samedi 5 décembre 2015

AU CŒUR DE L’OCÉAN


Aventure/Fantastique/Malgré quelques défauts, un bon film d'aventure

Réalisé par Ron Howard
Avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy, Ben Whishaw, Tom Holland, Brendan Gleeson, Charlotte Riley, Frank Dillane...

Long-métrage Américain
Titre original : In the Heart of the Sea
Durée: 02h02mn
Année de production: 2015
Distributeur: Warner Bros. France

Date de sortie sur les écrans américains : 11 décembre 2015
Date de sortie sur nos écrans : 9 décembre 2015


Résumé : Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l'embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…

Bande annonce (VOSTFR)



Featurette - Le Mythe de Moby Dick (VOSTFR)



Ce que j'en ai pensé : AU CŒUR DE L’OCÉAN est un film d'aventure sympathique, sans aucun doute. Ron Howard, le réalisateur, nous raconte l'histoire dans l'histoire. Le principe du film est de nous narrer l'odyssée marine qui a inspiré le célèbre roman d'Herman Melville : Moby Dick. J'ai bien aimé cet angle de la narration car il apporte de l'originalité au récit (car dans le fond, les histoires de marin tournent un peu toujours autour des mêmes intrigues). Puis, il aide à positionner des ellipses intelligemment. Ces dernières permettent de garder une tension dans l'intrigue pendant tout le film. 
Ron Howard gère parfaitement l'émotion et ne tombe heureusement jamais dans le pathos, ce qui était pourtant un vrai risque vu le tournant de l'histoire.
J'ai été déçue par certains aspects de la mise en scène. Le début notamment n'est pas le plus réussi. On sent le positionnement des personnages et les décors d'époque font assez faux. Il faut arriver en mer pour que le film prenne son ampleur. De plus, les plans dans lesquels le réalisateur met les spectateurs au cœur de l'action, comme dans une vague qui roule par exemple, ne sont pas confortables à regarder. Souvent ils n'apportent rien au propos car on a du mal à comprendre ce qu'on nous montre. Reste que Ron Howard est un grand réalisateur et quand il fait dans le spectaculaire, on reste accroché à l'écran. Le film captive, on veut connaître la suite, savoir comment l'histoire se termine. 




Chris Hemsworth interprète Owen Chase, le second capitaine du navire. Il personnifie totalement cet excellent marin courageux qui cherche à prouver sa valeur.




Benjamin Walker interprète adroitement le capitaine George Pollard. C'est un personnage pour lequel on a a priori peu de sympathie. Owen et lui s'affrontent sur tous les plans.



J'ai eu plaisir à voir Cillian Murphy dans le rôle de Matthew Joy, un lieutenant qui connaît parfaitement les ficelles du métier.


Côté narration, Ben Whishaw convainc en Herman Melville. L'auteur cherche à s'emparer de l'histoire qui donnera corps à son projet de roman. 


Il se retrouve face à Thomas Nickerson, un ancien marin, âgé, interprété par Brendan Gleeson, qui détient des informations trop lourdes à porter.


AU CŒUR DE L’OCÉAN n'est pas sans défauts mais il accomplit sa mission de divertissement avec brio. Si vous aimez les aventures de marin et les effets spéciaux spectaculaires, alors je vous le conseille. 


NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Nous nous rendions aux confins de la Terre, avec le mince espoir que les choses aillent en s’arrangeant… à la recherche de la vérité. 
C’est l’une des plus grandes légendes maritimes de tous les temps : l’Essex, un baleinier originaire de Nantucket, dans l'État du Massachussetts, subit l’attaque d’une créature titanesque – une gigantesque baleine blanche particulièrement féroce – dont réchappent contre toute attente quelques membres de l’équipage, seuls à même de raconter ce qui s’est passé. Cet effroyable périple a eu lieu il y a près de deux siècles et la vérité a fini par s’estomper au profit de l’histoire relatée dans le grand classique d’Herman Melville, "Moby Dick". 

Grâce à Ron Howard, l'épopée de l’Essex, de son équipage courageux et de ce légendaire cachalot sont enfin transposés dans un grand film d’aventure : AU CŒUR DE L’OCÉAN. Si "Moby Dick" relève de la fiction, AU CŒUR DE L’OCÉAN évoque l'odyssée hors du commun qui a inspiré Melville pour son œuvre fondatrice et atemporelle. "La véritable histoire de l’Essex est fabuleuse : elle prend aux tripes, elle est dense et foncièrement cinématographique, pleine de rebondissements du début à la fin", raconte le réalisateur. 

"Et même si le film se déroule dans le passé, il parle de relations humaines, de survie, et des rapports entre l'homme et la nature – autant de sujets auxquels on peut s’identifier, qui touchent notre sensibilité et nous font réfléchir à notre place dans le monde". Au départ, c’est Chris Hemsworth qui a fait lire le scénario à Howard pendant qu’ils tournaient RUSH. Le comédien, qui incarne Owen Chase, le second capitaine sur l’Essex, souligne : "Dès le début j’ai adoré le scénario. AU CŒUR DE L’OCÉAN parle d’héroïsme et de personnages poussés dans leurs ultimes retranchements dans tous les sens du terme. J’ai aussi été fasciné par le suspense psychologique qu'induit cette baleine blanche qui renverse totalement la situation. Il y a quelque chose de foncièrement mystérieux dans la façon dont cet animal est représenté : quelles sont les motivations qui le poussent à passer à l'attaque ? C'est là un acte totalement inédit pour l’équipage de l’Essex qui n’a jamais vu ça. Du coup, la proie devient le chasseur". 

Benjamin Walker, qui tient le rôle de George Pollard, le capitaine de l’Essex, avance l’hypothèse que la confrontation mortelle entre les marins et leur proie n’est qu’un des éléments de l’intrigue. "Trois grandes épreuves sont au cœur de cette histoire : le combat de l’homme contre l’homme, de l’homme face à la nature et de l’homme face à lui-même. Comment peut-on survivre à une telle adversité ? C’est là l’enjeu du film. Mais ces combats recèlent une part de beauté, comme en témoigne la capacité de survie de l’esprit humain". 

