samedi 25 janvier 2020

WAVES


Drame/Romance/Une réalisation intense, de belles interprétations, un film dur et émouvant

Réalisé par Trey Edward Shults 
Avec Taylor Russell McKenzie, Kelvin Harrison Jr., Sterling K. Brown, Renée Elise Goldsberry, Lucas Hedges, Alexa Demie, Bill Wise, David Garelik, Justin R. Chan...

Long-métrage Américain
Durée : 02h15mn
Année de production : 2019
Distributeur : Universal Pictures International France 

Date de sortie sur les écrans américains : 15 novembre 2019
Date de sortie sur nos écrans : 29 janvier 2020


Résumé : l’intrigue de WAVES se déroule au cœur des paysages exceptionnels du sud de la Floride. Servi par une distribution remarquable où se côtoient des acteurs nommés aux Oscars aussi bien que des nouveaux venus, le film retrace le parcours des membres d’une
famille afro-américaine, menée par un patriarche protecteur, mais très exigeant, sur les eaux troubles du malheur et du deuil. Un chemin douloureux qui finira par les rassembler sur les rives de l’amour et du pardon, si tant est qu’ils parviennent à accepter de lâcher prise.
Réalisé par Trey Edward Shults, WAVES est un récit poignant qui rappelle la capacité de l’être humain à pardonner et continuer à grandir, même dans les situations les plus désespérées.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : avec ses mouvements de caméra tournoyants, le réalisateur, Trey Edward Shults, nous fait parcourir le chemin d'une spirale descendante qui finit par reprendre le chemin d'une spirale ascendante, dans un jeu de miroirs surprenant qui se différencie par un supplément d'âme. Sa mise en scène lie les destinées des protagonistes entre elles. Il nous fait passer confortablement et dans un belle dynamique d'un moment à l'autre, d'un lieu à l'autre, d'une vie à l'autre. 

Trey Edward Shults a également écrit le scénario de ce film. Dans sa première partie et sa seconde partie, il évoque des thématiques déjà vues plus d'une fois au cinéma, qui reflètent des sujets de société souvent traités. Cependant, ce qui nous marque est à la fois la force qu'il insuffle aux images, ainsi que la construction particulière de sa narration. Il sait créer visuellement le ressenti des protagonistes à l'écran. Il glisse ainsi très rapidement d'une ambiance à l'autre et indique aux spectateurs au travers des atmosphères qu'il met en place que son récit va prendre un tournant. 

L'amour est au cœur de l'intrigue. Il y a l'amour qui prétend en être, mais qui n'en n'est, en fait, absolument pas et qui mène à des actes, aux conséquences désastreuses et accablantes, qui ne peuvent trouver aucunes excuses aux yeux de l'humanité. Il y a l'amour qui vous prend au dépourvu, qui est humain au sens positif, réel et véritable. Il y a l'amour de la force du pardon face à l'impardonnable, l'amour qui soutient, l'amour qui se construit et se déconstruit pour mieux se retrouver. Comme tout sentiment fort, il entraîne dans son sillon des émotions intenses. 

Le réalisateur pose le contexte, explique les conditions des faits, donne des éléments au fur et à mesure et n'impose pas un jugement aux spectateurs. Il s'appuie sur ses très bons acteurs pour faire exister cette famille et rendre crédibles les épreuves qu'elle traverse et les ressentis qu'elle affronte.

Kelvin Harrison Jr. interprète, avec conviction et justesse, Tyler, un lycéen qui a l'avenir devant lui et qui prouve que c'est face à l'adversité que le caractère profond d'un individu se révèle vraiment, pour le meilleur ou pour le pire.




Taylor Russell McKenzie interprète Emily, la sœur de Tyler. L'actrice apporte beaucoup de sensibilité à ce rôle à fleur de peau.




Sterling K. Brown interprète Ronald, un père de famille aimant et exigeant. Il apporte beaucoup de consistance à son personnage.




Renée Elise Goldsberry interprète Catharine, une femme qui mène de front sa carrière, son rôle de mère et son rôle d'épouse. L'actrice est touchante dans ce rôle.



Alexa Demie interprète Alexis, la petite amie de Tyler. Elle dépeint une jeune fille enthousiaste face à la vie.



Lucas Hedges interprète l'attachant Luke, un jeune homme au caractère doux et qui se fie à son cœur.


