mercredi 26 février 2020

INVISIBLE MAN


Fantastique/Épouvante-horreur/Thriller/Une relecture efficace et angoissante

Réalisé par Leigh Whannell 
Avec Elisabeth Moss, Oliver Jackson-Cohen, Storm Reid, Aldis Hodge, Harriet Dyer, Michael Dorman, Amali Golden, Benedict Hardie...

Long-métrage Américain
Titre original : The Invisible Man 
Durée : 02h04mn
Année de production : 2020
Distributeur : Universal Pictures International France

Date de sortie sur les écrans américains : 28 février 2020
Date de sortie sur nos écrans : 26 février 2020 - Ressortie le 22 juin 2020


Résumé : Cecilia Kass est en couple avec un brillant et riche scientifique. Ne supportant plus son comportement violent et tyrannique, elle prend la fuite une nuit et se réfugie auprès de sa sœur, leur ami d'enfance et sa fille adolescente.

Mais quand l'homme se suicide en laissant à Cecilia une part importante de son immense fortune, celle-ci commence à se demander s'il est réellement mort. Tandis qu'une série de coïncidences inquiétantes menace la vie des êtres qu'elle aime, Cecilia cherche désespérément à prouver qu'elle est traquée par un homme que nul ne peut voir. Peu à peu, elle a le sentiment que sa raison vacille…

Bande-annonce (VOSTFR)


Extrait - "La sœur de Cecilia lui vient en aide" (VOSTFR)


Ce que j'en ai penséle réalisateur Leigh Whannell nous a concocté un film d'horreur qui prend ses racines dans l'idée de la menace invisible. Sa mise en scène utilise habilement des techniques, comme le hors champ, pour nous angoisser. En ne nous montrant pas tout, il fait écho avec sa caméra à son INVISIBLE MAN

Il a également écrit le scénario de son film inspiré de l'oeuvre de H.G. Wells. Il trouve des idées originales pour renouveler le concept. Il inclut beaucoup d'éléments variés à son récit et veille à ce qu'ils s'imbriquent pour raconter une histoire qui a du sens. Son sujet principal est la maltraitance et il met efficacement en lumière la souffrance psychologique ainsi que la souffrance physique qui l'accompagnent. Par contre, si on est un habitué des films de genre, on devine aisément certains des aspects qui vont être déroulés et, de ce fait, des longueurs peuvent se faire sentir. 

Avec sa réalisation, il conserve cependant une forme de tension permanente - habilement mise en valeur par la musique du compositeur Benjamin Wallfisch - qui nous fait ressentir le mal-être de sa protagoniste principale et nous donne envie de comprendre comment elle va s'en sortir. Les décors des habitations sont cohérents par rapport aux personnages qui les occupent. Le réalisateur réussit très bien à faire monter le stress dans de petits ou de grands espaces. 

Afin de donner de la crédibilité face à l'impossible, il lui fallait une actrice capable de produire de l'intensité dans la terreur, de faire prendre vie à une présence qu'on ne voit pas et de faire croire à la capacité de cette femme à réagir. Il trouve en Elisabeth Moss, qui interprète Cecilia Kass, un excellent vaisseau dans ce rôle aux multiples facettes qui flirte de près avec la folie. 




Face à son personnage, il y a trois profils d'hommes différents. Les acteurs ne laissent aucun doute sur les traits de caractère qui forment la personnalité de leur protagoniste que ce soit Aldis Hodge qui interprète James Lanier, Oliver Jackson-Cohen qui interprète Adrian Griffin ou Michael Dorman qui interprète Tom Griffin. 



La jeune Storm Reid apporte de la fraîcheur au rôle de Sydney Lanier, quant à Harriet Dyer, elle donne de l'épaisseur à celui d'Emily Kass.

Copyright photos @ Universal Pictures International France

INVISIBLE MAN bénéficie d'une réalisation solide et d'interprètes très convaincants. Bien qu'on devine certains des aspects, cette relecture est efficace et angoissante.

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

LE CONTEXTE

Les monstres Universal
Le début d'une nouvelle époque

Le personnage de l'Homme invisible fait partie intégrante de l'univers cinématographique des monstres Universal, à l'instar des figures légendaires de Dracula, du Loup-garou, de la créature de Frankenstein, de la Fiancée de Frankenstein, et de la Créature du Lac Noir. Si ces personnages tristement célèbres ont traversé les époques, c'est qu'ils sont atemporels et incarnent de nombreuses peurs et angoisses, au carrefour entre les découvertes scientifiques et la force éternelle de l'amour et de la mort.
Avec INVISIBLE MAN, le studio inaugure une nouvelle approche de ces créatures mythiques. Une approche qui met à l'honneur des réalisateurs et scénaristes audacieux dont les idées renouvellent les enjeux des personnages.
Cet opus en offre un bon exemple. Le scénariste et metteur en scène Leigh Whannell avait une vision inédite, à la fois captivante et terrifiante, du personnage et le studio était enchanté de la développer avec lui. À l'avenir, les films de monstres Universal appartiendront certes au genre horrifique, mais bénéficieront de budgets confortables, pourront explorer des registres variés et s'adresser à des publics différents. Ils ne composeront pas une saga dont les personnages se retrouvent d'un chapitre à l'autre, mais chaque nouvel opus constituera un film à part entière.
Ce premier chapitre est supervisé par le producteur Jason Blum, des célèbres Blumhouse Productions. "Il s'agit du tout premier épisode d'une nouvelle génération de films 'Universal Monster'", déclare-t-il. "Universal en prépare d'autres, mais INVISBLE MAN est le premier. C'est donc stressant et excitant à la fois".
Le producteur de plusieurs gros succès du studio – la saga AMERICAN NIGHTMARE, SPLIT, GLASS et GET OUT – explique que les Monsters ont toujours beaucoup compté à ses yeux. "Notre société est adossée au studio depuis longtemps", ajoute Blum. "La relation privilégiée d'Universal avec le cinéma d'horreur remonte aux films de monstre des années 1930 et 1940. Cet héritage occupe une place majeure au sein du studio. J'ai eu un rendez-vous avec la PDG Donna Langley et elle souhaitait donner un nouveau souffle aux Monsters. Étant donné qu'on nous a souvent comparés à cette époque de l'histoire d'Universal, c'était une association assez logique".
"Ces films de monstres me sont très chers", poursuit-il. "C'est pour cette raison que je souhaitais m'engager dans l'aventure. Notre objectif était de raconter une histoire ancrée dans la réalité d'aujourd'hui. Et c'est exactement ce qu'a fait Leigh avec INVISIBLE MAN".

Un personnage mythique et une histoire nouvelle
Leigh Whannell réinvente le genre horrifique

Le personnage de l'Homme invisible imaginé par H.G. Wells obsède Leigh Whannell depuis l'époque où il séchait l'école pour voir en secret les films de monstres Universal à la télévision. S'il apprécie autant le personnage, c'est que son histoire, contrairement à tant d'autres, n'a pas donné lieu à d'innombrables versions. "Quand on fait un film sur un personnage extrêmement populaire, on est sur la corde raide", souligne-t-il. "Vous n'avez qu'à interroger n'importe quel réalisateur ayant signé un film de la saga Star Wars pour connaître le degré de pression qu'il a subi en s'attaquant à un tel monument ! Avec l'Homme invisible, je me suis senti libre. Bien entendu, les gens connaissent le personnage, mais j'avais le sentiment qu'il faisait un peu figure d'outsider parmi les méchants du cinéma d'horreur. C'était exaltant de me demander ce que j'allais pouvoir faire vivre au personnage et dans quelle mesure je pouvais enrichir sa personnalité".
Si Whannell a entamé sa carrière comme scénariste avec le court métrage SAW en 2003, puis le long métrage qui en a découlé – à l'origine d'une saga générant un milliard de dollars de recettes –, il a vraiment débuté comme acteur et continue d'ailleurs à jouer. En se produisant dans des films comme MATRIX RELOADED et des thrillers comme la saga INSIDIOUS, Whannell a vraiment saisi le travail du comédien… et son désir de repousser ses propres limites.
Étant donné qu'il a écrit plusieurs films du genre, il est clair que le réalisateur affectionne le suspense et l'horreur. "Je suis un grand fan de cinéma d'horreur et j'ai beaucoup apprécié de pouvoir participer à des films du genre", explique-t-il. Pour autant, c'est après son dernier film qu'il s'est mis à s'interroger sur son intérêt pour le genre. "Après UPGRADE, je suis devenu accro au cinéma d'action", reprend-il. "Quand on est sur un plateau et qu'on orchestre une course-poursuite en voiture ou une scène de bagarre, c'est très addictif. Dès que j'ai terminé ce film, je me suis demandé quand j'allais pouvoir remettre ça ! À ce moment-là, j'étais certain que mon prochain projet allait être un film d'action qui vous prend aux tripes".
Un homme averti en vaut deux : c'est alors qu'INVISIBLE MAN s'est invité dans la vie de Whannell. Quand on lui a téléphoné pour lui proposer un rendez-vous avec l'équipe du développement de Blumhouse pour évoquer d'éventuels projets, il ne se doutait pas qu'il aurait l'occasion d'imaginer une nouvelle aventure à l'un des personnages des Universal Monsters. Et cette simple discussion avec Blumhouse a abouti à une proposition qui a changé sa vie.

