Drame/Des émotions fortes et une belle histoire de courage
Réalisé par Sarmad Masud
Avec Suhaee Abro, Eman Malik, Razia Malik, Syed Tanveer Hussain, Atif Akhtar Bhatti, Tayyab Ifzal, Ahsen Murad, Sahib Ahmad...
Long-métrage Britannique
Durée : 01h32mn
Année de production : 2017
Distributeur : Septième Factory
Date de sortie sur nos écrans : 30 mai 2018
Résumé : Dans une région isolée du Pakistan, les terres sont l’objet de toutes les convoitises et les querelles de famille se règlent les armes à la main. Quand son père est injustement emprisonné, Nazo une jeune fille de 18 ans, se retrouve seule avec sa sœur et sa mère, assiégées par des bandits, engagés par leur oncle Mehrban pour s’approprier leur maison. Mais, comme le lui a enseigné son père, Nazo ne se soumet pas. Tiré d’une histoire vraie, MY PURE LAND relate le combat de Nazo Dharejo qui a initié un mouvement au Pakistan pour éviter que ce type de spoliation ne se perpétue.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : inspiré d'une histoire vraie, le long-métrage MY PURE LAND est une exploration culturelle inattendue. Le contexte des conflits fonciers au Pakistan peut paraître peu attirant a priori, mais il devient étonnamment touchant sous la direction de Sarmad Masud.
Le réalisateur traite son sujet sous l'angle d'un drame familial. Il alterne les scènes dans le moment présent et les flashbacks pour nous expliquer le déroulement des événements. Au début, on est un peu perdu, parce qu'on n'a pas les clefs pour comprendre pourquoi ces protagonistes féminines armées défendent cette maison et la terre qui l'entoure contre des hommes visiblement décidés à les leur prendre. Puis, plus le film avance et plus on se laisse prendre par cette histoire dont certains moments sont déchirants. Ils ne font d'ailleurs que mettre en exergue l'injustice de la situation et le courage incroyable de ces femmes.
Être femme et tenir tête, arme à la main, à des hommes qui vous considère comme un sous-être n'est pas une simple action, c'est un acte de résistance et de bravoure absolu. La force du réalisateur est à la fois de placer l'émotion avec force, mais aussi d'inclure des moments de douceur avec des souvenirs qui expliquent pourquoi cet entêtement à vouloir conserver cette maison est si important.
Le sort de l'héroïne Nazo, interprété par la lumineuse Suhaee Abro, nous tient alors vraiment à cœur.
Sa relation avec son père, interprété par l'attachant Syed Tanveer Hussain, est un baume qui apaise la dureté des faits expliqués.
MY PURE LAND est un film sur un sujet dur, qui réussit à inclure des moments suspendus de tendresse. Il nous fait ressentir des émotions fortes tout en nous montrant un superbe exemple de courage. C'est une belle découverte.
Le réalisateur, Sarmad Masud |
Être femme et tenir tête, arme à la main, à des hommes qui vous considère comme un sous-être n'est pas une simple action, c'est un acte de résistance et de bravoure absolu. La force du réalisateur est à la fois de placer l'émotion avec force, mais aussi d'inclure des moments de douceur avec des souvenirs qui expliquent pourquoi cet entêtement à vouloir conserver cette maison est si important.
Le sort de l'héroïne Nazo, interprété par la lumineuse Suhaee Abro, nous tient alors vraiment à cœur.
Sa relation avec son père, interprété par l'attachant Syed Tanveer Hussain, est un baume qui apaise la dureté des faits expliqués.
MY PURE LAND est un film sur un sujet dur, qui réussit à inclure des moments suspendus de tendresse. Il nous fait ressentir des émotions fortes tout en nous montrant un superbe exemple de courage. C'est une belle découverte.
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Entretien avec le réalisateur, Sarmad Masud
Comment est né le film ?
