Romance/Drame/Une nouvelle adaptation soignée et touchante
Réalisé par Greta Gerwig
Avec Saoirse Ronan, Emma Watson, Florence Pugh, Eliza Scanlen, Laura Dern, Timothée Chalamet, Tracy Letts, Bob Odenkirk, Chris Cooper, Meryl Streep, James Norton, Louis Garrel
Long-métrage Américain
Titre original : Little Women
Durée: 02h15mn
Année de production: 2019
Distributeur: Sony Pictures Releasing France
Date de sortie sur les écrans américains : 25 décembre 2019
Date de sortie sur nos écrans : 1 janvier 2020
Résumé : Greta Gerwig (LADY BIRD) signe une nouvelle adaptation des "Quatre filles du Docteur Marc" qui s’inspire à la fois du grand classique de la littérature et des écrits de Louisa May Alcott. Relecture personnelle du livre, LES FILLES DU DOCTEUR MARCH est un film à la fois atemporel et actuel où Jo March, alter ego fictif de l’auteur, repense à sa vie. Saoirse Ronan, Emma Watson, Florence Pugh et Eliza Scanlen campent les soeurs March, quatre jeunes filles bien décidées à vivre comme bon leur semble. Timothée Chalamet incarne leur voisin, Laurie, Laura Dern interprète Marmee et Meryl Streep, Tante March.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : Greta Gerwig réalise cette nouvelle adaptation du roman Louisa May Alcott, Les Quatre Filles du docteur March, paru en 1868. Elle en a également écrit le scénario d'après cette œuvre pour la transposer à l'écran. Elle nous propose à la fois une réflexion féministe, une histoire romantique et une belle pièce d'époque.
Elle met en place une narration qui navigue entre souvenirs, présent et confidences épistolaires transmise oralement par l'émetteur face à la caméra. Alors qu'on peut a priori penser qu'on va peut-être se perdre dans ses allers-retours, dans les faits, on se laisse prendre aisément dans sa trame narrative. Parce qu'elle identifie toujours les moments par des éléments de décors, d'habillement, de coiffure ou de lumière, le spectateur comprend dans la seconde où et quand la réalisatrice choisit de l'envoyer. Elle est donc très habile dans sa façon de raconter son histoire d'autant qu'elle conserve sans cesse une cohérence de ton qu’elle aille vers l’humour, le décalage ou l’émotion.
Greta Gerwig prend un grand soin à faire vibrer l'époque de son film - les années 1860 - à l'écran. Tout nous transporte dans cette période depuis les costumes en passant par les attitudes, les décors ou encore les relations sociales. La délicate musique composée et dirigée par Alexandre Desplat vient adroitement compléter l’atmosphère de cet ouvrage et met en valeur certains instants du développement.
La réalisatrice insuffle une forme de légèreté, un optimisme de la jeunesse, dont la vague vient régulièrement se briser sur des moments dramatiques. On voit ainsi les protagonistes évoluer et prendre en maturité alors que la vie se déroule avec son lot de joies, de difficultés et d’expériences terribles.
Le contexte de la situation de la famille March est clair dès le début. Il joue un rôle très différent sur la construction des personnalités des quatre filles qui sont tout à fait distinctes. Le superbe casting participe à rendre cette aventure énergique et sensible.
Saoirse Ronan interprète Jo March. Cette magnifique actrice nous fait croire à l’intelligence de Jo ainsi qu’à son attitude de garçon manqué avec une facilité déconcertante.
Emma Watson interprète la sensible Meg, Florence Pugh prête ses traits à la difficile Amy et Eliza Scanlen interprète pour sa part la sensible Beth March.
Des seconds rôles solides viennent compléter ce groupe d’actrices impeccables. Laura Dern interprète la douce et bonne conseillère Marmee. Timothée Chalamet apporte sa fraîcheur et sa folie douce à son protagoniste Laurie Laurence. Meryl Streep est parfaite dans le rôle d’Aunt March, une femme à la langue de vipère, furieusement indépendante et très généreuse à sa façon. Chris Cooper interprète le voisin Mr. Laurence dont l’air sévère n’empêche pas sa gentillesse de s’exprimer. Et Louis Garrel interprète le calme et posé Friedrich Bhaer.
LES FILLES DU DOCTEUR MARCH est une nouvelle adaptation d’un classique qui touche les spectateurs droit au cœur en les entraînant sur les sentiers de la vie de quatre sœurs. Ce long-métrage est très agréable à suivre et on est même un peu triste de le quitter à la fin, tant il serait sympathique de continuer un bout de chemin avec cette attachante famille March.
Elle met en place une narration qui navigue entre souvenirs, présent et confidences épistolaires transmise oralement par l'émetteur face à la caméra. Alors qu'on peut a priori penser qu'on va peut-être se perdre dans ses allers-retours, dans les faits, on se laisse prendre aisément dans sa trame narrative. Parce qu'elle identifie toujours les moments par des éléments de décors, d'habillement, de coiffure ou de lumière, le spectateur comprend dans la seconde où et quand la réalisatrice choisit de l'envoyer. Elle est donc très habile dans sa façon de raconter son histoire d'autant qu'elle conserve sans cesse une cohérence de ton qu’elle aille vers l’humour, le décalage ou l’émotion.
Greta Gerwig prend un grand soin à faire vibrer l'époque de son film - les années 1860 - à l'écran. Tout nous transporte dans cette période depuis les costumes en passant par les attitudes, les décors ou encore les relations sociales. La délicate musique composée et dirigée par Alexandre Desplat vient adroitement compléter l’atmosphère de cet ouvrage et met en valeur certains instants du développement.
La réalisatrice insuffle une forme de légèreté, un optimisme de la jeunesse, dont la vague vient régulièrement se briser sur des moments dramatiques. On voit ainsi les protagonistes évoluer et prendre en maturité alors que la vie se déroule avec son lot de joies, de difficultés et d’expériences terribles.
Le contexte de la situation de la famille March est clair dès le début. Il joue un rôle très différent sur la construction des personnalités des quatre filles qui sont tout à fait distinctes. Le superbe casting participe à rendre cette aventure énergique et sensible.
Saoirse Ronan interprète Jo March. Cette magnifique actrice nous fait croire à l’intelligence de Jo ainsi qu’à son attitude de garçon manqué avec une facilité déconcertante.
Emma Watson interprète la sensible Meg, Florence Pugh prête ses traits à la difficile Amy et Eliza Scanlen interprète pour sa part la sensible Beth March.
Copyright photos © 2019 Columbia Pictures Industries, Inc. All Rights Reserved.
& Sony Pictures Releasing France
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NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Depuis sa
parution, le roman de Louisa May Alcott a donné lieu à d'innombrables
interprétations à travers le monde. Avec une lucidité implacable, il montre à
quel point la société est impitoyable envers les jeunes femmes ambitieuses,
mais il offre en même temps un peu d'espoir car cette ambition, qui prend
la forme d’une vie intérieure d'une grande richesse, capable d’abolir les
frontières, est en soi gratifiante.
Il s'agit d'un
livre qu’on découvre souvent pendant l’enfance, quand le champ des possibles
semble infini et que rien ne peut brider nos désirs. On y revient à la fin de
l’adolescence, lorsque les contraintes de la vie d’adulte et de la société ont
commencé à façonner notre identité. Quand on le redécouvre bien plus tard, on
se souvient avec une nostalgie teintée d’amertume de sa jeunesse et de son
audace – et on a en même temps plaisir à voir une nouvelle génération se
frotter à son tour à l'insolence du livre.
Le livre est
particulièrement puissant car il nous invite à affronter par nous-même les
tentations nombreuses et contradictoires de la vie : la famille, l’art,
l’argent, l’amour, la liberté et l’espoir de rester qui nous sommes et de
raconter une histoire unique, la nôtre.
C’est
cette lecture profondément personnelle et résolument vivante des "Quatre
filles du docteur March" que Greta Gerwig a voulu porter à l’écran. La
cinéaste est partie du roman avec la ferme intention de restituer l'ampleur du
grand classique de Louisa May Alcott, mais également sa sincérité et la
dimension intime et émouvante de l’histoire qui prête vie aux personnages. Tout
comme chaque lecteur apporte sa propre interprétation et donne un sens nouveau
à l’histoire, Greta Gerwig souhaitait, elle aussi, se l'approprier.
À
l’origine, le roman a été publié en deux parties : la première racontait
l’enfance heureuse des sœurs March et la deuxième les vicissitudes de l’âge
adulte. Greta Gerwig rompt cette linéarité et met en place des allers-retours
entre les deux périodes avec pour fil rouge l’histoire de Jo, empreinte de
détermination et de courage. Grâce à cette construction plus souple, le film
plonge le spectateur dans les souvenirs, les anecdotes, les incidents et les
décisions des sœurs March : Jo, la romancière indépendante aux doigts
tachés d’encre, Meg, la comédienne en herbe qui prend soin des siens et croit
en ses principes, Beth, la musicienne fragile et sensible, et Amy, l’apprentie
peintre qui brille par son intelligence. Au fil de ces péripéties, elles
deviennent des femmes adultes dans toute leur complexité et leur richesse,
aussi différentes qu’unies par un lien familial à toute épreuve.
On
voit émerger l’image de quatre femmes qui regardent avec tendresse le chemin
qu’elles ont parcouru pour devenir qui elles sont. C’est un univers dans lequel
le quotidien de ces femmes – leurs découvertes, leurs sacrifices, leur colère,
leurs problèmes financiers, artistiques et personnels – revêt une véritable
importance. Comment prendre sa vie en main quand les événements – une fissure
dans la glace, l’arrivée inopportune d’une lettre – nous échappent ? Et
qu’en pensent ces quatre sœurs aux rêves si différents ?
Voilà les
questions que pose Greta Gerwig dans un film visuellement éblouissant,
s’inspirant des artistes visionnaires qui ont bouleversé la vision du monde des
contemporains de Louisa May Alcott. Ces questions semblent actuelles, mais
c’est bien Louisa May Alcott qui a cerné ces oppositions qui nous interrogent
encore aujourd’hui : art ou argent ? Amour ou satisfaction
personnelle ? Idéal ou réalité ? S’occuper de sa famille ou se
réaliser soi-même ?
Avant même que
Greta Gerwig n’affirme sa puissante vision cinématographique dans LADY BIRD,
elle a confié à la productrice Amy Pascal qu’elle pensait être la bonne
personne pour adapter "Les quatre filles du docteur March". “Je me suis lancée dans ce projet de toutes
mes forces”, raconte Greta Gerwig. “J’avais
une idée très précise du sujet du film : ça parle de femmes artistes et ça
parle des femmes et de l’argent. Le texte ne parle que de ça, mais c’est un
aspect de l’histoire qui n’a pas encore été particulièrement exploré. Ces
questions me touchent beaucoup et je dirais qu’en un sens ce film est le
travail le plus autobiographique que j’aie jamais réalisé”.
