Drame/Une histoire jolie et touchante, avec un très bon casting, mais un scénario sans surprises
Réalisé par Marc Webb
Avec Chris Evans, Mckenna Grace, Lindsay Duncan, Octavia Spencer, Jenny Slate, John M. Jackson, Glenn Plummer, John Finn, Elizabeth Marvel...
Long-métrage Américain
Titre original : Gifted
Durée : 01h41mn
Année de production : 2017
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Date de sortie sur les écrans américains : 12 avril 2017
Date de sortie sur nos écrans : 13 septembre 2017
Résumé : Un homme se bat pour obtenir la garde de sa nièce, qui témoigne d'un don hors du commun pour les mathématiques.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : bien que la trame scénaristique de ce petit film indépendant soit très classique et n'offre pas vraiment de surprises - à regret - par rapport aux autres films du même genre, il n'en demeure pas moins charmant et touchant grâce à son casting très convaincant et le joli fond de son histoire. Marc Webb nous offre une réalisation fluide qui sert l'intrigue dans ses moments dramatiques comme dans ses moments plus légers. Il insuffle du cœur à son long-métrage en mettant en scène des sensibilités variées et surtout des sentiments très humains.
Chris Evans est très convaincant dans le rôle de Frank, un oncle pris entre la culpabilité, la rancœur et l'amour pour sa nièce, qui essaye de faire du mieux possible. Son jeu est subtil et on apprécie d'apprendre à connaître ce personnage.
Marc Webb, le réalisateur (à gauche) sur le tournage du film avec l'acteur Chris Evans (à droite) |
La petite McKenna Grace est super dans le rôle de Mary. Elle est très expressive et à vraiment une mignonne petite bouille. Elle est crédible en génie qui est avant tout une petite fille ingénue.
Octavia Spencer interprète Roberta, une amie qui apporte son énergie et son empathie à cette famille qui lutte pour trouver un équilibre. Elle est parfaite dans ce rôle.
Jenny Slate offre une bulle de fraîcheur et d'originalité à Bonnie, son personnage.
MARY touche les spectateurs par son histoire. Il ne sort malheureusement pas vraiment des sentiers battus avec son scénario, mais les jolis moments d'émotion mis en scène par son réalisateur et son casting rattrapent largement ce manque pour nous faire passer un très agréable moment.
Crédits photos : 20th Century Fox 2017
La conférence de presse de Marc Webb
MARY a été projeté dans le cadre du Festival du Film Américain de Deauville le 2 septembre 2017 et à cette occasion, son réalisateur Marc Webb a fait une conférence de presse que vous pouvez découvrir dans les vidéos ci-dessous :
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Notre vraie famille n’est pas forcément déterminée par les liens du sang. C’est une idée importante qu’il faut constamment garder en tête. - Marc Webb
L’aventure de MARY débute par une
conversation entre Karen Lunder, la productrice de PREMIER CONTACT de
Denis Villeneuve, et le producteur Andy Cohen : « Quel est le projet
que tu aies à ta disposition et qui t’enthousiasme le plus ? ».
Il lui envoie alors le scénario de MARY. «En le lisant, j’ai été
frappée par sa dimension atemporelle, reprend-elle il me faisait
penser à ces films que j’avais vus quand j’étais petite : il me
ramenait au cinéma des années 70 et du début des années 80 qui
n’hésitait pas à faire passer le spectateur du rire aux larmes,
des œuvres à la fois divertissantes et réalistes ». Andy Cohen
précise : «Ce qui m’a plu dans le scénario de Tom Flynn, est
qu’il laisse toute leur place aux personnages.»