Copyright photos @ Universal Pictures International France

WAVES nous entraîne sur une vague de drames qui viennent se fracasser dans une déferlante d'émotions. Sa réalisation inspirée fait ressortir la force de son propos. L'interprétation des acteurs donne corps au récit. Ce long-métrage nous raconte non pas une histoire, mais des histoires qui s'entrechoquent. Il prend son temps et révèle pourtant une intensité inattendue. C'est un film à la fois dur et émouvant.

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

À PROPOS DU FILM

TREY EDWARD SHULTS nous livre ici l’histoire déchirante d’une famille qui, sur le point de s’écrouler, finit par retrouver un deuxième souffle grâce à l’amour, la communication, le pardon et les liens familiaux.

Servi par une distribution hors normes et une structure narrative exceptionnelle, WAVES traite de l’Amérique d’aujourd’hui, à travers le parcours d’un frère et d’une sœur en quête d’identité à l’aune d’un terrible drame.

Le troisième film de Trey Edward Shults est peut-être le plus personnel de son œuvre quant aux thèmes de l’amour et du deuil. Il est baigné par une atmosphère musicale très particulière créée par Trent Reznor et Atticuss Ross, le duo Oscarisé de la bande originale du film THE SOCIAL NETWORK (David Fincher, 2010), et rythmé par les titres de Franck Ocean ou Radiohead.

Le réalisateur livre ici un film sans concession aussi radical visuellement que musicalement, explorant la manière dont l’amour et le deuil affectent les liens familiaux.

Centré autour d’une famille afro-américaine vivant au sud de la Floride, le film passe également en revue les pressions familiales, les limites de l’amour filial et les difficultés que parents et enfants peuvent éprouver à exprimer leurs vulnérabilités respectives, alors qu’elles sont nécessaires à leur développement et leur survie.

Sterling K. Brown qui joue Ronald Williams le père de cette famille nous raconte : « ma mère me disait toujours je suis dure avec toi pour que la vie ne puisse pas l’être plus. C’est ainsi, je pense, que Ronald se comporte avec son fils, croyant qu’il a la responsabilité de ne pas le laisser sortir faire n’importe quoi et se ridiculiser. Il est plein de bonnes intentions, mais il va devoir réaliser, comme je l’ai fait moi-même, qu’il vaut mieux en tant que parent être motivé par l’amour que par la peur. »

WAVES dissèque toutes les formes de l’amour, et analyse la façon dont il peut aussi bien séparer les êtres que les rapprocher.  «  C’est un film qui parle des différentes facettes de l’amour, qu’il soit romantique ou filial, de ce que signifie la passion, et de ce qui peut arriver quand tout s’écroule ».

LA CRÉATION DE WAVES

L’idée du film est née il y a plus d’une dizaine d’années, bien avant que son auteur n’ait écrit et réalisé IT COMES AT NIGHT (2017) ou KRISHA (2016) inspiré par l’histoire de sa propre famille. Ce dernier a remporté le prix du festival South By Southwest et a été en compétition au Festival de Cannes. WAVES dépasse cette fois le cadre de l'expérience familiale du réalisateur et marque l’approfondissement de son art aussi bien que de sa technique tout en explorant des thèmes qui lui sont chers.

Il nous explique  : «  j’étais beaucoup plus jeune quand j’ai commencé à réfléchir à ce film. J’avais alors des images de GÉNÉRATION REBELLE (Richard Linklater, 1993) qui me venaient à l’esprit, puis ça s’est transformé et j’ai eu l’idée de l’histoire de cet adolescent qui sombre dans une terrible tragédie, et finalement celle de sa sœur qui traverse sa première véritable histoire d’amour ».

WAVES possède une articulation très spéciale, c’est un film séparé en deux parties qui sont liées par un passage commun, mené de main de maître par son réalisateur Trey Edward Shults qui s’impose avec ce film comme l’un des cinéastes les plus avantgardistes de sa génération. Passant de la spirale infernale de Tyler à la renaissance et l’épanouissement de sa sœur, les deux parties du film se reflètent et sont liées par les attentes de leurs parents interprétés par Sterling K. Brown et Renée Elise Goldsberry.

Le réalisateur développe : « je me suis inspiré de CHUNKING EXPRESS (Wong Kar Wai, 1994) pour me concentrer dans une première partie sur le frère puis sur la sœur, mais toujours dans leurs dynamiques de couple respectives, avec leurs parents comme fil rouge ».

