Biopic/Historique/Drame/Une reconstitution historique fort intéressante, très bien filmée, superbement interprétée
Réalisé par Joe Wright
Avec Gary Oldman, Stephen Dillane, Lily James, Ben Mendelsohn, Kristin Scott Thomas, Ronald Pickup, Samuel West, Charley Palmer Rothwell...
Long-métrage Britannique
Titre original : Darkest Hour
Durée : 02h05mn
Année de production : 2017
Distributeur : Universal Pictures International France
Date de sortie sur les écrans américains : 22 novembre 2017
Date de sortie sur nos écrans : 3 janvier 2018
Résumé : Darkest Hour s'intéresse à une partie de la vie de Winston Churchill, à partir de mai 1940, lorsqu'il devient Premier ministre en pleine Seconde guerre mondiale.
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait "L'Europe Est Perdue" (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : Joe Wright, le réalisateur, nous dépeint une page importante de l'histoire au travers de la prise de poste de Winston Churchill en tant que Premier ministre du Royaume Unis et des quelques semaines qui s'en suivirent. Son portrait de l'homme et sa retranscription de cette période sont remarquables. Il joue avec les ombres et lumières pour accentuer les ambiances. La mise en scène est très belle. La représentation de l'époque est tout à fait crédible et les décors et costumes très soignés. La narration est claire est compréhensible sur toute la durée du film ce qui renforce le propos. Les enjeux sont là et l'intelligence politique de Churchill, qui avait compris qu'on ne pactise pas avec le diable, nous transperce. Il est émouvant de vivre à travers ce film les alcôves politiciennes qui ont décidé du sort de millions d'Hommes. Il est aussi effroyable de comprendre combien la balance aurait peser de l'autre côté, si...
Bien sûr, l'ensemble fonctionne grâce à l'impeccable personnification de Gary Oldman en Winston Churchill. Sous le maquillage impressionnant réalisé par Kazuhiro Tsuji, l'acteur ne disparaît pas. Il donne vie aux traits de Churchill et lui insuffle son caractère vivace et sa personnalité indomptable.
Kristin Scott Thomas apporte sa grâce et son élégance à Clementine Churchill, femme de, mais surtout soutien indéfectible et brillant de son époux.
Lily James interprète avec force et discrétion Elizabeth Layton, la secrétaire de Winston Churchill. Elle représente la fraîcheur et l'enthousiasme de la jeunesse, ainsi qu'une ouverture sur la réalité de ce que vit le peuple.
Ben Mendelshon est très convaincant dans le rôle du roi d'Angleterre Georges V. Sa prestance vient opposer juste ce qu'il faut à Gary Oldman pour rendre les deux personnages intéressants dans leurs échanges.
LES HEURES SOMBRES nous entraînent avec raffinement dans les coulisses de l'Histoire. Passionnant et remarquablement interprété, il ne faut pas hésiter à passer la porte du temps du cinéma pour vivre cet épisode important de notre passé historique.
Bien sûr, l'ensemble fonctionne grâce à l'impeccable personnification de Gary Oldman en Winston Churchill. Sous le maquillage impressionnant réalisé par Kazuhiro Tsuji, l'acteur ne disparaît pas. Il donne vie aux traits de Churchill et lui insuffle son caractère vivace et sa personnalité indomptable.
Kristin Scott Thomas apporte sa grâce et son élégance à Clementine Churchill, femme de, mais surtout soutien indéfectible et brillant de son époux.
Lily James interprète avec force et discrétion Elizabeth Layton, la secrétaire de Winston Churchill. Elle représente la fraîcheur et l'enthousiasme de la jeunesse, ainsi qu'une ouverture sur la réalité de ce que vit le peuple.
Ben Mendelshon est très convaincant dans le rôle du roi d'Angleterre Georges V. Sa prestance vient opposer juste ce qu'il faut à Gary Oldman pour rendre les deux personnages intéressants dans leurs échanges.
LES HEURES SOMBRES nous entraînent avec raffinement dans les coulisses de l'Histoire. Passionnant et remarquablement interprété, il ne faut pas hésiter à passer la porte du temps du cinéma pour vivre cet épisode important de notre passé historique.
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Le contexte et le verbe
Au cours de jours sombres et de nuits plus sombres encore, quand la Grande-Bretagne était livrée à elle-même, et pour la plupart, excepté pour les Anglais, le sort de l’Angleterre semblait désespéré, il a mobilisé la langue anglaise et l’a envoyée au combat. L’incandescence de son verbe a illuminé le courage de ses concitoyens.
Le président John F. Kennedy, 1963
« Les mots peuvent changer le
monde. C’est précisément ce qu’il s’est passé avec Winston
Churchill en 1940 », s’extasie le scénariste et producteur
Anthony McCarten. « Il subissait une très forte pression
politique et personnelle. Mais ça lui a donné l’impulsion
nécessaire pour atteindre ce niveau d’éloquence, en si peu de
temps, et de façon répétée ». Anthony McCarten s’intéresse
depuis longtemps à la vie de cet homme politique légendaire, et
comme de nombreuses personnes, les discours et le talent oratoire de
Churchill l’ont beaucoup inspiré. Son précédent scénario, celui
d’UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS (James Marsh, 2014),
s’intéressait à un autre grand homme, Stephen Hawking, dont les
mots ont eux aussi eu un impact décisif sur notre compréhension du
mOnde, alors même qu’il n’était plus capable de les prononcer.
Anthony McCarten revenait ainsi régulièrement à cette période,
entre le 10 mai et le 4 juin 1940, durant laquelle « Churchill
a transformé le charbon en diamants ». Le noyau de son scénario
original, pour LES HEURES SOMBRES, s’articule autour de trois
discours que le Premier ministre britannique rédigea et prononça en
mai et juin 1940. On dit communément que les premiers jours et
semaines à un nouveau poste sont éprouvants. La formule ne pouvait
résonner plus juste pour cet homme de 65 ans nommé Premier ministre
dans le contexte dramatique de l’époque. Les forces alliées
étaient en guerre contre Hitler, mais une démocratie après l’autre
tombait sous le joug des nazis. La Grande-Bretagne était au bord du
précipice. L’heure était au choix : rejoindre le conflit
armé et se préparer au pire ou traiter avec l’Allemagne avec les
conséquences terribles que cela impliquerait pour la souveraineté
britannique.
Le scénariste nous explique : « tel
était le dilemme : tenir front seul, au risque de voir les
forces britanniques et peut-être le pays tout entier se faire
anéantir, ou jouer de prudence, comme le vicomte d’Halifax et le
Premier ministre sortant, Neville Chamberlain, le souhaitaient, et
envisager de signer un traité avec Hitler. Churchill s’est jeté à
bras-le-corps dans la mêlée et a dû se battre contre
l’establishment ».
« Cette histoire est résolument ancrée
dans le passé mais elle résonne à de multiples niveaux avec notre
époque actuelle. Trop souvent les « leaders » sont des
suiveurs. Les décisions prises par Churchill en moins d’un mois
ont eu des conséquences historiques à l’échelle mondiale ». En
même temps, de nombreuses vies étaient menacées. L’intégralité
du corps expéditionnaire, à savoir plus de 200 000 soldats
britanniques, étaient piégés dans le port et sur les plages de
Dunkerque, attendant une évacuation ou un sauvetage. Les recherches
entreprises par Anthony McCarten l’ont conduit aux comptes-rendus
des réunions du cabinet de guerre de Churchill : « ceux-ci
témoignaient d’une période d’incertitude, ce qui peut
surprendre quand on pense à sa forte personnalité de leader. Il
savait qu’il avait pris de mauvaises décisions dans le passé,
notamment durant l’expédition des Dardanelles, lors de la Première
Guerre mondiale ».
