jeudi 19 juillet 2018

ROULEZ JEUNESSE


Comédie/Malgré de petits défauts, c'est une jolie découverte, un film qui a du cœur

Réalisé par Julien Guetta
Avec Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan, Philippe Duquesne, Déborah Lukumuena, Satya Dusaugey...

Long-métrage Français 
Durée : 01h24mn
Année de production : 2017
Distributeur : Le Pacte 

Date de sortie sur nos écrans : 25 juillet 2018


Résumé : Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige d'une main de fer sa mère. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle, mais au petit matin elle a disparu lui laissant sur les bras trois enfants.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai penséROULEZ JEUNESSE est une comédie dramatique française à petit budget qui s'en sort très bien pour nous entraîner dans son aventure touchante. Ce film a quelques défauts : son scénario n'évite ni certaines caricatures ni des situations parfois convenues et son rythme est un peu bancal. Cependant, son histoire a du cœur et cela vient contrebalancer ses manquements. Le réalisateur, Julien Guetta, établit bien les différentes ambiances (la petite entreprise de dépannage, la maison familiale bordélique, la planque du célibataire endurci) qui cohabitent dans son long-métrage. Il garde une cohérence de ton et sa narration est fluide. 

Eric Judor interprète Alex, un homme-enfant, qui va voir sa vie chamboulée par une rencontre inopinée. L'acteur porte le film sur ses épaules et il le fait très bien. Il est juste et attachant dans ce rôle. 



Les enfants sont absolument adorables et naturels, ce qui facilite la compréhension des réactions d'Alex pour les spectateurs. 




Les seconds rôles sont, dans l'ensemble, assez solides.



ROULEZ JEUNESSE est un film qui raconte une histoire simple qui sait fait ressortir la tendresse, malgré une thématique sociale de fond dure. Il n'est pas larmoyant. Même s'il ne déborde pas d'originalité, il sait parler aux émotions des spectateurs. On a plaisir à partager ce moment avec l'acteur principal. C'est une jolie découverte.


NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

ENTRETIEN AVEC JULIEN GUETTA 

Votre film ROULEZ JEUNESSE est loin des schémas de narration classique : Alex, le personnage principal (Éric Judor) vit encore chez sa mère à 43 ans mais a peu en commun avec les adulescents qu’on croise au cinéma. 

Ce n’est pas parce qu’un personnage vit encore chez sa mère à 43 ans qu’il ne s’assume pas et qu’il est considéré comme un Tanguy. Je ne voulais pas inscrire mon film dans la lignée des comédies sur les adulescents, je suis plus inspiré par des films comme 5 PIÈCES FACILES. Alex n’est pas un handicapé de service, il est indépendant, comme il le dit, il vit « à côté de chez sa mère, pas chez sa mère ». C’est un type qui roule toute la journée, seul, il ne se prend pas la tête avec les filles... Et c’est l’aventure qu’il va vivre en se retrouvant avec trois jeunes enfants qui va l’amener à changer. Doucement le film glisse vers quelque chose de plus dramatique. J’ai toujours en tête ce personnage que l’on retrouve souvent en littérature ou au cinéma : un mercenaire, un solitaire individualiste qui en se frottant à l’altérité va décider de servir la cause d’un autre, le secourir et devenir « chevalier ». Là où le film se démarque, c’est qu’à la fin de l’histoire, Alex ne doit pas régler seulement ses problèmes mais ceux des enfants. 

Pour autant, le personnage ne devient pas forcément un héros modèle. 

Les enfants sur lesquels tombe Alex sont vraiment abandonnés. Le désarroi et les pulsions de rejet qu’il a à leur égard, puis son attachement progressif n’iront pas jusqu’à les lui faire adopter. Alex ne devient pas leur père mais une présence amie qui sera toujours là pour eux. 

Comme LES VENTRES VIDES et LANA DEL ROY, vos deux précédents courts métrages, ROULEZ JEUNESSE traite des liens familiaux. 

