lundi 31 décembre 2018

BIENVENUE À MARWEN



Drame/Une belle histoire touchante racontée de façon surprenante et efficace

Réalisé par Robert Zemeckis
Avec Steve Carell, Leslie Mann, Eiza Gonzalez, Diane Kruger, Gwendoline Christie, Merritt Wever, Janelle Monáe, Siobhan Williams...

Long-métrage Américain
Titre original : Welcome to Marwen
Durée: 01h56mn
Année de production: 2018
Distributeur: Universal Pictures International France

Date de sortie sur les écrans américains : 21 décembre 2018
Date de sortie sur nos écrans : 2 janvier 2019



Résumé : L'histoire de Mark Hogancamp, victime d'une amnésie totale après avoir été sauvagement agressé, et qui, en guise de thérapie, se lance dans la construction de la réplique d'un village belge durant la Seconde Guerre mondiale, mettant en scène les figurines des habitants en les identifiant à ses proches, ses agresseurs ou lui-même.

Bande annonce (VOSTFR)



Ce que j'en ai penséBIENVENUE À MARWEN raconte une histoire humaine, celle d'un homme qui doit affronter les conséquences d'un acte odieux dont il a été la victime. Il n'y a ni solution magique, ni certitude quand on doit faire face aux impacts, à l'angoisse ou à la dépression post-traumatique. Le réalisateur Robert Zemeckis a pris le parti de nous raconter l'histoire de Mark Hogancamp. Le scénario se base sur ce que Mark a vraiment vécu. Le réalisateur utilise l'imagination et l'imaginaire comme outils de reconstruction. Il nous prend complètement à contre-pied avec ses scènes métaphoriques dans lesquelles des poupées vivent des aventures qui sont le reflet du ressenti du héros. Visuellement, c'est impeccable et c'est aussi très efficace pour illustrer la souffrance qu'une victime doit endurer jour après jour. 




Il y a ici un parallèle fort avec ce que vivent les soldats à la guerre et qui reviennent différents, abîmés et devant se reconstruire souvent seuls, puisque leurs proches ne les comprennent plus. La volonté du réalisateur d'étendre cette histoire personnelle pour la rendre lisible par le plus grand nombre est évidente et il atteint son but. Il nous entraîne dans cet univers délirant qui prend tout son sens affectif au fur et mesure du déroulement de l'intrigue. 

Robert Zemeckis offre une vision positive, pleine d'espoir et va même jusqu’à rendre hommage aux bizarreries. Il n'oublie aussi pas au passage de faire un beau clin d'œil à ses fans. Quant à Steve Carell, qui interprète Mark Hogancamp, il est encore une fois parfait pour mettre en avant la douleur, les peurs, la douceur, la force de la créativité qui retrouve toujours son chemin, la peine, la part d’enfance, l’excentricité comme une part de l’âme... Il est touchant et juste. 




Il est entouré d’actrices qui représentent autant de caractères différents avec une force égale depuis Leslie Mann dans le rôle de Nicol, à Eiza Gonzalez dans celui de Caralala, en passant par Diane Kruger qui interprète Deja Thoris ou encore Gwendoline Christie qui interprète Anna et Merritt Wever qui interprète Roberta.



BIENVENUE À MARWEN propose une vision originale, surprenante et agréablement étrange qui fonctionne, car le drame dont elle naît parle aux spectateurs. Il ne reste alors qu'à se laisser emporter aux portes de Marwen et à en franchir le seuil pour être touchés par Mark, son histoire et son art.

Copyright photos @ Universal Pictures International France

NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

L’HISTOIRE

Tragédie et triomphe
L’histoire de Mark Hogancamp

Né en 1962, Mark Hogancamp a grandi dans une banlieue confortable de New York. L’aîné de trois frères, il fait preuve dès son enfance d’évidentes aptitudes artistiques ainsi que d’une étonnante curiosité pour le monde qui l’entoure. Il est fasciné par son grand-père maternel qui a perdu une jambe à la guerre, ayant combattu dans la Luftwaffe comme mécanicien d’armement de la lutte antiaérienne, sous le commandement d’Hitler.

Mark Hogancamp n’est pas un très bon élève, mais sa créativité s’épanouit. Au début des années 80, il s’engage dans l’US Navy. Il croque des scènes de vie dont il est témoin à bord et dans les pays d’Europe qu’il est amené à visiter.

Il épouse rapidement une jeune Russo-polonaise qu’il a rencontrée à l’université. Le mariage ne dure pas. Mark Hogancamp tombe dans l’alcool, travaille sporadiquement et fait de fréquents passages en centre de désintoxication. Il trouve enfin un emploi de cuisinier, parvenant à rester sobre durant ses heures de travail, après lequel il se réfugie à la maison pour boire et jouer de la guitare. Il ne cesse cependant jamais de dessiner, et peint des petits soldats qu’il offre ou vend.

Quand, à 38 ans, sa vie est altérée à tout jamais. Le soir du 8 avril 2000, Mark Hogancamp se rend dans un bar de son quartier, dans le nord de l’État de New York, pour y retrouver des amis. Quand il arrive, ses amis ont déjà quitté les lieux. Il décide de rester et discute avec un jeune homme au bar. Durant la conversation, il lui révèle un secret bien caché : sa propension à porter des chaussures de femmes. Tard dans la nuit et ivre, il quitte le bar. Il est alors interpellé par le même homme et quatre amis à lui. Ils l’attaquent, lui piétinant violemment la tête et la poitrine, et le laissent pour mort au milieu de la chaussée où il est retrouvé par une habitante du coin. Laissant sa voiture en travers de la route pour lui éviter de se faire écraser, elle court chercher de l’aide. Les blessures de Mark sont trop sérieuses pour être prises en charge par les services d’urgence locaux et il est transféré à l’hôpital de Westchester où il est plongé dans un coma artificiel. Suivront des interventions chirurgicales pour lui reconstruire le visage. Il sort du coma 9 jours plus tard et les médecins sont alors à même d’évaluer l’étendue de ses lésions cérébrales. Mark Hogancamp n’a aucun souvenir de l’agression. Il reconnaît sa famille proche mais n’a presque plus aucuns souvenirs de sa vie adulte. Il doit aussi réapprendre à manger, à marcher et à lire. Il reste hospitalisé pendant 43 jours.

Quand la prise en charge de sa rééducation arrive à sa fin, Mark Hogancamp est loin d’être remis de ses traumatismes. Il partage alors un appartement avec un ami pendant deux ans, puis s’installe dans une caravane à la périphérie d’une ville moyenne, dans la vallée de l’Hudson, alors qu’il souffre toujours d’angoisses paralysantes.

