
Réalisé par Alice Winocour
Avec Eva Green, Matt Dillon, Sandra Hüller, Lars Eidinger, Jan Oliver Schroeder, Nancy Tate, Alexei Fateev...
Long-métrage Français/Allemand
Durée : 01h47mn
Année de production : 2019
Distributeur : Pathé
Date de sortie sur nos écrans : 27 novembre 2019
Bande annonce (VOSTFR)
Avec Eva Green, Matt Dillon, Sandra Hüller, Lars Eidinger, Jan Oliver Schroeder, Nancy Tate, Alexei Fateev...
Long-métrage Français/Allemand
Durée : 01h47mn
Année de production : 2019
Distributeur : Pathé
Date de sortie sur nos écrans : 27 novembre 2019
Résumé : Sarah est une astronaute française qui s'apprête à quitter la terre pour une mission d'un an, Proxima. Alors qu'elle suit l'entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d'hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : découvert lors de l'édition 2019 du festival Utopiales, ce long-métrage a été introduit par Philippe Lux avant la projection.
Avec PROXIMA, la réalisatrice Alice Winocour nous fait suivre le parcours d'une femme astronaute et mère de famille. Elle a également écrit le scénario de ce film avec la participation de Jean-Stéphane Bron.
Le but affiché, tout à fait louable, est à la fois de mettre les femmes astronautes sur le devant de la scène, de proposer leur point de vue sur ce métier et, aussi, de souligner les épreuves supplémentaires, dans le cadre de ce travail, liées à la féminité ainsi qu'à la maternité.
Elle ancre sa réalisation dans un réalisme tout à fait convaincant. On croit à cette préparation épuisante entachée par une culpabilité galopante de devoir laisser son enfant sur Terre alors qu'on se prépare à décoller pour les étoiles. Les relations entre les différents protagonistes instaurent une dynamique qui reste stable ou évolue en fonction des éléments qui cherchent à être accentués. Le film est fait avec beaucoup de sensibilité, sans tomber dans des travers héroïques inutiles. On apprécie les efforts pour placer la mise en scène dans des lieux réels et pour nous montrer les vraies conditions d'entraînement des hommes et femmes qui ont tourné leur vie vers l'espace. Ce sentiment est renforcé par la présence de Thomas Pesquet. On le voit peu, mais il confirme l'impression que les éléments présentés sont sérieux. Malheureusement, notre engouement est entamé par une scène complètement improbable, qui se veut certes touchante, mais qui remet en cause l'engagement même de l'héroïne, dans le dernier quart d'heure et qui casse le réalisme si habilement distillé jusque-là. Le voyage demeure intéressant, mais de ce fait, moins enthousiasmant.
Eva Green est magnifique dans le rôle de Sarah, une femme exceptionnelle, qui doit tout mener de front.
La petite fille de Sarah, Stella, est interprétée par Zélie Boulant, une jeune actrice mignonne et naturelle.
Matt Dillon interprète parfaitement l'archétype de l'astronaute qui met au défi sa collaboratrice féminine à cause de son genre et non de ses capacités.
Lars Eidinger interprète l'ex-mari de Sarah qui croit en elle, mais n'a pas sa langue dans sa poche.
Copyright photos © 2019 DHARAMSALA - DARIUS FILMS – PATHÉ FILMS - FRANCE 3 CINÉMA
PROXIMA a le mérite d'aborder un sujet peu traité et de le faire avec délicatesse ainsi qu'avec engagement. Il est dommage qu'une de ses scènes remette en cause l'ensemble de son autrement bon traitement. Il reste malgré tout touchant et très bien interprété.
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
ENTRETIEN ALICE WINOCOUR
D’où est venue l’envie de PROXIMA,
projet singulier et ambitieux dans le contexte du cinéma français ?
