Drame/Fantastique/Un film d'une grande beauté esthétique, au rythme lent avec un sujet qui parlera au spectateur en fonction de sa sensibilité
Réalisé par David Lowery
Avec Casey Affleck, Rooney Mara, McColm Cephas Jr., Kenneisha Thompson, Grover Coulson, Liz Franke...
Long-métrage Américain
Durée: 01h32mn
Année de production: 2017
Distributeur: Universal Pictures International France
Date de sortie sur nos écrans : 20 décembre 2017
Résumé : Apparaissant sous un drap blanc, le fantôme d'un homme rend visite à sa femme en deuil dans la maison de banlieue qu'ils partageaient encore récemment, pour y découvrir que dans ce nouvel état spectral, le temps n'a plus d'emprise sur lui. Condamné à ne plus être que simple spectateur de la vie qui fut la sienne, avec la femme qu'il aime, et qui toutes deux lui échappent inéluctablement, le fantôme se laisse entraîner dans un voyage à travers le temps et la mémoire, en proie aux ineffables questionnements de l'existence et à son incommensurabilité.
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait "Discussion entre fantômes"
Extrait "Tu veux rester ici?" (VOSTFR)
Extrait "L'univers" (VOSTFR)
La première partie tourne autour du deuil. Avec beaucoup de délicatesse, le réalisateur Georges Lowery met en images ce chemin douloureux où l'on se perd avant de réagir pour tenter d'aller de l'avant. Soin du fond et de la forme donc. La deuxième partie est plus métaphysique. Le souci avec ce parti-pris est qu'il va perdre un certain nombre de spectateurs dans les méandres de ce fantôme coincé entre deux mondes regardant le temps passer sans vraiment réussir à être ou à ne pas être. Même si là est la question, le film n'y répond pas forcément laissant les spectateurs se faire leur idée.
Extrait "L'univers" (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : découvert lors du 43ème festival du film américain de Deauville en septembre 2017, A GHOST STORY prend complètement les spectateurs au dépourvu. D'une grande beauté intrinsèque, il fait exploser les codes des films fantastiques autour des revenants, pour nous en présenter une version littérale et originale, mais totalement inattendue. C'est un film beau et traînant.
Il utilise un format d'écran surprenant de nos jours, car il n'est plus utilisé, le 4/3, un format qui donne l'impression que l'image est carrée. On a la sensation de regarder des polaroids, d'autant que le rythme extrêmement lent du film donne le temps à sa magnifique photographie de véritablement s'exprimer.
Casey Affleck et Rooney Mara forment un couple attachant et touchant. Ils rendent crédible et vivant ce lien plus fort que la mort qui les unis à l'écran. Ils sont formidables pour s'exprimer sans parler. Le film comporte d'ailleurs très peu de dialogues pour ne pas étouffer son propos et adopter le point de vue du spectre aussi souvent que possible.
A GHOST STORY est un long métrage totalement surprenant, très beau et hyper sensible, mais aussi si particulier qu'il ne se laisse pas appréhender facilement. La sensibilité de chacun jouera ici un rôle prépondérant dans l'acceptation de son fond et de sa forme.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
“Le temps n’épargne personne, plus tôt nous l’acceptons, plus légère se fait notre enveloppe charnelle.Au bout d’un moment, il faut lâcher prise, nous n’avons pas le choix.Se battre avec l’absence d’options que nous avons dans ce domaine est extrêmement compliqué.C’est un des aspects principaux de ce film.”
DAVID LOWERY
Des
mois avant que le public ne découvre son remake du classique PETER
ET ELLIOTT LE DRAGON pour Disney en 2016, David Lowery était
déjà plongé corps et âme au fond de son Texas natal dans ce projet très intime
et totalement indépendant, pour lequel il retrouvait les stars de son premier
succès LES AMANTS DU TEXAS (2011),
Casey Affleck et Rooney Mara. Le quatrième film du réalisateur nous plonge,
comme dans PETER ET ELLIOTT LE DRAGON (2016), dans un monde de mythe et d’imagination, où l’émotion
atteint son paroxysme tout en explorant notre besoin universel d’amour et de
liens – même après la mort.
