jeudi 21 novembre 2019

PROXIMA



Drame/Thriller/Action/De supers acteurs pour une histoire touchante, mais le scénario ne convainc pas sur tous les aspects 

Réalisé par Alice Winocour
Avec Eva Green, Matt Dillon, Sandra Hüller, Lars Eidinger, Jan Oliver Schroeder, Nancy Tate, Alexei Fateev...

Long-métrage Français/Allemand
Durée : 01h47mn
Année de production : 2019
Distributeur : Pathé

Date de sortie sur nos écrans : 27 novembre 2019



Résumé : Sarah est une astronaute française qui s'apprête à quitter la terre pour une mission d'un an, Proxima. Alors qu'elle suit l'entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d'hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.

Bande annonce (VOSTFR)



Ce que j'en ai pensé : découvert lors de l'édition 2019 du festival Utopiales, ce long-métrage a été introduit par Philippe Lux avant la projection.


Avec PROXIMA, la réalisatrice Alice Winocour nous fait suivre le parcours d'une femme astronaute et mère de famille. Elle a également écrit le scénario de ce film avec la participation de Jean-Stéphane Bron.

Le but affiché, tout à fait louable, est à la fois de mettre les femmes astronautes sur le devant de la scène, de proposer leur point de vue sur ce métier et, aussi, de souligner les épreuves supplémentaires, dans le cadre de ce travail, liées à la féminité ainsi qu'à la maternité. 

Elle ancre sa réalisation dans un réalisme tout à fait convaincant. On croit à cette préparation épuisante entachée par une culpabilité galopante de devoir laisser son enfant sur Terre alors qu'on se prépare à décoller pour les étoiles. Les relations entre les différents protagonistes instaurent une dynamique qui reste stable ou évolue en fonction des éléments qui cherchent à être accentués. Le film est fait avec beaucoup de sensibilité, sans tomber dans des travers héroïques inutiles. On apprécie les efforts pour placer la mise en scène dans des lieux réels et pour nous montrer les vraies conditions d'entraînement des hommes et femmes qui ont tourné leur vie vers l'espace. Ce sentiment est renforcé par la présence de Thomas Pesquet. On le voit peu, mais il confirme l'impression que les éléments présentés sont sérieux. Malheureusement, notre engouement est entamé par une scène complètement improbable, qui se veut certes touchante, mais qui remet en cause l'engagement même de l'héroïne, dans le dernier quart d'heure et qui casse le réalisme si habilement distillé jusque-là. Le voyage demeure intéressant, mais de ce fait, moins enthousiasmant. 

Eva Green est magnifique dans le rôle de Sarah, une femme exceptionnelle, qui doit tout mener de front. 





La petite fille de Sarah, Stella, est interprétée par Zélie Boulant, une jeune actrice mignonne et naturelle.




Matt Dillon interprète parfaitement l'archétype de l'astronaute qui met au défi sa collaboratrice féminine à cause de son genre et non de ses capacités.


Lars Eidinger interprète l'ex-mari de Sarah qui croit en elle, mais n'a pas sa langue dans sa poche.

Copyright photos © 2019 DHARAMSALA - DARIUS FILMS – PATHÉ FILMS - FRANCE 3 CINÉMA

PROXIMA a le mérite d'aborder un sujet peu traité et de le faire avec délicatesse ainsi qu'avec engagement. Il est dommage qu'une de ses scènes remette en cause l'ensemble de son autrement bon traitement. Il reste malgré tout touchant et très bien interprété.

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)


ENTRETIEN ALICE WINOCOUR

D’où est venue l’envie de PROXIMA, projet singulier et ambitieux dans le contexte du cinéma français ?

