vendredi 30 novembre 2018

ASSASSINATION NATION


Thriller/Drame/Un film en accord avec son genre, une réalisation punchy et fun, sans être parfait il atteint son but

Réalisé par Sam Levinson
Avec Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef, Abra, Bella Thorne, Bill Skarsgård, Maude Apatow, Joel McHale...

Long-métrage Américain
Durée : 01h50mn
Année de production : 2018
Distributeur : Apollo Films

Interdit aux moins de 12 ans

Date de sortie sur les écrans américains : 21 septembre 2018
Date de sortie sur nos écrans : 5 décembre 2018


Résumé : Lily et ses trois meilleures amies, en terminale au lycée, évoluent dans un univers de selfies, d’emojis, de snapchats et de sextos. Mais lorsque Salem, la petite ville où elles vivent, se retrouve victime d’un piratage massif de données personnelles et que la vie privée de la moitié des habitants est faite publique, la communauté sombre dans le chaos.

Lily est accusée d’être à l’origine du piratage et prise pour cible. Elle doit alors faire front avec ses camarades afin de survivre à une nuit sanglante et interminable.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : j'ai eu l'opportunité de découvrir ce film au festival Utopiales de Nantes. ASSASSINATION NATION nous promet de tout faire partir en vrille et il tient ses promesses. Le réalisateur Sam Levinson nous propose une critique de la société américaine violente et imprégnée d’exagération. Il instaure un style à son film et il s’y tient. Le travail sur les ambiances malsaines et la montée en pression atteint son but et le ressenti est-là. Il fait preuve d’imagination avec sa réalisation qui offre quelques moments de mise en scène très enthousiasmant. Sur le fond, au début du film, la description d’une jeunesse qui se livre à tous les excès n’est pas forcément originale, cependant quand il commence à traiter son idée à fond et que ça dérape, c’est très fun. 





La tournure des événements évoque certains mangas ou films japonais fantastiques. Les personnages ne sont pas sympathiques, ils sont même pathétiques par leurs comportements, mais au fur et à mesure que la situation se dégrade, des caractères finissent par s’affirmer et on s’attache à certains. 

Les personnages féminins sont vraiment sympas, à leur façon qui fait dans le bizarre, et les actrices sont hyper convaincantes. Le groupe d’amies composé de Lily, interprétée par Odessa Young, Sarah interprétée par Suki Waterhouse, Bex interprétée par Hari Nef et Em interprétée par Abra se révèle avoir pas mal de peps et de répondant face aux menaces criminelles à affronter, en commençant par leur relation avec des hommes peu fréquentables tels que Mark, interprété par Bill Skarsgård ou encore Nick, interprété par Joel McHale. Les deux acteurs sont supers. 

Copyright photos @ Apollo Films

En plus de la critique sociale acerbe, il y a également une vision arriérée, machiste, visant à être choquante, des relations garçons/filles chez les adolescents. La morale de l’histoire cherche à briser les images et les a priori d’une façon peu crédible, mais plutôt amusante.

ASSASSINATION NATION est fidèle à ce qu’il cherche à être. Même s’il n’est pas sans défauts, il réserve des surprises très sympas dans son scénario et dans sa mise en scène. Il se révèle fun dans l’ensemble et assume son côté gore et violent. Si on aime les films de ce genre, il convainc tout à fait.

Note : il y a une petite scène post-générique.

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

« Je sais que mon film est choquant, effrayant, et débordant de haine », déclare Sam Levinson, le réalisateur, « mais tel est aussi l’état du monde actuel. Ce film parle de notre identité américaine ; il décrit la façon dont notre soif de divertissements, d’humiliation et de violence a fini par dépasser notre instinct de survie. »

L’ado américain typique passe en moyenne onze heures par jour sur internet, et l’on sait maintenant que son mal de vivre est proportionnel au temps qu’il consacre aux médias sociaux. D’où ce paradoxe : en évitant les médias sociaux, les jeunes risquent de se retrouver seuls et marginalisés, précisément ce qu’ils redoutent et redouteront toujours.

Pour une ado férue d’Instagram telle que Lily (Odessa Young), le chemin de l’individualité passe forcément par une culture de l’extrême. C’est pourquoi Sam Levinson a décidé d’ouvrir son film avec de la provoc’ pure et dure, un avertissement qui sert à prévenir le public de ce qui l’attend : « harcèlement scolaire, préjugés de classe, décès, alcool, drogues, sexe, masculinité toxique, homophobie, transphobie, armes à feu, nationalisme, racisme, kidnapping, regard masculin sur la femme, sexisme, obscénités, torture, violence, gore, armes et egos masculins trop fragiles. »

Cet avertissement sert aussi à définir l’univers de Lily, son royaume des sens et de l’imagination, en quelque sorte, le seul qui lui soit familier. Ayant grandi scotchée à son Smartphone, elle n’a jamais su ce que c’était que de vivre loin des médias sociaux et de la pression constante qu’ils exercent, et sans courir le risque d’être humiliée en permanence. Et à vie.

