Drame/Une belle histoire touchante racontée de façon surprenante et efficace
Réalisé par Robert Zemeckis
Avec Steve Carell, Leslie Mann, Eiza Gonzalez, Diane Kruger, Gwendoline Christie, Merritt Wever, Janelle Monáe, Siobhan Williams...
Long-métrage Américain
Titre original : Welcome to Marwen
Durée: 01h56mn
Année de production: 2018
Distributeur: Universal Pictures International France
Date de sortie sur les écrans américains : 21 décembre 2018
Date de sortie sur nos écrans : 2 janvier 2019
Résumé : L'histoire de Mark Hogancamp, victime d'une amnésie totale après avoir été sauvagement agressé, et qui, en guise de thérapie, se lance dans la construction de la réplique d'un village belge durant la Seconde Guerre mondiale, mettant en scène les figurines des habitants en les identifiant à ses proches, ses agresseurs ou lui-même.
Ce que j'en ai pensé : BIENVENUE À MARWEN raconte une histoire humaine, celle d'un homme qui doit affronter les conséquences d'un acte odieux dont il a été la victime. Il n'y a ni solution magique, ni certitude quand on doit faire face aux impacts, à l'angoisse ou à la dépression post-traumatique. Le réalisateur Robert Zemeckis a pris le parti de nous raconter l'histoire de Mark Hogancamp. Le scénario se base sur ce que Mark a vraiment vécu. Le réalisateur utilise l'imagination et l'imaginaire comme outils de reconstruction. Il nous prend complètement à contre-pied avec ses scènes métaphoriques dans lesquelles des poupées vivent des aventures qui sont le reflet du ressenti du héros. Visuellement, c'est impeccable et c'est aussi très efficace pour illustrer la souffrance qu'une victime doit endurer jour après jour.
Il y a ici un parallèle fort avec ce que vivent les soldats à la guerre et qui reviennent différents, abîmés et devant se reconstruire souvent seuls, puisque leurs proches ne les comprennent plus. La volonté du réalisateur d'étendre cette histoire personnelle pour la rendre lisible par le plus grand nombre est évidente et il atteint son but. Il nous entraîne dans cet univers délirant qui prend tout son sens affectif au fur et mesure du déroulement de l'intrigue.
Robert Zemeckis offre une vision positive, pleine d'espoir et va même jusqu’à rendre hommage aux bizarreries. Il n'oublie aussi pas au passage de faire un beau clin d'œil à ses fans. Quant à Steve Carell, qui interprète Mark Hogancamp, il est encore une fois parfait pour mettre en avant la douleur, les peurs, la douceur, la force de la créativité qui retrouve toujours son chemin, la peine, la part d’enfance, l’excentricité comme une part de l’âme... Il est touchant et juste.
Il est entouré d’actrices qui représentent autant de caractères différents avec une force égale depuis Leslie Mann dans le rôle de Nicol, à Eiza Gonzalez dans celui de Caralala, en passant par Diane Kruger qui interprète Deja Thoris ou encore Gwendoline Christie qui interprète Anna et Merritt Wever qui interprète Roberta.
Robert Zemeckis offre une vision positive, pleine d'espoir et va même jusqu’à rendre hommage aux bizarreries. Il n'oublie aussi pas au passage de faire un beau clin d'œil à ses fans. Quant à Steve Carell, qui interprète Mark Hogancamp, il est encore une fois parfait pour mettre en avant la douleur, les peurs, la douceur, la force de la créativité qui retrouve toujours son chemin, la peine, la part d’enfance, l’excentricité comme une part de l’âme... Il est touchant et juste.
BIENVENUE À MARWEN propose une vision originale, surprenante et agréablement étrange qui fonctionne, car le drame dont elle naît parle aux spectateurs. Il ne reste alors qu'à se laisser emporter aux portes de Marwen et à en franchir le seuil pour être touchés par Mark, son histoire et son art.
Copyright photos @ Universal Pictures International France
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
L’HISTOIRE
Tragédie et triomphe
L’histoire de Mark Hogancamp
Né en 1962, Mark Hogancamp a grandi dans
une banlieue confortable de New York. L’aîné de trois frères, il fait preuve dès
son enfance d’évidentes aptitudes artistiques ainsi que d’une étonnante curiosité
pour le monde qui l’entoure. Il est fasciné par son grand-père maternel qui a
perdu une jambe à la guerre, ayant combattu dans la Luftwaffe comme mécanicien
d’armement de la lutte antiaérienne, sous le commandement d’Hitler.
Mark
Hogancamp n’est pas un très bon élève, mais sa créativité s’épanouit. Au début
des années 80, il s’engage dans l’US Navy. Il croque des scènes de vie dont il
est témoin à bord et dans les pays d’Europe qu’il est amené à visiter.
Il épouse
rapidement une jeune Russo-polonaise qu’il a rencontrée à l’université. Le
mariage ne dure pas. Mark Hogancamp tombe dans l’alcool, travaille
sporadiquement et fait de fréquents passages en centre de désintoxication. Il
trouve enfin un emploi de cuisinier, parvenant à rester sobre durant ses heures
de travail, après lequel il se réfugie à la maison pour boire et jouer de la
guitare. Il ne cesse cependant jamais de dessiner, et peint des petits soldats
qu’il offre ou vend.
Quand, à 38
ans, sa vie est altérée à tout jamais. Le soir du 8 avril 2000, Mark Hogancamp
se rend dans un bar de son quartier, dans le nord de l’État de New York, pour y
retrouver des amis. Quand il arrive, ses amis ont déjà quitté les lieux. Il décide
de rester et discute avec un jeune homme au bar. Durant la conversation, il lui
révèle un secret bien caché : sa propension à porter des chaussures de femmes.
Tard dans la nuit et ivre, il quitte le bar. Il est alors interpellé par le
même homme et quatre amis à lui. Ils l’attaquent, lui piétinant violemment la
tête et la poitrine, et le laissent pour mort au milieu de la chaussée où il
est retrouvé par une habitante du coin. Laissant sa voiture en travers de la
route pour lui éviter de se faire écraser, elle court chercher de l’aide. Les
blessures de Mark sont trop sérieuses pour être prises en charge par les
services d’urgence locaux et il est transféré à l’hôpital de Westchester où il
est plongé dans un coma artificiel. Suivront des interventions chirurgicales
pour lui reconstruire le visage. Il sort du coma 9 jours plus tard et les
médecins sont alors à même d’évaluer l’étendue de ses lésions cérébrales. Mark
Hogancamp n’a aucun souvenir de l’agression. Il reconnaît sa famille proche mais
n’a presque plus aucuns souvenirs de sa vie adulte. Il doit aussi réapprendre à
manger, à marcher et à lire. Il reste hospitalisé pendant 43 jours.