Depuis toute petite, je suis fascinée par le monde de l’espace, mais c’était plus une attirance poétique, un peu abstraite. Puis j’ai commencé à investiguer ce monde et j’ai été littéralement happée. J’ai commencé à rencontrer des entraîneurs qui préparent les astronautes, j’ai visité des lieux d’entraînement et j’ai pris conscience de la somme de travail et des années nécessaires pour apprendre à se séparer de la Terre. Le cinéma a peu montré cela. Dans les films les problèmes arrivent dans l’espace pas sur terre, mais la plus grande partie de la vie des astronautes est la préparation. Parfois certains ne partent jamais.

Comme pour chacun de mes films, je suis d’abord attirée par un univers et en chemin, je me rends compte que ce qui m’a poussée vers ce monde est lié à quelque chose d’intime. Pour parler de moi, j’ai besoin d’aller vers des mondes très lointains. L’intime ici, c’était le rapport entre mère et fille, ayant moi-même une fille de 9 ans. Je voulais explorer le processus de séparation entre une mère et sa fille, qui résonnait avec la séparation entre l’astronaute et la Terre.

Pourquoi avoir fait le choix d’une astronaute femme ?

Mon désir principal était de montrer une super-héroïne et une mère, dans le même corps. Le cinéma ne représente pas souvent ces deux états dans un même corps, comme si héroïne et mère étaient incompatibles. Les super-héroïnes sont toujours détachées des questions de maternité ou de féminité quotidienne. Une femme de la NASA m’a dit que son meilleur enseignement pour devenir astronaute avait été d’être mère ! Parce qu’une mère accomplit de multiples tâches en même temps. Une entraîneuse de l’Agence Spatiale Européenne, m’a confié que les astronautes hommes sont très fiers de parler de leurs enfants alors que les astronautes femmes ont plutôt tendance à cacher qu’elles sont mères comme si elles craignaient que ça les décrédibilise. Il y a cette idée dominante, qui est une construction sociale, selon laquelle la responsabilité d’un enfant incombe plus à la mère.

C’est la question féministe évoquée dans le film, montrer qu’une femme peut être à la fois une mère et une professionnelle de haut niveau.

Avez-vous revisionné des films sur l’espace, y compris pour faire quelque chose de différent ?

Quand je m’empare d’un sujet, j’essaye généralement de voir tous les films qui ont été faits dessus ! Mais en ce qui concerne l’espace, le cinéma américain a complètement saturé ce terrain.

Pour PROXIMA nous avons travaillé avec l’aide de l’Agence spatiale européenne et nous avons obtenu leur aide pour avoir la chance de tourner dans les vrais lieux où se préparent les astronautes du monde entier pour quitter la planète.

Des lieux qui n’avaient jamais été filmés  : le centre d’entrainement de Cologne, qui est la base de l’Agence Spatiale Européenne, la ville fermée de Star City près de Moscou, et enfin le Cosmodrome de Baikonour, une base militaire entourée de check points, seul endroit d’où partent vraiment les fusées pour atteindre la Station spatiale internationale.

Il n’y a donc aucune maquette, ni décors recréés. Tous les lieux sont réels jusqu’aux chambres des astronautes, dans le Prophilactorium, le bâtiment où habitent les astronautes à Star City, et où nous tournions, à côté des astronautes qui étaient en résidence, en totale immersion.

Dans les films hollywoodiens, l’astronaute est au bord du surhumain, alors que j’ai découvert au cours du travail avec l’ESA qu’il n’y a rien de plus humain et fragile que les astronautes. Se confronter à l’espace, c’est faire l’expérience de la fragilité humaine et réaliser à quel point on est attaché à la Terre, à toutes ces choses auxquelles on ne fait pas attention et qui manquent tant aux astronautes dans l’espace : le bruit du vent dans les arbres, le chant des oiseaux, l’odeur de la nature…

En ce sens, je voulais que le film soit aussi une célébration de la terre.

PROXIMA est de fait plus terrien que spatial. Le film montre par exemple l’épreuve très physique que subissent les corps des astronautes.