Alors qu’il rédige le script du film, telles sont les pensées qui traversent l’esprit de Sam Levinson, sans doute influencées par le fait que le réalisateur et sa femme attendent alors leur premier enfant. Il s’explique ainsi : « Je me suis demandé ; dans quel genre de monde mon enfant va-t-il naître? Il est tellement dur de nos jours d’être jeune, quand la moindre de vos erreurs peut être immortalisée. Chaque coup d’un soir maladroit, chaque cliché peu flatteur, chaque texto intime peut devenir un outil d’humiliation. » Alors qu’il se prépare à écrire son script et qu’il cherche à déterminer quel genre de menace pourrait ainsi assiéger une petite ville, honte et humiliation sont les deux émotions qui inspirent principalement le réalisateur. La ville ne serait pas attaquée de l’extérieur mais de l’intérieur, par une forme de terrorisme particulièrement moderne : le piratage électronique anonyme.

Alors qu’il écrit, Sam Levinson parvient à visualiser le film dans son esprit, avec son écran coupé en trois, ses couleurs acidulées, et ses références aux comédies pour ado et aux thrillers hyper-sanglants. Mais il y voit également l’opportunité de réinventer les règles du genre. « Comment faire un film qui saisisse et reproduise l’instabilité émotionnelle du Net? », se demanda-t-il. « Comment faire du Net même un genre de film ? »

Avec ambition et à un rythme effréné, Sam Levinson se lance dans l’écriture de son script durant trois semaines et demi. « A partir du moment où j’ai compris que ces quatre meilleures amies devaient vraiment unir leurs forces pour se défendre, le film s’est pratiquement écrit tout seul. »

En situant l’intrigue de son film dans la ville imaginaire de Salem, il fait naturellement un clin d’œil au procès des sorcières de Salem (Massachussetts, 1692), cette quintessence des réactions sociales excessives, un chapitre grotesque de l’histoire américaine, un épisode de panique morale qui aboutit à vingt meurtres. « J’y vois une parallèle », nous dit Levinson, «voici de nouveau une ville qui a perdu la tête et qui s’attaque à des innocents, mais Salem est avant tout pour moi une banlieue perdue dans l’Amérique profonde. Des Salem, il y en a partout en Amérique. »

“UN FILM, 4 FILLES”

En imaginant l’intrigue du film, Sam Levinson décide de se concentrer sur le personnage de Lily, une jeune fille de 18 ans qui refuse de porter le chapeau pour le piratage catastrophique qui vient de balayer sa ville. Elle se défend férocement, avec une grande attention et une forte agressivité.

« Les films japonais dits « Subekan » ont eu une énorme influence sur mon travail» explique le réalisateur. « C’est l’un des seuls sous-genres où l’on a donné aux jeunes femmes libre cours à leur colère. »

Ce genre (qui met en scène des gangs de jeunes délinquantes japonaises) émerge dans les années 70 et 80 et inspire non seulement plusieurs films et séries TV mais aussi des bandes dessinées représentant de jeunes rebelles en uniforme d’écolière et aux cheveux teints qui se battent implacablement contre l’injustice.

Parmi les films « Subekan » qui l’ont influencé, Sam Levinson cite FEMALE PRISONER #701 : SCORPION (1972), la série STRAY CAT BOSS (1970) et en particulier DELINQUENT GIRL BOSS : WORTHLESS TO CONFESS (1971), auquel Levinson rend hommage dans son film, avec ses quatre héroïnes en trench-coats cirés rouges.

« Ce que j’adore dans ces films, c’est leur représentation de la fureur et de la colère adolescentes », déclare-t-il. « Mais en même temps, ils font preuve d’une certaine théâtralité, ce qui est rare et que je voulais à mon tour explorer à travers ces quatre personnages, les raisons tangibles de leur fureur et l’univers imaginaire où elles l’entraînent. »

L’actrice Hari Nef (TRANSPARENT) qui joue Bex, l’amie de Lily, explique pourquoi l’approche de Sam Levinson l’a intriguée: « au début je me suis dit ‘voilà un homme blanc, hétéro, cisgenre, la trentaine, qui essaye d’écrire un film provoc’ sur quatre adolescentes », dit-elle, « mais je me suis rendue compte que ce qu’il écrivait sonnait incroyablement juste. Je me suis posée beaucoup de questions mais Sam les a encouragées, dès le début. Il voulait que nous participions, que nous lui donnions notre avis. »

Odessa Young partage cette opinion: « la clairvoyance de Sam m’a épatée. A priori, on a là une histoire d’adolescentes qui se battent contre leur communauté. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’elles se battent aussi contre une sorte de gigantesque machine culturelle. Et j’adore le fait qu’elles se rebellent contre tout ça. »

Bien qu’écrit avant #MeToo et #TimesUp, le film est au diapason de ces deux mouvements car il donne du pouvoir à ses personnages féminins et les traite avec respect. Dès le départ, le réalisateur se fixe des règles de base très claires: il n’y aura ni nudité, ni objectivation de la forme féminine, et très peu de sexe.