Un nouveau point de vue
L'Homme invisible réinventé par Whannell

Tandis que le personnage de Wells était un scientifique qui basculait vers la folie, Whannell s'intéressait davantage à ce qui obsédait cet être maléfique. Au cours de son rendez-vous chez Blumhouse, il a compris qu'il fallait renverser le point de vue. "J'ai eu cette idée de manière spontanée, sans vraiment y réfléchir", confie-t-il. "J'ai suggéré que si on faisait un film sur l'Homme invisible, on devrait adopter le point de vue de sa victime. Par exemple, une femme qui réussit à échapper à son mari violent en pleine nuit et qui découvre ensuite qu'il s'est tué, sans y croire vraiment, surtout lorsque de mystérieux phénomènes commencent à se produire".
Après ce rendez-vous, cette idée initiale n'a plus quitté Whannell. "Je n'arrêtais pas d'imaginer des scènes de ce film et de réfléchir à la manière dont je m'y prendrais pour le tourner", ajoute-t-il. "Ce n'est pas moi qui ai choisi ce projet : c'est lui qui m'a choisi. J'ai fini par me calmer, en me disant que ce projet m'accaparait beaucoup trop et que je si je voulais m'en libérer, il fallait que je tourne ce film". Il s'interrompt, puis reprend : "Je ne l'aurais pas fait si je n'avais pas senti qu'il y avait quelque chose d'exceptionnel qui me tendait les bras".
Le réalisateur a laissé libre cours à son imagination en échafaudant le récit. "Je savais à quoi je m'attaquais", dit-il. "Le plus difficile consistait à bâtir une toute nouvelle histoire autour du personnage et à se demander de quel point de vue on se plaçait. J'ai ensuite pris l'habitude de noter toutes mes idées sur un carnet. C'était une occasion enthousiasmante car j'avais le sentiment que c'était un personnage qui n'avait pas été surexploité".
Tandis qu'il élaborait un récit terrifiant sur l'obsession, il a envisagé l'histoire du point de vue de Cecilia Kass, architecte intelligente et douée de San Francisco, devenue captive d'Adrian Griffin, son petit ami violent et puissant. Lorsqu'elle parvient à fuir cet inventeur brillant, pionnier en matière d'optique, elle se cache grâce à l'aide de ses amis et de sa famille. Mais après le suicide de son ex, Cecilia commence à douter de sa mort et à se demander s'il n'est pas devenu invisible…en mettant à profit son invention révolutionnaire pour la torturer. Le problème, c'est que sa théorie est tellement délirante et paranoïaque qu'elle s'interroge sur son propre état mental, tout en cherchant à se défendre et à protéger ceux qu'elle aime.
"Je n'ai pas élaboré dix versions différentes de cette histoire", précise Whannell. "La trajectoire d'une victime harcelée par l'Homme invisible s'est imposée presque immédiatement. J'ai fini par accepter l'idée qu'on n'avait pas forcément besoin de passer des semaines à se creuser la tête dans l'espoir de trouver quelque chose de mieux. Avec le recul, quand je repense au scénario, je sais que je voulais évoquer ces femmes victimes de violences qu'on ne prend pas au sérieux – qui tentent de prouver que quelque chose d'affreux leur est arrivé sans parvenir à en convaincre qui que ce soit. Mais je ne veux pas trop en dire parce qu'à mes yeux, l'un des plaisirs du cinéma, c'est d'observer les gens se faire leur propre idée".

Cette femme dit la vérité
Une histoire très actuelle

          Deux fidèles partenaires de Whannell ont décidé de l'accompagner dans cette nouvelle aventure : Jason Blum, créateur et patron de Blumhouse Productions, et Kylie du Fresne, de la société australienne Goalpost Pictures. Ces deux structures avaient collaboré avec le cinéaste pour UPGRADE – et Blumhouse avait produit la saga INSIDIOUS écrite par Whannell. Autant dire que Blum et Kylie du Fresne avaient envie de renouveler l'expérience.
          La productrice, qui produit des séries et longs métrages dans son pays depuis plus de 25 ans, a été séduite par l'approche du parcours de la protagoniste. "Leigh a un talent fou pour écrire des personnages féminins forts", dit-elle. "C'est ce qu'il a fait dans la saga INSIDIOUS. Il sait créer des femmes mémorables si bien que je n'ai pas été étonnée du tout que sa relecture du mythe de l'Homme invisible adopte un point de vue féminin. Quand on parle d'INVISIBLE MAN, les gens partent du principe que le rôle-titre est le personnage principal, alors que c'est Cecilia (Elisabeth Moss). C'est ce qui rend l'approche de Leigh aussi originale et enthousiasmante. Il a renversé le point de vue traditionnel pour adopter celui d'une femme forte – et il a écrit un rôle magnifique".
          Selon la productrice, il s'agissait ainsi d'une histoire très actuelle, capable d'évoquer les violences conjugales et la perception des femmes dans les médias. "J'avais le sentiment que Cecilia appartient totalement à notre époque, y compris du point de vue des droits des femmes", explique Kylie du Fresne. "Leigh ponctue le film de ces thématiques et les intègre avec subtilité dans la trame narrative. Il raconte comment des femmes qu'on a fait souffrir – sous l'emprise d'un homme pendant un moment – ont le sentiment de perdre pied avec la réalité, et que la société les considère comme étant 'tout simplement hystériques' et estime qu'elles ont tout inventé. Ce n'est pas vrai. On le ressent très fortement à l'heure actuelle et le film l'évoque comme peu de longs métrages l'ont fait".
          Selon la productrice, si Whannell a su raconter la trajectoire de Cecilia avec une telle force, c'est parce qu'il a gagné le respect et la confiance de ses comédiens et techniciens. Grâce à la production, installée à Sydney, Whannell, lui-même originaire de Melbourne, a pu travailler avec plusieurs de ses compatriotes. "Leigh entretient des relations fidèles avec ses collaborateurs artistiques, et ça se voit à l'écran", indique Kylie du Fresne. "Les gens se mettent en quatre pour lui. C'est un gars de Melbourne qui a accompli une réussite exemplaire et donné naissance à la saga SAW avec James Wan. Du coup, quand il revient en Australie pour tourner ses films, les gens ont envie de se mettre en quatre pour lui : ils sont fiers de son succès. Il a un regard singulier d'une grande force sur les histoires qu'il raconte. C'est galvanisant de le voir mettre en images les récits dont il s'empare".
          Blum était, lui aussi, impressionné par les idées novatrices du réalisateur en matière d'angoisse. "Leigh excelle à terroriser le spectateur", dit-il. "Au fond, il n'y a pas tant d'angoisses différentes que ça, mais ce qui l'intéressait en s'attelant à INVISIBLE MAN, c'était de jouer sur toutes les formes de peurs qu'on peut imaginer et sur la suggestion plutôt que sur les effets de manche". Selon Elisabeth Moss, le film joue délibérément sur les codes du cinéma d'horreur. "Quand l'armoire à pharmacie s'ouvre et se referme, on s'attend à ce quelqu'un soit là", déclare la comédienne. "C'est la même chose lorsque la porte du réfrigérateur s'ouvre. On a pris un vrai plaisir à échafauder les effets de suspense. Comme lorsqu'on allume une lumière dans une pièce sombre et qu'on se rend alors compte que cette forme suspecte qu'on croit apercevoir dans un coin est … un portemanteau !"

LES PROTAGONISTES

Cecilia Kass
Elisabeth Moss

Cecilia a beau être une jeune femme forte et intelligente – elle a subi un terrible traumatisme. Le regard qu'elle porte sur elle-même et sur le monde est marqué par sa relation avec son compagnon. Elle est angoissée, paranoïaque et repliée sur elle-même. Par conséquent, lorsqu'elle soupçonne Adrian de l'avoir retrouvée pour ne plus la lâcher, ses proches et ses amis ont du mal à la croire. Elle a une grande proximité avec sa sœur Emily, son ami James et sa fille Sydney. Malgré tout, tandis que Cecilia commence à perdre pied, ces liens sont mis à l'épreuve. Ce qu'on ignore pour l'heure, c'est si sa conviction qu'Adrian est toujours en vie est fondée… ou le fruit de son imagination.
Leigh Whannell a fait de Cecilia une femme forte, douée et débrouillarde. "Je voulais que Cecilia ait toute la vie devant elle, même si son existence a été soudain bouleversée par une relation toxique", note le réalisateur. "En s'engageant avec la mauvaise personne, sa vie a été comme interrompue. Cecilia s'est retrouvée sous l'emprise d'un homme, étouffée pour ainsi dire, et privée de libre-arbitre. Son compagnon l'a asphyxiée. Au moment où elle s'enfuit, je voulais qu'elle retrouve ses forces".
Pour le cinéaste, il était fondamental d'imaginer une protagoniste qui s'effondre totalement. "J'aime bien ce vieux dicton qui dit que lorsqu'on écrit un film, on doit attacher son protagoniste à un arbre et lui jeter des pierres", rapporte Whannell. "Plus votre personnage principal affronte d'obstacles, plus les enjeux dramatiques sont importants. Je voulais que les embûches se trouvant sur la trajectoire de Cecilia et les forces se liguant contre elle soient insurmontables, à tel point que le spectateur se demande comment elle va bien pouvoir s'en sortir".
Quand Whannell a achevé le scénario, il savait qu'il lui fallait une actrice exceptionnelle pour être à la hauteur du rôle. "Lorsqu'on a affaire à un personnage qui perd les pédales, c'est toujours très délicat pour un comédien", reprend-il. "C'est facile d'être dans l'excès et de surjouer. Il me fallait quelqu'un qui puisse camper un personnage dont la raison vacille… mais de manière réaliste".
Son choix s'est porté sur Elisabeth Moss, deux fois lauréate du Golden Globe, dont le jeu authentique et sans concession est palpable dans MAD MEN et THE HANDMAID'S TALE – LA SERVANTE ÉCARLATE. "Dans THE HANDMAID'S TALE, on ne voit qu'elle et elle réussit à vous faire croire au monde parallèle où évolue son personnage", souligne Whannell. "Si on ne croyait pas à ce personnage majeur, la série ne tiendrait pas du tout la route. Je savais qu'elle pouvait jouer cette forme de descente aux enfers sans excès. Elisabeth est la garante de l'authenticité. Si elle avait le sentiment qu'une scène ne fonctionnait pas ou sonnait faux, elle avait du mal à la jouer. On a formé une bonne équipe".
Ensemble, la comédienne et le réalisateur partageaient la même vision du film et du personnage. "Lizzie m'encourageait à revoir les dialogues et le scénario", poursuit Whannell. "Et je la poussais à adopter un jeu plus physique. Elle a fait pas mal de choses très difficiles". Comme, par exemple, tourner en plein hiver, à 3h du matin, sous des trombes d'eau générées par des machines à pluie. La comédienne était trempée tandis que le reste de l'équipe était au sec, à l'abri sous des tentes, et portait des gilets bien épais. "On s'est tous les deux poussés dans nos retranchements respectifs", ajoute le réalisateur. "On a fait un vrai travail d'équipe en la matière. Quand on dit 'Action !', Lizzie se donne à 100%".
Pour Elisabeth Moss, il s'agit du rôle le plus éprouvant de sa carrière. "Il m'a fallu dix minutes pour comprendre le point de vue de Leigh, et à quel point ce projet était moderne et ancré dans notre époque", affirme l'actrice. "J'adore la manière dont il a renversé le mythe de l'Homme invisible. C'est le genre de scénario dont on se dit, en le lisant, 'j'aurais adoré avoir cette idée…' C'est une formidable parabole qui, dans le même temps, est d'une incroyable actualité… et qui me parle en tant que femme vivant dans cette société".
En outre, Elisabeth Moss est souvent seule à l'écran pendant des scène entières, jouant face à quelqu'un qu'elle ne voit pas. "Pendant toute une partie du film, j'étais seule", dit-elle. "Je me tournais vers Leigh et lui disais 'à ton avis, il est où ?' D'une scène à l'autre, mon personnage savait – ou pas – où était l'Homme invisible. Parfois, je ne savais pas du tout où était Adrian. À d'autres moments, je sentais une présence ou j'entendais un bruit ou quelque chose et je me retournais".
"À un moment donné, Cecilia est convaincue qu'Adrian est constamment dans la même pièce qu'elle", poursuit Elisabeth Moss. "Comme si elle avait acquis un sixième sens pour le repérer… même s'il n'était pas là. On s'imaginait qu'il était dans un coin de la pièce ou qu'il surgissait d'une chambre. Ça fait trente ans que je fais ça dans mon métier, mais c'est la première fois que cette situation fait partie intégrante du scénario. Pourtant, je suis parfaitement habituée à voir quelque chose que personne d'autre ne peut voir. C'est ce que je fais tous les jours dans mon travail d'actrice".
Grâce au tournage d'INVISIBLE MAN, Elisabeth Moss a pu réfléchir aux relations qui peuvent s'avérer violentes ou toxiques. Elle explique : "Pour Leigh et moi, c'était important d'imaginer des rapports qui ne soient pas seulement violents d'un point de vue physique, mais émotionnel et psychologique. Ces rapports peuvent être tout aussi dévastateurs. J'espère que ce film permettra à tous ceux qui en ont souffert de se sentir mieux représentés et soutenus. En tant que femmes, nous avons le sentiment de nous émanciper et d'incarner une génération qui n'hésite plus à prendre la parole, mais je crois qu'on juge parfois sévèrement celles qui ne mettent pas fin à des relations toxiques".
La comédienne conclut : "Je trouve qu'il est important de se montrer tolérant vis-à-vis des femmes qui sont plus faibles que d'autres. On peut être à la fois fort et terrorisé. Et on peut être à la fois fort et faible. On peut être féministe et amputé de son libre-arbitre. C'est important de s'en souvenir et de l'accepter".