C’est vrai, c’est un sujet récurrent dans mon travail car il s’impose à moi. Comment se construire avec l’héritage familial ? Comment continuer à vivre quand il y a des absents ou au contraire quand il y a un membre qui prend trop de place ou toute l’attention ? Ce qui m’intéresse, ce sont les relations dans une famille déconstruite, reconstruite. Toutes ces questions liées à la filiation, à la transmission, aux fratries, me passionnent… 

ROULEZ JEUNESSE démarre sur un rythme de comédie échevelé – les scènes sont coupées très cut, les péripéties s’enchaînent – jusqu’à faire basculer tout doucement le film vers le drame. Un drame d’où l’humour n’est d’ailleurs jamais complètement exclu. 

Tout l’enjeu du film était de réussir à amener le spectateur sur un terrain auquel il ne s’attend pas. Je savais le virage difficile à négocier mais j’y tenais énormément. L’idée était d’affronter les situations mises en place et d’aller jusqu’au bout. J’aime faire un cinéma divertissant mais profond, drôle mais sérieux, qui puisse mélanger drame et comédie. C’est ce que j’apprécie dans les films britanniques. 

Le rythme effréné de la première partie était-il déjà présent à l’écriture ? 

Absolument, je tenais à ce que le film aille vite, soit toujours en mouvement, que les événements s’enchaînent à toute allure et qu’il soit court. C’était un vrai plaisir dès le moment de l’écriture de fabriquer ce rythme. 

Combien vous a-t-il fallu de versions avant d’arriver à celle du film ? 

Beaucoup. Il a fallu beaucoup d’étapes pour arriver à la version finale. Au début de l’écriture, Alex était juste un type irresponsable et immature. Je sentais que mon personnage manquait de profondeur. Au fond un personnage clé me manquait, celui de la mère. À partir du moment où j’en ai fait la patronne du garage où travaille Alex, tout s’est enchaîné rapidement. Le film avait trouvé son sens et mon héros son vrai problème. 

Une mère qui empêche son enfant de grandir alors qu’elle l’exhorte constamment à saisir ses responsabilités. 

Exactement. La transmission n’est pas un processus facile. Mon père et mon frère travaillent ensemble dans l’entreprise familiale et je vois bien comme mon père peine à laisser les rênes à mon frère. C’est complexe car il ne cesse de le pousser à s’investir davantage mais il n’arrive pas à lui céder totalement la place. Leur relation m’a inspiré pour poser le rapport entre Alex et Antoinette. 

Face aux trois enfants qu’il découvre livrés à eux-mêmes après sa nuit d’amour avec une inconnue, Alex a une réaction d’épouvante qui frôle le burlesque : il cherche à tout prix à se débarrasser du dernier, un nourrisson qu’il est prêt à glisser de force entre les grilles de l’école où vont les plus grands. Se fait jeter par un officier de police au commissariat qui lui indique qu’il doit patienter trois jours avant que sa requête soit prise en compte. Affronte enfin une assistante sociale qu’il a eu le malheur de délaisser. On est en plein délire… 

J’ai voulu pousser les scènes jusqu’au bout pour apporter de la comédie. Je voulais mettre mon héros dans l’impasse totale ; tout lui tombe dessus, ça ne s’arrête jamais. Chaque situation nouvelle amène le personnage à se découvrir. Et nous, spectateurs, on comprend ainsi de mieux en mieux toutes ses facettes. 

Parlez-nous de ce trio de mécaniciens décalé, paresseux et fantasque que vous faites fonctionner comme une sorte de chœur qui commenterait les événements… 

C’est un trio attachant qui amène de la comédie et de l’humanité, qui inscrit le garage dans un univers loufoque. J’adore ces seconds rôles qui enrichissent un film ; chaque personnalité ouvre sur d’autres univers.

Avez-vous tout de suite songé à Éric Judor pour le rôle d’Alex ?