« Puisque l’un des thèmes du film est celui de l’exploitation, je voulais vraiment éviter de donner au public cet angle de visionnage », explique-t-il. « Je souhaitais montrer comment le Net a modifié notre manière d’aborder la sexualité en rendant les choses plus crues, plus grossières. Cela dit, si l’on remplaçait ces quatre filles par quatre garçons, personne ne s’offusquerait de leur façon de parler ; personne ne trouverait ça tabou. »

Levinson observe également que Lily ne correspond pas tout à fait à l’image qu’elle donne d’elle-même en ligne ou sur ses selfies un peu salaces : « Internet a divisé tout le monde en deux versions de nous-mêmes: qui l’on est véritablement et notre personne publique, l’image que l’on projette. Là où ça se complique, c’est quand on essaye de réconcilier les deux. »

Quel que soit le niveau de démence dans lequel sombre Salem, le plus important pour Sam Levinson est de faire en sorte que ce groupe de quatre amies, leur amitié et les périples qu’elles traversent, sonnent toujours juste. « Je voulais que ces quatre jeunes filles soient très humaines, faillibles et brouillonnes », dit-il, « mais je voulais également faire d’elles des héroïnes, leur donner l’opportunité de réécrire leur histoire à leur manière et de changer leur réalité. »

DES RISQUES QUI PORTENT LEURS FRUITS

Une fois son script terminé, un scénario au sujet radioactif, Sam Levinson se retrouve confronté à ses propres doutes : qui prendra le risque de produire ASSASSINATION NATION ? Pour Kevin Turen (de Phantom Four Productions) la question se pose alors autrement : « comment pourrais-je ne pas produire ce film ? »

Le producteur se souvient : « en lisant le script, je me suis dit ‘wow, je ne m’attendais à ça, et je n’ai jamais rien vu de semblable auparavant’. Ce script reflète avec une telle justesse les angoisses qui hantent notre époque et la colère qui y règne. C’est comme si Sam avait mis le doigt sur ce que l’on ressent quand on quitte l’enfance, au sein d’un monde plus effrayant que jamais. J’adore que le film soit construit comme un film d’horreur où le monstre s’avère être le Net. »

Le producteur Aaron L. Gilbert de Bron Studios, qui aura précédemment collaboré avec Kevin Turen, est un autre atout en or pour l’équipe. « Kevin m’a appelé et il m’a dit ‘tu dois absolument lire ce script’ », se souvient-il, « il est porteur d’un message essentiel ; il parle de notre monde d’aujourd’hui, un monde où l’absence totale d’espace privé transforme radicalement nos vies, nos interactions sociales et le fait même de grandir. Mais Sam a traité ça de façon complètement dingue et super divertissante. »

En relisant le script, Aaron Gilbert réalise que son thème dépasse l’intrigue au cœur de l’histoire. « Je suis un témoin immédiat de cette façon qu’ont les jeunes de communiquer à présent », explique-t-il. « Je vois mon fils assis devant la télé, son iPhone à côté de lui, en train de jouer à la PS3. C’est la réalité du monde actuel. Sam a réussi à puiser dans cet univers et à adopter le point de vue d’une jeune ado qui en est accro mais qui parvient également à voir plus loin. »

D’emblée, Aaron Gilbert sait qu’il sera délicat pour le film de trouver le ton juste. « Ce que je préfère dans mon travail c’est de prendre des risques avec certains films », dit-il. « Mais en rencontrant Sam et en étant confronté à son amour du cinéma, j’ai tout de suite compris que nous n’aurions aucun problème. »

La productrice Anita Gou (également productrice de TO THE BONE, de Marti Noxon) a saisi le message du film dès sa première lecture du script. « Je suis tombée sous le charme du dialogue, des thèmes à la fois déjantés et super actuels de l’histoire et de son côté ludique », déclare-t-elle. « J’aime qu’on explore ce que c’est d’être une jeune femme quand on se retrouve, bien malgré soi, l’objet de conversations publiques et de jugements hypocrites. Ce n’est pas souvent qu’on voit de films mettant en scène quatre héroïnes, et ce simple fait est en soi terriblement excitant. »

Mais ce qui impressionne le plus Anita Gou est le respect de Sam Levinson envers ses personnages. « En dépit des sujets tabou qu’aborde le film, la caractérisation des personnages féminins est très différente. Il a pris le temps d’écrire des personnages féminins complexes, des ‘dures à cuire’ qui sont également drôles et réalistes. Elles en bavent et elles essayent de trouver un moyen de s’unir pour mieux se défendre – et c’est exactement ce que font les ados, maintenant plus que jamais. »

Les touches plus « baroques » du film ne l’inquiétèrent en rien ; au contraire : « Je me suis dit, allons-y à fond ! J’aime que le film ait un côté choquant et éhonté. J’espère qu’il suscitera des conversations, qu’il amènera les gens à remettre en question cette façon qu’on a tous de se juger continuellement les uns les autres, de juger les femmes, les personnages publics, les ados… Voilà un type de violence qui pervertit notre société et à laquelle on prête peu attention. »

Outre ces films japonais des années 70 mettant en scène des gangs de filles des années, l'ADN de ASSASSINATION NATION regorge d'inspirations cinématographiques.

Alors que les cinéphiles aimeront identifier les influences visuelles et les références culturelles du film, pour Levinson, celles-ci reflètent simplement le monde tel que nous le comprenons aujourd’hui : à travers un prisme étourdissant d’influences visuelles et de références culturelles.

«J’ai eu cette vision : LA VALLEE DES POUPÉES rencontre Wong Kar Wai», dit Levinson, combinant ainsi l’univers glamour-kitsch de ce classique américain des années 60 et le célèbre cinéaste de Hong Kong, réputé pour ses rêveries luxuriantes et sa photographie onirique. « Mais ensuite, notre directeur de la photo, Marcell Rév, a joint notre équipe et nous a emmenés encore plus loin. »

Marcell Rév est surtout connu pour son travail étonnant sur WHITE GOD, le film de Kornel Mondruzco mettant en scène un soulèvement canin, et qui a remporté le prix « Un Certain Regard » au Festival de Cannes 2014. En amorçant leur collaboration, Marcell Rév et Sam Levinson ont tous les deux évoqué une vaste gamme d'influences potentielles.