Adrian Griffin
Oliver Jackson-Cohen

Scientifique aussi riche que brillant, Adrian Griffin, PDG de Cobalt, est charmant, séduisant et violent. Il est obsédé par Cecilia et ne songe qu'à la dominer… et rien ne l'arrêtera pour la récupérer.
Au début, il contrôlait les moments qu'il passait avec Cecilia. Puis il a voulu savoir à qui elle parlait et à quel moment elle quittait la maison. Par la suite, il a cherché à contrôler tout ce qu'elle disait… et tout ce qu'elle pensait. Et si ses réflexions – ou, du moins, ce qu'il supposait être ses réflexions – ne lui plaisaient pas, il la corrigeait.
La réussite exemplaire d'Adrian lui a toujours valu d'être encouragé dans son comportement. "Dans notre monde moderne, on est le plus souvent salué quand on connaît un tel succès", relate Whannell, "et personne ne s'interroge pour savoir comment on en est arrivé là. Avec ce personnage, je voulais évoquer le narcissisme et le comportement propre au sociopathe qui aboutissent à la réussite. Ça le rend fou de savoir que Cecilia pourrait le quitter… que quelqu'un ose le défier de cette manière. Il a un besoin compulsif et pathologique de la dominer et c'est, fondamentalement, ce qui l'anime".
Oliver Jackson-Cohen explique qu'il a passé pas mal de temps en répétitions pour mettre au point ces rapports de domination. "Il n'y avait que Lizzie, Leigh et moi", dit-il. "On voulait montrer comment ce type de relation s'installe, et comment certaines personnes se remettent en couple avec un conjoint violent tout en étant conscientes des risques. Car ces gens exercent une forme de magnétisme : Adrian réussit à retenir Cecilia, puis à faire en sorte qu'elle se trouve là où il veut. Adrian obtient exactement ce qu'il désire – autrement dit, voir Cecilia souffrir et basculer vers la folie".

DÉCORS ET LIEUX DE TOURNAGE

Un film d’horreur moderne : la terreur prend un nouveau visage

Le style d'INVISIBLE MAN est à la fois contemporain et épuré et, à cet égard, il se distingue vraiment des films de monstres traditionnels. On ne retrouve pas cette ambiance malsaine avec des toiles d’araignée partout”, déclare Jason Blum. Les décors créés par Alex Holmes détournent le genre et déjouent les attentes du spectateur. “On ne voulait pas tomber dans l’esthétique prévisible du cinéma d’horreur”, explique Alex Holmes. “On a abordé le film comme un thriller réaliste. On ne voulait pas de papiers peints, de couleurs voyantes ou d’espaces confinés et oppressants. Leigh souhaitait aussi qu’on amène de la lumière. On voulait faire un film d’horreur baigné de lumière naturelle. Il n'y a pas de créature tapie dans l’ombre, mais quelqu’un qui est présent sans l'être vraiment. Comme le représenter à l'écran ? En éclairant l’espace”.
Le chef décorateur tenait à ce qu'INVISIBLE MAN révèle des univers contrastés, et ne se résume pas qu'à un climat ambiant monotone. “Cecilia s’échappe d’un milieu opulent pour trouver refuge dans un environnement de classe moyenne traditionnelle”, rappelle Alex Holmes. “On passe d’un laboratoire high-tech à une cuisine terne, d’une suite luxueuse à une chambre exiguë de trois mètres sur trois. On passe beaucoup de temps dans un univers domestique confiné, mais Leigh tenait justement à ce qu’on quitte aussi la maison pour se rendre à l’extérieur : dans les rues de San Francisco, un commissariat de police, un restaurant… Il fallait qu’on arrive à représenter les changements d'échelle et qu'on aperçoive le restaurant en entier et toutes les personnes à l’intérieur, ou encore le commissariat de police dans son intégralité et pas seulement une partie de celui-ci”.
INVISIBLE MAN se déroule à San Francisco, mais le thriller a été tourné à Sydney. “Sur le plan du tournage, un de nos plus grands défis a consisté à repérer des lieux à Sidney susceptibles d'évoquer San Francisco”, explique Kylie du Fresne, “en particulier pour la maison d’Adrian. Il fallait qu’elle ait une architecture singulière et qu’elle ait l’air de se situer aux alentours de la Silicon Valley”.

L’antre d’Adrian

Le département des décors savait que, pour des questions de budget, la propriété d'Adrian devait être un décor réel. Cette maison devait être éloquente sur la personnalité obsessionnelle, autoritaire et implacable du scientifique. Ils ont fait appel au régisseur d’extérieurs Edward Donovan pour les aider à trouver ce lieu : “On a demandé à Ed de chercher des maisons avec une architecture brutaliste, avec des formes marquées, monolithiques et dures… une sorte de prison de luxe”, raconte Alex Holmes. “On a passé plusieurs mois à chercher cette maison”, ajoute Kylie du Fresne. “Leigh voulait qu’elle ressemble à Adrian, qu’elle ait cette même froideur. Ce n’est pas une maison dans laquelle on rentre en se disant ‘Quel endroit charmant !’, mais plutôt l’inverse…”. Alex Holmes poursuit : “On voulait une palette neutre, faite de noirs, de gris et de blancs. Quand on quitte cette maison pour aller chez James, lieu plus chaleureux aux couleurs plus chaudes, on ressent un certain soulagement”.
Finalement, la propriété d’Adrian a été tournée dans quatre lieux différents. “L’intérieur de la maison a été filmé à Pebble Cove, à environ deux heures et demi de route de la côte sud de Sydney. C’était la première fois qu’une équipe de tournage filmait dans cet espace verdoyant sur le littoral. La maison est en béton avec un superbe parquet en bois construit à partir de poutres qui ont échappé à un incendie au château de Windsor”, raconte Kylie du Fresne. “Tout était sur mesure. En tant que producteur, ce n’était pas facile de tourner dans une maison aussi luxueuse. J’ai passé le plus clair de mon temps à m’assurer que personne n’allait érafler un mur avec une perche”.
Dovecote, une autre demeure d’exception, a été choisie pour l’extérieur de la maison d’Adrian. Cette dernière est censée se situer en dehors de la ville, en bordure d’océan, dans un espace ouvert mais hautement sécurisé. “Par chance, nous l’avons trouvée juste à côté de Pebble Cove. Au moment où on a commencé à filmer, la maison a remporté le prix australien de la Maison de l’année”, explique Kylie du Fresne.
Leigh Whannell avait aussi en tête une topographie particulière pour la maison. Il fallait qu’elle soit adossée à une grande forêt, avec un mur imposant qui retienne Cecilia prisonnière. Il était donc nécessaire que l’équipe construise un vaste mur de béton avec un portail devant la maison. “En Australie, c’est rare d’avoir des murs autour des grandes maisons dans la campagne”, remarque Alex Holmes. “Mais on avait besoin de cet accès à l’antre ultra sécurisée d’Adrian, si bien qu'on a construit un grand portail électronique en bois sombre et de faux murs en béton”.
En postproduction, les murs ont été agrandis pour donner l'illusion qu'ils font le tour de la propriété. “Cela marquait l’entrée dans un autre monde. La vue dégagée vers l’océan était aussi intéressante. Cecilia touche du doigt la liberté, mais elle est prise au piège. Jusqu’au début du film, elle n’a jamais envisagé de s’échapper car le pouvoir qu’Adrian exerce sur elle est trop prégnant”, déclare Alex Holmes.
Le troisième lieu a accueilli le laboratoire d’Adrian. “C’était un garage incroyable qui abritait une série de voitures de collection”, note Kylie du Fresne. “Notre département artistique a réussi à aménager ce garage en un laboratoire high-tech”.
Enfin, le quatrième lieu était à Coogee, une station balnéaire des environs de Sydney. “On a construit le dressing et la salle de bain d’Adrian dans le salon de cette maison, pour créer un une chambre avec salle de bain attenante”, raconte Kylie du Fresne. “Ces quatre lieux de tournage fonctionnent très bien ensemble : on dirait une seule et même maison ! C’est la magie du cinéma”.

