Western/Action/Drame/Un petit western sympathique
Réalisé par Gavin O'Connor
Avec Natalie Portman, Joel Edgerton, Ewan McGregor, Noah Emmerich, Boyd Holbrook, Rodrigo Santoro, Todd Stashwick, James Burnett...
Long-métrage Américain
Durée: 01h38mn
Année de production: 2015
Distributeur: Mars Distribution
Date de sortie sur les écrans américains : 29 janvier 2016
Date de sortie sur nos écrans : 27 janvier 2016
Résumé : Jane Hammond est une femme au caractère bien trempé mariée à Bill, l’un des pires bandits de la ville. Lorsque celui-ci se retourne contre son propre clan, les terribles frères Bishop, et qu’il rentre agonisant avec huit balles dans le dos, Jane sait qu’il est maintenant temps pour elle de troquer la robe contre le pantalon et de ressortir son propre pistolet. Le meilleur espoir de Jane n’est autre que son ancien amour Dan Frost, dont la haine envers Bill n’a d’égal que son amour pour Jane.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : J'ai eu la chance de pouvoir assister à l'avant-première parisienne du film le dimanche 24 janvier 2016. Natalie Portman n'a malheureusement pas pu être présente, mais Joel Edgerton a eu la gentillesse de venir faire une petite introduction que vous pouvez découvrir dans la vidéo ci-dessous :
JANE GOT A GUN est un bon petit western. Il ne renouvelle pas le genre et son histoire est toute simple, mais il maintient bien l'attention du spectateur. Et surtout il nous permet de profiter de la présence de Natalie Portman, dans le rôle de Jane Hammond, et de Joel Edgerton, dans le rôle de Dan Frost, à l'écran. Ils sont touchants et convaincants dans leurs interprétations de survivants à une époque peu clémente, chacun à leur façon.
JANE GOT A GUN est un bon petit western. Il ne renouvelle pas le genre et son histoire est toute simple, mais il maintient bien l'attention du spectateur. Et surtout il nous permet de profiter de la présence de Natalie Portman, dans le rôle de Jane Hammond, et de Joel Edgerton, dans le rôle de Dan Frost, à l'écran. Ils sont touchants et convaincants dans leurs interprétations de survivants à une époque peu clémente, chacun à leur façon.
Le réalisateur, Gavin O'Connor, met en scène un Far West plein de poussières, d'armes à feu, de baraques en bois peu avenantes, de personnages sans moralité, de chevauchées et de paysages sauvages splendides. C'est ce qu'on attend et c'est bien fait.
Il est aussi à l'aise pour filmer les émotions que l'action. Il utilise adroitement les effets de surprise.
Il est aussi à l'aise pour filmer les émotions que l'action. Il utilise adroitement les effets de surprise.
L'histoire ne cherche pas la complication. Les questions qui se posent au début du film trouvent toutes une réponse (ce qui est un très bon point) sous la forme de flash-backs. Je ne suis pas fan de cette façon de narrer une histoire car ils rompent le rythme du film. Mais ils deviennent de plus en plus efficaces pour nous apporter des réponses au fur et à mesure que l'intrigue avance. Ils ont donc une utilité au final.
Face au très bon duo Natalie Portman/Joel Edgerton, on a aussi le plaisir de voir jouer, Noah Emmerich, dans le rôle de Bill Hammond, et Ewan McGregor, dans le rôle de John Bishop.
JANE GOT A GUN est certes un petit film mais il assure le spectacle. C'est un western qui se suit avec intérêt et qui remplit son contrat : nous transporter au Far West pendant une heure et demie.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
LE DÉVELOPPEMENT DU SCÉNARIO
Le scénariste Brian Duffield (YOUR BRIDESMAID IS A BITCH,
DIVERGENTE 2 : L'INSURRECTION) s’est mis à écrire JANE GOT A GUN en 2011 dans
l’espoir de le vendre : « J’ai tâtonné avant de savoir que ce serait un
western. Je voulais écrire l'histoire d'une femme ordinaire, sans super
pouvoirs, qui n'allait pas se mettre à tirer sur tout ce qui bouge, et dont la
grande réussite serait de s’affirmer en tant que femme » raconte Duffield qui
avait déjà Natalie Portman en tête pour le rôle de Jane Hammond.
Pour la structure de l’histoire, il s’est inspiré de
PREDATOR. « La seconde partie de ce film n’est qu’une longue préparation au
combat, explique-t-il. J’étais curieux de voir ce qu’en donnerait une version
féministe. »
Son scénario modernise le genre du western. « Ce n’est pas
un western classique. La façon de parler y est originale, souligne Duffield,
qui a ponctué les dialogues de mots obscènes et donné à l’histoire des allures
de rébellion punk-rock. Elle se bat littéralement contre "les hommes"
probablement sans réel espoir de réussir mais cet acte est à lui seul, et en
lui-même, déjà une victoire. C’est le côté punk-rock du scénario : se dresser
contre "les hommes" en sachant qu’elle ne pourra sûrement pas gagner.
»
Duffield a puisé dans ses expériences malheureuses en amour
pour mettre au point la relation entre Jane et Dan. « Je pense que tout le
monde a eu un ou une ex qui est venu(e) un jour lui demander de l’aide. On se
doute qu’on va souffrir encore plus mais on se sent face à un dilemme : c’est
la dernière personne qu’on veut voir mais il y a aussi de vieux sentiments qui
resurgissent, analyse le scénariste. J’ai volontairement inscrit Jane et Dan
dans le contexte
d'une relation malheureuse comme celles que j’ai connues,
même si je n'ai jamais manié d'arme à feu ! Du coup, j’ai rendu la situation
plus moderne grâce au langage et à mon regard contemporain sur les relations
amoureuses vouées à l'échec. »
En novembre 2011, Duffield n'envoie son projet qu'à Kim
Barton et Jon Cohen, alors directeurs de la création au sein de la société de
production de Natalie Portman, Handsomecharlie Films. « Ce qui m'a plu, c'est
le fait que le personnage de Natalie permette de rendre tangibles le danger et
la menace qui planent sur le film, poursuit-il. Natalie est extraordinairement
douée ; j'aime sa présence à l’écran et son jeu de comédienne. Si je savais que
quelqu’un était susceptible de s’en prendre à elle, j’aurais peur pour elle. Et
quand c’est toute une bande qui est lancée à ses trousses, on croit qu’elle va
mourir. »
Natalie Portman a pris une option sur le script presque
immédiatement. « Le scénario de Brian était vraiment singulier et novateur.