« Il fallait ensuite dénicher le bon
metteur en scène et Marc Webb était notre premier choix », ajoute
Karen Lunder. Andy Cohen se souvient : «Karen m’a expliqué
qu’elle essaierait de convaincre Marc de lire le script mais qu’il
ne fallait se faire trop d’illusions, parce qu’elle savait qu’il
était très exigeant et qu’il préparait un autre projet ». Mais
tout comme les deux producteurs, le réalisateur a été sensible à
l’écriture : « L’écriture était simple, généreuse et dénuée
de cynisme. Elle m’a inspiré. Mary et Frank forment un tandem
comique et émouvant. »
Tom Flynn, le scénariste, s’est
inspiré de sa sœur qu’il décrit comme « la personne la plus
intelligente et la plus discrète que je connaisse. Quand elle avait
cinq ans, toute la famille avait peur d’elle parce qu’elle avait
une détermination chevillée au corps. » Elle a donc été le point
de départ de MARY, tout comme les deux nièces de l’auteur, dont
l’une a réellement cassé la figure à une petite brute dans le
bus de l’école. Il confie qu’il n’a ressenti aucune pression
en écrivant : « Jusque-là, j’étais sans cesse obnubilé par des
impératifs économiques puisque j’écrivais dans l’optique de
vendre mon scénario.» « En très peu de temps indique Andy Cohen,
il m’a envoyé un premier jet qui n’avait rien à voir avec les
précédents scénarios de Tom. » Karen Lunder a été également
personnellement touchée par l’histoire imaginée par Flynn. Elle
n’a pas ménagé ses efforts pour entrer en contact avec le
scénariste et l’a convaincu qu’elle était la productrice qu’il
lui fallait pour son projet : elle lui a même avoué que sa
grand-mère – surnommée «grand-mère Chanel » – à la fois
très franche et intimidante, s’appelait Evelyn, comme le
personnage de Lindsay Duncan. « Je lui ai expliqué que j’avais
accroché à plusieurs éléments dans son script et qu’ils
m’obsédaient.» Le script a fini par être classé sur la fameuse
« Liste noire », qui recense les scénarios préférés de
plusieurs professionnels du cinéma n’ayant pas encore été
produits.
D’autres collaborateurs importants du
film se sont reconnus dans l’univers de Tom Flynn. Marc Webb, par
exemple, est issu d’une famille férue de mathématiques : «Mon
père est adepte de mathématiques depuis très longtemps, si bien
que j’ai ressenti une proximité physique et émotionnelle avec le
scénario. » Andy Cohen explique : « Quand il tourne, on dirait un
chorégraphe – pas seulement dans sa manière de diriger ses
comédiens ou de leur demander de faire telle ou telle chose, mais on
a le sentiment qu’il signe une chorégraphie émotionnelle. » Marc
Webb apprécie que les personnages d’une grande puissance
intellectuelle dans le film soient des femmes : « J’étais très
sensible au fait que des filles, et des femmes, soient bonnes en
maths. Une femme a d’ailleurs remporté la médaille Fields.» [En
2014, Maryam Mirzakhani, professeur de mathématiques à Stanford
University, a été la première femme à décrocher cette
distinction la plus prestigieuse dans son domaine, également
surnommée prix Nobel de mathématiques, NdA].
LES COMÉDIENS ET LEURS PERSONNAGES
Chris Evans a été séduit par les
dialogues – « la musicalité des mots, les échanges et
l’intelligence des réparties » – et l’histoire. Avec le
réalisateur ils ont retravaillé le personnage de Frank Adler.
«Frank est un personne compliquée. Il culpabilise beaucoup et ne
peut pas se mettre à nu. Il est un être introverti et difficile à
déchiffrer .», déclare l’acteur.
Le choix de l’interprète de Mary
était fondamental et la production a donc consacré huit mois au
casting, comme l’explique Karen Lunder : «On ne recherchait pas
seulement une formidable petite comédienne mais il nous fallait une
enfant qui soit drôle, audacieuse, émouvante et crédible en petit
génie. » Le réalisateur souligne: «On a rencontré des centaines
de petites filles mais lorsque Mckenna Grace a passé son audition
avec Chris Evans, l’alchimie était palpable. » Pendant son essai,
Marc Webb demande à Mckenna d’imaginer que l’agrafeuse qu’elle
a devant elle est Fred, le chat borgne. «Elle a réussi à faire
miauler l’agrafeuse ! Et deux minutes après, elle était capable
de fondre en larmes, totalement bouleversée, parce qu’elle avait
été abandonnée par la seule personne qu’elle connaissait.» La
jeune comédienne se souvient de sa première rencontre avec Marc
Webb : «On ne m’avait pas donné les bonnes scènes à lire et du
coup on me les a données dans le couloir, je n’avais que cinq
minutes pour apprendre mon texte. Mais après l’audition, on a
discuté. Il m’a laissé prendre mon temps quand j’étais censée
pleurer. J’entrais dans la pièce, il se mettait près de la caméra
et il pleurait avec moi.» Elle reconnaît que Mary est très
intelligente pour son âge et «plus intelligente que moi»,
dit-elle. C’était difficile pour elle de se plonger dans les
mathématiques : «J’ai eu du mal à mémoriser tous ces chiffres.