Je cherchais à faire un film au Pakistan. Je n'avais pas vraiment d'idée à l'époque, mais j’aurai bien aimé réaliser quelque chose dans le genre de Copland. Je sentais que les thèmes de la corruption policière étaient très adaptables au contexte du Pakistan. J'ai fait des recherches sur certaines affaires de police au Pakistan et j’ai découvert un article sur une femme nommée Nazo Dharejo qui avait défendu sa maison et sa terre contre 200 bandits. J'ai tout de suite pensé que c'était un bien meilleur sujet !
J'ai pris contact avec Nazo elle-même, par l'intermédiaire de l'auteur de l'article et demandé si quelqu'un faisait un film sur elle. Elle a dit non et était heureuse que je le fasse. Elle a eu quelques questions. Serait-elle dans le film ? Y aurait-il des chansons et des danses ? J'ai dit non. Est-ce que ce serait un documentaire alors ? J'ai répondu que ce serait un film de danse et de chanson, sans une chanson et une danse !
J'ai eu très tôt l'idée d'en faire un film non linéaire, avec des allers retours dans le temps. J'ai senti que cela maintiendrait sous tension la partie concernant le siège de la maison, tout en permettant d'en apprendre davantage sur le passé des personnages.
Le contexte du Pakistan a-t-il été un frein pour la production du film ?
Je savais que si nous filmions sur place au Pakistan, il serait difficile de financer avec des d'organismes traditionnels au Royaume-Uni. Mon plan était donc de collecter des fonds par le biais d'investisseurs privés et donc de maintenir mon budget assez petit. J'ai eu l'idée initiale en 2013, je me suis marié en 2014 et le projet était de faire le film en 2015 avant d'avoir des chats, ou des enfants !
Il était très difficile de récolter de l'argent, mais j’ai réussi à réunir suffisamment de fonds pour démarrer le tournage grâce à l'investissement de mes amis et de ma famille. C'est à peu près à ce moment-là que mon agent a voulu me mettre en contact avec Bill Kenwright Films, qui cherchait des réalisateurs pour un long métrage. En fait j'ai réussi à me sortir de cette proposition et à pitcher mon film pakistanais.
Quelle est votre relation avec le Pakistan ?
Je connais maintenant le Pakistan beaucoup mieux qu’avant le tournage. Je n’y étais allé que pour rendre visite à ma famille, et j'y avais fait seulement un court métrage en 2008. Je suis revenu en disant "tout est possible au Pakistan, et tout est impossible". Il y a un chaos que j'apprécie vraiment, mais ce n'est sans doute pas l'environnement le plus propice à la réalisation d'un film. L’organisation y est difficile, et il semble qu’il y a toujours quelque chose qui se passe au niveau politique. Cependant, c'est de là que vient ma famille et je suis un fier Pakistanais Britannique. J'ai vraiment une affinité avec le pays. On m’a dit que nous devions filmer au Maroc ou en Inde en raison des problèmes de sécurité au Pakistan. Mais j'étais intransigeant sur la question de tourner au Pakistan parce que je voulais faire un film honnête qui vienne vraiment de ce pays, et que d'autres Pakistanais puissent en être fiers. Il y a certainement un renouveau du cinéma au Pakistan avec de plus en plus de films produits, ce qui est une excellente nouvelle pour tout le monde.
Je pense qu'il doit être difficile pour le public occidental de comprendre le contexte, l'ampleur et l'importance de notre film et la signification de ce que la vrai Nazo a fait. Il y a encore des régions du Pakistan où des filles sont tuées à la naissance, des régions du Pakistan où les filles n'ont pas le droit de sortir seules de la maison, d'aller à l'école ou de choisir qui elles épousent. Et pourtant cette courageuse femme pakistanaise jette toutes ces conventions par la fenêtre.
Comment s’est passé le tournage à Lahore?
Je suis une personne positive, donc je dirais que j'ai vraiment apprécié la folie. Un jour on découvre que l'un des acteurs aura deux heures de retard, ou alors la caméra est là mais pas les objectifs. Il fait 40 degrés à un moment, mais il pleut quelques instants après, ou quelqu'un a peutêtre été mordu par un serpent. Parfois nous devions partir tous en convoi pour ne pas être attaqués sur le chemin car bien sûr il y a toutes les chances de vous faire tirer dessus ...