A GHOST
STORY commence dans une maison de grande banlieue
où deux jeunes gens, dont on ne connaît que les initiales C et M, mènent une
vie de couple tranquillement agitée. C rêve de faire de la musique et de rester
à la maison pour composer tandis que M ne rêve que d’ailleurs, ce qui crée une
tension palpable et pourtant inexprimée. C perd la vie brutalement dans un
accident de voiture en face de la maison. M se rend à la morgue pour identifier son corps qui gît curieusement inanimé sur une table sous un drap blanc. M
quitte la morgue le cœur en peine, et quelques instants après C en fait de
même. Vêtu du drap de la morgue, à la manière dont les enfants se déguisent
pour jouer aux fantômes il porte deux sombres trous noirs en guise d’yeux et se
déplace avec une lenteur mélancolique.
Les jours,
les semaines, les années passent sans qu’il puisse quitter la maison où il a
vécu, aimé, et composé aux côtés de celle qui fut sa compagne et sa muse. Cette
dernière fi nit par disparaître s’envolant pour mener sa propre vie, ce qui
plonge C qui ne peut oublier leur existence commune et mortelle, dans un
désespoir profond. De nouveaux occupants prennent possession des lieux, une
famille hispanique puis une bande d’étudiants de faculté. Perdu dans le temps,
C finit par réaliser avec désespoir qu’il est prisonnier de son incapacité à
accepter la situation, condamné à voir le monde qui l’entoure changer
inexorablement.
“Ce film est une tentative littérale de faire la paix avec le temps qui passe. Que cela me plaise ou non, il passera et tout mon travail finira par devenir insignifiant. Quelque part nous sommes tous des fantômes finalement. Certaines de nos actions et de nos pensées nous permettent de supporter notre méconnaissance de notre âme.” DAVID LOWERY
TROUVER UN SENS AU DEUIL
David Lowery est un de ces rares cinéastes à être aussi à l’aise dans l’exercice des films de studio que dans celui des productions indépendantes. Sous forme d’une exploration poétique du temps et de la transmission, le film questionne frontalement la notion du sens de notre vie. Ici le poids de l’existence vient tourmenter les vivants comme les morts, informant toute chose, que ce soit à travers l’errance fantomatique et mélancolique de Casey Affleck sous les plis de son drap blanc, le monologue philosophique dénué d’espoir de Will Oldham plus tard dans le film, ou encore les longs plans séquences du réalisateur, inspirés par le cinéma asiatique ou européen.
« Le temps n’épargne personne, plus tôt nous l’acceptons, plus légère se fait notre enveloppe charnelle. Au bout d’un moment, il faut lâcher prise, nous n’avons pas le choix. Se battre avec cette absence d’options est extrêmement compliqué. C’est un des aspects principaux de ce film» nous explique le réalisateur David Lowery.
La
possibilité de manipuler le temps est l’élément essentiel qui a attiré ce
dernier au cinéma. Dans le film il s’en donne à cœur joie en l’étendant, le
raccourcissant, le retournant, le préservant, le pliant sur lui-même et même en
le projetant en avant.
« Je suis systématiquement horrifié par la vitesse à laquelle le
temps file. Ce film est une tentative littérale de faire la paix avec le temps
qui passe. Que cela me plaise ou non, il passera et tout mon travail finira par
devenir insignifiant. Quelque part nous sommes tous des fantômes finalement.
Certaines de nos actions et de nos pensées nous permettent de supporter notre
méconnaissance de notre âme ».
Le
film est une réflexion puissante sur l’amour et le lien, à travers le deuil de
sa compagne vivante que porte le personnage décédé du film, cherchant au fil
des ans un sens à sa profonde solitude.
«
Au final je suis un romantique. Je ne décide
pas de faire des films d’amour, mais d’une manière ou d’une autre c’est comme
cela qu’ils finissent. Cela est aussi dû à l’incroyable alchimie entre Casey Affleck et Rooney Mara, qui est palpable même quand ils ne sont pas ensemble à l’écran.