Dans tous mes films, le rapport au corps est central. Je voulais montrer le rapport mère-fille dans sa dimension charnelle, par exemple dans la scène où elles sont dans la piscine comme dans un bassin amniotique. Ensuite, je voulais montrer que le corps humain n’est pas fait pour vivre ailleurs que sur Terre. Dans l’espace, on grandit de 10 à 15 cm, les bronches ne sont pas faites pour là-haut… Ces entraînements intensifs faisaient coïncider l’aspect documentaire avec mes obsessions de cinéma : le corps-cobaye, sanglé dans les machines, des centrifugeuses… C’est une mutation du corps qui est en jeu, comme dans le cinéma de Cronenberg. Sarah (Eva Green) doit se séparer de la Terre mais aussi de son corps de terrienne “normale”. Elle doit devenir une “space personne”. Quand on la voit badigeonnée de béthadine, ou quand on prend l’empreinte de son corps pour mouler son siège de fusée, il y a l’idée qu’elle devient une créature spatiale, une mutante.

Proxima, c’est une galaxie lointaine et c’est ce qui est proche, comme sa propre fille. Le film semble jouer sur ce contraste entre le proche et le lointain, l’intime et le cosmique, qui sont à la fois opposés et miroirs l’un de l’autre ?

Oui. Proxima, c’est aussi la galaxie la plus proche de la notre. Dans l’écriture et la mise en scène, je voulais en effet confronter l’infiniment petit et l’infiniment grand, l’immensité de l’espace, confrontée à l’intimité de la famille et à la relation mère-fille.

Le film montre frontalement le machisme ordinaire du milieu spatial.

Ces scènes pourraient paraître caricaturales mais elles sont en-dessous de la réalité de ce que m’ont raconté les femmes astronautes. C’est un monde masculin, pensé par les hommes pour les hommes. Par exemple, les combinaisons spatiales ont un poids aux épaules parce que les hommes sont costauds des épaules, alors que les femmes sont plutôt fortes des hanches. Les femmes doivent redoubler d’efforts pour entrer dans ce monde d’hommes mais elles ne doivent pas trop la ramener non plus. Le film rend hommage aux femmes qui doivent tout concilier, aspect évidemment exacerbé dans le milieu de la conquête spatiale. Au cinéma, les héroïnes sont montrées hors sol.

À la fin, le générique nous rappelle que les astronautes femmes ont été nombreuses, ce qu’on ignore généralement. Claudie Haigneré n’était pas la seule !

À ce propos, j’ai reçu plein de messages très émouvants de femmes de la NASA qui disent que c’est très important qu’un film montre enfin qu’on peut être à la fois une bonne astronaute et une bonne mère.

C’est ce que dit le film, qu’on peut faire les deux, même si c’est difficile. Comme dit Matt Dillon dans le film à Eva : « La mère parfaite n’existe pas ».

Les femmes représentent 10% des astronautes. La proportion augmente mais il y a encore du travail. La NASA vient d’annuler la première sortie extra-véhiculaire de deux femmes. Il n’y avait pas deux combinaisons spatiales de taille M….

PROXIMA est un film de libération et d’apaisement : Sarah accomplit tout un trajet face à ses propres obstacles de femme et de mère, elle dépasse son complexe de culpabilité. La petite fille aussi prend son envol, elle s’émancipe du cocon maternel.

L’aspect documentaire de PROXIMA est impressionnant. Comment se sont passées les choses avec l’ESA, au niveau des autorisations, puis de la cohabitation avec les vrais scientifiques et astronautes ?

La collaboration avec l’ESA est intervenue très tôt. Dès le début de l’écriture, j’ai pris le train pour Cologne et me suis installée dans leurs locaux. Il y avait Thomas Pesquet qui se préparait pour son premier vol, j’ai rencontré Claudie Haigneré… En rigolant, on disait que Thomas et Claudie étaient le parrain et la marraine du film ! Je les ai vus régulièrement tout au long de l’écriture. Il y avait ce parallélisme entre le monde du cinéma et le monde de la recherche spatiale : dans les deux cas, la préparation est longue, l’objectif à atteindre est un rêve, et ce que le public voit n’est que la partie émergée de l’iceberg. Au cinéma comme dans les vols spaciaux, il y a des équipes compétentes qui travaillent dans l’ombre.