Sa passion pour la Seconde Guerre mondiale et les modèles réduits de l’armée refait surface. Une perte de dextérité et des tremblements de mains ne lui permettent plus de dessiner ni de peindre de petits modèles, il choisit donc des figurines de 30 centimètres, à l’échelle 1/6 : des poupées, des héros d’action, des soldats. Il trouve une figurine qui lui ressemble vaguement et la baptise Capitaine Hogancamp ou, en abrégé, Hogie. Il en déniche d’autres qu’il associe à des amis, des membres de sa famille, ses agresseurs, mais aussi le mal plus généralisé. Avec un grand souci des détails, il les habille et les met en scène suivant leurs rôles et leurs personnalités.

Avec le temps, il s’avère que le retour à une vie « normale » est inenvisageable. Au lieu de cela, Mark Hogancamp va se créer un univers de toutes pièces dans lequel il trouvera refuge. Il faut désormais à ses figurines un endroit où vivre, travailler et jouer. Il se lance, à côté de sa caravane, dans la construction d’un village belge fictif de la Seconde Guerre mondiale, à l’échelle 1/6, n’utilisant que des objets et des matériaux de récupération ou très bon marché. Son premier bâtiment est un bar qu’il appelle Hogancamp’s “Ruined Stocking Catfight Club” (le club du bas filé et du crêpage de chignon d’Hogancamp).

« Je voulais la faire revenir (mon imagination), je savais que j’avais dans la tête un moteur 8 cylindres qui ne tournait que sur un seul cylindre », a-t-il déclaré dans le livre Welcome to Marwencol (2015). « J’ai donc pensé que pour la faire revenir, j’allais construire mon propre bar. J’ai toujours rêvé d’ouvrir un bar, alors je l’ai construit… mais ça faisait bizarre, un bar tout seul là-dehors, alors j’ai construit d’autres bâtiments pour lui tenir compagnie ».

Il nomme deux de ses bâtiments Wendy et Colleen, les deux premières femmes de sa « seconde vie » dont il s’est entiché et un autre Mark. Il combine alors ces trois prénoms de multiples façons, s’arrêtant sur Marwencol (Mar-Wen-Col) qui devient le nom de son village imaginaire. L’artiste continue d’inventer des histoires entre ses personnages, de les mettre méticuleusement en scène et de les photographier avec un vieil appareil argentique, saisissant leur amitié, leurs amours, leurs peurs et leurs formidables aventures avec un tel réalisme que certaines personnes croient y voir de vrais humains. Ses cinq agresseurs sont aussi présents à Marwencol, sous les traits de vilains nazis qui terrorisent les habitants.

En 2005, un voisin curieux, le photographe David Naugle, qui a croisé Mark Hogancamp à plusieurs reprises, le long de la route 213, traînant une jeep miniature, l’approche. Hogancamp lui montre des photos de scènes de vie à Marwencol.

Impressionné par la précision et le réalisme du travail de Hogancamp, David Naugle lui propose de montrer ses photos au rédacteur en chef du magazine d’art Esopus. Un article sur Marwencol est publié dans leur numéro d’automne. S’ensuit une proposition d’exposition de ses photos dans une galerie newyorkaise, qui s’avère un véritable dilemme pour Hogancamp, le forçant à sortir de sa bulle, et d’une vie qu’il contrôle, pour retourner dans le monde réel.

L’exposition est chaleureusement accueillie et attire l’attention du réalisateur de documentaires Jeff Malmberg, avec lequel Mark Hogancamp développe une relation de confiance. Le documentaire, intitulé simplement MARVENCOL, sort au cinéma en 2010 et est également diffusé sur la chaîne publique PBS. Il remportera 25 récompenses de la profession, dont deux Independent Spirit Awards, le prix de l’association des critiques de films de Boston et du site Rotten Tomatoes du meilleur documentaire de l’année, et le grand prix du jury du festival South by Southwest.

Le Los Angeles Times qualifie MARVENCOL, « d’expérience grisante et absolument unique » et le Village Voice corrobore en déclarant que le film est « exactement le genre d’expérience mystérieuse et presque mystique qu’on espère avoir en regardant un documentaire, ce qui n’arrive que rarement ».

Welcome to Marwencol, un ouvrage relié de 278 pages, est
encore publié et largement plébiscité, Amazon le désignant comme un des meilleurs livres de l’année 2015. Désormais âgé de 56 ans, Mark Hogancamp continue sa thérapie personnelle et ses photos de Marwencol.

LE FILM

À la découverte de Marwen
Un réalisateur, un acteur, une vision

Robert Zemeckis découvre l’histoire de Mark Hogancamp en 2010 quand il tombe sur la diffusion du documentaire MARWENCOL sur PBS. Il est immédiatement fasciné. Le film n’est pas encore terminé qu’il y voit déjà le matériel pour un long-métrage de fiction. Il appelle Donna Langley, la présidente d’Universal Pictures, dès le lendemain, lui demandant d’acquérir les droits d’adaptation de l’histoire. Pour Zemeckis, il va s’agir de faire entrer les spectateurs dans l’univers de Mark Hogancamp, de donner vie à ses personnages et de voir le village et les différents récits qui s’y entrecroisent à travers les yeux de Mark. « En voyant le documentaire, j’ai remarqué que Mark racontait en détail ce qui se déroulait autour de chaque photographie. C’est ce qui m’a inspiré. Dans le film, on peut assembler ces histoires sans qu’elles aient à être narrées par l’artiste. On peut les voir se dérouler sous nos yeux et montrer ce qui se passe entre les figurines du point de vue de Mark. On peut leur donner vie. Je pressentais la force, la portée et l’originalité d’un tel film », raconte Robert Zemeckis.

Sa filmographie témoigne de son intérêt pour la force de notre mental, et là encore, c’est cette volonté de s’en sortir qui interpella le réalisateur. « Ce combat est inhérent à l’être humain, il est universel », explique-t-il. « Même si nous ne sommes pas tous confrontés à ce que Mark a pu vivre, nous comprenons néanmoins la nécessité de retrouver un équilibre mental et émotionnel. Mark avait ce besoin d’exprimer ce qui le dévorait de l’intérieur, pour l’aider à mettre fin à sa souffrance, à lui trouver une résolution ».