C’était très drôle, il y avait une histoire d’amour, de l’humour et une
violence terrible propre à l’Ouest sauvage, se souvient-elle. On avait
l’impression que le genre et l’atmosphère tout entiers existaient parce que
"l’amour est comme le Far West". On aurait dit qu’il n’y avait pas de
règles : on va vous tirer une balle en plein cœur un million de fois mais c’est
magnifique. »
« Natalie a vraiment su apprécier la relation entre Jane et
Dan, qui d’une certaine façon s'est nouée "au mauvais endroit, au mauvais
moment", se rappelle le scénariste. Entre eux, il y a beaucoup de rancœur
et de nombreux malentendus, et il y a aussi de l’amertume qui doit s’exprimer pour qu'ils puissent comprendre ce qu’ils ont
vécu chacun de leur côté pendant toutes ces années. »
L’avenir du projet devient plus prometteur quand JANE GOT A
GUN figure en 2011 sur la fameuse « Black List », qui recense les meilleurs
scénarios encore à produire.
LE MONTAGE FINANCIER
Des offres de financement ne tardent alors pas à suivre.
Scott Pictures International, créé par Scott Steindorff, se met sur les rangs
pour produire le film aux côtés de Natalie Portman et de son agent Aleen
Keshishian chez Brillstein Entertainment Partners.
Steindorff explique ce qui l'a séduit dans ce scénario : «
C’est l’histoire d’une femme qui se retrouve dans une position absolument
insoutenable. Il se passe énormément de choses au cours d’une vie et on n’a pas
le choix : il faut simplement les surmonter. Ici, il s’agit de l’émancipation
des femmes et d’une histoire d’amour. »
Le producteur a vu le projet comme « une version féminine
d’IMPITOYABLE. L'époque du Far West était très rude. Cette fille adorable se
voit tout simplement obligée de réagir et de devenir une vraie femme de tête »
commente Steindorff.
Creative Artists Agency (CAA) négocie le contrat en
s’engageant à gérer les droits sur le territoire nord-américain. Chez 1821
Pictures, Terry Dougas décide de s'embarquer dans l'aventure, de même que Scott
LaStaiti, qui se propose de diriger les opérations depuis le Nouveau-Mexique.
Plus tard, Mary Regency Boies de Straight Up Films s'engage à leurs côtés. «
J’ai adoré l’idée de produire un western féministe, reconnaît LaStaiti, et la
perspective que Natalie Portman y tienne ce rôle. »
Steindorff s'associe à Exclusive Media pour créer la société
de ventes internationales Scott Pictures International, dont JANE GOT A GUN est
la première production.
Natalie Portman fait elle appel à la réalisatrice écossaise
Lynne Ramsay (WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN) pour développer et réaliser le film.
Lors du Festival de Cannes en mai 2012, le film devient l’un des projets les
plus attractifs qu’investisseurs et distributeurs étrangers s'arrachent,
donnant lieu à des surenchères hallucinantes pour l’obtention des droits
étrangers.
Michael Fassbender donne son accord pour jouer Dan Frost, le
personnage masculin principal, et Joel Edgerton (WARRIOR) accepte de camper son
adversaire, John Bishop. En décembre 2012, les préparatifs commencent à Santa
Fe, au Nouveau-Mexique.
Étant donné que le tournage est avancé au début de l’année
2013, la réalisatrice se rend sur place pour effectuer des repérages et
travailler sur le scénario. Quant à Rodrigo Santoro (300), il rejoint la
distribution pour incarner Fitchum, l’un des principaux hors-la-loi du film.
Par la suite, des changements de casting interviennent. En
effet, Fassbender doit renoncer au film en raison du tournage déjà prévu de
X-MEN : DAYS OF FUTURE PAST. Le rôle de Dan est donc confié à Edgerton et Jude
Law (RETOUR À COLD MOUNTAIN, SHERLOCK HOLMES) reprend celui de John, personnage
manipulateur.
En mars 2013, la plupart des acteurs se retrouvent à Santa
Fe pour suivre des cours d’équitation. Cependant, des tensions commencent à se
manifester entre la réalisatrice et la production.
UN PREMIER JOUR DE TOURNAGE ÉPOUVANTABLE
Par un matin d’hiver venteux à Santa Fe, le lundi 18 mars,
150 personnes, acteurs et techniciens confondus, empruntent le chemin de terre
défoncé qui mène à leur camp de base, le Bonanza Creek Movie Ranch, pour y
entamer le tournage de JANE GOT A GUN.
Mais le tournage ne commence pas ce jour-là.
Alors qu'une tempête de sable se déclenche, Scott Steindorff
et Scott LaStaiti rassemblent toute l'équipe pour lui annoncer une nouvelle
sidérante : la réalisatrice Lynne Ramsay ne viendra pas car elle a abandonné le
projet.
Steindorff affirme que le film se fera malgré tout et qu'un
nouveau réalisateur est sur le point d'être engagé.
Tandis que, sur le chemin de terre caillouteux, une centaine
de véhicules repartent brinquebalant en sens inverse, l'équipe se demande si
les producteurs vont réussir à relancer le projet.
La presse spécialisée s'empare de cette nouvelle explosive.
« JANE GOT A GUN perd la réalisatrice Lynne Ramsay le premier jour du tournage
» annonce Deadline.com en Une de son site, alors même que Steinforff assure à
leur reporter Mike Fleming Jr. : « J’ai investi des millions de dollars, nous
sommes prêts à tourner. Nous avons un scénario formidable, des acteurs déments
et des techniciens de grand talent. »
Les médias inondent Internet de gros titres à qui mieux
mieux. « Il faut qu'on parle d'un réalisateur (allusion au film WE NEED TO TALK
ABOUT KEVIN de Lynne Ramsay), titre l’Indiewire.com. « JANE GOT A GUN (Jane a
un flingue) mais pas de réalisateur » commente The Hollywood News. « JANE GOT A
GUN cherche un nouveau réalisateur » annonce l’International Business Times. «
La réalisatrice Lynne Ramsay fait faux bond » proclame ComingSoon.net. « Lynne
Ramsay quitte JANE GOT A GUN » reprend Empire. Jessica Steindorff, fille du
producteur Scott Steindorff et, ironie du sort, ancien agent de Lynne Ramsay,
déclare à l’Huffington Post : « Mon père Scott Steindorff l’emporte toujours
dans les situations de stress extrême et le film se fera. »
Au siège de la production à Santa Fe, tout le monde espère
qu’elle a raison. Les acteurs et les producteurs se réunissent à huis clos pour
discuter et passer au crible des vidéos.