Sterling K. Brown en dépit de son emploi du temps surchargé en raison du tournage de la série "This Is Us" (de Dan Fogelman, 2016-2019), nous raconte : « Il y a deux énergies très différentes dans le film. Celle du début, très frénétique et électrique, s’oppose à celle plus languide et intérieure de la deuxième partie. Elles émanent de ce frère et de sa sœur au fur et à mesure des évènements qu’ils traversent, et de leurs quêtes respectives. La première partie est aussi explosive que la seconde est apaisante ».

LA DYNAMIQUE FAMILIALE

Comme les deux précédents films du réalisateur, qui traitaient des liens familiaux et de la difficulté à communiquer quand les choses dégénèrent et que le chaos finit par s’installer, WAVES explore encore une fois le terrain miné que peut devenir la famille. Ici ce foyer afro-américain.

Le réalisateur explique : « les Williams ont dû se battre pour en arriver là où ils sont, avec une belle maison, de bonnes carrières et des enfants bien élevés. Tous comme leurs parents les enfants ont acquis une éthique de travail. Mais comme toutes les familles américaines, la façade est fissurée par des luttes internes larvées. Leur fils de 17 ans, Tyler (Kelvin Harrison Jr.) est un jeune athlète prometteur, future star de lutte universitaire. Il est fou amoureux de sa copine Alexis (Alexia Demie) mais éprouve des difficultés à être à la hauteur de la barre que repousse en permanence son père et ce dans tous les domaines, que ce soit pour ses résultats scolaires ou sportifs, jusqu’à son petit boulot, et ce à un moment où il essaie de déterminer qui il a envie de devenir. Et comme la plupart des adolescents, Tyler ne sait pas vers qui se tourner pour exprimer ses peurs, ses faiblesses ou sa vulnérabilité ».

Le jeune comédien a développé son personnage avec la complicité du réalisateur pendant des mois avant le début du tournage, en s’inspirant de sa propre relation avec un père exigeant. Il développe : « son père est un véritable exemple pour lui, dans la mesure où il est peut-être l’homme le plus dur à la tâche qu’il ait jamais rencontré. Quand on idéalise quelqu’un à ce point, il est très difficile d’éprouver de la compassion pour soi-même et de penser qu’on peut arriver à la cheville de cette personne. C’est un des problèmes principaux de Tyler ».

Ronald pousse son fils à exceller en tout, que ce soit en lutte pour être le premier, ou en sport à pousser des poids trop lourds pendant des heures. C’est une relation paradoxale, très compliquée où les démonstrations d’amour filial et les altercations se succèdent de plus en plus, entamées par les projections de Ronald de ses propres peurs et démons. Il aime tellement son fils que celui-ci bascule d’autant plus violemment, profondément bléssé aussi bien physiquement que mentalement de ne pas être à la hauteur, ce qui donne un côté tragique à la première partie de cette histoire.

Sa relation amoureuse qui se délite ajoute également une énorme pression au jeune homme qui ne voit pas son avenir comme sa petite amie. Ces deux relations très exigeantes le poussent vers l’autodestruction, ouvrant la voie à un des thèmes centraux du film  : la manière dont les perturbations des relations intimes peuvent à la fois construire et détruire les êtres au sein d’une même famille. Mais si Trey Edward Shults nous montre le côté obscur des relations fusionnelles, il nous explique aussi également comment elles peuvent aboutir à la lumière et la manière dont le pardon et le renouveau peuvent émerger des cendres de la destruction, brisant ainsi la spirale infernale du drame et du malheur qui se transmet de génération en génération.

Pour le réalisateur qui s’est largement inspiré de sa propre histoire, c’est là que réside la tragédie de la trajectoire de la famille Williams. Ce qui arrive à Tyler détruit tous ses rêves, ses aspirations et ses efforts. En revanche, la partie d’Emily opère comme un contrepoint et vient apporter la lumière et l’espoir au moment où personne n’y croit plus. WAVES est un film qui parle de famille et de pardon, un film sur la résilience et la capacité d’aller de l’avant.

À travers les trajectoires de Tyler et Emily, le réalisateur nous offre une expérience cinématographique innovante et à laquelle il est facile de s’identifier, à travers les pressions que subit l’un, qui sont à la limite de l’ingérable et le chemin rempli de joie et d’affection que trouvera l’autre, en prenant une direction totalement opposée au désastre d’où elle vient.

RETROUVER L’ESPOIR

Le film bascule totalement au moment où les Williams doivent endurer la pire des douleurs et semblent toucher le fond. Commence alors une seconde moitié qui envoie le film dans une toute autre direction en se concentrant sur Emily (Taylor Russel) la petite sœur si sage qu’on ne remarque que furtivement dans la tragédie de Tyler.