Greta
Gerwig a si souvent lu le roman quand elle était petite, qu’elle ne se souvient
plus de sa première lecture. Comme de nombreux auteurs et artistes, elle se
sentait très proche de Jo March, une jeune fille originale et garçon manqué qui
rêve de devenir écrivain et se bat avec les convenances pour assumer sa
singularité. Pour elle, Jo n’est pas tant un personnage de roman qu’un mentor.
C’est une fille qui sait ce qu’elle veut : être plus libre, écrire, faire
ce qui est interdit tout en se consacrant entièrement à ceux qu’elle aime.
C’est pourquoi Greta Gerwig a souhaité plonger les spectateurs au plus près de
l’univers de Jo, son énergie, ses doutes.
“'Les quatre filles du docteur March' a toujours fait partie de ma vie,
aussi loin que je me souvienne”, déclare Greta Gerwig. “Je ne me rappelle pas avoir appris qui était
Jo March : elle a toujours été mon héroïne, celle que je voulais devenir et que
j’espérais déjà être”.
Greta Gerwig
reste fidèle à l’esprit de Louisa May Alcott mais elle se réapproprie le roman
d’une façon intrinsèquement cinématographique : elle s’éloigne de la
temporalité linéaire et transforme les épisodes les plus marquants de la vie
des March en souvenirs qui nourrissent la création. Les spectateurs sont invités
à changer de regard sur les sœurs March et à les considérer comme des adultes
qui se tournent vers leur passé et comme la source d’inspiration des écrits de
Jo.
“À chaque fois que je lis le livre, je
découvre quelque chose de nouveau”, remarque Greta Gerwig. “Je l’ai lu la première fois dans le confort
de l’enfance, puis en grandissant, de nouveaux aspects du roman m’ont sauté aux
yeux. Quand j’ai écrit le scénario, ce qui m’a frappé, c’est à quel point la
vie des sœurs devenues adultes est émouvante et fascinante car elles essaient
de rester fidèles à l'état d'esprit de leur jeunesse intrépide”.
Greta Gerwig a
approfondi ses recherches en lisant les lettres et les archives de Louisa May
Alcott pour s’inspirer de sa vie et empreindre le film de sa voix puissante et
moderne. Par exemple, la romancière a écrit : “J’ai eu beaucoup de problèmes si bien que j’écris de belles histoires”.
Dans le film, Marmee déclare : “Je
suis en colère presque tous les jours de ma vie”.
Greta Gerwig
n’est pas la seule à avoir trouvé en Louisa May Alcott une source d’inspiration
dès le plus jeune âge. Ursula K. Le Guin, brillante auteur de science-fiction,
disait que la romancière était “comme une
sœur pour elle”. Erica Jong raconte que grâce aux "Quatre filles du
docteur March", elle a pris conscience que “les femmes pouvaient devenir des écrivains, des intellectuelles tout en
ayant des vies personnelles riches”. Les héroïnes du chef-d’œuvre d’Elena
Ferrante, "L’ami formidable", font connaissance autour d’un
exemplaire abimé du roman de Louisa May Alcott et se promettent d’en écrire un
à leur tour. Le poète Gail Mazur a remercié Louisa May Alcott d’avoir permis
aux auteurs “d’accepter le conflit entre
le besoin de solitude et de concentration de l’écrivain et l’envie d’amour et
de chaleur, en sachant que nous ne sommes pas seuls”. Enfin J.K. Rowling,
l’auteur de la saga "Harry Potter", note à propos de Jo March :
“C’est difficile de décrire l’importance
qu’elle a eue sur une autre petite fille toute simple appelée Jo, avec un tempérament
colérique et une folle envie de devenir écrivain”.
Pour une femme,
s'engager dans une voie personnelle, et en particulier une vie d’artiste, a
toujours été difficile, quelle que soit l’époque. C’est pour cette raison que
Jo a eu un tel impact sur Greta Gerwig. “Jo
est un esprit rebelle, et l’espoir de mener une vie qui n’est pas confinée aux
carcans de notre sexe est toujours aussi exaltant aujourd’hui”, affirme
Greta Gerwig. “C’est une fille avec un
nom de garçon qui a envie d’écrire : elle est ambitieuse, elle est en colère,
elle incarne des sentiments auxquels on peut s’identifier. C’est comme si elle
nous avait offert sa liberté”.
Greta Gerwig
tenait aussi à rendre hommage au succès financier méconnu de Louisa May Alcott.
Elle voulait montrer à quel point l’époque de l’auteur, bien que ravagée par la
guerre et les inégalités, fourmillait d’idées nouvelles, de libres penseurs et
d’une volonté de changement. Au sein de cet environnement, Louisa May Alcott a
explosé les barrières sociales, elle a tracé son propre chemin vers
l’indépendance, elle a repris en main ses droits d’auteur telle une J.K.
Rowling du XIXe siècle et elle s’est fait un nom en dehors du mariage ou de la
famille, comme jamais personne avant elle.
“Ce sont des questions qui se posent encore
aujourd’hui”, souligne Greta Gerwig. “On
voit par exemple Taylor Swift ré-enregistrer ses albums pour en récupérer les
droits”.
Selon Greta
Gerwig, Louisa May Alcott a choisi de faire de l’absence d’argent et de liberté
l’élément incontournable au cœur de la vie des sœurs March. Dans le même temps,
elle voulait mettre en avant le caractère intime assumé de l’histoire de ces
quatre sœurs et de leur mère dévouée qui transforment leur foyer en un univers
totalement inoubliable. “J’ai lu une
analyse très pertinente sur 'Les quatre filles du docteur March' qui raconte
que c’est l'un des rares livres sur l’enfance qui ne parle pas de fugue. Il y
est question de courage mais l’aventure des héroïnes se déroule dans l’enceinte
du foyer”, note Greta Gerwig.
Cette ambition a
attiré un groupe de femmes extraordinaires qui ont porté le film à l’écran :
outre Greta Gerwig, bien sûr, citons les productrices Amy Pascal, Denise Di
Novi et Robin Swicord et les actrices Saoirse Ronan, Emma Watson, Eliza
Scanlen, Florence Pugh, Laura Dern et Meryl Streep.
Chez ces
comédiennes, l'intérêt pour ce projet dépasse leur propre engouement pour le
livre. Le facteur principal est plutôt le caractère résolument actuel de la
lecture proposée par Greta Gerwig.
“Aujourd’hui, cette histoire est plus
actuelle que jamais”, affirme Saoirse Ronan qui incarne Jo. “Il y est question de jeunes femmes qui
trouvent le courage de tracer leur propre chemin. C’est une histoire qu’on peut
lire à différents stades de la vie : on peut être une Amy pendant quelques
années, puis tout à coup devenir une Jo, puis une Meg, et on peut un jour être
une Marmee avant de redevenir une Beth. On peut se retrouver dans chacune
d’elles”.
“C’est une histoire qui parle d’identité et
il n’y a rien de plus moderne”, renchérit Laura Dern qui joue Marmee. “De nos jours, on a toujours du mal à se
demander ‘Qui suis-je et comment puis-je rester fidèle à ce que je suis tout au
long de ma vie, malgré les opinions des uns et des autres ?’ C’est
pourtant ce que Louisa May Alcott a écrit il y a environ 150 ans. Ce qui est
beau dans son écriture, c’est qu’elle a montré qu’on pouvait trouver la force
dans l'insoumission, l’art, l’ambition mais également le mariage et la
maternité. Greta pousse le public à accepter toutes ces possibilités”.
Eliza Scanlen,
qui campe Beth, explique différemment le succès intemporel du roman : “Il affirme que les émotions qu’on ressent
pendant l’enfance sont tout aussi complexes et importantes que celles qu’on
éprouve plus tard dans la vie, et c’est un point de vue qu’on entend rarement”.
Greta Gerwig a
choisi de raconter fidèlement l’histoire, en s’inspirant autant que possible du
texte, mais avec une lecture postmoderne. Elle déstructure le récit et le
raconte en deux temporalités distinctes, si bien que la vie des personnages à
l’âge adulte se déroule parallèlement à leur enfance. “Dans le film, l'histoire commence quand les personnages sont adultes,
et on pénètre dans le monde de l’enfance comme on le fait nous-mêmes, par le
biais d’un souvenir, comme une envie, une clé pour comprendre qui on est et où
on va”, explique Greta Gerwig. “On
avance dans la vie avec la projection de notre enfance en tête. Je voulais
qu'on sente une tension : est-ce que c’est ce qui s’est passé ou est-ce
que c’est le souvenir que j’en ai ? Est-ce que c’est ce qui s’est passé ou
est-ce ce que j’ai écrit ?”
Ce qui a aussi
beaucoup plu aux femmes qui participent au projet, c’est que cette version des
FILLES DU DOCTEUR MARCH accorde une place aux personnages masculins. Ils sont
tour à tour séduisants ou exaspérants aux yeux des sœurs, mais ils ne sont
jamais le centre du monde. “Ce qui est
merveilleux dans l’œuvre de Louisa May Alcott, c’est que ces filles ne sont pas
là pour servir l’histoire de quelqu’un d’autre que la leur. Cette idée est très
présente dans le scénario de Greta Gerwig”, note la productrice Amy Pascal.
“Ce film tombe à point nommé car on parle
plus que jamais de choix, d’identité, d’argent, de pouvoir ou des relations
entre hommes et femmes”, poursuit Amy Pascal. “Greta replace ces questions au cœur du film tout en restant fidèle à
Louisa May Alcott. Elle nous a dit : ‘Je veux faire un film qui ne
ressemble à aucun autre. Je veux que cette adaptation nous amène à relire le
livre et à se rendre compte qu’il est plus controversé, drôle et sombre que ce
qu’on pensait, et je veux faire un film réaliste’”.
ADAPTER LOUISA MAY ALCOTT
Il
faut savoir que Louisa May Alcott a bien failli ne pas écrire "Les Quatre
filles du docteur March". Elle ne s’est jamais considérée comme une auteur
d’“histoires de femmes”, qu’on
considérait à l’époque comme insignifiantes et pas du tout rentables. Pourtant,
quand son éditeur lui a proposé ce projet, elle n’a pas résisté à l’envie de
rivaliser avec les récits d’aventure pour garçons qui étaient souvent des
best-sellers et avaient une influence considérable sur les jeunes lecteurs.
Louisa
May Alcott s’est rendu compte qu’elle connaissait peu de femmes en dehors de
ses trois sœurs et de sa mère. Sa famille s’est finalement révélée être une
source d’inspiration extraordinaire. En transformant sa vie de famille en
fiction, Louisa May Alcott a exprimé son point de vue sur la vie d'une jeune fille
dont les perspectives sont limitées et les aspirations grandissantes, et elle
l’a fait dans un récit clair auquel on peut s’identifier, comme personne avant
elle.