Le réalisateur reconnaît que, lorsque Hemsworth lui a d’abord parlé du projet, il ne connaissait rien sur l'Essex : "je ne savais pas que le scénario s'inspirait de faits bien réels. Mais quand j’ai appris que cette histoire s’était réellement produite, j'ai été époustouflé. Je me suis tout de suite mis à imaginer un film qui serait tout en violence et en intensité… un film que j’aurais envie de voir, ce qui est le test ultime chez moi". L’extraordinaire voyage de l’Essex et de son équipage a été minutieusement transposé par Nathaniel Philbrick dans son ouvrage "Au cœur de l’océan" [initialement paru en France sous le titre "La véritable histoire de Moby Dick : Le naufrage de l'Essex qui a inspiré Herman Melville", NdT]. 

L’auteur et historien, Nantucketien d’adoption, est depuis longtemps fasciné par le commerce d'huile de baleine qui a rendu cette petite île du Massachusetts si célèbre. "Le livre est né de ma curiosité pour le Nantucket d'autrefois, à l'époque où son port en a fait la capitale de la pêche à la baleine en Amérique", indique Philbrick. Le récit détaillé qu’il a tiré de cette expédition funeste a eu le même effet sur les auteurs du film que sur les acteurs. "Ce livre est totalement captivant. Une fois commencé, je n’ai pas pu m’arrêter de le lire et quand ça se passe comme ça, on sait que le projet va être passionnant", confirme la productrice Paula Weinstein. 

"J’ai aussi trouvé le sujet très actuel. Si on se contentait de changer les costumes et le décor, l’histoire pourrait tout à fait avoir lieu à notre époque, car elle explore les thèmes de l’ambition et du sacrifice, et parle des animaux et de la nature, des rapports entre les hommes et leurs ancêtres, entre les femmes et leurs maris, et tout simplement entre la vie et la mort". "Les protagonistes de cette histoire sont des hommes convaincus qu'ils sont dans leur bon droit et qu'ils agissent pour le mieux", suggère le producteur Brian Grazer, fidèle associé de Ron Howard, "et on perçoit bien toute la complexité morale de la situation. Mais ces hommes sont loin de se douter de ce qui se passe réellement dans les profondeurs marines et c’est là que réside toute l’intensité dramatique de cette histoire". 

"Le film ne raconte pas seulement l'histoire de ces marins", précise le producteur Will Ward. "Il s'attache aussi à leur survie miraculeuse et évoque ce ce que les hommes sont prêts à faire pour sauver leur vie et celle de leurs équipiers. À la lecture du scénario, et en faisant des recherches sur l’univers de la chasse à la baleine, ce qui m'a frappé, c'est que ces hommes en aient fait leur gagne-pain. Ils partaient en pleine mer sur des vaisseaux de 25 à 30 mètres de long pendant des années d’affilée, et quand ils repéraient des baleines, ils prenaient en chasse ces mammifères gigantesques à bord de petites chaloupes. C’est vraiment insensé". 

À l'époque actuelle, on a fini par comprendre que les baleines sont des êtres doués de sensations, d’une intelligence et d’émotions extrêmement développées. Mais le scénariste Charles Leavitt, qui a travaillé en collaboration avec les auteurs Rick Jaffa et Amanda Silver, observe qu’il faut étudier le moyen de subsistance de ces marins au prisme de l’époque à laquelle ils vivaient. "Ce film ne fait pas l’apologie de la chasse à la baleine, au contraire, il en montre toute la brutalité", déclare-t-il. "Au début du XIXe siècle, ce commerce concernait surtout l'huile de baleine avant qu'on ne découvre comment creuser des puits d’extraction dans le sol pour exploiter le gaz naturel et le pétrole. L’huile de baleine alimentait l’éclairage en Amérique et en Europe, l’armature des berceaux était en os de baleine, et les meubles, les corsets et toute une gamme de produits du quotidien étaient dérivés de cette industrie. Mais la vie des hommes qui embarquaient à bord des baleiniers n'avait aucune valeur : ils se résumaient le plus souvent à une ou deux lignes dans les comptes d’exploitation d’une entreprise". 

"On a souvent dit qu'il s'agissait d'un combat entre l’homme et la nature", poursuit Leavitt, "mais on ne devrait opposer l'un à l'autre, parce que les hommes font partie intégrante de la nature. Cependant, ce n’était malheureusement pas l’attitude la plus répandue dans la société occidentale de l’époque. Les gens croyaient que l’homme dominait la nature et, par conséquent, la faune. Les baleines n’étaient rien de plus qu’une ressource bonne à exploiter". 

"Le public est amené à mieux comprendre la culture des chasseurs de baleine, ce qui repose entièrement sur la faculté de Ron à transposer cet univers au cinéma", fait observer Grazer. "Il est particulièrement doué pour humaniser les personnages et leur donner une réelle épaisseur. Le film permet de cerner les différentes facettes de ces hommes qui évoluent considérablement lorsqu'ils doivent lutter pour survivre dans cette vaste étendue d'eau". 

Paula Weinstein acquiesce : "Je n’insisterai jamais assez sur la qualité du travail qu'on accomplit avec Ron", dit-elle. "C’est le réalisateur le plus extraordinaire qui soit : il a une personnalité forte, il sait exactement ce qu'il veut, il ne ménage pas sa peine, il aime travailler en équipe et il est ouvert. Pour un producteur, c’est facile de confier un projet à un homme comme lui puisque vous savez que vous vous en remettez à un maestro, sans même parler de toutes les autres contributions essentielles de Ron au projet". Les acteurs sont du même avis, Hemsworth en tête : "Ron est d'une générosité que je n'avais jamais connue chez quiconque, et il possède une formidable éthique professionnelle", affirme-t-il. "En tant que cinéaste, il repousse constamment ses limites. Si on regarde sa filmographie complète, c’est impossible de classer ses films dans une catégorie. Il a signé aussi bien des comédies à succès que des drames captivants, en passant par des films d’action à grand spectacle, et il a toujours fait preuve d'intégrité et d'intelligence. AU CŒUR DE L’OCÉAN a été un projet exigeant pour nous tous, et quand on vit une telle expérience, il faut se serrer les coudes et s'épauler. Il nous a constamment incités à aller de l’avant, mais c’est ce qu’un acteur attend : être mis au défi et encouragé". 

