Historique/Biopic/Guerre/Un film prenant sur ses aspects historiques et touchant dans son éclairage intimiste
Réalisé par Gabriel Le Bomin
Avec Lambert Wilson, Isabelle Carré, Olivier Gourmet, Catherine Mouchet, Pierre Hancisse, Sophie Quinton, Gilles Cohen, Laurent Stocker...
Long-métrage Française
Durée : 01h48mn
Année de production : 2019
Distributeur : SND
Date de sortie sur nos écrans : 4 mars 2020 - Ressortie le 22 juin 2020
Résumé : Mai 1940. La guerre s’intensifie, l’armée française s’effondre, les Allemands seront bientôt à Paris. La panique gagne le gouvernement qui envisage d’accepter la défaite. Un homme, Charles de Gaulle, fraîchement promu général, veut infléchir le cours de l’Histoire. Sa femme, Yvonne de Gaulle, est son premier soutien, mais très vite les évènements les séparent. Yvonne et ses enfants se lancent sur les routes de l’exode. Charles rejoint Londres. Il veut faire entendre une autre voix : celle de la Résistance.
Bande-annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : plus qu'un film sur DE GAULLE, le réalisateur Gabriel Le Bomin nous propose une tranche de vie historique qui s'appuie sur le duo formé par Charles et son épouse Yvonne. Il met en exergue les enjeux de la situation, les jeux politiques qui se sont mis en place au printemps 1940 et par extension, leurs impacts sur une destinée humaine liée au devenir de son pays. Il nous présente le Général en tant que mari et père de famille avant même de le présenter comme militaire et homme d'État posant ainsi l'importance de sa famille dans l'esprit de cet homme qui a pris des risques immenses, poussés par la force de la dernière chance, pour soutenir ce que lui dictait son instinct et sa logique stratégique avec la volonté d'offrir un avenir aux siens et aux Français.
Le réalisateur réussit à mettre en scène un drame intime sur fond de Guerre Mondiale. Il gère les aspects spectaculaires, les scènes de discussions politiques et les partages familiaux en les liant les uns aux autres comme un tout qui trouve sa justification dans chacune de ses parties. Sa mise en scène accompagne les dialogues, les rythmant en nous faisant sans cesse bouger le regard d'un côté à l'autre de l'écran, tout en restant centré sur les protagonistes et leur parole. Il utilise les plans larges pour l'horreur de la guerre, pour poser des instants décisifs ou encore pour montrer les moments de bonheur.
Il conserve un ton narratif cohérent que ce soit pour poser des arguments, montrer l'atrocité ou au contraire la sensibilité d'un geste guidé par l'amour. La période historique est très crédible grâce aux décors et aux vêtements qui aident à nous replonger dans l'époque. Le réalisateur montre avec sensibilité, mais évite la dramaturgie envahissante. Il explique et pose les jalons de ce qu'il s'est passé. Son long-métrage devient de ce fait une fenêtre vers le passé, bénéfique pour l'exercice de la mémoire.
Les acteurs et actrices personnifient leurs protagonistes tout en évitant l'imitation à outrance. Ils réussissent à nous convaincre qu'on assiste au déroulement des événements. Ils rendent réalistes les tensions, les peurs, les doutes, les basculements... Lambert Wilson interprète avec finesse Charles de Gaulle. Aidé par un maquillage habile qui fait se rapprocher ses traits de ceux du Général sans pour autant le transformer, il fait revivre le personnage dans sa dimension humaine.
Isabelle Carré interprète Yvonne de Gaulle, la femme qui est une pierre angulaire à la fois protectrice de sa famille et le phare de Charles dans la tourmente.
Les hommes politiques sont interprétés par des comédiens qui savent mettre en avant les traits de personnalité marquants de leur protagoniste que ce soit Olivier Gourmet dans le rôle de Paul Reynaud, Philippe Laudenbach dans celui du Maréchal Pétain ou encore Tim Hudson dans le rôle de Winston Churchill.
Copyright photos @ SND
DE GAULLE nous fait revivre une période angoissante de notre Histoire et illustre, à travers le portrait d'une famille, la fragilité du moment et l'impact d'une volonté sur un futur. C'est un film prenant dans ses aspects historique et touchant dans son éclairage intimiste.
NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Entretien avec : GABRIEL LE BOMIN
D’où est venue l’idée de vous
intéresser à Charles de Gaulle à ce moment précis de sa vie
personnelle et de notre Histoire ?
Dans le cadre de mon travail de
cinéaste, que ce soit dans le documentaire ou la fiction, j’ai
souvent rencontré ou croisé Charles de Gaulle… J’avais
notamment réalisé une série documentaire sur la France Libre et je
m’étais dit que c’était une période que je connaissais
finalement assez mal. J’avais évidement des connaissances sur la
Résistance intérieure mais rien de très complet sur cette
Résistance extérieure… De Gaulle était également présent dans
mes documentaires sur la collaboration, sur la guerre d’Algérie,
sur la Ve République dernièrement et quand nous avons commencé à
réfléchir à un sujet de film sur ce personnage historique avec
Valérie Ranson-Enguiale ma coscénariste, nous sommes vite tombés
d’accord sur le fait que nous ne pouvions pas raconter toute sa vie
car il y a plusieurs de Gaulle en un. Alors, par où l’aborder ? Ce
qui nous a intéressé c’est le de Gaulle « illégitime » :
l’homme de juin 1940, celui qui dit « non ». C’est sans doute
le moment de sa vie où il est le plus fragile, le plus intéressant
donc le plus humain… Car sous tendu à ce projet, il y avait
l’ambition d’accéder à l’intime.
Qui est-il justement à cette période
?
C’est un homme de 50 ans dont la
carrière militaire plafonne au grade de colonel. Ses théories ou
ses écrits sur une guerre offensive face à l’Allemagne sont
considérés avec condescendance voire mépris par l’ensemble de
ses pairs, en dehors de Paul Reynaud qui devient Président du
Conseil au printemps 1940, qui lui y est très attentif. C’est donc
un homme qui ne parvient pas à faire aboutir ses idées et qui porte
en plus la souffrance de la guerre de 14-18 durant laquelle il a été
blessé et prisonnier plus de deux ans, donc peu glorieux à ses
yeux… En 1940, il voit que la France est en train de s’effondrer
et il ne peut rien y faire et surtout qu’une partie de la classe
politique est disponible pour accepter la défaite. C’est à ce
moment qu’il va tenter ce que lui-même décrit dans ses mémoires
comme « le saut dans l’inconnu » : il choisit la clandestinité
en quittant sa vie d’avant, laissant tout derrière lui et
entrainant sa famille dans l’aventure, prenant tous les risques et
assumant son bannissement (déchu de la nationalité, dégradé,
condamné à mort par le gouvernement français). C’est ce moment
de choix, d’engagement et donc d’extrême solitude que nous avons
trouvé très romanesque. Ce qu’il y a de fascinant dans ces
quelques semaines c’est qu’elles vont déterminer toute sa vision
politique future, notamment quand il conçoit la Constitution de la
Vème République en donnant au président de la République un
pouvoir direct sur les armées.
C’est d’ailleurs ce qui renforce
encore l’intérêt de « De Gaulle »: vous montrez Charles de
Gaulle auprès des siens, obsédé par ce qui peut leur arriver en
juin 40…
Oui, le film est l’histoire d’un
couple. Yvonne et Charles de Gaulle avaient une relation forte, très
construite et on le voit bien dans les lettres qu’ils s’échangent
à cette époque ou dans ses « Mémoires de guerre », qu’il lui
dédie « pour vous Yvonne, sans qui rien ne se serait fait ».