Comme
la famille March, les Alcott étaient très soudés. Ses parents, le professeur
Bronson Alcott et la militante et assistante sociale Abigail Alcott étaient des
idéalistes et des adeptes du transcendantalisme. Ce mouvement, qui a émergé au
XIXème siècle, est précurseur de la contre-culture des années 1960.
On y retrouve des préceptes comme l'insoumission, l’appel à la désobéissance
civile et à développer une relation forte avec les arts, un respect pour la
nature et l'acceptation de son identité comme fondement d’une vie heureuse. Les
Alcott croyaient fermement dans l’égalité et l’apprentissage et ils ont poussé
Louisa et ses sœurs à s'orienter vers les vocations qui les intéressaient.
Pour Louisa,
l’écriture a toujours été prioritaire. Elle a grandi dans un environnement
stimulant intellectuellement, même si l’argent manquait souvent (Henry David
Thoreau était son enseignant et Ralph Waldo Emerson son voisin), et elle a
commencé à écrire dès son plus jeune âge. Pour des raisons économiques, elle a
aussi dû accepter des emplois d’enseignante, de couturière et de gouvernante,
alors même qu’elle écrivait son premier livre "Flower Fables" qui a
été publié quand elle avait tout juste 17 ans. Elle a continué à écrire pour The Atlantic Monthly, elle a publié des
mémoires sur ses années d’infirmière pendant la guerre de Sécession
("Hospital Sketches"), et des aventures d’espionnage sous le
pseudonyme A. M. Bernard (qu’elle vendait 50 dollars par exemplaire,
l’équivalent d’un an de salaire de couturière).
À
la parution des “Quatre Filles du docteur March”, une idée répandue à l’époque
était que seuls les hommes pouvaient écrire des chefs-d’œuvre littéraires. À
quelques exceptions près, les livres écrits par des femmes ou sur des femmes
n’étaient que des divertissements futiles – c’était du moins ce qui se disait.
Mais dès sa publication, “Les Quatre Filles du docteur March” a connu un succès
retentissant et le roman s’est retrouvé en rupture de stock en quelques jours.
Il est apparu que les femmes et les jeunes filles attendaient avec impatience
une histoire authentique, sincère et émouvante sur leur vie quotidienne. Les 23
premiers chapitres ont eu un tel succès que l’éditeur de Louisa May Alcott l’a
suppliée d’en écrire d’autres, pour atteindre les 47 chapitres du grand
classique aimé de tous. Depuis sa création, le roman n’a jamais cessé d’être
réédité et il a été traduit en une cinquantaine langues. Il a été adapté au
théâtre, à la télévision, au cinéma, et il existe même un opéra et un dessin
animé qui s'en inspirent.
Greta
Gerwig n’a pas prêté beaucoup d’attention aux précédentes adaptations, préférant
revenir à ce qu’elle considérait comme l’âme du livre. En relisant le roman à
l’âge adulte, elle a été interpellée par la façon à la fois moderne et habile
avec laquelle Louisa May Alcott a transcrit la langue informelle et libre
parlée au sein de la famille.
“Le langage était tellement frais et plaisant
que je n’y ai presque pas touché. J’ai essayé d’intégrer au scénario autant de
passages du texte que possible”, précise-t-elle.
Elle entendait
les répliques s’enchaîner dans sa tête, ce qui a influencé ses choix de
réalisation : “Je voulais que les
acteurs s'expriment à la même vitesse que dans la vie. Je voulais qu’ils
prononcent les dialogues de façon rapide et cinglante parce que c’est comme ça
que je les entendais”, explique la cinéaste.
Elle poursuit :
“C’est pour ça que j’ai eu l’idée de
commencer le film quand les sœurs sont adultes, puis de faire en sorte que leur
enfance reste présente dans leur esprit, pas sous forme de flash-backs mais
comme une temporalité parallèle. En effet, dans la vie, quand on marche dans la
rue, on avance toujours en restant marqué par la personne qu'on était dans sa
jeunesse. On est toujours autant marqué par la personne qu’on pensait devenir
que par celle qu’on est devenue. Je voulais que la vie, sous toutes ses formes,
imprègne la narration”.
Le
récit évoque bien entendu les relations amoureuses, qui jouent un rôle
important dans le succès des “Quatre Filles du docteur March”. Cependant, Greta
Gerwig suggère cette fois que chacune des sœurs ne cherche pas seulement
l’amour, mais qu’elle poursuit sa propre conception d'une relation amoureuse
égalitaire. Les lecteurs ont longuement débattu sur l’homme que Jo choisit pour
époux, se demandant même si c’était une bonne chose pour elle d’avoir choisi un
époux. Cette question est d’autant plus complexe que Louisa May Alcott,
semblable à Jo à plusieurs égards, a emprunté une voie différente de son
personnage en choisissant ne pas se marier, même après être devenue célèbre.
Greta Gerwig a adopté un parti-pris assez inhabituel sur cette question
essentielle dans les FILLES DU DOCTEUR MARCH.
“Si Jo est l’héroïne de mon enfance, Louisa
May Alcott est l’héroïne de ma vie d’adulte. Du coup, c’était important pour moi
qu’elle n’ait pas choisi de marier Jo mais qu’elle l’ait fait parce que son
éditeur l’y a obligée. Elle déclare dans une lettre : ‘J’ai choisi un
drôle de mari à Jo par dépit’. J’ai donc voulu lui offrir une fin qui lui
aurait plu, et c’est peut-être la fin qu’elle aurait voulu. Je voulais qu’on
retrouve la scène finale romantique que Louisa May Alcott nous a offerte. Mais
en même temps, je voulais poser certaines questions : ‘Pourquoi est-ce qu’on a
envie de ça ? Pourquoi faut-il que Jo passe par là ?’”
Les dialogues
naturalistes de Greta Gerwig, avec leurs répliques qui se chevauchent, ont
particulièrement plu aux acteurs. “Greta
permet aux sœurs de se couper la parole et de se répondre pour qu’on ait
vraiment l’impression qu’il y a quatre ou cinq personnes dans la pièce”,
explique Saoirse Ronan. “On a dû beaucoup
travailler pour caler parfaitement les dialogues dans ces scènes. Mais je n’ai
jamais collaboré avec un réalisateur comme Greta. Elle sait tout de suite à
l’oreille ce qui fonctionne. C'est le rythme des scènes qui donne à ses films
leur singularité. On a l’impression que Greta nous convie dans le monde secret
de la famille March”.
Greta
Gerwig explique : “Je ne voulais pas
que ces répliques qui se chevauchent suscitent une cacophonie : je voulais
qu’elle se chevauchent de façon précise, et c’était presque comme diriger un
orchestre. On a répété pendant plusieurs semaines et c’était indispensable car
le scénario est très précis. Je voulais qu’on ait l’impression qu’elles sont
submergées par l'enthousiasme et la joie, je voulais qu’on entende vraiment des
sœurs qui se parlent. Je ne voulais pas que chacune attende son tour pour
prendre la parole parce que, d'après moi, ce n’est pas comme ça que des sœurs
se comportent quand elles sont ensemble. Comme j’avais d’excellentes actrices
qui rendent le texte encore plus vivant et profond, je pouvais leur faire
entièrement confiance”.
Pour Greta
Gerwig, il était essentiel de restituer l'ampleur des relations entre les
sœurs, à la fois belles et fortes mais aussi traversée par des tensions. “J’ai considéré chaque sœur comme une artiste
et j’ai voulu prendre leurs ambitions artistiques au sérieux parce que c’est
comme ça qu’elles les voient. Elles s’aiment et sont très proches mais elles
sont aussi en rivalité et peuvent se taper sur les nerfs. Elles sont parfois
dures et sournoises, parfois douces et tendres, et je voulais que tout cela se
retrouve dans le film car selon moi c’est ce qui fait que leur histoire est
aussi forte. Ce sont de vraies personnes avec des relations chaotiques”.
Le scénario a
offert un nouveau point de vue sur le livre à Amy Pascal, une autre femme à la
carrière exemplaire qui entretient depuis toujours un rapport particulier avec
le roman, dont elle tire même son prénom, Amy Beth. “C’est un film qui évoque le regard qu'on porte sur son enfance, qui
parle du temps qui passe et de la vie d’artiste”, décrit-elle. “C’est aussi un film qui parle de la farouche
envie d’indépendance à tout prix”.
LES SŒURS
Jo/Saoirse Ronan
Jo March est
considérée comme la création majeure de Louisa May Alcott. C’est un des rares
personnages de fiction à être devenu une véritable héroïne qui a inspiré des
générations de jeunes femmes en quête d’une vie faite d’aventures et
d’expression artistique. L’ombre de Louisa May Alcott s’est toujours profilée
derrière le personnage. Tout comme Jo, elle a été libérée en grande partie par
l'ampleur de son imagination et par sa puissance de travail. Grâce à
l’écriture, elle a en effet atteint une indépendance financière rare pour une
femme seule et elle a immortalisé son enfance dans un milieu progressiste qui
lui a donné la force de surmonter les obstacles.
Pour jouer ce
rôle, il fallait une actrice d’une grande sensibilité et la réalisatrice savait
déjà qui réunirait les qualités requises. Greta Gerwig, qui a vu Saoirse Ronan
incarner le tourbillon d’émotions adolescentes qui traverse LADY BIRD, était
convaincue qu’elle saurait faire partager au spectateur les humeurs de Jo, son
esprit, ses réflexions ainsi que son “vortex
créatif” comme Louisa May Alcott surnommait les séances d’écriture
quotidiennes de Jo.
“Je ne peux pas dire grand-chose de Saoirse
parce qu'elle tout simplement géniale”, reconnaît Greta Gerwig. “Je
ne sais pas comment elle fait, mais
je m’estime très chanceuse qu’elle ait déjà travaillé deux fois avec moi”.
Amy Pascal
ajoute : “Saoirse est
exceptionnelle. Quand on la regarde jouer, on est sidéré en permanence. C’est
une actrice très naturelle, intelligente et nuancée”.
Saoirse Ronan
explique qu'endosser un personnage si aimé était exaltant et représentait en
même temps un énorme défi. Le plus difficile consistait à aller au-delà d’une
banale interprétation du caractère fougueux bien connu de Jo, et d’incarner
plutôt un être humain en proie au doute et un peu perdu, mais aussi talentueux,
insoumis et animé par un désir de changement. Il a ainsi fallu envisager Jo
comme un personnage contemporain – une femme moderne intéressée par les
questions d’identité avant que quiconque ne comprenne à quel point elles
allaient devenir prégnantes au siècle suivant.