La jeune fille se trouve à un moment critique de sa vie, et elle essaie de trouver sa place au sein de sa famille, où elle se sent invisible cachée dans l’ombre de son frère. Toute l’attention est d’abord portée à Tyler et aux pressions qu’il subit pour finalement lui laisser l’opportunité de se découvrir et d’enfin prendre elle-même les décisions qui feront d’elle la femme qu’elle est sur le point de devenir.

Alors qu’elle vient de sortir d’une spirale de violence et de douleur, elle trouve le chemin de la lumière. Elle tombe littéralement et passionnément dans les bras d’un de ses camarades de classe qui était dans la même équipe de lutte que son frère, Luke (Lucas Hedges). Leur histoire se construit en miroir de la passion que son frère et Alexis ont pu vivre, mais d’une façon plus pure et innocente, empreinte d’une grâce qui les en éloigne définitivement.

À mesure que la jeune fille s’épanouit à la chaleur de l’amour de son compagnon, elle choisit de ne pas se laisser détruire par la tragédie qu’elle a traversée et l’histoire de son frère. Très isolée après le drame, elle est encore plus écrasée par l’ombre fraternelle que jamais et par le poids de ce qu’il a fait et de ce qui lui est arrivé lui semble insurmontable. Elle est terrorisée, au moment où elle doit choisir qui elle veut devenir, un abysse de noirceur s’est ouvert sous ses pieds et elle aurait pu devenir une toute autre personne si elle n’avait pas choisi d’embrasser l’amour au lieu de la haine.

L’AUTEUR ET L’ACTEUR

Trey Edward Shults a jeté les premières esquisses de WAVES juste après la sortie de IT COMES AT NIGHT en juillet 2017 et l’a immédiatement envoyé à sa jeune star, dont il avait adoré le travail et à qui il tenait à donner un rôle plus étoffé.

KELVIN HARRISON JR. a tout de suite accroché à la complexité du rôle de Tyler, et dès que le contrat a été conclu, le réalisateur et son acteur se sont mis au travail pour créer le rôle en fonction du point de vue du jeune homme, qui n’a pas hésité à se servir d’expériences personnelles et à partager par texto des anecdotes familiales avec Trey Edward Shults, alors qu’il était en tournage sur d’autres films.

Il s’est en particulier épanché à propos de conversations avec son père qui ont forgé sa personnalité actuelle et qui l’ont aidé à créer son personnage dans le film, comme à l’époque elles l’avaient aidé à forger sa propre personnalité. Le jeune comédien s’est heurté comme Tyler à la volonté de son père qui aurait voulu le voir entamer une carrière musicale. Mais il a su prendre le contrôle de son avenir et choisir l’art dramatique, un choix qui a parachevé l’identité forte et puissante qui lui vaut aujourd’hui d’être reconnu comme un comédien de talent.

Au fur et à mesure des séances d’écriture, Ronald Williams est devenu une sorte d’hybride entre leurs pères respectifs. Le réalisateur se rappelle : «  la première version du script parlait de mon expérience avec mon propre père. Puis quand nous avons commencé à échanger avec Kelvin, nous nous sommes vite aperçus que le film tournerait autour de notre dynamique paternelle commune ».

WAVES dissèque les pressions que subissent les adolescents américains, comme Tyler, qui se débattent entre leurs ambitions, leurs désirs, la pression que leur mettent leurs parents et la manière dont ils peuvent tout faire coïncider en une seule personne : l’adulte qu’ils vont devenir. Durant une des scènes du film on voit le jeune Tyler se teindre les cheveux en blond à la Franck Ocean, pour échapper et s’affirmer à sa manière face à la rigidité paternelle. De même lors d’un échange virulent de textos, il s’oppose au futur que tente de lui imposer sa petite amie.

Quant à la relation entre Tyler et Alexis les deux comédiens s’étaient mis d’accord sur le fait qu’ils devaient avant tout être les meilleurs amis du monde et que leur amour devait être pur et sincère. Kelvin Harrison Jr. résume : « Tyler est très anxieux, mais il est très épris de sa petite amie. C’est directement lié au fait qu’il ait perdu sa mère très jeune, que sa belle-mère ne parvient pas à remplacer et à ce vide qu’il essaie inconsciemment de combler ».