« C’est l’un des rôles de l’art », continue-t-il. « Je m’identifiais à lui, comme nous pouvons tous le faire. Que l’on chante dans une chorale, qu’on gribouille sur une feuille ou qu’on entretienne son jardin, ce sont des actes créatifs. Ils nous servent à digérer les difficultés de la vie, et à appréhender ses énigmes ».

Mais Zemeckis n’était pas le seul à penser que cette histoire de résurrection par l’art ferait un passionnant film de fiction. Steve Carell avait lui aussi vu le documentaire qui l’avait ému et motivé à agir. « J’ai commencé à me renseigner sur l’obtention des droits et j’ai découvert que Bob Zemeckis les détenait et qu’il avait déjà écrit un scénario. Je l’ai alors contacté. C’est la première fois que je me jette comme ça dans l’arène, mais cette histoire me parlait et je voulais en être, d’une façon ou d’une autre, comme acteur, producteur ou scénariste, peu importait », se souvient Steve Carell.

Les deux hommes tombèrent vite d’accord : Steve Carell interpréterait le double personnage de Mark Hogancamp et son alter ego héroïque, le capitaine Hogie. « Steve n’est pas qu’un formidable acteur de comédie, c’est un grand acteur dramatique », déclare le réalisateur. « Il est capable d’incarner avec brio les deux Mark. Je savais qu’il serait un merveilleux Hogie, le fier-à-bras, et saurait aussi rendre justice à la faille et à la complexité émotionnelle de Mark ».

Pour l’acteur, c’était le souci premier : interpréter dignement Hogancamp. « Jouer une personne vivante ne va pas sans une certaine responsabilité. Évidemment, on ne parle pas de mimétisme, ça reste une interprétation, mais je tenais à honorer certaines qualités fondamentales de Mark. C’est son courage qui m’a tant parlé. Contre toute attente, cet homme a inventé sa propre cure, sa propre façon de se soigner. C’est un accomplissement extraordinaire, et son intégrité humaine rayonne tout au long de ce parcours. Je voulais que ces qualités transparaissent dans mon interprétation ».

Acteur et réalisateur se rendirent au nord de l’État de New York pour y rencontrer Mark Hogancamp un mois avant le début du tournage, ce qui leur laissa à tous deux une forte impression. « Avant toute chose, Mark est un artiste », déclare Steve Carell. « La raison principale de notre visite était de le rassurer sur nos intentions. Je voulais aussi m’asseoir et parler avec lui, et entrer dans son univers pour quelques heures, avec le plus de respect possible. Le monde qu’il s’est créé et son processus de guérison sont si riches et si complexes. Il est conscient de la façon dont les autres le perçoivent et il est à l’aise avec ça, ce que j’ai trouvé très touchant. C’est un vrai gentil ».

La fable des deux Mark
Créer un univers intérieur

Pour raconter leur histoire, il était nécessaire pour les créateurs du film de distinguer le personnage de l’homme. Le documentaire avait été élégamment réalisé et Robert Zemeckis et ses producteurs souhaitaient développer certains thèmes que le parcours de Mark leur avait inspirés, mais ce n’était pas sans danger. « Le parcours émotionnel de Mark peut être assez simplement raconté dans un film. Mais le choix d’entrer dans son personnage et de suivre ce parcours, de la souffrance à la renaissance, par le biais d’une poupée est une tout autre gageure », commente le producteur Steve Starkey. « Il fallait un investissement général dans cette histoire et ces personnages pour suivre Mark dans cette traversée ».

Ça commençait bien sûr par Steve Carell, dont le producteur déclare : « Il nous montre toutes les facettes de son talent d’acteur, révélant une fragilité et une profondeur impressionnantes. Il arrive aussi bien à éveiller l’empathie des spectateurs qu’à incarner la figure héroïque du capitaine Hogie que Mark s’est inventée. Il est aussi crédible et bluffant dans une incarnation que dans l’autre, ce dont peu d’acteurs seraient capables ». Pour l’intéressé, « son personnage, comme Mark lui-même, est quelqu’un d’intègre, de chaleureux et de bon, hanté par des démons qu’il essaie d’apprivoiser ».

Mais l’entreprise n’était pas des moindres : il fallait recréer l’univers de Marwen, avec des poupées vivantes modelées sur des personnes existantes. Le film demandait une longue préparation, avec un premier coup de manivelle fixé au 14 août 2017. « On devait choisir les acteurs très vite, parce que les poupées devaient être fabriquées avant le début du tournage », explique Steve Starkey. « Ça peut paraître relativement simple, mais bloquer un acteur 8 mois à l’avance et définir un emploi du temps précis pour tout le monde est un sérieux casse-tête ».

Les poupées, plus que les acteurs, demandaient un plan de travail rigoureux, défini à rebours. « Le temps alloué au casting était limité par le créateur des poupées et le costumier. Les acteurs seraient prêts, il fallait s’assurer que les 17 poupées le soient aussi », continue le producteur.

Tous les films de Robert Zemeckis sont des challenges techniques et créatifs, c’est ce que requiert l’innovation au cinéma. « Si l’on regarde sa filmographie, aucun de ses films n’est un film facile. Les gens me disaient : « CONTACT (1997) était tout aussi compliqué, non ? Ou SEUL AU MONDE (2000) ? Et quand vous avez tourné QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ? (1988), RETOUR VERS LE FUTUR (1985) ou FORREST GUMP (1994) ? » C’est simplement la façon que Bob a de faire des films. Il crée un univers et un spectacle qui lui permettent d’aller au plus profond du parcours émotionnel qui l’intéresse ».
Je constitue une armée de femmes. Les femmes mènent le monde.On est juste là pour leur tenir compagnie.Mark Hogancamp
Soldats et sauveurs
Le casting des habitants de Marwen

Un des éléments majeurs du mécanisme de défense et de guérison que Mark Hogancamp a mis en place, a été de transposer ses émotions et les personnes clés de sa vie (les femmes qui l’entourent et leur compassion, ses agresseurs et leur cruauté, son propre courage) sur les poupées qui peuplent Marwen. « J’ai l’impression que les hommes m’ont exclu de ce monde, j’ai donc utilisé les femmes comme catalyseurs de ma vengeance », déclarait-il au New York Times en 2015.