“Je pense que Jo ressemble aux jeunes filles
d'aujourd’hui”, estime Saoirse Ronan. “Greta
souhaitait qu’elle soit plus moderne que toutes les autres filles qu’on voit
dans le film, en particulier dans sa gestuelle et son élocution. J’ai besoin de
trouver la façon de s'exprimer d’un personnage pour saisir vraiment qui il est,
et pour la voix de Jo, j’ai adopté un ton détendu assez moderne”.
Jo reste
néanmoins fidèle aux traditions dans son inébranlable dévouement à sa famille.
Ce qui déclenche sa créativité, c’est son désir d’aider sa famille à alléger
ses problèmes financiers en publiant des nouvelles. “Jo est entièrement dévouée à sa famille. Ses sœurs et sa mère sont tout
ce qui existe pour elle. Elles se sont créé une sorte de nid dans leur maison
et c’est là tout leur univers”, précise Saoirse Ronan. “Quand elles sont réunies, elle est rassurée,
sociable et créative. Quand elle est avec des gens qu’elle connaît moins bien,
elle est plus réservée. Il y a deux choses qui l’animent : ses sœurs et
l’écriture”.
Saoirse Ronan
s’est confrontée avec plaisir à la complexité de jouer une romancière qui puise
ses plus grandes joies, déceptions et découvertes au plus profond d'elle-même.
“En dehors de ses relations familiales,
l’écriture est la seule façon pour Jo de comprendre le monde”, observe
Saoirse Ronan. “Elle ressent le besoin
d’écrire nuit et jour. Et même si elle ne le considère pas forcément comme une
carrière potentielle (ce n’était pas une voie envisageable pour une fille comme
elle), l'écriture fait partie intégrante de son identité. C’est dans l’écriture
que Jo puise sa confiance en elle-même”.
Saoirse
Ronan a également été très inspirée par les scènes où elle et ses partenaires
contribuent à créer l’atmosphère du foyer : “J’adore le fait que les March mènent une vie de bohème, où on les
encourage à créer, à s’exprimer à travers leurs œuvres et à être transparentes
les unes avec les autres. Elles se parlent en toute liberté”,
remarque-t-elle.
La période où les
quatre sœurs vivent seules avec Marmee devient un moment de beauté et d’unité
inégalé. En grandissant, Jo se rend compte que cette époque est irremplaçable.
Saoirse Ronan s’est également penchée sur les choix amoureux de Jo, qui hésite
entre Laurie, le voisin qui l’aime éperdument et qui a été son ami le plus
proche, et le professeur Friedrich Bhaer, plus froid et cérébral.
“Jo a un rapport très complexe avec l’amour”,
remarque-t-elle. “Avec Laurie, elle
voudrait rester pour toujours dans cette relation platonique et pure qu’ils ont
nouée pendant l’enfance. Friedrich représente autre chose pour elle : une
nouvelle vie et la possibilité d’accéder au milieu intellectuel. Mais je pense
que Jo n’envisage pas une seconde qu’elle puisse avoir des sentiments pour
Friedrich jusqu’à ce qu’elle retourne au chevet de Beth qui est tombée malade.
Jo s’est toujours promis de ne pas se marier, de ne pas faire la moindre
concession. De nos jours, on peut assumer ce choix beaucoup plus facilement
qu’à son époque”.
Saoirse Ronan
conclut : “Je pense tout de même que
la plus belle histoire d’amour de Jo est celle qu’elle partage avec sa mère et
ses sœurs. Le cœur de l’histoire est le cheminement de ces jeunes femmes qui
trouvent leur place dans le monde en essayant de créer du lien, comme nous tous
en tant qu’humains”.
Meg/Emma Watson
Meg,
l’aînée des sœurs March, est souvent représentée comme la plus maternelle du
quatuor, mais c’est aussi une perfectionniste entêtée qui sait exactement qui
elle est et ce qu’elle veut. C’est cet aspect du rôle qui a plu à Emma Watson.
L’actrice britannique a connu le succès dans le rôle d’Hermione dans la saga
HARRY POTTER et s'est illustrée plus récemment dans LA BELLE ET LA BÊTE.
“Ce que je trouve important chez Meg, c’est
que son désir d’être une mère et une épouse est un choix féministe”,
déclare Emma Watson. “On pense
souvent que pour être féministe, il faut rejeter le mariage. Mais ce dont Meg a
envie avant tout, c’est de trouver un partenaire. Comme elle le dit à Jo le
jour de son mariage : 'ce n’est pas parce que mes rêves sont différents
des tiens qu’ils sont moins importants'”.
Greta Gerwig
ajoute : “Meg veut se marier et
avoir des enfants, mais pour autant elle pourrait regretter de ne pas avoir
épousé quelqu’un de riche. En relisant le livre, j’ai été frappée par les
efforts de Meg pour réussir à concilier ses choix de vie”.
Emma Watson
était intéressée par la possibilité d’aller au-delà des joies du mariage entre
Meg et John Brooke, l'enseignant qui ne ménage pas sa peine : “En général, on voit les femmes se marier et
l’histoire s’arrête là. Du coup, c’était intéressant de voir Meg endosser son
rôle d’épouse et de mère, et tenter de faire vivre sa relation malgré les
tensions ambiantes”, remarque Emma Watson. “La réalité pousse Meg dans ses retranchements. Cela l’oblige à se
demander : ‘Est-ce que toutes mes convictions étaient justes ?
Existe-t-il des fins heureuses ? L’amour peut-il durer toute la
vie ?' On la voit se battre pour défendre ses rêves, car il faut mériter
les bonnes choses qui nous arrivent dans la vie”.
Emma Watson
estime que, même si Meg est très rationnelle, elle est aussi attirée par des
aspects plus insaisissables de la personnalité de John, comme sa générosité et
sa compassion : “John intervient
toujours quand il y a une crise, il accomplit les tâches les moins valorisantes
et c’est comme ça qu’il gagne le respect de Meg. Elle choisit un homme capable
d’assumer ses responsabilités”.
James Norton,
qui joue John Brooke, se souvient de sa rencontre avec Emma Watson : “Greta voulait explorer davantage notre
couple”, dit-il. “On a donc décidé
ensemble que ce serait un bon exercice de rédiger nos vœux de mariage. On s’est
vraiment mis à nu et ça nous a beaucoup servis”.
Emma Watson
poursuit : “Meg a envie d’épouser John
parce qu’il a pris soin de son père quand il était blessé et qu’il s’occupe de
sa mère et de ses sœurs comme si c’était sa propre famille. C’est ça qui lui
importe le plus. Si Jo voit en John quelqu’un d’ennuyeux, Meg accorde une
importance capitale au fait qu’il soit présent au quotidien aux côtés de sa
famille”.
Beth/Eliza Scanlen
Beth
March est sans doute la plus introvertie et la plus fragile des sœurs March.
C’est une musicienne passionnée dont la vie va être bouleversée à jamais par un
épisode de scarlatine et elle laisse un souvenir impérissable à tous les
lecteurs du roman. C’est Eliza Scanlen qui donne un nouvel élan au rôle. La
jeune Australienne a été révélée récemment dans SHARP OBJECTS sous les traits
d'Amma Crellin.
Greta
Gerwig déclare : “Beth n’a pas une
vie facile, mais elle est aussi ambitieuse que ses sœurs. Et pourquoi
pas ? C’est une March après tout. Elle a aussi des ambitions et je voulais
qu’on le ressente. Pour moi, Beth a toujours été une figure à la Emily
Dickinson, quelqu’un qui accède à une compréhension profonde du monde, sans
jamais quitter son foyer”.
“Beth est un personnage complexe”,
affirme Eliza Scanlen. “À côté de ses
sœurs, elle a l’air timide mais elle possède une énergie et une puissance
discrètes auxquelles je peux tout à fait m’identifier. Je pense qu’on est tous,
dans une certaine mesure, à la fois introvertis et extravertis, et j’espère que
grâce à ce film, les gens comprendront que les introvertis ont aussi des choses
à dire. Aujourd’hui, on vit dans un monde très extraverti où on plébiscite ceux
qui s'expriment plus fort que les autres, qui vivent en groupe et débordent
d’énergie. Je trouvais ça intéressant de trouver de la force dans la douceur,
la bienveillance et la réflexion”.
Eliza Scanlen
reconnaît que Greta Gerwig a permis aux actrices de plonger dans l'intimité des
March : “Greta adore le théâtre et
elle sait créer une atmosphère très familiale, avec ses disputes, ses cris et
ses colères. Elle a un grand respect pour la façon dont l’enfance de ces filles
a façonné leur vie. Elle n’a pas peur de montrer la méchanceté dont peuvent
faire preuve les sœurs, même si elles s’admirent par ailleurs”.
Un des aspects
les plus touchants de la courte vie de Beth, c’est qu’elle arrive à réunir de
nouveau la famille à l’âge adulte. “C’est
toujours un peu triste de grandir et on a du mal à voir les sœurs March partir
chacune de leur côté”, estime Eliza Scanlen. “D’un autre côté, c’est beau de voir que les liens familiaux leur
permettent de se retrouver. J’ai une sœur jumelle et mon amour pour elle est
infini : je pense que c’est ce que ressentent les sœurs March”.
Amy/Florence Pugh
La cadette des
sœurs March, Amy, a toujours divisé les lecteurs. Caractérielle et parfois
malicieuse, elle impose souvent sa volonté aux autres sœurs, parfois même à Jo.
Mais Amy Pascal remarque : “Le film
offre un portrait d’Amy bien différent. Elle semble certaine de ses choix, elle
espère devenir une grande artiste mais elle doit accepter que son talent de
peintre ne soit que médiocre. Cette Amy est toujours très volontaire mais elle
est également intelligente et admirable”.
Florence Pugh
incarne cette nouvelle version d’Amy. Jeune actrice prometteuse, elle s’est
faite remarquer dans des rôles très variés, de THE LITTLE DRUMMER GIRL de Park
Chan Wook à OUTLAW KING : LE ROI HORS-LA-LOI de David Mackenzie et
MIDSOMMAR d’Ari Aster. Florence Pugh a trouvé Amy intrigante et complexe sur le
plan psychologique.
“On voit souvent Amy comme la petite dernière
gâtée parce qu’elle est impertinente et qu’elle rêve d’amour et de richesse”,
reconnaît Florence Pugh. “Mais ce qui
m’intéressait, c’est que cette Amy est une artiste animée avant tout par la
volonté de se dépasser elle-même – et s'il faut se contenter d'être médiocre,
pense-t-elle, alors autant ne rien faire du tout. Ce qui m’a tout de suite plu
dans le scénario de Greta, c’est qu’elle donne à voir l’attirance d’Amy pour
l’excellence, mais également ses failles bien humaines. Peut-être que nous
ressemblons tous à Amy plutôt qu’à Jo”.