Depuis toute petite, je suis fascinée
par le monde de l’espace, mais c’était plus une attirance
poétique, un peu abstraite. Puis j’ai commencé à investiguer ce
monde et j’ai été littéralement happée. J’ai commencé à
rencontrer des entraîneurs qui préparent les astronautes, j’ai
visité des lieux d’entraînement et j’ai pris conscience de la
somme de travail et des années nécessaires pour apprendre à se
séparer de la Terre. Le cinéma a peu montré cela. Dans les films
les problèmes arrivent dans l’espace pas sur terre, mais la plus
grande partie de la vie des astronautes est la préparation. Parfois
certains ne partent jamais.
Comme pour chacun de mes films, je suis
d’abord attirée par un univers et en chemin, je me rends compte
que ce qui m’a poussée vers ce monde est lié à quelque chose
d’intime. Pour parler de moi, j’ai besoin d’aller vers des
mondes très lointains. L’intime ici, c’était le rapport entre
mère et fille, ayant moi-même une fille de 9 ans. Je voulais
explorer le processus de séparation entre une mère et sa fille, qui
résonnait avec la séparation entre l’astronaute et la Terre.
Pourquoi avoir fait le choix d’une
astronaute femme ?
Mon désir principal était de montrer
une super-héroïne et une mère, dans le même corps. Le cinéma ne
représente pas souvent ces deux états dans un même corps, comme si
héroïne et mère étaient incompatibles. Les super-héroïnes sont
toujours détachées des questions de maternité ou de féminité
quotidienne. Une femme de la NASA m’a dit que son meilleur
enseignement pour devenir astronaute avait été d’être mère !
Parce qu’une mère accomplit de multiples tâches en même temps.
Une entraîneuse de l’Agence Spatiale Européenne, m’a confié
que les astronautes hommes sont très fiers de parler de leurs
enfants alors que les astronautes femmes ont plutôt tendance à
cacher qu’elles sont mères comme si elles craignaient que ça les
décrédibilise. Il y a cette idée dominante, qui est une
construction sociale, selon laquelle la responsabilité d’un enfant
incombe plus à la mère.
C’est la question féministe évoquée
dans le film, montrer qu’une femme peut être à la fois une mère
et une professionnelle de haut niveau.
Avez-vous revisionné des films sur
l’espace, y compris pour faire quelque chose de différent ?
Quand je m’empare d’un sujet,
j’essaye généralement de voir tous les films qui ont été faits
dessus ! Mais en ce qui concerne l’espace, le cinéma américain a
complètement saturé ce terrain.
Pour PROXIMA nous avons travaillé avec
l’aide de l’Agence spatiale européenne et nous avons obtenu leur
aide pour avoir la chance de tourner dans les vrais lieux où se
préparent les astronautes du monde entier pour quitter la planète.
Des lieux qui n’avaient jamais été
filmés : le centre d’entrainement de Cologne, qui est la
base de l’Agence Spatiale Européenne, la ville fermée de Star
City près de Moscou, et enfin le Cosmodrome de Baikonour, une base
militaire entourée de check points, seul endroit d’où partent
vraiment les fusées pour atteindre la Station spatiale
internationale.
Il n’y a donc aucune maquette, ni
décors recréés. Tous les lieux sont réels jusqu’aux chambres
des astronautes, dans le Prophilactorium, le bâtiment où habitent
les astronautes à Star City, et où nous tournions, à côté des
astronautes qui étaient en résidence, en totale immersion.
Dans les films hollywoodiens,
l’astronaute est au bord du surhumain, alors que j’ai découvert
au cours du travail avec l’ESA qu’il n’y a rien de plus humain
et fragile que les astronautes. Se confronter à l’espace, c’est
faire l’expérience de la fragilité humaine et réaliser à quel
point on est attaché à la Terre, à toutes ces choses auxquelles on
ne fait pas attention et qui manquent tant aux astronautes dans
l’espace : le bruit du vent dans les arbres, le chant des
oiseaux, l’odeur de la nature…
En ce sens, je voulais que le film soit
aussi une célébration de la terre.
PROXIMA est de fait plus terrien que
spatial. Le film montre par exemple l’épreuve très physique que
subissent les corps des astronautes.