On a aussi travaillé avec les entraîneuses et entraîneurs, je voulais absolument que tous les dialogues soient justes. Tout ce qu’on voit dans le film est basé sur les vrais travaux de l’ESA qui tendent à améliorer la résistance du corps humain pour les voyages longue durée.

Les astronautes me faisaient penser aux dieux grecs, c’est-à-dire des gens qui ont des super pouvoirs mais aussi des failles très humaines auxquelles chacun peut s’identifier.

J’ai imaginé l’échappée de quarantaine de Sarah à la fin, mais j’ai appris ensuite que l’astronaute Anna Lee Fisher, la première mère dans l’espace avait elle aussi réussi à s’échapper en cachette de la quarantaine pour voir sa fille avant son départ

Star City et Baïkonour paraissent vieillots, avec leur décoration désuète, leurs tapis élimés...

Et pourtant, le système Soyouz est aujourd’hui le moyen le plus sûr pour aller dans l’espace. Les astronautes américains, japonais, français, la NASA viennent tous ici parce que c’est ici que la technologie est la plus avancée. Tous les vols spatiaux emmènent un Russe, un Américain et un Européen.

Si les astronautes américains ont une plus grande piscine à Houston, quand il s’agit de quitter la terre, ils doivent comme les autres astronautes s’entrainer à Star City, pour apprendre à piloter le Soyouz avec lequel ils décolleront à Baïkonour.

PROXIMA montre que la coopération internationale fonctionne mieux dans le milieu spatial que dans la géopolitique.

C’était un des points exaltants du tournage, et cet aspect international se reflétait aussi dans notre équipe de cinéma. On avait des Français, des Russes, des Américains, des Allemands, des Kazakhs, et ce mélange de nationalités nous faisait nous sentir unis dans notre humanité commune. En écho aux astronautes du film.

La séquence du décollage de la fusée est impressionnante, on ressent cet arrachement tellurique dans son propre corps de spectateur. C’est étonnant d’avoir pu filmer si près.

Je voulais faire un film physique. On a aussi fait un gros travail sur le son, il fallait ressentir tout l’aspect sensoriel de ce monde. La conquête spatiale nous fait réaliser à quel point on est fragile, à quel point on est terrien, tout petits face à des forces qui nous dépassent. Thomas Pesquet m’a dit qu’en voyant le film et le décollage, il avait ressenti des émotions qu’il n’avait pas pu éprouver lors de son vrai décollage. 

La part documentaire et scientifique du film passe par les lieux, les machines, les combinaisons spatiales. Sa part intimiste, romanesque, passe surtout par les acteurs, au premier rang desquels, Eva Green. Comment l’avez-vous choisie ? 

Je ne voulais pas une mater dolorosa. Eva a un côté combattante qui me plaisait bien. Le scénario est construit comme la séparation des étages de la fusée : il y a des étapes de séparation avec la Terre comme entre la mère et sa fille. Dans le vrai protocole de décollage figure la mention “séparation ombilicale”, donc cette métaphore n’est pas uniquement le fruit de mon imagination. Eva a ce côté guerrière qui peut être en même temps mère, mais pas mère telle qu’on la représente habituellement. Eva porte une étrangeté et ce n’est pas un hasard si elle a joué chez Tim Burton. J’aime les êtres comme elle qui ne sont pas dans le moule, je peux mieux m’y projeter. Eva a aussi un côté “space”, et tous les astronautes que j’ai rencontrés ont ce côté geek, ce sont des “space personnes” avant même de s’entraîner. Ils ne sont pas comme tout le monde, ils sont perchés. Et puis j’aimais l’idée d’aller avec Eva dans un endroit où elle n’avait jamais été. Elle est habituée aux univers gothiques, là, elle s’est dépouillée de toute cette panoplie. Dans son corps, sa façon de bouger, elle est très crédible en astronaute. Eva, c’est une machine de guerre et ça correspondait très bien au personnage. Le chemin de Sarah et d’Eva dans le film, c’est de s’ouvrir aux émotions. Comme un réalisateur avec son film, un astronaute ne vit que pour sa mission même si c’est un arrachement avec sa famille. Eva/Sarah est dans cet équilibre entre la mission et l’émotion, équilibre instable à tel point qu’à un moment, les émotions mettent en péril la mission. Et puis on a beaucoup répété avec Eva et Zélie Boulant-Lemesle.