« Le scénario a pris forme avec l’examen
des méthodes de travail, des qualités de meneur et du processus de
pensée de Churchill qui valorisait grandement l’importance du
verbe. Il s’est saisi de sa plume pour s’aider, et aider son
pays, à affronter une menace terrible. Ainsi s’est faite la
construction délibérée d’une personnalité emblématique ».
S’étant imposé un rythme de travail intense, en écho à son
sujet, Anthony McCarten rédigea 16 pages en 8 jours qu’il soumit à
la productrice Lisa Bruce avec laquelle il avait déjà collaboré
sur UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS. Elle commente : « à
leur lecture, j’ai compris qu’Anthony travaillait à nouveau à
l’exploration intime d’une icône. On a tous étudié la Seconde
Guerre mondiale et on s’en souvient approximativement. Sans nous
assommer d’informations, Anthony nous replace dans le contexte
historique, permettant à tout spectateur de saisir facilement la
situation et les enjeux ».
« La finesse d’esprit et la
répartie qui l’ont rendu célèbre sont bien sûr présentes, mais
Churchill est appréhendé sous un autre angle. Anthony s’est
concentré sur un moment précis qui rend compte de sa clairvoyance,
de ses qualités de leader et de son aptitude à apprécier
l’importance des situations et des décisions à prendre. Il avait
cette rare aptitude à dissiper le brouhaha inutile et à rallier les
gens à sa cause, même s’il se dressait contre certains membres de
son propre parti. Il a su tous les convaincre de la nécessité de
combattre Hitler, ayant conscience de la portée de la menace et des
risques encourus à l’échelle mondiale ».
La productrice ajoute
que des décennies plus tard, « LES HEURES SOMBRES gardent
tout leur à-propos. Dans un monde où l’on se sent dépourvus de
vrais leaders, on aimerait quelqu’un de la trempe de Churchill qui
saurait se montrer à la hauteur de la situation. Le titre est tiré
de sa propre déclaration selon laquelle il était face à la plus
lourde responsabilité de sa vie. Toute sa vie, déjà fort
impressionnante, n’avait été qu’un cheminement vers ce moment
décisif ».
Alors qu’Anthony McCarten planchait au développement
de son scénario, Lisa Bruce présentait le projet à ses homologues
Tim Bevan et Eric Fellner de Working Title Films, qui avaient eux
aussi participé à la mise en œuvre d’UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE
DU TEMPS. Pour Eric Fellner, « cette histoire d’un homme
politique touchant du doigt la grâce alors même qu’il est soumis
à de fortes pressions » pouvait séduire le réalisateur Joe Wright
avec lequel le duo de producteurs avait précédemment collaboré sur
REVIENS-MOI (2007) qui comprenait déjà d’inoubliables scènes
situées durant la Seconde Guerre mondiale.
Le cinéaste remarque :
« notre relation a évolué, s’est développée. Il y a
toujours cette attitude de faisabilité à Working Title, du genre,
voilà un scénario, un réalisateur, des acteurs : faisons un
film ! Et on le fait ». Eric Fellner avait vu juste, Joe Wright
fut « immédiatement emballé par ce qui s’avéra être un
scénario captivant, de la dramaturgie à l’état pur. J’ai
toujours considéré la Seconde Guerre mondiale comme le point
d’orgue du 20e siècle. Elle a tout changé. Si le public
d’aujourd’hui peut être touché par l’humanité d’une
légende de cette époque, ses qualités de meneur n’en seront que
plus édifiantes ».
Le réalisateur ayant rejoint le projet, une
étroite collaboration débuta alors avec le scénariste qui nous
confie : « Joe ne laissait rien passer. J’ai dû me
rendre une vingtaine de fois chez lui et à chacune de mes visites,
il m’accueillait de la même façon : « content de te
voir. Bon, page cent.». Cet épluchage minutieux, cette attention
aux détails ont vraiment contribué à renforcer le scénario ».
Joe Wright explique : « pour moi, ce film est destiné aux
spectateurs du monde entier, pas seulement aux Britanniques ». « On
a tous vu des films sur les principaux leaders de l’Histoire. LES
HEURES SOMBRES s’intéresse au doute, se penche sur une crise de
confiance. On est dans l’intimité d’un grand de ce monde et on
le voit passer outre les difficultés auxquelles nous sommes tous
confrontés ».
Le choix de l’acteur pour incarner un personnage
historique de cette envergure avait naturellement quelque chose
d’intimidant, l’équipe savait que le casting était primordial.
Le scénariste se souvient : « j’étais en faveur
d’une interprétation révisionniste de ce portrait. Je voulais
voir un acteur transformer notre vision du personnage, et
j’envisageais un acteur du calibre de Gary Oldman ». Il se trouve
que l’acteur et Eric Fellner avaient fait leurs premiers pas au
cinéma côte à côte en 1986, sur le film d’Alex Cox, SID &
NANCY...
Transformation
Le producteur et collaborateur de
longue date de Gary Oldman, Douglas Urbanski commente : « faire
un film sur Winston Churchill défie la logique, sauf si on
s’intéresse à une période et un incident spécifiques, ce que
fait LES HEURES SOMBRES ». « Quand Eric a commencé à réunir
des gens pour discuter du projet, on en a compris tout l’intérêt
: un film divertissant qui donnerait aussi matière à penser aux
répercussions de certains actes et décisions prises par nos leaders
».
« Quand j’ai entendu, "Gary Oldman interprétera
Winston Churchil", j’ai pensé, quelle prouesse ça va être!
» raconte Joe Wright. « C’est un de mes acteurs préférés
depuis l’adolescence : SID & NANCY (Alex Cox, 1986), PRICK
UP YOUR EARS (Stephen Frears, 1987), THE FIRM (Alan Clarke, 1989) ».
La question demeurait : est-ce qu’un acteur qui a déjà
incarné des personnages ayant existé, tels que Sid Vicious,
Beethoven ou Lee Harvey Oswald, serait partant pour interpréter
Winston Churchill? Sa réponse : « j’ai toujours été
fasciné par Churchill, il reste notre plus grand Homme d’État.
Mais je n’ai jamais cherché à l’interpréter. On me l’avait
d’ailleurs déjà proposé et j’avais refusé ». « Ce
n’était pas l’angle psychologique ou intellectuel qui me
freinait, mais la performance physique. Je n’ai pas à vous
expliquer : regardez-le et regardez-moi… Pourtant, à mesure
que l’équipe se constituait, j’avais de plus en plus envie de
dire oui ». « Le scénario d’Anthony n’est pas un «
biopic ». Il se concentre sur quelques semaines décisives de notre
histoire. Il ne couvre pas une longue période de la vie de
Churchill, il n’y a pas de flash-back, donc on élimine le problème
du vieillissement ».
Mais l’élément le plus déterminant pour
l’acteur était le verbe : « je voulais prononcer ces
mots. Les discours de Churchill, qu’il a lui-même écrits, sont ce
qu’on trouve de plus remarquable dans le genre, en langue anglaise.
Ils ne sont ni grandiloquents ni surchargés de métaphores ou
d’images, qu’il savait réservé pour le moment opportun. Il
comprenait les gens à qui il s’adressait et il s’assurait que
les mots qu’il prononçait leur allaient droit au cœur ».
« C’était une période très difficile pour lui. Son propre
gouvernement le rejetait. Il y avait des conflits internes au sein de
son cabinet de guerre et le poids des vies de tous ces soldats piégés
à Dunkerque. Faire usage de la langue anglaise à ce niveau
d’excellence en subissant de telles pressions de toutes parts
relève du miracle ».