Dans tous mes films, le rapport au
corps est central. Je voulais montrer le rapport mère-fille dans sa
dimension charnelle, par exemple dans la scène où elles sont dans
la piscine comme dans un bassin amniotique. Ensuite, je voulais
montrer que le corps humain n’est pas fait pour vivre ailleurs que
sur Terre. Dans l’espace, on grandit de 10 à 15 cm, les bronches
ne sont pas faites pour là-haut… Ces entraînements intensifs
faisaient coïncider l’aspect documentaire avec mes obsessions de
cinéma : le corps-cobaye, sanglé dans les machines, des
centrifugeuses… C’est une mutation du corps qui est en jeu, comme
dans le cinéma de Cronenberg. Sarah (Eva Green) doit se séparer de
la Terre mais aussi de son corps de terrienne “normale”. Elle
doit devenir une “space personne”. Quand on la voit badigeonnée
de béthadine, ou quand on prend l’empreinte de son corps pour
mouler son siège de fusée, il y a l’idée qu’elle devient une
créature spatiale, une mutante.
Proxima, c’est une galaxie lointaine
et c’est ce qui est proche, comme sa propre fille. Le film semble
jouer sur ce contraste entre le proche et le lointain, l’intime et
le cosmique, qui sont à la fois opposés et miroirs l’un de
l’autre ?
Oui. Proxima, c’est aussi la galaxie
la plus proche de la notre. Dans l’écriture et la mise en scène,
je voulais en effet confronter l’infiniment petit et l’infiniment
grand, l’immensité de l’espace, confrontée à l’intimité de
la famille et à la relation mère-fille.
Le film montre frontalement le machisme
ordinaire du milieu spatial.
Ces scènes pourraient paraître
caricaturales mais elles sont en-dessous de la réalité de ce que
m’ont raconté les femmes astronautes. C’est un monde masculin,
pensé par les hommes pour les hommes. Par exemple, les combinaisons
spatiales ont un poids aux épaules parce que les hommes sont
costauds des épaules, alors que les femmes sont plutôt fortes des
hanches. Les femmes doivent redoubler d’efforts pour entrer dans ce
monde d’hommes mais elles ne doivent pas trop la ramener non plus.
Le film rend hommage aux femmes qui doivent tout concilier, aspect
évidemment exacerbé dans le milieu de la conquête spatiale. Au
cinéma, les héroïnes sont montrées hors sol.
À la fin, le générique nous rappelle
que les astronautes femmes ont été nombreuses, ce qu’on ignore
généralement. Claudie Haigneré n’était pas la seule !
À ce propos, j’ai reçu plein de
messages très émouvants de femmes de la NASA qui disent que c’est
très important qu’un film montre enfin qu’on peut être à la
fois une bonne astronaute et une bonne mère.
C’est ce que dit le film, qu’on
peut faire les deux, même si c’est difficile. Comme dit Matt
Dillon dans le film à Eva : « La mère parfaite n’existe
pas ».
Les femmes représentent 10% des
astronautes. La proportion augmente mais il y a encore du travail. La
NASA vient d’annuler la première sortie extra-véhiculaire de deux
femmes. Il n’y avait pas deux combinaisons spatiales de taille M….
PROXIMA est un film de libération et
d’apaisement : Sarah accomplit tout un trajet face à ses propres
obstacles de femme et de mère, elle dépasse son complexe de
culpabilité. La petite fille aussi prend son envol, elle s’émancipe
du cocon maternel.
L’aspect documentaire de PROXIMA est
impressionnant. Comment se sont passées les choses avec l’ESA, au
niveau des autorisations, puis de la cohabitation avec les vrais
scientifiques et astronautes ?
La collaboration avec l’ESA est
intervenue très tôt. Dès le début de l’écriture, j’ai pris
le train pour Cologne et me suis installée dans leurs locaux. Il y
avait Thomas Pesquet qui se préparait pour son premier vol, j’ai
rencontré Claudie Haigneré… En rigolant, on disait que Thomas et
Claudie étaient le parrain et la marraine du film ! Je les ai vus
régulièrement tout au long de l’écriture. Il y avait ce
parallélisme entre le monde du cinéma et le monde de la recherche
spatiale : dans les deux cas, la préparation est longue, l’objectif
à atteindre est un rêve, et ce que le public voit n’est que la
partie émergée de l’iceberg. Au cinéma comme dans les vols
spaciaux, il y a des équipes compétentes qui travaillent dans
l’ombre.