"Ron aime la spontanéité et la fluidité, et il s’attend donc à ce que vous soyez prêt une fois sur le plateau", constate Walker. "J'ai du respect pour cette façon de faire et ça m’a motivé. Ron a filmé chaque scène à plusieurs caméras, parce qu’il voulait montrer que pour ces hommes en mer, la vie tenait à peu de choses, et je pense que c’est ce qu’on ressent en regardant le film. C’est presque comme si on participait à cette aventure, caché au sommet du mât, et qu'on était le témoin des événements". 

Howard souligne d'ailleurs qu'en tant que metteur en scène, c'est toujours son intention : "Quand je vais au cinéma, je veux être transporté. Et j’ai vu dans ce projet l’occasion exceptionnelle de faire voyager les spectateurs. Je voulais les embarquer dans une nouvelle aventure, spectaculaire et audacieuse. J’ai pris conscience qu’il y aurait plusieurs défis à relever pour pouvoir être à la hauteur de cette histoire, mais on était à même de réussir. On pouvait porter ce récit à l’écran de façon convaincante et exaltante, tout en étant à la hauteur des enjeux". 

Pour faire voyager le public dans l'univers du film, la production a reconstitué l’île de Nantucket à l'époque des événements dans les studios Warner de Leavesden en Angleterre. L'équipe a aussi tourné plusieurs scènes cruciales au large de La Gomera, l’une des plus petites des îles Canaries, où les acteurs ont goûté aux joies de la navigation sur une réplique grandeur nature de l’Essex. "Ça a été une aventure fabuleuse", reprend le réalisateur. "Elle a été riche en émotions, et nous a touchés par sa densité spirituelle et les questions intéressantes qu'elle soulevait. Et qui mieux que nos formidables acteurs pour les exprimer ?" 

Cillian Murphy, Brendan Gleeson, Tom Holland et Ben Whishaw ont donné la réplique à Hemsworth et Walker. "Nos comédiens ont dû endurer plusieurs épreuves réellement physiques", poursuit le réalisateur, "mais ils étaient déterminés à réussir, parce qu’ils voulaient se montrer dignes de cette histoire vraie et de ceux qui l'avaient vécue ". 
La tragédie de l’Essex est l’histoire de deux hommes : le Capitaine George Pollard et son second maître, Owen Chase. 
LES ACTEURS 

Le Nantucket du début du XIXe siècle était très prisé en raison du commerce prospère de l’huile de baleine. Sur l'île, une petite communauté en particulier était respectée. "Les chasseurs de baleine de Nantucket peuvent être comparés aux pilotes de chasse de notre époque, car ils avaient l’étoffe des grands hommes", explique Philbrick. 

"Ils se pavanaient quand ils étaient en ville. C’étaient des explorateurs qui se rendaient dans des endroits inconnus pour se mesurer aux créatures les plus redoutables sur Terre. Je veux dire que ces aventuriers étaient épatants et un peu arrogants aussi. Ils regardaient de haut les paysans et les autres marins qu’ils considéraient comme inférieurs. Du coup, tout jeune garçon de Nantucket rêvait de devenir un jour chasseur de baleine". Mais au sein de la communauté des pêcheurs de baleine, il existait un système de castes reposant davantage sur le droit du sang que sur la dextérité au large. Owen Chase, par exemple, est un chasseur de baleine habile qui a souvent rapporté d'exceptionnelles quantités d’huile de ses expéditions en mer. Néanmoins, il ne peut pas être promu capitaine de l’Essex parce qu’il n’est pas né dans une famille de chasseurs de baleine. 

"Chase appartient à la classe ouvrière et possède les qualités et les compétences suffisantes pour devenir capitaine, sauf qu'il n'est pas bien né", remarque Chris Hemsworth. "Comme il n'est pas issu d’une famille privilégiée et ne porte pas le bon nom ou ne vient pas du bon milieu social, il est mis à l’écart pour ce poste et devient le second maître de George Pollard, ce qui le frustre et le met en colère". "Chase est courageux, noble et charismatique", ajoute Howard, "mais il a ses défauts. Il est animé par un besoin de se dépasser lui-même et il est déterminé à l’excès. Chris est un acteur extrêmement téméraire qui restitue chacune des facettes de son personnage, parfois sans même prononcer un seul mot. Grâce à son jeu, on arrive vraiment à connaître Chase intimement". 

Le ressentiment nourri par Chase à l’égard de George Pollard est exacerbé par le nouveau capitaine et son manque total d’expérience. "Il y a beaucoup d'animosité entre ces deux-là à cause de Chase, parfaitement conscient qu’il devrait être capitaine – et Pollard, de son côté, en est aussi pleinement conscient", confirme Hemsworth. 

"Quand ils essaient tous les deux d’exercer leur autorité sur l’équipage, la situation devient explosive, car ils ont des avis divergents sur la manière de s'y prendre. Les membres de l’équipage se demandent à qui faire confiance, puisque Pollard est le capitaine mais qu'Owen Chase est celui qui a le plus d’expérience". Même si Pollard est aux commandes, il doute de sa légitimité à exercer le pouvoir sur ses hommes. "George Pollard n’a pas pu choisir son destin", analyse l’acteur. 

"Il est issu d’une famille de chasseurs de baleine bien connue et on lui a inculqué qu'il fallait être à la hauteur du nom qu'il porte … qu’il en soit capable ou non. Il y a une forte pression qui pèse sur ses épaules et une fois qu’on l’a compris, on perçoit vraiment qui il est". "Ben Walker est un acteur de talent", déclare le réalisateur. "Il possède l’intelligence et la perspicacité nécessaires à appréhender toute la complexité d’un personnage comme Pollard, qui n’est motivé ni par un besoin de conquête, ni par celui de chasser des baleines, mais par celui de se mesurer à l’idéal que le nom de sa famille fait peser sur lui". "Et l’occasion s’offre à lui avec son premier poste de commandement, ce qui est à la fois un bien et un mal… jusqu’à ce qu’Owen Chase lui soit assigné comme second", raconte l’acteur. "Dès lors, la situation est tendue entre les deux hommes, ce qui pousse Pollard à découvrir sa vraie personnalité, loin du personnage qu'il joue quand il est en famille. Je trouve ça fascinant de voir quelqu’un se 'trouver' alors qu’il est confronté aux forces de la nature". 

