Drame/Malgré des longueurs, le film raconte une histoire touchante et nous délivre un message important
Réalisé par James Marsh
Avec Colin Firth, Rachel Weisz, David Thewlis, Ken Stott, Jonathan Bailey, Adrian Schiller, Oliver Maltman, Kit Connor...
Long-métrage Britannique
Titre original : The Mercy
Durée: 01h42mn
Année de production: 2018
Distributeur: StudioCanal
Date de sortie sur les écrans britanniques : 9 février 2018
Date de sortie sur nos écrans : 7 mars 2018
Résumé : 1968. Donald Crowhurst, un homme d’affaires anglais, passionné par la voile, est au bord de la faillite. Pour sauver son entreprise et vivre l’aventure dont il rêve depuis toujours, il décide de participer à la première course à la voile en solitaire pour remporter le grand prix. Soutenu par sa femme et ses enfants, il se lance alors dans cette incroyable odyssée à travers les mers du monde. Mais mal préparé et face à lui-même, Crowhurst rencontre très vite de graves difficultés…
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : LE JOUR DE MON RETOUR s'inspire d'une histoire vraie, celle d'un aventurier des mers. Et qu'est-ce qu'un aventurier si ce n'est avant tout un rêveur ? C'est ce que le réalisateur nous rappelle dans son introduction. Il s'intéresse ici à un inventeur génial et passionné qui s'est lancé dans le défi totalement fou (mais quel défi ne l'est pas a priori ?) de participer à la première course en solitaire pour faire le tour du monde sans escale à la voile, rien de moins que cela. On assiste alors à l'évolution du projet avec les espoirs, les atermoiements et les doutes prêts à coller à la coque du bateau. On sait le pourquoi, le comment et les conséquences. Tout est clair.
La réalisation de James Marsh nous fait vivre aussi bien l'ambiance de la fin des années soixante en Angleterre que l'impact de cette course sur le navigateur et sa famille. Il a une petite tendance à vouloir un peu trop nous mettre la larme à l'œil et il tire certains aspects un brin en longueur, mais son sujet est bien amené, il garde le cap.
Ce qui est intéressant est que l'on découvre l’histoire de ce personnage et surtout, on s'étonne de voir combien tout le monde à l'époque est passé à côté de ce qui comptait vraiment et, bien sûr, pour toutes les mauvaises raisons. Ce film ressemble à une remise des pendules à l'heure et pas seulement pour ce qui est des courses à la voile. La morale de cette histoire peut facilement être appliquée à beaucoup d'activités dans beaucoup de domaines.
Réalisé par James Marsh
Avec Colin Firth, Rachel Weisz, David Thewlis, Ken Stott, Jonathan Bailey, Adrian Schiller, Oliver Maltman, Kit Connor...
Long-métrage Britannique
Titre original : The Mercy
Durée: 01h42mn
Année de production: 2018
Distributeur: StudioCanal
Date de sortie sur les écrans britanniques : 9 février 2018
Date de sortie sur nos écrans : 7 mars 2018
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : LE JOUR DE MON RETOUR s'inspire d'une histoire vraie, celle d'un aventurier des mers. Et qu'est-ce qu'un aventurier si ce n'est avant tout un rêveur ? C'est ce que le réalisateur nous rappelle dans son introduction. Il s'intéresse ici à un inventeur génial et passionné qui s'est lancé dans le défi totalement fou (mais quel défi ne l'est pas a priori ?) de participer à la première course en solitaire pour faire le tour du monde sans escale à la voile, rien de moins que cela. On assiste alors à l'évolution du projet avec les espoirs, les atermoiements et les doutes prêts à coller à la coque du bateau. On sait le pourquoi, le comment et les conséquences. Tout est clair.
La réalisation de James Marsh nous fait vivre aussi bien l'ambiance de la fin des années soixante en Angleterre que l'impact de cette course sur le navigateur et sa famille. Il a une petite tendance à vouloir un peu trop nous mettre la larme à l'œil et il tire certains aspects un brin en longueur, mais son sujet est bien amené, il garde le cap.
Ce qui est intéressant est que l'on découvre l’histoire de ce personnage et surtout, on s'étonne de voir combien tout le monde à l'époque est passé à côté de ce qui comptait vraiment et, bien sûr, pour toutes les mauvaises raisons. Ce film ressemble à une remise des pendules à l'heure et pas seulement pour ce qui est des courses à la voile. La morale de cette histoire peut facilement être appliquée à beaucoup d'activités dans beaucoup de domaines.
Colin Firth prête sa bonhomie naturelle et ses yeux plein de malice à son personnage, Donald Crowhurst. L’acteur est très sympathique et Donald le devient aussi par extension.
Face à lui, Rachel Weisz est touchante dans rôle de Clare Crowhurst, la femme de Donald. Elle sait que cette entreprise est folle, mais elle aime son mari et ne veut pas empêcher son bonheur.
David Thewlis est très convaincant dans le rôle de Rodney Hallworth, un journaliste qui est un des ressorts de la mécanique écrasante qui se met en place.
LE JOUR DE MON RETOUR raconte une histoire humaine et il délivre un message important basé sur l’expérience. Ses longueurs ne constituent pas un frein à l’intérêt de sa découverte, aussi, je vous le recommande.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
« Je pars parce que je n'arriverais pas à trouver la paix si je restais. »Donald Crowhurst
1968, en Angleterre.
Navigateur amateur, Donald Crowhurst décide de participer à la Golden Globe,
course autour du monde à la voile en solitaire, sans escale, organisée par le
Sunday Times. Galvanisé par ce défi sans précédent, Donald, marié et père de trois
enfants, compte également sur la récompense pour payer ses dettes…
Il embarque à bord de
son trimaran, qu'il a lui-même construit, dans l'espoir d'être de retour chez
lui six mois plus tard. Très vite, il se révèle extrêmement mal préparé à
affronter les épreuves qui l'attendent. Considérablement ralenti par ses
avaries, mais incapable d'assumer les conséquences d'un échec, il choisit de s'inventer
un parcours idéal. Par contact-radio, il se met alors à raconter à son attaché
de presse et à sa famille qu'il progresse à une vitesse inespérée.
Tandis que ses concurrents abandonnent la course les uns
après les autres, l'exploit – fictif – de Donald fascine la presse qui ne tarde
pas à faire de lui un héros populaire. En réalité, il doit braver les intempéries,
tenter de réparer les dégâts subis par son voilier et surtout affronter la
solitude…
QUI ÉTAIT DONALD CROWHURST
?