On a aussi travaillé avec les
entraîneuses et entraîneurs, je voulais absolument que tous les
dialogues soient justes. Tout ce qu’on voit dans le film est basé
sur les vrais travaux de l’ESA qui tendent à améliorer la
résistance du corps humain pour les voyages longue durée.
Les astronautes me faisaient penser aux
dieux grecs, c’est-à-dire des gens qui ont des super pouvoirs mais
aussi des failles très humaines auxquelles chacun peut s’identifier.
J’ai imaginé l’échappée de
quarantaine de Sarah à la fin, mais j’ai appris ensuite que
l’astronaute Anna Lee Fisher, la première mère dans l’espace
avait elle aussi réussi à s’échapper en cachette de la
quarantaine pour voir sa fille avant son départ
Star City et Baïkonour paraissent
vieillots, avec leur décoration désuète, leurs tapis élimés...
Et pourtant, le système Soyouz est
aujourd’hui le moyen le plus sûr pour aller dans l’espace. Les
astronautes américains, japonais, français, la NASA viennent tous
ici parce que c’est ici que la technologie est la plus avancée.
Tous les vols spatiaux emmènent un Russe, un Américain et un
Européen.
Si les astronautes américains ont une
plus grande piscine à Houston, quand il s’agit de quitter la
terre, ils doivent comme les autres astronautes s’entrainer à Star
City, pour apprendre à piloter le Soyouz avec lequel ils décolleront
à Baïkonour.
PROXIMA montre que la coopération
internationale fonctionne mieux dans le milieu spatial que dans la
géopolitique.
C’était un des points exaltants du
tournage, et cet aspect international se reflétait aussi dans notre
équipe de cinéma. On avait des Français, des Russes, des
Américains, des Allemands, des Kazakhs, et ce mélange de
nationalités nous faisait nous sentir unis dans notre humanité
commune. En écho aux astronautes du film.
La séquence du décollage de la fusée
est impressionnante, on ressent cet arrachement tellurique dans son
propre corps de spectateur. C’est étonnant d’avoir pu filmer si
près.
Je voulais faire un film physique. On a
aussi fait un gros travail sur le son, il fallait ressentir tout
l’aspect sensoriel de ce monde. La conquête spatiale nous fait
réaliser à quel point on est fragile, à quel point on est terrien,
tout petits face à des forces qui nous dépassent. Thomas Pesquet
m’a dit qu’en voyant le film et le décollage, il avait ressenti
des émotions qu’il n’avait pas pu éprouver lors de son vrai
décollage.
La part documentaire et scientifique du film passe par
les lieux, les machines, les combinaisons spatiales. Sa part
intimiste, romanesque, passe surtout par les acteurs, au premier rang
desquels, Eva Green. Comment l’avez-vous choisie ?
Je ne voulais pas
une mater dolorosa. Eva a un côté combattante qui me plaisait bien.
Le scénario est construit comme la séparation des étages de la
fusée : il y a des étapes de séparation avec la Terre comme entre
la mère et sa fille. Dans le vrai protocole de décollage figure la
mention “séparation ombilicale”, donc cette métaphore n’est
pas uniquement le fruit de mon imagination. Eva a ce côté guerrière
qui peut être en même temps mère, mais pas mère telle qu’on la
représente habituellement. Eva porte une étrangeté et ce n’est
pas un hasard si elle a joué chez Tim Burton. J’aime les êtres
comme elle qui ne sont pas dans le moule, je peux mieux m’y
projeter. Eva a aussi un côté “space”, et tous les astronautes
que j’ai rencontrés ont ce côté geek, ce sont des “space
personnes” avant même de s’entraîner. Ils ne sont pas comme
tout le monde, ils sont perchés. Et puis j’aimais l’idée
d’aller avec Eva dans un endroit où elle n’avait jamais été.