Deux jours plus tard, le mercredi 20 mars, Deadline.com
décrète que cet événement « doit être signalé comme le pire premier jour de
tournage de l’histoire du cinéma », tout en apportant une touche d'optimiste
avec l'annonce suivante : « Grâce au réalisateur de WARRIOR, Gavin O’Connor, la
cavalerie vole à la rescousse de JANE GOT A GUN. » Et au Hollywood Reporter de
souligner : « O’Connor reprend le chapeau de shérif brusquement abandonné par
Lynne Ramsay », indiquant que les producteurs se sont « dépêchés de trouver un
réalisateur pour que le projet continue d'exister. » Gavin O’Connor, qui a
précédemment dirigé Edgerton dans WARRIOR, s'engage à être à Santa Fe dès le
lendemain pour démarrer sans plus attendre le tournage de JANE GOT A GUN. On a
le sentiment d'assister à une résurrection.
Cependant, le jour même où le film se trouve un nouveau
réalisateur, c'est pour perdre le salaud de l'histoire, Jude Law, qui avait
accepté le rôle pour pouvoir tourner avec la réalisatrice écossaise. « Jude Law
est dans le camp de Ramsay » présume l’Indiewire.com. « Law se fait la malle »
statue alors le Hollywood Reporter. Même Yahoo s'interroge : « Mais qu’est-ce
qui a bien pu causer ces départs et ces bouleversements sur le tournage de JANE GOT A GUN ? Est-ce que le texte est en cause,
ou bien est-ce simplement un malheureux concours de circonstances comme Francis
Ford Coppola a pu en connaître pendant le tournage d’APOCAPLYPSE NOW ? »
UN WESTERN QUI TIENT LA ROUTE
Le jeudi 21 mars, O’Connor se rend donc au NouveauMexique
pour être comme promis sur le plateau et tourner une scène avec Natalie
Portman, Edgerton et Santoro.
C’est aussi le jour que le Los Angeles Times choisit pour
publier un article dans lequel on peut lire : « Lynne Ramsay ne s’est toujours
pas expliquée sur les raisons de sa décision », déclarant, « ça va être
difficile de rendre l’histoire de ce western – nouveau film indépendant de
Natalie Portman – aussi attrayante que les dessous de cette histoire et ce qui
se raconte ces derniers jours sur le plateau du film. » Indiewire s'interroge
toujours : « Pendant ce temps, qu’est-ce qui s’est passé avec Lynne Ramsay ? »
Au cours des jours suivants, la production arrive à
respecter, non sans remous, le planning du tournage, tandis que le réalisateur
commence à s’approprier le film au milieu du tourbillon médiatique qui continue
à spéculer sur l’avenir du film. « WE NEED TO TALK ABOUT Lynne » insiste The
Guardian. « Au cœur de la tourmente sur le western mouvementé de Natalie
Portman » écrit le Hollywood Reporter en gros titres.
Le réalisateur convainc alors Anthony Tambakis, son
scénariste sur WARRIOR, d’abandonner tous ses projets et de le rejoindre à
Santa Fe pour remanier le scénario. « Dès que Gavin a été appelé sur le projet,
il m’a contacté parce qu’il voulait travailler sur le script » se souvient
Tambakis.
Les producteurs réorganisent le calendrier du tournage pour
permettre l’arrivée pour le moins tardive du dernier acteur principal du film.
« Jake Gyllenhaal, Tobey Maguire et Jeff Bridges sont envisagés pour remplacer
Jude Law » laisse entendre Indiewire. Quelques semaines plus tard, Tambakis
explique sur le plateau : « Nous faisons un western classique, au cœur duquel
il y a une histoire d’amour. Je pense donc que le public va être ému comme il a
pu l'être avec LE PATIENT ANGLAIS. Mais le tout baigne dans l’ambiance
d’IMPITOYABLE. On veut faire un film à la fois commercial et artistique. »
Tandis que les dernières neiges de mars cèdent leur place
aux pommiers en fleur du mois d'avril, le réalisateur apporte sa touche
personnelle aux nouvelles pages coécrites par Tambakis et Edgerton.
« Le ton du film est celui d’IMPITOYABLE, analyse Tambakis.
Il y a une vraisemblance au niveau de la langue et l’action est authentique. Ça
n’a rien de provocateur. C’est ainsi qu'était la vie à l'époque sans être trop
sombre pour autant. IMPITOYABLE mettait en scène de nombreux personnages hauts
en couleurs et dépeignait en quelque sorte l’Ouest avec un réalisme qui permet
aussi de porter à l'écran les motifs classiques du western. »
« Gavin a réussi à extraire ce qu’il y avait d’extrêmement
prometteur à la fois dans les personnages et la thématique pour en faire un
film très accessible » fait remarquer le producteur LaStaiti.
Le 5 avril, Deadline.com révèle ainsi la nouvelle : « JANE
GOT A GUN s'est trouvé un nouveau méchant : Bradley Cooper remplace Jude Law. »
Et le Hollywood Reporter de confirmer : « Bradley Cooper endosse le costume du
méchant. » À Santa Fe, la nouvelle est accueillie avec un grand soulagement.
Mais quelques semaines plus tard, sur le tournage d’AMERICAN
BLUFF retardé par le double attentat à la bombe du marathon de Boston, Cooper
se retrouve confronté à un nouveau conflit d'emploi du temps. « Bradley Cooper
quitte JANE GOT A GUN » claironne Deadline.com. « JANE GOT : nouveau problème
de casting » s'empresse d’ajouter Empire. À ce moment-là, quelques 200 articles
ont déjà paru dans les médias sur ce film, certains le déclarant « maudit », «
mouvementé » et « voué à l’échec ».
À Santa Fe, les producteurs LaStaiti et Regency Boies sont
tendus, le portable collé à l’oreille, faisant les cent pas parmi les cactus et
les tourbillons de poussière coutumiers des ranchs de western. Combien de temps
peuvent-ils continuer à tourner sans un casting au complet ? LaStaiti a confié
après coup : « La confiance et la loyauté de tous m'ont poussé à continuer :
les acteurs, l’équipe technique, les investisseurs qui n’ont pas fléchi mais
sont restés à nos côtés en affirmant, "nous voulons continuer". Et je
n’ai jamais remis en question la valeur de l’entreprise créative dans laquelle
nous nous lancions. J’ai cru en notre projet, j’ai cru en cette vision. Tout ça
m’a fait tenir – ça et la loyauté et l’engagement de tous mes collaborateurs
autour de moi. »
Un scénario est alors envoyé par e-mail à un célèbre acteur
de Los Angeles que tout le monde estime et qui n’a jamais tourné de western,
mais qui a déjà travaillé avec Natalie Portman. Nous sommes un week-end de
début mai, très tendu mais plein d’espoir, à Santa Fe.