Pour son film, Robert Zemeckis se devait de réunir les acteurs à même de jouer les personnes réelles, mais aussi ce qu’elles incarnent pour Mark dans leur double poupin. « Pour un cinéaste ou un scénariste, un individu qui sait transformer et embellir ses sujets comme seul un artiste peut le faire, offre un terrain très fertile. C’est comme si les femmes que Mark rencontrait dans la vie devenaient des sortes de muses. Des livres entiers ont été écrits sur certains peintres et leur muse qui leur servait sans cesse d’inspiration. C’est pareil pour Mark. Les femmes qu’il rencontre deviennent ses muses, et les personnes qui lui font du mal deviennent les ennemis jurés de son alter ego », explique le réalisateur.

Quand on découvre Mark dans le film, il a déjà construit Marwen, mais l’arrivée de Nicol (Leslie Mann), une nouvelle voisine attentive et attentionnée, l’incite à introduire une nouvelle poupée dans son village imaginaire. « C’est comme si on était spectateur de notre vie extérieure, consciente et de notre vie intérieure », commente Leslie Mann dont la première collaboration avec Steve Carell remonte au film qui l’a révélé, 40 ANS, TOUJOURS PUCEAU (2005), qu’il a coécrit avec le mari de Leslie Mann, le réalisateur Judd Apatow. « Ce film s’intéresse aux va-et-vient entre ces deux univers, à cause de ce qui est arrivé à Mark. Mais nous connaissons tous à notre façon cette dualité entre la réalité et notre monde imaginaire ».

Le rôle de Nicol est un rôle clé autant d’un point de vue narratif qu’émotionnel. Il demandait une actrice d’une grande vitalité, sensible et compatissante. « Nicol est la femme fantasmée et inaccessible. Comme objet de l’affection de Hogie, elle a un rôle central », explique le producteur Jack Rapke. « Leslie devait pouvoir insuffler différentes émotions à son personnage. À Marwen, elle est la petite amie de Hogie, mais dans la réalité, elle n’est qu’une voisine compréhensive qui voit bien que Mark est traumatisé et a un faible pour elle ».

Mark s’invente un avenir avec Nicol mais c’est Roberta (Merritt Wever) qui partage sa passion créatrice. Roberta travaille comme vendeuse dans le magasin de loisirs créatifs préféré de Mark, et elle le pousse à affronter ses agresseurs au tribunal afin qu’enfin justice soit faite et que Mark puisse tourner la page. Il la considère comme une réelle amie ce qui lui vaut naturellement une place à Marwen. Pour la jeune actrice, qu’on a notamment pu voir dans les séries « Nurse Jackie » (Liz Brixius, Evan Dunsky & Linda Wallem, 2009-15) et « Godless » (Jack O’Connell, Michelle Dockery & Scoot McNairy, 2017), « Roberta partage les intérêts de Mark et elle a beaucoup de respect pour l’univers qu’il a créé. C’est également elle qui montre à son cousin galeriste à New York les photos de Mark ».

L’actrice et chanteuse mexicaine Eiza González, qu’on a pu voir voler la vedette lors de ses apparitions dans BABY DRIVER (Edgar Wright, 2017), interprète Carlala, cuisinière à Avalanche Roadhouse où travaille Mark. Carlala soutient et encourage Mark dans la vie, comme à Marwen. « C’est une femme qui ne doit rien à personne, elle est indépendante, marrante, loyale, aimante et attentionnée », déclare son interprète qui se félicite de l’opportunité que le film lui offrait d’explorer et pointer du doigt les représentations stéréotypées des femmes latino-américaines dans la culture populaire. « C’était très agréable de pouvoir jouer d’une part l’excès, avec cet accent absurde, et d’autre part un personnage plus réaliste. C’était une belle opportunité pour moi de travailler sur la notion d’ethnicité, et de rendre compte du pour et du contre de nos stéréotypes, de manière positive », explique encore Eiza González.

Gwendoline Christie, connue pour son interprétation saisissante de la guerrière Brienne de Tarth dans « Game of Thrones » (David Benioff & DB Weiss, 2012-17), incarne Anna, l’auxiliaire de vie de Mark. D’origine russe, Anna passe une fois par mois pour s’assurer que Mark prend bien ses médicaments et prend soin de lui. Pour son interprète, « Anna est impassible et dans le contrôle. Pas grandchose ne l’amuse et elle a tendance à prendre tout au sérieux. De la même manière, son avatar est très méticuleux quand il s’agit de protéger le village de Marwen ».

L’auteure-compositrice-interprète Janelle Monáe s’est largement fait applaudir pour ses rôles au cinéma dans MOONLIGHT (Barry Jenkins, 2016) et LES FIGURES DE L’OMBRE (Theodore Melfi, 2016). Elle incarne ici Julie, aka G.I. Julie à Marwen, une vétérane de guerre qui a perdu une jambe et travaille aujourd’hui comme kiné au centre de rééducation dans lequel Mark réapprend à marcher. Il apprécie son soutien inébranlable et son refus de tomber, et de le laisser tomber, dans l’auto-apitoiement.

« J’étais aux anges quand j’ai appris que Steve interpréterait Mark », se souvient Janelle Monáe. « Il est parfait pour le rôle. Il sait jouer la gravité de la condition de Mark et lui apporter une légèreté comique, surtout à travers le capitaine Hogie. Steve est un acteur magistral et je suis très honorée d’avoir pu travailler à ses côtés ».

À Marwen, on découvre encore Suzette, interprétée par Leslie Zemeckis. Suzette est aussi séduisante qu’elle est coriace, et c’est la seule femme de Marwen que Mark n’a jamais réellement rencontrée. Suzette est son actrice de films pornos préférée, ce qui lui vaut un rôle de résistante française sexy à Marwen. Mariée à Robert Zemeckis depuis 2001, Leslie a tenu des rôles dans ses films LE PÔLE EXPRESS (2004), LA LÉGENDE DE BEOWULF (2007) et LE DRÔLE DE NOËL DE SCROOGE (2009).

« Avec Bob, il n’est pas juste question d’impressionner techniquement la galerie », déclare Madame Zemeckis. « Ses films s’intéressent aux humains et à leurs histoires. Ici, c’est l’histoire de Mark qu’il nous raconte de manière passionnante et singulière ».

Pour compléter la distribution principale des poupées de Marwen, on trouve enfin Deja Thoris, la sorcière. N’étant inspirée d’aucune personne qu’ait connue Mark, Deja est mystérieuse et imprévisible. Interprétée par Diane Kruger, elle est vecteur de changement, elle annonce le chaos et le danger, et symbolise les forces qui s’unissent pour parer à la guérison et au bonheur de Mark. « Deja Thoris est un personnage complexe qui n’apparaît que dans le monde imaginaire de Mark », explique le producteur Jack Rapke. « Elle représente tout ce qui porte entrave à Mark. Deja fait tout ce qui est en son pouvoir pour nuire au capitaine Hogie, ce qui se répercute sur Mark dans la vie. Il doit lutter contre cette terrible tentatrice qui l’empêche de se réaliser pleinement ».