Elle est habituée aux univers gothiques, là, elle s’est
dépouillée de toute cette panoplie. Dans son corps, sa façon de
bouger, elle est très crédible en astronaute. Eva, c’est une
machine de guerre et ça correspondait très bien au personnage. Le
chemin de Sarah et d’Eva dans le film, c’est de s’ouvrir aux
émotions. Comme un réalisateur avec son film, un astronaute ne vit
que pour sa mission même si c’est un arrachement avec sa famille.
Eva/Sarah est dans cet équilibre entre la mission et l’émotion,
équilibre instable à tel point qu’à un moment, les émotions
mettent en péril la mission. Et puis on a beaucoup répété avec
Eva et Zélie Boulant-Lemesle.
Cette gamine est étonnante, à la fois
enfantine et consciente des enjeux adultes. Comment l’avez-vous
trouvée ?
On a fait un immense casting, on a vu
près de 300 fillettes. Il fallait trouver une petite fille qui joue
bien, qui fonctionne avec Eva, qui puisse voyager avec nous jusqu’en
Russie et au Kazakhstan… Ce qui m’a plu, c’est que Zélie avait
elle aussi ce côté geek, cet aspect enfant pas dans le moule. J’ai
pensé aussi au petit garçon de YI YI d’Edward Yang : cette
manière de chercher à montrer l’humanité des êtres à travers
des petits détails du quotidien. C’était le pari de cinéma de
mon film : parvenir à une vérité humaine, mais par un processus
immersif plutôt que par des effets démonstratifs.
Autre belle surprise du film, la
présence de Matt Dillon, dans un rôle pas toujours sympathique.
C’était la difficulté de son
personnage, je ne voulais tomber dans le manichéisme du bad guy.
Comme Eva, Matt a une étrangeté dans son regard, dans sa manière
d’être ailleurs, et dans sa profondeur. C’est aussi la réalité
de ces astronautes : pour arriver à ce haut niveau intellectuel et
physique, il faut une grande confiance en soi, presque de
l’arrogance. Je savais que Matt pourrait incarner un personnage
qu’on aime malgré ses défauts. Entre son personnage et celui
d’Eva germe une zone ambivalente, une amitié amoureuse, et pour
cela il fallait un acteur séduisant, comme Matt. J’ai travaillé
avec Vincent Lindon et Matthias Schoenaerts et je me rends compte que
j’aime les acteurs masculins qui ont une forme de violence en eux.
Lars Eidinger véhicule une masculinité
plus douce, plus ouverte, moins cowboy.
Son personnage est aussi un clin d’œil
à la rivalité réelle qui existe entre les astrophysiciens et les
astronautes, entre ceux qui restent au sol et ceux qui partent dans
la fusée. Ce sont deux mondes différents, comme les acteurs et les
techniciens dans le cinéma. Les astronautes ont une aura plus bling
bling, ils sont médiatisés, alors que les scientifiques restent
dans l’ombre. Quand j’appelais Sylvestre Maurice,
l’astrophysicien avec qui j’ai écrit le rôle de Lars, il me
répondait “tu peux m’appeler très tard, ce soir je suis sur
Mars”. Ces gens sont très perchés, c’est passionnant de les
côtoyer. Pour le choix de Lars, il fallait un acteur allemand,
puisque l’ESA est à Cologne. Je l’avais vu dans des pièces
d’Ostermeier. On s’est rencontrés à Berlin à la Schaubühne
après sa performance impressionnante dans le rôle de Richard 3.
De plus, il connaissait déjà Eva pour
avoir joué aussi dans des films de Burton.
On a découvert Sandra Hüller
récemment, plutôt dans des rôles de comédie. Vous la dirigez dans
un registre plus sérieux.
J’adore cette comédienne, elle est
impressionnante dans sa manière de faire passer différentes
émotions. Comme Lars, elle vient du théâtre allemand, alors qu’Eva
vient du cinéma, Alexei Fateev vient du théâtre russe... Plusieurs
écoles de jeu coexistent dans le film. Sandra joue Wendy, qui a un
côté marraine. Comme le personnage de Matt, il fallait qu’elle
soit aimée tout en arborant une certaine froideur liée à sa
fonction.
Et l’acteur russe, Alexei Fateev ?