Yvonne est très présente dans les choix qu’il fait, notamment
dans ces moments où il est fragile. C’est elle qui lui donne alors
la force de continuer… En caricaturant, on pourrait voir Yvonne de
Gaulle comme la coach d’un boxeur qui lui dirait : « n’oublie
pas qui tu es » !
Ce qui est passionnant à constater
dans votre film c’est que jamais, même aux moments les plus
risqués et dangereux de sa fuite vers Londres, au moment donc où il
écrit l’Histoire, Charles de Gaulle ne cessera de s’inquiéter
de son histoire personnelle, donc du sort de sa femme et de ses
enfants…
Valérie Ranson-Enguiale a beaucoup
contribué à développer cet aspect du récit. Il y a quelques
biographies sur Yvonne de Gaulle mais mille fois moins que sur son
mari… C’est une femme discrète, qui ne cherche pas la lumière
bien au contraire… Le niveau d’exigence de Charles était tel
vis-à-vis des gens qui l’entouraient qu’on ne peut pas imaginer
que son épouse n’ait pas été une femme de caractère. Elle l’a
littéralement choisi comme mari, alors qu’à l’époque elle
était un parti convoité. « Ce sera lui et personne d’autre »,
confie-t-elle après leur rencontre. Yvonne de son côté a fait
beaucoup de choses, notamment après-guerre avec la Fondation Anne de
Gaulle pour les jeunes filles handicapées mentales, en arrachant des
moyens financiers, obtenant les soutiens nécessaires : c’est une
femme de combat. Avec Valérie, nous voulions axer notre récit sur
le couple et sur la famille. Le récit prend fin lorsque le hasard
les réunis à Londres. Entrer dans l’intimité de Charles de
Gaulle était aussi une manière de voir différemment ce personnage
que l’on regarde habituellement de bas vers le haut : nous voulions
le montrer à hauteur d’homme…
Le film s’ouvre d’ailleurs sur une
scène très intime…
Absolument, on y voit Yvonne et Charles
au lit, au réveil, comme tous les couples. Dans ses « Mémoires de
guerre », il écrit pour parler de sa relation avec Yvonne : « nous
étions bien appuyés l’un contre l’autre ». C’est très beau.
Ça veut dire que chacun tient et soutient l’autre… Je ne l’avais
pas à ce point mesuré au début et cette approche correspond sans
doute à notre époque où la place des femmes est beaucoup plus
forte, plus lisible. « De Gaulle » est un film que je n’aurais
peut-être pas pu réaliser il y a 10 ans. On m’aurait dit
qu’Yvonne de Gaulle n’était pas un personnage assez intéressant…
Or il me semblait important de montrer qu’à côté d’un grand
homme comme Charles de Gaulle il y avait aussi une femme qui était
tout sauf transparente !
La petite fille trisomique du couple de
Gaulle, Anne, est-elle aussi très présente dans le film…
Il a là également écrit des lignes
magnifiques sur cet enfant : « Anne était aussi une grâce, elle
m’a aidé à dépasser tous les échecs et tous les hommes, à voir
plus haut »
Avec cette enfant handicapée, il a été
un père exemplaire en assumant un état dont alors on ne parlait
pas, qui n’était pas identifié. On montre d’ailleurs dans le
film comment l’annonce leur en est faite et comment Charles et
Yvonne décident de garder leur fille avec eux. Dans l’autre
flash-back, nous avons imaginé que c’était Yvonne qui avait pris
la célèbre photo de son mari avec sa fille dans les bras sur une
plage… C’était difficile, on pouvait basculer dans le pathos
mais au final je trouve que ça éclaire très bien la dimension
personnelle, intime du personnage avec ses proches.
Au-delà des écrits et des mémoires
dont vous parliez, avez-vous voulu associer la famille de Gaulle au
projet, par le biais des petits-enfants par exemple ?
Nous sommes partis des « Mémoires de
guerre », des témoignages de Philippe de Gaulle et de ce que
Charles et Yvonne s’étaient écrit, avec des lettres parfois très
émouvantes basées sur des considérations très quotidiennes et
personnelles. Puis nous nous sommes en effet posé la question
d’approcher la famille de Gaulle… Mais nous voulions conserver
notre libre-arbitre d’auteurs avec un point de vue critique si
nécessaire. Le film ne devait pas être une hagiographie ou se
placer sur une tutelle quelconque, qu’elle soit familiale ou
institutionnelle… Nous ne sommes donc pas allés voir la Fondation
Charles de Gaulle ou la famille de Gaulle. Mais nous les avons
informés dès le début en prenant contact avec les petits-enfants,
Yves de Gaulle et Anne de La Roullière.
Faire un film historique c’est
emprunter un chemin de crête, un passage délicat, entre le
vraisemblable, le réel, le juste. Il faut trouver et assumer
l’espace de la fiction à l’intérieur de la rigueur historique.
Charles de Gaulle est bizarrement un
personnage très peu abordé au cinéma…
Aucun film de cinéma ne lui a jamais
été directement consacré en effet. Il y a eu quelques téléfilms
mais sur la période de la traversée du désert, beaucoup de
documentaires mais pas de film de fiction au cinéma même si le
personnage apparaît parfois en silhouette ou en ombre, comme une
sorte d’icône que l’on n’oserait pas aborder de face… C’est
très étrange ! Les anglo-saxons eux ont sorti rien que l’année
dernière deux films sur Churchill qui, lui, apparait dans 18 films
et séries au total depuis les années 60. Je ne vous parle pas des
américains qui ont maintes fois traité le sujet de leurs présidents
et hauts dirigeants, de Lincoln à Obama en passant par JFK, Nixon,
Bush et les autres… Ils ont la capacité à s’emparer de cette
matière-là. Pas nous ! Alors devions nous y aller ? Etait-ce de
l’inconscience ? En avions-nous la légitimité ? Nous avons
finalement décidé de ne pas trop nous poser ces questions et de
suivre notre envie, à partir du moment où cette histoire nous
touchait et nous intéressait, en espérant qu’elle toucherait et
intéresserait donc aussi les spectateurs. C’est quand même un
moment assez incroyable de notre Histoire que nous montrons…
Avec un aspect thriller haletant car au
moment où il décide de partir à Londres, de Gaulle devient un traître, un fugitif aux yeux des autorités françaises et il risque
sa vie à tous moment…
C’est de cette manière que nous
avons souhaité écrire ce récit avec Valérie Ranson-Enguiale :
comme un film politique contemporain en racontant l’histoire de nos
personnages au jour le jour. Or cette histoire est extrêmement
dynamique à ce moment de leur vie et nous avons d’ailleurs dû
faire des choix, alléger. De Gaulle a fait beaucoup plus
d’allers-retours Paris-Londres que nous le montrons ! Il n’arrêtait
pas de bouger en voiture, en avion, en bateau mais Yvonne elle aussi
se déplaçait sans cesse. Durant ces quelques semaines, elle quitte
la maison familiale de la Boisserie à Colombey-les-Deux-Eglises en
Haute Marne pour se réfugier chez sa sœur dans le Loiret avant de
partir vers la Bretagne à Carantec puis à Brest où elle tente de
monter à bord d’un bateau pour l’Angleterre… Mais durant ces
itinéraires complexes, aucun des deux ne sait où est l’autre :
quand Charles part à Londres le 17 juin, Yvonne l’ignore… Nous
le montrons dans le film, c’est en lisant un journal anglais
qu’elle apprendra que son mari a lancé son fameux appel sur les
ondes de la BBC ! C’est un vrai cadeau de l’Histoire pour des
scénaristes…
Vous montrez aussi de manière assez
frappante combien une partie des responsables politiques de cette
France du printemps 1940 est prête à basculer vers l’Allemagne, à
accepter l’Occupation et donc ce qui deviendra la collaboration
avec sur le fond un antisémitisme au plus haut niveau de l’Etat…
C’est très courant dans l’Europe
des années 30 : en France, en Allemagne bien sûr mais aussi en
Italie par exemple… L’antisémitisme de Pétain est affirmé dès
sa deuxième scène, tout comme son antimaçonnisme. Le premier
décret qui sera promulgué par le régime de Vichy en juillet 1940
exige la publication des listes des loges de Francs-Maçons pour les
afficher au fronton des mairies… C’est une obsession, comme
l’antisémitisme que nous abordons dans un dialogue assez vif entre
Pétain et le général Weygand puis à travers la figure politique
de Georges Mandel, alors ministre de l’Intérieur. Quand de Gaulle
l’interroge en lui disant qu’au vu de l’état de la France il
peut être l’homme de la situation vis-à-vis des anglais, Mandel
lui répond : « je suis un homme politique de l’ancienne
génération, je porte ma part de responsabilité et comme vous le
savez je suis juif : ça compliquera tout »… Il fera partie des
gens que Pétain va faire arrêter immédiatement et déporter avant
qu’il ne soit assassiné par la Milice en 44…
Avant de parler de Lambert Wilson,
évoquons d’ailleurs les comédiens à qui vous avez confié les
rôles des autres figures politique de l’époque. Y a-t-il une
responsabilité pour un metteur en scène quand il doit faire figurer
dans son film des personnages historiques comme Pétain, Mandel,
Reynaud, Churchill et les autres ?