Le travail de Petra Collins, une photographe canadienne âgée de 25 ans, leur a servi de point de départ. Cette artiste avait déjà bouleversé le monde de l'art avec ses portraits lumineux et chaleureux d’adolescentes. Ces photos offrent une alternative à la fois émotionnelle et empathique au regard masculin qui domine depuis si longtemps le monde de l’art et du cinéma.

Puis le duo évoque les couleurs changeantes du MEPRIS (CONTEMPT) de Jean-Luc Godard, un « film à l’intérieur d’un film », et les triptyques utilisés par ce pionnier du cinéma, Abel Gance, dans NAPOLEON (1927). «L’idée des triptyques nous a séduit, mais avec le même format d’image que celui d’un iPhone», note Levinson. « C’était à la fois rendre hommage à Gance et à l’ère numérique tout en faisant du vrai cinéma.»

En termes d’influences cinématographiques, Levinson inclut également le classique COMME UN TORRENT (1958) de Vincent Minnelli, CARRIE (1976) de Brian De Palma, ainsi que THE FOG (1980) et ASSAUT (1976) de John Carpenter. Levinson a également revu trois films qui abordent le changement dans notre façon de gérer nos vies depuis l'avènement des communications de masse: LE GOUFFRE AUX CHIMÈRES de Billy Wilder (1951), UN HOMME DANS LA FOULE d'Elia Kazan (1957) et NETWORK de Sidney Lumet (1976).

Mais les influences présentent dans le film s'étendent également au-delà du cinéma. Dans les premiers instants de ASSASSINATION NATION, Lily cite l’auteur qui déclara un jour: «Dix pour cent des gens sont cruels, dix pour cent sont charitables et les quatre-vingt pour cent restants peuvent balancer dans un sens comme dans l’autre». Cette auteur, la célèbre critique sociale Susan Sontag, parlait alors des leçons qu'elle avait tirées de l'Holocauste.

Levinson se souvient qu’il avait à l’esprit ON PHOTOGRAPHY (1977), la collection d’essais de Susan Sontag, quand il a écrit son script. Dans ceux-ci, Sontag explore à quel point l’imagerie omniprésente a transformé à jamais l’humanité en une société de témoins. «Cette idée m’intéressait beaucoup, selon laquelle nous sommes devenus un monde de voyeurs, qui observent passivement les tragédies et les situations d’urgence », déclare-t-il. «Cette citation des dix pour cent, je l’ai écrite sur un papier il y a des années. J'ai toujours espéré que le véritable montant de ces pourcentages était quelque peu erroné et pas aussi monstrueux, mais honnêtement, qui suis-je pour contredire Susan Sontag? »

LILY : UNE CONDAMNÉE

Pour jouer l’héroïne du film (et le principal bouc-émissaire de l’histoire), Sam Levinson prend un risque. Il cherche une actrice que le public n’aura pas encore étiquetée, et catégorisée. Après de longues recherches, il rencontre finalement Odessa Young, une actrice Australienne de 19 ans qui a remporté un Oscar australien pour sa performance dans le rôle principal de THE DAUGTHER (2015).

Il se souvient: «J’ai vu en elle à la fois de la malice, de la confiance et une certaine sagesse. Pour moi, c’était Lily. Plus nous parlions, plus je savais qu'Odessa serait parfaite pour le rôle. Son visage est tellement ouvert que l’on un accès direct à ses émotions. Et elle a su puiser en elle une légère folie qui est fascinante et qui convient parfaitement au personnage de Lily. »

Du franc-parler de Lily et de sa sexualité assumée au retournement dans l’intrigue qui la voit se transformer en adolescente vengeresse dans la seconde partie du film, l’actrice savait que ce rôle constituerait une importante épreuve dans sa carrière. »

«Pour être honnête, quand j'ai d’abord lu le script, j'étais terrifiée », dit-elle. «C’était tellement audacieux, si dramatique et si différent de tout ce que j’avais lu ou vu jusqu'alors. Même si le script fourmille d'idées incroyables, Sam traite le tout de façon très ludique et le script ne s’enlise jamais dans ses idées. Ce fut une lecture drôle et passionnante. »

Elle remarque que même si la vie de Lily est assez différente de la sienne, elle a toujours ressenti un fort lien avec son personnage. «Je n'ai pas grandi dans une petite ville américaine, et je n’ai pas vraiment été influencée par la culture des médias sociaux. Mais je me suis sentie proche de l’idée -universelle- de cette ado à qui l’on a dit toute sa vie qu’elle va être jugée. Le montant de vitriol auquel elle est confrontée dans l’histoire m’a fait peur, en lisant le script. Mais il s’agit d’un sujet très important, et il faut l’aborder. »

L’actrice commente alors cette façon saisissante qu’a le film d’aborder la sexualité dans toutes ses complexités, à travers une imagerie imprégnée de sexe. «J’adore que Sam fasse des observations poignantes sur la sexualité des adolescents dans le monde d’aujourd’hui, mais qu’il n’inclue toutefois qu’une unique scène de sexe dans le film, toute en silhouette. Le film brise le stigma qui touche encore les femmes quand elles parlent de plaisir de la même manière que les hommes. Lily tente de maîtriser sa sexualité de différentes façons, mais elle est également déroutée par la multitude de diktats sociaux qui accompagnent l’amour et la sexualité.»