La relation
entre Amy et Jo est empreinte de jalousie et de rivalité. Elle débouche sur un
étrange triangle amoureux car Amy tombe amoureuse de Laurie, qui a toujours été
épris de Jo. Florence Pugh souligne que les sentiments d’Amy pour Laurie sont
entièrement sincères : “On connaît
tous la douleur d’être amoureux de quelqu’un qui ne le sait pas, et c’est ce
qui se passe entre Amy et Laurie. C’est compliqué et déroutant d’épouser
l’homme qui était amoureux de sa sœur, mais c’est peut-être le mieux pour eux”.
C’est cet amour
sincère et inconditionnel qui fait grandir Laurie. Son attirance pour Jo et sa
demande en mariage sont le fruit d’un amour d’enfant. La relation qu’il noue
plus tard avec Amy est l’amour d’un adulte qui a appris à s’aimer lui-même.
Lorsqu’il rentre d’Europe, Laurie est devenu un homme bien différent du garçon
qu’il était.
Tout comme ses
partenaires, Florence Pugh a avant tout apprécié les liens qui perdurent entre
les sœurs en dépit des conflits : “Ce
lien est au cœur de l’histoire. Les sœurs sont capables de se soutenir ou de se
détester mais tous ces sentiments semblent authentiques”, souligne Florence
Pugh.
Saoirse Ronance
explique que l’interprétation d’Amy par Florence Pugh a changé sa vision du
personnage : “Florence a donné
quelque chose à Amy que personne ne lui avait donné auparavant : du
mordant. Ce n’est pas seulement une fille super féminine, elle a un feu en elle
qui est incroyablement exaltant”.
Marmee/Laura Dern
La
matriarche de la famille March, surnommée affectueusement Marmee par ses
enfants, est sans conteste l’un des personnages féminins les plus admirés de la
littérature. C’est une mère qui, seule en pleine période de guerre, offre à ses
enfants ce qui manque souvent dans l’éducation des jeunes filles : une
confiance et un respect absolus. On a souvent vu en Marmee un emblème du
sacrifice domestique. Cependant, Louisa May Alcott s’est inspirée de sa propre
mère, Abby May, une militante notoire et une femme pleine d’esprit qui est loin
d’avoir mené une vie calme et discrète. Abby était une suffragette passionnée,
une abolitionniste, une réformiste et l’une des premières assistantes sociales
des États-Unis. Cette infatigable rebelle est devenue pour Louisa May Alcott un
mentor et une muse.
Abby a transmis
à sa fille une curiosité intellectuelle, une confiance et un amour pour le
monde. Abby ne supportait pas de voir des inégalités autour d’elle et elle ne
tolérait pas les limites imposées aux femmes. Elle écrit dans son journal
intime : “Une femme peut accomplir
les tâches les plus désintéressées. Elle peut mourir un peu chaque jour au
service de la vérité et de la justice. Pendant sa vie, on la néglige, et à sa
mort, on l’oublie. Mais un homme qui n’a jamais accompli le moindre acte
altruiste dans sa vie mais qui se trouve être un génie est acclamé par tous”.
Greta Gerwig
voulait voir une telle flamme animer Marmee. Sa colère et son désir de
changement frémissent sous la surface et contribuent à la grande liberté et à
la soif de curiosité qu’elle inculque à ses filles. Elle a donc sollicité Laura
Dern, dont le talent et la densité lui ont valu deux nominations aux Oscars,
pour incarner Marmee et sa vie intérieure bouillonnante.
“J’ai toujours pensé que si les March étaient
une famille de génies, c’était grâce à Marmee”, précise Greta Gerwig. “Elle offre à ses filles un espace rassurant
dans lequel elles peuvent donner libre cours à leur magnifique chaos. Mais je
savais aussi que ce personnage irréprochable de Marmee était inspiré par Abby
May, dont la vie a été un peu plus compliquée et difficile, et je voulais que
Marmee ait cette dimension supplémentaire. On se dit souvent que Marmee
accomplit des miracles avec ses filles, mais je voulais aussi montrer à quel
prix les miracles se produisent”.
Laura Dern a
fait connaissance avec le personnage pendant son enfance : “Je devais avoir 13 ans quand j’ai lu le
livre”, se souvient-elle. “Je me
souviens très bien du conseil que Marmee donne à Jo quand elle lui dit de ne
pas réprimer sa colère : cela m’a beaucoup marquée. J'ai lu tellement
d’histoires qui encouragent à censurer tout ce qui peut sembler affreux. Mais
Louisa May Alcott nous pousse au contraire à accepter le désordre de la vie.
Elle a créé un personnage de mère qui donne des conseils radicaux. Ça me
semblait déjà radical dans les années 1980 ! Je pense que le roman livre
un message que les lecteurs de toutes les générations ont besoin
d’entendre : qu’on peut être soi-même, profondément et complètement et que
personne ne peut nous enlever notre culot, notre colère, notre vulnérabilité,
notre sensualité, notre humour, notre grâce. C’est ce qu’on est”.
Pour se
rapprocher davantage de Marmee, Laura Dern s’est renseignée sur la vie hors du
commun d’Abby May : “On pourrait
facilement se dire que Marmee a une tendance toute victorienne à l’obéissance
et à la sensibilité, mais on veut montrer que même si elle est de son temps,
c’est aussi une insoumise”, note Laura Dern.
Après ses
recherches, Laura Dern a eu encore plus d’admiration pour son parcours : “Quand j’ai lu la correspondance de Louisa et
sa mère, je me suis dit : ‘Mon Dieu, encore aujourd’hui ce serait formidable
pour une mère et sa fille de parler avec autant de liberté de ce que c’est que
d’être une femme et de ses ambitions dans la vie’. C’était édifiant d’apprendre
que cette franchise était au fondement de leur véritable relation”.
Laura Dern a
travaillé étroitement avec Greta Gerwig et elle a beaucoup apprécié sa façon de
pousser les acteurs dans leurs retranchements pour faire en sorte que chaque
moment soit un peu plus vivant et dynamique : “Greta nous demandait d’être deux femmes qui discutent d’égale à égale.
Marmee ne gronde jamais ses filles, même quand elles ont fait une erreur. C’est
parce qu’elle a été élevée dans cette énergie que Louisa May Alcott a eu le
courage de devenir l’écrivain qu’elle est devenue. Greta montre comment tout
cela naît du respect de Marmee porte à ses filles”.
Saoirse Ronan a
eu plaisir à se laisser surprendre par les innombrables nuances du jeu de Laura
Dern : “Laura insuffle à Marmee
quelque chose de très maternel et en même temps elle apparaît comme une femme
forte. Parfois dans le film, Marmee semble sur le point de craquer et de
s’effondrer mais elle se reprend et affiche un sourire devant ses filles. Laura
est une actrice tellement talentueuse qu’elle arrive à exprimer tout un
cheminement émotionnel en seulement quelques secondes à l’écran”.
Tante March/Meryl Streep
En grandissant,
les sœurs March découvrent ce que la richesse peut apporter à une femme, grâce
à leur Tante March, une veuve dont la fortune lui a permis de ne pas se
remarier et surtout de dire ce qu’elle pense en permanence et sans retenue.
Greta Gerwig
explique : “Marmee essaie de créer une
sorte d’utopie pour sa famille, mais à l’inverse, Tante March vit dans le monde
réel. Ce n'est pas une rêveuse comme Marmee. C’est elle qui dit aux
sœurs : ‘Vous feriez mieux de comprendre comment affronter le monde parce
que c’est difficile et que personne ne se souciera de vous’. Tante March a
raison de dire que le monde ne répond pas toujours à nos attentes et qu’il faut
savoir s'en sortir, mais Marmee a aussi raison de dire qu’on peut essayer de le
changer”.
Meryl Streep
reprend ce rôle qui mêle pouvoir et humour. “J’adore Meryl Streep, c’est vraiment la meilleure, et c’était sensationnel
pour moi de la voir transmettre toutes ces idées dans le film”, confie
Greta Gerwig. “Elle a tout de suite
compris que Tante March est le pilier de la famille. Le personnage a pris
beaucoup plus d’épaisseur que je ne l’imaginais quand j’ai écrit le scénario.
Meryl Streep m’a démontré à quel point le point de vue de Tante March est
recevable”.
Tout comme Tante
March, Meryl Streep a eu un impact considérable sur les plus jeunes
actrices : “C’était génial de
pouvoir travailler avec Meryl et cela a compté énormément de l’avoir parmi nous”,
déclare Saoirse Ronan. “J’ai une scène
seule avec elle et c’était totalement surréaliste pour moi. Je voulais en
profiter à fond et surtout ne pas gâcher ce moment pour nous deux”.
“Meryl est hilarante dans le rôle de Tante
March”, affirme Emma Watson. “C’est
une prestation comique extraordinaire. Elle n’a absolument aucun filtre, c’en
est tordant, et Meryl joue cela à la perfection”.
Hannah/Jayne Houdyshell
La
fidèle Hannah est autant une amie pour les sœurs March qu'une gouvernante.
Plusieurs fois citée au Tony Award, Jayne Houdyshell campe le rôle. Elle était,
elle aussi, très attachée au roman qu'elle a lu pour la première fois à l'âge
de 10 ans : "J'ai grandi dans une famille de quatre filles, si bien que
c'était exaltant de découvrir cette famille extraordinaire avec ces quatre
sœurs", dit-elle. "J'ai par ailleurs perdu une sœur quand
j'avais 12 ans et la souffrance suscitée par un tel drame est dépeinte de
manière bouleversante dans le livre".
La
comédienne se sentait également très proche d'Hannah : "Elle travaille
pour les March depuis la naissance de ces quatre merveilleuses petites filles
et les a accompagnées à chaque épreuve de leur vie", souligne-t-elle. "Elle
leur permet d'avoir un regard différent des autres sur la vie".
"On
parle rarement de l'héroïsme des nourrices et des nounous", note Laura
Dern. "Marmee et Hannah n'ont pas de relation d'employeur à employée.
Ce sont deux femmes qui élèvent les filles. C'était formidable que Greta ait
engagé Jayne qui dégage une sincérité, une fraîcheur et un humour incroyables. Le
personnage qu'elle campe possède un toupet, une grâce et une franchise qui
permettent de garder la famille soudée dans les moments les plus durs".
LES HOMMES DU
FILM
Louisa
May Alcott a écrit sur le parcours de jeunes Américaines comme très peu
d'auteurs l'avaient fait avant elle. Mais elle a également entouré ses héroïnes
d'hommes – pères, époux, voisins, enseignants et amis – qui sont aussi
extraordinaires que les femmes qu'ils aiment et soutiennent. C'est un autre
paramètre central de l'adaptation de Greta Gerwig : "S'il y a bien un
formidable aspect du livre que Greta a transposé dans son film, c'est le fait
que les hommes respectent les femmes en tant qu'êtres humains. Ses personnages
masculins sont les partenaires des femmes et, même aujourd'hui, on a encore du
chemin à faire", déclare Amy Pascal.