Cette gamine est étonnante, à la fois enfantine et consciente des enjeux adultes. Comment l’avez-vous trouvée ?

On a fait un immense casting, on a vu près de 300 fillettes. Il fallait trouver une petite fille qui joue bien, qui fonctionne avec Eva, qui puisse voyager avec nous jusqu’en Russie et au Kazakhstan… Ce qui m’a plu, c’est que Zélie avait elle aussi ce côté geek, cet aspect enfant pas dans le moule. J’ai pensé aussi au petit garçon de YI YI d’Edward Yang : cette manière de chercher à montrer l’humanité des êtres à travers des petits détails du quotidien. C’était le pari de cinéma de mon film : parvenir à une vérité humaine, mais par un processus immersif plutôt que par des effets démonstratifs.

Autre belle surprise du film, la présence de Matt Dillon, dans un rôle pas toujours sympathique.

C’était la difficulté de son personnage, je ne voulais tomber dans le manichéisme du bad guy. Comme Eva, Matt a une étrangeté dans son regard, dans sa manière d’être ailleurs, et dans sa profondeur. C’est aussi la réalité de ces astronautes : pour arriver à ce haut niveau intellectuel et physique, il faut une grande confiance en soi, presque de l’arrogance. Je savais que Matt pourrait incarner un personnage qu’on aime malgré ses défauts. Entre son personnage et celui d’Eva germe une zone ambivalente, une amitié amoureuse, et pour cela il fallait un acteur séduisant, comme Matt. J’ai travaillé avec Vincent Lindon et Matthias Schoenaerts et je me rends compte que j’aime les acteurs masculins qui ont une forme de violence en eux.

Lars Eidinger véhicule une masculinité plus douce, plus ouverte, moins cowboy.

Son personnage est aussi un clin d’œil à la rivalité réelle qui existe entre les astrophysiciens et les astronautes, entre ceux qui restent au sol et ceux qui partent dans la fusée. Ce sont deux mondes différents, comme les acteurs et les techniciens dans le cinéma. Les astronautes ont une aura plus bling bling, ils sont médiatisés, alors que les scientifiques restent dans l’ombre. Quand j’appelais Sylvestre Maurice, l’astrophysicien avec qui j’ai écrit le rôle de Lars, il me répondait “tu peux m’appeler très tard, ce soir je suis sur Mars”. Ces gens sont très perchés, c’est passionnant de les côtoyer. Pour le choix de Lars, il fallait un acteur allemand, puisque l’ESA est à Cologne. Je l’avais vu dans des pièces d’Ostermeier. On s’est rencontrés à Berlin à la Schaubühne après sa performance impressionnante dans le rôle de Richard 3.

De plus, il connaissait déjà Eva pour avoir joué aussi dans des films de Burton.

On a découvert Sandra Hüller récemment, plutôt dans des rôles de comédie. Vous la dirigez dans un registre plus sérieux.

J’adore cette comédienne, elle est impressionnante dans sa manière de faire passer différentes émotions. Comme Lars, elle vient du théâtre allemand, alors qu’Eva vient du cinéma, Alexei Fateev vient du théâtre russe... Plusieurs écoles de jeu coexistent dans le film. Sandra joue Wendy, qui a un côté marraine. Comme le personnage de Matt, il fallait qu’elle soit aimée tout en arborant une certaine froideur liée à sa fonction.

Et l’acteur russe, Alexei Fateev ?