Je n’essaie pas de dire qu’un lien puisse transcender le temps et l’espace, c’est
une chose à laquelle je ne crois pas. Mais je pense que certains liens que nous
tissons avec certaines personnes peuvent nous aider à faire en sorte que les
épreuves les plus dures de notre vie ne finissent pas en désespoir ».
En
dépit de son sujet sombre, le film offre l’alternative de l’espoir. Il est
possible de trouver un sens à sa vie, ne serait-ce qu’à travers la plus infime
marque que nous laissons derrière nous, comme celle que laisse Rooney Mara dans
un mur de sa maison. La possibilité de créer quelque chose qui nous survive est
un moteur puissant, une manière de tromper la mort et de flirter avec l’éternité.
« Nous nous démenons pour nous assurer que quoi que nous fassions, cela va durer. Le plan où Rooney Mara cache quelque chose qui est connu d’elle seule, comme un petit bout d’elle-même, est une tentative de maîtriser le temps, de corriger la brièveté de son existence terrestre. C’est une quête universelle, nous essayons tous d’avoir un impact sur le cours des choses qui nous entourent. Nous combattons tous la fugacité de nos existences ».
« Nous nous démenons pour nous assurer que quoi que nous fassions, cela va durer. Le plan où Rooney Mara cache quelque chose qui est connu d’elle seule, comme un petit bout d’elle-même, est une tentative de maîtriser le temps, de corriger la brièveté de son existence terrestre. C’est une quête universelle, nous essayons tous d’avoir un impact sur le cours des choses qui nous entourent. Nous combattons tous la fugacité de nos existences ».
Notre
besoin de laisser quelque chose derrière nous est l’essence même de notre
humanité. Mais qu’y a-t-il ensuite ?
UNE CHRONIQUE INTIME
Ce projet très personnel est né après une dispute avec sa femme en décembre 2015, à propos du choix entre un hypothétique déménagement à Los Angeles, où le genre de production comme PETER ET ELLIOTT LE DRAGON était légion, ou de rester au Texas où le réalisateur puisait son inspiration pour des films plus personnels comme LES AMANTS DU TEXAS (2013). « Ça a été une de nos pires disputes. On aurait dit une scène de _ lm tellement l’intensité était dramatique ».
Pendant les mois qui ont suivi, d’autres idées s’y sont ajoutées, influencées
par de nombreuses obsessions qui lui étaient propres, dont la notion du temps
et la manière dont il passe dans les espaces physiques. Notamment les couloirs
et les seuils qui sont chers au cinéma de David Lowery. Ben Foster, un des
comédiens des AMANTS DU TEXAS (David Lowery, 2013) confiait d’ailleurs lors d’une
interview que le réalisateur était plus obsédé par l’embrasure d’une porte que
par le comédien qui s’y tenait, ce que David Lowery ne dément pas. Il en profite
pour ajouter « Je pourrais rester des heures à
contempler une entrée vide ».
Le réalisateur de A GHOST STORY nourrit également une fascination pour les
fantômes et notamment la manière dont le commun des mortels se les représente
errants et couverts d’un drap blanc. « Cela faisait des années que je voulais raconter une histoire de
fantômes. J’adore l’iconographie du fantôme en drap blanc. Vous pouvez montrer
cette image à n’importe qui dans le monde il saura immédiatement ce qu’elle
représente.»
Au fil des ans, il a vu cette image défier le temps, que ce soit dans des clips musicaux, dans la photographie ou dans FINISTERRAE (Sergio Caballero, 2010) un film espagnol où deux fantômes vêtus de draps blancs erraient dans la campagne espagnole. Il cite également une scène mythique d’HALLOWEEN, LA NUIT DES MASQUES (John Carpenter, 1978) où Michael Myers se pare d’un drap blanc avant de partir pour sa virée sanglante. « Un mec avec un masque qui se met un drap blanc sur la tête, c’est encore plus troublant ».
Au fil des ans, il a vu cette image défier le temps, que ce soit dans des clips musicaux, dans la photographie ou dans FINISTERRAE (Sergio Caballero, 2010) un film espagnol où deux fantômes vêtus de draps blancs erraient dans la campagne espagnole. Il cite également une scène mythique d’HALLOWEEN, LA NUIT DES MASQUES (John Carpenter, 1978) où Michael Myers se pare d’un drap blanc avant de partir pour sa virée sanglante. « Un mec avec un masque qui se met un drap blanc sur la tête, c’est encore plus troublant ».