Pour
les interprètes des principaux personnages féminins, c'était épatant de voir
ces hommes camper les seconds rôles. Comme le signale Eliza Scanlen,
"Greta évoque les hommes comme des témoins de la proximité magnifique
entre les sœurs et montre qu'ils aimeraient partager cette proximité. Ce sont
des rapports passionnants qu'on voit rarement au cinéma".
"Ce
qui est formidable dans LES FILLES DU DOCTEUR MARCH, c'est que les hommes sont
secondaires", ajoute Bob Odenkirk qui campe le père de la famille
March. "Ils ne sont pas insignifiants, mais seulement secondaires, car
le film est axé sur les trajectoires des femmes".
Laurie/Timothée Chalamet
Quand les sœurs
March se rendent compte qu'elles ont un jeune voisin qui a de l'allure –
Theodore "Laurie" Laurence –, celui-ci devient un intime de la
famille en même temps qu'un élément perturbateur qui finira par s'éprendre de
deux des sœurs. Remarqué dans CALL ME BY YOUR NAME, qui lui a valu une citation
à l'Oscar, et LADY BIRD de Greta Gerwig, Timothée Chalamet campe Laurie.
Pour Greta
Gerwig, Laurie et Jo sont deux doubles inversés : "Jo est une fille
avec un nom masculin", dit-elle, "et Laurie est un garçon avec
un nom féminin. Il est comme le double inversé de Jo. La manière dont Timothée
s'est approprié le personnage était féerique. En tant que spectatrices, nous
nous sommes toutes imaginées en garçons car il y a énormément de protagonistes
masculins et qu'on s'identifie à leur trajectoire. Mais Timothée, lui, est un
garçon qui se projette dans un monde féminin. C'est donc franchement
exceptionnel".
La complicité
entre Chalamet et Saoirse Ronan a été totale. "Timothée rivalise
d'élégance, de talent et d'émotion avec Saoirse – et c'était une nécessité
absolue car Jo et Laurie sont deux âmes sœurs", note Amy Pascal.
Pour l'acteur,
Laurie ne prend confiance en lui que lorsqu'il fait la connaissance des sœurs
March. "Laurie n'a pas franchement eu une enfance idyllique",
explique-t-il. "Il dispose d'une grande fortune, certes, mais il n'a
jamais eu d'amis car il était scolarisé à domicile et qu'il passait le plus
clair de son temps avec son tuteur, M. Brooke. Du coup, quand il découvre ces
filles séduisantes qui lui donnent le sentiment d'avoir des racines, il
mûrit".
Tout en gagnant
en maturité, il a le cœur brisé par Jo. Si elle a toujours semblé être son âme
sœur incontestée, leur amitié était hors normes – et Jo est bien consciente que
leur relation serait bouleversée s'ils se mariaient. Chalamet estime qu'ils
auraient pu être heureux dans un monde plus clément envers les femmes. "On
peut penser que leur amitié aurait pu aboutir à une formidable vie de
couple", dit-il. "Mais il est tout aussi possible que ces deux
êtres si semblables aient pu se déchirer".
Cependant, les
conventions sociales influent sur les rapports entre Laurie et Joe, puis entre
Laurie et Amy. En devenant adultes, Laurie et Amy acceptent la plupart des
contraintes imposées par la société, même si, au fond, ils s'aiment
sincèrement. D'où cette conclusion : alors que l'amour de Laurie pour Jo était
intense mais fugace, celui qu'il éprouve pour Amy est durable et profond.
Saoirse Ronan a
été très heureuse de refaire équipe avec Chalamet dans un tout autre contexte
que celui de LADY BIRD. "Comme on avait appris à se connaître sur LADY
BIRD, on n'a eu aucun mal à retrouver une relation fraternelle",
indique-t-elle. "Quand on tourne plusieurs fois avec le même
partenaire, on se sent pleinement rassurés. Il est très courageux et prêt à
prendre tous les risques, ce qui faisait de lui l'interprète idéal pour
Laurie".
Friedrich/Louis Garrel
Quand Jo quitte
sa famille pour enseigner à New York, elle rencontre un homme qu'elle considère
– ou aimerait considérer – comme un collègue : le professeur Friedrich Bhaer
qui l'impressionne par ses vastes connaissances littéraires et la déconcerte
lorsqu'il critique ses écrits. Louis Garrel, connu à l'international pour avoir
tenu le rôle principal d'INNOCENTS – THE DREAMERS de Bertolucci, campe
Friedrich.
Pour le comédien
français, Jo ne commet pas d'erreur en jetant son dévolu sur Friedrich, souvent
diabolisé dans les précédentes adaptations du roman. Au contraire, il vit dans
un milieu grisant dans lequel la jeune fille aimerait évoluer, si bien qu'il a
une influence non négligeable sur ses émotions. "Il incarne le monde
auquel elle désire appartenir et dont elle rêve : celui de la littérature et
des intellectuels. Par ailleurs, quand deux êtres se rencontrent et qu'il se
passe quelque chose entre eux, il arrive parfois qu'il n'y ait pas
d'explication", dit-il.
Saoirse Ronan a
particulièrement aimé la scène où Jo prend la critique de Friderich comme un
coup de poing dans le ventre. À ses yeux, ce dernier cherche surtout à la
préparer aux jugements subjectifs et aux rejets que tout jeune auteur doit
affronter. "La séquence où Jo quitte la pièce comme une furie était
jubilatoire", indique la comédienne. "J'ai adoré la tourner
avec Louis. Il insuffle une véritable humilité à son personnage. Il a su donner
une vraie sincérité à des dialogues très cinglants. On ne peut s'empêcher
d'être séduit par son honnêteté – une forme d'honnêteté à laquelle Jo n'a
jamais été habituée. Personne ne lui a jamais dit ses quatre vérités jusque-là
et je crois qu'elle est profondément marquée par ce qu'il lui dit".
M. Laurence/Chris Cooper
Si
l'énigmatique et fortuné voisin des March, M. Laurence, par ailleurs grand-père
de Laurie, pourrait s'avérer intimidant aux yeux des jeunes filles, il se
révèle sensible et humain, en particulier pour Beth. Chris Cooper, comédien
oscarisé vu récemment dans UN AMI EXTRAORDINAIRE, campe le rôle.
"C'était
formidable d'avoir Chris comme partenaire", déclare Eliza Scanlen. "Il
a une vraie douceur qui se retrouve chez son personnage. Beth et lui pourraient
sembler aux antipodes l'un de l'autre, mais se rejoignent dans leur quiétude.
Ce que j'ai appris en le regardant travailler, c'est à quel point on peut
réussir à maîtriser son jeu et son environnement. En tant qu'être humain, Chris
possède cette force tranquille qui m'a vraiment permis de rester calme et
d'exacerber ma sensibilité. Il fait partie de ces gens, très rares, qui ne
s'expriment que lorsqu'ils l'estiment nécessaire. Je me sens très flattée qu'il
ait pu me guider à ce point".
Jayne
Houdyshell, qui s'est produite à Broadway dans "Maison de poupée, chapitre
2" aux côtés de Cooper, intervient : "Je ne crois pas avoir jamais
vu Chris dans un rôle comme celui de M. Laurence. C'était génial de le
découvrir sous les traits de cet homme élégant, assez guindé et fermé, révéler
sa sensibilité au contact des sœurs March".
Robert March/Bob Odenkirk
Quand
le père des sœurs March revient de la guerre de Sécession, sa présence apporte
une forme de sérénité dans un foyer enclin à l'effervescence. Pour autant, il
ne se considère en rien le chef de famille. Bob Odenkirk, à l'affiche de
BREAKING BAD, BETTER CALL SAUL et NEBRASKA, a apprécié de jouer ce rôle qui
défie les conventions.
L'acteur
souligne que l'auteur du roman s'est largement inspiré de son propre père – ou,
du moins, de ce qu'elle préférait chez lui. Si Bronson Alcott n'a pas participé
aux combats, il était enseignant, philosophe transcendantaliste,
abolitionniste, réformateur, ami de Ralph Wado Emerson, libre penseur et
souvent engagé dans d'importants projets. Mais il était aussi adepte
d'expériences radicales : il a ainsi entraîné toute sa famille dans une
communauté utopiste végétarienne, appelée "Fruitlands", où il n'y
avait presque rien à manger.
Après
s'être abondamment documenté sur Bronson, Odenkirk a nourri son personnage de
ses connaissances. "Bronson était un type intéressant",
dit-il. "Un homme éclairé qui se battait pour les droits des femmes et
des minorités. Il était passionné par les idées progressistes, mais il pouvait
aussi être totalement perdu".
Certains
universitaires estiment que Robert incarne une figure paternelle idéalisée aux
yeux de Louisa May Alcott. "Robert réunit toutes les qualités de
Bronson Alcott", reprend le comédien. "Il croit dans
l'émancipation des femmes et considère qu'elles devraient être libres de leur
choix de vie".
Il
ajoute que c'était particulièrement gratifiant de jouer le père de jeunes
actrices aussi épatantes. "Mes filles, dans le film, sont interprétées
par les actrices les plus douées de leur génération et c'était un bonheur de
leur donner la réplique. Leur énergie et leur complicité m'ont galvanisé au
quotidien", dit-il.
John Brooke/James Norton
S'il se présente
d'abord comme le tuteur de Laurie, John Brooke devient un vrai soutien pour les
jeunes sœurs March – et s'éprend de Meg, tout en étant conscient qu'elle doit
consentir d'importants sacrifices pour s'engager à ses côtés.
"J'ai
toujours considéré M. Brooke comme une sorte d'autodidacte absolu, un type issu
d'un milieu très modeste, mais qui est suffisamment brillant pour se former,
seul, même s'il n'a rien sur quoi se rabattre", précise Greta
Gerwig.
L'acteur anglais, primé pour son travail pour
le petit écran, tient le rôle. Pour Norton, John est "un homme
spirituel, sérieux et profondément romantique". Mais loin de l'aborder
comme un homme érudit, rigide et réservé, Norton insiste sur le fait que Brooke
est abasourdi par l'énergie des sœurs March. "John est décontenancé
lorsque des femmes débarquent dans sa vie, comme beaucoup d'hommes à
l'époque", reprend l'acteur. "C'est une réaction
attendrissante avec laquelle j'ai aimé jouer".
Norton a
apprécié de ne camper qu'un second rôle parmi toutes les comédiennes. "J'ai
été impressionné par les femmes qui ont mené à bien ce projet et c'était un
honneur d'être un des hommes sur le banc de touche", dit-il. "Je
me souviens d'un jour où la caméra filmait les quatre sœurs pendant que Louis,
Timmy et moi étions à l'écart, en train de faire ce qu'on avait à faire, et on
a adoré être là pour faire progresser les trajectoires des personnages
féminins".
