix et sa façon de parler d’elle sans détours lui auront valu quelques sourcils froncés. Son mariage en 1973 avec Yuya Ushida, grand nom du rock psychédélique japonais et ami de John Lennon, n’est pas conventionnel : après deux ans et une fille, le couple décide de « vivre séparés ensemble », une union désunie qui durera jusqu’à la fin. Déconcertante, elle vend aux enchères son propre nom. Lors d’une émission télévisée, on lui demande quelque chose de cher qui lui appartient : n’ayant « rien d’autre à vendre », elle cède son premier nom de scène, Chiho Yūki, et se rhabille du pseudonyme Kirin Kiki, trouvé au gré du dictionnaire. À l’écran et en dehors, elle ne cessera de nous donner des leçons de cinéma, de vie vécue à pleines dents, entre humilité et affirmation de soi.

HARU KUROKI

Si l’actrice démarre sa jeune carrière dès 21 ans, c’est trois ans plus tard qu’elle acquiert une reconnaissance internationale grâce à son Ours d’argent de la meilleure actrice pour La Maison au toit rouge (2015). Son rôle de jeune fille en quête de sens au sein de Dans un jardin qu’on dirait éternel lui vaudra cette fois un immense succès dans son propre pays où le film a réuni plus de 1,3 millions de spectateurs.

LE MATCHA, UNE CULTURE À PART

Le matcha est un thé vert japonais en poudre, notamment associé à l’art du thé. Que ce soit à l’occasion d’une cérémonie ou de la visite d’un jardin, il est servi à l’aide une petite spatule en bambou (Chashaku) dans un grand bol en céramique (Chawan) puis préparé avec un fouet en bambou (Chasen). Il est généralement accompagné d’une pâtisserie (mochi, dorayaki…). La fabrication du matcha que l’on connaît aurait été mise au point au XVIIIème siècle à Uji, dans le département de Kyoto. L’histoire des thés en poudre remonte au IXème siècle à la Chine des Tang jusqu’à ce que le thé soit aujourd’hui devenu la deuxième boisson la plus bue dans le monde après l’eau. Son idéogramme (« Tcha ») est composé de ceux signifiant « herbe », « humain » et « arbre ». Ces trois éléments symbolisent l’harmonie entre l’Homme et la Nature. Le « matcha de tradition » présenté dans le film tire son authenticité de méthodes de production bien spécifiques. 

Les plants de thé sont ombragés avant la récolte, qui ne se fait qu’une fois par an - lors de la première récolte de printemps. Les feuilles cueillies sont ensuite séchées, puis moulues à une vitesse précise par une meule en pierre volcanique : il faut une heure… pour quarante grammes d’authentique matcha ! Ce long travail artisanal donne des arômes et un goût unique au matcha de tradition : puissant, onctueux, sans amertume mais avec une longue persistance.




À l’occasion de la sortie du film, la pâtisserie Tomo crée le matcha « Dans un jardin ».

La pâtisserie TOMO, spécialisée dans les douceurs de l’archipel, s’est associé à Yasu Kakegawa, sourceur-sommelier en thé pour proposer une sélection exigeante de thés japonais : artisanaux, de grande qualité et respectueux de l’environnement. L’un de leurs matcha a été baptisé « Dans un jardin » en l’honneur du film et vise à faire découvrir le matcha de tradition aux Français. Produit à Uji, il vous transporte au cœur des plantations de Kyoto, sans amertume ni astringence. Tout comme le café, le thé est presque toujours mélangé par les producteurs et les grossistes pour former des lots stables et peu coûteux. 

Les thés TOMO quant à eux sont le fruit du travail d’un seul producteur faisant pousser une variété unique, et cueillis uniquement lors de la première récolte de printemps. Leur qualité gustative et culturelle ainsi que leur traçabilité est entière. Le mot « matcha » étant peu protégé il est souvent utilisé abusivement et vous trouverez dans le commerce beaucoup de matcha qui ne respectent pas ces critères : moins mousseux, plus amers, ils n’offrent pas le même plaisir à la dégustation.


Source et copyright des textes des notes de production @ Art House

  
#DansUnJardinQuOnDiraitEternel

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