Je l’ai rencontré lors du casting
que l’on a organisé à Moscou. Il joue dans FAUTE D’AMOUR
d’Andreï Zviaguintsev. Il a une grande douceur. A un moment dans
le film, il lit une poésie de Mandelstam, et il était comme ça sur
le tournage : il lisait des poésies, chantait, il avait une présence
très apaisante, une profondeur très russe.
Vous avez travaillé avec George
Lechaptois, votre directeur photo habituel. C’est important d’avoir
avec vous des collaborateurs que vous connaissez bien ?
J’aime bien retrouver la même équipe
technique, c’est comme une famille. J’ai souvent en tête des
images très hétéroclites, comme ici, de YI YI à Tarkovski et le
travail en amont m’aide à digérer ces références. Ensuite,
c’est assez libre, en fonction des circonstances de tournage. Là,
on devait se conformer à des horaires très précises, à la lumière
russe qui monte tôt le matin et décline très vite le soir.
Avec Lechaptois, vous avez confectionné
des plans mémorables, comme celui du contrechamp du décollage, avec
le visage ému de Lars Eidinger et celui émerveillé de Zélie
Boulant-Lemesle, deux états émotionnels qui sont aussi ceux mêlés
du spectateur…
On n’a pas tourné ce plan à
Baïkonour parce qu’il n’y avait pas assez de figurants
possibles. On l’a fait sur un tarmac près de Moscou où on a monté
une énorme nacelle avec une lumière qui éclaire progressivement
les visages avant le retour du noir, comme lors du vrai décollage.
Le départ d’une fusée procure des émotions intenses et
paradoxales : on est exalté, on pleure, on est ramené à sa
condition humaine, on pense à la notion judéo-chrétienne de la
montée au ciel, donc à une mort symbolique mêlée d’un risque de
mort réelle... Je n’ai pas inventé la lettre que laissent les
astronautes à leurs proches, ça fait partie du protocole qui inclut
donc l’idée de mettre en ordre sa vie avant le grand départ.
Le dernier plan avec les chevaux est
très beau. D’où est venue l’idée, et quel en est son sens ?
J’avais vu des chevaux sauvages lors
d’un premier voyage de repérage à Baïkonour et ça m’avait
fascinée. Du coup, j’ai écrit cette scène. Ensuite, au tournage,
ça a été plus compliqué de les avoir. On avait rendez-vous avec
des cowboys kazakhs accrédités pour le cosmodrome mais ils sont
tombés malades. On a du trouver d’autres cowboys, en dehors du
cosmodrome : on attendait les chevaux sauvages avec notre caméra
dans le bus, ça semblait absurde, et puis tout d’un coup, on les a
vu surgir au loin et on a mis en marche la caméra. Ces chevaux
symbolisent l’imaginaire de la petite fille, et l’idée qu’elle
reste très terrienne par rapport à sa mère qui vient de décoller
vers les étoiles. Les chevaux, c’est la Terre. Ils incarnent aussi
une forme de sauvagerie, de non formatage, qui est parfois propre aux
enfants. Enfin, ces chevaux symbolisent pour cette petite fille la
sortie de l’emprise de sa mère. Comme sa mère, la fille a
accompli un trajet en acceptant le départ de sa maman. La mission de
sa mère faisait partie de son quotidien, elle est heureuse pour elle
que le décollage se soit bien passé. Il y a un apaisement au bout
du parcours.
ENTRETIEN EVA GREEN
Comment êtes-vous arrivée sur le
projet Proxima ?
Alice a tout simplement envoyé le
scénario à mon agent. J’ai eu un vrai coup de cœur à la lecture
et j’ai tout de suite eu envie de faire partie de cette aventure !
Connaissiez-vous le travail d’Alice
Winocour ?
Oui, j’avais vu Augustine et
l’univers audacieux et singulier d’Alice m’avait beaucoup plu.
Maryland était aussi un sujet sensible et fort. Alice aime les
situations extrêmes et complexes et excelle à explorer les
tourments intérieurs des personnages.
Quels sont les aspects qui vous ont
particulièrement séduits à la lecture du scénario de Proxima ?
