Documentaire/Des portraits réalistes, une réflexion intéressante sous forme de constat sur l'Amérique des oubliés
Réalisé par Claus Drexel
Long-métrage Américain
Durée: 01h22mn
Année de production: 2017
Distributeur: Diaphana Distribution
Date de sortie sur nos écrans : 14 mars 2018
Réalisé par Claus Drexel
Long-métrage Américain
Durée: 01h22mn
Année de production: 2017
Distributeur: Diaphana Distribution
Date de sortie sur nos écrans : 14 mars 2018
Résumé - Novembre 2016 : les États-Unis s’apprêtent à élire leur nouveau président.
AMERICA est une plongée vertigineuse au cœur de l’Arizona, à la rencontre des habitants d’une petite ville traversée par la Route 66, les héritiers cabossés du rêve américain qui nous livrent leurs espoirs et leurs craintes.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : le documentaire de Claus Drexel, AMERICA, nous propose une plongée dans l'état de l'Arizona, mais très loin des paysages de cartes postales habituels. Les entretiens donnent la parole à des citoyens américains qui ont voté pour ou contre Donald Trump et à qui personne n'a demandé leur avis a priori, à part le réalisateur. Et pourtant, ils ont fait une différence.
Ces personnes sont oubliées, isolées, loin des grandes villes et des enjeux économiques majeurs. Pour la plupart, ces gens vivotent dans des métiers précaires, étant parfois trop âgés pour qu'il soit normal de les voir occuper ces postes. Au fil des mots, des sujets récurrents reviennent : les armes bien sûr, l'accès au soin, le contraste de vivre dans des paysages magnifiques, mais souvent dans un grand dénuement tout en faisant face à une violence sous-jacente qui s'installe dans une immensité qu'il est compliqué de surveiller pour les autorités, des histoires personnelles difficiles, la politique aussi, avec, comme partout, la grande désillusion qui en découle, l'amour du pays, les inquiétudes, avec ou sans fondement, qui construisent les comportements, l'enfermement dans des logiques dangereuses...
Ces entretiens sont une fenêtre sur la culture américaine, sur les difficultés quotidiennes de ces ignorés qui ont des peurs et des raisonnements qui varient entre abyssalement effrayants et perles philosophiques, mais qui, replacés dans leur cadre de vie et leur contexte culturel, prennent un sens. Le réalisateur pose le cadre et, à demi-mots, à travers la parole des interviewés, nous explique que les racines du sujet sont complexes et comment, par son discours et son statut, Donald Trump a su convaincre son électorat. On comprend aussi, même si cela paraît évident (sinon nous serions les premiers à bien faire pour tout), qu'un changement de mentalité sera long et difficile.
AMERICA est un constat post-élection étonnant, inquiétant, triste aussi sur un rêve américain qui tremble sur ses fondations et qui est en danger pour les années à venir. C'est un documentaire à découvrir pour commencer à comprendre quels sont les points qui ont pesé dans la balance pendant cette campagne présidentielle peu exemplaire.
Ces personnes sont oubliées, isolées, loin des grandes villes et des enjeux économiques majeurs. Pour la plupart, ces gens vivotent dans des métiers précaires, étant parfois trop âgés pour qu'il soit normal de les voir occuper ces postes. Au fil des mots, des sujets récurrents reviennent : les armes bien sûr, l'accès au soin, le contraste de vivre dans des paysages magnifiques, mais souvent dans un grand dénuement tout en faisant face à une violence sous-jacente qui s'installe dans une immensité qu'il est compliqué de surveiller pour les autorités, des histoires personnelles difficiles, la politique aussi, avec, comme partout, la grande désillusion qui en découle, l'amour du pays, les inquiétudes, avec ou sans fondement, qui construisent les comportements, l'enfermement dans des logiques dangereuses...
AMERICA est un constat post-élection étonnant, inquiétant, triste aussi sur un rêve américain qui tremble sur ses fondations et qui est en danger pour les années à venir. C'est un documentaire à découvrir pour commencer à comprendre quels sont les points qui ont pesé dans la balance pendant cette campagne présidentielle peu exemplaire.
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le documentaire pour éviter les spoilers !)