Le film allait mettre un des principes chers à
l’acteur à l’épreuve. Il remarque : « tout partait
de la voix. Je devais me convaincre moi-même que ma voix pouvait
passer pour celle de Churchill. J’ai pris un de ses discours et un
répondeur téléphonique et je me suis mis à expérimenter ». «
Puis je suis allé à la recherche d’informations, au-delà de
celles contenues dans le scénario, pour comprendre l’homme qui
avait défié un dictateur. Je voulais comprendre sa psychologie, le
fonctionnement de sa pensée, et le reconstruire pierre par pierre ».
« Le scénario ne couvre que quelques semaines, mais Gary
souhaitait lire tout ce qui le concernait, absorber tout ce qu’il
pouvait de l’homme », se souvient Douglas Urbanski. Le docteur
Larry P. Arnn, historien et biographe de Churchill, a recommandé à
l’acteur ce qu’il considérait comme « les écrits
essentiels. C’était une aide précieuse parce qu’il existe plus
de 1000 livres sur l’homme, il m’aurait fallu des années pour
tout lire! » « Dr Arnn et notre conseiller historique Phil
Reed ont passé en revue tout ce que nous leur avons soumis, ils sont
également venus sur le plateau à plusieurs reprises », précise
encore le producteur. « J’ai persévéré vocalement et j’ai
regardé la mine de documents filmiques qui montrent un homme de 65
ans d’un dynamisme et d’une volonté incroyables », remarque
l’acteur. La carrière et les exploits de Churchill, dont son
héroïsme durant la guerre de Boers en Afrique du Sud (1899-1902),
sont bien documentés, mais Gary Oldman ne pouvait cesser de s’ébahir
devant la somme de ses réussites : « plus de 50 ans au
service du gouvernement, 50 livres écrits (Il recevra à la fin de
sa vie, en 1953, le prix Nobel de littérature), décoré pour 4
guerres, 500 tableaux à son actif et 16 expositions à la Royal
Academy ». « S’il n’avait pas existé, que serait le
monde aujourd’hui? Personne ne l’a encore égalé ».
Son
appréhension de l’homme le mettait en confiance mais celle de son
physique posait encore souci à l’acteur. Selon lui, il ne pourrait
l’interpréter que s’il « le sentait dans (son) corps,
(ses) mouvements, (ses) déplacements dans l’espace. Je devais
pouvoir regarder dans le miroir et le voir lui, ou tout du moins son
âme ». « Kazuhiro Tsuji était la seule personne à même de
m’aider à m’en emparer physiquement. C’est le Picasso des
maquillages spéciaux ».
Reconnu dans le métier comme un artiste à
part en termes de prothèses, Kazuhiro Tsuji a été cité à deux
reprises aux Oscars durant ses 25 ans de carrière, à laquelle il a
mis fin pour se consacrer à la sculpture en 2012. Gary Oldman l’a
alors contacté personnellement. « Il m’a dit : « je
ferai ce film seulement si vous en êtes ». J’ai réfléchi mais
je ne pouvais pas dire non à Gary. Peu d’acteurs comprennent et
apprécient notre travail autant que lui », nous confie l’artiste.
Pour l’équipe, ce fut un énorme soulagement d’apprendre que
Gary Oldman acceptait d’interpréter Churchill ou de « sauter
dans le vide », comme il le dit lui-même. Kazuhiro Tsuji reconnaît
: « c’était très intimidant, atteindre la ressemblance
avec une personne dont le physique est connu de tous. Leurs tailles
et proportions, la forme de leur tête sont totalement différentes.
Gary a un visage ovale alors que Churchill avait un visage beaucoup
plus compact et une tête ronde. Les yeux de Gary sont resserrés,
ceux de Churchill écartés. Je devais prendre en compte toutes ces
contraintes ». « Mais c’est tout l’art du maquillage :
si l’acteur y met son âme, il peut devenir la personne qu’on
cherche à créer ».
Prothèses, maquillages et coiffures ont
demandé beaucoup d’inventivité. L’équipe a rapidement compris
qu’il fallait trouver « un compromis, miser sur un hybride »
selon les termes employés par l’acteur. « Ce devait être
Churchill et moi, un visage avec lequel je pouvais travailler, lui
donner vie ». Ça a demandé 6 mois de travail, d’essais, de
modelage, d’applications, d’ajustements et de tâtonnements pour
parvenir au juste équilibre, ceux-ci menés parallèlement au
développement du scénario, aux recherches faites par le réalisateur
et à la constitution de l’équipe. Kazuhiro Tsuji réalisa des
moulages du corps et de la tête de Gary Oldman.
« On a essayé
5 types de maquillages différents avant de trouver le bon. Joe
Wright a un regard très aiguisé, il nous a été d’une grande
aide », se félicite le maquilleur spécialisé. La chef maquilleuse
et coiffeuse Ivana Primorac, dont c’est la cinquième collaboration
avec le réalisateur, était en charge de l’aspect physique de tous
les autres acteurs. « La silhouette de Churchill est unique,
et connue de tous. On ne peut pas passer outre. Il fallait cette
silhouette à Gary pour pouvoir l’incarner, dans ses mouvements,
dans ses discours. Petit à petit, la transformation a eu lieu. Le
travail accompli par Kazu tient du miracle, je n’ai jamais rien vu
de semblable », s’émerveille-t-elle.
À partir des moulages du
corps et du visage de Gary Oldman, et en utilisant les multiples
photos et documents filmiques sur lesquels apparaît Churchill,
Kazuhiro Tsuji sculpta la silhouette et les traits du grand homme
dans de l’argile. « Un moulage du résultat fut réalisé,
puis on coula une réplique positive en silicone qu’on appliqua
alors sur le comédien. Des perruques furent confectionnées et c’est
ainsi que Gary donna naissance à Winston », explique encore Ivana
Primorac. Une substance spéciale fut ajoutée pour rendre la
silicone plus souple et lui donner la texture de la peau, pour
qu’elle réagisse ainsi aux mouvements faciaux et rende
parfaitement les expressions de l’acteur. Son front et ses lèvres
ne furent pas recouverts après avoir constaté que la silicone
placée à ces endroits entraverait son jeu. Le prothésiste et
maquilleur confectionna également une combinaison en mousse pour
grossir l’acteur. Cette prothèse corporelle très légère
reproduisait seulement la silhouette de Churchill mais elle aidait
également l’acteur à travailler sa posture. Quand le tournage
débuta à l’automne 2016, l’application quotidienne des
prothèses, postiches et maquillage était devenue une science
exacte, qui demandait néanmoins 3 h 30, rallongeant d’autant les
journées de travail de Gary Oldman.
« J’arrivais au studio à
3 h du matin. L’habillage demandait une demi-heure supplémentaire
et le reste de l’équipe arrivait à 7h », se souvient l’acteur.
Ce cérémonial aurait demandé encore plus de temps si ce dernier
n’avait pas pris l’initiative de se raser le crâne pour ne pas
qu’on ait en plus à masquer ses cheveux. « David Malinowski
(superviseur maquillage et prothèses) et Lucy Sibbick (maquilleuse
et coiffeuse) étaient là au quotidien pour suivre rigoureusement
les instructions de Kazu. Ils forment un tandem formidable! »
déclare l’acteur. David Malinowki se souvient : « la
perruque était si délicate, c’était comme si on tenait une paire
de collants remplie des flageolets, et il fallait lui appliquer sur
la tête.