Quand la
prise en charge de sa rééducation arrive à sa fin, Mark Hogancamp est loin
d’être remis de ses traumatismes. Il partage alors un appartement avec un ami
pendant deux ans, puis s’installe dans une caravane à la périphérie d’une ville
moyenne, dans la vallée de l’Hudson, alors qu’il souffre toujours d’angoisses paralysantes.
Sa passion
pour la Seconde Guerre mondiale et les modèles réduits de l’armée refait
surface. Une perte de dextérité et des tremblements de mains ne lui permettent
plus de dessiner ni de peindre de petits modèles, il choisit donc des figurines
de 30 centimètres, à l’échelle 1/6 : des poupées, des héros d’action, des soldats.
Il trouve une figurine qui lui ressemble vaguement et la baptise Capitaine
Hogancamp ou, en abrégé, Hogie. Il en déniche d’autres qu’il associe à des
amis, des membres de sa famille, ses agresseurs, mais aussi le mal plus
généralisé. Avec un grand souci des détails, il les habille et les met en scène
suivant leurs rôles et leurs personnalités.
Avec le
temps, il s’avère que le retour à une vie « normale » est inenvisageable. Au
lieu de cela, Mark Hogancamp va se créer un univers de toutes pièces dans
lequel il trouvera refuge. Il faut désormais à ses figurines un endroit où
vivre, travailler et jouer. Il se lance, à côté de sa caravane, dans la
construction d’un village belge fictif de la Seconde Guerre mondiale, à
l’échelle 1/6, n’utilisant que des objets et des matériaux de récupération ou
très bon marché. Son premier bâtiment est un bar qu’il appelle Hogancamp’s
“Ruined Stocking Catfight Club” (le club du bas filé et du crêpage de chignon
d’Hogancamp).
« Je voulais la faire revenir (mon imagination), je savais
que j’avais dans la tête un moteur 8 cylindres qui ne tournait que sur un seul
cylindre », a-t-il déclaré dans le livre Welcome to
Marwencol (2015). « J’ai donc pensé que pour la faire
revenir, j’allais construire mon propre bar. J’ai toujours rêvé d’ouvrir un
bar, alors je l’ai construit… mais ça faisait bizarre, un bar tout seul
là-dehors, alors j’ai construit d’autres bâtiments pour lui tenir compagnie ».
Il nomme
deux de ses bâtiments Wendy et Colleen, les deux premières femmes de sa «
seconde vie » dont il s’est entiché et un autre Mark. Il combine alors ces
trois prénoms de multiples façons, s’arrêtant sur Marwencol (Mar-Wen-Col) qui
devient le nom de son village imaginaire. L’artiste continue d’inventer des
histoires entre ses personnages, de les mettre méticuleusement en scène et de les
photographier avec un vieil appareil argentique, saisissant leur amitié, leurs amours,
leurs peurs et leurs formidables aventures avec un tel réalisme que certaines
personnes croient y voir de vrais humains. Ses cinq agresseurs sont aussi
présents à Marwencol, sous les traits de vilains nazis qui terrorisent les
habitants.
En 2005, un
voisin curieux, le photographe David Naugle, qui a croisé Mark Hogancamp à
plusieurs reprises, le long de la route 213, traînant une jeep miniature,
l’approche. Hogancamp lui montre des photos de scènes de vie à Marwencol.
Impressionné
par la précision et le réalisme du travail de Hogancamp, David Naugle lui
propose de montrer ses photos au rédacteur en chef du magazine d’art Esopus. Un article sur Marwencol est publié dans
leur numéro d’automne. S’ensuit une proposition d’exposition de ses photos dans
une galerie newyorkaise, qui s’avère un véritable dilemme pour Hogancamp, le forçant
à sortir de sa bulle, et d’une vie qu’il contrôle, pour retourner dans le monde
réel.
L’exposition
est chaleureusement accueillie et attire l’attention du réalisateur de
documentaires Jeff Malmberg, avec lequel Mark Hogancamp développe une relation
de confiance. Le documentaire, intitulé simplement MARVENCOL, sort au cinéma en 2010 et est également
diffusé sur la chaîne publique PBS. Il remportera 25 récompenses de la
profession, dont deux Independent Spirit Awards, le prix de l’association des
critiques de films de Boston et du site Rotten
Tomatoes du meilleur documentaire de l’année, et le
grand prix du jury du festival South by Southwest.
Le Los Angeles Times qualifie MARVENCOL, « d’expérience
grisante et absolument unique » et le Village
Voice corrobore en déclarant que le film est « exactement le genre d’expérience mystérieuse et presque
mystique qu’on espère avoir en regardant un documentaire, ce qui n’arrive que
rarement ».
Welcome to Marwencol, un ouvrage
relié de 278 pages, est
encore publié et largement plébiscité, Amazon le désignant comme un des meilleurs livres
de l’année 2015. Désormais âgé de 56 ans, Mark Hogancamp continue sa thérapie
personnelle et ses photos de Marwencol.
LE
FILM
À la découverte de
Marwen
Un réalisateur, un acteur, une vision
Robert
Zemeckis découvre l’histoire de Mark Hogancamp en 2010 quand il tombe sur la diffusion
du documentaire MARWENCOL sur PBS. Il est immédiatement fasciné. Le film
n’est pas encore terminé qu’il y voit déjà le matériel pour un long-métrage de
fiction. Il appelle Donna Langley, la présidente d’Universal Pictures, dès le
lendemain, lui demandant d’acquérir les droits d’adaptation de l’histoire. Pour
Zemeckis, il va s’agir de faire entrer les spectateurs dans l’univers de Mark
Hogancamp, de donner vie à ses personnages et de voir le village et les
différents récits qui s’y entrecroisent à travers les yeux de Mark. « En voyant le documentaire, j’ai remarqué que Mark
racontait en détail ce qui se déroulait autour de chaque photographie. C’est ce
qui m’a inspiré. Dans le film, on peut assembler ces histoires sans qu’elles aient
à être narrées par l’artiste. On peut les voir se dérouler sous nos yeux et montrer
ce qui se passe entre les figurines du point de vue de Mark. On peut leur
donner vie. Je pressentais la force, la portée et l’originalité d’un tel film »,
raconte Robert Zemeckis.
Sa filmographie
témoigne de son intérêt pour la force de notre mental, et là encore, c’est
cette volonté de s’en sortir qui interpella le réalisateur. « Ce combat est inhérent à l’être humain, il est universel
», explique-t-il. « Même si nous ne sommes pas tous
confrontés à ce que Mark a pu vivre, nous comprenons néanmoins la nécessité de
retrouver un équilibre mental et émotionnel. Mark avait ce besoin d’exprimer ce
qui le dévorait de l’intérieur, pour l’aider à mettre fin à sa souffrance, à
lui trouver une résolution ».