Je dirais qu’il y a plutôt une
inconscience de départ ! Quand on écrit, on n’est pas encore dans
le travail de représentation mais dans une phase intellectuelle
forcément plus abstraite. C’est d’ailleurs assez jouissif car on
peut imaginer tout ce que l’on veut, mais quand arrive le moment de
l’incarnation, on se dit « mais qu’est-ce que j’ai fait » !
C’est là où le sens de la responsabilité s’impose… Ce que
nous faisons dire dans le film à ces personnages qui ont existé est
maîtrisé, d’autant que nous avions un conseiller historique,
Olivier Wieviorka, qui a étayé, nourri et validé ce que nous
avions écrit. C’est un vrai spécialiste de ce qu’a été la
Résistance et il a été d’une aide précieuse… Ensuite, tout
est une affaire de mise en scène : il faut que ces personnages
historiques ressemblent à leurs modèles. L’époque où Michel
Bouquet pouvait mettre une écharpe rouge, un chapeau, avoir un
labrador en laisse et dire « je suis François Mitterrand », (ce
qu’il a magnifiquement fait dans « Le promeneur du Champ de Mars »
en une sorte de quintessence de l’acteur, sans aucun autre
artifice), est révolue. Aujourd’hui, le cinéma doit représenter
les choses d’une manière extrêmement fidèle à la réalité. «
La Môme » en cela a été un marqueur fort, tout comme « Les
heures sombres » dernièrement où Gary Oldman disparait
littéralement pour devenir Winston Churchill… Nous en avons
beaucoup parlé avec Lambert Wilson avec cette volonté de ne rien
surcharger. Il fallait lui donner tous les atouts pour incarner de
Gaulle, (le costume, le maquillage, les prothèses, etc), mais je
voulais que le comédien reste présent. Je ne voulais pas avoir
l’impression de filmer le musée Grévin ! Pour les autres
personnages, j’ai en revanche cherché des acteurs qui ressemblent
naturellement à leurs modèles : un Pétain, un Churchill ou un
Mandel dont la proximité physique s’impose d’emblée. J’ai eu
beaucoup de chance, notamment avec Churchill car le terrain avait été
largement occupé ces derniers temps ! Tim Hudson est un magnifique
acteur de théâtre anglais avec lequel nous n’avons eu aucun
besoin de maquillage : dès les essais il était Churchill. Ensuite,
il a évidemment travaillé sur l’accent, la posture et s’est
aidé des accessoires…
Parlons plus largement de Lambert
Wilson et de sa performance, au sens propre. C’était le choix
évident dès le départ pour le rôle de Charles de Gaulle ?
Oui absolument. Quand vous commencez à
réfléchir aux acteurs qui peuvent incarner le personnage à cette
époque-là, (un homme de 50 ans, grand, avec de l’allure, de
l’autorité et de la présence), les choses vont assez vite !
Ajoutez-y la notoriété du comédien qui doit rassurer les
investisseurs et la liste se raccourcit encore… Lambert a fait la
différence d’autant qu’il a le goût de jouer des personnages
romanesques et des figures de l’Histoire comme l’Abbé Pierre ou
le Commandant Cousteau. C’est un acteur qui ne recherche pas
forcément le naturalisme, il aime construire un rôle… Etant
nourrit de cette tradition anglo-saxonne, il n’a pas peur de jouer
avec son corps, avec les artifices. Lambert a beaucoup aimé chercher
« l’incarnation » et collaborer avec les prothésistes et les
maquilleurs durant les longues heures quotidiennes de sa
transformation.
Et pour l’aspect vocal du rôle ? La
voix de Charles de Gaulle est reconnaissable immédiatement…
J’ai dit à Lambert que nous n’irions
pas sur le terrain de l’imitation très maîtrisée. Avec un coach,
il en aurait été capable mais cela à mon sens aurait empêché
toute émotion… Il a bien entendu beaucoup écouté de Gaulle mais
en cherchant son prononcé plutôt que son phrasé, notamment dans la
scène du fameux discours du 18 juin 40.
Pour jouer le rôle d’Yvonne de
Gaulle, vous avez fait appel à Isabelle Carré…
Yvonne est un personnage dont les
traces nous le disions sont plus diffuses. Se sont souvent des images
qui datent des années 60… Or à l’époque du film, c’est une
femme qui a 40 ans, assez belle, assez féminine. Elle est caustique,
piquante : on imagine bien les joutes avec Charles ! La caricature de
Tante Yvonne assise docilement et silencieusement au coin du feu à
l’Elysée est une fixation médiatique qui ne correspond pas à la
réalité. A la mort de Charles, Yvonne a fait en sorte que peu de
chose reste du personnage privé : seule l’œuvre de l’homme
d’Etat devait lui survivre… Yvonne s’est ensuite retirée dans
une institution religieuse du 7e arrondissement de Paris où elle a
vécu dans une minuscule cellule jusqu’à sa mort en 1979. Pour ce
personnage, nous étions plus libres... La sensibilité et le talent
d’Isabelle Carré nous ont déterminé à lui proposer le rôle.
Elle apportait aussi une dimension propre au personnage d’Yvonne :
une certaine discrétion et une forme de courage. Isabelle est très
populaire, elle tourne beaucoup, joue au théâtre, elle écrit...
mais elle n’est pas surexposée. Elle ne cherche pas la lumière à
tout prix... Alors on m’a répondu « oui mais elle est blonde » :
et alors ? Le travail de construction effectué avec Lambert pouvait
très bien s’appliquer à Isabelle. Une fois ce détail réglé,
elle a immédiatement placé le niveau de sensibilité de son
personnage au bon endroit, avec une belle et vraie pudeur et une
énergie déterminante. C’est une actrice magnifique qui sait se
mettre sincèrement au service d’un film en étant au cœur de
toute une équipe… Au-delà de l’épouse de Charles, elle incarne
aussi fortement cette mère qui fuit avec ses trois enfants sur les
routes de l’exode.