Fils de John et Alice Crowhurst, Donald est né en 1932 à
Delhi, alors capitale de l'Inde britannique. À l'âge de 8 ans, il est envoyé en
pension où il séjourne pendant neuf mois de l'année. Deux ans plus tard, ses
parents s'installent à l'ouest du Pakistan. Après la Seconde Guerre mondiale,
il est envoyé en Angleterre, à l'âge de 14 ans, où il intègre Loughborough
College. En 1947, au moment de l'indépendance de l'Inde et de la partition
entre l'Inde et le Pakistan, ses parents rentrent en Grande-Bretagne. Son père investit
tout l'argent de sa retraite dans une entreprise en mauvaise santé, implantée
dans le nouvel État du Pakistan. Autant dire que les Crowhurst n'ont plus du
tout le même train de vie dans l'Angleterre de l'après-guerre que dans l'Inde
coloniale… Le manque d'argent oblige Donald à quitter Loughborough à l'âge de
16 ans, après qu'il ait obtenu son brevet. En 1948, John décède.
Après avoir débuté comme
apprenti en ingénierie électronique au Royal Aircraft Establishment Technical
College à Farnborough, Donald intègre la Royal Air Force en 1953 : il apprend à
piloter et il est officiellement engagé. Sa vie d'officier lui plaît et on le
décrit comme charmant, chaleureux, incontrôlable, courageux, ou encore comme un
type aimant prendre des risques et défier l'autorité, mais aussi doté d'un sens
de l'humour délirant. Contraint de quitter la RAF, Donald s'engage dans l'armée
et apprend à manoeuvrer des équipements électroniques. Il démissionne de l'armée
en 1956 et se consacre à la recherche à Reading University à l'âge de 24 ans.
Garçon plutôt séduisant,
il rencontre Clare, sa future femme, au cours d'une fête à Reading en 1957.
D'origine irlandaise, Clare habite en Angleterre depuis trois ans. Il lui
aurait dit qu'elle s'apprêtait à épouser « un type impossible ». Il a ajouté
qu'il ne la quitterait jamais et, dès le lendemain, il a commencé à l'emmener danser.
Au cours du printemps et de l'été 1957, ils entament une relation amoureuse
passionnée et se marient le 5 octobre. Leur fils aîné, James, naît un an plus
tard. C'est à cette époque que Crowhurst se met sérieusement à s'intéresser à la
voile.
Il se fait embaucher
dans une entreprise d'électronique, du nom de Mullards, qu'il quitte au bout
d'un an. Puis, à l'âge de 26 ans, il devient ingénieur calcul pour une autre
société d'électronique, à Bridgewater, dans le Somerset. Il rêve d'inventer ses
propres appareils électroniques et passe de nombreuses heures de son temps
libre à bricoler des câbles et des transistors pour créer des gadgets. Il se
ressource en naviguant à bord de son petit bateau bleu de 6 mètres, le Pot of
Gold.
Crowhurst met au point
le Navicator, un système de radionavigation embarqué pour voiliers et monte sa
propre entreprise, Electron Utilisation, pour construire et commercialiser l'appareil.
Sa famille s'agrandit avec la naissance de Simon en 1960, Roger en 1961 et Rachel
en 1962. Les Crowhurst vivent heureux dans la campagne du Somerset.
Lorsque Electron
Utilisation connaît des difficultés financières, Crowhurst rencontre un homme
d'affaires de Taunton, Stanley Best, qui accepte d'investir dans son
entreprise. Il finit même par financer le projet de Crowhurst de parcourir le
monde à bord de son trimaran Teignmouth Electron.
Dans l'Angleterre des
années 60, où l'Empire britannique n'existe plus, les hommes recherchent
l'aventure et la notoriété et nourrissent des rêves d'héroïsme. Comme le pays ne
peut se permettre d'envoyer des hommes sur la lune, il célèbre des héros comme Francis
Chichester, premier navigateur autour du monde en solitaire : parti
d'Angleterre, l'homme y était revenu après avoir fait une seule escale à
Sydney. À son retour en 1967, il est anobli par la reine Elizabeth II et
devient aussitôt un héros national.
Profitant de cet
engouement pour les tours du monde en solitaire, le Sunday Times organise la
Golden Globe, course à la voile autour du monde en solitaire et sans escales.
On n'exige pas de qualifications particulières des participants, mais ils
doivent s'élancer entre le 1er juin et le 31 octobre 1968 afin de sillonner
l'océan austral en été. Le trophée sera décerné au premier concurrent à boucler
un tour du monde en passant par les trois Caps – Bonne Espérance, Leeuwin, Horn
– sans aide extérieure. Par ailleurs, un prix de 5000£ récompensera le
navigateur le plus rapide.
Neuf concurrents
s'engagent dans la course, mais quatre d'entre eux renoncent avant d'avoir quitté
l'océan Atlantique. Chay Blith, qui n'a aucune expérience de la navigation,
abandonne après avoir franchi le Cap de Bonne Espérance. Alors qu'il mène la
course en tête, Nigel Tetley coule à 1100 miles de l'arrivée. Le Français Bernard
Moitessier rejette la nature commerciale de la compétition qu'il abandonne,
tout en poursuivant sa navigation : il accomplit ainsi un tour du monde et demi
!
Le Teignmouth Electron
de Donald Crowhurst est retrouvé au milieu de l'Atlantique, à 1800 miles des
côtes anglaises, le 10 juillet 1969 à 7h50 par le Picardy, navire postal
britannique, qui se rendait de Londres aux Antilles. Après inspection, il
ressort que le trimaran est abandonné. Par la suite, les recherches menées par la
US Air Force pour retrouver le corps de Crowhurst ne donnent aucun résultat. Le
navigateur anglais Robin Knox-Johnston est l'unique concurrent à finir la
course. Il remporte les deux prix et fait don des 5000£ à Clare Crowhurst et à
ses enfants.