Le labo de l'Homme invisible

Les régisseurs ont cherché longtemps avant de dénicher le lieu dans lequel filmer le laboratoire d’Adrian. “Tout à coup, on a trouvé le garage d’un riche propriétaire qui possède huit voitures”, raconte Alex Holmes. “Il y avait des bandes de lumière LED hallucinantes au plafond et sur les murs. Cela faisait penser à un univers de science-fiction tout en étant réaliste. J’y ai ensuite ajouté des pièces sécurisées et des espaces climatisés pour les expériences scientifiques. Pour apporter de l’intensité et donner une impression ‘dernier cri’, j’ai peint les murs en noir brillant. Je me suis inspiré de laboratoires d’université que j’ai visités, et j’en ai fait une version sur mesure pour un homme riche”.
L'accessoire le plus difficile à concevoir pour le décorateur a été le cintre sur lequel repose le costume. “Un cintre pour un costume qu’on ne voit pas”, résume Alex Holmes. “Il devait avoir l’air d’un objet de science-fiction tout en étant très fonctionnel… pas comme un accessoire de super-héros. Après en avoir parlé avec un des experts en physique, on s’est dit que ce serait intéressant que, lorsque Cécilia pénètre dans la pièce où se trouve le costume, elle aperçoive un iPad au mur dans lequel elle se voit entrer dans la pièce… du point de vue du costume ! Elle se voit en temps réel, comme si elle était filmée, sauf qu’elle ne voit de caméra nulle part". La scène a été retravaillée en conséquence. “Leigh a réécrit et reconstruit la scène pour l’adapter à cette nouvelle idée”, précise Alex Holmes. “J’espère que cela constituera un moment important du film”.

La maison de James et Sydney

Pour toute l’équipe, il était clair que la maison de James et Sydney devait être aux antipodes de celle d’Adrian. Assez rapidement, ils ont décidé de construire le décor en studio. Étant donné le nombre de cascades que Leigh Whannell prévoyait dans cette maison, il était préférable qu’elle se situe dans l’espace contrôlé du studio, pour pouvoir lever les murs, faire sauter les plafonds et voler les objets… et les acteurs !
Sur le plan esthétique, je voulais me rapprocher d’un intérieur de la classe moyenne américaine, notamment du point de vue des couleurs et des tonalités”, explique Alex Holmes. “Je me suis inspiré de GONE GIRL, PRISONERS, LES NOCES REBELLES et LA FILLE DU TRAIN qui présentent de tels décors, avec des palettes de couleur volontairement neutres, réalistes et passe-partout”.
Il fallait un espace qui semble sûr et familier : une maison américaine typique. “D’une certaine façon, c’est l’aspect normal du lieu qui donne la sensation dérangeante que Cecilia est en train de devenir folle”, remarque Alex Holmes. “Un homme invisible dans ce salon terne ? Qui croirait une chose pareille ? Il ne s'agit pas d’une maison hantée et sinistre perchée en haut d’une colline, mais d’une maison beige avec des petites chambres et un grenier exigu. On a volontairement évité d’avoir un grenier haut de plafond dans lequel on peut se tenir debout… C’est le genre de chose qu’on a déjà vu dans des milliers de films d’horreur”.
Leigh Whannell a choisi un grenier qu’on voit dans de nombreuses maisons : un espace très étroit dans lequel il n’est pas facile de circuler. L’équipe a construit un grenier avec un toit très bas mais amovible : “Au lieu de créer des espaces caverneux dans lesquels le monstre pourrait se tapir, on a réduit les espaces autour de Cecilia pour faire monter la tension. On a construit le grenier de toutes pièces car il aurait été impossible de filmer dans un vrai grenier. Les chambres sont quant à elles de taille normale et bien éclairées. L’impression de claustrophobie vient du fait que l’Homme invisible pourrait être tout près d’elle à n’importe quel moment”.

Une palette de couleurs bien maîtrisée

Grâce à ces murs de couleur neutre, le chef décorateur a permis au directeur de la photo de créer l’éclairage adéquat et de composer des ombres qui ne soient pas trop obscures. “On ne voulait pas aller vers le clair-obscur”, précise Alex Holmes. “Pour cela, il nous aurait fallu des murs très sombres. On a plutôt choisi des murs aux couleurs neutres, ce qui est inhabituel. En réalité, le décor n’a pas besoin d’être sombre pour être effrayant. Il suffit de regarder L’EXORCISTE. C’est une maison tout ce qu’il y a de plus normal, avec un éclairage simple… c’est le gamin qui est flippant !
L’équipe a également limité l’usage de la couleur sur le plateau, à l’exception de l’antre noire de jais d’Adrian : “Les couleurs vives ont tendance à saturer l’image”, explique Alex Holmes. “Je savais que l’équipe effets visuels allait créer un léger scintillement pour suggérer la présence de l’Homme invisible, si bien qu'on ne voulait pas que l’arrière-plan soit encombré de motifs, de contrastes et de couleurs prononcées”.

L’hôpital psychiatrique

L’asile psychiatrique dans lequel Cecilia est confinée est à la fois brut et réaliste, et rappelle un hôpital public qui a subi l’usure du temps. “On a même ajouté des vieux bouts de scotch au mur, pour évoquer les affiches qui ont dû y être accrochées”, raconte Alex Holmes. “On a trouvé une ancienne usine de cosmétique et on l’a transformée en asile. Il y avait un éclairage au néon et une palette de bleus et gris très institutionnelle. Ensuite on a ajouté pas mal de détails pour aménager ce lieu en un véritable institut psychiatrique hautement sécurisé”.
Le décor, composé de verrous, de meubles équipés de dispositifs anti-suicide et de la cabine de douche où Cecilia enferme Adrian, est signé Katie Sharrock (MAD MAX : FURY ROAD). “Katie a pris en compte chaque détail avec une attention remarquable”, souligne Alex Holmes. “En extérieurs, on a dû ajouter des lumières fluorescentes partout pour éclairer la scène centrale, dans laquelle Cecilia poursuit Adrian, toujours invisible, sous une pluie battante à travers un parking. La pluie ajoute une dimension spectaculaire à la scène mais surtout, en tombant, elle définit les contours de l’homme invisible. C’est une des nombreuses idées foncièrement cinématographiques que Leigh a intégrées au scénario”.

Les défis du tournage

Comme le tournage se déroulait à Sydney, l’équipe a eu un nouveau défi à relever en matière de voitures : “Il n’y a pas beaucoup de voitures avec le volant à gauche en Australie”, explique Alex Holmes. “On a dû être très inventifs”. De faux volants ont parfois été utilisés. Les voitures avec le volant à droite étaient utilisées pour filmer l’arrière du véhicule, tandis que celles avec le volant à gauche étaient réservées pour filmer l’avant de la voiture.
On devait faire du recyclage et métamorphoser les voitures qu’on avait déjà utilisées avec un film en vinyle”, avoue Alex Holmes. “Sans compter qu’on avait des cascades à exécuter avec ces voitures. Enfin, certaines scènes nécessitaient des décors de grande ampleur : le commissariat de San Francisco, les restaurants, l’hôpital psychiatrique, les rues de la ville… On avait besoin de beaucoup de main d’œuvre pour mettre en place ces vastes décors”.

Effets spéciaux et effets visuels

De l’usage des effets spéciaux : le réalisme avant tout

Le superviseur effets visuels Jonathan Dearing, à la tête de Cutting Edge, a rejoint l’équipe de INVISIBLE MAN, après avoir collaboré avec Leigh Whannell sur son dernier thriller. “Quand on a travaillé ensemble sur UPGRADE, je me suis rendu compte qu’on avait la même approche des effets visuels”, déclare Jonathan Dearing. “On considère tous les deux que les effets visuels doivent soutenir des choix de mise en scène tournés avant tout vers le réalisme”.
Pour ce film, si l’option 100% réaliste n’était pas envisageable, ils cherchaient ensemble une stratégie permettant d’ancrer les effets visuels dans la réalité. “On partageait l’ambition de produire des effets visuels aussi crédibles que possible. On ne voulait pas être tentés de créer un univers complètement étrange, qui brouille la frontière entre le fantastique et la réalité”.