« C’est l’un des rôles de l’art »,
continue-t-il. « Je m’identifiais à lui, comme nous
pouvons tous le faire. Que l’on chante dans une chorale, qu’on gribouille sur
une feuille ou qu’on entretienne son jardin, ce sont des actes créatifs. Ils
nous servent à digérer les difficultés de la vie, et à appréhender ses énigmes ».
Mais
Zemeckis n’était pas le seul à penser que cette histoire de résurrection par
l’art ferait un passionnant film de fiction. Steve Carell avait lui aussi vu le
documentaire qui l’avait ému et motivé à agir. « J’ai commencé à me renseigner sur l’obtention des droits
et j’ai découvert que Bob Zemeckis les détenait et qu’il avait déjà écrit un
scénario. Je l’ai alors contacté. C’est la première fois que je me jette comme
ça dans l’arène, mais cette histoire me parlait et je voulais en être, d’une
façon ou d’une autre, comme acteur, producteur ou scénariste, peu importait »,
se souvient Steve Carell.
Les deux
hommes tombèrent vite d’accord : Steve Carell interpréterait le double personnage
de Mark Hogancamp et son alter ego héroïque, le capitaine Hogie. « Steve n’est pas qu’un formidable acteur de comédie,
c’est un grand acteur dramatique », déclare le réalisateur. « Il est capable d’incarner avec brio les deux Mark. Je savais
qu’il serait un merveilleux Hogie, le fier-à-bras, et saurait aussi rendre
justice à la faille et à la complexité émotionnelle de Mark ».
Pour
l’acteur, c’était le souci premier : interpréter dignement Hogancamp. « Jouer une personne vivante ne va pas sans une certaine
responsabilité. Évidemment, on ne parle pas de mimétisme, ça reste une
interprétation, mais je tenais à honorer certaines qualités fondamentales de
Mark. C’est son courage qui m’a tant parlé. Contre toute attente, cet homme a
inventé sa propre cure, sa propre façon de se soigner. C’est un accomplissement
extraordinaire, et son intégrité humaine rayonne tout au long de ce parcours.
Je voulais que ces qualités transparaissent dans mon interprétation ».
Acteur et réalisateur se rendirent au nord
de l’État de New York pour y rencontrer Mark Hogancamp un mois avant le début
du tournage, ce qui leur laissa à tous deux une forte impression. « Avant toute chose, Mark est un artiste »,
déclare Steve Carell. « La raison principale de notre
visite était de le rassurer sur nos intentions. Je voulais aussi m’asseoir et
parler avec lui, et entrer dans son univers pour quelques heures, avec le plus
de respect possible. Le monde qu’il s’est créé et son processus de guérison
sont si riches et si complexes. Il est conscient de la façon dont les autres le
perçoivent et il est à l’aise avec ça, ce que j’ai trouvé très touchant. C’est
un vrai gentil ».
La fable des deux
Mark
Créer un univers intérieur
Pour
raconter leur histoire, il était nécessaire pour les créateurs du film de
distinguer le personnage de l’homme. Le documentaire avait été élégamment
réalisé et Robert Zemeckis et ses producteurs souhaitaient développer certains
thèmes que le parcours de Mark leur avait inspirés, mais ce n’était pas sans
danger. « Le parcours émotionnel de Mark peut
être assez simplement raconté dans un film. Mais le choix d’entrer dans son
personnage et de suivre ce parcours, de la souffrance à la renaissance, par le
biais d’une poupée est une tout autre gageure »,
commente le producteur Steve Starkey. « Il
fallait un investissement général dans cette histoire et ces personnages pour
suivre Mark dans cette traversée ».
Ça
commençait bien sûr par Steve Carell, dont le producteur déclare : « Il nous montre toutes les facettes de son talent d’acteur,
révélant une fragilité et une profondeur impressionnantes. Il arrive aussi bien
à éveiller l’empathie des spectateurs qu’à incarner la figure héroïque du
capitaine Hogie que Mark s’est inventée. Il est aussi crédible et bluffant dans
une incarnation que dans l’autre, ce dont peu d’acteurs seraient capables ».
Pour l’intéressé, « son personnage, comme Mark
lui-même, est quelqu’un d’intègre, de chaleureux et de bon, hanté par des démons qu’il essaie d’apprivoiser ».
Mais
l’entreprise n’était pas des moindres : il fallait recréer l’univers de Marwen,
avec des poupées vivantes modelées sur des personnes existantes. Le film
demandait une longue préparation, avec un premier coup de manivelle fixé au 14
août 2017. « On devait choisir les acteurs
très vite, parce que les poupées devaient être fabriquées avant le début du
tournage », explique Steve Starkey. « Ça peut paraître relativement simple, mais bloquer un acteur
8 mois à l’avance et définir un emploi du temps précis pour tout le monde est
un sérieux casse-tête ».
Les poupées,
plus que les acteurs, demandaient un plan de travail rigoureux, défini à
rebours. « Le temps alloué au casting était
limité par le créateur des poupées et le costumier. Les acteurs seraient prêts,
il fallait s’assurer que les 17 poupées le soient aussi »,
continue le producteur.
Tous les films de Robert Zemeckis sont des
challenges techniques et créatifs, c’est ce que requiert l’innovation au
cinéma. « Si l’on regarde sa filmographie,
aucun de ses films n’est un film facile. Les gens me disaient : « CONTACT (1997) était tout aussi compliqué, non ? Ou SEUL AU MONDE (2000) ? Et quand vous avez tourné QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ?
(1988), RETOUR VERS LE FUTUR (1985) ou FORREST GUMP (1994) ?
» C’est simplement la façon que Bob a de faire des films. Il crée un univers et
un spectacle qui lui permettent d’aller au plus profond du parcours émotionnel qui
l’intéresse ».
“Je constitue une armée de femmes. Les femmes mènent le monde.On est juste là pour leur tenir compagnie.” Mark Hogancamp
Soldats et sauveurs
Le casting des habitants de Marwen
Un des
éléments majeurs du mécanisme de défense et de guérison que Mark Hogancamp a
mis en place, a été de transposer ses émotions et les personnes clés de sa vie
(les femmes qui l’entourent et leur compassion, ses agresseurs et leur cruauté,
son propre courage) sur les poupées qui peuplent Marwen. « J’ai l’impression que les hommes m’ont exclu de ce
monde, j’ai donc utilisé les femmes comme catalyseurs de ma vengeance »,
déclarait-il au New York Times en
2015.
