Comédie musicale/Romance/Une histoire classique dans un écrin brillant
Réalisé par Damien Chazelle
Avec Ryan Gosling, Emma Stone, John Legend, J.K. Simmons, Rosemarie DeWitt, Finn Wittrock, Callie Hernandez, Sonoya Mizuno...
Long-métrage Américain
Durée: 02h08mn
Année de production: 2016
Distributeur: SND
Date de sortie sur les écrans américains : 25 décembre 2016
Date de sortie sur nos écrans : 25 janvier 2017
Résumé : Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions.
De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance.
Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent…
Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood ?
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : Damien Chazelle nous offre une réalisation riche en beaux plans et en idées. Son LA LA LAND est foncièrement original.
À travers l'histoire de ces deux destinées qui s'entrelacent, il visite de nombreux genres (comédie musicale, romance, hommage aux films d’antan...) sans jamais vraiment s'attacher à l'un d'eux. Cela peut décontenancer. On passe de moments réalistes à de la vie fantasmée ou rêvée tout au long du film.
Cette histoire romantique contrariée par les aléas et les obligations de la vie veut s'ancrer dans l'émotion, peut-être un peu trop pour que cela fonctionne vraiment à mon goût. De plus, quelques longueurs s'installent. L'intrigue n'est pas suffisamment étoffée pour la durée du film.
L'histoire se situe à Los Angeles, dans le monde des artistes qui cherchent à vivre de leur art. Ce n'est pas si commun comme contexte. Il permet de multiplier les ambiances. Le réalisateur l'utilise intelligemment pour nous entraîner en permanence à la limite du rêve et de la réalité.
La mise en scène et la direction d'acteurs sont très impressionnantes. Il fallait à Damien Chazelle un couple d'acteurs talentueux qui puissent tout faire et être crédibles dans des situations banales ou fantaisistes. Avec le duo Emma Stone/Ryan Gosling, il a trouvé ses deux perles. Emma Stone, qui interprète Mia, une jeune femme qui veut devenir actrice, est particulièrement touchante. Elle sait être drôle, légère, sérieuse. Elle chante, danse, joue. Elle est parfaite dans toutes les situations.
Ryan Gosling interprète Sebastian, un jeune homme amoureux du jazz. Il offre à son protagoniste une personnalité aussi décalée que sa passion dévorante. Il est attachant.
Avec LA LA LAND, Damien Chazelle nous livre une histoire romantique classique dans un écrin brillant. En fonction de sa sensibilité, on adhérera plus ou moins aux aspects émotionnels et romantiques, mais il n'en demeure pas moins que c'est un film hors norme qui proposent aux spectateurs une jolie histoire très agréable à regarder.
Damien Chazelle, le réalisateur, sur le tournage de La La Land |
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NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Un pianiste de jazz et une actrice en devenir tombent
amoureux dans la ville des stars…
À la fois hommage à la grande époque des comédies musicales
hollywoodiennes, déclaration d'amour au mythe éternel de Los Angeles et
histoire d'un coup de foudre, LA LA LAND réunit Ryan Gosling et Emma Stone
devant la caméra de Damien Chazelle (WHIPLASH, oscarisé).
Comme toute histoire se déroulant à Los Angeles, le film
commence sur une autoroute ! C'est là que Sebastian rencontre Mia, en plein
embouteillage, comme une métaphore de l'impasse dans laquelle se trouvent les
deux futurs amoureux. Car ils aspirent chacun à accomplir leurs rêves :
Sebastian souhaiterait que le public du XXIème siècle s'intéresse encore au
jazz traditionnel, tandis que Mia aimerait enfin passer une audition sans qu'on
l'interrompe. Mais aucun des deux ne se doute que leur rencontre fatidique leur
permettra de franchir des pas de géant…
Tout en étant jalonnée d'obstacles, leur trajectoire
amoureuse et artistique esquisse les contours d'un univers cinématographique
singulier. Un univers conjuguant lumière, couleurs, son, musique et mots qui
évoque le bonheur auquel chacun aspire et les chagrins d'amour dont on ne se
relève jamais…
Référentiel et audacieux, LA LA LAND rend hommage au
classicisme hollywoodien et construit un monde à la fois crédible et
merveilleux autour des relations amoureuses, des rêves intimes et des choix de
toute une vie. "Ce qui comptait à mes yeux, c'était de faire un film sur
deux êtres animés par des rêves quasi irréalisables qui les poussent l'un vers
l'autre, mais qui les divisent aussi", confie Chazelle.