Afin de renforcer l’impression d’osmose de ce couple, les deux jeunes acteurs ont passé du temps ensemble, se sont raconté leurs vies, leurs secrets et ont pris en ligne un cours commun sur lequel ils étaient obligés de travailler ensemble. Kelvin Harisson a aussi pris des cours de lutte afin de paraître crédible durant les combats, mais aussi pour traduire physiquement la rage et la fureur qui le parcourent.

À l’annonce de sa blessure, comme tous les adolescents, Tyler a du mal à accepter l’information, ou même à en parler à qui que ce soit. Il ne peut se résoudre à affronter ce genre d’instabilités ou de faiblesses qui le renvoient directement au petit garçon orphelin de mère qu’il était, livré à son père. Le réalisateur approfondit : « Tyler s’est fabriqué sur le moule que son père a forgé. Il se doit d’être plus parfait que les autres et surtout de tenir bon. C’est pour cela qu’il ne dit rien de ses problèmes ni à son père, ni à sa belle-mère, ni à sa sœur ou même sa petite amie à propos de son épaule et qu’il réagit de telle manière. Si aucun de ces évènements ne s’était produit, et ce en si peu de temps, il aurait tracé sa route. Mais tel n’est pas le cas et quand son monde lui explose littéralement à la figure, il ne sait plus comment demander de l’aide à force d’avoir été convaincu qu’il est le plus fort de tous ».

La tonalité du film est très naturaliste et le jeune comédien a dû se confronter à ses propres faiblesses et insécurités, sans compter les choses qu’il détestait chez lui. Il commente : « je n’ai rien à voir avec Tyler, mais la manière dont j’ai dû me préparer physiquement avec la musculation, la gestion de ma testostérone, de mon ego, boire des protéines, me décolorer les cheveux, tout ça a infusé une sorte d’énergie en moi que je portais comme un masque, les gens me regardaient différemment ».

Le réalisateur et le jeune comédien voulaient explorer toutes les complexités de ce personnage en qui se bousculent les frustrations propres à l’adolescence et pour lequel il allait falloir déployer toute l’empathie et la générosité possible afin que sa descente aux enfers reste accessible au public sans pour autant faire de lui un monstre. Grâce au talent du jeune comédien, Tyler est devenu l’emblème des pressions actuelles et la manière dont les jeunes essaient, et parfois échouent, à trouver leur chemin dans cette nouvelle ère qui peut être aussi stressante que dangereuse.

Kelvin Harrison Jr. conclut à propos de son personnage  : « Tyler n’est pas un monstre, les gens peuvent faire des erreurs et toujours être considérés comme des êtres humains. Il faut apprendre à être tolérants et ne pas juger trop vite. Je suis devenu un fervent défenseur de Tyler ».

LE PATRIARCHE

STERLING K. BROWN l’acteur multirécompensé pour les séries "American Crime History  : The People Against O. J." (de Scott Alexander et Larry Karaszewski, 2016) ou "This Is Us" (de Dan Fogelman, 2016-2019), interprète le rôle complexe de Ronald Williams. Cet acteur de talent amène nuance et gravité à ce personnage aux multiples facettes qui découvre que la meilleure façon d’être de bons parents passe par la vulnérabilité et la compréhension plutôt que par la sévérité même si celle-ci est motivée par l’amour.

À la lecture du script, le comédien a tout de suite reconnu des générations entières de cet homme et la manière dont ce comportement se transmet de père en fils. Il a amené tellement de nuance et de générosité à son rôle que le réalisateur a apprécié la qualité de leur travail commun.

Dans la première partie du film, Ronald pousse son fils de manière excessive sans même le réaliser. Dans la seconde partie, il trouve enfin la paix grâce à sa relation avec sa fille Emily, et découvre une vulnérabilité qu’il ne se connaissait pas jusque-là et qu’il n’avait jamais partagé avec son fils. Après avoir perdu son fils, avoir été tenu à distance par sa femme, il est sauvé par la seule personne dont il ne s’est jamais vraiment préoccupé et se trouve forcé à reconsidérer qui il est. Il laisse tomber la sévérité qu’il pensait nécessaire et constructive pour l’évolution de son fils et suit l’exemple de sa fille Emily en choisissant l’amour, la transparence et l’honnêteté.