L'une des scènes les plus difficiles à tourner pour l’actrice est celle qui met en scène une confrontation intense entre Lily et son petit ami, Mark (joué par Bill Skarsgård). «J’ai eu la chance, dans ma vie, de n’avoir jusqu’à présent jamais connu ce genre de conflit, de guerre de pouvoir», dit-elle. «Alors pour cette scène, j’ai vraiment réagi dans l’instant, parce que c’était une expérience complètement nouvelle pour moi, tout comme elle l’était pour Lily, qui n’a jamais été confrontée à ce genre de vitriol auparavant. Et puis Bill est un acteur fantastique, tout comme Joël McHale. C’était formidable de tourner une scène aussi incroyablement difficile avec lui. »

Tout cela nous amène aux scènes finales dans lesquelles Lily prend vraiment possession du pouvoir qui est en elle. «Nous en avions tellement bavé dans la première partie du film que le moment de rendre des comptes était enfin venu», dit-elle en riant. « Nous étions prêtes à y aller à fond et à nous défendre, becs et ongles. Mais durant ces scènes, le dialogue avec Sam s’est poursuivi. Nous avons tous beaucoup communiqué avant et pendant le tournage ; nous avons vraiment exploré le sujet, ce dont nous avions tous terriblement besoin. C’est aussi pour cette raison que le film sort du lot. »

BEX SE FAIT ENTENDRE

Pour interpréter Bex, l'amie la plus proche de Lily dont la situation ne fait qu’empirer alors que Salem s’auto-détruit, Sam Levinson fait appel à Hari Nef, une actrice, modèle, et écrivain principalement connue pour son interprétation de Tante Gittel, une femme transgenre dans le Berlin des années 30, découverte par flashbacks dans TRANSPARENT, série Amazon couronnée aux Emmy Awards. Le réalisateur s’attend à mettre un certain temps pour trouver sa Bex, mais Hari Nef met fin à ses recherches avant même qu’elles ne commencent. «Je me souviens très bien du jour où Hari est venu faire un essai», se souvient le réalisateur. «Elle avait quelque chose de profond, de réel et d’amusant, et elle a été capable de puiser dans plusieurs registres en même temps.»

D’emblée, Hari Nef est intriguée par le personnage de Bex et par le projet même. «On m'avait décrit Sam comme quelqu’un y allant vraiment à fond, et je l’ai clairement perçu dans son travail. », dit-elle. «Le scénario nous fait vraiment ressentir ce que c’est que d’être une jeune femme de nos jours. L’humour noir du script m’a également beaucoup parlé, ainsi que la façon dont Sam ose rire de certaines personnes et de certaines idées pathétiques ou violentes dans notre société. A mon avis, c’est le meilleur moyen de leur régler leur compte. Le scénario oscille continuellement entre humour et désespoir, réalité et fantasme, optimisme et nihilisme - sans jamais perdre l'équilibre. »

Le montant de recherches effectuées par Sam Levinson la charme aussi. «Lorsque j'ai reçu ce script, il s’accompagnait d’un nombre incroyable d'images de références. Sam s'était complètement plongé dans l’univers Tumblr des adolescentes, et dans toute cette esthétique « soft-grunge. » C'était incroyable à voir. »

Plus que tout, le personnage de Bex touche Nef sur le plan personnel et émotionnel en tant que jeune transsexuelle ayant elle-même lutté contre des choses similaires à son personnage. «Je me sens très protectrice vis-à-vis de Bex, mais elle m’impressionne. J’aurais aimé être comme elle au lycée. Elle se laisse aller à sa propre vulnérabilité et comprend déjà qui elle est, d'une manière vraiment impressionnante pour son jeune âge. »

Hari Nef est également impressionnée par la détermination dont fait preuve Sam Levinson en développant le personnage de Bex. «C’est toujours ainsi que ça devrait se passer quand un homme écrit un personnage féminin » remarque-t-elle. «Sam est un artiste formidable, et j'ai également partagé avec lui des détails spécifiques à Bex, pour l’aider à établir un contexte pour ce personnage. Le sentiment de bienveillance et de confort que Sam a su créer sur le plateau nous a permis à tous de nous sentir vraiment à l'aise, non seulement avec lui, mais aussi, en tant que femmes, avec la façon dont sa caméra allait nous filmer. »

A propos de ce qui rend les personnages de Lily et Bex si proches l’une de l’autre, Nef remarque: «Je pense que Bex comprend les aspirations profondes de Lily, ce que Lily garde pour elle. Elles sont capables de regarder au plus profond l’une de l’autre. Je les imagine amies depuis toujours. Mais arrivé au lycée, on essaye tous de nouvelles versions de nous-même – on s’habille d’une nouvelle manière, on s’intéresse à une musique différente - même si une partie de nous reste la même et que nos amis s’en rendent compte. Compte tenu de tout ce qui se passe dans le film, je pense que la nature même de leur amitié, honnête et vraie, est ce qui la rend intemporelle. »