Il poursuit : "Même si LA LA LAND est très différent de
WHIPLASH à bien des égards, ces deux films parlent d'un sujet qui me tient
beaucoup à cœur : comment trouver un équilibre entre l'art et la vie, entre les
rêves et la réalité – et plus précisément, comment trouver un équilibre entre
son rapport à son art et son rapport aux autres. Avec LA LA LAND, je voulais
aborder ces thèmes en utilisant la musique, les chansons et la danse. Je trouve
que la comédie musicale est le genre par excellence qui permet d'évoquer ce
délicat dosage entre rêve et réalité".
Si les codes du film sont atemporels, le producteur Marc
Platt, grand nom de la comédie musicale, souligne que l'approche est novatrice.
Il a fait équipe avec les producteurs Fred Berger et Jordan Horowitz qui, dès
le départ, ont développé le projet avec Chazelle. "Damien a renouvelé le
genre en s'inspirant de motifs classiques mais il a su les réinterpréter d'une
manière contemporaine", dit-il. "À partir des codes de l'âge d'or du
cinéma hollywoodien, il a réussi à réaliser une œuvre qui s'adresse aux
nouvelles générations".
Pour trouver l'adéquation entre audace des idées et forme
classique, le cinéaste a réuni des collaborateurs qui ont chacun puisé dans
leur imaginaire. Outre Berger, Horowitz et Platt, citons le compositeur Justin
Hurwitz (déjà à l'affiche de WHIPLASH et GUY AND MADELINE ON A PARK BENCH) qui
a créé tout un univers musical ; les auteurs Benj Pasek et Justin Paul (cités
au Tony et à l'Emmy), dignes héritiers de Rogers et Hammerstein, qui ont signé
les textes des chansons ; le producteur exécutif musical Marius de Vries, qui a
assuré la direction musicale de MOULIN ROUGE et collaboré à la partition de
ROMÉO + JULIETTE de Baz Luhrmann ; et la chorégraphe Mandy Moore qui a su
démocratiser la danse contemporaine avec l'émission "So You Think You Can
Dance" et qui collabore pour la première fois à un long métrage. Hurwitz
précise que Chazelle et lui ont cherché le moyen de se réapproprier un genre
parfois empreint de nostalgie à travers un langage musical, visuel et
émotionnel résolument contemporain.
"La perspective de ne pas se contenter de faire un film
musical, mais d'y évoquer les amours et les rêves dans le Los Angeles
d'aujourd'hui, nous a galvanisés, Damien et moi", indique le compositeur.
"On vit plus intensément dans les comédies musicales, et c'est ce qui nous
plaît, mais on tenait également à apporter une part de réalisme dans cet
univers féerique".
Pour Mandy Moore, LA LA LAND occupe une place singulière, à
mi-chemin entre le contemporain et l'atemporel. "Le film montre bien à
quel point cette alliance entre musique, chorégraphie, jeu des acteurs, chant
et narration peut être actuelle", note-t-elle.
DANS LE MONDE DE LA LA LAND
C'est d'abord un rêve insensé qui a donné naissance à ce
projet. Damien Chazelle souhaitait savoir s'il pouvait tourner un film qui
convoque la magie et la force des plus grandes comédies musicales américaines
et françaises d'autrefois à une époque – la nôtre – dominée par le cynisme. Car
si notre monde a changé à une vitesse vertigineuse en un demi-siècle,
sommes-nous pour autant moins sensibles aux rencontres fortuites ou aux
occasions manquées ? Aux rêves qui n'aboutissent pas ou à ceux qui se
concrétisent ? À l'expérience de l'amour fou ou à l'impact des mutations de la
société sur nos rapports les plus intimes ?