Si elle n’était pas exactement à sa
place, elle plissait et bouclait ». Alors que l’acteur devait
porter la moitié de son propre poids en prothèses, Joe Wright
remarque : « quand on tournait, j’oubliais complétement
les ajouts et le maquillage. Tout était vrai pour moi ».
Le teint
rougeâtre de Churchill était reproduit avec un délicat
enchevêtrement de veines minuscules qui demandait un travail de
peinture minutieux. En partant de la silicone comme toile de fond,
différentes teintes de peau étaient appliquées pour faire
ressortir ou atténuer les contours du visage. Chaque grain de beauté
était ajouté, puis David Malinowski utilisait des pinceaux très
fins pour tracer la multitude de petites veines. Le maquillage devait
être ajusté en fonction de l’heure du jour ou de la nuit, et de
l’état de fatigue physique du Premier Ministre, jusqu’à faire
apparaître les rougeurs du rasage.
« Avec le numérique, la
caméra voit tous les détails. Notre travail se doit d’être
d’autant plus réaliste », ajoute le superviseur. Durant les 54
jours que dura le tournage, Kazuhiro traversa plusieurs fois
l’Atlantique pour pouvoir être présent sur le plateau. Il
remarque : « j’écoutais Gary plus que je ne le
regardais. C’était formidable de voir la ressemblance puis
d’entendre la voix sortir de l’homme ».
« Gary s’impose
en Winston Churchill. Bien qu’il s’agisse de deux figures
historiques totalement différentes, son interprétation me fait
penser à celle de George C. Scott dans PATTON (Franklin J.
Schaffner, 1970). On reste bouche bée face à une telle prestation
», déclare encore Douglas Urbanski. « Sa capacité de
concentration est telle qu’il arrivait chaque jour avec plus
d’énergie que le précédent et motivait les troupes ». À
l’intéressé de conclure : « c’est le rôle le plus
dur qu’il m’ait été donné de jouer. Mais ce fut aussi
l’expérience la plus libératrice. Tous les jours, j’avais hâte
de me rendre sur le plateau et de devenir Winston. Je me disais, j’ai
une chance incroyable ».
Parler et s’habiller comme…
Les discours que Winston Churchill a
rédigés et prononcés en mai en juin 1940 n’ont jamais perdu de
leur force ni de leur pouvoir d’inspiration et gardent aujourd’hui
encore un statut emblématique. Il fut l’un des orateurs les plus
influents du 20e siècle et ses discours, qui ont mobilisé une
nation entière, ont été maintes fois (et sont encore) cités,
adaptés et répétés. Ses mots transcendent les époques et les
cultures, et aujourd’hui le cyberespace. Rendez-vous sur n’importe
quel site de citations célèbres et les mots de Churchill y tiennent
une place de choix.
« Dans LES HEURES SOMBRES, on évoque ces
discours remarquables et les circonstances exceptionnelles qui ont
influencé leur écriture », explique le réalisateur. « Les
gens ne s’en souviennent pas toujours, mais Churchill était
d’abord un journaliste. L’écriture était son premier talent et
sa première arme ». Les mois de préparation, qui avaient débuté
avec le verbe, ont porté leurs fruits et permis à Gary Oldman de
s’approprier la voix de Churchill, accent et jargon inclus.
L’acteur rapporte : « en écoutant ses discours, ceux
qu’on entend dans le film et d’autres, j’ai découvert qu’il
avait un cheveu sur la langue et une voix nasale. J’ai dû décider
quand jouer sur ces particularités, quand faire ressortir ou au
contraire les effacer ». Joe Wright suivait la préparation de
l’acteur et la direction que prenait son travail, mais il gardait
le secret, comme un contrat tacite entre réalisateur et acteur.
Celui-ci lui avait envoyé certains de ses premiers enregistrements.
Il se souvient : « j’étais au Royaume-Uni et Gary était
à Los Angeles. Il s’était enregistré dans son couloir pour
donner de l’écho à la bande. J’ai cru entendre parler
Churchill. Mais ce n’était pas une imitation. Gary s’était
approprié sa façon de parler, il avait trouvé son essence même,
ce qui la constituait intrinsèquement ».
Autre élément
déterminant au perfectionnement de son interprétation : les
costumes qui, comme nous le rappelle Gary Oldman, sont en contact
direct avec le corps de l’acteur. La chef costumière Jacqueline
Durran, dont c’est le quatrième film avec Joe Wright, avait
habillé Gary Oldman dans LA TAUPE (Tomas Alfredson, 2011), mais il y
arborait une silhouette totalement différente. « Jacqueline a
abordé LES HEURES SOMBRES avec la même passion et le même
enthousiasme que nos films précédents, même s’il s’agissait
essentiellement d’hommes en costumes ! » s’amuse à dire le
réalisateur. Son travail a débuté six mois avant le premier coup
de manivelle, consacrant du temps supplémentaire pour se concerter
avec Kazuhiro Tsuji, Gary Oldman et Joe Wright. « Je voulais
donner à Gary les outils nécessaires pour devenir le Churchill
qu’il visait, et à Joe, l’imagerie qu’il avait en tête »,
déclare l’intéressée.
L’acteur se souvient : « il
y avait ces attributs caractéristiques : le cigare, la montre, la
bague, les lunettes, les chapeaux. C’était résolument un homme à
chapeaux ». Les couvre-chefs de Churchill étaient fabriqués
exclusivement par Lock & Co. Hatters, la boutique de chapeaux la
plus ancienne au monde. Fondée en 1676, leurs chapeaux ont orné la
tête d’une multitude de gentlemen, de Lord Nelson à David
Beckham. La production est donc remontée directement à la source,
et Gary Oldman se souvient : « c’était comme un voyage
dans le temps ». « Gary a intégré ces chapeaux dans la
création de son personnage. Il arbore un feutre souple, un chapeau
Cambridge et un haut-de-forme ».
De la même façon, pour les
costumes du grand homme, l’équipe s’est adressée à son
tailleur historique Henry Poole & Co. Tailleur de Savile Row, à
Londres. Ses cigares sont des Siglo de la marque cubano-dominicaine
Cohìba. Sa montre à gousset a été fabriquée par l’entreprise
Breguet. Quant aux chaussures, elles font exception à la règle et
durent être confectionnées sur mesure, le bottier historique de
Churchill n’étant plus en activité. « J’étais comme un
boxeur qui se prépare à monter sur le ring et passe par tout un
rituel : étirements, bandage des mains, etc. Quand on m’avait
appliqué les prothèses, postiches et maquillage, que j’avais
enfilé le costume, ajusté les accessoires, j’étais devenu Winnie
», nous confie l’acteur.
Mais le perfectionnement du physique et
de la voix ne fait pas l’homme. La véritable mise à l’épreuve
vient avec le jeu. Lisa Bruce raconte : « le formidable
travail de maquillage et la transformation physique ne le
conduisaient qu’à la porte d’entrée. C’était à Gary de
l’ouvrir et de nous y faire pénétrer. Sur le plateau, j’en
avais des frissons. À tout moment, j’avais l’impression que
Churchill était là. Ce que Gary accomplit, avec ses yeux, sa
posture, ses mouvements, donne corps et vie à Churchill ».
La femme derrière l’homme
Comme on peut souvent l’entendre
dire, derrière tout grand homme se cache une femme plus grande
encore. Et la femme la plus importante dans la vie de Winston
Churchill, comme durant les quatre semaines intenses sur lesquelles
le film se concentre, était celle qu’il avait épousée 31 ans
auparavant : Clementine, surnommée Clemmie. Il l’a lui-même
dit : « mon plus brillant exploit a été de convaincre ma
femme de m’épouser ». À la fois sa conscience, sa confidente et
sa critique, Clemmie était la personne à qui il faisait le plus
confiance.