Pour son film,
Robert Zemeckis se devait de réunir les acteurs à même de jouer les personnes
réelles, mais aussi ce qu’elles incarnent pour Mark dans leur double poupin. « Pour un cinéaste ou un scénariste, un individu qui sait
transformer et embellir ses sujets comme seul un artiste peut le faire, offre
un terrain très fertile. C’est comme si les femmes que Mark rencontrait dans la
vie devenaient des sortes de muses. Des livres entiers ont été écrits sur
certains peintres et leur muse qui leur servait sans cesse d’inspiration. C’est
pareil pour Mark. Les femmes qu’il rencontre deviennent ses muses, et les
personnes qui lui font du mal deviennent les ennemis jurés de son alter ego »,
explique le réalisateur.
Quand on
découvre Mark dans le film, il a déjà construit Marwen, mais l’arrivée de Nicol
(Leslie Mann), une nouvelle voisine attentive et attentionnée, l’incite à
introduire une nouvelle poupée dans son village imaginaire. « C’est comme si on était spectateur de notre vie extérieure,
consciente et de notre vie intérieure », commente Leslie Mann dont la première
collaboration avec Steve Carell remonte au film qui l’a révélé, 40 ANS, TOUJOURS PUCEAU (2005), qu’il a
coécrit avec le mari de Leslie Mann, le réalisateur Judd Apatow. « Ce film s’intéresse aux va-et-vient entre ces deux
univers, à cause de ce qui est arrivé à Mark. Mais nous connaissons tous à
notre façon cette dualité entre la réalité et notre monde imaginaire ».
Le rôle de
Nicol est un rôle clé autant d’un point de vue narratif qu’émotionnel. Il
demandait une actrice d’une grande vitalité, sensible et compatissante. « Nicol est la femme fantasmée et inaccessible. Comme
objet de l’affection de Hogie, elle a un rôle central »,
explique le producteur Jack Rapke. « Leslie devait pouvoir insuffler
différentes émotions à son personnage. À Marwen, elle est la petite amie de
Hogie, mais dans la réalité, elle n’est qu’une voisine compréhensive qui voit
bien que Mark est traumatisé et a un faible pour elle ».
Mark
s’invente un avenir avec Nicol mais c’est Roberta (Merritt Wever) qui partage
sa passion créatrice. Roberta travaille comme vendeuse dans le magasin de
loisirs créatifs préféré de Mark, et elle le pousse à affronter ses agresseurs
au tribunal afin qu’enfin justice soit faite et que Mark puisse tourner la
page. Il la considère comme une réelle amie ce qui lui vaut naturellement une
place à Marwen. Pour la jeune actrice, qu’on a notamment pu voir dans les séries
« Nurse Jackie » (Liz Brixius, Evan Dunsky & Linda Wallem, 2009-15) et «
Godless » (Jack O’Connell, Michelle Dockery & Scoot McNairy, 2017), « Roberta partage les intérêts de Mark et elle a beaucoup
de respect pour l’univers qu’il a créé. C’est également elle qui montre à son
cousin galeriste à New York les photos de Mark ».
L’actrice et
chanteuse mexicaine Eiza González, qu’on a pu voir voler la vedette lors de ses
apparitions dans BABY DRIVER (Edgar Wright,
2017), interprète Carlala, cuisinière à Avalanche Roadhouse où travaille Mark.
Carlala soutient et encourage Mark dans la vie, comme à Marwen. « C’est une femme qui ne doit rien à personne, elle est
indépendante, marrante, loyale, aimante et attentionnée »,
déclare son interprète qui se félicite de l’opportunité que le film lui offrait
d’explorer et pointer du doigt les représentations stéréotypées des femmes
latino-américaines dans la culture populaire. « C’était très agréable de pouvoir jouer d’une part
l’excès, avec cet accent absurde, et d’autre part un personnage plus réaliste.
C’était une belle opportunité pour moi de travailler sur la notion d’ethnicité,
et de rendre compte du pour et du contre de nos stéréotypes, de manière
positive », explique encore Eiza González.
Gwendoline
Christie, connue pour son interprétation saisissante de la guerrière Brienne de
Tarth dans « Game of Thrones » (David Benioff & DB Weiss, 2012-17), incarne
Anna, l’auxiliaire de vie de Mark. D’origine russe, Anna passe une fois par
mois pour s’assurer que Mark prend bien ses médicaments et prend soin de lui.
Pour son interprète, « Anna est impassible et dans le
contrôle. Pas grandchose ne l’amuse et elle a tendance à prendre tout au
sérieux. De la même manière, son avatar est très méticuleux quand il s’agit de protéger
le village de Marwen ».
L’auteure-compositrice-interprète
Janelle Monáe s’est largement fait applaudir pour ses rôles au cinéma dans MOONLIGHT (Barry Jenkins, 2016) et LES FIGURES DE L’OMBRE (Theodore Melfi, 2016). Elle incarne ici
Julie, aka G.I. Julie à Marwen, une vétérane de guerre qui a perdu une jambe et
travaille aujourd’hui comme kiné au centre de rééducation dans lequel Mark
réapprend à marcher. Il apprécie son soutien inébranlable et son refus de
tomber, et de le laisser tomber, dans l’auto-apitoiement.
« J’étais aux anges quand j’ai appris que Steve
interpréterait Mark », se souvient Janelle Monáe. « Il est parfait pour le rôle. Il sait jouer la gravité de
la condition de Mark et lui apporter une légèreté
comique, surtout à travers le capitaine Hogie. Steve est un acteur
magistral et je suis très honorée d’avoir pu travailler à ses côtés ».
À Marwen, on
découvre encore Suzette, interprétée par Leslie Zemeckis. Suzette est aussi
séduisante qu’elle est coriace, et c’est la seule femme de Marwen que Mark n’a
jamais réellement rencontrée. Suzette est son actrice de films pornos préférée,
ce qui lui vaut un rôle de résistante française sexy à Marwen. Mariée à Robert
Zemeckis depuis 2001, Leslie a tenu des rôles dans ses films LE PÔLE EXPRESS (2004), LA LÉGENDE DE BEOWULF (2007) et
LE DRÔLE DE NOËL DE SCROOGE (2009).
« Avec Bob, il n’est pas juste question d’impressionner
techniquement la galerie », déclare Madame Zemeckis. « Ses films s’intéressent aux humains et à leurs
histoires. Ici, c’est l’histoire de Mark qu’il nous raconte de manière
passionnante et singulière ».