Contrairement aux autres actrices du film, Diane Kruger ne joue qu’une poupée, sans référence à une personne réelle, et ne participa de ce fait qu’au tournage en capture de mouvement. Elle raconte : «J’ai tourné la majorité de mes scènes devant un fond vert, sans rien d’autre autour. C’était une première pour moi. C’était vraiment intéressant d’apprendre comment ça marche, l’impressionnante logistique qui est mise en oeuvre. J’ai les cheveux turquoise, ce que je trouve plutôt cool, mais je regrette un peu de ne pas avoir eu la possibilité de porter mes costumes dans la vraie vie, puisqu’ils y ont tous été ajoutés en post-production. Mais j’ai eu la chance de pouvoir m’amuser à parler avec un accent imaginaire et à voler, suspendue par un harnais ».

Neil Jackson, qui a fait frissonner les téléspectateurs en chevalier sans tête dans la série « Sleepy Hollow » (Phillip Iscove & Clifton Campbell, 2013-15), tient le double rôle de Kurt, l’ex agressif de Nicol qui n’accepte pas leur séparation et un colonel SS à Marwen, prêt à tout pour démolir Hogie. L’acteur déclare : « Kurt a un côté charmant qui lui a permis de s’immiscer dans la vie de Nicol, mais il a aussi un côté sombre qui ressort quand personne ne regarde. Mark fait de lui un colonel SS sinistre et calculateur ».

LES EFFETS VISUELS

Des poupées vivantes
Des effets spéciaux novateurs

Les poupées femmes créées par Mark Hogancamp sont les compagnes fidèles du capitaine Hogie, mais elles sont aussi ses protectrices. Constamment menacées par l’occupant nazi qui ne cesse de les assaillir, elles sont armées jusqu’aux dents et prêtes à voler à la rescousse de Hogie à la moindre alerte. Autant d’un point de vue narratif que technique, les poupées de Marwen ont été traitées par l’ensemble de l’équipe comme des personnages à part entière, avec des dialogues, des costumes et des accessoires propres.
La création des figurines a débuté plusieurs mois avant le début du tournage. Conçues par le superviseur des miniatures Dave Asling, qui a notamment contribué aux effets spéciaux d’X-MEN : L’AFFRONTEMENT FINAL (Brett Ratner, 2006), les poupées ont été fabriquées à partir du visage et du corps numérisés des acteurs. Le perfectionnement du design de leurs visages est signé Bill Corso, dont on a déjà pu voir le travail dans LES DÉSASTREUSES AVENTURES DES ORPHELINS BAUDELAIRE (Brad Silberling, 2004) et FOXCATCHER (Bennett Miller, 2014), et qui a utilisé une nouvelle technique de maquillage numérique.

Kevin Baillie, le superviseur des effets visuels, et son équipe les ont alors fabriquées en 3D, grâce à des impressions 3D, et peintes. Les poupées ont alors été à nouveau numérisées avec des coiffures spécialement créées par la styliste et coiffeuse Anne Morgan.

La forme initiale des poupées, comme leur long cou et leurs traits poupins, a été spécialement respectée. Leurs têtes ont été posées sur des corps aux articulations limitées, les rendant volontairement raides dans leurs poses et leurs mouvements, comme c’est le cas des poupées à l’échelle 1/6 datant de 2006, l’époque à laquelle Mark Hogancamp en a peuplé son village fictif.

Pour Robert Zemeckis, il était important de trouver le juste équilibre entre jouet et humain, de saisir l’essence de l’acteur sans perdre l’artificialité de la poupée. Ceci demandait une attention et un soin méticuleux. Il explique : « Si vous les voyiez dans un magasin de jouets, vous les trouveriez très belles, sans vous dire, "cette poupée ressemble comme deux gouttes d’eau à Steve Carell". Mais si vous observez sa poupée plus longtemps et plus attentivement… alors vous pouvez vous dire : "Cette poupée ressemble exactement à Steve Carell. " C’est cette étroite fenêtre que nous avons cherchée à atteindre ».

La précision au millimètre
L’apogée de la capture de mouvement et de jeu

Contrairement à de nombreux films pour lesquels le travail des effets visuels commence en post-production, BIENVENUE À MARWEN nécessitait de prendre des décisions essentielles des mois avant le début du tournage. L’élaboration du plan de travail était donc en quelque sorte inversée et l’équipe dut passer par toute une gymnastique pour coordonner le planning des différents départements.

Une des questions de base qui se posait avait trait à la façon de rendre compte de la double réalité de Mark. « Quand Bob m’a parlé du projet pour la première fois, on n’avait pas la moindre idée de comment on allait s’y prendre », raconte Kevin Baillie, le superviseur des effets visuels. « On a d’abord pensé qu’on allait construire un village sur un immense plateau et habiller les acteurs, puisqu’ils seraient traités en post-production pour les faire ressembler à des poupées, en leur ajoutant des articulations et en les adaptant aux mensurations de G.I. Joe ou de Barbie ».

Des premiers essais ont démontré que ça fonctionnerait mal : non seulement ça coûterait très cher, mais ce serait laborieux à tourner. Plus ils y réfléchissaient, plus il s’imposait à eux qu’il fallait avoir recours à la capture de mouvement et de jeu (qui inclut des mouvements plus subtils, comme les expressions faciales, les mouvements des mains, etc.). Elle permettrait d’offrir aux cinéastes des interprétations optimums et aux designers de créer les corps des poupées comme ils le souhaitaient.

Pour le réalisateur, il était primordial de pouvoir saisir les expressions faciales des acteurs et de les fondre avec leurs doubles numériques. Ainsi seulement, pouvait-il espérer une évocation convaincante des humains à travers leurs avatars. Durant l’étape de capture de mouvement, l’équipe de Zemeckis filma les acteurs afin de pouvoir se rendre compte de ce à quoi ils pourraient ressembler en miniatures. « Les caméras numériques pouvaient ainsi lire le visage des acteurs et transposer les images sur les visages tridimensionnels des poupées », explique le réalisateur. « Ça nous a permis de faire en sorte que les visages des poupées bougent exactement comme ceux des acteurs ».