Pour le réalisateur, « Clemmie était son associée
aussi politique que domestique. Elle était plus libérale que lui et
plaidait souvent dans cette direction. Il l’écoutait parfois, pas
toujours, mais elle faisait partie intégrante de son processus de
décision ». Le rôle de Clemmie faisait appel à une actrice à
même de représenter classe, distinction, intelligence et vivacité
d’esprit. « Qui d’autre de mieux que Kristin Scott Thomas?
» se félicite Eric Fellner. « Il suffit de l’écouter
parler » renchérit Gary Oldman. « J’ai toujours voulu
travailler avec elle, et je crois même que j’ai toujours eu une
petite faiblesse pour elle, depuis l’adolescence ».
Pour
l’intéressée, Clemmie était « un pilier, un roc. Elle et
Winston s’adoraient, et avaient des engueulades formidables. La
façon dont il est parvenu, durant ces quelques semaines de mai et
juin 1940, à insuffler un sens du patriotisme, du courage et de la
fierté au peuple britannique, est extraordinaire ». Comme Gary
Oldman, Kristin Scott Thomas fut largement intimidée par la somme de
documentation sur les Churchill : « j’ai reçu de la
production un carton entier de livres, et chacun d’eux était un
pavé. Mais je m’y suis plongée et c’était fascinant ».
« J’avais aussi conscience de la façon dont Clemmie avait
été jouée avant moi. Je devais trouver ma propre voie, mon
interprétation et ma vision du personnage ».
Là encore, les mots
de Winston ont indiqué le chemin à suivre. L’actrice raconte
: « Churchill dit dans l’une de ses lettres qu’il n’aurait
pas été capable d’endurer la guerre sans la présence de Clemmie
à ses côtés. Il apparaît clairement qu’elle était d’un grand
soutien. Elle avait ses propres idées bien définies sur la
politique, les actions à entreprendre dans le monde, la meilleure
façon de gouverner, et elle en faisait part à Winston ». La
productrice renchérit : « autant sentimentalement
qu’intellectuellement, Clemmie et Winston étaient à armes égales.
Personne n’avait une meilleure appréciation de lui, ne le voyait
avec une telle lucidité, au-delà du vernis et des apparences.
Kristin en avait bien conscience et le fait très bien ressentir dans
ses scènes avec Gary. C’était comme un pas de deux, un vrai
bonheur de les observer faire ». À son partenaire de jeu de
déclarer : « je crois que la Clémentine de Kristin fera
autorité. Elle a créé un personnage magnifique, et je pense qu’il
y a une bonne alchimie entre nous ». « J’oubliais
complétement que j’avais affaire à Gary. Nous étions Winnie et
Clemmie », renchérit l’actrice.
Répondant à ce qu’elle voit
comme « une page déterminante de notre histoire, et de
l’Histoire, que tout le monde devrait garder à l’esprit », la
jeune actrice Lily James s’est emparée du rôle d’Elizabeth
Layton, la fidèle secrétaire personnelle de Churchill. Elle déclare
avoir été ravie « de jouer autre chose qu’un objet
d’attraction dans un film qui n’est pas une intrigue romanesque,
mais montre le développement d’un très beau lien entre Churchill
et sa secrétaire ».
Le scénariste s’est inspiré des mémoires
de l’intéressée, qui détaillent ses années au service du grand
homme sous son nom de femme mariée, Elizabeth Nel. «
Elizabeth assume un regard extérieur », nous explique Joe Wright.
« Je voulais qu’il n’y ait aucune entrave entre Lily et
les spectateurs. C’est facile de s’identifier à elle, d’adopter
son point de vue, et il donne à voir un aspect important de notre
histoire : d’abord, l’aliénation de Churchill d’avec le
peuple britannique, puis le rétablissement et le renforcement d’un
lien, d’une véritable connexion ». « D’une certaine
manière, il vivait en vase clos. À un moment où la présence d’un
vrai leader est devenue nécessaire, il a dû sortir de sa bulle et
entrer en contact avec les hommes et les femmes de la rue. Ce n’est
qu’en écoutant leurs peurs, leurs préoccupations et leurs
résolutions qu’il a pu mieux comprendre l’implication et les
répercussions des décisions majeures qu’il lui fallait prendre ».
Lily James nous confie : « j’ai adoré lire
l’autobiographie d’Elizabeth. Elle était d’une nature
combative et avait conscience de l’importance de la tâche qui
était la sienne. Son livre déborde d’admiration. On voit qu’elle
aimait véritablement Churchill, comme tous ses plus proches
employés. Il était extrêmement strict et exigeant, mais il avait
une vraie générosité, un humour et une vivacité d’esprit
incroyables ». « J’avais du mal à voir Gary derrière son
Churchill, son interprétation est follement audacieuse, ce qui ne
l’a pas empêché de se montrer très gentil avec moi. Quant à
Joe, il s’intéresse d’abord à l’humanité des personnages et
sait se parer contre la lourdeur de l’Histoire et de la politique
».
La chef maquilleuse et coiffeuse remarque : « Lily est
une jeune femme très moderne mais on est parvenus à en faire une
femme plus ordinaire des années 40 ». Durant le tournage, l’actrice
se répétait souvent, Elizabeth doit le suivre partout. Même en
voiture, elle est toujours présente, bloc-notes à la main. « Il
m’a quand même fallu quelques mois pour apprendre à taper comme
une pro sur une machine à écrire d’époque ». « En gros,
Elizabeth était de service à toute heure du jour ou de la nuit, et
j’ai dû me mettre dans l’état d’esprit d’une jeune femme
dans sa petite vingtaine travaillant étroitement avec un homme de
génie, sur des écrits et des discours qui allaient changer le cours
de l’Histoire ». La chef costumière s’est aussi attachée à
faire évoluer la garde-robe d’Elizabeth qui, au début, porte de
jolies petites robes souples et qui, plus tard, s’habille de façon
plus affirmée, avec des tailleurs ajustés et des tricots, qui
reflètent l’influence que la proximité du grand homme a pu avoir
sur elle.
Pour la productrice Lisa Bruce, « Elizabeth est une
pâquerette qui pousse au milieu de tous ces hommes puissants et plus
âgés. Elle apporte une énergie différente. Avec elle, Churchill
peut baisser sa garde, et grâce à elle, on découvre une autre
facette de sa personnalité ». « Lily est naturellement
curieuse, mais elle met aussi en exergue l’innocence d’Elizabeth
et sa loyauté envers Churchill. La vraie Elizabeth parle de son
extrême exigence, mais aussi de combien il était enthousiasmant de
travailler avec lui, ce dont Lily a parfaitement su rendre compte ».
Les contemporains de Churchill
Bien qu’il siégeait au Parlement
depuis plus de 40 ans, Winston Churchill n’était pas considéré
comme un candidat sérieux au poste de Premier ministre, mais la
situation semble s’être retournée le 10 mai 1940 quand le roi
George VI l’a finalement nommé. Churchill bénéficiait cependant
de peu de soutien de son propre Parti conservateur (les Tories) et de
l’establishment britannique en général. Invitant immédiatement
son prédécesseur Neville Chamberlain et le vicomte d’Halifax
(Edward Frederick Lindley Wood) à siéger à son cabinet de guerre,
Churchill avait bien conscience que Chamberlain exerçait une forte
influence sur le Parti conservateur et qu’Edward aurait été
préféré de beaucoup, dont le roi, au poste de Premier ministre. Il
avait refusé parce qu’il pensait ne pas pouvoir gouverner
efficacement en tant que membre de la Chambre des lords, estimant que
le Premier ministre se devait de siéger à la Chambre des communes.