Le comédien conclut : « on peut voir cet homme évoluer au fur et à mesure du film, et on comprend que les relations familiales doivent être basées sur la confiance, car si les enfants se sentent étouffés ils finiront par se rebeller ou s’enfuir. Ce n’est qu’en voyant ce qu’a donné son éducation sur son fils qu’il comprend qu’il lui faut suivre l’exemple de sa fille. S’il avait su partager ce niveau d’intimité et de vulnérabilité avec son fils, il aurait pu lui montrer que la véritable force ne réside pas dans le fait d’être parfait ou de tout contrôler, mais d’être capable de s’appuyer sur les personnes en qui on a confiance et qui vous aiment quand les temps sont durs et surtout ne pas hésiter à demander de l’aide ».

Comme il tournait pendant la semaine la série de NBC "This Is Us" (de Dan Fogelman, 2016-2019), Sterling K. Brown prenait l’avion tous les vendredis soir pour passer ses Week-Ends en Floride sur le tournage du film pour repartir le dimanche soir. Un emploi du temps que le comédien lui-même qualifie de schizophrène, épuisant mais motivant. Il se rappelle : « c’était un emploi du temps infernal : 3 week-ends d’affilée, dont un où douze scènes étaient prévues avant de passer aux scènes intimistes et là du jour au lendemain je me retrouve à péter un câble avec mon fils pour des histoires de musculation et m’écrouler en larmes avec ma fille qui ne connaît ni ne comprend rien à la vie, pas plus que moi d’ailleurs ».

PREMIER AMOUR

TAYLOR RUSSELL livre ici une performance d’exception dans un premier grand rôle avec le portrait de cette jeune fille qui découvre ses premiers émois amoureux au moment même où elle doit affronter un terrible drame. Elle a été auditionnée pour le rôle et le réalisateur a immédiatement vu qu’elle comprenait instinctivement la sensibilité qu’il recherchait chez ses acteurs.

Il se souvient  : «  dès la première audition, nous avons vu qu’elle était habitée, il se passait énormément de choses en elle sans qu’elle en fasse pour autant démonstration. C’est une qualité que peu de comédiens possèdent. On a l’impression qu’ils ne font pas grand-chose, mais quand on place la caméra sur eux, elle capte une infinité de sentiments qui se succèdent et s’entrechoquent. C’est une sorte de charisme et de puissance intérieure qui sont assez rares chez les jeunes acteurs ».

Pour la jeune comédienne qui jusque-là avait principalement travaillé à la télévision, le rôle d’Emily Williams est un peu le rôle de sa vie : « J’attendais un rôle comme celui-ci depuis toujours. Je me suis sentie réellement liée à ce personnage, rien qu’à la lecture du script. J’ai reconnu sa voix, parce que c’est une de mes voix intérieures. Du coup, je n’avais aucune pression, je n’ai eu qu’à me laisser guider par cette voix et me fondre en elle pour créer un personnage très proche de moi ».

LUCAS HEDGES avait contacté le réalisateur pendant la période d’écriture du film, pour lui faire part de son envie de travailler avec lui. Trey Edward Shults avait été très impressionné par la maturité du jeune comédien dans MANCHESTER BY THE SEA (Kenneth Lonergan, 2016), pour lequel il avait d’ailleurs été cité aux Oscars et nous raconte : « nous nous sommes tout de suite entendus, vous savez on le sent tout de suite quand le courant passe. Dès que j’ai eu fini l’écriture, je lui ai envoyé le script en lui demandant d’interpréter Luke l’amoureux d’Emily. Vers la fin du film ils partagent des scènes poignantes et durant leur road-trip, c’est elle qui l’aide à trouver la paix et le lâcher prise. C’est cette prise de conscience du pouvoir et de la force que l’amour lui donne qui lui permet de se réconcilier avec ses propres parents ».

Le jeune acteur a tout de suite accroché à l’intensité émotion nelle du film, et de toute façon était un grand fan des films de Trey Edward Shults avec qui il avait très envie de travailler. Il développe : « C’est un film plein d’émotions brutes comme la rage, la colère, la frustration, la joie, la liberté et la libération. On pourrait facilement le qualifier de Teen-Movie, mais c’est un film beaucoup plus viscéral. Ce qui sous-entend le film est beaucoup plus primal qu’identitaire. En allant voir ce film, le public va partager une expérience très brute et réaliste ».

L’EXIGENCE PARENTALE

RENÉE ÉLISE GOLDSBERRY interprète Catherine, qui comme son mari Ronald doit faire face au chaos et à la destruction dans la première partie du film, pour en sortir transformée grâce à l’amour et au pardon dans la deuxième. « Si elle n’est pas la mère biologique des enfants, leur vraie mère les ayant quittés quand ils étaient petits, elle ne se voit pas comme une belle-mère. Elle les considère comme ses propres enfants et le lien qu’ils entretiennent est affectueux et bienveillant. Elle est le réconfort familial, celle qui arrondit les angles. Comme elle reproche à son mari de pousser Tyler et d’ignorer Emily, en réaction elle est trop douce avec son fils et trop dure avec sa fille. Et en plus de tout ce qui se passe, elle doit encore retrouver de la place dans son cœur pour son mari ».