Odessa Young ne tarit pas d’éloges sur Nef, en tant que covedette du film mais aussi en tant qu’amie : « Hari m’inspire sur le plan professionnel, mais nous avons également tissé des liens très profonds toutes les deux. J’espère que ce qui ressort de nos scènes est ce sentiment de tendresse et cette absence de jugement entre Lily et Bex. J'adore qu’elles s’affrontent toutes les deux car je trouve ça passionnant de voir à l’écran une amitié féminine mais parfois conflictuelle, basée sur des sentiments profonds. »

Il s’agit là de son premier grand rôle dans un film, et Nef se retrouve plongée dans le feu de l'action, au cœur de scènes extrêmement intenses. «J'ai réalisé moi-même la plupart de mes cascades», admet-elle avec une note de fierté, «mais en fin de compte, les scènes les plus difficiles à tourner furent aussi les plus subtiles. Lorsque Bex est menacée, elle sort pour ainsi dire de son corps, car la réalité est trop horrible pour elle à supporter, y compris physiquement. Et c’est ce que vivent beaucoup de personnes victimes de violence. Bex fait de son mieux pour se projeter durant ces scènes, et c’est ce que j’ai fait moi aussi. »

Les scènes les plus difficiles à tourner pour elle furent celles qui l’opposent à l'acteur Danny Ramirez. Il incarne un footballeur nommé Danny qui entretient une romance secrète avec Bex. «Ces scènes concrétisent le désir absolu qu’à Bex d'être vue et aimée pour qui elle est, et pour sa façon d’exister », explique Nef. «Je voulais représenter cette sensation de déchirement entre l'exaltation de l’état amoureux et le sentiment terrible qui nous accable quand on est rejeté. C’est quelque chose que tout le monde vit, à un moment ou à un autre. »

QUATRE ADOS À SALEM : LEUR MILIEU SOCIAL

Le casting est aussi minutieux que la conception même du film. L’un des producteurs, Kevin Turen, explique: «La directrice de casting, Mary Vernieu, est extrêmement talentueuse et nous avons pris le temps de trouver le candidat idéal pour chaque rôle. Sam était déterminé à trouver des acteurs que le public n’aurait peut-être jamais vu auparavant, ou en tout cas, jamais de cette façon. » Deux jeunes stars des médias sociaux complètent le quatuor principal. La chanteuse de R & B, Abra, qui s’est fait connaître sur YouTube, fait ses débuts au cinéma dans le rôle de Em, tandis que Suki Waterhouse, mannequin, star-entrepreneur des médias sociaux et actrice en puissance, joue Sarah.

Avec Odessa Young et Hari Nef, elles incarnent un lien indéfectible qui remet en question la manière dont les amitiés adolescentes sont représentées à l'écran.

«J’avais déjà vu des vidéos d’Abra et j’ai eu l’impression qu’elle possédait une qualité assez vive, mais aussi une grande douceur », explique Levinson. «Lorsque nous l'avons filmée, son charisme et son potentiel sont devenus une évidence. Quant à Suki, elle a en elle cette espèce d’espièglerie et d’agitation un peu frénétique que je recherchais pour le personnage de Sarah. J'avais particulièrement hâte de voir comment les quatre actrices allaient jouer ensemble et s’affronter. Elle se sont encouragées les unes les autres à faire de leur mieux, à perfectionner leur jeu. Et elles ont, pour ainsi dire, fini par former leur propre gang de filles. »

«Sam a deviné que nous nous entendrions tous bien », a déclaré Odessa Young, «et son intuition s’est avérée très juste. Nous nous sommes beaucoup amusés ensemble. Mais je pense que cela faisait effectivement partie de sa stratégie à la base, car de cette légèreté naît un sentiment de vérité. » Dans les autres rôles-clés on retrouve également Bella Thorne et Maude Apatow, ancienne star de Disney et d’Instagram, récemment vues dans OTHER PEOPLE de Chris Kelly et THE HOUSE OF TOMORROW de Peter Livolsi. «La possibilité de jouer avec cette nature préconçue que les gens peuvent avoir de Bella et retourner complètement cette image était excitante», dit Sam Levinson. «Bella s’est montrée complètement géniale et elle s’est donnée à cent pour cent. Lorsque Maude a auditionné, ce qui m'a le plus frappé, ce sont ses yeux incroyablement expressifs. Elle a une présence digne d’une star du cinéma muet, comme Clara Bow. »

Pour le rôle du proviseur de lycée, Monsieur le Proviseur Turrell, un personnage à la fois noble et généreux, Levinson savait exactement quel acteur il voulait. Colman Domingo, nominé aux Tony Awards pour sa performance impressionnante dans THE SCOTTSBORO BOYS, est surtout connu par les téléspectateurs pour avoir tenu le rôle de Vincent Strand, le survivant de l'épidémie dans FEAR THE WALKING DEAD. «J'ai immédiatement pensé à Colman en écrivant ce rôle», explique Levinson. «Il est incroyablement doué. J’ai su sans hésiter qu’il transcenderait ce rôle, et c’est exactement ce qu’il a fait. Il a une grande humanité. Domingo aborde le personnage de Turrell comme un homme qui voit toujours en ses étudiants des enfants débordants de potentiel, même s'ils sont sur le point de commettre les pires erreurs. «Je me suis senti investi d’une certaine responsabilité, pas vraiment en tant que mentor, mais plutôt comme si j’étais sensé fournir un fondement capable de recueillir toute leur énergie», explique l’acteur, qui jouit déjà d’une longue carrière. «Cette énergie était terriblement contagieuse. Tout le monde allait de l’avant, avec audace, et avait quelque chose d’intéressant à partager. »