Je l’ai rencontré lors du casting que l’on a organisé à Moscou. Il joue dans FAUTE D’AMOUR d’Andreï Zviaguintsev. Il a une grande douceur. A un moment dans le film, il lit une poésie de Mandelstam, et il était comme ça sur le tournage : il lisait des poésies, chantait, il avait une présence très apaisante, une profondeur très russe.

Vous avez travaillé avec George Lechaptois, votre directeur photo habituel. C’est important d’avoir avec vous des collaborateurs que vous connaissez bien ?

J’aime bien retrouver la même équipe technique, c’est comme une famille. J’ai souvent en tête des images très hétéroclites, comme ici, de YI YI à Tarkovski et le travail en amont m’aide à digérer ces références. Ensuite, c’est assez libre, en fonction des circonstances de tournage. Là, on devait se conformer à des horaires très précises, à la lumière russe qui monte tôt le matin et décline très vite le soir.

Avec Lechaptois, vous avez confectionné des plans mémorables, comme celui du contrechamp du décollage, avec le visage ému de Lars Eidinger et celui émerveillé de Zélie Boulant-Lemesle, deux états émotionnels qui sont aussi ceux mêlés du spectateur…

On n’a pas tourné ce plan à Baïkonour parce qu’il n’y avait pas assez de figurants possibles. On l’a fait sur un tarmac près de Moscou où on a monté une énorme nacelle avec une lumière qui éclaire progressivement les visages avant le retour du noir, comme lors du vrai décollage. Le départ d’une fusée procure des émotions intenses et paradoxales : on est exalté, on pleure, on est ramené à sa condition humaine, on pense à la notion judéo-chrétienne de la montée au ciel, donc à une mort symbolique mêlée d’un risque de mort réelle... Je n’ai pas inventé la lettre que laissent les astronautes à leurs proches, ça fait partie du protocole qui inclut donc l’idée de mettre en ordre sa vie avant le grand départ.

Le dernier plan avec les chevaux est très beau. D’où est venue l’idée, et quel en est son sens ?

J’avais vu des chevaux sauvages lors d’un premier voyage de repérage à Baïkonour et ça m’avait fascinée. Du coup, j’ai écrit cette scène. Ensuite, au tournage, ça a été plus compliqué de les avoir. On avait rendez-vous avec des cowboys kazakhs accrédités pour le cosmodrome mais ils sont tombés malades. On a du trouver d’autres cowboys, en dehors du cosmodrome : on attendait les chevaux sauvages avec notre caméra dans le bus, ça semblait absurde, et puis tout d’un coup, on les a vu surgir au loin et on a mis en marche la caméra. Ces chevaux symbolisent l’imaginaire de la petite fille, et l’idée qu’elle reste très terrienne par rapport à sa mère qui vient de décoller vers les étoiles. Les chevaux, c’est la Terre. Ils incarnent aussi une forme de sauvagerie, de non formatage, qui est parfois propre aux enfants. Enfin, ces chevaux symbolisent pour cette petite fille la sortie de l’emprise de sa mère. Comme sa mère, la fille a accompli un trajet en acceptant le départ de sa maman. La mission de sa mère faisait partie de son quotidien, elle est heureuse pour elle que le décollage se soit bien passé. Il y a un apaisement au bout du parcours.

ENTRETIEN EVA GREEN

Comment êtes-vous arrivée sur le projet Proxima ?

Alice a tout simplement envoyé le scénario à mon agent. J’ai eu un vrai coup de cœur à la lecture et j’ai tout de suite eu envie de faire partie de cette aventure !

Connaissiez-vous le travail d’Alice Winocour ?

Oui, j’avais vu Augustine et l’univers audacieux et singulier d’Alice m’avait beaucoup plu. Maryland était aussi un sujet sensible et fort. Alice aime les situations extrêmes et complexes et excelle à explorer les tourments intérieurs des personnages.

Quels sont les aspects qui vous ont particulièrement séduits à la lecture du scénario de Proxima ?