Pas immédiatement. Mes producteurs et moi étions en quête d’un quarantenaire connu : des noms émergeaient mais ça manquait de surprise. Je commençais à désespérer lorsqu’un jour, j’ai croisé Éric Judor qui sortait d’une maison de production. J’ai eu un flash et ai aussitôt appelé les producteurs qui ont trouvé l’idée géniale. Éric a aimé le scénario, c’était parti. Je trouvais qu’il incarnait un homme moderne, avec une présence physique à l’américaine, avec de l’humour. Et le challenge pour moi était de l’emmener dans un genre qu’il n’avait jamais joué, plus dramatique. Tout de suite, c’est devenu pour moi une des ambitions du film : le montrer comme on ne l’avait encore jamais vu au cinéma. Et c’était précisément ce qui m’intéressait : réussir à emmener ce comédien qui véhicule ne image très forte de comédie vers une note plus grave, inattendue, qui cueille le spectateur. Il a été formidable. Éric est un acteur incroyable.

Le reste du casting est également très surprenant…

Avec Éric, qui a un univers très fort, la charpente était posée. J’ai eu envie de réunir autour de lui des acteurs très différents et de les emmener autre part, j’aime mélanger les genres. Dans ROULEZ JEUNESSE, on retrouve Deborah Lukumuena, l’actrice de DIVINES, Maxence Tual, qu’on a vu dans APNÉE, Brigitte Rouän et Philippe Duquesne qui viennent chacun d’autres familles de cinéma. Certains comédiens comme Madeleine Baudaut, qui interprète l’une des garagistes, n’avait encore jamais tourné au cinéma.

Comment avez-vous trouvé les enfants ?

On a vu beaucoup d’enfants en casting, ça a pris du temps. J’ai revu les trois enfants plusieurs fois avant de me décider et ces quelques séances nous ont permis de mieux nous connaître. Nous avons beaucoup répété ensemble. Parallèlement, ils travaillaient chacun de leur côté. C’était d’autant plus difficile pour le petit Ilan qui n’avait que six ans et ne savait pas encore lire : il a dû apprendre son texte par cœur. J’ai été bluffé par sa façon de travailler sur le plateau, son intuition, sa complicité avec Éric, sa faculté à écouter l’autre acteur, c’est un vrai comédien. Il a aussi fallu mettre en confiance Louise qui est une jeune fille sensible et très timide. Elle était très stressée pour la scène de l’annonce de la mort de la mère mais elle a su transformer son stress en une émotion qui me bouleverse à chaque fois que je vois la scène.

De quelle manière travailliez-vous avec eux ? Éric Judor participait-il à ces séances ?

Dans un premier temps, nous nous sommes vus uniquement avec les enfants, nous avons répété à trois. Je leur ai expliqué ce qu’était un tournage, comment allait se dérouler les prises, etc. Éric est ensuite arrivé pour des répétitions tous ensemble. Il était important qu’ils se rencontrent et je tenais à ce que nous répétions la scène où il leur annonce la mort de leur mère. C’était capital pour moi d’être sûr qu’elle fonctionnait. Je réécris toujours au moment des répétitions en fonction des propositions des acteurs, ils me nourrissent énormément.

Comment avez-vous abordé le rôle d’Alex avec Éric Judor ?

On s’est vus souvent et on a fait beaucoup de lectures du scénario. Éric apporte énormément dans ce type de séance : pour le rythme, notamment. Il écrit, il réalise, je n’ai eu aucun problème à prendre les idées qu’il apportait.

Vous connaissiez l’acteur comique. L’acteur dramatique vous a-t-il surpris ?

Dès les répétitions, je savais qu’il relèverait le pari, il y avait tout de suite une sensibilité, une fragilité qui se dégageaient de lui. Éric maîtrise parfaitement la comédie mais j’ai été fasciné par ce qu’il peut donner dans le drame.

Avec de telles ruptures de ton, on imagine que le film a été très découpé en amont ?

Avec peu de temps de tournage, un chien, des enfants et une voiture sur le plateau, c’était d’autant plus indispensable que nous n’avions pas énormément de moyens. J’avais envie que le film soit beau, lumineux ; on a beaucoup travaillé en amont avec mon chef opérateur et la complicité d’une directrice artistique. Il n’y avait pas vraiment de place pour l’improvisation, les répétitions ont été fondamentales.