Créer un costume invisible : les technologies de l’invisibilité

Les équipes de Odd Studios ont fait un travail remarquable sur le costume, qui constituait un défi de taille. “On a mené beaucoup de recherches sur les techniques d’invisibilité qui existent aujourd’hui”, raconte Alex Holmes. “Elles existent à petite échelle : par exemple, on peut détourner la lumière autour d’un objet, ce qui le fait disparaître puisqu’il ne renvoie plus la lumière vers nous. On trouvait que cette idée n’était pas assez cinématographique. On a plutôt choisi une idée en rapport avec l'optique : un costume constitué de centaines de mini-caméras qui filment ce qu’il y a autour d’elles, tout en projetant un hologramme de ce que filme la caméra opposée. Une caméra située à l’arrière du costume filme ce que se passe derrière, mais l’image qui est ainsi filmée est projetée sous forme d’hologramme sur le devant du costume, exactement à l’opposé. Du coup, tout ce qui se situe derrière la personne portant le costume est projeté devant lui, ce qui le fait disparaître”.
À partir de cette idée, la post-production a pu créer des effets remarquables avec des hologrammes et des objectifs de caméra qui s’allument, pour créer des centaines de petits yeux sur le costume. “On a consulté des experts de CSIRO [the Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation in Australia] et des universités”, souligne Alex Holmes. “Les scientifiques nous ont expliqué que ce qu’on proposait était faisable en théorie, mais qu’il faudrait encore une vingtaine d’années de développement pour y arriver. C’était parfait : on voulait justement que cette technologie ait l’air inaccessible aujourd’hui mais néanmoins plausible”.
C’est déjà difficile de créer quoi que ce soit grâce aux effets visuels, si bien qu'on peut imaginer le défi que représente la création d'un personnage qui n’est pas à l’écran ! L’enjeu était d’autant plus important pour Jonathan Dearing et sa talentueuse équipe. Pour faire exister l’Homme invisible, ils ont créé une version numérique d’une véritable combinaison de plongée. Il fallait ensuite trouver le moyen de montrer aux spectateurs la technologie employée pour le costume. “Il s'agissait de montrer les centaines d’objectifs qui permettent de faire disparaître la surface du costume”, explique Jonathan Dearing.
Le costume d’Adrian devait imiter les mouvements du cascadeur Luke Davis (PACIFIC RIM UPRISING) tout en conservant une certaine intégrité au niveau de sa surface. Il fallait donc que des centaines de pièces de forme hexagonale fonctionnent et se déplacent ensemble, au fil des mouvements du costume. “Ce qui est génial chez Leigh, c’est qu’il est complètement convaincu par ce qui lui plaît”, remarque Jonathan Dearing. “Cela provoque une réaction émotionnelle puissante chez lui et il s’appuie sur ce ressenti pour aller de l’avant”.
Au cours de de la première réunion avec Cutting Edge, les discussions se sont concentrées sur le costume : “On s’est mis autour de la table pour échanger des idées et des suggestions de modèles”, se souvient Jonathan Dearing. “Quand on est parvenu à l’idée d’un costume simple et foncé, façon combinaison de plongée avec des formes hexagonales, cela a plu à Leigh, à Alice Lanagan, la directrice artistique, à la costumière et à moi-même. Odd Studios a fait quelques essais à partir des explications de Leigh et cela nous a permis de choisir un modèle. Le processus a été rapide et efficace, et on n’a jamais dévié de notre objectif du début à la fin”.

Contraintes d’espace et effets visuels

Le défi principal en matière d'effets visuels consistait à faire disparaitre le travail de Luke Davis en costume vert derrière la performance de l’Homme invisible. C’était particulièrement difficile quand Luke Davis se trouvait devant un autre acteur ou un autre élément dont les équipes ne pouvaient pas contrôler le mouvement.
La méthode la plus simple pour ce travail est d’utiliser un dispositif de motion-control. Cela permet de filmer le décor nu pendant une même prise et de faciliter le "nettoyage" qui intervient ensuite. Malheureusement, Cutting Edge n’a pas toujours pu recourir à cette technique, notamment en raison de contraintes spatiales. Ainsi, dans la scène où l’Homme invisible poursuit Cecilia dans le grenier, le dispositif de motion-control ne passait pas dans cet espace confiné.
Au cours d'une scène décisive, Cecilia jette un pot de peinture sur une échelle qui semble vide, depuis une ouverture dans le plafond du grenier. On découvre alors la silhouette de l’Homme invisible à seulement quelques mètres d’elle. Au départ, Leigh Whannell voulait que cette scène démarre avec l’ouverture qui forme un point lumineux dans la pénombre, puis dans un mouvement régulier, la caméra se serait placée du point de vue de Cecilia au moment où elle renverse la peinture sur l'Homme invisible.
Leigh voulait tourner la scène en plan-séquence”, explique Jonathan Dearing. “Mais sans le motion-control, on n'aurait pas pu garantir le résultat. On n’était pas sûr de bien voir l’arrière-plan initial, ce qui aurait pu faire rater la scène”.
Après plusieurs essais au Steadicam, qui ne fonctionnait pas non plus dans l’espace confiné du grenier, Leigh Whannell a accepté d’utiliser une caméra fixe. “Cela nous a permis de nous concentrer sur l’effet de la peinture projetée sur le costume”, estime Jonathan Dearing. “On avait confectionné un costume sur mesure pour cette scène où on aperçoit sa texture unique lorsqu’il est recouvert de peinture. Le tournage s’est passé sans encombre et l’équipe des effets visuels a terminé le travail sur ordinateur”.

Cecilia traquée dans l'hôpital psychiatrique

La scène de bagarre dans le couloir de l’hôpital psychiatrique, où l’Homme invisible tente d’échapper aux gardes et à Cecilia, montre la prouesse technique du film et sa capacité à assembler plusieurs scènes d’action avec fluidité.
Les effets visuels peuvent faire disparaître les câbles, les matelas pour les cascades, les fenêtres cassées… Toutes ces scènes étaient répétées avec attention pour que la caméra soit dans la position optimale au moment de filmer. Le découpage des scènes d’action permettait de ne pas affecter la durée de la séquence dans son intégralité. Le résultat final est une séquence rythmée avec des mouvements de caméra amples qui semblent annoncer l’action qui va suivre.
Une fois que Cecilia et l'Homme invisible étaient sortis de l’hôpital avec perte et fracas, l’équipe des effets visuels et Cutting Edge avaient encore du pain sur la planche : “On a remplacé le sol par des éléments infographiques et on a bien sûr ajouté l’Homme invisible grâce aux effets visuels”, détaille Jonathan Dearing. “On a aussi remplacé l’arme que l’Homme invisible utilise dans cette scène par une version numérique. Enfin, on a fait la liaison avec un passage en Steadicam, lorsqu’on suit Cecilia dans une cage d’escalier, avant d’enchainer avec la scène où elle sort du bâtiment”.

L’influence de la technologie sur le scénario

Les producteurs ont apprécié l’ouverture d’esprit de Whannell qui a accueilli nouvelles idées et technologies et cherché comment les intégrer au film : "Par exemple, on a utilisé une nouvelle caméra à 360 degrés que j’étais en train de tester", déclare Dearing. "J’avais décidé de moderniser mon matériel et je voulais me familiariser avec ma caméra, car je me sers de ce genre d’équipement sur les tournages pour obtenir rapidement des images HDR et même des plans panoramiques des décors".
Tout en visionnant des plans précédemment tournés avec le réalisateur, le superviseur effets visuels a montré à Whannell comment il pouvait tourner autour de l’image sur sa tablette pendant le repérage des lieux de tournage. "J’ai montré à Leigh à quel point c’était génial de pouvoir visionner de manière interactive tout ce qu’on voulait", explique Dearing. "Il a adoré ces plans et ce dispositif high-tech et on a cherché à s'en servir comme d'un point de vue. Nous avons continué à parler de la technologie, et en très peu de temps, Leigh l'avait intégrée au scénario. Dans la scène du laboratoire où Cecilia découvre le costume d’Adrian, on l’a filmée avec ma caméra à 360° et ma tablette en direct : tous ses mouvements ont été tournés en temps réel et n'ont pas été retouchés en postproduction. C’est un autre exemple du bonheur qu'on a de tourner avec Leigh".

La "synergie FX"
Un assemblage complexe d’effets spéciaux et visuels

Cutting Edge a fait appel au superviseur effets spéciaux cité à l'Oscar Dan Oliver et son équipe pour les séquences les plus importantes. C'était essentiel pour respecter la vision du réalisateur. Leigh Whannell tenait à collaborer avec Dan Oliver. "Dan est fantastique et aguerri et il a une approche très pragmatique de la réalisation. Notre équipe est toujours ravie d’aider Dan, quand il cherche à réaliser des effets spéciaux de façon pratique, s’il pense que c’est possible", déclare Dearing. Oliver lui retourne le compliment : "Jonathan a une approche très pragmatique des effets et était d’accord pour en obtenir le maximum au moment du tournage", explique Oliver. "Il avait énormément à faire mais gardait la tête froide pour régler tous les problèmes qui se présentaient". Oliver a fait bénéficier le tournage de décennies de savoir-faire. "L’expérience accumulée donne suffisamment confiance en soi pour savoir que, si une difficulté se présente, il y a une forte chance qu’on sache quoi faire", ajoute ce dernier.
Grâce à leur expérience, Dearing et son équipe sont conscients qu’il est inutile de s'orienter vers l'infographie si l'effet recherché peut être obtenu au moment du tournage et ce, pour plusieurs raisons. "Personne ne conteste le résultat si ça fonctionne, toutefois il y a en général des éléments résiduels inattendus qui ajoutent de la valeur au plan", reprend Dearing. "C’est toujours préférable pour les acteurs de jouer face à un partenaire ou à un élément concret plutôt que sur un fond vert ou bleu".
L’équipe des effets visuels est donc intervenue dès qu’un effet pratique en avait besoin. En témoigne la séquence où Adrian fracasse d’un coup de poing la vitre de la voiture d’Emily et tente d'agresser Cecilia : "Si la vitre d’une voiture côté passager doit exploser, les effets spéciaux peuvent apporter une solution", explique Dearing. "Mais si le verre explose réellement face à la caméra, on capte instantanément un élément qui a été créé dans l’environnement lumineux adéquat et qui réagit selon les lois de la physique. L’explosion doit peut-être être filmée sur un fond bleu, et si on doit tirer des pièces de silicone avec un canon à air pour accentuer l’effet, la postproduction se fait un plaisir de prendre ces éléments pratiques et de les raccorder harmonieusement plutôt que de réaliser la totalité de la séquence en images de synthèse. On appelle ça la synergie FX".