James Marsh a mené
d'importantes recherches et a tâché de cerner les motivations profondes de
Donald Crowhurst : « En réfléchissant au parcours de Crowhurst, je me suis dit
qu'il avait vécu une série d'échecs et qu'il a cherché à les surmonter en se
lançant un défi encore plus fou à chaque nouvelle aventure, dit-il Il dégageait
un charme et une énergie incroyables – et c'est ce qui le poussait à faire des
choix aussi insensés que de participer à la course du Golden Globe. Il avait
une grande confiance en lui et ça rejaillissait sur son entourage. Il a réussi
à financer et construire ce bateau, si bien qu'il fallait veiller à ne pas négliger
ce qu'il a accompli. Car s'il a connu des revers, il a aussi accompli des exploits
spectaculaires. »
« C'était un navigateur
amateur, mais il n'était pas aussi novice que certains le pensaient, reprend le
réalisateur. Il n'avait pas sillonné les mers, ce qui ne l'a pas empêché de
construire ce trimaran incroyablement rapide. Malheureusement, le bateau
n'était pas totalement achevé et n'avait pas fait l'objet d'essais préalables.
Il a pris un bon départ dans cette course autour du monde : il est resté en mer
pendant près de sept mois, si bien qu'au bout du compte, il est allé au-delà de
ce qu'on le croyait capable – en réalité, il n'a tout simplement pas atteint
son objectif. Il avait visé trop haut et il a fait preuve d'un orgueil
démesuré, et c'est ce qui a provoqué sa mort tragique. »
La documentation sur Crowhurst était « surabondante »,
signale Marsh. « Il existe pas mal de livres sur son parcours et il a lui-même
produit bon nombre d'écrits – ses carnets de bord, ses journaux intimes et les
lettres qu'il écrivait à sa femme. » Au cours de ses recherches, le réalisateur
a lu plusieurs ouvrages de psychologie et s'est documenté sur l'état de total
isolement : « C'est intéressant de voir en quoi des détenus, se retrouvant à
l'isolement pendant six mois, sont impactés psychologiquement, poursuit-il. J'ai
tourné un documentaire sur un chimpanzé qui est devenu fou au bout de trois
jours. Nous sommes foncièrement des animaux sociaux. » Les carnets de bord de
Crowhurst se sont révélés des documents d'une richesse inouïe car, précise-t-il,
« on y perçoit la réalité de son quotidien, même s'il tente de le travestir. »
« Je sillonnais le pays
pour repérer des lieux de tournage en écoutant les enregistrements de Crowhurst,
se rappelle le réalisateur. Il chante, essentiellement des chansons de marin,
il évoque le sort de la planète et il parle de politique, et de sa propre vie.
C'est extraordinaire car une partie de ce qu'il raconte relève du personnage qu'il
s'est inventé et le reste est vrai. C'est ce que j'adore sur ce genre de film :
on a l'occasion de mener des recherches, et plus on en apprend, plus on a envie
d'en savoir. »
Le personnage que Donald
Crowhurst s'était construit et les propos qu'il tenait à sa famille et à ses
interlocuteurs restés sur la terre ferme étaient, selon Marsh, « de plus en
plus éloignés de ce qu'il vivait au quotidien. Dans le film, il devient un
homme primitif : loin de toute civilisation, il est réduit à ses fonctions
primaires et ça se voit dans son physique. Il perd du poids, ne porte presque
plus de vêtements et commence à ressembler à un vagabond sur son propre bateau.
Sa trajectoire mentale est beaucoup plus intéressante que son évolution
physique et c'est ce qu'on a cherché à montrer dans l'interprétation du
personnage. »
« En consultant les
journaux de bord et en écoutant les enregistrements, on se rend compte qu'il
était parti dans une sorte de réalité cosmique, ajoute le cinéaste. Au bout
d'un moment, aucun des participants à la course ne se comportait plus de
manière rationnelle. Moitessier a aussi perdu un peu la tête : il est même
parti pour refaire un tour du monde ! Robin Know-Johnston était sans doute
l'exception mais son bateau était dans un drôle d'état quand il a abordé les côtes
anglaises. Au final, personne n'a été épargné par ce périple. »
« La mer est comme un
désert. Elle est changeante, elle a ses humeurs, et elle est pleine de dangers,
dit-il encore. Mais tout ce qu'on voit quand on est au large, c'est l'horizon
et le ciel. La mer change de couleur, le temps peut devenir orageux et elle a,
pour ainsi dire, une personnalité qui peut détruire ceux qui s'y aventurent. Si
Crowhurst commence à perdre la raison, c'est en grande partie lié à son
isolement. Quand on n'a pas l'occasion de parler à qui que ce soit, le métabolisme
cérébral change. »
Quand une personne
réelle est incarnée au cinéma, la responsabilité envers la mémoire de celui-ci
et de ses proches est immense. James Marsh considère qu'il n'existe pas de
version « définitive » d'une histoire vraie. « C'est justement ce qu'il y a de
formidable dans les histoires vraies, explique-t-il. C'est qu'on peut les
réinterpréter indéfiniment. » Pour lui, LE JOUR DE MON RETOUR offre une «
version de l'histoire qui comporte une part de vérité. Il n'y a pas de version
définitive, hormis les faits euxmêmes. On les transpose forcément sous forme de
fiction ou de documentaire. On ressent le devoir de respecter le personnage et
de le montrer sous un jour sympathique. Avec Colin, on s'était attaché à
Crowhurst et avait le sentiment qu'on en connaissait assez sur lui pour cerner la
vérité du personnage. Colin l'incarne avec empathie et évoque très bien sa
trajectoire émotionnelle. »
« Beaucoup d'artistes
ont été obnubilés par Donald Crowhurst, indique Rachel Weisz, qui campe son
épouse Clare. Je trouve que le film brosse un portrait attachant du personnage et
de ses ambitions. Il y a un peu de Donald Crowhurst en chacun de nous car nous
rêvons tous de connaître la gloire. Dans notre culture actuelle, nous sommes
tous poussés à nous dépasser. Si Crowhurst avait réussi son pari, ç'aurait été
une tout autre histoire. À l'époque, on se disait sans doute qu'il avait menti
et triché, mais je ne pense pas que ce soit l'essentiel de cette histoire. Ce
film parle d'un rêveur qui se retrouve piégé par un pieux mensonge.