Parmi les acteurs masculins du film figure également Bill Skarsgård, (récemment vu dans le film d’horreur IT) et qui joue le premier amour de Lily ; Joël McHale (de la série TV COMMUNITY) qui joue une relation secrète de Lily; et Cody Christian (TEEN WOLF) dans le rôle de Johnny, le « quarterback » de l’équipe de football locale. « Bill Skarsgård est un bel homme mais il jouit également d’une incroyable imprévisibilité », remarque Sam Levinson. «Joël McHale est tel que vous pouvez donner n’importe quelle motivation aux personnages qu’il incarne, une véritable aubaine pour ce rôle. Quant à Cody, il s’est complètement investi dans son rôle et il nous a offert une performance absolument terrifiante. Le personnage de Johnny est le genre d’individu que j’ai passé toutes mes années lycée à éviter. »

LE LOOK DU FILM

Comme dans le monde virtuel hyperkinétique qu’il dépeint, ASSASSINATION NATION est un véritable régal pour les sens. Selon Odessa Young, «les médias sociaux ont leur propre esthétique et Sam a toujours souhaité que ce film comporte des images faites de GIF et des mèmes. C’est ce qu’il a fait avec chaque élément: le dialogue, le cadrage, les costumes et le design. » Un véritable synchronisme entre Sam Levinson et le directeur de la photo, Marcell Rév, a donné lieu à de nombreuses idées hors-normes. Aaron L. Gilbert, producteur du film, se souvient: «Marcell a utilisé des ampoules trouvées chez Walmart, ce qui donne au film un look incroyable. J'aime à quel point l'histoire se passe de mots. Il y a beaucoup de dialogues mémorables dans le film, mais il y a aussi des passages entiers où ce ne sont que les images qui font avancer le récit. »

Avec les costumes aussi, le film se prête à une autre forme d’expression, grâce au travail de la créatrice Rachel Dainer-Best, qui s'est immergée dans un monde où la mode se découvre non plus à travers les pages des magazines mais à travers les blogs, les forums et les ‘apps’ . « On voulait que les filles aient l'air tout droit sorties de Tumblr », explique Levinson, «Rachel et moi sommes tombés d’accord sur l'idée que chaque personnage aurait une sorte de tenue bien à elle, avec des variantes. Nous avons travaillé presque entièrement dans une gamme de pastels, sans couleurs vives ni couleurs primaires, à tel point qu’on atteint presque l’onirique. C’est le monde tel que ces quatre filles l’imaginent. Cela dit, nous ne voulions pas créer un univers inaccessible. Nous voulions utiliser des tenues abordables et facilement réalisables ; la règle étant que tout ce qui était à l'écran devait pouvait être acheté pour moins de trente dollars. Et tout devait pouvoir être représenté par des GIF. Nous avons suivi ces mêmes règles pour le maquillage, en prenant des idées de tutoriels sur YouTube, et nous inspirant de K-Pop, de dessins animés et d’autres choses trouvées sur Tumblr. »

Les tons pastel ne changent qu'à la fin du film, lorsque les quatre amies revêtent leurs trench-coats rouges et rutilants. « Rachel a pris cette idée et y est allée à fond », déclare Levinson avec admiration, « et les manteaux qu'elle a conçus dépassent mes espérances. » A propos des costumes, Hari Nef a eu aussi son mot à dire : «Rachel a fourni un travail incroyable en imaginant ainsi le goût et le style très spécifiques de ces quatre filles. Ceci nous a beaucoup parlé car cela reflète réellement la manière qu’ont les ados de se créer un espace bien à eux dans leurs propres micro-cultures. Leur personnalité un peu hardcore se manifeste également dans les vêtements qu’elles portent. Cela me rappelle les films pour ados des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix tout en étant tellement moderne et d’actualité ; j’adore ça. » Et d’ajouter: « Parce qu’être d’actualité, en gros, cela revient à sortir d’une machine à remonter le temps où l’on aura assemblé les objets et les vêtements qui nous plaisent depuis 30 ans. »

MISE EN SCÈNE DU SIÈGE

Le point d’orgue dans la production du film est cette scène, cruciale, d’invasion de domicile ; une prise continue et ambitieuse d’une durée de cinq minutes. Pour ce type de scène déjà vue de nombreuses fois au cinéma, Sam Levinson et son équipe veulent briser les conventions et s’essayer à quelque chose de nouveau. Plutôt que de filmer les personnages de près, la caméra est positionnée à l’extérieur, devenant par là même une sorte de voyeur qui avance à son propre rythme et s'arrête pour regarder les personnages derrière les fenêtres, comme pour troubler leurs vies privées et observer leurs réactions.