UNE FABLE SUR L’ESPACE ET LE TEMPS
Si tant est que le fi lm analyse les êtres qui nous hantent, il parle aussi des lieux, des époques et du temps qui nous hantent également, à l’image de cette petite maison texane qui devient un personnage du film à part entière, avec la même capacité de vivre et de mourir que ses occupants humains.
« L’intuition que les lieux sont hantés par leur propre histoire me travaille régulièrement. On peut débattre des jours entiers sur l’existence des fantômes, mais il est indéniable que les lieux sont marqués par les événements qui s’y sont déroulés, spécialement nos maisons. A GHOST STORY était pour moi l’occasion d’explorer la possibilité d’errer dans les espaces qui nous entourent, de passer du temps à ne rien y faire, simplement y être ».
En mai 2016, le projet est passé d’une esquisse de 10 pages à un dossier
de 40 pages épurées qui ont constituées le script à partir duquel le fi lm a
été tourné. David Lowery bouclait à peine le tournage de PETER ET ELLIOTT LE DRAGON qu’un mois plus tard, il enchaînait avec celui de A GHOST STORY.
« On a fini le premier le 10 juin et commencé le deuxième le 12. Après 3 ans sur une super production, ça faisait du bien de revenir à un exercice à taille humaine, plus libre, où on se fie principalement à son instinct. J’étais loin de vouloir couper avec ce que je venais de faire. Au contraire, je me suis servi largement de mon expérience sur PETER ET ELLIOTT LE DRAGON, pour l’infuser d’une manière et à une échelle totalement différente ».
« On a fini le premier le 10 juin et commencé le deuxième le 12. Après 3 ans sur une super production, ça faisait du bien de revenir à un exercice à taille humaine, plus libre, où on se fie principalement à son instinct. J’étais loin de vouloir couper avec ce que je venais de faire. Au contraire, je me suis servi largement de mon expérience sur PETER ET ELLIOTT LE DRAGON, pour l’infuser d’une manière et à une échelle totalement différente ».
Toby Hallbrooks et James M. Johnston, les producteurs du fi lm,
ont alors contacté des compagnies de démolition texanes dans les environs de
Dallas, dans l’espoir de trouver une propriété condamnée qui pourrait servir de
décor au fi lm, et qui serait par la suite détruite comme le scénario l’exigeait.
Ils ont trouvé une maison délabrée à Irving, la banlieue même où David Lowery avait
grandi. Ses propriétaires Scooter et Barbara Walsh ont facilité le tournage en
accordant l’autorisation de redécorer cette maison de plain-pied alors qu’ils
avaient prévu de la détruire afin d’en reconstruire une nouvelle.
RÉUNIR L’ÉQUIPE ORIGINALE
Après avoir réglé le problème du décor, David Lowery s’est attelé au casting du fi lm. Il a commencé par contacter Rooney Mara et Casey Affleck qui avaient interprété le couple maudit des AMANTS DU TEXAS, et avec qui il était resté en contact depuis le tournage en 2013. Depuis ce fi lm, les deux comédiens sont devenus des stars reconnues, qu’on a pu voir respectivement en haut de l’affiche de MANCHESTER BY THE SEA (Kenneth Lonnergan, 2016) qui valut l’Oscar du meilleur acteur à Casey Affleck et CAROL (Todd Haynes, 2016) aux côtés de Cate Blanchett pour Rooney Mara. Tous deux étaient enthousiasmés à l’idée de tourner quelque chose de simple, à l’emporte-pièce et surtout sous la direction d’un réalisateur avec lequel ils avaient adoré tourner.
Ce dernier ajoute : « je les avais déjà pratiqués, je connaissais l’alchimie cinématographique qui les liait, celle-ci étant évidente, je savais que cela fonctionnerait d’autant plus que le personnage de Casey meurt très vite. Il fallait que l’on sente la chair et l’affection de leur couple, une relation aussi intense et passionnée que possible ».