Son originalité. La conquête spatiale
en est la toile de fond, c’est un univers passionnant que le public
ne connaît que de l’extérieur. Mais le film est surtout une
histoire réaliste, émouvante, très humaine et moderne, qui met en
scène le tourment d’une femme tiraillée entre sa passion
d’astronaute et son amour pour sa fille. C’est avant tout cette
tension, ce déchirement qui m’a séduite.
Concernant l’aspect “astronaute”
de votre rôle, avezvous fait un travail préparatoire spécifique
(lecture d’ouvrages sur l’espace, vision de films sur la conquête
spatiale, discussion avec des femmes astronautes telles que Claudie
Haigneré, stage à l’Agence Spatiale Européenne…), ou avez-vous
préféré arriver “vierge” sur le plateau ?
Impossible d’arriver « vierge »
pour un sujet comme celui-ci. Aucun autre film, à ma connaissance,
ne montre avec autant de “réalisme” la préparation des
astronautes avant leur départ pour l’espace. Comme beaucoup
d’acteurs, j’éprouve le besoin absolu de m’immerger dans
l’univers du personnage avant un tournage. Et plus encore pour
celui-ci, qui m’était totalement étranger.
Alice m’a guidée de très près dans
cette préparation. Elle m’a donné plusieurs ouvrages à lire, m’a
fait rencontrer des astronautes femmes, comme Samantha Cristoforetti
et Claudie Haignéré. Ces deux femmes exceptionnelles, des
pionnières dans un monde très masculin, m’ont raconté leurs
expériences avec beaucoup de générosité, m’ont parlé aussi de
leurs doutes et leurs combats personnels.
Le fait aussi que je sois une femme,
mise en scène par une réalisatrice, a donné à nos rencontres une
grande force.
Thomas Pesquet fait une apparition dans
le film.
Il nous a conseillé sur plusieurs aspects techniques. Avec
Alice nous l’appelions notre “Godfather”. J’ai eu aussi le
privilège d’aller plusieurs fois à l’Agence Spatiale Européenne
à Cologne et à Star City en Russie, un site incroyable, une
véritable ville, entièrement dédiée à la conquête spatiale.
J’ai découvert ce que ce métier exige de passion, de volonté, de
facultés mentales et d’aptitudes physiques hors du commun et
surtout à quel point les astronautes sont des êtres exceptionnels,
des super héros. “No pain, no gain !” C’est ce “sacrifice
de soi”, cette soif d’aller au bout de soi-même, au service de
la science, qui m’a fascinée.
Pouvez-vous parler de votre travail
spécifique avec Alice Winocour, des indications de jeu qu’elle
vous donnait, toujours dans la dimension astronaute du rôle ?
Alice sait parfaitement ce qu’elle
veut. C’est un réel plaisir et une grande chance de travailler
avec une metteuse en scène si passionnée, si investie, et aussi
exigeante que sensible. Nous partageons toutes deux l’amour du
travail bien fait. Nous sommes ultra-perfectionnistes.
Avec la petite Zélie, ma fille dans le
film, nous nous sommes rencontrées à plusieurs reprises. Cela nous
a permis de mieux nous connaître, de développer un climat de
confiance et de complicité entre nous.
Concernant l’aspect intimiste du
rôle, celui de femme et de mère, comment s’est passé le travail
avec Zélie Boulant-Lemesle, et avec Alice ?
J’avoue avoir été intimidée par
Zélie au début, mais au fil des répétitions avant le tournage,
une intimité a fini par se créer ! Zélie est une belle âme, avec
une imagination débordante et un grand sens de l’humour !
Quelle était la difficulté de ce
rôle ?
Peut-être de concilier la part
“combattante” de sa personnalité, confrontée à un milieu très
masculin et compétitif, et celle, plus tendre, d’une mère.
N’est-ce pas aujourd’hui le sort de beaucoup de femmes qui
veulent mener de front, et avec autant de volonté, leur carrière et
leur vie familiale ?
Considérez-vous que Proxima est un
film féministe ?