«Au départ, la scène devait dépeindre un incendie, mais à cause de restrictions budgétaires, c'est devenu une invasion de domicile», révèle le réalisateur. «Et cela nous a vraiment permis d’ouvrir cette scene visuellement. Dès le début de la production, notre chef décorateur, Michael Grasley, a construit une maquette 3D miniature de la maison, puis le directeur de la photographie, Marcell Rév, et moi-même sommes restés au bureau pendant des heures à faire ses essais avec la maquette et à chercher des idées afin de filmer une séquence d'invasion de domicile telle que personne ne l'aurait jamais vue auparavant. »

L’équipe de tournage se met alors à visionner de nombreux exemples du genre, de HALLOWEEN de John Carpenter (1978), à BLACK CHRISTMAS (1974), en passant par le film d’épouvante autrichienne ANGST (1983).

Levinson remarque que cette scène fonctionne également en tant qu’analogie visuelle du piratage informatique. « L’idée de situer le point de vue de la scène à l’extérieur de la maison, et de l’orienter vers l’intérieur, nous a offert une métaphore parfaite. Cela semble suggérer qu’il y a toujours un accès dérobé par laquelle un « hacker » peut s’immiscer. »

Pour créer cette sensation de l’extérieur observant l’intérieur, l’équipe de Rev a utilisé un bras de grue monté sur des rails de travelling et permettant de passer d’une fenêtre à l’autre. A court de temps et de ressources, Sam Levinson ne scénarise pas intégralement la séquence, ainsi chorégraphiée. Mais après que lui et son équipe aient fini de régler tous les détails techniques, l'équipe passe six semaines à répéter la scène, d'abord avec un iPhone, puis avec les caméras, puis enfin avec les acteurs. Ils tournent la scène extérieure en une seule journée et le tournage à l’intérieur de la maison se fait un autre jour.

«Nous devions avancer tellement vite qu’on devait pour ainsi dire fermer les yeux et espérer que tout fonctionne», s’amuse Levinson. « Mais c'était vraiment excitant, parce que l'équipe était super motivée dans son désir de résoudre tous ces défis techniques et les acteurs étaient prêts à répéter, encore et encore, jusqu'à ce que nous y arrivions. »

LA PARADE FINALE

Les derniers plans mémorables du film -- cette sorte de parade défilant dans la ville détruite et menée par une jeune majorette pleine de défi – ont failli ne pas avoir lieu. «Nous avons du tourner cette scène alors qu’il nous restait seulement 25 minutes de lumière», se souvient Levinson. «Nous avions recruté cette incroyable fanfare dans un lycée de Louisiane, mais nous n'avions pas eu le temps de répéter et n'avons pu faire que quelques prises. Pourtant, j’ai senti qu’il y avait quelque chose de beau dans ces images, la façon dont cette majorette continue d’avancer à travers le chaos. »

Levinson lui-même a continué à aller de l’avant, sans s’arrêter, une fois le film tourné. «Je suis passé au montage pendant 9 mois et ce fut pour ainsi dire une leçon d’humilité », déclare-t-il. «Il y avait tellement d'idées en jeu qu’on pouvait vraiment obtenir une scène plus violente, plus drôle ou plus émotionnelle, en fonction du « cut ». Ce fut difficile, mais j’ai eu la chance d’avoir à mes côtés des producteurs qui m’apportaient un immense soutien et qui avaient une confiance quasi-aveugle en mon travail. »

Le réalisateur a également collaboré avec Ian Hultquist, connu pour son groupe électro-pop « Passion Pit » et ses innovantes compositions au synthétiseur. Comme pour le reste du film, Levinson voulait une bande-son inattendue. «Nous nous sommes vraiment mis à avancer lorsque Ian a commencé à couper, à mélanger et à brouiller les pistes, en mettant l'accent sur les cymbales et les percussions», déclare le réalisateur. «Ian envoyait des morceaux, je les ralentissais, je les jouais à l'envers et les lui renvoyais pour lui montrer quel niveau de folie, de démence je souhaitais atteindre. Nous avons ensuite demandé à Isabella Summers de « Florence + the Machine » de composer la musique originale du film, donnant ainsi libre cours à une bande-son complètement démente. »

Une fois le film terminé, les producteurs ont vite compris que leur « confiance aveugle » avait réellement porté ses fruits. «Sur dix personnes qui voient le film, déclare Aaron Gilbert, il y aura probablement dix points de vue différents. C’est ce qui fait que le film est unique et terriblement divertissant. » Anita Gou d’ajouter: «Nous nous attendons tous à ce que le film suscite un débat. Mais comme il est conçu pour la génération Internet, une grande partie du débat pourrait avoir lieu en ligne. En ce sens, nous espérons que la conversation deviendra littéralement virale. »

Hari Nef partage avec nous ses espoirs quant à l’accueil du film par le public. «J’aimerais que l’on ressorte du film avec à la fois une impression de sérieux et de légèreté ; que l’on soit prêt à réfléchir à ce qui se passe en 2018, mais aussi à ce qu’on attend de notre pays, de notre communauté et des gens qui font partie de notre vie. De nos jours, on se dit qu’il ne vaut même plus la peine de prendre parti, car il on ne sait plus ce qui est vrai ou faux. Mais ce que j'aime le plus dans ce film, c'est qu’à la fin, alors que la ville est pratiquement anéantie, on en vient à se demander: et alors, que fait-on maintenant ? Quelle est l’étape suivante ? »

Et d’ajouter : « C’est ce que l’art est sensé faire. L'art se doit d’être explosif. »  

Source et copyright des textes des notes de production @ Apollo Films

  
#AssassinationNation

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