"Ce qui est captivant, c'est la manière dont le film instaure un 'avant' et un 'après' et s'attache aux différentes réactions des rescapés du naufrage", acquiesce Hemsworth. "Ils sont devenus foncièrement différents de ce qu'ils étaient auparavant. De retour chez eux, comment se considèrent-ils ? Quel est leur regard sur le monde ? Comment envisagent-ils le commerce de la baleine ? Vont-ils repartir en mer et recommencer ? Ou bien vont-ils se dire, 'Ce n’est peut-être pas bien. Il doit y avoir une leçon à tirer de tout ça' ". 

La rivalité entre le capitaine et le second maître force le lieutenant Matthew Joy à tenter d’aplanir les dissensions qui émergent. "Matthew essaie de jouer les médiateurs pour désamorcer les tensions entre Chase et Pollard", indique Cillian Murphy. "J’ai aimé sentir la manière dont il se sent investi dans cette histoire. Il est évident qu’il est proche de Chase : ils naviguent ensemble depuis qu’ils ont 13 ans. On voit aussi que c’est un ancien alcoolique qui a pris un nouveau départ. C’est un personnage assez intéressant à jouer". Murphy ajoute qu’il a été autant séduit par le scénario que par le réalisateur. "J’ai lu le scénario et j’ai senti que c’était le type de grande aventure pleine d'action comme on en voit finalement assez peu", dit-il. 

"C’était le genre de scénario qui vous scotche et auquel on repense le soir et au réveil le lendemain matin". "Et il y avait aussi la perspective de travailler avec Ron, dont j’ai adoré tous les films", poursuit-il. "Je dis toujours qu’un réalisateur donne le ton à un tournage et que cela se transmet aux acteurs et à l’équipe technique. Sur un film de Ron Howard, il y a énormément d’énergie positive et il s’implique considérablement dans les moindres détails de la production et dans chaque personnage. Et son enthousiasme et sa joie de tourner sont communicatifs. C’est ce qu’il vous transmet". 

Deux acteurs de générations différentes campent Thomas Nickerson à trente ans d’intervalle. Le jeune Tom Holland joue le mousse de 14 ans lorsqu'il s’embarque pour sa première expédition de chasse à la baleine sur l’Essex. L’acteur chevronné Brendan Gleeson incarne l’homme qui porte encore les stigmates de son calvaire, même s'il les garde en lui pour la plupart. "Les deux Nickerson nous ont offert la chance d’explorer des facettes particulières de l’histoire qui sont à la fois intéressantes et émouvantes", explique le réalisateur. "Il y a le danger et l'exaltation liés à cette aventure vue à travers le regard d’un garçon et le traumatisme de la tragédie dont se souvient l’homme mûr". Tom Holland décrit le jeune Nickerson comme "l’un des enfants les plus durs que j’ai pu rencontrer. C’est un orphelin, il n’a personne et il se lance dans cette expédition avec une bande de marins endurcis dont c’est l’activité depuis des années. Il n’a absolument aucune idée de ce qu’il fait. Du coup, il s’y précipite les yeux grand ouverts et il se tient prêt à tout, sans vraiment savoir ce qui l’attend". Trente ans plus tard, on retrouve Nickerson. C’est maintenant le seul survivant de l’Essex et on le supplie de raconter les événements qui continuent de le hanter. 

"Ce n’était qu’un enfant quand il a été témoin de cette catastrophe abominable", commente Brendan Gleeson, "et il n’a jamais parlé de l’horreur de ce qu’il avait vécu. C’est un événement qu’il refoule depuis des années et c’est littéralement en train de le tuer. Quand il est enfin capable d’affronter ses souvenirs, ça a un effet cathartique". Celui qui l'enjoint de parler de cette tragédie est un jeune auteur nommé Herman Melville. Charles Leavitt souligne : "J’ai voulu mêler la véritable histoire de l’Essex avec la fiction de Melville au moment où celui-ci est en pleine gestation de son grand roman américain, 'Moby Dick'. L’histoire du film est racontée du point de vue de Nickerson mais on commence à entrevoir où l’imagination de Melville va l’emmener". 

Ben Whishaw a été choisi pour tenir le rôle du légendaire auteur. "Le film s’ouvre sur un Herman Melville en quête de vérité", indique-t-il. "Il a entendu des rumeurs et il croit qu’on a essayé d’étouffer ce qui s’est réellement passé sur l’Essex. D’une certaine façon, mon personnage est le catalyseur du film car c’est lui qui est capable d’amener Nickerson à raconter son histoire. Ils vivent ensemble une sorte de descente aux enfers : ils discutent toute la nuit et finissent par se voir sous un nouveau jour". Nickerson aurait très bien pu ne jamais se confier à l’auteur si sa femme, jouée par Michelle Fairley, n’était pas intervenue. "Elle encourage Melville à obliger son mari à dévoiler cette histoire, car elle sent que c’est leur seul espoir", reconnaît Gleeson. "Elle ne connaît pas l’étendue de la tragédie mais elle a vécu avec cette menace au-dessus de leur tête et elle a vu son mari se renfermer de plus en plus sur lui-même". 

"Dans AU CŒUR DE L’OCÉAN, il est aussi question des femmes dans la vie de ces hommes, parce que, dans l’histoire de Nantucket et du commerce de la chasse à la baleine, les vrais survivants étaient les femmes", reprend Howard. "Tandis que les hommes s’absentaient pendant plusieurs années d’affilée, ce sont les femmes qui s’occupaient du reste. Il ne suffisait pas seulement d’élever les enfants et de tenir la maison – elles s’occupaient aussi de la communauté". Charlotte Riley campe la femme affectueuse d’Owen Chase, Peggy, qui est enceinte de leur premier enfant. Quand son mari part en mer, il lui promet de revenir en vie. 