Pour compléter
la distribution principale des poupées de Marwen, on trouve enfin Deja Thoris,
la sorcière. N’étant inspirée d’aucune personne qu’ait connue Mark, Deja est
mystérieuse et imprévisible. Interprétée par Diane Kruger, elle est vecteur de
changement, elle annonce le chaos et le danger, et symbolise les forces qui
s’unissent pour parer à la guérison et au bonheur de Mark. « Deja Thoris est un personnage complexe qui n’apparaît
que dans le monde imaginaire de Mark », explique le producteur Jack Rapke. « Elle représente tout ce qui porte entrave à Mark. Deja
fait tout ce qui est en son pouvoir pour nuire au capitaine Hogie, ce qui se
répercute sur Mark dans la vie. Il doit lutter contre cette terrible tentatrice
qui l’empêche de se réaliser pleinement ».
Contrairement
aux autres actrices du film, Diane Kruger ne joue qu’une poupée, sans référence
à une personne réelle, et ne participa de ce fait qu’au tournage en capture de
mouvement. Elle raconte : «J’ai tourné la majorité de mes
scènes devant un fond vert, sans rien d’autre autour. C’était une première pour
moi. C’était vraiment intéressant d’apprendre comment ça marche,
l’impressionnante logistique qui est mise en oeuvre. J’ai les cheveux
turquoise, ce que je trouve plutôt cool, mais je regrette un peu de ne pas
avoir eu la possibilité de porter mes costumes dans la vraie vie, puisqu’ils y ont
tous été ajoutés en post-production. Mais j’ai eu la chance de pouvoir m’amuser
à parler avec un accent imaginaire et à voler, suspendue par un harnais ».
Neil Jackson, qui a fait frissonner les
téléspectateurs en chevalier sans tête dans la série « Sleepy Hollow » (Phillip
Iscove & Clifton Campbell, 2013-15), tient le double rôle de Kurt, l’ex
agressif de Nicol qui n’accepte pas leur séparation et un colonel SS à Marwen, prêt
à tout pour démolir Hogie. L’acteur déclare : « Kurt a un côté charmant qui lui a permis de s’immiscer
dans la vie de Nicol, mais il a aussi un côté sombre qui ressort quand personne
ne regarde. Mark fait de lui un colonel SS sinistre et calculateur ».
LES
EFFETS VISUELS
Des poupées vivantes
Des effets spéciaux novateurs
Les poupées
femmes créées par Mark Hogancamp sont les compagnes fidèles du capitaine Hogie,
mais elles sont aussi ses protectrices. Constamment menacées par l’occupant
nazi qui ne cesse de les assaillir, elles sont armées jusqu’aux dents et prêtes
à voler à la rescousse de Hogie à la moindre alerte. Autant d’un point de vue
narratif que technique, les poupées de Marwen ont été traitées par l’ensemble
de l’équipe comme des personnages à part entière, avec des dialogues, des
costumes et des accessoires propres.
La création
des figurines a débuté plusieurs mois avant le début du tournage. Conçues par
le superviseur des miniatures Dave Asling, qui a notamment contribué aux effets
spéciaux d’X-MEN : L’AFFRONTEMENT FINAL (Brett
Ratner, 2006), les poupées ont été fabriquées à partir du visage et du corps
numérisés des acteurs. Le perfectionnement du design de leurs visages est signé
Bill Corso, dont on a déjà pu voir le travail dans LES DÉSASTREUSES AVENTURES DES ORPHELINS BAUDELAIRE (Brad
Silberling, 2004) et FOXCATCHER (Bennett
Miller, 2014), et qui a utilisé une nouvelle technique de maquillage numérique.
Kevin
Baillie, le superviseur des effets visuels, et son équipe les ont alors fabriquées
en 3D, grâce à des impressions 3D, et peintes. Les poupées ont alors été à
nouveau numérisées avec des coiffures spécialement créées par la styliste et
coiffeuse Anne Morgan.
La forme
initiale des poupées, comme leur long cou et leurs traits poupins, a été
spécialement respectée. Leurs têtes ont été posées sur des corps aux
articulations limitées, les rendant volontairement raides dans leurs poses et
leurs mouvements, comme c’est le cas des poupées à l’échelle 1/6 datant de
2006, l’époque à laquelle Mark Hogancamp en a peuplé son village fictif.
Pour Robert Zemeckis, il était important
de trouver le juste équilibre entre jouet et humain, de saisir l’essence de
l’acteur sans perdre l’artificialité de la poupée. Ceci demandait une attention
et un soin méticuleux. Il explique : « Si vous les voyiez dans un magasin
de jouets, vous les trouveriez très belles, sans vous dire, "cette poupée
ressemble comme deux gouttes d’eau à Steve Carell". Mais si vous observez
sa poupée plus longtemps et plus attentivement… alors vous pouvez vous dire :
"Cette poupée ressemble exactement à Steve Carell. " C’est cette
étroite fenêtre que nous avons cherchée à atteindre ».
La précision au
millimètre
L’apogée de la capture de mouvement et de jeu
Contrairement
à de nombreux films pour lesquels le travail des effets visuels commence en
post-production, BIENVENUE À MARWEN nécessitait
de prendre des décisions essentielles des mois avant le début du tournage.
L’élaboration du plan de travail était donc en quelque sorte inversée et
l’équipe dut passer par toute une gymnastique pour coordonner le planning des
différents départements.
Une des
questions de base qui se posait avait trait à la façon de rendre compte de la
double réalité de Mark. « Quand Bob m’a parlé du projet pour
la première fois, on n’avait pas la moindre idée de comment on allait s’y
prendre », raconte Kevin Baillie, le superviseur
des effets visuels. « On a d’abord pensé qu’on allait
construire un village sur un immense plateau et habiller les acteurs,
puisqu’ils seraient traités en post-production pour les faire ressembler à des
poupées, en leur ajoutant des articulations et en les adaptant aux mensurations
de G.I. Joe ou de Barbie ».
Des premiers
essais ont démontré que ça fonctionnerait mal : non seulement ça coûterait très
cher, mais ce serait laborieux à tourner. Plus ils y réfléchissaient, plus il
s’imposait à eux qu’il fallait avoir recours à la capture de mouvement et de
jeu (qui inclut des mouvements plus subtils, comme les expressions faciales,
les mouvements des mains, etc.). Elle permettrait d’offrir aux cinéastes des
interprétations optimums et aux designers de créer les corps des poupées comme
ils le souhaitaient.
Pour le
réalisateur, il était primordial de pouvoir saisir les expressions faciales des
acteurs et de les fondre avec leurs doubles numériques. Ainsi seulement,
pouvait-il espérer une évocation convaincante des humains à travers leurs
avatars. Durant l’étape de capture de mouvement, l’équipe de Zemeckis filma les
acteurs afin de pouvoir se rendre compte de ce à quoi ils pourraient ressembler
en miniatures. « Les caméras numériques pouvaient
ainsi lire le visage des acteurs et transposer les images sur les visages
tridimensionnels des poupées », explique le réalisateur. « Ça nous a permis de faire en sorte que les visages des
poupées bougent exactement comme ceux des acteurs ».