SELIGMAN, ARIZONA
- 450 habitants
- Revenu moyen mensuel : 2737 dollars
- Revenu moyen mensuel aux USA : 3670 dollars
« Seligman se trouve sur le passage de la mythique route 66 qui reliait Chicago à Los Angeles. Cette bande d’asphalte a été immortalisée par les Raisins de la colère de John Steinbeck, racontant l’exode de fermiers ruinés vers la Californie, lors de la grande dépression des années 1930. En 1978, la route a été déclassée au profit d’une autoroute, l’IS 40, qui contourne Seligman.
Du jour au lendemain, la ville a été désertée, les commerces ont périclité. »
Claus Drexel
ENTRETIEN AVEC CLAUS DREXEL
Pourquoi ce désir d’Amérique après
avoir filmé les sans-abris parisiens dans AU BORD DU MONDE ?
Les États-Unis, c’est un pays qui me
fascine depuis toujours, un pays que j’aime et qui me désespère à
la fois. En mai 2016, quand Donald Trump est devenu le candidat
officiel du parti républicain, j’ai ressenti une certitude : cette
campagne qui s’annonçait entre lui et Hillary Clinton, je voulais
la vivre sur place. J’ai appelé Sylvain Leser, mon fidèle
directeur photo, ainsi que Laurent Lavolé, mon producteur. Ils ont
spontanément été intéressés par le projet, et on a monté ce
film très rapidement.
Comment vous êtes-vous retrouvés à
Seligman, ce coin perdu de l’Arizona ?
Comme en peinture, j’aime que dans un
film le paysage raconte quelque chose de l’intimité des personnes
dont je fais le portrait.
Dans AU BORD DU MONDE, il y a ce contraste
saisissant entre la pauvreté et la splendeur de la Ville-lumière.
On peut dire que Paris exprime la beauté intérieure de ses
clochards.
Pour ce nouveau film, où nous allons à la rencontre de «
Rednecks », ces Américains profondément attachés à leur pays, il
nous fallait un symbole fort de l’Amérique. Et quel meilleur
symbole que le Far West, avec le Grand Canyon, Monument Valley, ces
paysages mythiques, immortalisés par John Ford et les affrontements
entre cowboys et Indiens ?
J’avais traversé l’Ouest américain
avec mon sac à dos il y a 25 ans. Je me souvenais de gens vivant
dans des conditions misérables à deux pas de ces décors
splendides… J’ai donc voulu aller tourner le film là-bas. Avec
Sylvain Leser, on est partis à l’aventure sur la Route 66 à la
recherche d’un endroit qui nous plairait. En passant par Seligman,
on tombe sur deux hommes en train de vider un cerf en buvant des
bières, à dix heures du matin… C’était le moment de se lancer
!
Votre film obéit aux mêmes principes
qu’AU BORD DU MONDE : une alternance stricte entre des plans de
paysages et des entretiens, pas de mouvements de caméra, une grande
exigence esthétique…
Oui, ces choix - plan fixe et grand
angle – se sont imposés comme une évidence. La personne à qui on
louait le matériel nous disait : « mais prenez quand même d’autres
objectifs, par sécurité ! ». Et nous, on s’est obstinés : on
voulait faire tout le film avec un 14 mm, quitte à être pris pour
des fous. Cette focale très courte permet d’inscrire les gens dans
un cadre qui raconte quelque chose d’eux, un objectif qui place à
bonne distance, respectueuse. Bien sûr, avoir une seule focale n’est
pas toujours très pratique, notamment pour filmer les paysages, mais
ça oblige à être sûr de son cadre, à être constamment
rigoureux. La contrainte est souvent source de créativité.
Comment avez-vous convaincu les
habitants de Seligman de se laisser filmer ?
Très simplement, en expliquant notre
désir de faire entendre leur parole, de faire un film qui ne les
jugerait pas. On a été très bien accueillis. Et les gens adoraient
l’idée qu’un film intitulé AMERICA soit tourné dans leur ville
perdue au milieu du désert ! Je ne leur ai pas expliqué grand-chose
avant de tourner. Les paroles sont plus fortes, plus profondes quand
elles sont dites pour la première fois. C’est cela que doit capter
la caméra.
Le thème du rapport aux armes revient
de façon obsédante…
Parce qu’il est crucial dans la vie
des gens. C’était une de mes motivations profondes : comprendre
l’incompréhensible. En passant ces sept semaines de tournage à
Seligman, j’ai avancé dans la compréhension, même si bien sûr
j’éprouve toujours la même aversion pour les armes !