La caméra 6K s’avéra la meilleure amie de ce tournage. « Nous avons éclairé le plateau de capture de mouvement, ce que personne ne fait d’habitude, et nous avons utilisé tous les mouvements des acteurs, bouches et yeux inclus », raconte le superviseur des effets visuels. « On est au sommet de ce que permet cette technique, avec des poupées magnifiquement stylisées sans perdre une once du jeu des acteurs ».

Le travail de C. Kim Miles, le directeur de la photographie, n’est que le pendant des efforts monumentaux déployés par l’équipe de Kevin Baillie. « La moitié du film est en prise de vue réelle, pour laquelle on utilise des décors existants ou construits, et on tourne avec des caméras imposantes », explique encore le spécialiste des effets visuels. « Le capteur de l’Alexa 65s a la même taille que ce qui a pu être utilisé à l’époque pour tourner LAWRENCE D’ARABIE (David Lean, 1962). Il offre une très belle profondeur de champ dont Kim et son équipe ont su tirer le meilleur effet. L’autre moitié, celle illustrant le monde imaginaire de Mark, a été tournée devant un écran vert avec une soixantaine de caméras infrarouges ».

Et c’est là que la magie prend forme. « Les caméras infrarouges détectent les marqueurs positionnés sur le corps de l’acteur. Ils lui communiquent ses mouvements au millimètre près. On peut ainsi saisir le jeu de l’acteur dans ses moindres détails ».

LES COSTUMES

Garde-robe et arsenal
Habiller et armer les poupées de Marwen

La costumière citée aux Oscars, Joanna Johnston, qui signe les costumes des films de Robert Zemeckis depuis 30 ans, a elle aussi été bouleversée par l’histoire de Mark en regardant le documentaire diffusé sur PBS. « Plus le film avançait, plus je prenais conscience du caractère extraordinaire de cet homme », raconte-t-elle. « C’est inimaginable. Ça dépasse toute fiction ».

Pour elle, la première gageure était d’aborder le design des costumes à l’envers : il fallait d’abord créer la garde-robe des poupées pour permettre aux techniciens en image de synthèse de commencer leur travail. Et bien que les poupées ne mesurent que 30 cm, la costumière avait conscience de l’importance de chaque détail, sachant que les costumes seraient vus sur un écran de cinéma et qu’ils aideraient à l’impact des personnages peuplant Marwen sur les spectateurs. Avant d’avoir les poupées, qui étaient en cours de fabrication, à sa disposition, Joanna Johnston se mit au travail dans un petit atelier de Londres, en collaboration avec la spécialiste des prothèses Janet Burns, afin de créer et réunir tous les articles miniatures dont les poupées auraient besoin. Elle découvrit ainsi un nouvel univers. « Je n’aimais pas les poupées quand j’étais petite, je les envoyais balader », se souvient-elle en riant. « De nos jours, il existe tout un tas de mini-accessoires, des mini-chaussures, de mini-fermetures Velcro. On a appris au fur et à mesure. On a eu un tas de ratées. On jetait et on recommençait. Il se trouve que nos poupées sont particulièrement bien roulées : supers poitrines, tailles de guêpes, hanches voluptueuses, jambes élancées et tous petits pieds. Elles portent les vêtements à merveille. Une fois qu’on arrive à faire un travail convenable, leurs habits sont du meilleur effet ». La costumière partait souvent d’échantillons ou de vêtements existants qu’elle coupait ou recoupait : « Ce qu’il y a de génial, c’est qu’il ne faut aucune longueur de tissus. Je suis arrivée à coudre des tenues entières à partir d’échantillons et de chutes ». 

Dans le Marwen de la Seconde Guerre mondiale, tous les personnages sont lourdement armés pour se protéger et protéger leur village contre les nazis. Pour parfaire l’attirail de chaque poupée, les accessoiristes ont fait des recherches sur l’armement des soldats alliés comme des soldats de l’Axe. Il fallut ensuite dégotter ou fabriquer ces accessoires à la taille des poupées. Une fois affublées de leur tenue et de leurs armes de choix, les poupées étaient à nouveau photographiées, numérisées et reproduites à la perfection dans le monde de synthèse.

Pour chorégraphier les poses et la gestuelle des figurines dans le film comme sur les photos prises par Mark, le chef accessoiriste Robin Miller connaissait le candidat idéal qui travaillait depuis de nombreuses années dans cette même branche et photographiait parallèlement des jouets de collection pour un site Internet connu. D. Martin Myatt, plus communément appelé Ringo par l’équipe, devint le directeur technique de l’équipe poupées, titre inhabituel s’il en est. Responsable du réalisme des poses des figurines, Ringo a travaillé en étroite collaboration avec l’habilleuse spécialisée Heather Osborne qui assurait l’entretien des costumes et la continuité visuelle sur chaque scène. Ringo positionna les poupées au millimètre près, en accord avec la vision du réalisateur. « J’ai eu la chance de pouvoir passer du temps avec Bob avant le tournage, au cours duquel on a pu discuter en détail des personnages », raconte D. Martin Myatt. « Ça m’a permis de les imaginer en situation. J’ai lu le scénario de nombreuses fois et j’ai disséqué leurs personnalités. Je devais comprendre comment le Mark du film voyait les femmes et comment le vrai Mark a réalisé ses clichés. Pour moi, ce n’était pas des poupées mais des personnages à part entière ».

LES DÉCORS

Au plus petit détail près
Marwen prend forme

La première collaboration du chef décorateur Stefan Dechant avec Robert Zemeckis remonte à FORREST GUMP (1994), sur le tournage duquel il assurait les fonctions d’illustrateur. Ils ont depuis renouvelé l’expérience à plusieurs reprises. « Bob aime que sa caméra soit mobile, il l’utilise comme un pinceau », commente Stefan Dechant. « Je savais que chaque décor devait permettre à sa caméra de bouger le plus librement possible ».

Pour créer les décors de BIENVENUE À MARWEN, le chef décorateur se pencha d’abord sur la vie de Mark Hogancamp. Il ne s’agissait pas de l’imiter, mais de créer une version filmique du personnage qu’avait imaginé le réalisateur. Il était important pour toute l’équipe des décors d’être fidèle au travail de Mark et de ne pas faire de Marwen une caricature. Chaque décision répondait à une question : Saluons-nous le travail de cet artiste ? « On voulait être fidèle au cadre dans lequel Mark évolue et déterminer dans quelle mesure son environnement influe sur son processus créatif », explique Stefan Dechant. « L’intérieur de son mobile home n’est que nicotine et caféine, c’est à ça qu’il tourne. Il ne vit que pour Marwen et il est entouré de pièces et de projets inachevés, comme cette maquette d’avion accrochée au mur ou ces couvertures de pulps des années 50 illustrés de symboles nazis ».