GARDER LE CAP
Finalement, le 6 mai, les gros titres de Deadline.com
s'étalent dans le monde entier : « Ewan McGregor prend les armes pour tenir le
rôle de méchant dans JANE GOT A GUN. » « Retrouvailles de Star Wars : Ewan
McGregor monte en selle pour JANE GOT A GUN avec Natalie Portman » indique
Indiewire.com. Au milieu des bonnes nouvelles, le New York Post modère tout de
même son enthousiasme : « On a appris à ne pas s’attacher aux acteurs de JANE
GOT A GUN. On a vu des Michael Fassbender, Jude Law et autres Bradley Cooper se
succéder autour du projet. » McGregor a une façon très pragmatique de voir les
choses : « Le film dans lequel j’étais censé tourner a été décalé, et j’étais
donc disponible, explique-t-il. J’adore Natalie, nous sommes bons amis, et du
coup j’étais très heureux de venir l’aider dans cette période difficile. En
plus, j’ai aimé le scénario. Qui n’a jamais rêvé de jouer dans un western ? Et
encore plus d'y jouer un méchant ? Moi, j'ai sauté sur l'occasion ! »
Malgré tout, les producteurs de JANE GOT A GUN n’ont pas le
choix : il leur faut suspendre le projet début mai. Pendant ce temps, McGregor
se prépare et des acteurs sont engagés pour jouer les membres de sa bande.
L’issue du film repose en effet sur ces derniers acteurs clés.
Durant cet intermède, la production essuie un autre coup
dur, alors qu'une nouvelle filtre dans le Hollywood Reporter au cours du
Festival de Cannes 2013 : « Cannes : le JANE GOT A GUN mouvementé de Natalie
Portman inquiète les acheteurs », alors que, « un an [plus tôt], quand il était question du western de Natalie Portman pour la première fois
à Cannes, personne n’aurait pu imaginer que l’un des projets les plus attendus
aurait périclité de façon aussi spectaculaire. Le nombre de stars abandonnant
le film a laissé tout le monde pantois. Et tout cela a commencé avec le départ
de la réalisatrice initiale Lynne Ramsay. »
Nigel Sinclair, le co-président d’Exclusive Media,
intervient pour affirmer au Hollywood Reporter : « Comme Sherry Lansing l’a dit
un jour, plus il y a de tensions, meilleur est le film au niveau artistique. »
Et du stress, on peut dire qu'on n’en a pas manqué à Santa Fe. Les
questionnements autour de JANE GOT A GUN se traduisent alors en centaines
d’articles. Les producteurs restent pourtant inébranlables.
TOUT S’ARRANGE POUR LE MIEUX
Le suspense dure jusqu’au 22 mai : Ewan McGregor (THE
IMPOSSIBLE, UN ÉTÉ À OSAGE COUNTY), nommé au Golden Globe, arrive par le vol de
Los Angeles à Santa Fe pour s’attaquer au rôle central de John, hors-la-loi à
la tête d’une bande de brigands. La presse épie encore le tournage puisque le
Daily Mail britannique publie la veille des photos de McGregor quittant le
salon de beauté Benjamin Salon de West Hollywood : « Habituellement roux,
McGregor est méconnaissable avec sa nouvelle chevelure noir de jais et la
moustache assortie qu’il arbore. »
Ami de longue date de Jude Law avec lequel il a d’ailleurs
partagé un appartement à une époque, l’Écossais McGregor semble l’acteur
prédestiné pour tenir le rôle de John. Non seulement il s'est teint les cheveux
pour l’occasion, mais il a déjà commencé à perfectionner sa façon de monter à
cheval. « J’ai attendu très longtemps pour être dans un western. Ça devrait
être bien » déclare-t-il sur Twitter. Un optimisme retrouvé domine
l'atmosphère.
Juste après McGregor, le reste des acteurs choisis pour
former la bande des frères Bishop débarquent, et plus particulièrement
l'efflanqué Boyd Holbrook (LES ÂMES VAGABONDES), arrivant du Kentucky, et
l'acteur formé au théâtre Todd Stashwick (TOI ET MOI… ET DUPRÉE), venant lui de
Los Angeles.
Alors que le projet redémarre, Bradley Cooper commente
auprès du Huffington Post : « Tout s’est finalement arrangé pour le mieux
puisqu’ils ont maintenant Ewan McGregor. S’ils avaient pu l’avoir dès le début,
ils ne m’auraient jamais proposé le rôle, c’est moi qui vous le dis. »
Le tournage reprend sous de bons auspices pour JANE GOT A
GUN le 24 mai, car c’est aussi le jour où Deadline.com annonce la grande
nouvelle en direct du festival de Cannes 2013 : « JANE GOT A GUN : un contrat
américain se profile entre Relativity et Weinstein. » Variety souligne : «
L’accord a été conclu après un visionnage de quelques images à Cannes cette
semaine. » Pour étayer l’attrait du film, sont montrées des scènes extrêmement
émouvantes entre Natalie Portman et Edgerton et des plans superbement éclairés
à contre-jour mettant en valeur des paysages extraordinaires.
Le courage et la ténacité des producteurs ont finalement
payé. « Avec un contrat de distribution pour les États-Unis sur le point d’être
signé, JANE, qui est encore en tournage, pourrait bien finir par chevaucher
dans le soleil couchant » suggère le Hollywood Reporter.
Quelque part sur le domaine du ranch San Cristobal, sous une
chaleur écrasante et alors que le vent se remet à tourbillonner, acteurs et
membres de l’équipe technique escaladent une falaise de plus de 30 mètres de
dénivelé tout en rochers et trop escarpée pour des véhicules. Ils portent
eux-mêmes caméras et éclairages pour filmer une scène dans un paysage
s’étendant à perte de vue : c'est là que les frères Bishop se rendent à cheval
pour monter leur coup. C'est le premier jour de tournage de McGregor.