Je viens d’apprendre toutes les tables de multiplications, et je
démarre les divisions alors que Mary sait faire des calculs
avancés.»
Marc Webb raconte que la jeune
comédienne a trouvé une astuce pour mémoriser les équations :
«Elle en a fait une chanson où elle mêlait Pi, Alpha et des
valeurs absolues.» Quand on demande à la jeune actrice quel est le
message du film, sa réponse est simple : «En fin de compte,
personne n’a le droit de vous dire si votre famille est parfaite ou
pas. On peut très bien vivre avec sa mère ou avec son père, avec
deux mamans ou deux papas, ou avec ses grands-parents, ou encore avec
un oncle comme Mary. On entend souvent dire que pour avoir une
famille parfaite, il faut vivre avec un père et une mère, dans une
grande maison, et avoir beaucoup d’argent. Mais tant qu’on vit
avec quelqu’un de gentil et d’affectueux, je pense que c’est
l’essentiel.»
« Dès que l’on aperçoit Lindsay
Duncan sous les traits d’Evelyn, on dirait qu’elle est née pour
jouer ce rôle», affirme Karen Lunder. « On s’est dit qu’elle
saurait exprimer non seulement le culot d’Evelyn mais aussi son
élégance, ajoute Marc Webb, ce qui n’empêche pas qu’il y a
chez elle une vraie douceur et une grande tendresse. Car c’est
aussi quelqu’un de vulnérable. C’est un étonnant mélange.»
Lindsay Duncan : «Evelyn a des
opinions bien tranchées et c’est un trait de caractère qui
l’isole.» La comédienne connaît parfaitement le sentiment d’être
différente des autres. « Je suis la seule anglaise parmi tous ces
acteurs américains, je ne vis pas aux États-Unis et n’y travaille
pas non plus. Dans le film, il s’agit d’un personnage un peu à
l’écart d’une famille très soudée alors même qu’elle en
fait partie biologiquement parlant.» Pour se préparer au rôle,
Lindsay Duncan s’est entretenue avec l’expert en mathématiques
du film et la mère du professeur Jordan Ellenberg pour savoir ce
qu’on peut éprouver quand on élève un enfant prodige. Pour la
comédienne, Evelyn n’est pas un personnage simpliste et elle
rappelle que celle-ci était autrefois très attachée à sa fille,
et désormais à sa petite-fille. « Elle sait ce qu’est d’élever
un enfant prodige et ce qu’il lui faut pour s’épanouir. Elle est
déjà passée par là. Elle a le sentiment que Mary n’est pas
suffisamment stimulée sur un plan intellectuel et scolaire. »
Octavia Spencer sur son rôle : «
Roberta m’intrigue en raison de la relation qu’elle entretient
avec Frank et Mary. Elle sert de mère de substitution à la fois à
la petite fille et à ce père qui a l’habitude d’être
célibataire : elle est une sœur et une mère, en fonction des
circonstances. Si je devais décrire l’anatomie de MARY de manière
métaphorique, je dirais que la fillette en est le cœur, Frank les
muscles et les tendons, et Roberta en serait la colonne vertébrale.»