Quand on passe du mobile home au village de Marwen, la palette chromatique change. On laisse les tons sépia pour des couleurs vives. Le vrai Marwencol est un alignement de 8 à 10 bâtiments, mais sa version filmique ressemble à un plateau de tournage en extérieur. « On voulait créer notre propre univers à une échelle que se trouvait être 1/6, mais on ne voulait pas en devenir esclave », continue Dechant. « On ne voulait pas forcément de fenêtres conformes à la réalité ou de portes aux proportions exactes. Au début, on s’inquiétait de savoir à quoi ressembleraient les intérieurs. On a commencé avec l’église qui s’est avérée être beaucoup trop grande. On l’avait entièrement construite à l’échelle 1/6 et on s’est rendu compte qu’on devait juste construire une église appropriée et fonctionnelle pour les poupées ». Mark Hogancamp a conçu ses décors avec des photos uniques en tête, mais ceux du film devaient s’adapter aux besoins du cinéma. « Le Ruined Stocking devait être suffisamment grand pour que toutes les filles puissent y danser, mais pas trop grand pour ne pas prendre toute la place chez Mark. C’était le genre de problèmes auxquels on était confrontés, tenant aussi au simple fait qu’on faisait un film et Mark, des photos ».

Le réalisateur souhaitait néanmoins que son Marwen reflète le côté bric et broc de l’original et qu’il ne donne pas l’impression d’avoir été construit par un millionnaire. L’équipe choisit encore de faire du bar un décor intérieur et extérieur. « Dans le film, Mark a fait un trou dans un mur et a construit son bar à l’échelle 1/6, une partie à l’intérieur, l’autre à l’extérieur, pour qu’en cas de mauvais temps, il puisse continuer ses aventures toute la nuit durant si ça lui chante », explique Zemeckis.

L’ensemblier Hamish Purdy, qui a notamment travaillé sur THE REVENANT (Alejandro González Iñárritu, 2015), et son équipe participèrent à leur tour à l’authenticité des designs du chef décorateur, autant pour le monde réel que pour celui des poupées. Habituellement, quand ils travaillent sur des décors miniatures au cinéma, leur objectif est de rendre les objets les plus réalistes possible. Mais ici, c’était de fabriquer des meubles et des objets pour Marwen qui soient aussi réalistes que Mark ait choisi de les faire.

« Mark n’essaie pas de réaliser des maquettes ou des miniatures parfaites », explique Robert Zemeckis. « C’est un travail artistique, un travail cathartique. Le défi pour Stefan tenait à rappeler imperceptiblement aux spectateurs que Marwen n’est fait que d’objets de récup et de contreplaqué, tout en ne perdant rien de sa beauté ».

Le décor principal était le mobile home de Mark dans lequel deux semaines et demie de tournage étaient prévues. « En construisant l’intérieur de chez Mark, ce qui dans n’importe quel autre cas de figure aurait été un décor très simple à fabriquer, on avait en tête qu’il fallait donner à Bob toute la place pour être créatif », raconte Stefan Dechant. Pour ce faire, l’équipe des décors a découpé le mobile home en morceaux et fait en sorte qu’ils soient tous amovibles, afin que chaque mur puisse être hissé au plafond et que chaque pièce du plafond puisse également être enlevée. « On a construit sa maison de manière à ce que Bob et Kim puissent s’y tenir avec les acteurs, qu’ils n’aient pas à se soucier des restrictions de place ou de mouvement ».

L’ensemblier s’inspira d’abord du vrai mobile home, à partir du documentaire et du livre publié sur Marwencol, mais aussi des photos prises durant la visite du réalisateur et de Steve Carell chez Mark. « En se mettant dans la peau des personnages quand on travaille, les choses viennent assez naturellement », explique Hamish Purdy. « La quantité de vaisselle dans l’évier, les objets que Mark garde à portée de main, ses intérêts et ses fixettes qui y figurent aussi. S’il travaillait assidûment à la fabrication de son bar, il semble normal qu’il y ait un certain nombre d’outils autour de lui, par exemple ».

Son équipe habilla et meubla les bâtiments principaux de Marwen qui incluent le bar, l’église, une pâtisserie, un tabac, une banque, une fontaine et quelques bâtiments calcinés, dont certains n’étaient que des façades. Le Ruined Stocking est la structure la plus élaborée, avec au rez-de-chaussée le bar, et à l’étage le dortoir dans lequel toutes les poupées femmes, à l’exception de Deja Thoris, dorment, et dont chaque lit est personnalisé. « Nous avons apporté beaucoup d’attention au dortoir et au bar en-dessous », continue l’ensemblier. « Nous y avons placé des éléments qui peuvent faire écho à la vie de Mark. Dans le film, il travaille à Avalanche Roadhouse où nous avons mis une guirlande de Noël multicolore derrière le bar à laquelle nous faisons écho au Ruined Stocking avec de petites lumières colorées. De la même manière, il y a un juke-box à son travail, et sa version marwenienne, une enceinte et deux bougies, au Ruined Stocking ».

L’art qui imite l’art
Recréer les photos de Mark Hogancamp

L’étonnant réalisme des clichés 24 x36 de Marwencol et de ses habitants, réalisés par Mark Hogancamp, lui a valu une reconnaissance internationale. L’équipe de BIENVENUE À MARWEN tenait donc à faire honneur à la minutie, au talent et la sincérité de son travail dans la recréation de ses photos. « Les photos de Mark sont dénuées d’ironie, ce qui leur donne toute leur puissance », déclare Robert Zemeckis. « Parfois, il ne s’embête pas trop avec les problèmes d’échelle ou le fait que le monde réel s’immisce en arrière-plan. Il y a une forme de pureté qui fait exister ses sujets indépendamment de tout ce qui les entoure ».