Du bacon qui brûle et une pluie battante

L’une des scènes préférées du superviseur effets spéciaux Dan Oliver est celle où Cecilia commence à soupçonner qu’Adrian est toujours en vie. Elle est en train de préparer le petit-déjeuner de Sydney, s’éloigne un moment et la gazinière est soudain en position maximale. "Le bacon commence à brûler et à fumer, puis la poêle prend feu", détaille Oliver. "C’était complexe. Quand Leigh nous a expliqué comment tout devait se passer à des moments très précis, je n’étais pas certain de savoir comment réaliser ces effets sans raccords de montage. Mais on a réussi à les obtenir exactement comme il le souhaitait et on a tout filmé avec nos acteurs à proximité mais sans les exposer au feu ou à la fumée".
Autre séquence cruciale largement mise en valeur par les effets spéciaux : la poursuite sous une pluie diluvienne durant laquelle Cecilia s’échappe de l’hôpital psychiatrique. "On a travaillé avec Leigh et le directeur de la photographie pour trouver le moyen le plus efficace de la filmer, afin de réduire au maximum les mouvements de la machine à pluie", confie Oliver. "On a utilisé les plus grands dispositifs de fausse pluie à notre disposition pour créer un véritable déluge. On a ajouté quelques impacts de balles et le résultat est franchement épatant".

LUMIÈRE ET PHOTO

Les bords du cadre
Les cadrages d'INVISIBLE MAN

Le directeur de la photographie Stefan Duscio a rencontré Whannell lors de la prépa d’un film australien sur lequel ils travaillaient tous deux et a depuis collaboré plusieurs fois avec lui. "Leigh et moi nous sommes rencontrés sur THE MULE, film qu’il a coécrit et dans lequel il jouait aux côtés d'Angus Sampson [partenaire de Whannell dans INSIDIOUS]", raconte Duscio. "Et comme par hasard, Leigh et moi avons fait les mêmes études à Melbourne, à quelques années d’intervalle. Il a parlé d'UPGRADE après ce premier tournage et on est resté en contact pendant qu’il développait le film".
Le chef-opérateur, qui s'est illustré par ses clips pour Beyoncé ("Ghost") ou des films australiens primés (BACKTRACK, JUNGLE), déclare que Whannell et lui ont aimé forger un langage visuel singulier pour UPGRADE et qu’ils l’ont poussé encore plus loin dans INVISIBLE MAN. "En gros, le style des cadrages sur UPGRADE était assez libre au départ et devenait progressivement de plus en plus formel et rigide à mesure que l’intelligence artificielle prend le contrôle du corps du personnage", déclare Duscio. "[Sur UPGRADE], on a utilisé beaucoup de capture de mouvement via caméra pour l’acteur principal au cours des scènes d’action. Leigh était intéressé par l’idée qu’on puisse améliorer encore ce dispositif pour INVISIBLE MAN. Il a écrit un scénario absolument génial et m’a poussé, ainsi que le reste de l’équipe, à trouver des moyens innovants de le filmer".

Inspirations cinématographiques

Il est impossible de penser à un film où l’héroïne semble perdre prise avec la réalité sans faire référence aux classiques d'Hitchcock comme PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE ou LES OISEAUX. Mais Duscio et Whannell ont puisé dans d’autres sources d’inspiration moins évidentes. "On a passé des jours, au début de la prépa, à regarder des films dont nous aimions le suspense et le ton", déclare Duscio. "Par exemple, PRISONERS et SICARIO de Denis Villeuneuve, ainsi que A GHOST STORY, PERSONAL SHOPPER et L’EXORCISTE. Ils n'ont pas tous un rapport évident au film de Leigh mais ils ont tous été une source d’inspiration, quand nous tentions de déterminer la tonalité d'INVISIBLE MAN. J’ai toujours été fan de Roger Deakins [chef-opérateur qui a notamment éclairé SICARIO et PRISONERS, NdT] et j’admire la force et la puissance de narration de ses images", poursuit-il.
Par ailleurs, le film a bénéficié du talent d’Elisabeth Moss, dont le visage peut exprimer un millier d'émotions sans prononcer un seul mot. "Elisabeth est une vraie pro qui a su nous époustoufler, parfois dès la première prise", dit-il encore. "On devait être prêts à filmer ces interprétations extraordinaires tout en nuances. Elle possède un talent unique, elle est comme un caméléon, et l’éclairer et la cadrer ont été d’une richesse et d’une stimulation incroyables".
Quand le chef décorateur Alex Holmes a visionné un montage préparatoire que Whannell a montré aux équipes, il en est resté bouche bée. "C’est là que j’ai pris conscience du thriller élégant que Leigh et Stef Duscio étaient en train de faire", déclare Holmes. "C’était évident dans la mise en scène : des mouvements de caméras sinistres et nets guidés par le motion-control. C’était très précis et ça correspondait au caractère d’Adrian. Souvent, la caméra est une manifestation de sa présence".

Mouvements et cadrages
La création d’une tension constante

Comme pour Whannell, Duscio jugeait important de cadrer l’un des classiques des Universal Monsters avec originalité. "L’un des défis auxquels on a dû faire face a été de créer du suspense avec des images très lumineuses. On a tous deux l’expérience de films d’horreur sombres, et la singularité du travail de Leigh avec INVISIBLE MAN, c’est d'avoir obtenu ce sentiment de terreur tout en faisant en sorte que le moindre recoin de l’espace domestique soit visible. L’Homme invisible peut être n’importe où dans cet environnement", explique Duscio.
Le thriller se concentre en grande partie sur Cecilia et sa plongée dans la folie : il fallait donc montrer sa terreur et souligner qu'elle finit par s’en servir comme d’une force. "On était très intéressés par le point de vue extrêmement paranoïaque de Cecilia. On a filmé exprès des espaces vides, en laissant la caméra s'attarder dans les recoins des pièces. On l’a également cadrée de manière inhabituelle pour suggérer que quelqu’un se tient dans le hors champ", commente-t-il encore.
Parfois, Duscio s'attache à un élément inattendu du cadre, au-delà d’un personnage situé au premier plan. "Cette technique peut sembler étrange ou inhabituelle dans sa composition mais notre but est de créer une tension constante. On espère aussi que ça permet d’attirer l’attention du spectateur pour chercher à déceler le moindre mouvement ou indice de la présence de notre prédateur dans les recoins de chaque plan. C’était vraiment difficile de se 'couvrir' pour ces scènes-là et il a fallu beaucoup d’imagination de la part des acteurs et des techniciens pour nous faire confiance et imaginer que ces séquences seraient haletantes", poursuit-il.

Tourner dans le noir

Une grande partie du film – de la séquence où Cecilia s’échappe de la maison d’Adrian à sa découverte dans le grenier et à son attaque brutale à l’hôpital psychiatrique – a été tournée de nuit dans l’obscurité. "J'apprécie de tourner dans le noir même si je trouve cela difficile", déclare Duscio. "On doit donner à la scène une ambiance sombre tout en continuant à raconter l'histoire avec clarté et précision. Il est très facile de trop – ou pas assez – éclairer dans une telle situation et on doit faire des modifications très subtiles au niveau de l’éclairage ou du choix des caméras pour trouver la bonne exposition de façon naturelle. Leigh et moi avons établi un story-board ou prévisualisé au maximum les séquences les plus complexes, pour me permettre de communiquer clairement à mes équipes ce que je voulais".
Et pour filmer avec des effets de lumière et d’ambiance différents, la nouvelle caméra grand angle ARRI Alexa LF (large format) s'est avérée le bon choix. Il se trouve qu'elle a aussi permis au directeur de la photographie de mieux cerner le style de Roger Deakins. "Je crois bien qu'il s'agit du deuxième film tourné avec ce dispositif après 1917. On a eu la chance que la société ARRI, à Munich, nous ait donné un prototype d’Alexa mini LF juste à temps pour le tournage. On a utilisé cette caméra plus légère pour tourner les nombreuses scènes d’action, notamment les longs plans à la Steadicam et les prises de vue à l'épaule, mais aussi les scènes en motion-control et la course-poursuite en voiture", confie Duscio.
          Grâce à la nouvelle caméra grand angle, Duscio et Whannell ont découvert tout un éventail de possibilités en matière de formats d’objectifs, permettant des images époustouflantes avec plus de profondeur et une meilleure résolution. "Ça nous a aussi permis de filmer des plans au plus près de nos acteurs, tout en laissant un vaste champ autour d’eux", dit-il.
La production a eu recours à une multitude de techniques pour filmer les déplacements de l’Homme invisible. "Quand les rapports entre acteurs et les mouvements de caméras étaient complexes, on utilisait généralement un système de capture de mouvements ARGO pour créer des déplacements de caméras qu’on pouvait reproduire", explique le directeur de la photographie. "On tenait à obtenir des prises parfaites des acteurs, des interprètes en combinaison verte et des arrière-plans. Heureusement, Leigh et moi aimons la façon dont la caméra de motion-control crée une gestuelle austère et artificielle. On a étudié ça et essayé de le reproduire lors de notre travail habituel avec la Dolly, afin d’harmoniser les deux styles de cadrage".

Elisabeth Moss s’éclaire elle-même
La fusion entre acteurs et techniciens

Le tournage dans des espaces étouffants a influé sur tous les choix de caméras et d’éclairages du directeur de la photo. "Filmer dans des lieux exigus est toujours délicat, car les équipements techniques dans le cinéma nécessitent généralement de la place", remarque Duscio. "Mais j’ai aimé relever le défi de filmer Elisabeth dans un grenier sombre, où elle était éclairée uniquement par la lampe torche qu’elle tient à la main. J’ai donc compté sur Elisabeth pour s’éclairer elle-même, ou plutôt pour ne pas le faire. Et je me suis recroquevillé dans un coin du grenier avec la plus petite installation technique possible et une caméra à la main. Alex Holmes a conçu un environnement génial qui nous a permis de travailler tout en se sentant dans un espace étouffant et encombré".
Whannell et Duscio ont passé beaucoup de temps à préparer et élaborer la séquence d’ouverture dans laquelle Cecilia s’échappe de la maison d’Adrian. "C’était important de créer la tension de son point de vue, par le prisme de sa paranoïa. Les spectateurs savent à quel genre de film ils ont affaire et on a voulu satisfaire leurs attentes en les invitant à fouiller constamment du regard notre cadrage suggestif ou nos plans de grande envergure qui s’ouvrent sur du vide".
Pendant l'essentiel du film, Cecilia est enfermée, que ce soit littéralement ou psychologiquement par sa peur ou les circonstances. Une situation qui a permis aux équipes caméra d’explorer différentes techniques pour représenter la terreur. "La pauvre Cecilia passe d’une prison à une autre !", note Duscio. "La maison d’Adrian, celle de James puis un véritable hôpital psychiatrique dans lequel elle est enfermée. Cette séquence a été très difficile à concevoir pour Leigh et moi et on l’a filmée et montée intégralement à l’aide d’une petite caméra numérique et de doublures techniques. Il y avait tellement d’éléments mobiles dans cette séquence qu’il a fallu la décomposer minutieusement. Leigh adorait l’idée que l’éclairage puisse être aveuglant et on a donc installé des éclairages LED très puissants dans tout l’intérieur de l’hôpital".