Elle a également été sensible aux nombreuses significations du
titre, GIFTED [« surdoué» mais aussi «cadeau» en français,
titre original de MARY]. « Il s’agit de l’histoire d’une
petite fille surdouée puis on découvre que Frank et sa sœur
étaient eux aussi des enfants surdoués. Mais je vois une tout autre
dimension à ce titre. Comme Mary est très proche de Roberta, une
femme sans enfant, celle-ci vit comme un cadeau du ciel la
possibilité de jouer un rôle maternel. C’est aussi un don du ciel
pour Frank d’avoir la responsabilité de quelqu’un d’autre que
lui. Ce film parle d’amour, du bien-être d’un enfant et d’une
famille recomposée ». Quand Evelyn entre en scène, Octavia Spencer
déclare que la dynamique établie est irrémédiablement altérée.
«On perçoit une certaine peur. Il s’agit essentiellement
d’amour-propre, Evelyn est une femme qui a de l’argent. Le risque
de perdre Mary est donc légitime, car pourquoi un juge refuserait-il
de la confier à une femme qui a bien plus de moyens que Frank ?»
Roberta se rend compte qu’elle est impuissante face à la bataille
engagée pour la garde de l’enfant. «Elle sait qu’elle n’a
aucun pouvoir ni aucun droit juridique pour influencer la situation.»
Roberta finit par prendre conscience du pouvoir qu’elle exerce sur
cette cellule familiale non conventionnelle. «Ces personnes
fonctionnent comme une vraie famille. Elles ont besoin les unes des
autres.»
Marc Webb avait une idée précise du
personnage de Bonnie, l’institutrice de Mary. «Bonnie a une
responsabilité d’ordre intellectuel à l’égard de Mary. Elle
sait à quel point il est crucial de stimuler l’intelligence de
cette enfant, ce qui la fait entrer en conflit avec Frank. Celui-ci a
peur d’isoler Mary, car sa nièce pourrait bien subir le même sort
que sa propre sœur. Bonnie a une approche beaucoup plus rationnelle
de la situation. Elle respecte le lien parental qui s’est tissé
entre Mary et Frank. Et elle a conscience que Frank est un bon père,
plus qu’il ne le croit lui-même. Le plus intéressant chez Bonnie,
c’est sans doute qu’elle n’est pas un personnage prétexte à
une histoire amoureuse. Elle est comme un miroir tendu à Frank ».
Une fois encore, la présence de JennySlate au générique a révélé
des liens inattendus entre le film et la comédienne.
« Je n’étais pas une enfant
surdouée, précise l’actrice, mais je ne tenais jamais en place.
J’avais vraiment du mal en maths. Pendant longtemps, j’ai cru que
je n’étais pas intelligente. Mais je lisais aussi des ouvrages
très difficiles et je n’étais pas adaptée au système scolaire.
Je savais que je n’étais pas comme les autres. J’étais
angoissée et je me sentais seule parce que je ne savais pas comment
mettre à profit mon intelligence ou l’utiliser en société. Je me
suis donc reconnue dans l’histoire que raconte le film.»
Jenny Slate est consciente que
l’existence de son personnage pourrait n’être qu’un prétexte
pour une histoire d’amour avec le protagoniste. «Mais grâce à la
description de Marc, je la vois un peu comme une enquêtrice. À
travers elle, on découvre beaucoup de choses au cours du film. Il ne
s’agissait donc pas d’être simplement douce et jolie, ce qui est
à la portée de n’importe qui. Je devais me montrer intelligente
d’une façon différente d’Evelyn. Elle n’affronte pas Frank
pour qu’il se sente rabaissé mais pour qu’il soit capable
d’assumer ses responsabilités d’adulte. » Quand les rapports
entre Frank et Bonnie deviennent plus personnels, «la tournure des
événements lui fait vraiment peur, remarque Jenny Slate. Ce que
j’aime chez elle, c’est qu’elle reconnaît parfaitement que ça
la rend nerveuse mais elle ne peut pas s’empêcher d’éprouver
des sentiments pour Frank .» Evans raconte qu’avant de rencontrer
Bonnie, Frank s’est entièrement consacré à élever Mary. «
Bonnie et Frank sont à première vue très différents mais ils
partagent les mêmes idées et aiment les mêmes choses.» Vers la
fin du film, Jenny Slate souligne que Bonnie doit faire un choix :
«Continue-t-elle sa relation avec Frank au risque d’être
délaissée ? Elle n’hésite pas à lui dire qu’il doit trouver
le moyen d’élever cette enfant. Bonnie tient le rôle principal à
ce moment-là et elle sacrifie son propre bonheur pour celui de cette
petite fille et de cet homme.»