Votre personnage principal est entouré de femmes fortes qui le bousculent pendant tout le film.

C’est vrai. Plus il avance, plus ce sont les femmes qui lui donnent une direction à prendre. Certaines sont là pour le remettre à sa place ou l’inspirer dans ses choix – même Tina, la plus jeune de toutes. Les femmes sont de toute façon toujours plus matures que les hommes et particulièrement dans mon film !

Aviez-vous des références cinématographiques en tête ?

J’aime plusieurs styles de cinémas. Ken Loach pour qui j’ai une admiration sans borne – il n’a pas peur d’amener de la comédie dans le drame. Scorsese pour sa faculté à entraîner le spectateur vers quelque chose de flamboyant, sa façon d’amener du mouvement en permanence. Spielberg pour la façon dont il dirige les enfants…

L’image est de Benjamin Roux… un nouveau venu.

Nous nous sommes connus à Émergence, où je développais mon scénario. Benjamin a fait une très belle lumière et j’aimais l’idée que ce soit aussi un premier film pour lui. Thomas Krameyer, qui avait déjà signé la musique de mes courts, a également fait son baptême du long avec ROULEZ JEUNESSE. J’aimais l’idée que ce soit aussi une première fois pour eux.

Vous accordez une grande place à la nature…

C’était très important et cela nous a pris beaucoup de temps durant les repérages. Il s’agissait de raconter une histoire difficile, forte mais je voulais malgré tout que le film soit lumineux. J’ai tenu par exemple à ce que l’annonce de la mort se passe en une fin d’après-midi d’été où la lumière raconte plus l’espoir que la mort. Cela apporte quelque chose au film.

Un mot sur le montage…

L’enjeu était de trouver un équilibre entre comédie et drame. Tout était une question de dosage. Ça a été un moment long et intense.

Pouvez-vous nous parler des musiques du film ?

Je voulais quelque chose de groovy qui soit à l’image de mon personnage. La musique accompagne la direction artistique du film, atemporelle… Il y a du Queen, du Moody Blues, du Nick Drake ; ils nourrissent mon univers.

ROULEZ JEUNESSE offre une fin très ouverte…

À la toute fin du film, on est heureux de voir Alex et les enfants réunis. Il est resté quelque chose de leur aventure. Alex a grandi, il dirige l’entreprise même si sa mère est toujours très présente. Il est proche des enfants mais ceux-ci ont quand même été placés en famille d’accueil. Il se dégage alors une douce joie teintée de mélancolie. La vie va continuer malgré les drames, c’est le début d’une histoire pour Alex et les enfants.

ENTRETIEN AVEC ÉRIC JUDOR

Quelle a été votre réaction en découvrant le scénario du film ?

Je l’ai trouvé formidable. Avec, quand même, un gros point d’interrogation : je n’avais aucune idée de ce qu’avait réalisé Julien auparavant. Or, selon la personne qui réalise ce type de projet – un projet quand même très risqué puisqu’il mélange la comédie et le drame – soit on tombe dans la franche rigolade, et c’est loupé ; soit on nage en plein drame et ça devient mièvre. J’avais besoin de savoir à qui j’avais affaire. J’ai demandé à Julien de visionner un de ses derniers courts métrages, LANA DEL ROY. Sa direction d’acteurs – le jeu des enfants notamment –, et la justesse de ses scènes m’ont bluffé. J’étais partant.

ROULEZ JEUNESSE est très différent de tout ce que vous avez fait jusqu’ici.

C’était très nouveau, et je trouvais justement que ça pouvait être une nouvelle étape pour moi. J’ai pensé : « S’il transpose la direction artistique du court sur ce film-là, ça peut être vraiment bien. »

Qu’est-ce qui vous séduisait particulièrement ?

Le rythme du début, que je trouve extrêmement malin. J’adore cet enchaînement de personnages qui se succèdent dans la dépanneuse d’Alex. Ce sont des scènes courtes, très drôles, on ne voit absolument rien venir. Et puis peu à peu, par paliers, assez subtilement, le spectateur embarque vers autre chose.