CHORÉGRAPHIE DES CASCADES ET DES SCÈNES DE COMBAT

Quand on se bat pour sa vie
Des cascades tout en émotion et en intensité

Ce qui rend les cascades d'INVISIBLE MAN particulièrement impressionnantes, c’est qu'à chaque fois que le personnage éponyme entre en scène, on a l’impression que la vie de sa victime potentielle est en jeu. Pour mener à bien cet aspect du thriller, Leigh Whannell a fait appel au chef cascadeur Harry Dakanalis, dont la trentaine d’années dans le métier lui a assuré une expérience solide et inégalée. Quand on sait que l’un de ses tout premiers films a été la saga MATRIX des Wachowski, on comprend que l'homme puisse partager ses connaissances avec Elisabeth Moss et le reste des acteurs. "Les cascades que j’ai réalisées dans MATRIX restent les plus mémorables et difficiles de ma carrière", raconte-t-il. "Lana et Lilly Wachowski m’ont appris que l’imagination est sans limites et qu’il faut suivre son instinct quand il s’agit des acteurs".
"Travailler avec Leigh a été une expérience elle aussi fantastique", poursuit Dakanalis. "Dès le début, on a été sur la même longueur d’onde. Tout au long du projet, il nous a laissés explorer chaque scène et nous a donné le temps nécessaire pour tester les chorégraphies qui allaient se retrouver à l’écran".
Elisabeth Moss est pour ainsi dire dans toutes les scènes d'INVISIBLE MAN. Il a donc fallu que l’actrice et sa doublure cascade Sarah Laidler travaillent étroitement avec le chef cascadeur pendant la prépa et tout au long du tournage. Dakanalis admet avoir compris qu’à la première lecture du scénario, il devrait avoir une approche différente sur ce projet. "L’équilibre était subtil pour que Cecilia paraisse dans un perpétuel état de surprise, presque de choc. J’y suis parvenu non pas en répétant sans cesse avec Elisabeth mais en laissant toutes les scènes de combat survenir naturellement. J’ai appliqué cette technique à ce film avec beaucoup de succès".
"En général, on répétait les scènes d’action à fond avec Sarah et Luke Davis, la doublure de notre Homme invisible, jusqu’à ce que la scène prenne forme", déclare le chef cascadeur. "On faisait ensuite découvrir à Elisabeth comment la séquence allait se dérouler et à quel rythme pendant en moyenne trois à quatre heures de travail. C’était suffisant pour qu’elle puisse être synchrone avec la caméra. L’étape suivante était le tournage, avec la doublure de l’Homme invisible qui se mesure à elle et qui lui résiste tandis qu'elle l’attaque en se fiant à son instinct plutôt qu'à des gestes effectués machinalement. Très en amont des répétitions, on a découvert que les réactions spontanées d’Elisabeth s’avéraient beaucoup plus intéressantes que ses gestes chorégraphiés. Et on s’est tenu à cette démarche pendant tout le film".
Le chef cascadeur a étroitement collaboré avec le chorégraphe de combat Chris Weir qui a également travaillé sur UPGRADE de Leigh Whannell, et qui avait également servi de doublure cascade de Logan Marshall-Green pour les scènes de combat d'UPGRADE. "C’est merveilleux de travailler avec Chris", poursuit Dakanalis. "Il a une approche extrêmement méthodique". Cette description est aussi valable pour le reste des acteurs qui se sont mesurés à l’interprétation physique d’Elisabeth Moss et de son équipe cascade, notamment Aldis Hodge qui joue James. "Aldis a une aptitude innée pour le combat. C’est un très grand acteur et il possède de formidables facultés physiques, ce qui m’a rendu la tâche très facile".

Travail d’équipe
Sarah Laidler et Elisabeth Moss en décousent

Étant donné que le film comporte un grand nombre de scènes particulièrement physiques, il était primordial que la cascadeuse expérimentée Sarah Laidler soit attentive aux questions de sécurité. "En tant que cascadeuse, je n’arrête jamais de m’entraîner pour être toujours prête à travailler", explique-t-elle. “Un rôle comme celui-ci consistait surtout à préparer mon corps à être vraiment maltraité”!
La cascadeuse et Elisabeth Moss avaient déjà collaboré ensemble, notamment sur la série TOP OF THE LAKE. "J’ai beaucoup plus travaillé avec Elisabeth sur INVISIBLE MAN", raconte Sarah Laidler. "On a eu plus de temps pour répéter et évoquer les scènes. J’ai pu me familiariser davantage à sa gestuelle et j’ai appris à mieux la connaître sur un plan personnel. J’ai veillé à prendre de ses nouvelles et à m’assurer qu’elle était physiquement prête pour chaque scène d’action. Elle n’a jamais hésité à me parler si elle doutait de quelque chose, ce qui nous a permis de faire en sorte qu’elle ne soit jamais en danger tout en obtenant les meilleurs résultats possibles. J’ai hâte de collaborer avec elle à nouveau".
La doublure cascade souligne que Whannell possédait une vision très précise de ce qu’il attendait de chaque scène, et Dakanalis et Weir se sont montrés tous les deux très impliqués dans les discussions et l’élaboration des scènes avec le réalisateur. Ils ont ensuite travaillé avec l’équipe de cascadeurs pour les mettre en œuvre sur le plateau.
Sarah Laidler a également apprécié le degré de complexité nécessaire pour donner l’impression que Cecilia luttait pour sa vie lorsqu’elle est attaquée par Adrian dans la maison de James. "La scène dans la cuisine-salle à manger est l’une de mes préférées", reprend-elle, "parce qu’on y a consacré énormément de temps en jouant avec le motion-control et les axes de caméra". Et, après une pause, elle ajoute : "C’est l’un des plus grands coups que j’ai pris de tout le film".
Contrairement à un film traditionnel, l’équipe a dû concevoir l’inimaginable puisque Cecilia se bat contre quelqu’un qui est littéralement absent. Pour accomplir ce tour de force, Elisabeth Moss et Sarah Laidler ont été assistées par leur partenaire Luke Davis. "La plupart du temps, Luke était en combinaison verte, ce qui m’a aidée", poursuit la cascadeuse. "Pendant ses scènes hors champ, pour des raisons d’effets visuels, il a continué à peaufiner des détails pour que des gestes comme le fait d'agripper son bras aient l’air réaliste".
Luke Davis et Sarah Laidler ont largement travaillé avec le chef cascadeur et le chorégraphe de combat pendant la prépa. "On a testé pas mal d’idées différentes, on a fait des changements en cours de route mais aussi à la suite des commentaires de Leigh", souligne Sarah Laidler. "C’était bien d’avoir un 'homme invisible' tangible pour me tirer et me projeter à droite et à gauche, ou me maintenir immobile à l’aide de câbles. Ça a aussi été utile à Elisabeth pour pouvoir repérer où il se tenait dans la pièce. Les cascadeurs ont fait un travail remarquable en nous balançant, Lizzie et moi, suspendues à ces câbles".
La cascadeuse a du mal à dire quels sont ses souvenirs préférés du tournage mais la scène où Cecilia s'échappe de l’hôpital psychiatrique après s’être battue contre Adrian en fait partie. "Ça a été un travail d’équipe. Elisabeth a réalisé beaucoup de ses cascades, après un travail de reconnaissance ensemble", dit-elle en évoquant la fuite qui marque le début du film. "Elle court et escalade le bas du mur puis je prends le relais pour la partie supérieure et la chute de l’autre côté du mur. Mais le plus dur a été de se synchroniser avec le chien !", ajoute-t-elle en riant.
Entre son affrontement avec l’Homme invisible dans la douche, sa bagarre avec le garde et sa fuite dans la nuit, l’éprouvante évasion de Cecilia de l’hôpital psychiatrique a été l’une des séquences les plus complexes du tournage. "La scène était à la fois amusante et difficile à tourner, car elle est très technique et précise et devait être filmée grâce à la caméra de motion-control", insiste la cascadeuse. "On a travaillé suivant un minutage précis et, bien entendu, le timing de la caméra était toujours parfait ! Ça a été aussi très chouette d’avoir une plus grosse équipe de cascadeurs dans le couloir et des chorégraphies inventives. Et cerise sur le gâteau, j’ai pu voler à travers la pièce".
S'agissant de la course-poursuite en voiture, au moment où Cecilia s’échappe de l’asile, le pilote chevronné Mick Van Moorsel (MAD MAX : FURY ROAD) a confié à Whannell et au chef-opérateur Duscio tous ses secrets. "Mick avait arrimé une nacelle à l’extérieur de la voiture", confirme Sarah Laidler, "ce qui lui permettait de la conduire, pendant que Lizzie était au volant".

LES COSTUMES

Personne ne porte de t-shirts basiques dans la vraie vie
Emily Seresin habille les acteurs

La chef costumière Emily Seresin, qui a débuté sa carrière en Australie comme chef-habilleuse sur le légendaire PRISCILLA, FOLLE DU DÉSERT, a été recrutée pour les costumes d'INVISIBLE MAN. Elle a trouvé en Leigh Whannell un réalisateur capable de percevoir avec finesse les univers socio-économiques et culturels de ses personnages. "Collaborer avec Leigh, c’est comme travailler avec Louis Theroux, Andy Warhol et Noam Chomsky réunis en une seule personne", commente Emily Seresin. "On sait qu’il va falloir écouter avec attention les idées que vous lance le patron. Par exemple, la propriété d’Adrian n’est pas tant une maison qu’une représentation de sa personnalité et veut dire, 'Mes problèmes ne sont pas ceux de tout le monde'. Leigh a adoré intégrer des références au film. Il lançait : 'Personne dans la vraie vie ne porte de tee-shirts basiques' et on a donc eu une très longue liste de choses de ce genre à prendre en compte".
S’agissant des styles vestimentaires, et très en amont du tournage, Whannell et la chef-costumière ont évoqué la tonalité réaliste qu’ils voulaient restituer. "Leigh souhaitait adopter cette dimension brute, sans fard, et pas une version aseptisée comme on en voit parfois au cinéma", reprend Emily Seresin. "Il y avait d’autre part l’univers d’Adrian totalement dépouillé, et il nous fallait donc des éléments hyper design, mais sans oublier Cecilia dans son vieux sweat à capuche de la fac tout élimé et James dans ses vieux vêtements qu'il porte quand il peint".