LA MAÎTRISE DES MATHS
Le génie, c’est quelque chose qui vous arrive, pas une personne - Dr. Jordan Ellenberg
La production a rencontré plusieurs
mathématiciens et prodiges avant de commencer le tournage de MARY.
Il était en effet primordial que le don de Mary pour les
mathématiques paraisse vraisemblable. Qu’elle suive sa scolarité
à la maison, ou qu’elle passe des examens au MIT (Massachussetts
Institute of Technology), il fallait que ses aptitudes soient proches
de celles d’un véritable enfant prodige dans des circonstances
comparables. Karen Lunder s’est également entretenue avec des
psychologues et des parents d’enfants surdoués, et elle a même
fait rencontrer des professeurs d’une école privée pour petits
prodiges de Los Angeles à Marc Webb afin d’en savoir plus sur les
problèmes auxquels étaient confrontés ces enfants et leurs
familles. Ils ont fait la connaissance de Terrence Tao, professeur de
mathématiques à l’UCLA (Université de Californie à Los
Angeles), médaillé Fields et spécialiste des équations de
Navier-Stokes, qu’il est le seul à avoir quasiment résolues.
C’est un collègue de Terrence à l’UCLA qui a conseillé à
l’équipe du film de consulter Jordan Ellenberg.
En lisant le livre de Jordan Ellenberg,
«Comment ne pas se tromper », Karen Lunder a compris que son
expérience et sa mentalité allaient les aider dans leurs recherches
pour MARY. Quand Ellenberg avait deux ans, il a appris à lire tout
seul en regardant l’émission « 5, rue Sésame ». Sa mère s’en
est rendu compte par la suite, alors qu’elle conduisait. Ellenberg,
qui n’était encore qu’un bambin, lui avait indiqué où elle
devait tourner : «Le panneau a dit qu’il fallait tourner à droite
pour Bethseda.»
En CP, il aidait sa baby-sitter
collégienne à faire ses devoirs. En classe de Première, il a
obtenu un résultat d’excellence à ses examens d’entrée à
l’université. Titulaire de la bourse d’études Guggenheim, il a
décroché une licence à Harvard, un Master d’écriture à
l’Université John Hopkins, et a fini par retourner à Harvard
faire une thèse car les maths lui manquaient beaucoup trop. À la
fin de sa thèse, il a obtenu un post-doctorat à l’Université de
Princeton. Il est désormais professeur de mathématiques à
l’Université du Wisconsin.
« On a beaucoup discuté de la
proximité entre l’histoire de Mary et la mienne, confie Ellenberg.
J’ai grandi dans une famille où les mathématiques occupaient une
place centrale : mes deux parents étaient statisticiens, et j’ai
toujours aimé les maths depuis mon plus jeune âge. Mon souvenir le
plus lointain remonte à mes deux ans, où je m’asseyais sous la
table de la cuisine et où je m’amusais à faire des
multiplications.»
Ellenberg a été particulièrement
sensible à ce qu’il appelle les « mécanismes de pression et de
protection» qui sont dépeints dans le film : «C’est un phénomène
que beaucoup d’enfants surdoués et leurs parents ressentent. D’un
côté, si votre enfant a une vraie passion, un réel talent et des
capacités pour un domaine, vous voulez l’encourager à continuer
dans cette voie. Mais en même temps, vous devez constamment garder
en tête que ce n’est qu’un enfant. Ces enfants ne sont pas ‘que’
surdoués. Ce sont avant tout des petites personnes».