« Je suis du genre à pousser les choses à se faire quoi
qu’il arrive, et finalement on a pu continuer, souligne Steindorff. Il y a
toujours beaucoup de problèmes sur un tournage mais on doit tout simplement
trouver des solutions et ne pas baisser les bras. Heureusement que nous avions
cette équipe technique, ces acteurs et Natalie ! Ça reflète pas mal l’histoire
du film : on était assiégés mais on a continué à se battre et on a surmonté les
difficultés. On est tout simplement allé de l'avant. »
LE CASTING
Natalie Portman (V POUR VENDETTA, BLACK SWAN), qui campe
Jane, a été la première comédienne engagée sur ce projet. Concernant le
parcours de son personnage, l'actrice déclare : « Je me suis dit que Jane
venait sans doute d'une famille pauvre et qu'elle a été orpheline très jeune –
c'est un élément présent dans une des premières versions du scénario – et
qu'elle a toujours fui les situations difficiles. Lorsque les événements
prennent un tour désagréable, elle a tendance à prendre la fuite. » Cependant,
Jane cesse de fuir au cours du film. Natalie Portman reprend : « Ce qui m'a
beaucoup touchée, c'est de voir cette femme affronter autant d'épreuves et découvrir sa
propre force. C'est une expérience intéressante que j'ai moimême vécue en
affrontant toutes les difficultés de ce tournage. Du coup, j'avais le sentiment
qu'il y avait un parallèle entre les deux situations : j'ai dû apprendre à
défendre ma position, à ne pas céder et à faire face à une période difficile
sans m'effondrer et partir en courant pour me cacher. » La vie de Jane était
très dure : « Elle vivait dans un monde très austère, note la comédienne. Le
paysage autour d'elle est magnifique, mais il est sec et monochrome : ses
couleurs sont celles du désert – à l'exception des couchers de soleil, bien
sûr, qui sont d'une beauté hallucinante. » Natalie Portman a collaboré avec
O'Connor : « Gavin s'est vraiment approprié le projet et a totalement réécrit
le scénario depuis la première page, dit-elle. Je trouve qu'il a privilégié le
réalisme, alors que le script de Brian comportait plus d'éléments
fantasmagoriques. »
Après Natalie Portman, c'est au tour de Joel Edgerton
(WARRIOR, GATSBY LE MAGNIFIQUE) d'avoir rejoint le casting dans le rôle de Dan
Frost, ex-fiancé de Jane. « Dan est un bandit armé, explique Edgerton. Il y a
très longtemps, il était en couple avec Jane, mais ils se sont perdus de vue.
Dan est allé se battre pour le Nord à l'époque de la guerre de Sécession. Il
n'était censé partir que pour un temps limité, mais il n'est jamais revenu. Jane
avait son idée sur les raisons de son absence. » « Quand on fait sa
connaissance, il a en quelque sorte abandonné tout espoir parce qu'il a perdu
Jane et il est devenu une sorte d'alcoolique pathétique. Dans cette histoire,
étonnamment, cela pourrait bien être le dernier jour de sa vie, mais c'est
aussi sa renaissance d'une certaine façon puisqu'il retrouve Jane » estime
Edgerton. Leur relation est complexe, ce qui a plu à l'acteur. « Ce n'est pas
forcément une histoire qui se termine bien, dit-il. J'adore les films dont le
"happy end" ou le dénouement tragique est chargé d'ironie. Le film
est ponctué d'événements tristes et malheureux, mais au bout du compte, Jane
évolue vraiment au cours de l'histoire et passe par des moments exaltants. Elle
a été beaucoup blessée dans le passé, mais ce qu'elle a traversé lui a aussi
donné une raison de vivre et lui a permis de comprendre qu'elle n'a pas besoin
des autres pour aller de l'avant. »
Edgerton a travaillé en étroite collaboration avec Natalie
Portman : « Natalie possède une grande élégance et une dignité magnifique,
dit-il. Et ça, je l'ai vu entre les prises. Sur le plateau, on a pas mal blagué
sur son Oscar. Au bout d'un moment, d'un simple regard, je comprenais ce
qu'elle voulait dire. »
C'est finalement Ewan McGregor (THE IMPOSSIBLE, UN ÉTÉ À
OSAGE COUNTY) qui tient le rôle de l'antihéros John Bishop : « John est à la
tête d'une bande de cow-boys, déclare le comédien. Il tente de faire fortune en
acheminant des gens du Missouri pour qu'ils viennent habiter dans cette petite
ville abandonnée, du nom de Raphael. » « C'est le fidèle lieutenant de Colin
McCann dont on entend beaucoup parler, poursuit-il. Mieux vaut ne pas le
contrarier car si McCann est censé être impitoyable et terrifiant, John est
tout aussi redoutable. Il est capable de faire preuve d'un certain charme pour
obtenir ce qu'il veut en manipulant son interlocuteur. Pour autant, je ne le
considère pas du tout comme un type charmant au vrai sens du terme. » C'est la
première fois que McGregor joue dans un western et il a adopté un accent du
Missouri et a également souhaité se teindre les cheveux en noir. « Je me suis
dit qu'il fallait qu'il ait les cheveux noirs car Natalie est plutôt châtain
clair, que Joel a la même teinte de cheveux que moi et que Boyd est blond. Du
coup, je voyais bien Bishop avec cette coloration-là. Par ailleurs, dès que
j'ai su que j'avais décroché le rôle, j'ai arrêté de me raser. » De fait, il
est arrivé au Nouveau-Mexique avec une moustache et un bouc.
Noah Emmerich (THE AMERICAN, TRUMAN SHOW) campe Ham qui
rencontre Jane sur le sentier de l'Ouest. « Ham est un homme qui se cherche,
confie Emmerich. Il s'est mis à fréquenter cette bande de hors-la-loi, mais, à
mon avis, il n'a jamais eu le sentiment d'en faire partie. Il s'est battu pour
les Confédérés pendant la guerre de Sécession, et a été écœuré par la boucherie
dont il a été témoin : il est allé jusqu'au bout de sa mission, puis il a
quitté l'armée et a intégré la bande qui manœuvrait le convoi de chariots qui
transportait les gens vers l'Ouest. » Après avoir sauvé Jane, « Ham l'épouse et
devient trappeur. C'est un homme heureux, même s'il est recherché : les types de la bande de Bishop veulent le retrouver car il
s'est emparé de ce qu'ils considèrent comme leur appartenant » reprend
Emmerich. Emmerich, qui a déjà tourné à quatre reprises sous la direction
d'O'Connor, a été choisi par ce dernier. « Au fond, ce qui intéresse vraiment
Gavin, ce sont les relations humaines » indique le comédien.