Le producteur Steve Stanley a travaillé avec le photographe de plateau Ed Araquel et le directeur technique de l’équipe poupées, D. Martin Myatt (aka Ringo), pour reproduire le plus fidèlement possible cette authenticité. « Il ne s’agissait pas seulement de mettre en place un tableau et de prendre des photos de poupées, mais d’y insuffler des émotions, de les saisir en pleine action. Il fallait sans arrêt se poser les bonnes questions : comment doivent-elles être placées dans la jeep ? Quelle attitude doivent-elles avoir ? Où vont-elles ? Pourquoi ? Pourquoi se sont-elles arrêtées là ? Qu’est-ce qu’elles regardent ? C’était un travail exigeant », se souvient le producteur. « Mais c’était aussi très plaisant à faire, et une réelle leçon d’humilité face au travail de Mark, à son talent et à son instinct. Pour la séquence dans la galerie, certaines photos réalisées pour le film se mélangent aux clichés de Mark sur les murs ». D. Martin Myatt nous confie : « le travail de Mark est très différent du mien, ce qui ne m’empêche pas de l’admirer. Il parvient à défier la pesanteur, avec des moyens très simples ».

Au réalisateur d’ajouter : « les blessures émotionnelles que Mark a subies, et leur apaisement, sont une grande source d’inspiration. Il a su transcender sa souffrance et ses traumatismes et en faire une œuvre d’art. Je voulais honorer et rendre justice à cette trajectoire extraordinaire et humainement édifiante ».

LES LIEUX DE TOURNAGE

Le grand nord
Tournage à Vancouver (Colombie-britannique)

Le tournage de 9 semaines, à Vancouver et dans les villes avoisinantes, débuta le 11 août 2017 à l’ancien hôpital psychiatrique de Riverview, construit en 1913 et fermé en grande partie en 2012. Souvent utilisé pour des tournages, il figure le centre de rééducation dans lequel Mark rencontre Julie qui le soutient dans son réapprentissage de la marche.

L’équipe se rendit ensuite à McTavish Road, dans la zone rurale d’Abbotsford, qui s’apparente à la région où vit Mark, au nord de l’État de New York. D’un côté de la route, les décors extérieurs du mobile home de Mark et les façades de Marwen furent construits, et de l’autre côté de la route, l’armature de la maison où Nicol débute une nouvelle vie, loin de Kurt, son ex possessif. La maison jaune de Nicol fut disposée de manière à ce que Mark puisse voir la porte d’entrée depuis sa fenêtre. Sur 3 jours, l’emménagement de Nicol, les visites non sollicitées de Kurt et les premières rencontres entre Mark et Nicol furent alors tournés, ainsi que certaines scènes dans lesquelles Mark photographie les poupées et les bâtiments de Marwen.

Pendant que les équipes de construction et de décoration continuèrent la préparation des décors suivants, acteurs et équipe de tournage entamèrent 12 jours en studio, à Burnaby. Les habitations de Mark et Nicol furent à nouveau recréées, mais avec leurs intérieurs cette fois, et entourées de fonds et de tentures bleus pour permettre à l’équipe des effets visuels de les combiner avec le cadre extérieur en post-production. C’est également au studio que furent tournées les scènes les plus élaborées entre Mark, ses poupées et le village de Marwen.

L’étape suivante les conduisit à Dewdney Truck Road, dans la ville de Maple Ridge, où un immeuble vide fut transformé en Avalanche Roadhouse, le bar de Larry dans lequel Mark travaille à mi-temps avec Carlala, en cuisine. C’est également là qu’a eu lieu l’agression violente de Mark par 5 hommes qui l’ont laissé pour mort au milieu de la chaussée.

Trois jours plus tard, l’équipe se rendait dans la ville pittoresque de Fort Langley, où un magasin d’antiquités fut transformé en magasin de loisirs créatifs dans lequel Mark passe régulièrement fouiner, à la recherche de fournitures et de nouvelles poupées et figurines pour son installation. Son amie Roberta, qui l’encourage dans ses efforts et le soutient dans les moments difficiles, y travaille.

La galerie de Pillar à New York, qui organise l’exposition des photos de Mark, a été recréée dans un immeuble de Railway Street, en périphérie de Vancouver. Plus d’une douzaine d’agrandissements 1,5 x 2,4 m, mêlant les clichés de Mark Hogancamp et ceux pris par l’équipe photo du film, y sont exposés.

À cause des éclairages et des mouvements de caméra élaborés requis pour tourner l’émouvante séquence du tribunal, dans laquelle Mark trouve le courage de témoigner contre ses agresseurs, et qui mobilise acteurs et poupées, celle-ci a été tournée en studio. Le tournage terminé, l’équipe a investi le plateau dédié à la capture de mouvement, à Burnaby, et s’est dédié pendant 14 jours à jumeler la magie de cette technologie aux brillantes interprétations des acteurs afin de donner vie aux poupées de Marwen.

Précision supplémentaire
L’expression de genre de Mark Hogancamp

Mark Hogancamp s’est fait sauvagement agresser par cinq hommes aux abords d’un bar en avril 2 000 parce qu’il avait raconté à l’un d’eux durant la soirée qu’il aimait porter des chaussures de femmes. Depuis qu’il s’est remis de ses blessures, Mark Hogancamp s’exprime plus librement en ce qui concerne son expression de genre qui fait partie intégrante de sa personnalité et de la façon dont il est représenté dans le film. Parce que lui-même a choisi de ne pas poser de mots sur cette part de son identité de genre, les créateurs du film ont respecté ce choix. Leur opinion est que Hogancamp est exactement qui il est, et n’a ni besoin ni le souhait d’être défini par les autres.

Toujours est-il que l’agression qui lui a presque coûté la vie était motivée par la haine envers les individus qui ne se conforment pas à une expression de genre binaire et normative. « C’est sans équivoque possible un crime motivé par la haine », déclare le producteur Jack Rapke. « Et nous nous y opposons farouchement. Ce n’est pas le sujet principal du film, mais si les spectateurs sont à même de prendre conscience des conséquences tragiques de telles agressions, nous n’en serons que plus fiers. Mark a survécu, mais beaucoup d’autres ont payé le prix fort à cause de l’ignorance et de la haine de certains ».

BIENVENUE À MARWEN est un film sur le courage, la résilience et la guérison par l’art qui respecte l’expression de genre de Mark Hogancamp et la présente d’une façon qui, les cinéastes l’espèrent, permettra aux spectateurs de le voir d’abord et avant tout comme un être humain et de l’accepter tel qu’il est.

Cet aspect de l’histoire a touché de nombreux membres de l’équipe, dont Leslie Zemeckis qui déclare : « Le film met en lumière la montée de l’intolérance et des préjugés que nous pouvons constater aujourd’hui dans le monde et aux États-Unis ».

Copyright des textes des notes de production @ Universal Pictures International France

  
#BienvenueÀMarwen

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