WAVES s’adresse aussi bien aux parents qu’aux jeunes qui luttent pour trouver leur place dans un monde difficile. Sterling K. Brown développe : « Ronald, une fois qu’il a perdu sa première femme, a du se retrouver terrifié à l’idée de perdre qui que ce soit d’autre. La manière dont il élève ses enfants découle directement de cette peur. Il fait en sorte que rien ni personne ne puisse plus lui échapper. Surtout son fils ». Le réalisateur ajoute : « La fin du film est pleine d’espoir, elle montre que ces gens vont s’en sortir. Comme le flux et reflux des marées, ou les courants sous-marins, ils vous poussent, vous tirent mais si vous savez les utiliser, même si vous en avez l’impression, vous ne coulerez pas ».

OCÉAN MUSICAL

Dès le début, Edward Trey Shults a voulu faire un film où la bande-son serait constitutive du sous-texte, à la manière de films comme LES AFFRANCHIS (Martin Scorsese, 1990) ou BOOGIE NIGHTS (Paul Thomas Anderson, 1997), où les chansons et la musique du film forment une vague de fond qui participe au déroulement du film. Le film est du coup intrinsèquement lié à sa bande originale qui mélange des titres très actuels comme Animal Collective, Kendrick Lamar ou Radiohead avec une musique originale crée par TRENT REZNOR et ATTICUS ROSS, le duo Oscarisé de THE SOCIAL NETWORK (David Fincher, 2010).

Mélomane depuis toujours, le réalisateur a sélectionné avec parcimonie les titres qui conviendraient au film, à chacun des personnages et surtout à leur état d’esprit. Il nous explique  : « Quand j’écrivais, et même avant, puisque j’ai ce film dans ma tête depuis toujours en fait, je me faisais parallèlement une play liste géante dont je me servais, parfois à l’aide des paroles des chansons pour influer la direction que mon film devait prendre, et la manière dont les personnages pouvaient évoluer.

FRANCK OCEAN a particulièrement influencé mon film. En plus du fait que les personnages écoutent sa musique avec des titres comme Mitsubishi Sony, Rushes, Sideways, Florida, que Tyler se teigne les cheveux en blond comme lui, la structure même du film qui est habituellement en 3 actes, s’articule ici en deux, comme dans les chansons de cet artiste qui rejette la forme traditionnelle musicale "vers, refrain, vers". C’est un de mes artistes préférés, et alors que je travaillais sur mon dernier film, les albums Blonde et Endless sont sortis et je travaillais en les écoutant en boucle. Blonde est peut-être mon album préféré, et je trouve que son travail est incroyable. Il fait preuve d’une maîtrise technique incroyable et beaucoup de choses sont pourtant artisanales et surtout très personnelles ce qui crée un équilibre impressionnant dans son travail ».

À la réception du script, les comédiens ont eu la surprise de trouver des liens hypertextes accompagnant le texte vers des morceaux musicaux, afin de lire en écoutant l’influence musicale qui informerait les différentes scènes. «  Je voulais que le texte et la musique se répondent à travers les images et traduisent les mondes d’Emily et de Tyler ainsi que leur fonctionnement. WAVES est rythmé par les hauts et les bas de différents parcours qui résonnent musicalement ».

LA BANDE ORIGINALE

Un des albums cultes du réalisateur a toujours été The Downward Spiral de Nine Inch Nail, produit par Trent Renzor. Il a donc envoyé son script à Trent Reznor et son partenaire Atticus Ross avec certaines scènes du film, et, au moins, quatre heures de rushes non montés. De ce matériel brut les deux artistes ont commencé à écrire de la musique qu’ils ont renvoyée directement au réalisateur. Trent Reznor nous confie : « On était ravis ! Nous avions fait une liste des gens qui faisaient des choses intéressantes et avec qui nous avions envie de travailler, et Trey en faisait partie. Nous avions adoré IT COMES AT NIGHT, et avons encore plus aimé KRISHA que nous avons vu plus tard. Quand nous nous sommes rencontrés, je ne sais pas trop à quoi nous nous attendions, mais ce n’était pas ça du tout, dans le bon sens du terme. On a tout de suite accroché et ressenti une réelle parenté artistique avec lui. Nous étions sur la même longueur d’onde. Une fois que le feu vert a officiellement été donné, et que nous avons reçu le script, nous avons découvert un scénario qui ne ressemblait à aucun autre, il était si intense et sans compromis qu’on avait l’impression que Trey l’avait écrit avec son propre sang, et on sentait qu’il avait passé un temps fou à mettre en place ce kaléidoscope émotionnel qui donnait au film un point de vue et un angle très original. Trey est un réalisateur très talentueux, au début d’une grande carrière, et nous avons réellement apprécié le travail avec lui ».