Le plus cruel de la bande de Bishop est Vic, interprété par
Boyd Holbrook (LES ÂMES VAGABONDES, MA VIE AVEC LIBERACE). Ancien voleur de
chevaux portant une marque en travers du front, Vic est le demi-frère de Colin.
Holbrook déclare : « En réalité, Bishop considère Vic comme son chien. C'est un
type diabolique d'une certaine façon. Il a pas mal d'humour quand il s'agit de
se moquer du malheur d'autrui. Pour moi, c'est un entrepreneur. Il est
impitoyable et implacable. » Pour Holbrook, le film parle d'un « monde sans
pitié. Les personnages passent leur temps à se battre contre les éléments et
leurs ennemis. Dans ce monde, on doit considérer qu'on a de la chance d'être en
vie. C'est un univers qui vous oblige à faire face à la réalité. Il n'y a pas
de place pour les bons sentiments. » La méchanceté de Vic est mise en valeur
par son accoutrement, de sa veste en daim ornée d'un scalp humain à sa chemise
cousue de dents d'élan. « Ses vêtements s'inspirent des tenues d'Indiens,
déclare Holbrook qui a collaboré avec le chef-costumier Terry Anderson. Ces
dents d'élan avaient un pouvoir spirituel et appartenaient à des Indiens. Vic
adore s'emparer des vêtements d'autrui. S'approprier l'âme d'autrui lui permet
de se sentir plus vivant. »
D'origine brésilienne, Rodrigo Santoro (300, RIO) incarne
Fitchum, hors-la-loi qui aime jouer les perturbateurs. « C'est un hors-la-loi
perdu dans le désert, note Santoro qui a revu IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L'OUEST de
Sergio Leone pour se préparer au rôle. Il fait partie d'un gang et il tente de
gagner sa vie. Et c'est sa façon à lui de gagner sa vie. C'est un type assez
simple. Il est prêt à tout, parce que c'est comme ça que fonctionne le monde
dans lequel il vit. »
« Le Far-West était un endroit très dur où il était
difficile de survivre, poursuit-il. On portait une arme sur soi et si quelqu'un ne vous plaisait pas, on lui tirait dessus.
C'était comme ça. C'est donc une sorte de no man's land où on tente de tirer
son épingle du jeu pour gagner sa vie et être un homme. » Fitchum menace aussi
la vie de Jane. « Fitchum était sans doute épris de Jane, indique Santoro. Mais
il n'a jamais eu l'occasion de tenter quoi que ce soit. On lui a tiré dessus en
plein visage et, depuis qu'il est défiguré, c'est un peu plus difficile pour
lui. » Il fallait environ 4h30 de maquillage pour transformer Santoro, sans
compter l'utilisation d'une prothèse de cou et d'une lentille de contact
ensanglantée.
Constamment de mauvaise humeur, O'Dowd, autre membre du gang, est
interprété par Todd Stashwick (TOI, MOI ET DUPREE, JUSTIFIED) : « O'Dowd est un
bon petit gars de Dublin, dit-il. Il intègre la bande de Bishop parce que cela
lui permet de gagner sa vie, et d'être un peu pris en charge, et il n'hésite
pas à faire du mal aux autres. » Il ajoute : « Pourtant, après avoir parcouru
des milliers de kilomètres avec la petite bande, il en a un peu assez, son
orgueil reprend le dessus et il ne veut plus recevoir d'ordre de qui que ce
soit. Il pense qu'il peut s'emparer de tout ce qu'il veut, mais ce n'est pas
comme cela que les choses fonctionnent et il devra en payer le prix fort. »
Stashwick a apprécié le réalisme du film : « Le regard sur le Far-West d'antan
est sans concession, dit-il. On n'est pas dans GUNSMOKE. C'est un monde d'une
extrême violence où tout peut exploser à chaque instant. »
LES DÉCORS
Les tons désaturés du film, entre le noir, le gris et le
brun, soulignent la quasi absence de couleurs. Le réalisateur souhaitait en
effet mettre en scène un Far-West épuré où Jane Hammond doit se battre pour
survivre. En revanche, les flash-backs sont dans des couleurs plus vives
puisqu'ils évoquent une époque plus heureuse.
« On a privilégié un certain naturalisme, mais on a cherché
à rehausser la réalité, note le chef-décorateur Tim Grimes. L'image est sombre
et opaque à cause de la poussière, et les teintes sont désaturées. On voulait
montrer l'Ouest sauvage comme on l'imaginait : une zone de non-droit qui doit
son image glamour à de nombreux films. On souhaitait la représenter comme une
région très dure – ce qu'elle était d'ailleurs. Beaucoup de gens partaient vers
l'ouest pour s'enrichir ou pour cultiver une terre que l'État leur octroyait.
Mais il y avait pas mal de personnages très peu recommandables qui s'avéraient
extrêmement corrompus. »
« On tenait à montrer cette région sous un jour des plus
réalistes, reprend Grimes. Ce film parle d'une bande de hors-laloi et d'une
femme qui doit protéger son foyer contre leurs assauts. On s'est inspiré de
films comme IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L'OUEST et d'autres westerns de Sergio Leone
pour l'atmosphère : on est ici dans un Far-West sinistre et sombre. » Dans les
petites villes, la plupart des bâtiments sont en bois : certaines sont en bois
peint, d'autres en métal et d'autres encore en tôle ondulée qui a rouillé avec
le temps. « Je ne voulais pas de tonneaux visibles en ville, reprend le
chef-décorateur. Je ne voulais que des structures géométriques.
Pour moi, les tonneaux évoquent une esthétique à la Disney.
En revanche, je souhaitais qu'il y ait des caisses et des empilements d'objets.
» Les motifs géométriques soulignent la menace qui pèse sur Jane lorsqu'elle
s'approche de ces bâtiments peu accueillants. D'ailleurs, elle ne se rend en
ville que pour s'approvisionner en vivres.
La propriété de Jane est, elle aussi, dans des teintes
sombres. « On voulait pousser l'esthétique à l'extrême, comme l'a fait Jim
Jarmusch dans DEAD MAN, ajoute Grimes. On a retrouvé des photos qui dépeignent
cette atmosphère lugubre et poussiéreuse. On cherchait avant tout à s'éloigner
des westerns de John Ford, qui sont magnifiques, mais qui ont un côté Disney.