Parmi les autres comédiens, citons
aussi Olivier Gourmet dans le rôle de Paul Reynaud…
J’ai été très heureux et très
fier de tourner avec lui. En quelques scènes, il nous livre un
Reynaud extrêmement complexe, comme je le souhaitais. C’est à la
fois un homme d’autorité, un chef de gouvernement mais aussi un
être qui s’effrite… Il doit faire face à des événements qui
le dépassent et l’abiment. De Gaulle le considérait comme un
homme intelligent à qui il a toujours conservé son estime, mais
hélas en dessous de la violence de la situation. Je veux aussi
saluer Catherine Mouchet qui interprète Mlle Potel la gouvernante
qui accompagne la famille de Gaulle et notamment la petite Anne leur
fille trisomique. Laurent Stoker et Alain Langlet ont aussi accepté
de venir jouer quelques scènes tout comme Sophie Quinton avec qui
j’avais déjà fait un téléfilm ou encore Philippine Leroy
Beaulieu ou Gilles Cohen qui ont participé à l’aventure de ce
film en lui donnant leur force et leur enthousiasme… L’incarnation
d’Anne de Gaulle était aussi un enjeu. En effet le film présente
à trois âges différents cette petite fille porteuse de trisomie.
Nous avons travaillé avec trois enfants âgées de 6 mois à 12 ans
et ce fut pour tous des moments d’une grande force.
Il y a donc ce côté romantique,
presque sentimental du film au cœur d’une fresque de la débâcle
de 1940 et de scènes beaucoup plus spectaculaires comme le
bombardement du port de Brest. Vous êtes-vous amusé à manier les
outils de la reconstitution, des effets spéciaux ?
Vous savez, je pars du principe qu’il
est difficile de faire un film mais que ça doit être du plaisir.
Alors ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de contraintes, de
conflits ou de douleur mais il faut se lever le matin en se disant «
quel bonheur d’aller sur le plateau » ! Le mot « jouer » n’est
pas un hasard : faire du cinéma c’est jouer la comédie donc
s’amuser… Quant aux moyens dont vous parlez, je dirais qu’ils
sont indispensables si l’histoire en a besoin. C’était le cas
dans « De Gaulle » et j’avoue que c’était jubilatoire d’avoir
tous ces figurants, des chars d’assaut, des avions ou des bateaux.
Mais tout cela coûte de l’argent et j’ai été très vigilant à
ne pas dépenser de l’argent gratuitement ! Pour les figurants par
exemple, j’ai même demandé à ce qu’on en mette moins car leur
nombre ne se justifiait pas. La richesse d’un plan vient parfois de
sa simplicité… Mais pour les scènes spectaculaires que sont
celles de l’exode, du port de Brest et de l’arrivée à Falmouth
la production m’a donné tous les moyens dont j’avais besoin.
Avec le temps, savez-vous pourquoi
l’Histoire et notamment celle des guerres vous intéresse tant ?
C’est un élément que l’on retrouve dans vos documentaires mais
aussi au cinéma dans « Les fragments d’Antonin », « Nos
patriotes » et « De Gaulle »…
Pas du tout, même si c’est une
réalité que je ne fuis pas ! Mais j’ai aussi travaillé pour Arte
par exemple sur des sujets plus contemporains, une comédie, un
thriller… Mais quand je travaille sur des images d’archives pour
mes documentaires, ce que je vois nourrit mes scénarii de fiction.
Par exemple, j’ai découvert des photos du port de Brest dont nous
parlions au moment de la fuite vers l’Angleterre, où il y avait
des milliers de valises abandonnées et même des chevaux morts.
Pourquoi ? Simplement parce qu’il fallait alléger les bateaux pour
privilégier les humains… J’ai immédiatement dit à Nicolas de
Boiscuillé mon chef déco qu’il fallait faire figurer cette scène
à l’écran. L’histoire m’intéresse car elle est faîte d’une
matière narrative très dense. Ce n’est pas de la fausse modestie
mais je pense ne pas avoir beaucoup d’imagination : raconter ma vie
ne m’intéresse pas du tout. Ce qui me passionne c’est
l’actualité, j’adorerais faire un film politique contemporain et
avec « De Gaulle » j’ai le sentiment d’en avoir tourné un sur
l’actualité politique de 1940. Et puis je suis persuadé que les
films d’histoire sont l’émanation de leur époque : à travers
l’évocation du passé on y parle aussi du présent. Regardez la
manière dont la Grande Guerre a alimenté le cinéma depuis un
siècle : au moment de la guerre du Viêt Nam, les films traitant de
14-18 sont une critique de ce conflit-là. Dans les années 2000, on
traite à travers lui un sentiment de victimisation de la société,
alors dans l’air du temps, à travers le terrorisme, le climat, les
médias, la malbouffe et la crise en général… Moi-même je n’y
ai pas échappé : Antonin dans mon film « Les fragments d’Antonin
» est un personnage de victime qui subit les ravages du conflit. Au
contraire dans les années 30, parler de 14-18 c’est mettre en
avant les figures héroïques. Enfin, le film historique permet en
terme de mise en scène ce que j’appelle le style. Tous les
éléments que vous placez devant votre caméra ont été choisis :
du tissu d’un meuble à un costume en passant par le moindre
accessoire et même la couleur globale. C’est plus aléatoire dans
un film contemporain où les éléments du réel sont moins
maîtrisés.
Pour terminer, que retenez-vous au
final de ce Charles de Gaulle que vous avez imaginé à ce moment
précis de sa vie et de notre Histoire ?
Il reste une inconnue dont nous avons
beaucoup parlé avec Lambert : qu’est-ce qui peut pousser un homme,
avec ses limites et ses forces, à faire un choix politique et
personnel aussi incroyable ? Alors que la France s’effondre, que
l’ennemi occupe Paris, que le gouvernement demande la paix et
accepte de travailler avec l’Allemagne, cet homme dit « non »…
Et c’est homme-là estime aussi que la voix de la France désormais
sera la sienne, en demandant à ceux qui le veulent de le suivre…
Est-ce de la folie ? De l’orgueil ? Du patriotisme ? Le sens de
l’Histoire ? Une vista politique ? Je pense que c’est en fait la
conjugaison de tout cela ! De Gaulle en parle formidablement dans ses
mémoires : il décrit à la fois sa grande fragilité et sa
détermination totale. Il sait, il sent qu’il doit accomplir ce
destin, même si à un moment il propose à d’autres comme Reynaud,
Mandel, Weygand ou au général Noguès, (le représentant des forces
françaises d’Afrique du Nord), d’être la voix de la France à
Londres. Tous les historiens ont travaillé sur cette question mais
la réponse reste un mystère indicible : à ce moment, de Gaulle a
fini par décider que cet homme-là ce serait lui. C’est
passionnant !