Pour rendre compte de l’effet recherché sur la temporalité, les comédiens
devaient rester immobiles pendant très longtemps, que ce soit en face de la
caméra, ou sous un drap blanc, ou encore pour engloutir une tarte en un plan de
4 minutes. Même après le décès de C, les deux protagonistes continuent tous les
deux à occuper le même espace, qui se trouve divisé entre le monde des vivants
et celui des morts, exigeant une intimité et une connaissance l’un de l’autre
qui ne pouvait émaner que de comédiens qui ont déjà joué ensemble et
connaissent les rouages de leurs jeux respectifs.
« Je les estime tous les deux, individuellement, mais j’adore aussi les voir travailler ensemble. Le fait qu’on ait déjà fait un film ensemble, qu’on se connaisse bien, qu’on soit tous vegan (rires), nous a donné une évidence et une grande fluidité dans le travail. Une fois le tournage terminé on s’est dit qu’on devrait tourner un film au Texas ensemble tous les 4 ans ».
« Je les estime tous les deux, individuellement, mais j’adore aussi les voir travailler ensemble. Le fait qu’on ait déjà fait un film ensemble, qu’on se connaisse bien, qu’on soit tous vegan (rires), nous a donné une évidence et une grande fluidité dans le travail. Une fois le tournage terminé on s’est dit qu’on devrait tourner un film au Texas ensemble tous les 4 ans ».
En dépit d’un film conçu avec des plans larges et longs pour mettre
en exergue la dimension cosmique de la réflexion, le réalisateur, en contraste,
use et abuse des gros plans sur sa
comédienne principale. « Rooney a un visage
qui capte exceptionnellement bien la lumière et est capable d’illuminer un film,
voire de l’influencer de manière radicale. C’est distinctif des grandes stars.
Une fois qu’on a en face de soi un tel visage, il faut savoir l’utiliser
correctement. Un visage pareil peut apporter plus de nuances qu’un dialogue ».
Dès
le début du tournage, le réalisateur et son directeur de la photographie Andrew
Doz Palermo ont commencé à filmer Rooney Mara en plans de plus en plus
rapprochés, afin de capturer ses sentiments, dans des plans captivants. Que ce
soit les moments où elle regarde son compagnon composer, ou bien ceux où elle
le pleure, les traits de la jeune femme traduisent ses émotions dans des plans
singulièrement statiques. « On a vite compris qu’on
resterait dans cette valeur de plan, c’est ainsi qu’elle irradie le mieux ».
David
Lowery a ensuite bouclé le casting avec des habitués de son univers comme le
comédien et compositeur Will Oldham, qui avait travaillé sur la bande-son de PETER
ET ELLIOTT LE DRAGON (2016), dans le rôle du philosophe
éméché qui disserte sur les effets de la temporalité d’une soirée où la pop
star Ke$ha fait une apparition. Savana Sears, qui avait joué quand elle était
petite dans le premier fi lm du réalisateur ST NICK (2009), y fait également une apparition mais cette fois en
tant qu’adulte. Cette équipe réduite a tourné pendant 19 jours dans la chaleur
de l’été texan et s’est retrouvée une semaine en août pour les retouches. « Nous voulions réduire les risques, donc on s’est auto financé et
on s’est entouré d’amis. Et cela impliquait de ne pas en parler.»
UNE INSPIRATION PARTICULIÈRE
Alors qu’un sentiment de permanence et de mystère émane du film, il évolue pourtant dans le temps, ce qui lui donne un style visuel particulier. Avant le film, David Lowery et son directeur de la photographie Andrew Doz Palermo se sont retrouvés à Los Angeles afin de faire des recherches autour du travail du photographe Gregory Crewdson et pour étudier les films de Tsai Ming Liang comme ET LÀ-BAS QUELLE HEURE EST IL ? (2001) GOODBYE DRAGON INN (2003) et ceux d’Apichatpong Weerasethakul comme CEMETARY OF SPLENDOUR (2015), dont les longs plans statiques donnent une impression de transe et de suspension du temps.