Comment décririez-vous Alex, votre personnage, à ce moment-là ?

Alex, c’est moi à 27 ans. J’avais le même rapport avec mes parents que celui qu’il a avec sa mère ; je travaillais juste assez pour pouvoir me payer des super vacances et le reste du temps, je vivais chez eux comme à l’hôtel. Je ne m’en faisais pas. Jusqu’à ce qu’un événement vienne changer net ma vision… Et c’est exactement ce qui se passe pour lui. Sa rencontre avec les enfants l’oblige à devenir responsable. Ils sont plus matures que lui : ça finit par le secouer, il comprend qu’il a un sacré retard à rattraper.

Sa prise de conscience est loin d’être immédiate…

Il se fout carrément des mômes au départ, ce qui permet d’enchaîner sur des scènes de comédie. Et puis à un moment, le déclic se produit. Je crois beaucoup à ces micro-événements qui changent le cours d’une vie. Une seconde peut suffire à prendre une nouvelle direction. Récemment, j’ai regardé un documentaire sur l’évolution de la musique ces vingt dernières années. Ce film a clairement réorienté ma propre façon d’aborder mon avenir artistique. J’ai compris que je devais évoluer. La culture et les supports changent, il faut savoir changer de cheval quand le sien est fatigué et que l’on se sent arriver au bout des choses. Je suis comme Alex, prêt à un nouveau départ.

Vous êtes acteur, auteur, réalisateur et producteur. Est-ce un handicap lorsqu’on se lance sur un premier long métrage ?

Cherche-t-on au contraire à prendre le pouvoir ? Ni l’un ni l’autre. Évidemment, on a un avis et on espère que le réalisateur le partage. Mais c’est aussi intéressant qu’il défende ses arguments. J’aime les gens de conviction qui me répondent, me convainquent, parce que cela veut dire qu’ils ont du style. Et ce n’est nullement une question de premier ou de dixième film. Certains cinéastes soi-disant expérimentés n’ont aucune idée de ce qu’ils veulent faire et avancent à vue, et j’ai beaucoup de mal avec ça. Très clairement, Julien savait où il allait. On vous connaît dans le registre comique.

Comment réussit-on à doser ses effets sur un film qui joue autant sur les ruptures de ton ?

Au début, j’avais tout le temps envie de pousser les chevaux. Sur toutes les scènes. J’en rajoutais des caisses et Julien n’arrêtait pas de me freiner. Au bout d’une semaine, il a réussi à me convaincre de gommer des choses et puis, enfin, un jour, il m’a dit : « Voilà, il est là, ton personnage ! » À partir de ce moment, j’ai à peu près réussi à naviguer comme il le souhaitait même si, de temps en temps, j’essayais de rajouter un gag. Et plus on avançait dans le tournage et mieux je comprenais où il voulait m’emmener. Je faisais moins d’écarts.

Quel directeur d’acteurs est Julien Guetta ?

Il a une musique dans sa tête et tant qu’il ne la retrouve pas sur le plateau, il nous fait refaire la scène. Il nous est arrivé de tourner la même séquence jusqu’à trente prises.

Le drame est un terrain que vous n’aviez encore jamais exploré. Avez-vous eu du plaisir à vous y confronter ?

C’est la première fois que j’interprète un personnage que les événements affectent – que ce soit dans mes films ou dans PLATANE, la série que je réalise sur Canal+, je reste toujours en dehors, les choses glissent sur moi. Avec Alex, c’était différent : je ne me suis jamais livré comme ça sur un plateau, je me suis complètement ouvert et, d’une certaine façon, c’était horrible. Pour la scène dramatique de fin avec les enfants, j’étais effondré. C’était un moment vraiment affreux, j’ai pleuré toute la journée et mis vingt-quatre heures à m’en remettre. Je ne sais pas comment font les autres acteurs. Moi, j’ai vraiment vécu le truc.

Racontez.