La caméra 6K
s’avéra la meilleure amie de ce tournage. « Nous
avons éclairé le plateau de capture de mouvement, ce que personne ne fait
d’habitude, et nous avons utilisé tous les mouvements des acteurs, bouches et
yeux inclus », raconte le superviseur des effets
visuels. « On est au sommet de ce que permet cette
technique, avec des poupées magnifiquement stylisées sans perdre une once du
jeu des acteurs ».
Le travail
de C. Kim Miles, le directeur de la photographie, n’est que le pendant des
efforts monumentaux déployés par l’équipe de Kevin Baillie. « La moitié du film est en prise de vue réelle, pour laquelle
on utilise des décors existants ou construits, et on tourne avec des caméras
imposantes », explique encore le spécialiste des effets
visuels. « Le capteur de l’Alexa 65s a la même
taille que ce qui a pu être utilisé à l’époque pour tourner LAWRENCE D’ARABIE (David
Lean, 1962). Il offre une très belle profondeur de champ dont Kim et son équipe
ont su tirer le meilleur effet. L’autre moitié, celle illustrant le monde
imaginaire de Mark, a été tournée devant un écran vert avec une soixantaine de
caméras infrarouges ».
Et c’est là que la magie prend forme. « Les caméras infrarouges détectent les marqueurs
positionnés sur le corps de l’acteur. Ils lui communiquent ses mouvements au
millimètre près. On peut ainsi saisir le jeu de l’acteur dans ses moindres
détails ».
LES
COSTUMES
Garde-robe et
arsenal
Habiller et armer les poupées de Marwen
La
costumière citée aux Oscars, Joanna Johnston, qui signe les costumes des films
de Robert Zemeckis depuis 30 ans, a elle aussi été bouleversée par l’histoire
de Mark en regardant le documentaire diffusé sur PBS. « Plus le film avançait, plus je prenais conscience du
caractère extraordinaire de cet homme », raconte-t-elle. « C’est inimaginable. Ça dépasse toute fiction ».
Pour elle,
la première gageure était d’aborder le design des costumes à l’envers : il
fallait d’abord créer la garde-robe des poupées pour permettre aux techniciens
en image de synthèse de commencer leur travail. Et bien que les poupées ne
mesurent que 30 cm, la costumière avait conscience de l’importance de chaque
détail, sachant que les costumes seraient vus sur un écran de cinéma et qu’ils
aideraient à l’impact des personnages peuplant Marwen sur les spectateurs.
Avant d’avoir les poupées, qui étaient en cours de fabrication, à sa
disposition, Joanna Johnston se mit au travail dans un petit atelier de
Londres, en collaboration avec la spécialiste des prothèses Janet Burns, afin
de créer et réunir tous les articles miniatures dont les poupées auraient
besoin. Elle découvrit ainsi un nouvel univers. « Je n’aimais pas les poupées quand j’étais petite, je les
envoyais balader », se souvient-elle en riant. « De nos jours, il existe tout un tas de mini-accessoires,
des mini-chaussures, de mini-fermetures Velcro. On a appris au fur et à mesure.
On a eu un tas de ratées. On jetait et on recommençait. Il se trouve que nos
poupées sont particulièrement bien roulées : supers poitrines, tailles de
guêpes, hanches voluptueuses, jambes élancées et tous petits pieds. Elles
portent les vêtements à merveille. Une fois qu’on arrive à faire un travail
convenable, leurs habits sont du meilleur effet ».
La costumière partait souvent d’échantillons ou de vêtements existants qu’elle
coupait ou recoupait : « Ce qu’il y a de génial, c’est qu’il
ne faut aucune longueur de tissus. Je suis arrivée à coudre des tenues entières
à partir d’échantillons et de chutes ».
Dans le Marwen de la Seconde Guerre
mondiale, tous les personnages sont lourdement armés pour se protéger et
protéger leur village contre les nazis. Pour parfaire l’attirail de chaque poupée,
les accessoiristes ont fait des recherches sur l’armement des soldats alliés
comme des soldats de l’Axe. Il fallut ensuite dégotter ou fabriquer ces
accessoires à la taille des poupées. Une fois affublées de leur tenue et de
leurs armes de choix, les poupées étaient à nouveau photographiées, numérisées
et reproduites à la perfection dans le monde de synthèse.
Pour chorégraphier les poses et la
gestuelle des figurines dans le film comme sur les photos prises par Mark, le
chef accessoiriste Robin Miller connaissait le candidat idéal qui travaillait
depuis de nombreuses années dans cette même branche et photographiait
parallèlement des jouets de collection pour un site Internet connu. D. Martin
Myatt, plus communément appelé Ringo par l’équipe, devint le directeur
technique de l’équipe poupées, titre inhabituel s’il en est. Responsable du
réalisme des poses des figurines, Ringo a travaillé en étroite collaboration
avec l’habilleuse spécialisée Heather Osborne qui assurait l’entretien des costumes
et la continuité visuelle sur chaque scène. Ringo positionna les poupées au
millimètre près, en accord avec la vision du réalisateur. « J’ai eu la chance de pouvoir passer du temps avec Bob
avant le tournage, au cours duquel on a pu discuter en détail des personnages »,
raconte D. Martin Myatt. « Ça m’a permis de les imaginer en
situation. J’ai lu le scénario de nombreuses fois et j’ai disséqué leurs
personnalités. Je devais comprendre comment le Mark du film voyait les femmes
et comment le vrai Mark a réalisé ses clichés. Pour moi, ce n’était pas des poupées
mais des personnages à part entière ».
LES
DÉCORS
Au plus petit détail
près
Marwen prend forme
La première
collaboration du chef décorateur Stefan Dechant avec Robert Zemeckis remonte à FORREST GUMP (1994), sur le tournage duquel il assurait les
fonctions d’illustrateur. Ils ont depuis renouvelé l’expérience à plusieurs
reprises. « Bob aime que sa caméra soit
mobile, il l’utilise comme un pinceau », commente Stefan
Dechant. « Je savais que chaque décor devait
permettre à sa caméra de bouger le plus librement possible ».
Pour créer
les décors de BIENVENUE À MARWEN,
le chef décorateur se pencha d’abord sur la vie de Mark Hogancamp. Il ne
s’agissait pas de l’imiter, mais de créer une version filmique du personnage
qu’avait imaginé le réalisateur. Il était important pour toute l’équipe des
décors d’être fidèle au travail de Mark et de ne pas faire de Marwen une
caricature. Chaque décision répondait à une question : Saluons-nous le travail
de cet artiste ? « On voulait être fidèle au cadre
dans lequel Mark évolue et déterminer dans quelle mesure son environnement influe
sur son processus créatif », explique Stefan Dechant. « L’intérieur de son mobile home n’est que nicotine et
caféine, c’est à ça qu’il tourne. Il ne vit que pour Marwen et il est entouré
de pièces et de projets inachevés, comme cette maquette d’avion accrochée au
mur ou ces couvertures de pulps des années 50 illustrés de symboles nazis ».