"Il est crucial de voir la relation qu’Owen et sa femme entretiennent au début pour comprendre le personnage [d’Owen]", développe le réalisateur. "Quand il doit trouver un moyen de rentrer chez lui, on doit comprendre que l'enjeu dépasse le simple fait de rentrer sain et sauf. Sa famille et la femme qu’il aime comptent plus que tout à ses yeux". Les hommes qui s’embarquent avec Pollard et Chase comptent également parmi eux Caleb Chappel (Paul Anderson), l’ami du jeune Nickerson, Barzillai Ray (Edward Ashley), le cuistot William Bond (Gary Beadle), Ramsdell (Sam Keeley), Richard Peterson (Osy Ikhile), Benjamin Lawrence (Joseph Mawle) et le cousin de Pollard, Henry Coffin (Frank Dillane), autre membre de l’éminente famille de chasseurs de baleine. Enfin, Jordi Mollá campe le capitaine d’un baleinier espagnol qui a eu le malheur de se trouver sur la trajectoire du cachalot et qui tente de prévenir l’équipage de l’Essex du danger qui les attend. 
Des monstres… existent-ils vraiment ? Ou est-ce que les histoires n’existent que pour nous faire respecter les secrets marins les plus sombres ? 
LA BALEINE 

De toute évidence, le cachalot joue un rôle primordial dans ce drame : sa création a donc mobilisé les compétences de plusieurs départements. "On a tous fait des recherches et analysé le comportement des grands cachalots", nous apprend Howard. "On a aussi rencontré des spécialistes de ce mammifère marin et des biologistes marins pour mieux les comprendre. Je m’intéressais surtout aux origines des événements. Personne n’avait jamais entendu parler d’un bateau inlassablement attaqué par une baleine : c’était sans précédent et insolite. J’en suis venu à croire que cet animal avait été poussé à bout au point d'en arriver à cet affrontement inéluctable". 

"On devait faire en sorte que le cachalot s’impose comme une présence bien vivante dans le film", assure le chef-décorateur Mark Tildesley. "On a testé quelques images de baleines blanches et elles avaient l’air magnifique mais malheureusement le blanc pur donnait une image trop éthérée et calme. Or au cours de nos recherches, on a appris que beaucoup de baleines commencent à perdre leur peau en vieillissant. On a donc opté pour une baleine plus sombre sur la peau de laquelle on distingue encore des zones blanches". "[Ce cachalot] porte aussi les cicatrices de précédentes attaques contre les hommes et d’autres prédateurs, et son apparence témoigne donc de la brutalité de son parcours", ajoute la productrice des effets visuels Leslie Lerman. 

Le cachalot a été animé en images infographiques grâce à l’équipe d’effets visuels, dirigée par Leslie Lerman et la responsable des effets visuels Jody Johnson. "Ça été un sacré défi, avec une créature d’une telle taille et d'une telle puissance, de ne pas en faire trop, car on ne voulait pas éloigner le public de la réalité pour l’embarquer dans un monde fantastique", commente cette dernière. "Chaque fois qu'on a élaboré une scène d’action qui impliquait l'énorme cachalot, ou n’importe quelle baleine, on l’a ensuite transmise à nos spécialistes pour en vérifier la crédibilité et savoir s'ils avaient d'autres comportements à suggérer. Ça nous a donné une grande liberté de création". Cette baleine se distingue de ses congénères par ses dimensions : 29 mètres de long, environ 80 tonnes et une queue d’une envergure de 6 mètres de large. En revanche, les autres cachalots mâles qu’ils rencontrent font à peine plus de la moitié avec une longueur d’environ 16 mètres. 

Paula Weinstein indique que la taille démesurée de ce cachalot n’est pas sa seule particularité. "Pour moi, c’est la nature qui parle à travers lui en s'exclamant, 'Ça suffit !' Il protège son territoire et demande aux hommes d’arrêter de l’envahir et de tuer sa famille. Et vu l’époque à laquelle nous vivons, c’est très important. Je pense que le public souhaitera voir Chase, Pollard et le reste de l'équipage survivre et rentrer chez eux sains et saufs, mais en même temps, ils applaudiront le cachalot. C’est ce mélange d’émotions qui rend l’histoire si séduisante". 
Depuis qu’on a découvert que l’huile de baleine permettait d'éclairer nos villes de façon révolutionnaire, la demande est mondiale. Et cela a poussé les hommes à s’aventurer toujours plus loin dans les profondeurs mystérieuses de l'océan. 
SUR TERRE ET EN MER 

AU CŒUR DE L'OCÉAN a été tourné quasi intégralement dans la continuité pour diverses raisons. Il s'agissait d'abord de respecter la transformation physique progressive des personnages : ces derniers souffrent de plus en plus au cours du film, tout d'abord d'un manque d'eau et de vivres, puis de l'impossibilité de ne pouvoir s'abriter des éléments implacables. L’allure des survivants du naufrage de l'Essex évolue considérablement au cours de l’histoire. Autant dire que les acteurs ont dû perdre beaucoup de poids pendant le tournage. 

Hemsworth raconte : "Ils ont dérivé en mer pendant des mois et quand on les a retrouvés, ils n'avaient pratiquement plus que la peau sur les os. On se nourrissait quand même un minimum et on se rappelait sans cesse que ce n'était rien comparé à ce qu'ils avaient enduré. On s'est tous soutenus les uns des autres pour garder le moral et oublier notre faim de loup". "Il n'y a pas mieux que de demander à une bande de gars de perdre du poids ensemble pour qu'ils se sentent soudés. Mais ça nous a également permis de nouer des liens sur le tournage, et c'était vraiment très important", commente Tom Holland. 

"On a commencé à se mesurer les uns aux autres dans un esprit de compétition assez sain, puis il y a eu un moment où les choses sont devenues plus tendues. On a cependant essayé de relativiser. On ne pouvait manger ni pizza, ni cheeseburgers mais ça en valait la peine puisqu'on tournait un film avec Ron Howard ! Et pour nous, éprouver un tel degré d'inconfort était en quelque sorte une façon de rendre hommage à ceux qui ont réellement vécu cette terrible aventure", analyse Walker. 