Ben Mendelsohn qui interprète le roi George VI déclare :
« j’étais ravi, et surpris, quand on m’a proposé de jouer
Sa Majesté. Incarner un personnage britannique de cette stature
était un défi que je ne pouvais pas refuser ». Lisa Bruce se
souvient : « Joe a pensé à Ben. Il lui a fallu apprendre
à maîtriser l’accent, ainsi que les vestiges du bégaiement du
roi, ce qui n’a fait qu’accentuer la ressemblance physique ». Le
réalisateur explique : « j’ai tout de suite pensé à
Ben. J’avais été bluffé par sa prestation dans LES POINGS CONTRE
LES MURS (David Mackenzie, 2013), par cette énergie brute qui peut
atteindre une impressionnante intensité. On sent toutes ses émotions
à fleur de peau, ce qui donne du poids aux scènes entre le roi et
Churchill ».
Ivana Primorac remarque : « Ben aurait pu
entrer sur le plateau tel quel. On a simplement accentué son air de
majesté, dans sa coiffure par exemple. On l’a ennobli, ce qui l’a
peut-être aussi incité à se tenir et à bouger différemment.
C’est assez impressionnant : quand il se trouve à côté de
Churchill, celui-ci paraît soudain petit et négligé ». Gary
Oldman corrobore : « après la prestation de Colin Firth
(dans LE DISCOURS D’UN ROI, Tom Hooper, 2010), ce rôle n’était
pas simple à assumer, mais Ben y parvient brillamment. Son approche
est incomparable. Il a appelé Joe et lui a dit : "il y a
trop de R dans mes scènes."
Il était attentif au fait que les
gens qui bégaient choisissent les mots qu’ils emploient. Les
répliques furent donc modifiées dans ce sens ». Quant à
l’intéressé, il déclare : « mon but n’était pas
d’imiter le roi George VI mais de l’interpréter. Aucun effort
n’est jamais de trop et je voulais être juste. Ce fut un réel
honneur de donner la réplique à Gary Oldman, et soyons réalistes,
je n’approcherai jamais Churchill de plus près ».
Si la relation
de Churchill avec le roi évolue au cours du printemps 1940, ses
opinions et ses stratégies s’opposent à celles de Chamberlain,
d’Halifax et beaucoup d’autres. Ces dissensions sont largement
documentées dans les comptes rendus des réunions du cabinet de
guerre que le scénariste cite mot pour mot à de nombreuses reprises
dans le film. « Les scènes du cabinet de guerre sont la pièce
maîtresse du film et de l’histoire que nous racontons. Les
dialogues, tirés des comptes rendus, sont d’une grande richesse
dramatique. Je voulais en faire des moments de cinéma, avec ces 17
acteurs réunis dans une même pièce. On évalue souvent la valeur
cinématographique d’un film en termes de larges mouvements de
caméra et de beaux paysages, mais pour moi le cinéma est fonction
d’intentions, pas de toiles de fond », déclare Joe Wright. « Une
partie de la mise en scène m’a été dictée… par Churchill. Il
plaçait en effet ses opposants face à lui, pour les empêcher de
parler dans son dos ».
Le scénariste remarque : « d’un
côté, il y avait ceux qui souhaitaient calmer les nazis, et de
l’autre, ceux qui étaient pour une entrée en guerre contre
Hitler. Le conflit entre Churchill et Halifax cristallisait cet
affrontement. En les voyant et en les entendant, le public comprendra
ce à quoi le Royaume-Uni et Churchill devaient faire face ». « On
ne voulait pas faire un film qui dirait simplement : Churchill
est formidable. On souhaitait que les spectateurs entendent les
différents arguments et y réfléchissent. Ce qui correspond
exactement à la façon de faire de Churchill. Il écoutait et
prenait en considération les différents points de vue qu’on lui
soumettait, puis il prenait une décision », continue le
réalisateur. « J’espère que le public prêtera attention à
Halifax et prendra en compte sa position : si la Grande-Bretagne
n’avait pas gagné la guerre, aurait-il eu raison? Churchill ne
serait alors plus considéré comme un héros. Une victoire militaire
est sujette à la chance, elle dépend de tellement de choix, qui
peuvent s’avérer tragiques ou pas ». « L’Histoire a donné
raison à Churchill et ça vaut la peine de le célébrer, mais en
mai 1940, une négociation de paix n’était pas à rejeter sans
considération, d’autant que la Grande-Bretagne n’avait plus
d’armée à proprement parler. Ses troupes au sol étaient piégées
à Dunkerque. Si elles avaient été anéanties, le RoyaumeUni
n’aurait plus été à même de se défendre ».
Pour le rôle
d’Halifax, un aristocrate très pieux, le réalisateur souhaitait
un acteur capable d’incarner conviction et autorité, en évitant
un antagonisme trop caricatural. On lui suggéra le nom de Stephen
Dillane. Il déclare : « Stephen est un acteur
rigoureux. J’étais convaincu qu’il saurait communiquer sérieux
et dignité, et faire entendre les arguments d’Halifax ». « On
ne peut pas faire la sourde oreille face à la défense de la paix,
mais Churchill savait qu’historiquement, les pays qui se rendent
bassement ne se relèvent jamais vraiment, alors que ceux qui se
battent, trouveront la force de se battre à nouveau », explique le
scénariste. Quant à l’intéressé, il remarque : «
c’était difficile de trouver un seul argument écrit en sa faveur,
de l’appréhender objectivement. Il est passé du mauvais côté de
l’Histoire. C’était intéressant de le replacer dans un contexte
où il pensait pouvoir devenir le leader du Parti conservateur et où
l’intervention militaire n’était pas encore décidée ».
L’acteur émérite Ronald Pickup interprète Neville Chamberlain,
suite au décès de John Hurt qui avait été pressenti pour le rôle.
« Chamberlain était favorable à une conciliation avec
Hitler. La Chambre des communes refuse cette proposition et le force
à démissionner. Il demeure cependant chef du Parti conservateur »,
explique l’acteur. Pour le producteur Douglas Urbanski, « Ronald
donne au personnage un mélange de vulnérabilité et de force. À
travers ses yeux seuls, on comprend beaucoup de Chamberlain à mesure
que l’heure tourne. Beaucoup de gens pensent que Churchill et lui
étaient rivaux, ils oublient qu’à sa mort Churchill lui a rendu
un très bel hommage devant la Chambre des communes ».
Pour Ronald
Pickup, jouer face à Gary Oldman était « aussi émouvant
qu’impressionnant. Gary était mû par une force vitale. C’est un
immense acteur parce qu’il ne commente pas ce qu’il fait ». « Le
scénario d’Anthony était éminemment objectif, dénué de
jugement, et Joe nous évitait de tomber dans l’excès, il aimait
tous ses personnages ». Comme le remarque Lisa Bruce, tous les
acteurs purent tirer bénéfice de la rigueur de Joe Wright, de son
attention pour les détails : « je n’avais jamais
participé à un film où le réalisateur consacre deux semaines
entières aux répétitions, permettant ainsi aux acteurs de
réellement trouver leur personnage ».
Quant à Gary Oldman, il nous
confie : « pour moi, c’était 10 semaines : le
bonheur absolu. Je n’avais plus eu l’occasion de répéter aussi
intensivement depuis mes années au théâtre ». « Joe a fait
venir des chercheurs et des historiens pour discuter avec les
acteurs, il a organisé des sorties et des visites, invitant la
famille de Churchill à y participer », nous révèle la
productrice. « Ça influe sur le film qui ne donne jamais
l’impression d’être une simulation. Sa façon de préparer au
jeu est exceptionnelle ».