Entretien avec : Lambert Wilson
Avant de vous lancer dans ce projet,
quelle perception aviez-vous de Charles de Gaulle à l’époque du
film, au printemps 1940 ? J’avais le souvenir de la photo d’un
homme assez jeune. Des clichés du début de la guerre où il a la
cigarette au bec : quelque chose de graphique qui m’avait attiré
de la même manière que les profils de Montand sur scène. Ce sont
des sortes de figures élégantes, intrigantes qui font se dire : «
tiens ce type, il a un truc » ! Au-delà de ça, historiquement,
l’époque était très très vague pour moi. Mais concernant de
Gaulle j’étais en fait sur le plateau du film le seul à l’avoir
jamais rencontré puisqu’en 1965, j’ai été invité au Noël de
l’Elysée sous sa présidence… J’ai d’ailleurs toujours à la
maison, dans un cadre, le bristol où le général de Gaulle et
Madame me convient à cette fête. Ça a d’ailleurs donné lieu au
premier vrai dilemme entre mon père et moi : en tant que directeur
d’un Théâtre National à l’époque, il était régulièrement
invité à l’Elysée et il a pensé qu’il s’agissait là d’une
erreur et que cette invitation s’adressait à lui ! Mon père avait
téléphoné aux services de la Présidence pour leur signaler cette
erreur qui n’en n‘était pas une… C’est là que les problèmes
ont commencé entre nous !
Vous avez donc approché Charles de
Gaulle sur la fin de son règne politique…
Oui et c’est pour cela que j’en ai
gardé l’image d’un homme vieillissant, un peu pachydermique avec
cette voix trainante et grandiloquente que l’on a tant imitée. Ce
sont aussi des souvenirs de la télévision d’hier, au même titre
que « La piste aux étoiles » ou « 36 chandelles ». Le vieux de
Gaulle était presque une caricature de lui-même qui, dans ma
naïveté d’écolier de ces années-là, est associé à quelque
chose que l’on rejetait, à un pouvoir qui était remis en
question… J’avais 10 ans en 1968 donc tout ce qu’on a dit
contre de Gaulle s’est forcément distillé dans mon inconscient…
Cela veut dire que vous avez été
surpris quand Gabriel le Bomin et Valérie Ranson-Enguiale sa
coscénariste, vous ont parlé d’un de Gaulle aventurier, rebelle
et amoureux ?
Ce qui est amusant c’est que l’on
m’avait déjà proposé par le passé d’incarner ce personnage…
Cela me terrorisait car j’imaginais alors un vrai biopic qui aurait
englobé la partie vieillissante de son parcours. Ce qui m’a paru
irrésistible dans le projet de Gabriel et Valérie c’est justement
de montrer cet homme-là à ce moment-là et même durant ce mois-là,
en juin 1940. J’ai donc commencé à regarder des images de lui à
l’époque en me concentrant sur sa physicalité et là, je me suis
dit que c’était possible… C’est une période très
intéressante car il apparait alors dans la sphère publique et
politique. Il a entrepris beaucoup de projets avant mais ils ne sont
pas documentés… Cela nous donnait une véritable liberté, sans
nous écraser de références visuelles. Il fallait presque inventer
l’homme de ce temps-là…
De quelle manière avez-vous procédé
?
Je me suis immédiatement précipité
sur internet pour écouter l’appel du 18 juin, qui est d’ailleurs
un enregistrement postérieur à cette date. Il y a déjà ce timbre
de tribun si reconnaissable mais je me suis dit que l’on pouvait
aller au-delà et trouver un personnage plus secret : un homme privé
sur lequel on a finalement peu d’informations. J’ai découvert
quelqu’un qui est alors déjà dans la maturité mais qui n’est
pas chargé du poids et des défauts de la statue du commandeur qu’on
lui élèvera plus tard… C’est moins intimidant à jouer ! Et
puis « De Gaulle » est un film qui raconte un mois de la vie d’un
groupe de personnages, hommes et femmes. Un mois trépidant, insensé,
fou historiquement ! C’est ce qui me plaisait le plus dans ce
projet.
Ce qui est également passionnant dans
le film, c’est qu’il montre un Charles de Gaulle amoureux,
constamment dans l’inquiétude de ce qui peut arriver à sa femme
et à ses enfants…
Oui c’est la merveilleuse surprise du
scénario. Vous savez, je me suis déjà mis en colère dans des
diners ou lors d’avant-premières où nous présentions le film,
face à des gens qui certes étaient intéressés par le sujet mais
qui se mettaient à ricaner quand on parlait d’Yvonne de Gaulle.
Dans l’inconscient collectif, cette femme est tellement perçue
comme « tante Yvonne », une dame empâtée, quintessence de la
bourgeoise potiche… Alors qu’il suffit de regarder une de ses
photos à 40 ans pour découvrir une très belle femme, pétillante,
une extraordinaire héroïne. Ça m’énerve terriblement ! J’ai
déjà vécu cela avec Cousteau pour le film « L’odyssée » : une
attitude condescendante fondée sur absolument rien ou plutôt sur
une ignorance crasse… J’avoue cependant que je méconnaissais la
passion amoureuse entre Charles et Yvonne ou de leur vie familiale.
Ça a été une découverte formidable car c’est très romanesque
et chacun peut s’y projeter. Beaucoup de couples dans le monde
vivent cela aujourd’hui, se disant un au revoir qui peut être
définitif, lui partant faire la guerre et elle fuyant le conflit
avec les enfants. Cela arrive dans tellement de pays… Nous sommes
nous très protégés donc on oublie ces destins fracassés…
Vous parliez de la voix du général de
Gaulle, de ce timbre si particulier. Vous n’en proposez pas une
imitation dans le film mais une interprétation…
Pour être honnête, j’avoue que nous
avons pensé à le faire au début. Mais avec Gabriel nous nous
sommes dit que dans des moments intimes ou quotidien, de Gaulle ne
pouvait pas utiliser un ton grandiloquent. C’était un tribun
exceptionnel qui s’adressait à des foules et qui, à l’époque
du film, commence à trouver ce ton-là notamment lors de ses
interventions à la BBC. Mais c’est un timbre très daté qui était
forcément différent quand il était avec les siens. Alors nous
avons essayé quand même, dans la scène du début du film où de
Gaulle donne une première interview après la bataille de France. Je
suis arrivé sur le plateau chargé de la voix, des intonations de
l’appel du 18 juin mais Gabriel m’a tout de suite dit « c’est
inécoutable » ! Ce n’est pas que je faisais mal les choses, c’est
juste que l’on ne peut plus entendre quelqu’un parler comme ça…
Tout est exagéré, dans l’emphase : on roulait les « r », on
étirait les syllabes à la manière des tragédiens de la Comédie
Française au 19e siècle ! Réécoutez le magnifique discours de
Malraux pour l’entrée de Jean Moulin au Panthéon : c’est
presque du Sarah Bernhardt ! Donc nous ne sommes pas allés sur ce
terrain. Je savais qu’une partie du public attendait cela et se
dirait que j’avais voulu éviter l’obstacle mais ne pas l’avoir
fait abouti à quelque chose de plus intéressant : montrer qui est
vraiment cet homme et ce qu’il ressent.
Mais comment avez-vous travaillé pour
la scène obligée du fameux appel du 18 juin ?
C’est la seule occasion où j’ai
vraiment essayé de m’approcher au plus près du timbre Gaullien.
Je l’avais à l’oreille et j’en ai gardé la musicalité. C’est
assez compliqué à faire car juste avant à l’écran, on est dans
une scène banale où on dit à de Gaulle que ça va être à lui et
subitement, il doit devenir le tribun qui s’adresse à un pays en
déroute depuis une cabine de 5 mètres carrés dans un studio de
radio londonien ! Il faut assumer cela et je me suis beaucoup posé
de questions, notamment quand je me suis retrouvé face à Tim Hudson
qui incarne magnifiquement Churchill. Lui n’a pas hésité à jouer
avec l’accent de son personnage, dans une caractérisation assez
forte. Mais les anglais ont un avantage sur nous, c’est que dans
leur société on situe sa classe selon son accent, sa manière de
parler. Chez nous, c’est plus lié à une situation géographique,
entre le nord et le sud par exemple… J’ai fini par comprendre
qu’essayer de trop coller à la voix de de Gaulle apporterait une
théâtralité qui pouvait être dangereuse et créer une distance
avec le personnage…
Le fait que cet aspect-là ne manque
pas au final vient aussi du fait que, physiquement, vous êtes de
Gaulle dès la première image. Vous avez déjà par le passé
utilisé la technique du maquillage à travers les films sur l’Abbé
Pierre ou le Commandant Cousteau. C’est un artifice que vous aimez
manier ?