Il y a
d’abord l’importance du 2ème amendement de la Constitution
américaine, qui autorise tout citoyen à être armé. Le sous-texte,
c’est que le citoyen doit pouvoir se défendre contre un
gouvernement d’oppresseurs. Les gens en Arizona et ailleurs
considèrent que toucher à cet amendement, ce serait mettre
gravement en danger leur liberté. Et puis, c’est aussi une
question de mode de vie. Il y a une personne dans le film qui dit que
le poste de police le plus proche est à deux heures de route. S’il
se passe quelque chose, il faut pouvoir se défendre. Un autre, qui a
toujours son colt à la ceinture, m’explique que la première balle
est une cartouche à grenaille parce que son terrain grouille de
serpents à sonnettes. Il doit mettre toutes les chances de son côté
pour éliminer un serpent qui croise son chemin…
Les gens semblent partagés entre un
patriotisme exalté et une conviction que tout va à vau-l’eau, que
le rêve américain n’existe plus…
Oui, il y a quelque chose de Don
Quichotte, le désir de revenir à un âge d’or, la nostalgie d’un
passé glorieux. C’est pourquoi j’ai aussi filmé ces très
belles voitures des années 1950 ou 1960 qui sont désormais des
carcasses sans vie, dans la nature… Ou ces taudis sur fond de
paysages sublimes. Le contraste est saisissant.
Parlez-nous de la soirée de l’élection
de Donald Trump, le 8 novembre 2016…
Ce n’était pas vraiment la ferveur
des jours de matches de football américain, où tout le monde se
réunit en transe ! Le restaurant où on avait prévu de tourner a
fermé tôt, donc on s’est retrouvés dans un bar assez désert.
Les gens suivaient les résultats, mais de manière détachée.
D’ailleurs, au fil des jours, j’avais compris qu’il y avait,
chez la plupart d’entre eux, moins une adulation de Trump qu’un
rejet très fort d’Hillary Clinton. Vers la fin de la soirée,
quelques hommes agitaient un drapeau, et tenaient des propos
agressifs. On sentait la tension monter. Au fond, j’ai filmé les
cowboys et les Indiens d’aujourd’hui…
Les Indiens, justement, sont une
présence essentielle dans le film.
Oui. Ce sont des Hopis, ils vivent dans
une petite enclave au cœur du territoire navajo. Ce peuple a su
préserver une profonde spiritualité et un lien intime avec la
nature. On se moque d’eux, car ils refusent la société de
consommation, alors qu’à mon avis, ils devraient être un exemple
pour nous : ils vivent de manière simple et raisonnable, dans le
respect de notre planète. Cela me paraissait d’autant plus
important de les filmer que le candidat Trump s’annonçait déjà
comme un ennemi de l’environnement. Les Hopis croient que
l’humanité a déjà détruit trois mondes, et que nous vivons dans
le quatrième et dernier monde qu’il faut absolument protéger.
En fin de compte, qu’avez-vous appris
sur l’Amérique en tournant ce film ?
Je suis parti en ethnologue, pas pour
étayer une thèse mais pour essayer de comprendre. Et j’ai
découvert la dureté de la vie de ces gens, une dureté qui explique
la rudesse dont ils font preuve eux aussi. Mais j’ai surtout été
frappé par la disposition des gens à voter contre leur propre
intérêt : Trump était manifestement le candidat des riches et tous
les pauvres ont voté pour lui. Comme si l’illusion de faire partie
d’une équipe qui gagne était plus importante que leur propre
situation : des fantassins prêts à se sacrifier pour la gloire la
Nation. C’est une démarche viscérale, naïve, suicidaire, même.
Car au fond d’eux-mêmes, ils savent bien que Trump ne sauvera pas
l’Amérique. Je crois qu’ils voulaient mettre un coup de pied
dans la fourmilière. Sauf que cette fourmilière, c’est notre
planète…
CLAUS DREXEL
Après Affaire de Famille avec André
Dussollier et Miou-Miou (2008), puis Au Bord du Monde, un
documentaire sur les sans abri parisiens (2014), America est le
troisième long-métrage de Claus Drexel. Par ailleurs, il a dirigé
la mise en scène de la Passion selon Saint Matthieu de JS Bach au
Cirque d’Hiver de Paris, avec Didier Sandre dans le rôle de
l’évangéliste (2012).
QUELQUES PERSONNAGES
#AmericaLeFilm
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