Le réalisateur salue la détermination et la motivation de l'ensemble de ses acteurs, déclarant même : "Je leur suis très reconnaissant de leur professionnalisme et de leur dévouement malgré leur faim constante et leur confrontation quotidienne aux éléments. On avait dès le départ une assez bonne idée de ce qu'ils allaient devoir affronter mais ils ont assumé leur rôle avec la plus grande intégrité". 

Si le dévouement des acteurs était total, la production ne leur a jamais permis de prendre le moindre risque, si bien que la perte de poids ne pouvait pas être excessive. Les maquilleurs, sous la houlette de la responsable du maquillage et des coiffures Fae Hammond, ont pu ensuite accentuer l'aspect famélique des comédiens et rendre les hommes de plus en plus émaciés. En outre, le maquillage a été utilisé pour montrer les effets de la déshydratation et de l'exposition prolongée au soleil. Pour aller encore plus loin, l'équipe des effets visuels a ensuite méticuleusement réduit la masse musculaire des silhouettes de chacun des personnages lorsque ceux-ci approchaient de la fin de leur calvaire. 

Le chef-costumier Julian Day révèle que la coupe des vêtements a été d’une grande importance : "On a conçu les costumes un peu trop larges mais ajustables avec des pinces dans le dos. Au début du film, ils sont très près du corps puis, au fur et à mesure, on les a de plus en plus relâchés jusqu’à ce qu'ils soient plus grands et qu'ils tombent différemment sur le corps des acteurs". 

Les privations dont ont souffert ces hommes ont été aussi bien physiques que psychologiques : la production ont engagé Steve Callahan pour apporter son expertise sur la survie en milieu aquatique afin d’aider les acteurs à mieux comprendre quelles sont les répercussions d'une telle épreuve. Navigateur chevronné, Callahan a vécu un naufrage et a dérivé en mer pendant deux mois et demi sur un canot de sauvetage au beau milieu de l'Atlantique, avant de raconter son aventure dans le livre "À la dérive : 76 jours perdu en mer". 

Il souligne que se battre pour sa survie est aussi éprouvant de nos jours qu'autrefois. "Ça a été très intéressant d’observer ces types apprendre à survivre quand le mental est affecté par le physique. Toutes les émotions et les tensions [de ces hommes] passant tour à tour du désespoir le plus profond à l’espoir restent les mêmes de nos jours qu’à cette époque". Étant donné l'activité de leurs personnages, les acteurs devaient néanmoins commencer le film en étant dans une grande forme physique : "Pour ces hommes, partir en mer était comme partir en guerre", affirme Hemsworth. "Ils partaient pour deux, trois ans et il y avait de fortes chances qu'ils ne reviennent pas. [Sur leurs bateaux], c'est comme s'ils vivaient dans les tranchées et c'était incroyablement dangereux". 

"Au début, Ron voulait que tous les acteurs soient en excellente forme et capables de supporter la vie ne mer. On avait donc une salle de sport sur le plateau et on s'entraînait tous ensemble", explique Cillian Murphy. Holland raconte : "J'ai dû m'exercer avec Chris Hemsworth, vous vous rendez compte ? C'était assez comique. Ma séance de musculation consistait à lever les poids qu'il laissait sur le banc", plaisante-t-il. Les acteurs ont aussi dû se préparer à exécuter toutes les tâches effectuées par des marins du XIXe siècle. 

La chef-cascadeuse Eunice Huthart précise : "Le plus important a été d'apprendre tout ce qui concerne la navigation car certains éléments sont les mêmes aujourd'hui. Vers la fin du tournage, je pense que les acteurs auraient vraiment pu naviguer autour du monde grâce à la formation exceptionnelle qu'ils ont reçue". "On a appris à gréer, à faire des nœuds et on a beaucoup ramé. On a ramé d'avant en arrière encore et encore afin de prendre le rythme. Je pense que je peux traverser la Manche à la rame maintenant", raconte Gary Beadle en souriant. Joseph Mawle ajoute : "Le plus grand défi que j'ai eu à relever a été de grimper jusqu'à plus de 12 mètres de haut sur une vergue, m’asseoir à califourchon et glisser jusqu’à son extrémité. Pour certains, ça a été quelque chose de relativement facile à exécuter mais les premières fois, j’étais tétanisé. J'ai pris conscience que j'avais le vertige ; mais j'ai fini par y arriver et surmonter ma peur m'a procuré une grande joie". Comme l'explique Franck Dillane, il n'aurait pas dû s'inquiéter autant : "Tout le temps qu’on passe dans la voilure, on est retenu par un harnais et même si on s'est entraîné à le faire, les techniciens du département des cascades font en sorte qu'on soit tout le temps en sécurité. Même si on tombait, on ne serait allé pas bien loin", commente Dillane. Cependant l’un des acteurs n'a pas eu à accomplir les tâches les plus physiques, reconnaît Walker : "On nous a appris à faire des nœuds, à mettre en place les voiles et à ramer à l'unisson… mais ce qui est bien, c'est qu'en incarnant le capitaine je n'avais pas à faire tout ça. Je n'avais qu'à donner des ordres aux autres et à les corriger s'ils les exécutaient mal", plaisante-t-il. 

Le fossé qui sépare ce capitaine nouvellement promu et son équipage est rendu flagrant par leurs costumes. Tandis que l'uniforme de Pollard est immaculé et n'a peut- être même pas encore été mouillé par de l'eau de mer, les vêtements de ses hommes révèlent au contraire toutes les traces d'usure d'une vie passée au large. "C'est son premier voyage en mer", raconte Julian Day, "il faut donc que [Pollard] ait l'air vraiment bien habillé tandis que les autres arborent des tenues de travail qu'ils portent probablement depuis des années. Avec Ron, nous avons discuté du fait qu'ils étaient plutôt des ouvriers que des marins et leurs vêtements reflètent cette idée. J'ai utilisé des matières adaptées à un temps humide comme de la toile de lin et des tissus enduits afin de les protéger de l'eau. On leur a aussi fabriqué des chaussures en matière synthétique plutôt qu'en cuir car ils passent beaucoup de temps dans l'eau, et si on mouille le cuir, ça le durcit et on ne peut plus le porter". 