C’est une technique qui fait chaque
année des progrès hallucinants : ça me fait rêver en tant
qu’acteur en me donnant des possibilités infinies… Je veux
saluer les équipes de l’Atelier 69 avec qui nous avons travaillé
et qui ont fait un travail exceptionnel. Nous avons décidé de
prendre notre temps… Au départ, soyons francs, il a fallu
convaincre les investisseurs et j’ai dit à Gabriel et Farid
Lahouassa le producteur que nous devions montrer une première image
de moi en de Gaulle. Tout cela restait très empirique. Nous avons
donc organisé une séance photo et certains clichés ont été
publiés dans « Paris Match » : c’était encore très artisanal
par rapport à ce que nous avons obtenu par la suite mais il y a eu
là comme une évidence. Oui, c’était possible, crédible… Je me
souviens que ces clichés ont été pris aux Invalides et que je
croisais dans les couloirs de véritables militaires, des gradés qui
étaient très impressionnés ! De Gaulle reste une figure encore
très importante, très présente dans l’Armée…
Pratiquement, de quelle manière
avez-vous procédé pour trouver le bon maquillage ?
Il y a eu beaucoup de séance
d’affinage, de préparation et c’est curieux car le général
m’apparaissait de temps en temps mais ça me faisait presque peur.
En regardant ce que nous venions de tourner sur le moniteur, je
l’apercevais parfois à travers moi de manière troublante puis
plus du tout… La marge de manœuvre est assez mince car il ne faut
pas non plus trop en faire sur la ressemblance physique. Nous avons
par exemple songé à travailler sur la forme des yeux : ceux de de
Gaulle étaient plus tombants que les miens mais quand on touche au
regard d’un acteur, on casse quelque chose… Subitement, le masque
du déguisement apparait très clairement. Gabriel a donc préféré
aller moins loin sur le maquillage mais conserver de la vitalité…
Pratiquement, cela représentait près de 3 heures ½ de travail par
jour entre le maquillage, la pose des prothèses, la coiffure et
l’habillage. Tout cela évidemment en amont de la journée de
tournage et sans parler des 40 minutes nécessaires au démaquillage
après ce tournage… Ce qui donne une amplitude de travail à la
fois très longue mais aussi extrêmement millimétrée pour les
maquilleurs. J’ajoute que nous avons tourné durant l’été 2019,
en pleine canicule avec près de 43° à Paris… Je me souviens que
pour la scène durant laquelle le Ministère de la Guerre plie bagage
et brûle ses archives, je me suis retrouvé costumé et maquillé en
plein soleil à côté du feu. Je transpirais tellement sous le
masque de silicone que ma sueur faisait des poches d’eau qu’il
fallait percer en permanence ! Mais ces péripéties n’enlèvent
rien au plaisir final du résultat. Vous savez, c’est le rêve de
tout acteur. On a besoin de deux bases à mon sens pour jouer la
comédie : il faut identifier son modèle et dans un deuxième temps
tenter de s’en rapprocher le plus possible en se transformant…
J’ai eu cette sensation-là sur Cousteau quand je l’incarne à la
fin de sa vie. Pour de Gaulle, je l’ai ressentie de bout en bout…
Mais c’est un exercice auquel il faut entièrement se plier. Par
exemple Philippe Laudenbach qui joue Pétain s’est fait raser la
moitié de la tête pour que sa perruque tienne parfaitement. A ce
niveau-là d’exigence de transformation, les acteurs doivent faire
des concessions…
Reste, vous le disiez que l’essentiel
du film est ailleurs, dans la relation intime entre Charles et Yvonne
de Gaulle…
Oui et nous avions peu de matière à
ce sujet. On sait qu’ils étaient tous les deux issus de familles
catholiques très pratiquantes ou que le drame de la naissance de la
petite Anne, enfant trisomique, a soudé leur couple mais le reste
est un mystère… Le film débute par le geste intime d’un homme
touchant une femme dans leur lit au réveil et cet homme c’est
Charles de Gaulle ! Il fallait imaginer comment ça se passait, de
quelle manière ils s’étreignaient ou même se parlaient tout
simplement. Ces gens ont existé, ils sont très connus mais nous
devons quand même les montrer dans des aspects de leur vie auxquels
personne à part eux n’a eu accès… Pour figurer un conseil de
ministres ou une allocution à la BBC, on sait : il y a des photos,
des images. Il y a toujours une responsabilité vis-à-vis des
familles, des descendants. On ne peut pas faire ni montrer n’importe
quoi… Gabriel est pudique, intelligent et respectueux. Il m’a
sans cesse rappelé, (quand de temps en temps j’osais des choses
qui le rendaient peut-être plus humain), que l’homme que
j’incarnais était le général de Gaulle !
Il y a plusieurs films en un dans « De
Gaulle » : un sur la débâcle, un sur le début d’un destin, un
sur une histoire d’amour. De quelle manière avez-vous observé
Gabriel le Bomin votre réalisateur évoluer à travers ces genres
multiples ?
J’ai constaté qu’il avait beaucoup
évolué durant ce tournage. Gabriel était aux commandes d’un gros
film qui avait été très bien préparé et de diverses façons.
Rappelons d’abord que c’est un réalisateur qui a débuté sa
carrière au service cinéma de l’armée durant son service
militaire et qui maîtrise le sujet de la guerre pour y avoir
consacré ses deux premiers films de cinéma et plusieurs
documentaires. Mais l’ampleur de ce projet l’a peut-être un peu
impressionné au début sur le plateau, Et puis très vite il a
trouvé ses marques car son sujet le passionnait. Gabriel adore la
politique et la manière dont certains destins peuvent se mêler. Or,
« De Gaulle » raconte un mois totalement insensé de l’Histoire
de France. Ensuite, je sais qu’il a été surpris par ce
qu’Isabelle et moi avons pu lui proposer de l’intimité de
Charles et Yvonne de Gaulle. Gabriel a aimé ça et s’est laissé
aller à une confiance à laquelle il ne s’attendait peut-être pas
au départ… Voir ces figures historiques devenir des personnages de
chair, de sang et de sentiments l’a ravi. Ce qui m’a frappé
c’est qu’il a alors exprimé une fantaisie que je ne soupçonnais
pas ! Gabriel a un côté assez scolaire, très sage mais, il a aussi
beaucoup d’humour… Ensuite, dans le travail au quotidien, nous
nous sommes attachés chaque jour à bien nous rappeler où en
étaient les personnages, au moment de l’action que nous tournions.
Il y a un tel enchainement d’événements durant ces semaines et
même ces jours de mai-juin 1940 qu’il fallait sans cesse, (puisque
nous tournons dans le désordre), se souvenir de ce qui s’était
passé ou allait arriver. Par exemple les allers-retours entre Paris
et Londres : de Gaulle en a fait de multiples et Churchill lui aussi
est venu en France, ce qui a d’ailleurs rendu possible le lien
entre eux. Alors nous n’avons pas pu tout montrer mais quand nous
le faisons il fallait absolument savoir à quel moment de leur
relation nous en étions…
Parlons de votre partenaire principale
dans le film : Isabelle Carré… Vous formez à l’écran un couple
solide et crédible alors que vos personnages sont séparés durant
une bonne partie de l’histoire.