« J’adore ces films parce que j’ai une capacité d’attention très réduite, et j’éprouve souvent des problèmes à me concentrer. C’est plus facile de suivre des films qui ont des longs plans, car il y a moins de montage. À chaque raccord d’image, le cerveau est obligé de faire le lien entre deux images, ou deux idées, ce qui est épuisant. C’est pourquoi certains films d’action qui durent 3 heures vous laissent éreintés. Vous vous y livrez à une gymnastique mentale de fou, sans même vous en rendre compte ».
Le réalisateur s’est également inspiré du travail de la
réalisatrice belge Chantal Ackerman sur JEANNE DIELMAN, 23 QUAI DU COMMERCE,
1080 BRUXELLES (1975), en raison de la
façon dont son fi lm est rythmé par des espaces psychologiques. Son documentaire
muet HOTEL MONTEREY (1972) a spécialement marqué le cinéaste en raison de son
exploration clinique de lieux dédiés à l’activité humaine. « C’est fascinant et passionnant alors qu’il ne s’y
passe rien. Il n’y a pas de personnages, ni d’intrigue, juste des plans sur des
lieux ».
La scène où Rooney Mara dévore en plan fixe une tarte pendant près
de 4 minutes, sous l’œil impassible du fantôme de son compagnon, a fait les
gorges chaudes du festival de Sundance lors de sa projection. « Nous voulions créer des tableaux très esthétiques où
le spectateur pourrait se perdre, en les filmant en plan fixe sur une durée
donnée. Il faut en fait un certain temps pour vraiment s’immerger dans une
image et nous voulions explorer les limites de la concentration que cela
demande avant que votre esprit ne décroche pour passer à autre chose. La scène
de la tarte est composée de deux prises, où ce sont les lignes de fuites de la
maison (si typiques des intérieurs texans de plain-pied) qui nous en ont imposé
la longueur et la valeur. Chaque plan du film obéit à sa propre linéarité
temporelle ».
LA TONALITÉ VISUELLE
Dès la conception du projet, David Lowery savait qu’il filmerait en 4/3, un format où la largeur de l’image est un peu plus grande que sa hauteur, afin de souligner le non-conformisme de son long-métrage. « C’est un format plus petit. ELEPHANT (Gus Van Sant, 2003) a été le premier film contemporain que j’ai vu en 4/3. Les images vous surplombent plutôt que de s’étirer devant vous. Elles vous dominent en quelque sorte, tout en confinant et rétrécissant les personnages et par extension, le public ».
Il a également choisi d’encadrer son image avec une vignette aux bords
adoucis, ce qui donne au film une dimension supplémentaire. « On a de plus en plus tendance à regarder des films
sur des écrans haute définition, le 4/3 du coup y apparaît au milieu d’un
espace rectangulaire. Les bords adoucis de la vignette qui encadre l’image annulent
ce côté rectangulaire, en adoucissant l’effet de claustrophobie et de confinement
du personnage qui en est prisonnier pendant toute la durée du film ».
LE POUVOIR DE RÉSONANCE
Il fallait ensuite créer un univers musical qui collerait à cette mise en scène de la fuite du temps dans le film. Daniel Hart a travaillé sur tous les films de David Lowery dont le court-métrage qui l’a rendu célèbre PIONEER en 2011. Alors qu’il travaillait sur PETER ET ELLIOTT LE DRAGON, il a joué au réalisateur une chanson pop qu’il avait composée pour son groupe Dark Rooms intitulée "I Get Overwhelmed". En écrivant le script de A GHOST STORY, David Lowery se repassait le morceau en boucle, si bien qu’il a fi ni par l’inclure dans le scénario.
« Ça collait complètement au thème que je développais. Cette sensation de se sentir dépassé, de ne pas avoir le contrôle de votre propre vie. Daniel m’a donné les droits pour utiliser ce morceau dans mon _ lm et c’est devenu un élément central de l’histoire ».
Pour la bande-son elle-même, le réalisateur a demandé à Daniel Hart
de se concentrer sur l’aspect horrifique des films de fantômes. Il l’a poussé à
aller vers des sonorités étranges, distordues et électroniques, le contraire de
ce qu’ils avaient fait dans PETER ET ELLIOTT LE DRAGON.