Il y a tout ce dont vous n'avez pas besoin, lorsque vous essayez de tourner un film pour lequel vous n'êtes pas dans votre environnement naturel. Vous ne mangez pas ou ne dormez pas correctement, vous et votre femme atterrissez à l'hôpital pendant le tournage et pourtant vous devez vous assurer que vous avez l'énergie et la clarté pour prendre les bonnes décisions toute la journée. Mais ça vous concentre vraiment. J'aime cette impression de sang et de tonnerre sur un plateau. C’est un défi à vos instincts.
Quel est le contexte de prolifération des armes au Pakistan ?
Contrairement à la Grande Bretagne, les armes sont monnaie courante dans les villages au Pakistan. Au début, chaque fois que je voyais quelqu'un se promener avec une arme à feu, c'était comme si j'avais vu un dinosaure. Je le repérais, je m’assurais de savoir où il se dirigeait et s'il était susceptible d'attaquer. Mais curieusement, au fil du temps, nous sommes devenus un peu blasés de la présence de pistolets, bien que nous ayons eu un certain nombre d’épisodes assez chauds.
Une nuit, nous filmions avec des figurants une scène de séquence de rêve. C'était un plan compliqué avec un groupe de mariage et un feu d'artifice qui partait en arrière-plan, tout ça en pleine nuit dans un village des badlands du Pakistan, ce qui pouvait mal tourner. Un des figurants n’arrêtait pas d’embêter tout le monde, alors un membre de l'équipe de production l'a pris à part et l'a renvoyé chez lui. Plus tard, la même nuit, nous avons entendu ce qui ressemblait à un feu d'artifice, mais c'était en fait ce figurant qui était revenu avec un fusil et qui tirait vers nous.
À ce stade du tournage, j'étais complètement absorbé par le film et l'environnement, et pendant que notre caméraman se cachait derrière un mur, je faisais ma meilleure imitation de Robert Duvall dans Apocalypse Now en essayant de penser à ce qu'il nous restait à filmer.
On peut dire que le tournage a été une véritable aventure.
Le premier jour de tournage a été le plus dur et a donné le ton. Nous tournions à l'extérieur dans un marché à partir de 7h du matin. Ma femme Caroline était partie pour peindre la prison dans le studio. Comme c’est une femme britannique blanche, nous avons pensé qu'il était plus sûr de ne pas l'avoir dans les rues pendant que nous filmions le premier jour. Nous n'avions pas vraiment assez de figurants alors j'ai réussi à convaincre les centaines de spectateurs rassemblés autour de nous rejoindre devant la caméra. Ils l’ont fait, mais après deux prises ils se sont cachés à l'ombre parce qu'il faisait trop chaud ! 16h arrive et je n'ai toujours pas déjeuné, quand ma femme m'envoie un texto pour me dire qu'elle a été intoxiquée par le monoxyde de carbone du groupe électrogène dans le studio. Un premier jour douloureux qui s’est terminé à l’hôpital.
Il y a aussi eu des journées particulièrement folles comme cette fois où nous filmions l'armada des bandits sur la colline. Chaque fois que je racontais le film, je disais qu'il s'agissait d'une fille qui combattait 200 bandits, alors nous devions voir ces 200 bandits. L'endroit que nous avons filmé a été construit par mon grand-père il y a plusieurs années, il avait un seul petit chemin de terre menant à la maison et j'avais demandé que l’on construise une piste circulaire plus loin parce que je savais que nous aurions 200 figurants qui conduiraient là-bas et nous aurions besoin qu’ils puissent tourner pour faire les différentes prises. De toute évidence, cela n’a jamais été construit.