La garde-robe de Cecilia

La costumière avait déjà travaillé avec Elisabeth Moss sur un épisode de TOP OF THE LAKE : CHINA GIRL et estimait que l’actrice savait rendre un personnage authentique. "Ça se voit à l’écran. Elisabeth est intelligente tout en ayant un regard joyeux sur la vie. Cela permet de travailler avec sincérité tout en s’amusant. Elle possède un sens très prononcé de ce qui fait authentique, tout en étant capable d'incarner pleinement son personnage ".
Dans son travail, Emily Seresin cherche à faire essayer une multitude de vêtements aux acteurs et Elisabeth Moss s’est amusée de ces séances de plusieurs heures. "Les essayages ont été un peu fatigants", poursuit la chef costumière. "Je ne peux pas toujours expliquer pourquoi certaines tenues fonctionnent, mais quand ça tombe juste, ça paraît évident. C’est donc un processus très intuitif. Souvent, la forme convient mais pas la couleur ou la matière. On a bien sûr créé des pièces pour Cecilia, ou on les a teintes ou modifiées, mais, en général, on a d’abord trouvé quelles formes on voulait grâce aux essayages".
Aux côtés du réalisateur, la créatrice a passé en revue une grande partie des matières avec le directeur de la photographie Stefan Duscio et le chef décorateur Alex Holmes. Pour symboliser la dépression de Cecilia, ils ont fini par choisir une palette de couleurs relativement douce en se focalisant plutôt sur les textures et l’éclairage. "J’ai découvert que les patients d’hôpitaux psychiatriques en Californie portaient un uniforme dans les tons de beige", indique Emily Seresin. "Cela nous a donné l’occasion d’associer la perte de crédibilité de Cecilia à un élément significatif comme l'élimination des couleurs vives".
En matière de costumes, le cheminement de Cecilia a été fascinant. À cet effet, l’équipe devait montrer une femme qui s’habille pour tenir un rôle dans sa propre vie. "La scène clé du dîner est préméditée. La robe de Cecilia devait respirer la femme sûre d’elle et [Cecilia] devait reprendre le même vocabulaire qu’Adrian. C’est gratifiant de la voir en sweat et pyjama pendant tout le film, puis de la voir prendre le contrôle de la situation telle une Amazone en talons-aiguilles à la manière d’Helmut Newton", commente encore la costumière.

Donner un style à la duplicité d’Adrian

L’équipe de production a également évoqué l’allure élégante d’Adrian. "C’est un homme qui dégage une impression d'opulence et d’ambition – il fait peut-être partie de ces ultra-riches ou il aspire à l’être en tout cas – et qui porte une sorte d’uniforme", suggère la chef costumière. "Le sien est un pull en cachemire, un t-shirt, une veste légère et un pantalon, mais le tout admirablement taillé sur mesure. De mon point de vue, il s’agit simplement de trouver la forme adéquate et la bonne coupe".
En ce qui concerne la "tenue invisible" d’Adrian, Emily Seresin n’a pas pu dévoiler son secret. "Ce serait trop risqué ! Je dois admettre que je n’ai fait que quelques suggestions au sujet du costume invisible. La conception en revient à Alex et Leigh. L’une de mes idées était de faire appel aux Odd Studios, qui ont recouru à un mélange d’impression 3D et de sculpture pour lui donner vie".

MAQUILLAGE ET COIFFURES

Belle et envoûtante
Angela Conte et Elisabeth Moss : une équipe de choc

Angela Conte (PRISCILLA, FOLLE DU DÉSERT), primée au BAFTA Awards, était à la tête de l'équipe maquillage-coiffure. Pour restituer la déliquescence mentale de Cecilia, Angela Conte a travaillé avec l'actrice en étroite collaboration. "C'est extrêmement difficile d'enlaidir Elisabeth, si bien que lorsqu'il a fallu imaginer son allure de femme brisée, sa coopération a été décisive. Elle a un regard formidable et elle est audacieuse. Ensemble, on lui a façonné des expressions que j'appelle 'sublimes et envoûtantes". 
La mission de la chef-maquilleuse et coiffeuse consistait à faire en sorte que Cecilia, qui a d'abord l'allure parfaite d'une "potiche" quand elle vit avec Adrian, adopte ensuite un visage dévasté dès lors qu'elle plonge vers ce que son entourage perçoit comme la folie. Un état qui comportait plusieurs phases. "Lizzie ne voulait pas avoir l'air d'une potiche caricaturale", relève Angela Conte. "Car Cecilia a subi des violences physiques et émotionnelles de la part de son partenaire".
En travaillant avec Leigh Whannell, la chef-maquilleuse et coiffeuse a pu transposer visuellement le formidable imaginaire du metteur en scène et ses idées visionnaires. "Leigh avait ses propres story-boards", détaille-t-elle, "et ils m'ont été utiles dans mon travail. Ensemble, on a mis au point des expressions de visage extraordinaires, et lorsque Lizzie s'est investie dans ce processus, on a réuni l'équipe idéale".
"J'ai scrupuleusement analysé des images qui m'ont servi : tandis que Cecilia perd pied peu à peu – et que son état mental suit le même chemin –, son maquillage se met à couler et sa coiffure est en bataille", poursuit Angela Conte. "J'ai eu l'idée de lui ajouter des extensions de magnifiques cheveux blonds bien épais pour son allure de 'potiche', quand elle est encore en couple avec Adrian. Pour son allure de femme dévastée, on a très légèrement assombri sa teinture et rendu ses cheveux plus fins. Il ne s'agissait pas de modifier sa couleur de cheveux, mais de leur donner un aspect sale et mal soigné. C'était un effet d'illusionniste. À mesure qu'on lui enlevait les extensions, ses cheveux devenaient plus cassants et filasses, notamment pour les scènes d'hôpital psychiatrique".
Pour les scènes où Cecilia est au fond du gouffre, Angela Conte a mis au point un maquillage donnant à l'actrice un teint pâle et un air malade et dénué d'expression. "On l'a affublée de rougeurs sur le visage, de cernes sous les yeux, de coupures et d'égratignures", dit-elle. "Et il fallait que tout ce maquillage tienne sous une pluie diluvienne et pendant les scènes d'action. En d'autres termes, il fallait que ça résiste sans que j'aie besoin de venir retoucher son maquillage toutes les cinq secondes. J'ai donc utilisé une teinture et un maquillage résistants à l'eau. On lui a également ajouté des extensions de cheveux capables de résister à ses cascades et aux trombes d'eau se déversant sur elle".
Dans la scène du dîner avec Adrian, on retrouve une Cecilia émancipée. La chef-coiffeuse et maquilleuse a donné une allure plus combative et plus élégante à la comédienne. "Elle n'est pas parfaitement impeccable car Cecilia a connu l'enfer", remarque-t-elle. "Je voulais que ça se ressente dans le maquillage et la coiffure".

LA MUSIQUE

Ne leur dites pas à quel moment sursauter !
Benjamin Wallfisch entre en scène

Benjamin Wallfisch, à qui on doit les partitions de BLADE RUNNER 2049, SHAZAM! et la saga ÇA, a été engagé pour imaginer des sonorités bien particulières pour INVISIBLE MAN. D'emblée, le réalisateur a clairement spécifié ce dont il ne voulait pas. "Je ne voulais surtout pas d'une musique démonstrative, avec des cordes très présentes, pour bien souligner les moments où on est censé avoir peur", dit-il.
Prenant en compte la volonté du cinéaste de, selon ses propres termes, "laisser beaucoup de liberté au spectateur", le compositeur précise : "Il s'agissait d'utiliser les silences par souci de rythme si bien que, lorsqu'on entend de la musique, les sonorités prennent un relief très particulier. On croit qu'on va entendre la musique, mais elle ne vient pas – comme un écho à la présence invisible d'Adrian Griffin".
"Je tenais aussi à restreindre l'instrumentation aux cordes", poursuit Wallfisch, "si bien que les musiciens devaient donner la pleine puissance à leur interprétation sans l'appui d'un orchestre au grand complet. C'était aussi un hommage à l'une de mes idoles, l'immense Bernard Herrmann, et à son chef-d'œuvre composé pour PSYCHOSE. Une manière d'évoquer la dimension hitchcockienne du film".
Tandis que Cecilia se met à douter d'elle-même, avant de reprendre des forces, le musicien raconte la manière dont il a abordé son parcours. "Le 'thème de Cecilia', mélodie toute simple pour violoncelle et cordes, permet au personnage de se souvenir qu'elle a toute sa tête, y compris dans les moments où le sol se dérobe sous ses pieds", dit-il. "On ne l'entend que quelques fois dans le film, à des moments-clés de sa trajectoire. On entend aussi un thème au piano qui revient à quelques reprises. C'est un motif insistant qui montre qu'elle est encore capable de se raccrocher à sa véritable identité, en dépit de tous les obstacles, et qu'elle finira par triompher".
Étant donné qu'il devait imaginer un espace sonore pour un ennemi qu'on ne voit pas, le compositeur a dû faire des choix qu'il n'avait encore jamais envisagés pour un antagoniste : "Il nous fallait une sonorité qui lui soit propre – quelque chose qui vous prenne par surprise", conclut Wallfisch. "Le thème de l'Homme invisible est entièrement électronique et quand il est poussé au maximum, on a fait en sorte que les sonorités occupent tout l'espace".

Source et copyright des textes des notes de production 
@ Universal Pictures International France

  
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