Son originalité. La conquête spatiale en est la toile de fond, c’est un univers passionnant que le public ne connaît que de l’extérieur. Mais le film est surtout une histoire réaliste, émouvante, très humaine et moderne, qui met en scène le tourment d’une femme tiraillée entre sa passion d’astronaute et son amour pour sa fille. C’est avant tout cette tension, ce déchirement qui m’a séduite.

Concernant l’aspect “astronaute” de votre rôle, avezvous fait un travail préparatoire spécifique (lecture d’ouvrages sur l’espace, vision de films sur la conquête spatiale, discussion avec des femmes astronautes telles que Claudie Haigneré, stage à l’Agence Spatiale Européenne…), ou avez-vous préféré arriver “vierge” sur le plateau ?

Impossible d’arriver « vierge » pour un sujet comme celui-ci. Aucun autre film, à ma connaissance, ne montre avec autant de “réalisme” la préparation des astronautes avant leur départ pour l’espace. Comme beaucoup d’acteurs, j’éprouve le besoin absolu de m’immerger dans l’univers du personnage avant un tournage. Et plus encore pour celui-ci, qui m’était totalement étranger.

Alice m’a guidée de très près dans cette préparation. Elle m’a donné plusieurs ouvrages à lire, m’a fait rencontrer des astronautes femmes, comme Samantha Cristoforetti et Claudie Haignéré. Ces deux femmes exceptionnelles, des pionnières dans un monde très masculin, m’ont raconté leurs expériences avec beaucoup de générosité, m’ont parlé aussi de leurs doutes et leurs combats personnels.

Le fait aussi que je sois une femme, mise en scène par une réalisatrice, a donné à nos rencontres une grande force.

Thomas Pesquet fait une apparition dans le film. 

Il nous a conseillé sur plusieurs aspects techniques. Avec Alice nous l’appelions notre “Godfather”. J’ai eu aussi le privilège d’aller plusieurs fois à l’Agence Spatiale Européenne à Cologne et à Star City en Russie, un site incroyable, une véritable ville, entièrement dédiée à la conquête spatiale. J’ai découvert ce que ce métier exige de passion, de volonté, de facultés mentales et d’aptitudes physiques hors du commun et surtout à quel point les astronautes sont des êtres exceptionnels, des super héros. “No pain, no gain !” C’est ce “sacrifice de soi”, cette soif d’aller au bout de soi-même, au service de la science, qui m’a fascinée.

Pouvez-vous parler de votre travail spécifique avec Alice Winocour, des indications de jeu qu’elle vous donnait, toujours dans la dimension astronaute du rôle ?

Alice sait parfaitement ce qu’elle veut. C’est un réel plaisir et une grande chance de travailler avec une metteuse en scène si passionnée, si investie, et aussi exigeante que sensible. Nous partageons toutes deux l’amour du travail bien fait. Nous sommes ultra-perfectionnistes.

Avec la petite Zélie, ma fille dans le film, nous nous sommes rencontrées à plusieurs reprises. Cela nous a permis de mieux nous connaître, de développer un climat de confiance et de complicité entre nous.

Concernant l’aspect intimiste du rôle, celui de femme et de mère, comment s’est passé le travail avec Zélie Boulant-Lemesle, et avec Alice ?

J’avoue avoir été intimidée par Zélie au début, mais au fil des répétitions avant le tournage, une intimité a fini par se créer ! Zélie est une belle âme, avec une imagination débordante et un grand sens de l’humour !

Quelle était la difficulté de ce rôle ?

Peut-être de concilier la part “combattante” de sa personnalité, confrontée à un milieu très masculin et compétitif, et celle, plus tendre, d’une mère. N’est-ce pas aujourd’hui le sort de beaucoup de femmes qui veulent mener de front, et avec autant de volonté, leur carrière et leur vie familiale ?

Considérez-vous que Proxima est un film féministe ?