Isabelle et moi nous connaissions
depuis le tournage du film « Cœurs » d’Alain Resnais, dans
lequel nous étions amoureux l’un de l’autre. Nous avions donc
déjà vécu ce sentiment au cinéma… Alors je sais que les acteurs
utilisent souvent l’expression « c’est une Rolls » mais avec
elle c’est vrai ! Isabelle a une puissance émotionnelle immédiate.
On répète une scène de retrouvailles ou d’adieu et dans
l’instant, d’un regard elle vous balance une décharge
électrique. Tout est facile avec elle car on ne joue pas : elle est
juste, investie, vraie… Isabelle a apporté quelque chose de
fondamental pour le rôle d’Yvonne : une bonté de Sainte quasiment
! Cette femme était une sorte de Mère Courage qui a traversé
l’épreuve de la débâcle avec ses enfants, dont une petite fille
trisomique. Or, nous avons tourné avec une vraie petite trisomique
et c’est très compliqué. Moi je n’y ai pas beaucoup été
confronté mais Isabelle était en première ligne et c’est un saut
dans l’inconnu permanent, même si les parents de cette enfant
étaient bien entendu présents sur le plateau. Isabelle a été
d’une douceur incroyable. Elle a cet instinct de la mère de
famille, étant très maternelle dans la vie. Croyez-moi, certaines
actrices peuvent le jouer mais ne le sont pas du tout en réalité !
C’est une femme qui me fascine dans sa profondeur des rapports
humains, l’attention sincère qu’elle porte aux autres… Et je
dois dire qu’au départ, j’avais imaginé quelqu’un de très
différent pour jouer le rôle. Une actrice sans doute moins blonde !
Je voyais Yvonne comme une sorte de petit pruneau sombre mais j’ai
été convaincu à la minute où j’ai vu Isabelle maquillée et
perruquée… Je trouve qu’elle est formidable aux côtés de
Catherine Mouchet qui joue la gouvernante de la famille et de Sophie
Quinton qui interprète sa sœur. Enfin, Isabelle est quelqu’un
d’extrêmement discret. Jamais elle n’empiète sur votre liberté…
Incarner un personnage aussi fort que
Charles de Gaulle est rare dans la carrière d’un acteur mais vous
êtes un habitué de la chose après l’Abbé Pierre et le
Commandant Cousteau !
Je n’y pense pas trop mais je me dis
aussi qu’il ne faudrait pas que ça devienne une habitude et donc
ridicule ! Je contrebalance cela avec des rôles très différents,
du théâtre comme « Le misanthrope » ou de la musique sur scène
avec mon spectacle sur Kurt Weill… Mais j’ai incarné d’autres
personnages ayant existé, même s’ils étaient moins connus du
public, comme le Père Christian dans « Des hommes et des dieux ».
Pour de Gaulle, ce qui m’a fait rire et qui me ramène pour finir à
mon père, c’est qu’il avait la sensation d’être un fils
d’immigré irlandais dont le nom, Wilson, sonnait bizarrement
auprès de mes camarades quand j’étais enfant. Cette impression de
ne pas être vraiment français… Et que l’arrière-petit-fils de
ces immigrés irlandais incarne le général de Gaulle m’amuse
beaucoup ! Je me souviens d’ailleurs que mon père, fraichement
nommé à la tête du Théâtre National Populaire, avait été
invité à l’Elysée et convié auprès de de Gaulle pour un
aparté. Ils étaient tous les deux assez grands et le général a
demandé à mon père de rester un peu à ses côtés en lui disant :
« ça me fait du bien : ils sont si petits… » ça veut dire
tellement de chose !
Entretien avec : Isabelle Carré
Nous avons toutes et tous l’image
d’Yvonne de Gaulle apparaissant dans l’ombre de son mari en photo
ou à la télévision. Soupçonniez-vous que derrière la caricature
de « Tante Yvonne » se cachait une femme aussi passionnée et
vivante ?
Non pas du tout et c’est d’ailleurs
ce qui était très intéressant quand Gabriel m’a proposé ce
scénario écrit avec Valérie Ranson-Enguiale. J’avais moi aussi
en tête l’image d’une femme un peu « popote », désuète, dans
ses casseroles ! Mais justement, cette discrétion m’intriguait et
j’avais très envie de creuser derrière tout cela… J’ai donc
regardé des documentaires, des reportages, (même s’il existe très
peu de choses), qui déjà montraient que cette apparence effacée ne
lui correspondait mais qu’Yvonne n’avait rien fait pour la
contredire. Je crois que cela l’arrangeait et lui permettait de se
cacher derrière pour avoir les mains libres et être complètement
elle-même…Yvonne de Gaulle a même utilisé la presse et les
premières photos « people » de l’époque, (dès leur séjour à
Londres en fait car Churchill ne le trouvait pas assez « visibles »
!), pour se dévoiler en femme très sage en train de coudre derrière
Charles ! Je trouve que c’est au final assez malin. Je comprends
totalement ce retrait volontaire et la liberté qu’elle en a tirée…
Au-delà de ces quelques images dont
vous parlez et du scénario du film, comment avez-vous travaillé ce
personnage si méconnu et l’avez-vous laissé venir à vous ? La
transformation physique vous a aidée ?
Il est vrai que porter une perruque m’a
beaucoup aidée mais ça m’allait bien de ne pas trop disparaitre
derrière le maquillage, dans une sorte d’imitation. Je ne suis pas
très forte à ce jeu-là ! On a très peu entendu la voix d’Yvonne
de Gaulle par exemple donc tout était à inventer… En revanche, je
savais que c’était une femme d’engagement, notamment auprès des
enfants trisomiques puisqu’elle a créé un établissement
spécialisé pour les jeunes filles atteintes de ce syndrome. On a
des lettres écrites de sa main évoquant jusqu’à
l’approvisionnement en bois de chauffage ! En dehors de donner de
l’argent et son temps, elle était donc partie prenante de cette
cause… Yvonne et Charles de Gaulle ont été dévastés à la mort
d’Anne, leur fille, en 1948. C’est toute l’intelligence du
scénario d’avoir montré combien cette enfant avait été le socle
de leur couple et le moteur de leur désir de se battre…
Vous avez un grand nombre de scènes
avec ce personnage d’Anne de Gaulle et vous avez donc joué avec
une jeune actrice trisomique, Clémence : de quelle manière cela
s’est-il passé ?
Cette collaboration était aussi une
des raisons de mon désir de faire ce film. C’est pour moi tout
l’enjeu de ce métier de comédienne : le plaisir des mots,
(notamment au théâtre), mais aussi de pouvoir entrer dans des
mondes qui me sont fermés dans la vie courante… C’était le cas
avec Jean-Pierre Améris dans le téléfilm « Maman est folle »
durant lequel j’ai pu découvrir la jungle de Calais et rencontrer
des migrants, parler avec eux. C’est le cas aussi pour « Marie
Heurtin » le nouveau film de Jean-Pierre où j’ai pratiqué la
langue des signes. Je me souviens également de « Holy Lola » de
Bertrand Tavernier et de cette plongée dans les orphelinats du
Cambodge… Se confronter à ces univers inconnus c’est aussi avoir
accès à du vécu, des témoignages précieux, intimes, profonds.
C’est ce que j’ai pu ressentir avec Clémence et ses parents qui
étaient très présents à ses côtés sur le tournage : ils nous
ont transmis leur expérience, leur vie au quotidien, la manière
dont ils avaient découvert la trisomie de leur enfant et comment
cela avait évolué en eux… C’était passionnant.