Day explique que les chasseurs de baleine ne portaient pas d'uniforme particulier : "J'ai dessiné une veste bleue pour chacun des hommes, couleur qui rappelle la mer et le ciel. Ce qu'ils mettent en-dessous leur est propre mais j'ai voulu leur faire porter cette veste bleue, conçue dans des coupes et des tailles différentes pour créer un sentiment d'unité". Les marins avaient un autre élément de leur garde-robe en commun : le costumier a trouvé une spécialiste des lainages qui avait mené des recherches sur le bonnet de Monmouth [type de bonnet simple et rond en laine typique du Pays de Galles et exporté dans le monde entier pendant des siècles, NdT] porté par nombre de chasseurs de baleines à l'époque et il lui a été demandé d'en réaliser un pour chacun des acteurs présents sur le bateau. 

Le navire Essex que l'on voit dans le film est l’amalgame de deux bateaux : l'un est un véritable voilier utilisé en pleine mer et l'autre une réplique placée dans un bassin des studios de Leavesden. "On a effectué de nombreuses recherches", raconte Mark Tidesley. "Bien évidemment, il ne pouvait pas y avoir de photographies à l'époque mais nous avons réuni des images à partir de tableaux, de gravures et d'autres illustrations. Il existe également un musée de la baleine dans la ville de Mystic dans le Connecticut où est conservé le dernier baleinier d'origine, le Charles W. Morgan. Il a été complètement restauré et a été une formidable source d'inspiration". 

Le chef-décorateur s'est mis à la recherche d'un bateau qui pourrait servir de doublure à l'Essex : il devait mesurer plus de 30 mètres, pouvoir être cloisonné pour qu'une partie serve de cabine au capitaine, et une autre à l'équipage, et posséder un pont inférieur pour stocker les barils d'huile. Les bateaux étaient équipés de 4 ou 5 canots d'environ 10 mètres de long qui étaient mis à flot quand la sentinelle hurlait "Baleine en vue !" en apercevant leur proie. Tildesley et son équipe ont sillonné le monde entier à la recherche d'un bateau de taille suffisante et ont découvert "qu'ils sont réservés des années à l'avance. Mais on a eu la chance d’en dénicher un en Cornouailles, le Phœnix, de taille similaire à l'Essex, même s'il n'avait que deux mâts alors que l'Essex en comptait trois. C'était donc un petit compromis", se souvient-il. 

L'équipe Décors a ensuite construit une réplique du Phœnix sur un cardan au milieu d'un vaste bassin extérieur aux studios de Leavesden : "La réplique a été conçue légèrement plus grande pour que ce soit plus facile d'y travailler", raconte Tildesley. "Elle est constituée d'une structure en acier mais tout ce que l'on voit – les gréements, les mâts, etc. – a été réalisé par une entreprise de construction navale. De fait, l'extérieur est une copie du navire d'origine". L'intérieur a été une autre affaire. L'équipe dirigée par le responsable des effets spéciaux Mark Holt a équipé le bateau de réservoirs d'eau qui pouvaient être remplis ou vidés pour modifier la flottaison de l'embarcation et même le faire basculer complètement d'un côté ou carrément le couler. Le bras hydraulique monté sur le cardan a permis de faire violemment tanguer le bateau, ce qui a été très important pour la séquence dans laquelle Pollard veut mettre à l'épreuve le courage de son équipage et dirige volontairement le navire tout droit dans une tempête. "C’était crucial de filmer dans le bassin, car ce n’était pas prudent de tourner en mer", confirme le réalisateur, "que ce soit pour la scène de la tempête ou celle où le cachalot les charge et coule le bateau, ou encore toutes les scènes qui ont nécessité un certain nombre de cascades".

Grâce aux efforts de l’équipe Effets spéciaux, les scènes ont paru bien réelles aux acteurs. "C’était comme se retrouver dans un parc d’attractions aquatique infernal", déclare Walker, pince-sans-rire. "On était là, à s’amuser comme des fous jusqu’à ce qu’ils démarrent ces énormes ventilateurs et ces canons à eau, puis Ron a lancé 'Action' et s’attendait à ce qu’on joue. Heureusement, on était tous ensemble". "Il faut voir qu'on était en plein hiver, du coup ça n’a pas été des plus faciles", insiste Hemsworth. "Ron nous a même dit qu’on n’avait pas besoin de faire semblant d'avoir une sale mine, parce que c'était le cas", dit-il en riant. "Ça a été l’une des expériences les plus difficiles que j’ai eu à vivre mais aussi l’une des plus enrichissantes, car quand on est dirigé par Ron Howard, dont l'énergie et la passion sont communicatives, tout le monde est emporté dans son sillage, des acteurs à l’équipe technique. Personne ne voulait le décevoir". 

Brian Grazer partage l’admiration des acteurs pour son fidèle associé. "Même au bout de 33 ans, je suis encore ébloui par son talent. On était dans cet immense bassin et il y avait énormément de paramètres à prendre en compte : des ventilateurs, des machines à faire des vagues, des bateaux sur un cardan, toutes sortes de caméras, des effets visuels… Mais Ron était parfaitement dans son élément, en grand metteur en scène qu'il est. J’adore toujours autant observer son talent en action". 

Tout comme la réplique de l’Essex, les chaloupes ont été fabriquées par de vrais constructeurs de bateaux. Initialement réalisées en bois, elles ont ensuite été moulées puis reproduites en fibre de verre, "parce que celles en bois étaient trop lourdes pour être hissées sur le plateau", explique Tildesley. "On les a alors revêtues de bois pour qu’elles ressemblent exactement aux bateaux d'origine". Chaque navire ou bateau, sur l’océan ou sur un bassin, a été équipé de plusieurs caméras, ce qui a permis à Howard et à son directeur de la photographie Anthony Dod Mantle de donner au public le sentiment d’être au cœur de l’action. "Anthony a l’œil très sûr et a su faire de cette histoire classique un film très moderne et d’une grande sensibilité", indique le réalisateur. "La présence des caméras à bord nous a permis de rendre l'ensemble très vivant et de créer une réelle expérience d’immersion. On veut que le public ait l’impression d'être aux côtés des personnages et de partager ce qu’ils vivent". Comme des projecteurs, des caméras et d'autres éléments modernes jonchaient les ponts, Tildesley a eu l'idée ingénieuse d'en camoufler les câbles en fabriquant de faux cordages en caoutchouc qui pouvaient se fixer aux fils électriques pour les cacher. 