Tout le monde a tendance à travestir la réalité pour se
mettre en valeur, mais dans le cas du film, ce fonctionnement est poussé à
l'extrême et c'est une formidable matière pour une fiction. Je trouve que
Donald Crowhurst est foncièrement humain et attachant. Ce n'est pas un être
étrange et impossible à comprendre. Au contraire, on peut tout à fait
comprendre ses motivations. Le film s'emploie, à mon avis, à en faire un héros
romantique. J'espère que sa famille ressentira la même chose car c'est ce que
le film, à mes yeux, cherche à faire. »
DU SCÉNARIO À L’ÉCRAN
De la vision originale
de Scott Z. Burns à la réalisation de James
Marsh
—
James Marsh, réalisateur
largement salué par la critique, vient du monde du documentaire : il a
notamment réalisé LE FUNAMBULE, Oscar du Meilleur Film documentaire en 2008.
Son long métrage UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS, plusieurs fois primé,
retraçait la jeunesse du célèbre physicien Stephen Hawking : ce n’est donc pas
la première fois que Marsh dresse le portrait à l’écran de personnages réels,
et c’est une démarche que lui-même reconnaît apprécier, puisque « cela me donne
l’opportunité de mener des recherches poussées, ce qui approfondit ma
compréhension de l’histoire. »
« Le parcours de Donald
Crowhurst est une histoire vraie, mais qui fait aussi appel à toute une
mythologie de la mer, qui s’est cristallisée dans l’imaginaire collectif autour
de l’histoire de ce navigateur britannique amateur qui va trop loin, commente
Marsh. L’histoire construit une dynamique qui joue sur l’antagonisme entre la
puissance de cet élément et l’orgueil d’un homme. J’ai vu le documentaire DEEP
WATER il y a environ dix ans, et ça renforce totalement cette impression. C’est
une histoire fascinante, captivante. C’est une tragédie grecque dans toute sa
splendeur : un homme a de l’ambition, mais cette ambition, au lieu de le
couronner de gloire, finit par le dévorer, et s’ensuit une fin tragique. »
Marsh a reçu le scénario
de la main de son auteur, le très renommé scénariste américain Scott Z. Burns.
« C’est un excellent auteur, et comme il est américain, son point de vue était vraiment
intéressant. Il s’est emparé de cette histoire typiquement anglaise et a adopté
un point de vue détaché, si bien qu’il a pu évacuer toute l’émotion suscitée à
l’époque, et transformer l’histoire en un récit vraiment puissant, et surtout
captivant. Son scénario donne à voir la déliquescence d’un esprit humain, ce
qui fait également partie de l’histoire. En tout cas, c’est le scénario qui m’a
convaincu, et après sa lecture, j’avais très envie de faire le film », se
souvient Marsh.
« Pour moi, une histoire
vraie, c’est toujours un plus, poursuit le réalisateur, ça donne des fondements
solides : il faut comprendre l’histoire de ces gens qui ont fait des choix. Ce
sont de vrais choix, et on doit en tenir compte, et il y a une force de conviction
qui ne se transmet pas de la même façon lorsque ce sont des histoires fictives.
Dans une histoire vraie, on cherche toujours des rebondissements, qui
permettent de mieux comprendre la psychologie humaine, et on est constamment
surpris par les choix que font ces gens. À notre époque, une histoire vraie, c’est
une histoire à laquelle les gens seront sensibles. En tant que réalisateur
formé au documentaire mais récemment converti à la réalisation de fictions, c’est
un moment très intéressant car les barrières sont en train de tomber. »
« Je n’avais jamais
vraiment compris l’expression “la vérité est parfois plus étrange que la fiction”
jusqu’à ce que je voie le documentaire DEEP WATER, reconnaît le producteur Pete
Czernin. On a eu beaucoup de chance de tomber sur un scénariste aussi brillant
et intelligent que Scott, qui savait tout ce qu’il y avait à savoir sur cette
histoire, qu’il avait suivie au fil des années. Quand on raconte une histoire, on
doit faire des choix, et surtout, trouver le bon équilibre, notamment parce que
ce que Crowhurst a fait était à la fois incroyablement courageux et
intéressant, et une terrible erreur. On a énormément travaillé sur le scénario
pour trouver le ton juste. James Marsh a une intelligence presque chirurgicale,
et avec son passé de documentariste, c’était le réalisateur idéal pour ce film.
En plus, il adore raconter des histoires vraies. UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU
TEMPS était un film tellement sincère, passionnant et original, qu’on était
vraiment ravis quand James a commencé à s’intéresser au JOUR DE MON RETOUR.
Comme je l’espérais, il s’est vraiment immergé dans les sources et les archives
qu’on avait réunies et il s’est pris de passion pour l’histoire. C’est une vraie
chance que James se soit embarqué dans l’aventure. »
« Beaucoup de choses ont
été écrites sur Donald Crowhurst, et je voulais qu’on raconte cette histoire de
la façon la plus authentique possible, explique Czernin. Certains trouvent qu’il
a triché, et qu’il s’est trompé sur tel ou tel détail, mais je ne suis pas d’accord
: je pense qu’il a fait preuve d’un héroïsme incroyable. Il s’est retrouvé dans
une situation particulièrement difficile et il a tenté de s’en sortir. Je ne pense
pas qu’il ait prémédité ce qu’il allait faire. Il a fait preuve de beaucoup de
courage. Il a eu une idée, puis il s’est inscrit à la course, il a conçu le
bateau, l’a construit, a réussi à récolter de l’argent… c’est quand même un
type plutôt impressionnant ! L’idée qu’un homme essaie d’accomplir un exploit
qui n’est peut-être pas à sa portée, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup
et qui permet de raconter une formidable histoire humaine. »
Colin Firth avait déjà
fait part de son intérêt pour le rôle de Crowhurst, avant même que James Marsh
ne décide de réaliser le film. « Je pensais que c’était trop beau pour être
vrai, j’étais aux anges, se rappelle Marsh. Colin est un acteur qui sait
susciter l’empathie des spectateurs, et je pense qu’il était l’acteur idéal
pour nous accompagner au cours de ce voyage souvent très sombre. L’histoire
commence sur un ton optimiste, et s’achève dans la folie la plus totale. C’est
un vrai défi pour un acteur de comprendre et d’envisager un tel voyage, et de
le faire avec une telle conviction et une telle persuasion. Du coup, quand j’ai
vu que Colin allait lui aussi participer au projet, j’étais vraiment ravi. Non
seulement il a un immense talent et une longue expérience, mais il possède
également une capacité à s’engager entièrement et à se dévouer corps et âme à l’histoire.