J’imagine qu’en tant que
comédienne, jouer avec une partenaire trisomique, implique comme un
saut dans l’inconnu à chaque prise…
Complètement : en fait nous ne
pouvions jamais rien prévoir. Nous pouvions nous de notre côté
répéter un peu, parler des plans, du découpage mais Clémence
remettait tout en cause dès que nous tournions ! Un jour elle
pouvait trouver sa place dans le périmètre qui avait été défini
et le lendemain refuser de s’y soumettre, ne pas avoir envie de
s’assoir ou d’être là tout simplement… Même chose avec le
texte : il n’est quasiment jamais arrivé que les mots du scénario
soient effectivement prononcés dans nos échanges. Nous devions
trouver le moyen de l’y amener par un chemin détourné, des
improvisations, des jeux. Sa maman a en cela été très précieuse
car Clémence en fait n’a aucune conscience du temps : elle disait
toujours « et après ? » comme pour exorciser une angoisse. Nous
devions alors la rassurer à chaque fois et faire en sorte que les
choses aillent vite pour qu’elle ne se sente pas oppressée…
C’est aussi ce qui rend le film
passionnant : il y a d’un côté cette partie très intime de la
vie familiale du couple de Gaulle et de l’autre la construction du
destin de cet homme. Or il est constamment dans l’obsession de
savoir où se trouve sa famille…
Oui le film montre combien les
répercussions des décisions politiques sur l’intime peuvent être
importantes. On le voit dans les scènes où toutes ces familles
tentent de trouver un chemin sur la route, parfois à pied ou en
charrette, au milieu de la débâcle… Des gens haut-placés
prennent une décision dans un bureau et les conséquences peuvent
toucher des millions de gens : on le voit aujourd’hui avec les
migrants… Ça peut tous nous toucher : la politique n’est pas une
entité abstraite, elle impacte nos vies. La famille de Gaulle en
juin 40 n’a pas d’autre choix elle aussi que de prendre la route
et de se retrouver sur un bateau, sans savoir où il va arriver.
C’est là où l’intuition d’Yvonne est extraordinaire car
Charles n’aurait sans doute pas eu les mains libres pour accomplir
ce destin dont vous parlez si elle et les enfants étaient restés en
France. Imaginez qu’ils soient tombés aux mains des allemands…
Elle a compris à ce moment que son mari avait un rôle déterminant
à jouer dans cette guerre et qu’elle devait partir. L’Algérie
était la destination initiale mais par hasard elle et ses enfants
ont embarqué sur un navire vers l’Angleterre et tout le monde a pu
se retrouver à Londres… J’aimais énormément cet aspect du
scénario : en lisant les livres d’Histoire on a l’impression que
toute cette épopée a été minutieusement construite alors que la
réalité nous montre exactement le contraire !
Avec un sentiment passionnel que l’on
ne soupçonnait pas : « De Gaulle » montre un couple véritablement
fusionnel…
Oui parce qu’Yvonne et Charles sont
devenus des figures historiques un peu désincarnées. La force du
scénario de Gabriel et Valérie c’est de leur rendre leur chair,
leur corps et leurs sentiments… Et ils n’en manquaient pas : la
1ère chose qu’a dit Yvonne en voyant Charles c’est « ce sera
lui ou personne d’autre » ! Dans cette fuite vers Londres en juin
40, même quand ils ne savaient pas où était l’autre, ils
s’écrivaient énormément en jetant ces lettres comme des
bouteilles à la mer… Je crois que si de Gaulle a eu cette audace,
cette conviction et cette force de dire « non », quitte à tout
remettre en question y compris sa vie et sa carrière, c’est aussi
parce que sa femme l’a encouragé à le faire…
Charles de Gaulle à l’écran c’est
Lambert Wilson, partenaire que vous retrouvez des années après «
Cœurs » le film d’Alain Resnais…
Tourner avec Resnais ne m’est arrivé
qu’une fois alors que Lambert a eu la chance de faire plusieurs
films. J’en garde un souvenir incroyable, celui d’une expérience
différente et ça a créé un lien véritable avec Lambert… C’est
assez unique et difficilement racontable ce qui se passait sur le
plateau d’Alain Resnais et lorsque nous nous sommes retrouvés avec
Lambert, nous avions déjà un passé en commun. Ça nous a été
très utile pour incarner un couple comme celui-là… J’aime
beaucoup sa sensibilité, son regard. On croise des partenaires
acteurs qui sont là sans vraiment l’être parce qu’ils sont dans
la construction de leur personnage : Lambert lui est totalement à
vos côtés, en face de vous. Croyez-moi : ça vous porte ! Il est
délicat, généreux… Bref je n’ai pas assez de mots pour vous
dire le plaisir que j’ai eu à le retrouver une 2e fois et j’espère
qu’il y en aura d’autres…
Un mot aussi de Catherine Mouchet et
Sophie Quinton qui jouent respectivement Mlle Potel la gouvernante et
Suzanne votre sœur dans le film : des partenaires avec qui vous avez
de nombreuses scènes…
Sophie est une femme incroyablement
humble et sincère. Je me suis beaucoup retrouvée dans sa timidité,
son émotivité et j’avais vraiment l’impression de côtoyer ma
sœur ! Je connaissais bien son travail d’actrice de cinéma et
plusieurs personnes m’avaient déjà dit que nous avions une sorte
de sororité à l’image. J’étais heureuse de pouvoir enfin
incarner ce lien. J’aime beaucoup la manière dont Sophie conçoit
son rôle de mère dans la vraie vie et comment elle gère tout cela
vis-à-vis de son métier de comédienne. Pour résumer : j’aime
tout chez elle ! Catherine Mouchet fonctionne totalement différemment
: elle a besoin de construire minutieusement son personnage, de
réfléchir énormément alors que Sophie et moi sommes plus sur la
spontanéité. C’était donc fascinant de voir cette méthode très
fouillée. Je me souviens qu’à un moment, lors de la scène où
nous arrivons en Angleterre dans un hangar, Catherine avait besoin de
savoir quelle était la météo à l’époque, si les personnages
avaient eu froid pendant la traversée, s’ils avaient mangé. Là
aussi c’était intéressant… Je voudrai aussi saluer Félix Back,
le jeune comédien qui interprète Philippe de Gaulle que j’ai
trouvé d’une grande élégance et d’une vraie sensibilité.
Et comment avez-vous regardé
travailler votre réalisateur Gabriel le Bomin qui avait sur les
épaules à la fois un film historique à grand spectacle et une
histoire d’amour ?
Gabriel est quelqu’un de passionné
par son sujet, qu’il connait par cœur, intimement. Alors sur son
plateau il connait chaque détail de son histoire mais il reste
également à l’écoute de ce qui se passe ou de ce que vous lui
dîtes. C’était émouvant de voir la manière dont il appréhendait
les scènes avec Clémence et moi. Lui qui aime tant préparer les
choses se retrouvait soudain face à l’inconnu ! S’il a pu être
fébrile face à une petite fille qui ne faisait jamais ce qu’on
attendait d’elle, (et pouvait même quitter le plateau, avoir peur
du feu dans les scènes de voitures incendiées pendant l’exode ou
des figurants), Gabriel a été d’une incroyable patience mais
aussi d’une grande détermination et il a fait preuve d’un
respect constant sans jamais renoncer à rien. Il a porté son film
avec beaucoup d’humanité…
Source et copyright des textes des notes de production @ SND
#DeGaulle

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