Nous avions de nombreux véhicules, des gens, des armes à feu et nous devions capter ce moment à l'heure magique qui ne dure que 20 minutes! Nous avons filmé toute la scène avec une caméra et un drone. L'appareil photo du drone avait environ 30 minutes de batterie, et l'opérateur a oublié d'appuyer sur l'enregistrement lors de la première prise. Cependant, nous avons pu filmer les coups de feu. Je ne sais pas comment, mais cela a marché. Ce genre d’évènement a été un peu le thème récurrent dans la réalisation de ce film !
Parlez-nous un peu du choix des acteurs.
Nous avons fait appel à un agent au Pakistan mais les photos des actrices qu'il m'a envoyées ne correspondaient pas. Elles aspiraient toutes à être des actrices glamour de Bollywood, ce qui n'était pas ce que je cherchais. Je voulais que l'actrice et le reste du casting aient une apparence naturelle, mais ce n'est pas ce à quoi les acteurs sont habitués au Pakistan. Nous avions besoin d'acteurs authentiques pour ce film subtil. Nous avons approché des compagnies de théâtre, des collèges, des universités. Finalement, on m'a envoyé une photo d'une actrice qui est aussi danseuse à Karachi, Suhaee Abro. Elle a voyagé pour un casting le lendemain et j'ai su immédiatement que c’était elle.
La même règle s'applique à tous les acteurs principaux. Dès qu'ils marchaient dans la pièce, je savais si c’était eux. Il a juste fallu un peu de temps pour les trouver. Tanveer Bhai, que nous avons choisi pour le père, est en fait un enseignant qui accompagnait un ami. Il y avait aussi pas mal de casting de rue. Si je voyais quelqu'un pendant le tournage que je trouvais intéressant, je le mettais dans le coup et je lui donnais une réplique. Pour les scènes de la prison, nous avions deux décors que ma femme Caroline avait conçus dans un studio au Pakistan. J'ai engagé certains des travailleurs comme prisonniers parce qu'ils avaient le bon look. Du point de vue du casting et en termes de performances des acteurs, je suis très heureux du résultat final.
Biographie
My Pure Land est le premier long métrage de Sarmad Masud. Son court métrage précédent, Two Dosas, financé par Film London a été élu meilleur film dans la catégorie London Calling Plus puis a été nominé dans la première sélection des BAFTA et des Oscar après avoir remporté de nombreux prix dans le circuit des festivals, vainqueur au London Short Film Festival, Aspen ShortFest, River to River, Florence et Shufflefest. Sarmad a également écrit et réalisé Adha Cup, la première fiction en langue ourdoue commandée par Channel Four, qu'il a ensuite développé en six parties pour la BBC.
La véritable Nazo Dharejo
Nazo Dharejo est la fille aînée de Haji Khuda Buksh Khan Dharejo. Dès l’enfance, Nazo a montré une forte volonté d'explorer le monde au-delà du village où elle vivait. Bien qu'elle ait arrêté d'aller à l'école tôt, elle a demandé à son père d'étudier avec le tuteur privé de sa sœur, afin d’apprendre à lire et à écrire en anglais. Son père avait un grand respect pour les femmes et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour permettre à ses filles d'acquérir une éducation et une vie plus égale dans une société inégale. Il leur donnait des surnoms de garçon, leur montrait comment utiliser des armes, ne croyait pas au désespoir, et surtout, que « rien, pas même la vie, n'est plus important que l’honneur ». Lorsque le grand-père de Nazo est mort, la famille s'est déchirée autour de l’héritage. Au cours de cette longue querelle, son père a été accusé d'avoir tué un proche, il a été emprisonné puis libéré sous caution. Mais diagnostiqué avec l'hépatite C, il a perdu la vie, laissant aux femmes le soin de protéger les terres. C’est à ce moment que Nazo a dû prendre les armes. Depuis ce jour Nazo est devenue une légende dans le village. Elle a réussi à élever trois filles et un fils, et à garder sa terre. Elle participe aussi à la politique locale. Ses objectifs sont d'éduquer les enfants dans sa région et elle est fière de voir que les femmes du district commencent à remettre en question les traditions, étudient et apprennent à être indépendantes. Son rêve ultime est de devenir ministre en chef du Sindh.
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