Il a dû se préparer techniquement et psychologiquement, et ce qu’il a dû
effectuer était vraiment très difficile. En quelque sorte, c’est une version
psychologique de ce qu’Eddie Redmayne a fait dans mon dernier film, UNE MERVEILLEUSE
HISTOIRE DU TEMPS. Colin a réussi à susciter de l’empathie vis-à-vis d’un homme
qui perd la tête.
Les raisons de la folie
de Crowhurst sont tout à fait compréhensibles : l’isolement, le manque de
communication avec sa famille, la pression, la dissimulation, et la
culpabilité. Colin et moi nous sommes chacun beaucoup reconnus en Crowhurst,
dans ses bons comme ses mauvais côtés. Il y avait un intérêt et une solidarité mutuelle
avec le personnage. C’était une collaboration vraiment très gratifiante et
harmonieuse. »
James Marsh et Colin
Firth étaient entièrement d’accord sur la façon dont ils voulaient raconter l’histoire
et partageaient la passion et l’envie de porter l’histoire de Crowhurst sur
grand écran. « On raconte l’histoire d’un homme qui, d’une certaine manière,
cherche une forme de reconnaissance qu’il n’arrive pas à obtenir, si bien qu’il
va jusqu’à accomplir quelque chose de très courageux, et de très stupide,
commente Marsh. Cette quête finira par le détruire. »
Scott Z. Burns, le
scénariste, s’est d’abord intéressé à l’histoire de Crowhurst après avoir
découvert DEEP WATER : « Je l’ai vu dans un tout petit cinéma de Los Angeles, et
cette histoire a immédiatement résonné en moi, pour plein de raisons
différentes, mais je savais qu’il fallait absolument que je la raconte. Il y
avait beaucoup de livres sur le sujet, et en raison de la nature du périple de
Don, et grâce à la couverture de la course par la BBC, on a pu avoir accès à
des archives télévisuelles, ses carnets de bord, et ses enregistrements. »
Burns
était tout à fait conscient des histoires contradictoires et des conclusions
très différentes auxquelles aboutissaient ceux qui s’intéressaient à Donald
Crowhurst, à ses motivations et sa descente aux enfers. Il explique ses propres
motivations : « Je voulais évoquer le fait que nous nous retrouvons tous un
jour entrainés dans une situation dans laquelle nous nous compromettons sans le
faire exprès, alors même qu’on peut être animé des meilleures intentions, et je
voulais essayer de susciter de la compassion pour ce genre d’histoires et pour Don
lui-même, puisqu’à la fin, je finis par ressentir de la compassion pour lui,
malgré ce qu’il fait. »
Il n’a jamais été
question d’une fin hollywoodienne pour LE JOUR DE MON RETOUR, comme l’explique
Burns : « Je voulais montrer un homme qui fait des choix et qui finit par en
payer le prix. J’espère que les gens pourront s’identifier à la situation dans
laquelle Don se retrouve et qu’ensuite, cela nous poussera à avoir plus de
compassion les uns envers les autres. J’espère que la façon dont Clare Crowhurst
est incarnée à l’écran permettra de montrer qu’il faut avoir plus de générosité
et moins d’exigences les uns envers les autres et envers les gens qu’on aime.
Ce que j’ai appris du personnage de Clare, c’est que quand on aime quelqu’un,
on n’aime pas que ses bons côtés : on doit accepter d’aimer aussi ses mauvais
côtés. Je crois que c’est ce qu’elle a essayé d’inculquer à ses enfants. »
Pendant le travail d’écriture,
Burns a considérablement réfléchi à la façon dont Crowhurst aurait pu résoudre
son dilemme, mais il explique : « Ce qu’il est important de rappeler, c’est que
Don n’avait pas le luxe de pouvoir parler de son problème à quelqu’un. On peut
devenir prisonnier de ses propres réflexions et avoir l’impression que c’est la
seule solution. Tout ce qui lui arrive est un peu le fruit du hasard. Le simple
fait qu’un garde-côte argentin ne passe pas le coup de fil qui aurait pu
révéler sa supercherie est extraordinaire. Quand on passe des années à écrire
le scénario, on se demande pourquoi il n’a pas fait chavirer son bateau et appeler
à l’aide via sa radio. Et en même temps, ce qu’explique le livre de Moitessier,
c’est que les navigateurs aiment leurs bateaux et qu’après neuf mois en mer, ce
n’est pas une relation qu’ils sont prêts à abandonner. »
DÉCORS ET ATMOSPHÈRE
—
James Marsh s’est référé
à la nouvelle de Joseph Conrad, « Au cœur des ténèbres » et au film APOCALYPSE
NOW pour LE JOUR DE MON RETOUR : « AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU de Werner Herzog
me semblait un film intéressant, puisque ce sont des gens qui deviennent fous
sur un bateau, de même que LE COUTEAU DANS L’EAU de Roman Polanski, qui est
aussi très intéressant car il traite de la psychologie de l’espace dans un
bateau. On essaie de grappiller des indices sur la façon dont d’autres grands
réalisateurs ont pu filmer ce genre d’espace confiné. Par exemple, Coppola et
Polanski n’ont pas du tout la même manière de l’appréhender. “Au cœur des
ténèbres” est un texte essentiel pour ce film, ou pour n’importe quel film qui
traite du départ en mer et de la façon dont les gens perdent le vernis de la
civilisation lorsqu’ils sont complètement isolés. »
La palette de couleurs a
été très rapidement définie, comme le rappelle le chef décorateur Jon Henson :
« On a utilisé beaucoup de bleus très naturels, et les couleurs de la mer. Ça
peut paraître assez évident comme choix, mais comme c’était notre couleur de
fond, on a pu également ajouter des notes de couleur très vives. Eric, notre
chef opérateur, a trouvé des photographies en couleur de Frank Capa ; ce sont
des photographies assez inhabituelles, mais elles étaient de très bonne
qualité, et ça a vraiment donné le ton pour les nuances colorées du film. On s’en
est beaucoup inspirés, et on a adopté les couleurs de cette palette pour la maison
et le bateau. »
Déterminé à ne pas
tomber dans une représentation stéréotypée des années 1960, Henson voulait
créer un univers réaliste, simple, et surtout vraisemblable pour les
spectateurs : « Bizarrement, ça a été sans aucun doute le plus gros défi à
relever, avoue Henson. Pour la maison des Crowhurst par exemple, on a commencé
à regarder les papiers peints, les couleurs et les références des années 1960,
et il n’y a pas que des motifs psychédéliques criards. Les Crowhurst étaient
des gens modestes qui menaient une vie simple et c’est ce vers quoi nous avons
tendu. Mes souvenirs d’enfance de l’époque nous ont également pas mal aidés :
ce sont de petits détails que j’ai essayé d’intégrer au film. »
Un élément a été crucial
pour l’élaboration des décors : James Marsh et Eric Gautier tenaient à créer
des décors à 360 degrés, même sur le bateau, « pour qu’il y ait un aspect
proche du film documentaire. On a donc monté tout le décor de la maison et le
jardin, afin de pouvoir y circuler sans aucune gêne pendant deux semaines.