Quand on passe du mobile home au village
de Marwen, la palette chromatique change. On laisse les tons sépia pour des
couleurs vives. Le vrai Marwencol est un alignement de 8 à 10 bâtiments, mais
sa version filmique ressemble à un plateau de tournage en extérieur. « On voulait créer notre propre univers à une échelle
que se trouvait être 1/6, mais on ne voulait pas en devenir esclave », continue
Dechant. « On ne voulait pas forcément de
fenêtres conformes à la réalité ou de portes aux proportions exactes. Au début,
on s’inquiétait de savoir à quoi ressembleraient les intérieurs. On a commencé
avec l’église qui s’est avérée être beaucoup trop grande. On l’avait
entièrement construite à l’échelle 1/6 et on s’est rendu compte qu’on devait
juste construire une église appropriée et fonctionnelle pour les poupées ». Mark
Hogancamp a conçu ses décors avec des photos uniques en tête, mais ceux du film
devaient s’adapter aux besoins du cinéma. « Le
Ruined Stocking devait être suffisamment grand pour que toutes les filles puissent
y danser, mais pas trop grand pour ne pas prendre toute la place chez Mark.
C’était le genre de problèmes auxquels on était confrontés, tenant aussi au
simple fait qu’on faisait un film et Mark, des photos ».
Le
réalisateur souhaitait néanmoins que son Marwen reflète le côté bric et broc de
l’original et qu’il ne donne pas l’impression d’avoir été construit par un
millionnaire. L’équipe choisit encore de faire du bar un décor intérieur et
extérieur. « Dans le film, Mark a fait un trou
dans un mur et a construit son bar à l’échelle 1/6, une partie à l’intérieur,
l’autre à l’extérieur, pour qu’en cas de mauvais temps, il puisse continuer ses
aventures toute la nuit durant si ça lui chante »,
explique Zemeckis.
L’ensemblier
Hamish Purdy, qui a notamment travaillé sur THE
REVENANT (Alejandro González Iñárritu, 2015), et
son équipe participèrent à leur tour à l’authenticité des designs du chef décorateur,
autant pour le monde réel que pour celui des poupées. Habituellement, quand ils
travaillent sur des décors miniatures au cinéma, leur objectif est de rendre
les objets les plus réalistes possible. Mais ici, c’était de fabriquer des
meubles et des objets pour Marwen qui soient aussi réalistes que Mark ait
choisi de les faire.
« Mark n’essaie pas de réaliser des maquettes ou des
miniatures parfaites », explique Robert Zemeckis. « C’est un travail artistique, un travail cathartique. Le
défi pour Stefan tenait à rappeler imperceptiblement aux spectateurs que Marwen
n’est fait que d’objets de récup et de contreplaqué, tout en ne perdant rien de
sa beauté ».
Le décor
principal était le mobile home de Mark dans lequel deux semaines et demie de
tournage étaient prévues. « En construisant l’intérieur de chez
Mark, ce qui dans n’importe quel autre cas de figure aurait été un décor très
simple à fabriquer, on avait en tête qu’il fallait donner à Bob toute la place
pour être créatif », raconte Stefan Dechant. Pour ce faire,
l’équipe des décors a découpé le mobile home en morceaux et fait en sorte
qu’ils soient tous amovibles, afin que chaque mur puisse être hissé au plafond
et que chaque pièce du plafond puisse également être enlevée. « On a construit sa maison de manière à ce que Bob et Kim
puissent s’y tenir avec les acteurs, qu’ils n’aient pas à se soucier des
restrictions de place ou de mouvement ».
L’ensemblier
s’inspira d’abord du vrai mobile home, à partir du documentaire et du livre
publié sur Marwencol, mais aussi des photos prises durant la visite du
réalisateur et de Steve Carell chez Mark. « En
se mettant dans la peau des personnages quand on travaille, les choses viennent
assez naturellement », explique Hamish Purdy. « La quantité de vaisselle dans l’évier, les objets que
Mark garde à portée de main, ses intérêts et ses fixettes qui y figurent aussi.
S’il travaillait assidûment à la fabrication de son bar, il semble normal qu’il
y ait un certain nombre d’outils autour de lui, par exemple ».
Son équipe habilla et meubla les bâtiments
principaux de Marwen qui incluent le bar, l’église, une pâtisserie, un tabac,
une banque, une fontaine et quelques bâtiments calcinés, dont certains n’étaient
que des façades. Le Ruined Stocking est la structure la plus élaborée, avec au
rez-de-chaussée le bar, et à l’étage le dortoir dans lequel toutes les poupées
femmes, à l’exception de Deja Thoris, dorment, et dont chaque lit est
personnalisé. « Nous avons apporté beaucoup
d’attention au dortoir et au bar en-dessous », continue
l’ensemblier. « Nous y avons placé des éléments qui
peuvent faire écho à la vie de Mark. Dans le film, il travaille à Avalanche
Roadhouse où nous avons mis une guirlande de Noël multicolore derrière le bar à
laquelle nous faisons écho au Ruined Stocking avec de petites lumières
colorées. De la même manière, il y a un juke-box à son travail, et sa version
marwenienne, une enceinte et deux bougies, au Ruined Stocking ».
L’art qui imite
l’art
Recréer les photos de Mark Hogancamp
L’étonnant
réalisme des clichés 24 x36 de Marwencol et de ses habitants, réalisés par Mark
Hogancamp, lui a valu une reconnaissance internationale. L’équipe de BIENVENUE À MARWEN tenait donc à faire honneur à la minutie,
au talent et la sincérité de son travail dans la recréation de ses photos. « Les photos de Mark sont dénuées d’ironie, ce qui leur
donne toute leur puissance », déclare Robert Zemeckis. « Parfois, il ne s’embête pas trop avec les problèmes
d’échelle ou le fait que le monde réel s’immisce en arrière-plan. Il y a une
forme de pureté qui fait exister ses sujets indépendamment de tout ce qui les
entoure ».