C’est avec cette contradiction que
Frank se débat pendant tout le film, et c’est cet équilibre
qu’Evelyn Adler a été incapable de trouver vis- à-vis de sa
propre fille : l’histoire se répète de génération en génération
au sein de la famille Adler. « Je crois que les gens ont tendance à
envisager le don pour les mathématiques comme une sorte de gisement
pétrolier : il y a un potentiel, et donc il faut l’exploiter à
tout prix, analyse Ellenberg. On ne peut pas traiter les gens comme
des ressources naturelles, et ça finit toujours par compliquer les
choses ». Mais, ajoute-t-il, je pense que tout le monde s’accorde
à dire que nul ne peut faire des mathématiques à un si haut niveau
sans aimer ça. D’ailleurs, je dirais même que c’est plus
important que l’intelligence ou le talent». « Certains estiment
que les enfants surdoués doivent côtoyer les gens qui leur
ressemblent et qu’ils doivent être séparés des gens normaux,
mais je pense que c’est très dangereux. Ces enfants-là ne sont
pas fondamentalement différents des autres. Ils savent juste faire
des choses que la plupart des enfants ne savent pas faire. Frank et
Evelyn incarnent en quelque sorte ces deux façons complètement
opposées d’envisager le problème, et au final, ils doivent
trouver un compromis», explique-t-il. Ellenberg a aidé l’équipe
de MARY à décrypter les cinq pages de formules présentes dans le
script : « Comme je connais bien le langage mathématiques, je peux
en parler comme on raconte une histoire. Pour quelqu’un qui n’y
connaît rien, ça ressemble à un bloc compact et indéchiffrable.»
Outre son rôle de conseiller
technique, Ellenberg apparaît sous les traits d’un professeur de
maths : « C’était plutôt facile à jouer pour moi, puisque je
devais parler de mathématiques comme je le fais presque tous les
jours de la semaine.»
LES ÉQUATIONS NAVIER-STOKES
Le plus important dans MARY concerne
sans doute la tentative de résolution d’un des problèmes
mathématiques les plus complexes au monde par la sœur de Frank
Adler. Les équations NavierStokes sont en effet un mystère encore
irrésolu du monde des mathématiques, et constituent l’un des six
problèmes à résoudre, sur les sept au total, pour le Prix du
Millénaire. Ces équations posent la question de la relation entre
la vélocité, la pression, la température et la densité d’un
fluide en mouvement. Tom Flynn a choisi les équations NavierStokes
en raison du retentissement et des conséquences scientifiques
majeures qu’entraînerait leur résolution : par exemple, des
phénomènes physiques comme les turbulences, qui sont d’une
importance cruciale pour beaucoup de scientifiques et d’ingénieurs,
ne sont pas encore bien comprises en matière d’équations
mathématiques. La résolution des équations Navier-Stokes offrirait
des pistes de réponses à ces phénomènes.
Si Diane Adler avait réussi, elle
aurait sans aucun doute décroché la médaille Fields, la plus haute
distinction de sa profession, ainsi que le Prix du Millénaire, une
récompense dotée d’un prix de un million de dollars.
LE SUD, LIEU DE CRÉATION ET DE
PROXIMITÉ AUX AUTRES
MARY se déroule en Floride, mais le
film a en fait été tourné dans l’État de Géorgie, plus
particulièrement à Savannah et dans ses environs, à l’instar de
l’île de Tybee, choisie pour sa proximité avec St. Petersburg.
Frank Adler tient à s’éloigner le plus possible de Boston pour
élever Mary : il trouve donc un coin de Floride assez peu fréquenté,
où il est sûr que personne ne viendra le chercher.
S’agissant des décors du film, Laura
Fox a dû non seulement mettre en valeur les couleurs de « l’État
ensoleillé » – surnom de la Floride — à Savannah afin d’y
restituer l’atmosphère des lieux, mais aussi utiliser l’espace
et l’évolution des personnages pour raconter l’histoire de MARY.