Pouvoir filmer les pièces de la maison et s’y déplacer a conféré au film une
énergie toute particulière. »
LA CONSTRUCTION DU
TRIMARAN TEIGNMOUTH ELECTRON
—
Jim Dines, architecte
naval britannique très réputé, est l’un des seuls constructeurs du Royaume-Uni
à s’être spécialisé dans la conception et la construction de bateaux pour l’industrie
du cinéma. Lui et son équipe ont créé la réplique du Teignmouth Electron. Après
avoir accédé aux dessins originaux conservés dans un musée américain, et
rassemblé autant de photos qu’il était possible, Dines a proposé un dessin et
un plan du bateau : « Nous sommes spécialisés dans la construction de bateaux
qui peuvent être démontés, puis transportés et remontés, et que l’on peut
toujours utiliser en mer – plutôt que de les placer dans un décor de studio. »
Dines a dû relever un immense défi et construire le bateau
en seulement douze semaines, avec un budget relativement réduit, et le rendre
transportable. La réplique du Teignmouth Electron a été conçue pour naviguer,
bien qu’il « soit relativement limité, explique Dines, parce qu’on pouvait
déboulonner chaque coque, et le diviser en trois morceaux. On peut enlever les deux
coques extérieures et les transporter par camion. Il fallait que le bateau
fasse moins de 2 mètres de long sur 15 centimètres d’épaisseur pour qu’on
puisse l’acheminer par camion jusqu’à Malte. »
Le bateau a été
construit dans la cour de l’atelier de construction de Dines à Maldon, dans l’Essex.
« Ensuite, nous l’avons démantelé, puis on l’a sorti de l’entrepôt et on l’a
entièrement remonté pour que l’équipe de tournage puisse le voir entièrement
terminé, avec le mât et les voiles. Ensuite, on a à nouveau démonté le navire,
et on l’a chargé sur un camion qui l’a amené jusqu’à Portland, dans le Dorset.
Là, nous l’avons reconstruit une nouvelle fois, on l’a mis à l’eau et on l’a
hâlé sur environ 145 kilomètres dans la baie de Lyme pour pouvoir le filmer à
Teignmouth. Puis, on l’a hâlé au retour vers Portland, où on a tourné, puis on
l’a démonté et entreposé sur deux semi-remorques qui l’ont acheminé à Gênes, en
Italie, puis le bateau a fait un voyage en ferry de trois jours de Gênes à
Malte. On l’a réassemblé dans un port au nord de l’île, où on a tourné pendant quelques
semaines, puis on l’a encore démonté et entreposé à Malte pendant un mois avant
de revenir sur l’île en septembre 2015 pour réassembler le bateau pour la
quatrième fois, afin d’achever le tournage dans le bassin à Malte. »
Le bateau du film est
aussi fidèle que possible au vrai Teignmouth Electron de Crowhurst. L’entreprise
Cox Marine, située à Brightlingsea, dans l’Essex, avait construit les trois
coques du trimaran de Crowhurst, puis l’entreprise L.J. Eastwood Ltd, située à
Brundall, dans le Norfolk, avait assemblé les coques et complété l’équipement
du bateau. La construction avait été précipitée, puisque Crowhurst devait prendre
le départ de la course le 31 octobre au plus tard : c’est pour cette raison que
la construction du trimaran avait été partagée par les deux entreprises,
puisque Cox, dans l’impossibilité de terminer à temps, avait fait appel à
Eastwoods, l’un de leurs sous-traitants. Le nom « Teignmouth Electron » a été
donné en référence à Rodney Hallworth, en charge des relations publiques pour
la ville de Teignmouth et attaché de presse de Crowhurst. La mention « Electron
» vient du nom de la société de Crowhurst, Electron Utilization.
Jim Dines a construit la
coque de la réplique du trimaran en suivant les dimensions et précisions du
bateau d’origine mais a utilisé du contreplaqué pour le cadre, « parce que c’est
une matière que nous pouvons couper à la machine pour accélérer le processus.