Oui, dans la mesure où il met en valeur l’audace d’une femme qui s’autorise à aller au bout de sa passion. Cela reste toujours tabou d’oser se séparer de son enfant pendant 1 an pour réaliser ses rêves. On ne l’accepte que pour les hommes, et encore...

Comment s’est passée votre collaboration avec respectivement Matt Dillon, Lars Eidinger et Alexei Fateev ?

Matt, avec son physique impressionnant et viril, était parfait pour le rôle de Mike. Il a su tout de suite mettre ses partenaires à l’aise sur le plateau.

Alice cherchait un acteur allemand pour Thomas mon ex-mari. J’avais vu Lars dans plusieurs mises en scène d’Ostermeier. Je l’ai suggéré à Alice. Par chance, il était libre. C’est un des plus grands acteurs que je connaisse. Je suis une grande fan ! Alexei, lui, ne parlait malheureusement pas beaucoup l’anglais, mais c’est un homme très fraternel, pur et humble. J’ai trouvé tous les Russes qui ont collaboré à notre aventure particulièrement chaleureux.

Après avoir tourné ce film dans les lieux authentiques de l’Agence Spatiale Européenne et de Baïkonour, à proximité des vrais scientifiques et astronautes, portez-vous un regard nouveau sur la conquête spatiale ?

Notre métier nous permet de superbes découvertes. Sur ce film, tourné dans des décors réels, j’ai été impressionné par les centres d’entraînement des astronautes, que ce soit en Allemagne, à l’Agence Spatiale Européenne ou à Star City à Moscou et jusqu’à Baïkonour d’où partent les fusées… C’est un univers étonnant, qui mêle l’homme et la technologie dans le plus grand défi de tous les temps.

Vous avez travaillé dans le cinéma européen, hollywoodien, américain indépendant, avec des auteurs ou dans le cadre de grosses productions (parfois les deux mêlés comme avec Tim Burton) : avez-vous ressenti Proxima comme un tournage et un film réunissant les univers de cinéma que vous avez traversés? Ou comme une expérience totalement nouvelle dans votre carrière ?

Tout d’abord c’était un plaisir de jouer dans ma langue maternelle, donc pas besoin de “dialect coach” et ainsi moins de pression, plus de liberté.

Que ce soit un film à gros ou petit budget, c’est à chaque fois une expérience unique et nouvelle. Mon travail d’actrice demeure exactement le même, aussi bien en amont, pour la préparation, que sur le tournage.

Ce film restera pour moi une de mes plus intenses expériences professionnelles et humaines.

AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE

QU’EST CE QUE L’ESA ?

Depuis plus de 40 ans, l’Agence spatiale européenne (ESA) porte la coopération européenne au-delà des frontières terrestres, jusque dans l’espace ! Aujourd’hui, ce sont 22 états membres qui sont engagés via l’ESA pour l’exploration et l’utilisation pacifique de l’espace.

LE SOUTIEN DE L’ESA À PROXIMA

L’ESA est impliquée dans de nombreuses initiatives visant à associer les artistes à l’aventure spatiale.

Pour le tournage de PROXIMA, l’agence a accueilli l’équipe dans certains haut-lieux de l’Europe de l’espace - notamment le centre de formation des astronautes européens (EAC) à Cologne en Allemagne.

Les spécialistes de l’agence ont prodigué de précieux et bienveillants conseils qui ont contribué au réalisme et à la justesse du film.

LES GRANDS MOMENTS DE L’ESA EN 2019

Le 20 juillet : Décollage de l’astronaute de l’ESA Luca Parmitano pour sa seconde mission, « Beyond », au cours de laquelle il retourne à bord de la Station spatiale internationale. Il devient le troisième astronaute européen à prendre le commandement de l’ISS.

Le 27 novembre : Réunion du conseil ministériel de l’ESA, « Space19+ » à Séville. Les ministres en charge des affaires spatiales des États membres discuteront l’avenir de l’Europe spatiale.


Source et copyright des textes des notes de production @ Pathé

  
#Proxima

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