Les décors
La toile de fond des HEURES SOMBRES
montre une Grande-Bretagne à bout de forces. La Première Guerre
mondiale avait porté un coup dur à son économie et à ses
effectifs de travail, et deux décennies n’avaient pas suffi à
relever ses capacités industrielles et militaires. L’approche de
la Seconde Guerre mondiale présageait d’avantage encore
d’austérité. Pour rendre compte de l’état du pays, Joe Wright
fit à nouveau appel au tandem Sarah GreenwoodKatie Spencer, chef
décoratrice et ensemblière respectivement, avec lesquelles il avait
déjà collaboré à maintes reprises. Comme auparavant, leur équipe
élabora des décors circulaires, prisés du réalisateur pour la
flexibilité de travail qu’ils permettent, autant avec les acteurs
que la caméra.
Ses indications furent les suivantes : « Londres
n’était pas la même en 1940 qu’aujourd’hui. La ville était
plus sale, plus sordide. Toutes les vues traditionnelles sont donc à
éviter ». Des jaunes mats, des bleus passés, des sofas effilochés
et des tapis usés furent utilisés. La palette chromatique de
l’intérieur de la base du Premier ministre, au 10 Downing Street,
fut atténuée comme en avaient convenu le réalisateur et son
directeur de la photographie Bruno Delbonnel. Ce qui convenait
parfaitement à Sarah Greenwood qui estime que « cette période
peut parfois avoir l’air un peu kitsch au cinéma, ce que nous
avons voulu éviter le plus possible dans LES HEURES SOMBRES ».
«
Pour l’intérieur du 10 Downing Street, nous avons trouvé une
maison georgienne délabrée dans le Yorkshire. Nous avons plus ou
moins pu en faire tout ce que nous voulions, dont les décors
circulaires souhaités par Joe ».
Le département artistique n’avait
pas pour mot d’ordre de reproduire le 10 Downing Street à
l’identique, en partie parce qu’il existe peu de documentation
sur ce à quoi l’endroit ressemblait à l’époque. « Ça
nous a donné la liberté de créer notre propre version du N° 10
qui paraît authentique sans ressembler en rien à l’original. Nos
escaliers, par exemple, vont dans la direction opposée, » s’amuse
la chef décoratrice.
Pour Buckingham Palace, la production utilisa
Wentworth Woodhouse, une imposante demeure néoclassique qui détient
le titre de plus grande résidence privée du Royaume-Uni. Bruno
Delbonnel éclaira les scènes intérieures au travers de trous
minuscules parce que l’équipe des décors « avait couvert
les fenêtres d’énormes volets. Buckingham Palace n’était pas
rutilant en ces temps difficiles, il est ici beaucoup plus sombre
qu’aujourd’hui ».
Reflétant le temps que Churchill leur
consacra au cours des 4 semaines que couvre le film, les deux décors
les plus importants sont celui de la Chambre des communes et celui du
cabinet de guerre, dont l’authenticité était primordiale. Le vrai
cabinet de guerre a été conservé comme pièce de musée et on ne
peut pas y tourner, mais la production y a pris des photos et des
mesures. Gary Oldman y a passé plusieurs heures et a même été
autorisé à s’asseoir dans le siège de Churchill. Des mois de
recherches et un long travail de conception ont donné naissance à
une reproduction étonnante du bunker bas de plafond dans lequel
Churchill et son cabinet de guerre se réunissaient pour débattre et
définir leurs stratégies. Le décor fut construit aux légendaires
studios Ealing, les plus anciens au monde, où des classiques tels
que TUEURS DE DAMES (Alexander Mackendrick, 1955) ou IL PLEUT
TOUJOURS LE DIMANCHE (Robert Hamer, 1947) ont été tournés.
Rien n’a été laissé au hasard, pas
même le type et la couleur des punaises sur la carte d’Europe. «
La disposition des punaises était parfaite. Ça ressemblait de façon
inquiétante au réel cabinet de guerre. C’est très certainement
un des décors les mieux conçus dans lequel il m’ait été donné
de travailler », commente Gary Oldman. « Les détails étaient
impressionnants. J’ai ouvert certains des carnets qui se trouvaient
là, pour y découvrir des reproductions parfaites des mains
courantes et autres registres originaux ».
Le conseiller historique
Phil Reed a été conservateur du cabinet de guerre de Churchill
pendant 23 ans. Il a donné sa bénédiction à la reproduction
réalisée par l’équipe de Sarah Greenwood et Katie Spencer. Il
commente : « le briquetage, les poutres métalliques et
même l’air qu’on y respire sont conformes à l’original.
Certaines mesures ont dû être adaptées pour faire de la place aux
caméras, etc. Mais l’atmosphère et l’ambiance sont brillamment
recréées ».
Le département artistique a supervisé la création
d’une ruche grouillant d’activité, avec des rangées de
téléphones, des piles grandissantes de papiers, des cartes d’Europe
et des dortoirs en chambardement. L’ambiance générale est celle
d’un chaos organisé, l’équipe s’étant attachée à
reproduire le lieu en pleine activité, plutôt que dans son état de
préservation.
Pour la chef décoratrice, « le cabinet de
guerre est un désordre en mouvement d’où émergeait la vision de
Churchill quant aux décisions à prendre. Ils étaient tous là,
dans ce bunker souterrain à chercher la bonne voie. Joe souhaitait
faire ressortir cette nécessité de faire avec les moyens du bord.
Les dialogues communiquent avec brio les informations explosives dont
le cabinet est détenteur et ce qu’il décide de partager ou non
avec le pays ». « Le décor était fait de murs épais et
amovibles, permettant à Joe et Bruno toute une variété d’angles
et une réelle proximité avec les acteurs », raconte Douglas
Urbanski. Pour le réalisateur, « comme une bonne partie du
film se passe dans ce lieu souterrain, on voulait rendre compte de la
claustrophobie, de la pression qui pèse sur ces gens, mais également
de leur persévérance. Et ils ne bénéficiaient pas de la
technologie moderne, ils faisaient avec les moyens de l’époque, ce
qui me touche également ».
Contrastant avec la ruche souterraine,
la Chambre des communes s’élève à l’air libre. Sa
reconstitution, alors qu’elle n’avait pas encore été touchée
par le Blitz (bombardements stratégiques menés par la Luftwaffe)
qui débuta en septembre 1940, fut réalisée aux studios Warner
Bros., à Leavesden, au sud-est de l’Angleterre. La chef
décoratrice explique : « l’utilisation d’un décor
donnait plus de marge de manœuvre à Joe et Bruno. Au départ, on
pensait tourner dans l’actuelle Chambre des Communes, bien qu’elle
ait été reconstruite et n’était plus conforme à l’original de
l’époque, mais on nous a dit que personne, pas même les acteurs,
ne serait autorisé à s’asseoir sur les bancs ».
« Nous
avons opté pour un bois plus riche et plus sombre, pour lui donner
un air plus victorien », précise le réalisateur. « C’était
un décor imposant et compliqué, et notre directeur artistique Nick
Gottschalk a déterminé ce qu’il était possible de faire,
notamment en termes de budget. Mais nos efforts ont été justifiés,
permettant à Bruno des éclairages et des mouvements de caméra
recherchés », nous confie encore Sarah Greenwood. « Bruno est
un maître en matière d’éclairages mais il a également un grand
sens du naturalisme et sait laisser l’histoire et l’interprétation
parler d’eux-mêmes ».