Réalisateur, acteurs et techniciens se sont ensuite rendus à La Gomera, l’une des plus petites îles de l'archipel des Canaries, où aucun tournage n'avait encore eu lieu. Le Phœnix est parti du Royaume-Uni pour rejoindre le site, offrant au département Effets visuels l’occasion de filmer des étendues d’eau depuis le pont du navire pendant la traversée. L'équipe s'est ainsi constituée un fond d’images prises à toute heure du jour et de la nuit et par tous les temps pour améliorer et rendre encore plus grandioses les panoramas des scènes maritimes. L’île choisie pour le tournage a fourni tout ce dont la production avait besoin, et notamment une étendue d’eau d'un bleu pur et d'un calme absolu. La production a pris ses quartiers dans le petit port de Playa Santiago, d’où l’Essex et son équipage ont pris la mer… entourés d’une flottille d’embarcations chargées des repas, des caméras, du maquillage et des coiffures, ou assurant les navettes. Les habitants de l’île ont été particulièrement accueillants envers les acteurs et l'équipe technique, et certains ont même travaillé sur le film. Après cinq semaines dans les eaux de La Gomera, la production s’est déplacée sur une plage de Tenerife pour une semaine de tournage sur ce qui devait apparaître comme une île déserte. 

La plage d’El Golfo à Yaiza a été choisie en raison de ses formations rocheuses inhabituelles et de sa magnifique lagune verte, dernier vestige d’un ancien volcan. AU CŒUR DE L'OCÉAN s’ouvre et se termine par des scènes décisives qui se déroulent au sein de la communauté de chasseurs de baleine de Nantucket au XIXe siècle. Le film débute en 1850, alors que Melville est à la recherche de Tom Nickerson, puis bascule en août 1819, au moment où l’Essex lève l’ancre pour son ultime périple appelé à devenir mythique. Le film s'achève en 1850 : Melville repart, après avoir entendu le récit de cette histoire tant attendue. L'écrivain en tirera l’un des chefs d'œuvre de la littérature mondiale. Après avoir repéré plusieurs villes portuaires au Royaume-Uni, l'équipe a compris que s’il était possible de reconstituer l’époque en Angleterre, son architecture n’avait rien à voir avec celle de la Nouvelle-Angleterre. 

En fin de compte, on a décidé que le mieux était de reconstituer la ville à Leavesden, faisant du bassin existant le port", se souvient Tildesley. Toutefois, comme les scènes se déroulent à trente ans d’intervalle, Tildesley et son équipe ont dû aménager le plateau à deux périodes différentes. "Notre version de Nantucket, aux alentours de 1819, est boueuse, les routes sont sales et les constructions sont plus éparpillées", relate le chef-décorateur. Pour souligner les changements survenus en trente ans, "on a pavé la rue principale et installé une voie de chemin de fer au beau milieu pour évoquer le passage du temps", reprend-il. "Il y a aussi des bateaux à vapeur dans le port, parce que c’est alors l’ère des machines à vapeur". 

Le plateau a été entouré de fonds bleus pour permettre à l’équipe Effets visuels de magnifier les décors de Tildesley et de faire en sorte que l’arrière-plan du vieux Nantucket s’étende jusqu’à l’horizon Nathaniel Philbrick a été totalement ébloui par le décor. "Ma femme et moi sommes venus de Nantucket, où nous vivons depuis 28 ans, et avons débarqué dans le Nantucket du XIXe siècle", fait-il remarquer. "On a été époustouflés. C’est incroyable de penser qu’un lieu aussi petit ait pu fournir de l'éclairage au monde entier. Mais quand il s’agissait des baleines, les habitants de Nantucket étaient vraiment irrationnels. De nos jours, ils sont fiers de leurs origines mais ils ont un point de vue différent sur ces grands mammifères. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour les sauver et je pense que cela prouve qu'on peut apprendre des erreurs du passé pour préserver l'avenir". 

Après le tournage, Howard avait d'autres défis à relever : "La postproduction s'est elle aussi avérée complexe", dit-il, "car tout était une question d’équilibre, entre l’ancien et le récent, le traditionnel et le dernier cri. C'est le genre de difficultés que les chefs monteurs Dan Hanley et Mike Hill, le compositeur Roque Baños et moi-même avons dû affronter". "Pendant le tournage, Roque et moi nous sommes rencontrés pour parler du mélange de classicisme et de modernité que je souhaitais créer", poursuit-il. "Roque est un virtuose de formation classique qui a déjà composé pour des films de genres très divers. J’ai donc compris qu’il saurait exploiter chaque facette de cette tragique aventure. Et j’ai eu raison. Sa musique est puissante et sensible". 

Howard révèle que Baños a fait appel à d’autres dispositifs que les instruments traditionnels en prêtant attention au décor maritime. "Ses percussions ont intégré des accessoires empruntés au film, à l'instar de harpons, de cordages, de meules d’affûtage et d’autres outils de l’époque", renchérit-il. "Avec l’orchestre, tout a concouru à prêter à la musique les caractéristiques propres à ce voyage". "En tournant AU CŒUR DE L'OCÉAN, je voulais que le temps soit aboli, que les spectateurs puissent se sentir proches des personnages et soient emportés par la tragédie qui se déroule sous leurs yeux. J’ai mobilisé tout ce que j’ai appris au cours de ma carrière pour essayer de transporter le public dans cet univers. En lui faisant vivre cette aventure, j’espère qu'il sera sensible à sa dimension humaine… et l’histoire des hommes de l’Essex a de quoi nous faire réfléchir pour les générations à venir", conclut le réalisateur.

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