«Dans la première partie du film, les couleurs sont vives et
chatoyantes. Même si les Adler sont assez pauvres, il y a une
certaine gaieté qui se dégage de leur environnement, et c’est ce
qu’on a essayé de dépeindre au travers des décors. Ensuite, à
mesure que la tonalité du film devient plus grave, la gamme de
couleurs s’assombrit. » Elle explique que l’île de Tybee, où
ont été tournées les scènes dans l’appartement de Frank, «
ressemble à la Floride de la période coloniale. Quand on est parti
à St. Petersburg, j’ai défini toute une palette chromatique —
des roses, des bleus, des jaunes et des verts. Ce sont toutes ces
couleurs, typiques de la Floride, que l’on aperçoit dans
l’appartement des Adler, et cette palette se retrouve aussi par
petites touches dans d’autres espaces du film.»
MARY a été tourné presque
entièrement en décors naturels, et Laura Fox a parcouru toute la
région afin de repérer les lieux qui conviendraient le mieux au
film. Pour les scènes de tribunal au cours desquelles Evelyn et
Frank se disputent la garde de Mary, Laura a longtemps cherché la
salle d’audience idéale. En effet, la plupart de celles visitées
n’avaient pas de fenêtres. «On s’est mis en quête d’un
espace vide disposant de belles fenêtres. Puis, à la bibliothèque
de Savannah, j’ai découvert une salle de réunion, ornée d’une
belle fresque murale, qui était à l’origine la bibliothèque des
enfants.» Elle s’est également demandé comment Mary s’occupe
quand elle ne fait pas de mathématiques. « Elle est jeune, surdouée
et pauvre — à quoi donc pourrait-elle employer son temps ? À
ramasser plein de coquillages. Ensuite, elle les assemble chez elle,
suivant la façon si singulière qu’elle a de réfléchir.»
C’est cette même attention aux
détails qu’a apportée la chef costumière Abby O’Sullivan. Les
bureaux de la production et le département des costumes étaient
situés au rez-de-chaussée d’un centre commercial à moitié
abandonné. « On entrait dans le centre commercial, et là, elle
avait construit un espace pour chaque personnage, avec non seulement
toute sa garde-robe, mais aussi tout ce qui l’avait inspirée pour
la créer», se souvient le producteur Andy Cohen. Abby O’Sullivan
avait des images bien précises en tête. « Elle nous a raconté
l’histoire de chaque élément de la garde-robe l’un après
l’autre, en précisant même l’endroit où le personnage aurait
pu acheter tel ou tel vêtement.»
Pour Abby O’Sullivan, le fait que
MARY soit tourné en 35 mm a constitué un réel avantage, «
beaucoup plus naturel. » Elle souligne également que Marc Webb
était très attentif au processus de vieillissement et de séchage
des costumes des acteurs : il faisait très attention à ce que
devaient représenter les costumes, à l’image des tenues que Frank
porte dans le cadre de son travail de réparateur de bateaux par
exemple. Abby a choisi pour Mary une palette de couleurs primaires
très inspirée des années 1980 et pour Frank, des tons mats et
naturels. « Les seules touches pastel du film se retrouvent dans la
garde-robe d’Evelyn et à l’extérieur de leurs maisons. » Étant
donné l’espace exigu où vivent les Adler, ainsi que leurs faibles
revenus, Mary ne pouvait pas disposer d’une garde-robe importante.
Par conséquent, dès que Mckenna s’est fixée sur les tenues
qu’elle préférait, Abby a fait en sorte qu’elle porte les mêmes
costumes, comme ce serait le cas d’une petite fille issue du même
milieu. L’acteur et icône de mode Steve McQueen a inspiré le
style vestimentaire de Frank Adler tout au long du film. «Le
personnage de Chris est en fait fondé en grande partie sur un livre
de McQueen. À partir de cette image, nous avons pu construire un
personnage moderne… Il ne porte pas de motifs ou très peu, il
porte des tee-shirts blancs et des pantalons légers.»
Abby O’Sullivan et Andy Cohen, sur le
travail du directeur de la photographie, Stuart Dryburgh : «Il a
réussi à créer de véritables tableaux grâce à ses éclairages,
que ce soit un plan de coucher de soleil, un ponton, ou l’atelier
de réparation des bateaux...» Stuart Dryburgh et Marc Webb ont
étroitement collaboré tout au long du film. «Ils ont passé
énormément de temps ensemble, à décider du thème de chaque
scène, et de la façon dont ils voulaient la filmer.»
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