On a finalement pu avoir accès aux dessins d’origine, si bien qu’on a pu confirmer
que les dimensions étaient correctes, même si on a conçu un cockpit un peu plus
large pour les besoins du tournage, explique Dines. Les sièges sont un peu plus
petits qu’ils ne le devraient, mais l’espace en lui-même est un peu plus grand
que d’habitude. Du coup, on peut y rentrer et en sortir, et j’ai même pu m’allonger
aux pieds de Colin pendant qu’il était à la barre, et je pouvais piloter du
doigt, regarder le mât et voir où était la girouette du bateau. Quand on
naviguait en mer, au lieu d’être dans le bassin, on pouvait manoeuvrer le bateau
et se cacher au fond du cockpit sans être dans le champ. Le cockpit tel qu’il
était à l’origine aurait été beaucoup trop petit pour qu’on puisse faire ça, si
bien qu’on a apporté quelques légères modifications pour faciliter le tournage à
bord. »
Pour la construction de
son propre trimaran, Crowhurst s’est inspiré de ceux du pionnier américain de
la navigation en trimaran, Arthur Piver : « À cette époque, il concevait plein
de coques de trimaran toutes plus différentes les unes que les autres, raconte
Jim Dines, et il y avait un autre type au même moment, Warren, qui faisait des
coques de catamaran très similaires et très faciles à construire – le genre de coques
qu’on peut fabriquer soi-même dans son jardin. Si Crowhurst avait pu aller au
bout de quelques-unes des technologies sur lesquelles il travaillait, il aurait
pu faire un bateau plutôt innovant. Par exemple, comme son dispositif d’auto-redressement
qu’il n’a jamais eu la chance de faire marcher véritablement. Il essayait d’installer
beaucoup d’éléments technologiques dans son bateau, et je suis sûr que s’il
avait eu plus de temps pour le préparer et plus d’argent, il aurait pu être
dans un bien meilleur état, mental et technique, avant son départ. »
« Si ç’avait été moi, je
n’aurais pas choisi un trimaran, j’aurais choisi quelque chose de plus costaud,
avec une coque en acier, et probablement un monocoque. Mais c’est vrai que les
trimarans sont rapides et c’est ce que Crowhurst visait, remarque Dines. On
faisait avancer ce bateau à dix ou douze noeuds et un bateau avec un si petit
gréement donne carrément l’impression de voler, alors qu’avec un monocoque, on file
à sept, huit noeuds. On se disait à l’époque que si on pouvait faire faire à
cet engin le tour du monde sans qu’il se retourne ou qu’il tombe en morceaux,
ce serait vraiment rapide. Nigel Tetley avait une coque exactement de la même forme
que celle de Crowhurst, mais au gréement légèrement plus imposant. Tetley l’aurait
accompli dans un bien meilleur temps que Knox-Jonhston mais au cours des
dernières semaines de la course, il a tiré tout ce qu’il a pu de son bateau au
point qu’il s’est cassé : il n’était pas fait pour un tel périple. Crowhurst, lui,
avait, renforcé toutes ses coques, fait enlever la grande cabine du haut et
modifié la structure du bateau au niveau des poutres : il a même augmenté la
taille de celles-ci, et apporté d’autres modifications de ce genre, tandis que Tetley
avait juste un bateau non-modifié et conforme aux plans de l’architecte. »
« Je pense que le Teignmouth Electron possédait de
nombreuses qualités et que si Crowhurst avait été mieux préparé, il aurait pu
réussir. Il n’avait pas à bord ce dont il avait besoin, et certaines pièces qu’il
pensait y trouver avaient été enlevées du bateau. C’était une embarcation très
bien conçue à l’exception des problèmes liés à la fibre de verre : celle-ci
avait été enduite de la mauvaise peinture – car ils n’arrivaient pas à trouver
la bonne – et c’est un souci qui avait beaucoup préoccupé Crowhurst. De son
point de vue, depuis le début, il n’a jamais été préparé comme il aurait dû l’être.
»
« J’espère que le film brosse le portrait d’un homme qui a tenté d’accomplir
un exploit hors du commun et de faire ce qui lui semblait juste. Je ne pense
pas qu’il ait été imprudent, je pense juste que les choses ont mal tourné. À
cette époque, les gens se lançaient dans de telles aventures : c’était une
sorte d’épopée solitaire, typiquement masculine. Chichester l’avait fait l’année
précédente en n’effectuant qu’une seule escale, et donc l’idée de le faire sans
aucune escale était une sacrée aventure », conclut Dines.
LE TOURNAGE
—
Teignmouth est une
station balnéaire du début du XIXe siècle située dans le Devon, au sud-est de l’Angleterre.
Le port a été l’un des principaux lieux de tournage du film, puisque c’est de là
que Donald Crowhurst a pris la mer à 16h52, le 31 octobre 1968.
La plupart des personnes
âgées de Teignmouth se rappellent très bien le jour où Crowhurst a entamé son
périple fatal, car c’était un événement majeur pour une si petite ville.
Beaucoup se souviennent de Crowhurst lorsqu’il préparait son bateau au cours
des semaines précédant son départ. La moitié de la ville est venue prêter main-forte
à l’équipe du tournage et faire office de figurants pour la séquence du départ.
« Nous avons vraiment
été très bien accueillis à Teignmouth, les gens semblaient heureux de nous
savoir là, confie James Marsh. On a bloqué pas mal de routes et occupé la plage
pendant deux jours mais ça n’a jamais été un problème. On se sentait soutenus
parce qu’il y a une mémoire collective de ces événements dans cette ville. Ça a
été fabuleux de pouvoir filmer sur les traces de Crowhurst. Et les images d’archives
montrent que l’endroit n’a guère changé depuis, ce qui a été d’une aide
précieuse. »
« Je n’ai pas rencontré
qui que ce soit qui condamne Crowhurst ou qui le juge sévèrement, remarque
Marsh, car il a payé le prix fort, ainsi que sa famille. Son échec est
tellement douloureux et tragique que ce serait vraiment cruel de le juger et de
le condamner en plus. »
Pour la régisseuse d’extérieurs
Camilla Stephenson, c’est la logistique concernant le tournage des scènes en
mer qui a posé les plus grandes difficultés : « On travaillait sous la
supervision du coordinateur des séquences nautiques Daren Bailey, mais il fallait
aussi prendre en considération le fait qu’il s’agit d’un film se déroulant à la
fin des années 1960. On devait tourner en extérieurs aussi souvent que possible,
sans oublier qu’on était en mer. »
Dans ses premières
discussions avec James Marsh, elle a envisagé les lieux de tournage des scènes
qui se passent à Teignmouth. « J’ai visité la ville ainsi que le Devon et dès
le départ, il m’a semblé évident que Teignmouth était un endroit idéal pour
tourner, car on pouvait en montrer une bonne partie à l’écran. Souvent, avec
les films d’époque, on est un peu limité par le nombre restreint d’endroits
dans lesquels on peut filmer, car plusieurs éléments modernes n’ont plus rien à
voir avec l’époque concernée. »
Le film restitue l’atmosphère
de cette petite ville et il était important d’évoquer les sentiments des
habitants qui ont cru en Donald Crowhurst. « Géographiquement, c’est assez petit
et on se rend bien compte de la pression qu’il aurait eu à subir s’il avait
abandonné. Il n’aurait pas pu revenir et les affronter. Il aurait été trop
humilié. Je ne pense pas que Donald Crowhurst cherchait la gloire : il
cherchait avant tout le respect de sa communauté et de sa propre famille »,
commente Camilla Stephenson.
« Il y a quelque chose d’universel
dans cette idée qu’une petite ville ou communauté puisse placer ses espoirs en
quelqu’un. Cette personne devient une sorte de mascotte des habitants et le
gardien de leurs rêves, remarque Scott Z. Burns. Quand on écrit, on essaie d’être
précis et authentique et il a fallu pas mal de recherches pour comprendre la
relation de Rodney Hallworth avec la ville de Teignmouth. Il avait auparavant
essayé de vendre l’idée que c’était l’endroit le plus ensoleillé d’Angleterre.