LES SOEURS MARCH
ET LE MONDE : IMAGE ET DÉCORS
D'emblée, Greta
Gerwig savait qu'elle souhaitait plonger le spectateur dans l'univers vivant
des sœurs March, dans toute sa beauté chaotique. Il était essentiel à ses yeux
que leur foyer déborde d'énergie. De même, tandis que Jo et Amy tentent leur
chance à New York et Paris, elle souhaitait immerger le public dans une époque
propices aux philosophies d'avant-garde, aux mouvements d'art moderne, à la
photographie encore balbutiante, aux soubresauts bellicistes et aux
bouleversements dans la mode et la vision de la société.
Pour le style visuel,
la réalisatrice s'est inspirée de tableaux de l'époque, des impressionnistes
européens au maître américain Winslow Homer, mais pour mieux s'en détacher et
dépeindre une atmosphère quotidienne vibrante où les événements les plus
imprévisibles peuvent se produire.
Greta Gerwig a
ainsi réuni une équipe de collaborateurs chevronnés. "Greta s'est
entourée de formidables chefs de poste comme le directeur de la photo Yorick Le
Saux, qui a collaboré avec Luca Guadagnino, le chef-décorateur Jess Gonchor et
la chef-costumière Jacqueline Durran", souligne Amy Pascal.
"Elle voulait travailler avec des artistes capables de donner encore plus
d'ampleur à sa vision du film et de la bousculer – puis, à son tour, elle les a
tirés vers le haut et les a bousculés".
Sa collaboration
avec Le Saux s'est révélée un vrai plaisir pour la cinéaste : "Je
voulais que ce soit vivant, alerte et beau", note-t-elle. "Je
souhaitais qu'on retrouve dans l'image l'énergie de la jeunesse et que la
caméra soit très mobile. Je tenais à ce qu'on ait le sentiment que la mise en
scène réagissait, pour ainsi dire, aux sœurs March en temps réel – et j'étais
certaine que Yorick, dont je connais le travail, possédait cette énergie,
d'autant plus qu'il est au cadre. D'où une image très personnelle".
Ils ont convenu
de tourner en pellicule. "Je voulais qu'on retrouve cette proximité
avec le support photochimique de 1861", détaille la réalisatrice. "Yorick
a éclairé le film avec tendresse et l'a tourné avec un enthousiasme qui correspondait
parfaitement à mes intentions. Cela m'évoquait un tableau, mais qu'on n'aurait
pas considéré comme figé : il fallait que les personnages puissent le traverser
en toute liberté".
Gonchor, réputé
pour son sens du détail dans les films des frères Coen comme NO COUNTRY FOR OLD
MEN, TRUE GRIT (qui lui a valu une citation à l'Oscar), INSIDE LLEWYN DAVIS et
LA BALLADE DE BUSTER SCRUGGS, s'est laissé guider par la modernité des
personnages. "Le parti-pris de Greta était actuel et contemporain et il
me parlait", dit-il. "J'avais le sentiment qu'on aurait pu
transposer ces personnages dans le contexte de 2019 et qu'ils auraient été tout
aussi passionnants, mais il se trouve qu'ils vivent dans les années 1860".
La maison des
March était son principal décor. "Il fallait qu'on se dise qu'elle est
un peu délabrée de l'extérieur, mais que dès qu'on y pénètre, on a l'impression
d'ouvrir une boîte à bijoux en velours", raconte Gonchor. "L'intérieur
est chatoyant, chaleureux et dégage une ambiance agréable. On voulait que tous
ceux qui quittent la projection aient envie de s'y attarder".
Louisa May
Alcott ne précise pas la petite ville où habitent les sœurs March, mais il
semble, en toute logique, qu'elle se soit inspirée de Concord, dans le
Massachusetts, où elle vivait elle-même. Il s'agit d'une ville où le passé et
l'avenir se rejoignent puisqu'elle abrite à la fois plusieurs sites de la
guerre d'Indépendance américaine et que s'y déroule "Walden ou la vie dans
les bois", roman libertaire de Thoreau. Gonchor a ainsi exploité Concord
dans ses moindres recoins afin de donner au film un dynamisme qui dépasse
largement le cadre de la maison.
"Avec
Greta, on souhaitait que le film ait du souffle et qu'on ne s'y sente pas
confiné", précise-t-il. "On a soulevé pas mal de questions
: quelle est la topographie des lieux ? À quelle distance se trouvent les
voisins des March ? Où se situe la gare ? C'étaient des détails importants pour
nous. Très en amont, j'ai dessiné une carte qui est devenue notre référence principale".
Au bout du
compte, l'équipe de Gonchor a construit les extérieurs des propriétés des March
et de Laurence côte à côte sur le même terrain, à Concord. (On y trouvait même
un étang pour la scène, très attendue, où Jo et Laurie font du patin à glace et
où Amy, très jalouse, tombe à travers la couche de glace.) "Je crois
que c'est la première adaptation où l'on voit la topographie des deux maisons à
l'écran et la manière dont ces deux familles deviennent amies",
reprend Gonchor.
Il aura fallu
trois mois à l'équipe de Gonchor pour construire la propriété des March de
manière artisanale, en s'inspirant d'Orchard House – maison de Louisa May
Alcott, parfaitement préservée et reconvertie en musée. "On retrouve la
maison de l'écrivain dans les revêtements, la peinture et la simplicité de la
demeure des March", explique le chef-décorateur. "Je voulais
qu'elle évoque un champignon qui pousse dans le sol, presque caché, pour ne pas
attirer l'attention. Étant donné qu'on ne pouvait pas acheminer de machines
encombrantes pour niveler le sol et ériger les murs, il fallait s'y prendre à
l'ancienne, comme on aurait procédé autrefois. Par chance, pendant trois
semaines avant le début du tournage, la maison a été battue par la pluie et les
vents, ce qui a ajouté au réalisme ambiant. Le jardin était même envahi par les
mauvaises herbes, donnant une dimension très vivante aux lieux".
Jan Turnquist,
directeur de l'Orchard House, se souvient : "Jess a passé pas mal de
temps à s'imprégner de la maison et à en découvrir les moindres recoins. J'ai
été très impressionné par le souci d'authenticité du film. Je crois que
lorsqu'on part de la réalité et qu'on se l'approprie par la suite, le résultat
peut se révéler spectaculaire".
Les intérieurs
de la propriété – le rez-de-chaussée chaleureux et convivial, les chambres des
filles et le grenier qui stimule l'imagination des sœurs – ont été créés dans
un entrepôt de Franklin, dans le Massachusetts. De leur côté, les vastes
espaces de la propriété plus cossue, mais aussi redoutablement calme, de
Laurence sont ceux d'une grande demeure de Lancaster, également dans le Massachusetts.
"On a découvert un immense domaine d'une cinquantaine de pièces où ne
vivaient que deux gardiens, et c'est exactement ce qu'on cherchait",
se remémore Gonchor. "C'est comme ça que j'imaginais M. Laurence et
Laurie, dans cet espace désert et s'étendant à perte de vue".
S'il était
impossible de filmer dans l'Orchard House en raison de sa taille modeste, Greta
Gerwig a malgré tout tourné sur place, transformant l'école de philosophie et
de littérature conçue par Bronson Alcott (l'un des premiers dispositifs
d'éducation pour adultes du pays) en salle de classe pour Amy.
Pour
reconstituer le centre-ville de Concord, Gonchor s'est servi de quartiers
d'Harvard, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de là. "Il y avait
déjà une église et un magasin d'alimentation générale datant de la fin du
XVIIIème siècle et on a construit quatre bâtiments supplémentaires",
explique-t-il. "Et puis, on a acheminé soixante tonnes de neige pour la
période de Noël".
Lawrence, dans
le Massachusetts, ancienne ville textile où vivait le poète Robert Frost, campe
le New York des années 1868. "C'était un sacré projet",
affirme Gonchor. "À New York, à l'époque, il n'y avait pas de bâtiment
de plus de onze étages, si bien qu'on a pu construire nos propres maisons dans
cette petite ville industrielle pendant six semaines. C'était exaltant de la
voir se transformer en New York des années 1860".
Les scènes de la
pension new-yorkaise où Jo travaille comme gouvernante ont été filmées à
l'intérieur et à l'extérieur du Gibson House Museum de Boston, maison mitoyenne
des années 1860 parfaitement préservée. Toujours à Boston, la production a
tourné à l'Emerson Colonial Theater, utilisé pour le théâtre où Jo observe
Friedrich assister à une représentation de "La nuit des rois", le
Park Plaza Castle de style roman, exploité pour le German Beer Hall où Jo suit
Friedrich, et le Seinert Building de style Beaux-Arts à proximité du Boston
Common qui campe la maison d'édition de M. Dashwood.
Pour le Paris du
XIXème siècle, la production a tourné au Crane Estate à Ipswich, situé sur le
littoral du Massachusetts. "On ne pouvait pas se rendre en
Europe", indique Gonchor, "et on a donc trouvé ce château
opulent dans le Massachusetts où les jardins sont luxuriants et en bordure de
mer. L'atmosphère, les couleurs, l'architecture et l'espace y sont totalement
différents de la région de Concord".
Pour le trajet
en calèche de Tante March et d'Amy à travers Paris, la production a réussi – un
exploit ! – à obtenir l'autorisation de tourner dans les jardins de l'Arnold
Arboretum, où aucune caméra n'avait jamais pénétré. Conçu par Frederick Law
Olmsted, et appartenant aujourd'hui à Harvard University, l'Arboretum est
considéré comme l'un des plus beaux sites naturels de Boston.
"C'était un
vrai défi de reconstituer le Paris des années 1860 à Boston", reconnaît le
régisseur d'extérieurs Douglas Dresser. "Dès qu'on a repéré l'Arnold
Arboretum, on a compris que c'était l'endroit qu'il nous fallait".
Mais ce n'était
pas gagné d'avance. Au départ, la direction du site était réticente. Elle a
d'ailleurs toujours refusé les demandes de tournage. Pour autant, l'importance
du livre de Louisa May Alcott a fait bouger les lignes.
"Je me suis
tout d'abord dit que ça risquait de perturber notre quiétude", souligne William
Friedman, directeur de l'Arnold Arboretum. "Mais j'ai repensé aux
'Quatre filles du docteur March' et au fait qu'il appartient à l'histoire de la
Nouvelle-Angleterre. J'ai eu le sentiment que le moment était venu de rendre
hommage à un livre aussi emblématique de notre région et qui a touché tant de
lecteurs. On a également considéré que cela pouvait sensibiliser les
spectateurs à l'importance des espaces verts. Car notre institution est née en
s'inspirant des vastes espaces publics européens".