Le
producteur Steve Stanley a travaillé avec le photographe de plateau Ed Araquel
et le directeur technique de l’équipe poupées, D. Martin Myatt (aka Ringo),
pour reproduire le plus fidèlement possible cette authenticité. « Il ne s’agissait pas seulement de mettre en place un
tableau et de prendre des photos de poupées, mais d’y insuffler des émotions,
de les saisir en pleine action. Il fallait sans arrêt se poser les bonnes
questions : comment doivent-elles être placées dans la jeep ? Quelle attitude
doivent-elles avoir ? Où vont-elles ? Pourquoi ? Pourquoi se sont-elles
arrêtées là ? Qu’est-ce qu’elles regardent ? C’était un travail exigeant »,
se souvient le producteur. « Mais c’était aussi très plaisant à faire,
et une réelle leçon d’humilité face au travail de Mark, à son talent et à son
instinct. Pour la séquence dans la galerie, certaines photos réalisées pour le
film se mélangent aux clichés de Mark sur les murs ».
D. Martin Myatt nous confie : « le travail de Mark est très
différent du mien, ce qui ne m’empêche pas de l’admirer. Il parvient à défier la
pesanteur, avec des moyens très simples ».
Au réalisateur d’ajouter : « les blessures émotionnelles que Mark a subies, et leur
apaisement, sont une grande source d’inspiration. Il a su transcender sa
souffrance et ses traumatismes et en faire une œuvre d’art. Je voulais honorer
et rendre justice à cette trajectoire extraordinaire et humainement édifiante ».
LES
LIEUX DE TOURNAGE
Le grand nord
Tournage à Vancouver (Colombie-britannique)
Le tournage
de 9 semaines, à Vancouver et dans les villes avoisinantes, débuta le 11 août
2017 à l’ancien hôpital psychiatrique de Riverview, construit en 1913 et fermé
en grande partie en 2012. Souvent utilisé pour des tournages, il figure le centre
de rééducation dans lequel Mark rencontre Julie qui le soutient dans son
réapprentissage de la marche.
L’équipe se
rendit ensuite à McTavish Road, dans la zone rurale d’Abbotsford, qui
s’apparente à la région où vit Mark, au nord de l’État de New York. D’un côté
de la route, les décors extérieurs du mobile home de Mark et les façades de
Marwen furent construits, et de l’autre côté de la route, l’armature de la maison
où Nicol débute une nouvelle vie, loin de Kurt, son ex possessif. La maison
jaune de Nicol fut disposée de manière à ce que Mark puisse voir la porte
d’entrée depuis sa fenêtre. Sur 3 jours, l’emménagement de Nicol, les visites
non sollicitées de Kurt et les premières rencontres entre Mark et Nicol furent
alors tournés, ainsi que certaines scènes dans lesquelles Mark photographie les
poupées et les bâtiments de Marwen.
Pendant que
les équipes de construction et de décoration continuèrent la préparation des
décors suivants, acteurs et équipe de tournage entamèrent 12 jours en studio, à
Burnaby. Les habitations de Mark et Nicol furent à nouveau recréées, mais avec
leurs intérieurs cette fois, et entourées de fonds et de tentures bleus pour
permettre à l’équipe des effets visuels de les combiner avec le cadre extérieur
en post-production. C’est également au studio que furent tournées les scènes
les plus élaborées entre Mark, ses poupées et le village de Marwen.
L’étape
suivante les conduisit à Dewdney Truck Road, dans la ville de Maple Ridge, où
un immeuble vide fut transformé en Avalanche Roadhouse, le bar de Larry dans
lequel Mark travaille à mi-temps avec Carlala, en cuisine. C’est également là
qu’a eu lieu l’agression violente de Mark par 5 hommes qui l’ont laissé pour mort
au milieu de la chaussée.
Trois jours plus tard, l’équipe se rendait
dans la ville pittoresque de Fort Langley, où un magasin d’antiquités fut transformé
en magasin de loisirs créatifs dans lequel Mark passe régulièrement fouiner, à
la recherche de fournitures et de nouvelles poupées et figurines pour son
installation. Son amie Roberta, qui l’encourage dans ses efforts et le soutient
dans les moments difficiles, y travaille.
La galerie
de Pillar à New York, qui organise l’exposition des photos de Mark, a été
recréée dans un immeuble de Railway Street, en périphérie de Vancouver. Plus
d’une douzaine d’agrandissements 1,5 x 2,4 m, mêlant les clichés de Mark
Hogancamp et ceux pris par l’équipe photo du film, y sont exposés.
À cause des éclairages et des mouvements
de caméra élaborés requis pour tourner l’émouvante séquence du tribunal, dans
laquelle Mark trouve le courage de témoigner contre ses agresseurs, et qui mobilise
acteurs et poupées, celle-ci a été tournée en studio. Le tournage terminé,
l’équipe a investi le plateau dédié à la capture de mouvement, à Burnaby, et
s’est dédié pendant 14 jours à jumeler la magie de cette technologie aux
brillantes interprétations des acteurs afin de donner vie aux poupées de
Marwen.
Précision supplémentaire
L’expression de genre de Mark Hogancamp
Mark
Hogancamp s’est fait sauvagement agresser par cinq hommes aux abords d’un bar
en avril 2 000 parce qu’il avait raconté à l’un d’eux durant la soirée qu’il
aimait porter des chaussures de femmes. Depuis qu’il s’est remis de ses
blessures, Mark Hogancamp s’exprime plus librement en ce qui concerne son expression
de genre qui fait partie intégrante de sa personnalité et de la façon dont il
est représenté dans le film. Parce que lui-même a choisi de ne pas poser de
mots sur cette part de son identité de genre, les créateurs du film ont
respecté ce choix. Leur opinion est que Hogancamp est exactement qui il est, et
n’a ni besoin ni le souhait d’être défini par les autres.
Toujours
est-il que l’agression qui lui a presque coûté la vie était motivée par la
haine envers les individus qui ne se conforment pas à une expression de genre
binaire et normative. « C’est sans équivoque
possible un crime motivé par la
haine », déclare le producteur Jack Rapke. « Et nous nous y opposons farouchement. Ce n’est pas le
sujet principal du film, mais si les spectateurs sont à même de prendre
conscience des conséquences tragiques de telles agressions, nous n’en serons
que plus fiers. Mark a survécu, mais beaucoup d’autres ont payé le prix fort à
cause de l’ignorance et de la haine de certains ».
BIENVENUE
À MARWEN est un film sur le courage, la résilience et
la guérison par l’art qui respecte l’expression de genre de Mark Hogancamp et
la présente d’une façon qui, les cinéastes l’espèrent, permettra aux
spectateurs de le voir d’abord et avant tout comme un être humain et de
l’accepter tel qu’il est.
Cet aspect de l’histoire a touché de
nombreux membres de l’équipe, dont Leslie Zemeckis qui déclare : « Le film met en lumière la montée de l’intolérance et des
préjugés que nous pouvons constater aujourd’hui dans le monde et aux États-Unis
».
Copyright des textes des notes de production @ Universal Pictures International France
#BienvenueÀMarwen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.