Ces gens cherchaient à se forger une identité, tout comme Don. »
Camilla Stephenson et
son équipe ont commencé à planifier le tournage à Teignmouth dès janvier 2015.
Mais comme celui-ci n’a démarré qu’en mai de la même année, l’ensemble des collaborateurs
ont pu s’imprégner des lieux et rencontrer de nombreux habitants ayant conservé
des souvenirs personnels de l’aventure de Crowhurst et de son départ en 1968. «
Dès le début, nous sommes allés au yacht club et il se trouve qu’il y avait là
un groupe d’hommes plus âgés qui prenaient un café et ils avaient tous une opinion
sur Crowhurst, parce qu’ils l’avaient rencontré ou qu’ils avaient entendu
parler de lui. L’histoire divise vraiment les gens et certains ont de la
bienveillance envers lui tandis que d’autres le considèrent comme un imposteur.
Le Teignmouth d’aujourd’hui
est vraiment fier de lui et les habitants sont très heureux que le film soit
tourné chez eux. Dans la séquence du départ de Crowhurst avec le maire de la
ville qui officie sur la plage, l’homme qui l’incarne est le fils du véritable
maire de 1968. »
Autre site important à
prendre en considération lors des repérages : la maison familiale des
Crowhurst. James Marsh et le chef-décorateur Jon Henson savaient que le lieu
choisi devait ressembler à un vrai foyer : il fallait que le spectateur
ressente à quel point la famille qui y vivait était soudée et aimait se
retrouver ensemble. « On tenait à montrer qu’ils ne dépensaient pas leur argent
pour des choses à la mode, qu’il s’agissait plutôt d’une famille de la classe
moyenne et qu’ils s’aimaient tous énormément. On voulait que la maison en dise
long sur Donald Crowhurst en tant que personne, mari et père, mais aussi sur sa
femme Clare et ses enfants. Ce qui rend l’ensemble encore plus poignant »,
commente Camilla Stephenson.
D’un point de vue pratique, Camilla Stephenson devait
trouver un endroit suffisamment vaste pour que l’équipe puisse y tourner
pendant deux semaines. « Au départ, on s’est dit que l’intérieur de la maison
devait être construit en studio, mais lors de notre première visite dans le Devon
avec James et Éric, notre directeur de la photographie, il est devenu évident
qu’ils voulaient vraiment pouvoir regarder par la fenêtre et filmer l’extérieur
», raconte-t-elle. La maison qu’elle a fini par repérer est assez proche de Leatherhead
dans le Surrey, et c’est là que les scènes d’intimité entre Donald et sa femme
ont été tournées, ainsi que les séquences illustrant leur vie de famille :
Donald en train de réfléchir, d’inventer et d’expérimenter dans son atelier, sans
oublier la séquence des enfants dans la neige. Pour celle-ci, l’équipe a dû
recourir aux effets visuels car elle a été tournée lors de l’une des journées
les plus chaudes de l’été 2015 !
La logistique du tournage, qui a nécessité de filmer
en mer au Royaume-Uni et à Malte, a été un défi de tous les instants. Pendant
le tournage en Angleterre, hormis la séquence de Teignmouth, la production s’est
établie à Portland dans le Dorset, où les équipes ont affronté le mauvais
temps, les marées et les longues heures passées en mer.
Le producteur Pete
Czernin reconnaît que tous ses confrères lui ont déconseillé de tourner en mer.
Malte a posé d’autres problèmes en raison de la chaleur et de la longueur des
journées de tournage en mer et « d’innombrables autres difficultés liées à la
ligne d’horizon, à la présence du rivage dans le champ ou à celle d’autres
bateaux passant dans les parages. Il a donc fallu faire en sorte d’être au
large, loin de la côte. Surtout, on tournait en pellicule et la bobine se
terminait toujours quand on était en mer et il fallait donc prendre cela en
compte. Mais je pense que Portland et Weymouth ont été les endroits les plus
délicats à cause du vent et des vagues. Sans oublier que nos techniciens doivent
se nourrir et pouvoir aller aux toilettes. C’était assez fou et difficile. Je
ne pense pas faire un autre film qui se passe en mer sans y réfléchir à deux
fois », confirme Czernin.
À Malte, il y avait huit personnes au maximum sur le
catamaran de l’équipe, alors qu’en règle générale, il y avait une trentaine de
techniciens sur le plateau. Les cadreurs se trouvaient à bord d’une autre
embarcation, tout comme les coiffeurs et maquilleurs. Par ailleurs, il y avait
un bateau principal pour James Marsh, un bateau de sauvetage, trois ou quatre bateaux
pneumatiques et une vedette. Quand on filme huit à dix heures par jour, à plus
de cinq kilomètres des côtes, tout le matériel dont les techniciens ont besoin
doit être sur place, d’où le besoin d’avoir un « ravitailleur » comme ils ont fini
par l’appeler. Ce grand bateau à moteur transportait entre autres choses
essentielles des toilettes et de l’eau potable. « On peut comprendre pourquoi
beaucoup de gens ne veulent pas filmer en mer, ajoute Jim Dines, on obtient pourtant
une bien meilleure image, les mouvements et tous les autres éléments semblent
bien plus réels. »
Quand on lui demande s’il
tournera à nouveau en mer, James Marsh répond simplement : « Je pense que je ne
le ferai plus, car c’était assez téméraire d’une certaine manière. Je comprends
pourquoi certains veulent filmer dans l’environnement contrôlé d’un bassin, où
on peut facilement maîtriser le mouvement du bateau. Mais le véritable roulis
du bateau et la présence de Colin sur cette embarcation ont été essentiels à l’authenticité
du film. »
Marsh a travaillé avec
le chef-opérateur français Éric Gautier et ce dernier a insisté pour aller
filmer au milieu de l’océan : « C’est une expérience qui se rapproche de celle
du documentaire, parce qu’il y avait une équipe restreinte et Colin. C’est ce
qui a rendu la collaboration avec lui tellement intéressante, car il n’y avait
aucun autre acteur à bord. Ça n’a pas été facile. On était coincés là et on
pouvait imaginer, dans une moindre mesure, ce qu’a éprouvé Crowhurst, mais ce n’était
vraiment rien du tout à côté de ce qu’il a dû traverser », conclut Marsh.
#LeJourDeMonRetour
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