Comme les chansons, la bande originale exprime l’inconscient des protagonistes principaux alors qu’ils se débattent avec les choix qu’ils ont à faire pour trouver leur voie. La musique s’impose la première fois quand Tyler apprend qu’il doit arrêter sa carrière de lutteur, ce qui marque le début de sa descente aux enfers.

Le réalisateur ne voulait pas que les deux parties du film soient séparées et il a confié le soin à Trent Reznor et Atticus Ross de les relier musicalement grâce une structure qui fonctionne aussi bien dans la lumière que dans les ténèbres et qui allait créer une sorte de fil rouge tout au long du film.

Ils ont alors commencé à synthétiser des sons typiques de la vie quotidienne des deux adolescents, d’après les scènes et les rushes qu’ils avaient reçus, pour concocter une bande-son qui ne prendrait pas le dessus contrairement aux musiques de films plus conventionnelles et pour permettre aux chansons de revêtir un poids émotionnel plus conséquent.

Ils décryptent le processus pour nous : « Nous avons également enregistré et filtré les voix des personnages ce qui donne l’impression qu’ils se parlent sans arrêt, mais ne réussissent pas à comprendre ce que racontent ces voix inaudibles. Nous en avons tiré des morceaux de plus de 10 minutes, faits de voix transformées et de prises de son directes arrangées que nous avons accélérés, ralenties déformées pour en faire autre chose ».

LAISSER AFFLEURER LA SENSIBILITÉ

Trey Edward Shults a cherché dans d’autres films comment était capturée la richesse intérieure des protagonistes, quels moyens techniques, quels mouvements de caméra et quelle longueur de focale étaient les plus appropriés pour retranscrire les émoluments de l’âme humaine. Avec l’aide de son directeur de la photographie DREW DANIELS, il a porté la sensibilité de ses protagonistes à un niveau encore jamais atteint.

Le directeur de la photographie nous explique : « Tout ce que nous faisions visait à pénétrer l’inconscient de nos personnages, aussi bien techniquement que narrativement ou artistiquement. Nous savions quelle grammaire visuelle utiliser pour chaque scène et chaque partie du film, et il ne nous restait plus qu’à laisser les choses se faire naturellement dans ce cadre très précis ».

Le film donne l’impression qu’il pourrait mener n’importe où, et c’est parfois le cas, car il s’adresse et capture à la fois le rythme incessant de la jeunesse contemporaine. La caméra de Drew Daniels fait ce genre de choses, elle a une liberté qui se démarque des premiers films du réalisateur qui se déroulaient dans des espaces confinés au sein de foyers bien distincts.

Dans WAVES on a l’impression que Tyler peut vriller dans n’importe quelle direction. Il est filmé avec un rapport de cadre 1/85, comme le roi de son monde, libre, ouvert et amoureux. Mais plus les choses se durcissent plus on rétrécit le cadre et plus on le suit de près.

En opposition, le rapport de cadre d’Emily commence en 1/33, assommée par la douleur et le drame dans lesquels la première partie du film nous égare. Mais le cadre finit par s’ouvrir à mesure qu’Emily s’épanouit et revient à la vie grâce à sa relation avec Luke.

Le réalisateur conclut : « WAVES est très libérateur comparé à mes premiers films, que ce soit au niveau narratif ou stylistique. C’est mon premier film qui ne se déroule pas en huis clos, et nous avons utilisé au moins 50 décors différents sur 35 jours de tournage. Et même si certaines scènes sont oppressantes, d’autres au contraire insufflent de l’espace et de la vie au gré de la progression des personnages. C’était assez nouveau pour moi de me concentrer sur l’univers entier de mes personnages, de leurs relations et de leur parcours ».

Source et copyright des textes des notes de production 
© 2019 UNIVERSAL PICTURES INTERNATIONAL

  
#Waves

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