« C’était l’occasion pour Daniel de tester quelque chose d’entièrement différent, et il s’en est donné à cœur joie en incorporant des compositions vocales. Il y a même un morceau où on peut dénombrer jusqu’à 808 rythmiques différentes. Je crois qu’on peut dire qu’il a vraiment fait feu de tout bois, en explorant chaque piste à fond ».
« C’était l’occasion pour Daniel de tester quelque chose d’entièrement différent, et il s’en est donné à cœur joie en incorporant des compositions vocales. Il y a même un morceau où on peut dénombrer jusqu’à 808 rythmiques différentes. Je crois qu’on peut dire qu’il a vraiment fait feu de tout bois, en explorant chaque piste à fond ».
UN OBSTACLE INATTENDU
Un des éléments essentiels du tournage était la fabrication du drap que Casey Affleck porte pendant la quasi-totalité du fi lm. Le costume conçu par Annell Brodeur, n’était pas un simple drap, mais était composé de plusieurs couches pour lui donner du relief, et d’un masque qui permettait aux yeux de l’acteur de rester en face des trous du drap.
« C’était censé nous faciliter la tâche, mais en fin de compte c’est devenu très compliqué, voire même, infernal. Le porter c’était déjà une chose alors qu’il faisait près de 40°C dehors, mais le filmer en 4/3 sans qu’il n’apparaisse ridicule ou cartoonesque n’a pas été une partie de plaisir non plus. Il a fallu sans cesse revoir les plans qu’on avait prévus. C’est devenu un processus d’apprentissage permanent : on ne filme pas un fantôme comme un être humain ».
La tentative d’en faire une créature aussi éthérée et
fantasmagorique que possible, avec un acteur empêtré dans les mètres de drap du
costume, s’est vite transformée en défi. Les plis, les froissements et les
volutes du drap donnaient du caractère et de la profondeur au fantôme, mais il
fallait constamment les ajuster, les raccorder et surtout qu’ils tombent bien
quand il y avait du mouvement.
« Le simple fait de s’asseoir, ou de se retourner, même un simple geste de la tête devenait un enfer parce que le costume bougeait en même temps que le comédien mais de manière indépendante. Il suffisait d’un faux pli, d’un mauvais drapé pour que l’illusion s’écroule. Et malheureusement Casey n’avait aucun pouvoir sur les plis de son costume ».
Pendant les gros plans, ou les plans moyens, la créatrice et ses costumiers devaient rester accroupis autour du costume, en évitant le cadre afin d’essayer de guider les plis du drap pour qu’ils flottent de manière esthétique et pas comme une serpillière géante. « Un enfer. Jouer dans ce costume c’était comme danser sur une scène de quelques centimètres. Le plan du retour de C dans la maison qui fut la sienne de son vivant a demandé de nombreuses prises avant d’aboutir à un résultat esthétiquement correct et crédible ».
« Le simple fait de s’asseoir, ou de se retourner, même un simple geste de la tête devenait un enfer parce que le costume bougeait en même temps que le comédien mais de manière indépendante. Il suffisait d’un faux pli, d’un mauvais drapé pour que l’illusion s’écroule. Et malheureusement Casey n’avait aucun pouvoir sur les plis de son costume ».
Pendant les gros plans, ou les plans moyens, la créatrice et ses costumiers devaient rester accroupis autour du costume, en évitant le cadre afin d’essayer de guider les plis du drap pour qu’ils flottent de manière esthétique et pas comme une serpillière géante. « Un enfer. Jouer dans ce costume c’était comme danser sur une scène de quelques centimètres. Le plan du retour de C dans la maison qui fut la sienne de son vivant a demandé de nombreuses prises avant d’aboutir à un résultat esthétiquement correct et crédible ».
Un autre problème s’est ensuite posé : sous le drap on
reconnaissait ostensiblement la manière de bouger de Casey Affleck. Même si on ne
s’en rend pas forcément compte, il possède une gestuelle et un rythme
facilement identifiables. Si au départ l’équipe technique avait décidé de s’en
servir, puisqu’après tout l’état de fantôme n’était qu’une évolution de C, très
vite ils se sont aperçus que cela rendait le spectre trop humain, et que cela
cassait le côté éthéré et irréel voulu.
#AGhostStory
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