Greta Gerwig
tient à saluer le sens du détail de Gonchor qui est allé jusqu'à laisser des
traces noires sur les murs des pièces éclairées à la bougie. "Jess a
compris que je voulais imaginer un monde où l'on pourrait vivre car il est
ancré dans la réalité", dit-elle. "Il a saisi que déposer de
la poussière et de la crasse dans la maison permettrait au film de vibrer. Et
il a aussi compris que la maison devait se transformer. Il y a cette chaleur
propre à l'enfance qui, à l'âge adulte, cède le pas à un décor un peu plus
froid, un peu plus sombre".
LA CRÉATION DES
COSTUMES
Rares
sont les histoires dans lesquelles les costumes constituent un tel lien entre
les personnages, leur personnalité et leur époque. Pour LES FILLES DU DOCTEUR
MARCH, Greta Gerwig a donc fait appel à la costumière Jacqueline Durran, qui a
travaillé sur des films d’époque sublimes comme ORGUEIL ET PRÉJUGÉ et ANNA
KARÉNINE, qui lui a valu un Oscar, mais aussi sur les films plus intimes et
actuels de Mike Leigh. C’est ce mélange que Greta Gerwig recherchait pour LES
FILLES DU DOCTEUR MARCH.
“Jacqueline a parfaitement compris que je
recherchais quelque chose de très travaillé et d'authentique, qui ressemble à
des vêtements de tous les jours et pas à des costumes. C’est ça qui donne cette
impression de modernité”, affirme Greta Gerwig. “Je voulais que tous les éléments de costume aient fait l’objet de
recherches et puissent être justifiés, mais je voulais aussi qu’ils donnent
l’impression d'appartenir à l’univers des March”.
Jacqueline
Durran avait lu le livre quand elle était petite et l’avait adoré, mais elle
n’avait jamais vu aucune adaptation. Elle a décidé de ne pas le faire : “J’ai pris pour point de départ la vision de
Greta et son scénario”, explique-t-elle. “Elle avait déjà fait de nombreuses recherches pour cerner le monde des
Alcott, ce foyer d’artistes, de libres penseurs et de progressistes. Cela
constituait déjà une solide base de départ”.
Jacqueline
Durran a approfondi les recherches avec Greta Gerwig pour mener à bien un de
ses projets les plus denses en matière de costumes. Elles ont compulsé ensemble
de vastes collections de photographies victoriennes, notamment les travaux de
Julia Margaret Cameron, une photographe du XIXème siècle qui s’est inspirée de
sa passion pour la littérature pour réaliser des photos d’enfants et de
familles et les montrer sous un jour nouveau. “Dans les années 1860, c’était le tout début de la photographie, et les
artistes-photographes proposaient des choses très intéressantes”, souligne
Jacqueline Durran.
La costumière
s’est également plongée dans la peinture de l’époque : “Une des influences majeures du film est bien
sûr l’impressionnisme, à la fois du côté européen et du côté américain un peu
plus tard. Mais pour moi, c’est Winslow Homer qui a été une vraie révélation”,
déclare Jacqueline Durran à propos de ce peintre américain connu pour ses
paysages maritimes et champêtres qui illustrent la relation primitive entre
l’homme et la nature. “J’ai senti que son
œuvre était vraiment cohérente avec ce qu’on essayait de construire.
D’ailleurs, le chapeau un peu informe que Jo porte pendant la scène à la plage
est un hommage au tableau de Winslow Homer 'High Tide'".
Jacqueline
Durran a commencé par définir deux univers distincts : d’un côté, il y a la maison
des March, à l’atmosphère bohème, libre et créative que Marmee encourage, et de
l’autre, il y a le reste du monde avec ses myriades de possibilités, mais aussi
ses règles plus strictes et ses enjeux plus élevés. Elle a aussi fait circuler
des éléments de costume d’une sœur à l’autre et d’une époque à l’autre, pour
montrer leur attitude économe.
Elle a défini
une palette de couleurs très identifiable pour chaque sœur : Jo est
entourée de teintes rouge vif, Meg de nuances romantiques vertes et lilas, Beth
est dans un rose doux et Amy dans un joli bleu ciel. Meg et Amy portent souvent
la crinoline typique des femmes de cette époque, tandis que Jo évite les
corsets et que Beth, dont la santé est fragile, privilégie les robes plus
confortables qu'elle portait enfant.
Jacqueline
Durran voulait avant tout que chaque sœur puisse se sentir elle-même : “C’était important pour moi que chacun de
leurs styles soit l’expression de quelque chose. Elles ont toutes une vision du
monde différente, mais leurs points de vue ont autant de valeur les uns que les
autres”, rappelle-t-elle.
Elle
poursuit : “Jo est un garçon manqué.
Elle veut avoir la même liberté qu’un garçon et elle s’identifie tellement à
Laurie qu’ils n’arrêtent pas de s’échanger des vêtements. Elle porte toujours
des couleurs prononcées, quand ce n’est pas du rouge, c’est un bleu indigo
profond ou quelque chose qui se voit”.
“Meg, qui est romantique et adore le théâtre,
porte des vêtements d’inspiration médiévale, comme dans un conte de fée. Le
style néogothique était très à la mode à cette époque. Beth est quant à elle la
plus enfantine des sœurs et elle reste le plus souvent à la maison. Elle n’a
pas eu la chance de grandir et de découvrir le monde à l’extérieur, si bien
qu'elle reste dans des tons rosés et doux”.
“Amy est celle qui suit le plus la mode, et
avant même qu’elle ne se rende en Europe, elle a toujours l’air jeune,
déterminée et chic”.
Marmee a
représenté le plus gros défi de Jacqueline Durran : “Elle a tellement de facettes différentes ! Elle est à la fois
maternelle et radicale. J’espère que ce qui ressort le plus dans sa façon de
s’habiller c’est le côté pratique : elle doit pouvoir se mettre tout de
suite en mouvement quand on a besoin d’elle à la maison ou à l’extérieur. On
voulait aussi indiquer avec subtilité l’influence de Marmee sur ses filles, si
bien que son style se retrouve dans leurs tenues”.
C’est
Tante March, incarnée par Meryl Streep, qui porte les tenues les plus
historiques : “Elle a un costume
strictement victorien, sans les écarts que se permettent les sœurs”,
explique Jacqueline Durran. “Elle incarne
le monde réel qui entoure les sœurs March et cela s’accorde à merveille avec
l’interprétation de Meryl”.
Jacqueline Durran a eu la chance de travailler avec deux
légendes du costume britannique pour confectionner les multiples tenues du
film. Christine Edzard (LA PETITE DORRIT) lui a donné accès au fonds de
costumes de Sand Films, une véritable machine à remonter le temps. Jon Bright,
qui a été récompensé aux Oscars pour CHAMBRE AVEC VUE, a également de
nombreuses pièces très originales dans son atelier.
"Je me suis
beaucoup inspirée de Christine qui a créé les costumes de LA PETITE DORRIT sans
le moindre recours à une machine – et c'est là son parti-pris", indique
Jacqueline Durran. "Elle connaît sur le bout des doigts les tissus et
la mode du XIXème siècle et elle a collaboré aux costumes de Jo, Beth et
Laurie. La démarche de John est radicalement différente, mais c'est un expert
tout aussi passionné : c'est lui qui a conçu les costumes de Tante March. Le
fait qu'ils me donnent tous les deux leurs conseils m'a permis de me souvenir
qu'il n'y a pas qu'une seule façon de s'y prendre en matière de costume
d'époque".
Alors que le
tournage s'approchait, Jacqueline Durran a commencé à collaborer avec les
comédiennes principales. "Chacun des costumes est né d'un mélange de
références, d'inventions et de l'interprétation personnelle qu'en propose
chaque acteur", dit-elle. "C'est comme ça que l'on crée les
costumes".
Les actrices, de
leur côté, étaient ravies que la chef-costumière contribue ainsi à enrichir
leur jeu. "Jacqueline sait qu'un comédien découvre son personnage à
travers ses tenues vestimentaires", observe Emma Watson. "C'est
parfaitement vrai : toutes ces épaisseurs qu'on enfile le matin vous permettent
de vous plonger dans la mentalité du personnage, des chaussettes aux bijoux. Jacqueline
se met totalement au service des acteurs".
Quand le
tournage s'est achevé, le travail de la réalisatrice ne faisait que commencer.
En effet, la structure narrative est née au montage où Greta Gerwig a collaboré
avec Nick Houy, qui avait déjà monté LADY BIRD. Dans le même temps, elle
s'entretenait avec Alexandre Desplat, deux fois oscarisé, pour la musique.
"Je voulais
que la musique soit classique, tout en étant originale dans son classicisme
même", indique la cinéaste. "Avec Alexandre, on voulait
que les mélodies soient audacieuses, sans craindre le lyrisme. Quand les
héroïnes deviennent adultes, la musique est plus épurée. On pourrait croire qu'on
entend une boîte à musique au début du film, et qu'il n'en reste que quelques
notes dans la deuxième partie. Alexandre sait à merveille utiliser la musique
pour créer un univers".
"Créer un
univers" : c'est sans doute ce qu'a fait Greta Gerwig avec LES
FILLES DU DOCTEUR MARCH. Un univers qui évoque ce qu'a vécu Louis May Alcott à
son époque, mais qui aborde des thèmes d'une grande actualité pour le public
d'aujourd'hui. "C'était un projet que je portais au plus profond de
moi", conclut la cinéaste. "Je voulais raconter l'histoire de
femmes artistes, de femmes qui gagnent de l'argent, de femmes qui font des
choix et de leur manière de dompter l'audace de leur adolescence une fois
devenues adultes. Parfois, on a le sentiment que lorsqu'on suit son intuition
concernant un projet, le reste du monde va dans votre sens. Cette histoire
continue de nous toucher parce qu'il s'agit d'une œuvre profondément humaniste.
Elle parle de liens familiaux et de rapports humains, et elle n'est pas
davantage destinée aux femmes qu'aux hommes, et c'est ce qui explique qu'elle a
traversé les époques et les cultures".
Amy Pascal
ajoute : "Si cette histoire est aussi actuelle, c'est parce qu'elle
parle du désir des femmes d'être fortes à leur manière, mais aussi d'être
aimées et respectées. Ce livre nous dit aussi qu'il faut se battre pour
construire un monde où les femmes ont le droit de vivre de leur art et
d'assumer leur pouvoir – et où chacun doit être en paix avec son
identité".
Le roman résonne
encore parfaitement en 2019, notamment grâce à ces quelques phrases pleines
d'optimisme de Louisa May Alcott : "J'aimerais faire quelque chose de
magnifique… quelque chose d'héroïque ou de merveilleux qui me survivra. Je ne
sais pas encore de quoi il s'agit, mais je guette le moment où ce quelque chose
surgira. Et j'ai bien l'intention de vous surprendre un jour".
Source et copyright des textes des notes de production
@ Sony Pictures Releasing France
#LesFillesduDocteurMarch
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