Nous l’avons tournée quinze jours après le début du film – Julien m’avait laissé un peu de répit. J’avais eu le temps de rentrer dans mon personnage et de me familiariser avec l’équipe et les enfants. J’ignorais complètement dans quel état je serais : si je serais ému, si j’aurais besoin de me recueillir dans ma loge, si je réussirais à reparler normalement aux gens après… En temps normal, lorsque je suis un mode comique, j’essaie toujours de maintenir un climat de plaisanterie avec les techniciens, je les mets dans ma poche, je les fais rire avant la scène, et je sais qu’ils riront pendant. Là, impossible. Je n’avais plus d’alliés. Je ne savais pas si j’étais capable de jouer ce qu’on me demandait. Je ne peux pas dire que cela m’a ennuyé de jouer cette scène mais j’y ai laissé quelque chose de moi, un moment d’émotion fort que je préfère garder pour ma famille – ma vraie femme, mes vrais enfants. Ce n’est pas un hasard si je suis devenu humoriste. Je suis pudique, je n’aime pas montrer ce que je ressens. Pourtant, paradoxalement, c’est beaucoup plus facile que de faire rire. On donne davantage, c’est plus déchirant. Mais, techniquement, c’est plus facile.

Parlez-nous du travail avec les enfants.

Avec Ilan, le petit garçon, j’avais l’impression de jouer avec Ramzy jeune : c’est une vraie boule d’énergie. Ilan était très jeune et Julien se montrait très exigeant avec lui. On dit toujours qu’il n’y a rien de pire que de tourner avec des enfants et un chien. En réalité, c’est bien pire de tourner avec Ramzy ; il est plus chien fou que les trois enfants et le chien réunis !

Cela fait des années que Ramzy opère un virage au cinéma avec des rôles plus dramatiques…

C’est quelque chose qu’il aime et en quoi il excelle. Il a vraiment cela en lui.

On a, au contraire, l’impression qu’avec ROULEZ JEUNESSE, vous avez éprouvé l’envie d’un « one shot ».

L’avenir le dira. J’ai le sentiment d’avoir laissé quelque chose de moi dans ce film. Alors que mon vrai moteur, c’est de m’amuser. Je ne retrouve pas ça dans le drame. Mais j’avance en âge, les choses évoluent. Finalement, tout est une question de rencontres. Vous êtes très critique envers les comédies mainstream… C’est vrai. Je les trouve catastrophiques. Elles s’emparent systématiquement de thèmes qui parlent au plus grand nombre. Elles sont mièvres, mal écrites, mal filmées, les arrière-plans sont bâclés, les gags déjà vus deux cent mille fois. Et le public les plébiscite. ROULEZ JEUNESSE, au contraire, prend des chemins de traverse. C’est ce genre de film que j’ai envie de défendre.

La fin de ROULEZ JEUNESSE, par exemple, ne se clôt pas par un happy end.

C’est ce que j’aime parce que c’est la vie. Ce type et ces mômes ont des vies cassées mais ils reprennent le dessus. Ils ont tout à inventer et ça, c’est la vraie vie. Ça me va !

Vous préparez une nouvelle saison de PLATANE. Votre vie à vous consiste de plus en plus à tout contrôler en occupant tous les postes. Pourquoi ?

C’est une règle que je me suis fixée depuis déjà longtemps. Notre démarrage a été très chaotique, avec Ramzy ; nous avons été parfois contraints de défendre des choses qui ne nous ressemblaient pas. L’expérience m’a appris que, si je voulais être fier de ce que je présentais, je devais être présent à toutes les étapes. C’est devenu vital pour moi.

Vous avez vécu un gros échec avec LA TOUR DE CONTRÔLE INFERNALE. Cela vous affecte ?

J’avais des attentes sur ce film, j’y avais mis beaucoup d’idées neuves, des rôles secondaires formidables… ça n’a pas pris. Et oui, j’ai été déçu.

Et quand vous tournez pour les autres ?

C’est un entracte. Un entracte heureux. Avez-vous toujours ce projet de réaliser votre projet de film sur ZORRO ? Plus que jamais. Je suis en train d’écrire et c’est Laurent Lafitte qui interprétera Zorro.  

  
#RoulezJeunesse

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