« Tout le scénario tend vers cette
scène finale : l’inoubliable discours de Churchill devant la
Chambre des communes, le 4 juin 1940 », remarque Joe Wright. 450
figurants, représentant conservateurs et travaillistes, furent
costumés de la tête aux pieds par l’équipe de Jacqueline Durran.
Ils occupent le décor, se nourrissant et répondant à l’énergie
de Gary Oldman.
« La présence de figurants, contrairement aux
foules rajoutées en postproduction, dynamise le tournage », se
félicite le réalisateur. À Sarah Greenwood d’ajouter : « on
avait réellement l’impression d’y être, d’assister à ce
moment historique ».
Dans les pas de…
Parallèlement, quand Churchill
traverse à grands pas St Stephen’s Hall, tire son chapeau et lève
sa canne devant les statues des anciens Premiers ministres, Gary
Oldman est filmé foulant réellement le sol du Parlement. Après LES
SUFFRAGETTES (Sarah Gavron, 2015), le film est le deuxième à avoir
reçu la permission, après six mois de négociations, de tourner
dans le palais de Westminster. Avec une sécurité sans faille,
l’équipement, les véhicules et l’équipe étaient
scrupuleusement inspectés et acheminés jusqu’au lieu du tournage,
sans le moindre détour possible.
Aucune modification du scénario
n’a cependant été demandée et Gary Oldman a même pu fumer le
cigare durant les prises. Si l’intérieur du 10 Downing Street a
été reconstitué, la production a obtenu l’autorisation, après
plusieurs mois, de tourner à l’extérieur de la célèbre adresse,
avec là aussi, d’importantes mesures de sécurité à respecter. À
nouveau, ce n’est que le deuxième film auquel cette faveur a été
accordée, donnant la possibilité à la caméra de Bruno Delbonnel
de suivre Gary Oldman sortant dans la rue, et pas uniquement de le
filmer à partir de la porte d’entrée. Seuls des documentaires et
des équipes journalistiques y avaient été autorisés auparavant.
Le jour le plus sombre du tournage reste celui du dimanche de
commémoration (le deuxième dimanche de novembre) où la citadelle
de Calais, recréée pour l’occasion au Fort d’Amherst, à
Chatham, dans le comté de Kent, subit les impitoyables attaques
adverses du mois de mai 1940. 110 figurants vêtus d’uniformes
militaires furent réunis pour peupler la scène et Joe Wright
demanda à ce que « Sleep » de Max Richter soit joué pour
donner le la.
Durant le siège de Calais, les forces françaises et
anglaises essuyèrent de très lourdes offensives allemandes. Des
troupes furent évacuées à Dunkerque mais la garnison de Calais fut
entièrement disséminée. Réalisateur et chef opérateur ont
chorégraphié la scène qui débute sur une croix couverte de
bougies avant de suivre le chemin emprunté par le brigadier lisant
le télégramme qui scelle le sort de ses hommes. Pour ce
plan-séquence tourné à la Steadicam, le cadreur était suspendu à
des fils de fer afin d’être soulevé par une grue, après la
lecture du télégramme, à une hauteur de 12 mètres et de pouvoir
ainsi avoir une vue d’ensemble de la scène. On passe ensuite
imperceptiblement à un plan depuis l’avion qui se destine à
lâcher une charge fatale.
« C’était ma première
collaboration avec Bruno et ce fut très stimulant. Sa participation
a été déterminante pour le film », déclare Joe Wright. Pour le
chef monteur Valerio Bonelli, c’était aussi une première avec le
réalisateur. Il le fit ainsi se rapprocher d’un de ses fréquents
collaborateurs, le compositeur Dario Marianelli, qui avait commencé
à écrire la musique en amont du tournage. Le montage, comme une
partie du tournage, put ainsi se faire au rythme des compositions de
Marianelli.
Au réalisateur de conclure, « c’était
probablement bien venu, pour une telle histoire ayant trait à un
tournant de notre histoire, que notre équipe créatrice soit
composée d’Anglais, de Français et d’Italiens ».
S’approprier le personnage
Anthony McCarten reconnaît : «
il y a des scènes dans LES HEURES SOMBRES dans lesquelles Winston
Churchill semble très peu ministériel ».
« Churchill buvait
régulièrement un verre de vin blanc ou du scotch au déjeuner, et à
cause de son planning surchargé, il n’était pas inhabituel qu’il
ait des rendez-vous au saut du lit ou même avant, ou durant son bain.
Il dictait généralement ses mémos pour la journée depuis son lit,
et il recevait des visites et parlait des affaires de l’État en
robe de chambre ou en chemise de nuit », raconte Joe Wright.
«
Et quoi qu’il advienne, il faisait la sieste tous les après-midi à
16 h et gardait à cet effet un petit lit à une place dans le
cabinet de guerre. C’était un véritable excentrique ». « Pour
arriver à l’homme, derrière la légende, il était important de
définir ses traits de caractère. Nous avons théâtralisé certains
moments spécifiques mais tout nous vient des recherches que nous
avons effectuées », précise le scénariste.
« Un point qui
n’est pas souvent souligné dans les livres d’histoire, et qui
semble particulièrement révélateur, tient au fait que Churchill a
été l’artisan de l’opération Dynamo pour laquelle une
flottille hétéroclite d’environ 700 bateaux de la marine
marchande, des flottes de pêche et de plaisance, et des canots de la
Royal National Lifeboat Institution, a été appelée pour aider à
évacuer les soldats alliés des plages et du port de Dunkerque.
Cette opération était l’idée de Churchill. Elle a sauvé la vie
à plus de 300 000 soldats français et britanniques ».
Anthony
McCarten déclare : « je souhaitais élargir notre
appréhension de l’homme. J’avais le sentiment que sa nature
multidimensionnelle avait été recouverte par le vernis de
l’Histoire. Ses faiblesses, ses manies et ses doutes ont été
gommés de biographies les plus exhaustives. Il est souvent
représenté comme un homme inébranlable et parfaitement déterminé.
Je pense que nous lui rendons justice en montrant aussi ses défauts,
ses incertitudes. Au cours de ces 10 dernières années, historiens
et biographes commencent à révéler d’autres facettes de sa
personne et notre film s’inscrit dans cette nouvelle école de
pensée ».
À Phil Reed, Officier de l’ordre de l’Empire
britannique, directeur émérite du cabinet de guerre de Churchill,
et conseiller historique sur le film, de conclure : « Winston
Churchill est souvent vu comme l’homme qui a sauvé son pays et le
monde. Ce film met en lumière une période de sa vie durant laquelle
il a clairement abattu ses cartes. Il est passé d’un homme entouré
de gens qui ne lui accordaient ni confiance ni respect à celui d’un
leader qui a laissé sa marque sur son gouvernement, ses compatriotes
et sur le monde. Il a bien réussi son coup ».
LES DATES-CLÉ
Mai & juin 1940
10 mai L’Allemagne envahit la
Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas
10 mai Chamberlain perd le vote de
confiance à la Chambre des communes, Churchill est nommé Premier
ministre
17 mai Les forces allemandes percent le
front français (la percée de Sedan)
20 mai Churchill initie les préparatifs
pour l’opération Dynamo
24 mai Bataille de Dunkerque
26 mai au 4 juin Évacuation de
Dunkerque
Nombre de soldats alliés arrivés en
Grande-Bretagne
27 mai 7 669
28 mai 17 804
29 mai 47 310
30 mai 53 823
31 mai 68 014
1er juin 64 429
2 juin 26 256
3 juin 26 746
4 juin 26 175
Total 338 226
#LesHeuresSombres
Autre post du blog lié au film LES HEURES SOMBRES
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.