On voulait que les décors soient usés et sales et qu'on ressente le côté
rugueux de cet univers. Quand on habitait dans le désert et que le vent
charriait de la poussière dans votre maison, on ne pouvait pas vivre dans la
propreté. On tenait à ce que la poussière soit omniprésente. »
Il aura fallu deux semaines de tournage de nuit pour les
séquences de l'assaut contre la propriété de Jane. Les bombes artisanales à
base de pétrole que Jane et Dan confectionnent dans des bocaux en verre, puis
remplissent de tessons de bouteille, de clous et de poudre à canon s'inspirent
d'armes historiques utilisées par les belligérants durant la guerre de
Sécession et dans les années qui ont suivi.
LES DIALOGUES
Les comédiens ont particulièrement apprécié certains
dialogues.
Natalie Portman : « J'adore le moment où Dan dit : "Les
actes sont comme des balles. Une fois qu'on a appuyé sur la gâchette, on ne
peut plus revenir en arrière. Le mal est fait". J'ai le sentiment que la
dimension westernienne de ce film est une métaphore de l'amour, des souffrances
que nous nous infligeons les uns aux autres et du fait qu'on ne peut pas les
effacer. Quand on agit d'une certaine façon, on peut abîmer une relation
irrémédiablement. Ce qui est absolument terrible chez Dan et Jane, c'est que,
pour eux, il est déjà trop tard. »
Ewan McGregor : « J'aime le passage où John tire sur Ham
alors qu'il est déjà mort et qu'il déclare : "Je n'avais jamais tiré sur
un homme qui était déjà mort. C'est terriblement frustrant". Et puis, il
abat Dan et il dit : "ça, c'est beaucoup mieux". »
Todd Stashwick : « Ma réplique préférée est celle-ci :
"On passe notre temps à recevoir des ordres d'un fantôme. Il ferait mieux
de montrer sa tête pour nous dire ce qu'il faut faire". J'adore ce discours
qui est d'une arrogance hallucinante. »
Boyd Holbrook : « J'aime bien la réplique de Vic : "La
moitié de son cerveau d'un côté, l'autre moitié, de l'autre". Cela rejoint
la vision du monde de Vic. Et il déclare ça une fois que Fitchum a été enterré.
»
UNE INTRIGUE QUI A BEAUCOUP ÉVOLUÉ
Le tournage a été ponctué de tempêtes de sable et de neige
et de vents violents. La nuit, il gelait, et le jour, la température dépassait
les 35°. De même, l'intrigue a considérablement évolué au fil des modifications
du scénario. Au final, il y a eu 18 versions différentes du script. Le tournage
explosif de JANE GOT A GUN peut se comparer à ceux d'APOCALYPSE NOW, LA PORTE
DU PARADIS et TOMBSTONE.
Lorsque Natalie Portman, également productrice du film, est
arrivée à Santa Fe début mars, elle était censée y tourner pendant deux mois.
Mais elle est restée quatre mois sur place… « Cette expérience a clairement été
un cours intensif en matière de production, déclare-t-elle. À force de négocier
les budgets, le casting et les contrats – sans oublier les assurances –, je
pourrais très bien être avocate ou productrice aujourd'hui ! Quand on a la
casquette de producteur, il faut envisager le pire et tout faire pour l'éviter.
À présent, j'ai l'impression de savoir ce qui peut arriver de pire sur un
tournage, si bien que je mettrai tout en œuvre pour l'éviter la prochaine fois
! »
Lorsque Joel Edgerton est arrivé sur le plateau début mars,
il pensait jouer l'un des rôles principaux, et non pas réécrire un scénario. «
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne s'agit pas d'un tournage banal,
souligne le comédien qui a participé aux modifications du script aux côtés de
Tambakis et O'Connor. Du coup, je suis arrivé sur ce projet en tant que
comédien, et je me suis retrouvé à faire autre chose. Mais c'était une
formidable expérience. »
« On a travaillé dans l'improvisation, en faisant pas mal de
changements au fil des jours, constate Tambakis. Ce n'est pas une méthode
classique, mais comme on avait quatre ou cinq intrigues formidables, cela a
très bien fonctionné. »
Gavin O'Connor s'explique : « La première fois que j'ai lu
le scénario et que j'ai commencé le travail de réécriture, je voulais
m'attacher davantage au triangle amoureux qui m'intéressait. Il fallait
retrouver une cohérence pour combler les lacunes de l'intrigue, et mettre en
valeur l'essence même de ce script qui m'avait séduit au tout début, à savoir
qu'il s'agit d'un western féministe – ce que je n'avais jamais vu jusque-là et
qui me semblait nouveau et enthousiasmant. »
Selon le réalisateur, « je découvrais l'histoire au fur et à
mesure du tournage. D'ailleurs, ce film a été une constante découverte et un
acte de survie. Je suis devenu obsédé par le film et dès que je m'y suis
attelé, je suis tombé amoureux de l'histoire dont je n'ai cessé de découvrir la
richesse. »
Surtout, « il s'agit d'un western féministe. Il m'a suffi de
me fier à mon instinct. J'ai vu énormément de westerns quand j'étais gamin, si
bien que j'avais une longue liste de films en tête » ajoute O'Connor.
Le réalisateur s'est attaché à créer davantage de cohérence
dans l'intrigue et des relations plus solides entre les personnages. « J'adore
travailler avec les acteurs. On travaille beaucoup les personnages et leur
parcours, et je crois que cela les enrichit » dit-il.
Les comédiens, de leur côté, étaient ravis de contribuer à
une histoire en constante évolution. « Gavin est très concret avec nous et il
nous sollicite souvent, indique McGregor. Il est arrivé sur le projet au moment
où le tournage allait commencer et il a dû pas mal retoucher le scénario aussi
vite que possible. Du coup, avant de tourner une scène, il avait tendance à
nous demander notre avis, ce qui n'arrive pas très souvent. On s'est donc
sentis assez privilégiés. »
Les producteurs ont fait en sorte que le tournage se
poursuive, malgré les aléas.