Oui, dans la mesure où il met en
valeur l’audace d’une femme qui s’autorise à aller au bout de
sa passion. Cela reste toujours tabou d’oser se séparer de son
enfant pendant 1 an pour réaliser ses rêves. On ne l’accepte que
pour les hommes, et encore...
Comment s’est passée votre
collaboration avec respectivement Matt Dillon, Lars Eidinger et
Alexei Fateev ?
Matt, avec son physique impressionnant
et viril, était parfait pour le rôle de Mike. Il a su tout de suite
mettre ses partenaires à l’aise sur le plateau.
Alice cherchait un acteur allemand pour
Thomas mon ex-mari. J’avais vu Lars dans plusieurs mises en scène
d’Ostermeier. Je l’ai suggéré à Alice. Par chance, il était
libre. C’est un des plus grands acteurs que je connaisse. Je suis
une grande fan ! Alexei, lui, ne parlait malheureusement pas beaucoup
l’anglais, mais c’est un homme très fraternel, pur et humble.
J’ai trouvé tous les Russes qui ont collaboré à notre aventure
particulièrement chaleureux.
Après avoir tourné ce film dans les
lieux authentiques de l’Agence Spatiale Européenne et de
Baïkonour, à proximité des vrais scientifiques et astronautes,
portez-vous un regard nouveau sur la conquête spatiale ?
Notre métier nous permet de superbes
découvertes. Sur ce film, tourné dans des décors réels, j’ai
été impressionné par les centres d’entraînement des
astronautes, que ce soit en Allemagne, à l’Agence Spatiale
Européenne ou à Star City à Moscou et jusqu’à Baïkonour d’où
partent les fusées… C’est un univers étonnant, qui mêle
l’homme et la technologie dans le plus grand défi de tous les
temps.
Vous avez travaillé dans le cinéma
européen, hollywoodien, américain indépendant, avec des auteurs ou
dans le cadre de grosses productions (parfois les deux mêlés comme
avec Tim Burton) : avez-vous ressenti Proxima comme un tournage et un
film réunissant les univers de cinéma que vous avez traversés? Ou
comme une expérience totalement nouvelle dans votre carrière ?
Tout d’abord c’était un plaisir de
jouer dans ma langue maternelle, donc pas besoin de “dialect coach”
et ainsi moins de pression, plus de liberté.
Que ce soit un film à gros ou petit
budget, c’est à chaque fois une expérience unique et nouvelle.
Mon travail d’actrice demeure exactement le même, aussi bien en
amont, pour la préparation, que sur le tournage.
Ce film restera pour moi une de mes
plus intenses expériences professionnelles et humaines.
AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE
QU’EST CE QUE L’ESA ?
Depuis plus de 40 ans, l’Agence
spatiale européenne (ESA) porte la coopération européenne au-delà
des frontières terrestres, jusque dans l’espace !
Aujourd’hui, ce sont 22 états membres qui sont engagés via l’ESA
pour l’exploration et l’utilisation pacifique de l’espace.
LE SOUTIEN DE L’ESA À PROXIMA
L’ESA est impliquée dans de
nombreuses initiatives visant à associer les artistes à l’aventure
spatiale.
Pour le tournage de PROXIMA, l’agence
a accueilli l’équipe dans certains haut-lieux de l’Europe de
l’espace - notamment le centre de formation des astronautes
européens (EAC) à Cologne en Allemagne.
Les spécialistes de l’agence ont
prodigué de précieux et bienveillants conseils qui ont contribué
au réalisme et à la justesse du film.
LES GRANDS MOMENTS DE L’ESA EN 2019
Le 20 juillet : Décollage de
l’astronaute de l’ESA Luca Parmitano pour sa seconde mission,
« Beyond », au cours de laquelle il retourne à bord de
la Station spatiale internationale. Il devient le troisième
astronaute européen à prendre le commandement de l’ISS.
Le 27 novembre : Réunion du
conseil ministériel de l’ESA, « Space19+ » à Séville.
Les ministres en charge des affaires spatiales des États membres
discuteront l’avenir de l’Europe spatiale.
Source et copyright des textes des notes de production @ Pathé
#Proxima
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