« À chaque nouveau projet, on plaisante en se disant qu'on
vit des choses inédites. Mais avec celui-ci, on a vraiment vécu des événements
insensés, signale le producteur LaStaiti. On a eu deux réalisateurs, ce qui est
extrêmement rare. Je n'avais encore jamais eu à remplacer un metteur en scène
le premier jour du tournage. Et nous avons eu quatre grands acteurs envisagés
pour le rôle de John – et heureusement, Ewan McGregor, qui était le meilleur des
quatre, a fini par camper le rôle. J'ai entendu dire qu'on nous comparait au
PETIT TRAIN BLEU ou à FITZCARRALDO. »
En raison des retards, LaStaiti a passé un an au
NouveauMexique : « Je suis arrivé sur place en novembre, et c'était encore
l'automne, se souvient-il. C'était pour un repérage. J'ai passé un hiver très
rigoureux là-bas. Puis, cela a été le printemps et aujourd'hui, c'est l'été, et
on est encore en tournage. »
UNE COLLABORATION INTERNATIONALE
JANE GOT A GUN a réuni des artistes du monde entier, à
l'instar de l'Australien Joel Edgerton, de l'Écossais Ewan McGregor, du
Brésilien Rodrigo Santoro, du chef-opérateur australien Mandy Walker et du
répétiteur irlandais Gerry Grinnell. Chacun a apporté son regard singulier à ce
western profondément américain.
Natalie Portman précise : « C'est toujours formidable que
des artistes se mettent à créer dans un cadre qui ne leur est pas familier car
leur point de vue est forcément original. Je crois que Tolstoï a dit que l'art
consistait à susciter des situations étranges. Pour un Australien ou un
Brésilien, le fait de venir ici est déjà étrange en soi et, du coup, c'est
immédiatement un acte artistique. C'est pour cela que Sergio Leone a réalisé
des westerns aussi magnifiques – parce qu'il avait une vision totalement
novatrice et non-américaine de l'Ouest. »
Ewan McGregor est particulièrement attiré par le western
américain classique. « Quel acteur refuserait de jouer dans un western ?,
s'interroge-t-il. Je crois que la plupart des comédiens rêvent de tourner un western.
J'en ai vu beaucoup quand j'étais petit. Ils évoquent une époque de
découvertes. Les gens qui luttaient pour traverser le pays étaient très
courageux : ils s'aventuraient vers l'inconnu pour trouver un endroit où fonder
un foyer. Il aura fallu du temps pour que la loi y soit respectée. Il fallait
se comporter comme un salaud et être profondément malveillant pour s'en sortir.
Je crois que si on était quelqu'un de bien, c'était beaucoup plus difficile. »
LES THÈMES DU FILM
Au fond, JANE GOT A GUN parle d'une femme qui tente de
comprendre pourquoi elle en est arrivée là et qui finit par reprendre sa vie en
main.
Natalie Portman : « Dans le film, les personnages prennent
conscience que les actes sont comme des balles de revolver, qu’après avoir agi,
on ne peut pas revenir en arrière, et que parfois, on fait souffrir les autres
par amour ou parce qu’on est en guerre et que, là encore, il n’y a pas de
retour en arrière possible. Parallèlement, le film parle aussi d’une femme qui
découvre sa force et qui tient par-dessus tout à ne pas être une victime. »
« Le film s'attache surtout à Jane et à sa volonté de
relever la tête et de se battre pour une cause, et de ne pas passer son temps à
fuir, affirme Edgerton. Il parle aussi de la difficulté à communiquer et à se
comprendre, et de violence. Et c'est un film qui met en scène une femme
assiégée. C'est aussi l'histoire de deux êtres qui se retrouvent, qui
comprennent les malentendus du passé et découvrent la vérité, et qui renouent
avec leur relation d'autrefois, dans des circonstances très difficiles. »
« C'est l'histoire d'une femme qui découvre sa force et son
indépendance et qui comprend qu'elle n'a pas besoin des hommes pour mener sa
vie » renchérit Emmerich.
Les magnifiques paysages d'une grande pureté tranchent avec
les scènes de violence. « C'est un film très réaliste, explique le réalisateur.
On a voulu faire se télescoper la saleté et la violence d'un côté et, de
l'autre, la majesté et l'immensité des paysages. On a donc juxtaposé deux
approches radicalement opposées. »
La productrice Regency Boies ajoute : « La perspective d'un
western féministe m'a enthousiasmée, tout comme la tonalité assez sombre et la
puissance émotionnelle de l'histoire. C'est une œuvre aux images très fortes
qui dégagent une émotion dans laquelle le spectateur pourra se retrouver. Et
les personnages sont très intéressants. L'originalité du film tient à son point
de vue féministe conjugué à une esthétique très marquée et à une véritable
force émotionnelle. »
« Ce film parle d'amour, de rédemption, du poids du passé et
du courage qu'il faut pour affronter la vie, indique Tambakis. On a travaillé
avec les codes du western classique auxquels on a ajouté une dimension plus
profonde : l'amour non partagé qu'on trouve dans des œuvres comme GATSBY LE
MAGNIFIQUE, CASABLANCA ou LE PATIENT ANGLAIS, ou d'autres grandes histoires
d'amour entre deux êtres malchanceux qui se sont trompés de vie. » Au cours des
flash-backs, on découvre Jane et Dan dans leur jeunesse. « On n'a pas la même
façon de voir les choses quand on est jeune, poursuit-il. On ne sait pas
comment fonctionne le monde. Tout semble facile et on est plein d'espoir. Et
puis, on grandit et on se prend des coups, et on se rend compte de l'importance
de la chance, du hasard et du destin, et de tout ce qu'on doit affronter quand
on devient adulte. »
« Ces personnages en ont bavé dans le passé, et le passé
n'est jamais très loin, dit encore Tambakis. Cela me rappelle ce que disait
Faulkner en parlant du Sud : le passé n'est jamais mort, il n'est même pas
passé. Je crois que c'est vrai de notre vie : notre passé n'est jamais vraiment
passé – on le trimballe avec nous où que nous soyons. Et nous devons assumer
toute notre vie les conséquences des choix que nous avons faits quand nous
étions jeunes. C'est là un des thèmes majeurs du film. » Le point d'orgue du
film bouscule les codes du western. « Au cours de l'histoire, la protagoniste
découvre qu'elle est autonome et courageuse et qu'elle peut se réaliser, note
encore Tambakis. Vers la fin du film, il ne reste plus qu'une rescapée, et
c'est une femme. Cela renverse totalement les archétypes traditionnels du
western. »
« C'est un western féministe retraçant l'histoire d'une
femme qui découvre la force qu'elle a en elle, ce qu'elle est capable de faire,
et qui comprend qu'elle n'a pas besoin de se reposer sur les hommes pour
survivre » conclut Tambakis.
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