Le réalisateur s'est demandé s'il pouvait raconter une
histoire à travers des scènes chantées et dansées pour procurer du bonheur au
spectateur à une époque où le numérique et le pessimisme ont envahi le cinéma.
"Avec LA LA LAND, je voulais raconter une histoire
d'amour et réaliser une comédie musicale digne de celles qui m'ont enchanté
quand j'étais gamin, mais en l'inscrivant dans un contexte très actuel",
dit-il. "Je voulais utiliser la couleur, les décors, les costumes et les
codes expressionnistes du cinéma d'autrefois pour raconter une histoire se déroulant
aujourd'hui".
Marc Platt remarque : "L'esthétique de LA LA LAND est
très contemporaine. Les mouvements de caméra sont fluides pour plonger le
spectateur dans l'énergie du moment, tout en le ramenant à l'âge d'or
hollywoodien".
Si ce style visuel s'inspire de la grande cinéphilie de
Chazelle, le film est né d'un rendez-vous entre le réalisateur et deux jeunes
producteurs : Fred Berger, qui a fait ses débuts avec Sofia Coppola et produit
L'HONNEUR D'UN MARINE et THE TITAN, et Jordan Horowitz, connu pour TOUT VA
BIEN, THE KIDS ARE ALL RIGHT. C'est lors de cette réunion que Chazelle a fait
part de son projet de drame romantique et musical situé à Los Angeles. Les
producteurs ignoraient totalement quelle forme pourrait prendre ce film, mais
l'ambition du cinéaste les a intrigués. "Quand on a fait sa connaissance,
Damien nous a bluffés par sa connaissance du cinéma, alors même qu'il n'avait
réalisé qu'un film indépendant", confie Berger.
"En voyant ce garçon timide s'épanouir en réalisateur
prometteur, on a compris dès ce premier rendez-vous qu'on avait affaire à
quelqu'un d'exceptionnel". Le producteur se souvient de la manière dont
Chazelle leur a présenté son projet : "C'était d'une audace et d'une
originalité extraordinaire. On craignait que ce projet ne voie jamais le jour
dans le contexte actuel, si bien qu'on a eu envie de tout mettre en œuvre pour
qu'il se fasse. Il réinvente totalement le film musical. Et connaissant la
cinéphilie encyclopédique de Damien, on s'est dit que s'il y avait bien quelqu'un
à même de faire aboutir ce projet, c'était lui". "L'énergie et la
créativité de Damien sont si communicatives que lorsqu'il nous a dit que
c'était là le film qu'il souhaitait faire, on a eu envie de l'accompagner, quoi
qu'il nous en coûte", ajoute Horowitz.
"Mais il fallait qu'on réfléchisse à la meilleure
manière de le faire. On a adoré son idée de départ mais il a ensuite fallu pas
mal de temps pour développer le scénario, les personnages et les
chansons". Horowitz et Berger étaient conscients que le défi était
immense, mais ils savaient aussi qu'il n'y avait qu'une seule manière de s'y
prendre : en s'y donnant corps et âme. "On a décidé d'oublier toute
prudence", reprend Horowitz. "On travaillait librement parce qu'on
n'avait pas d'échéance à respecter au départ. On savait seulement qu'on
trouverait le moyen de tourner ce film".
De son côté, Chazelle était inspiré par Jacques Demy et ses
œuvres musicales acidulées comme LES PARAPLUIES DE CHERBOURG, LES DEMOISELLES
DE ROCHEFORT ou UNE CHAMBRE EN VILLE. "C'est sans doute Demy qui m'a le
plus influencé, non seulement pour ce film mais pour tout ce que j'ai fait
jusque-là", confie le réalisateur.
"Aucun film ne m'a davantage marqué que LES PARAPLUIES
DE CHERBOURG. J'y suis profondément attaché". Il a souhaité inscrire les
codes des comédies musicales des années 40, 50 et 60 qu'il affectionne tant –
la partition musicale ininterrompue, les couleurs vives, l'énergie – dans sa
ville préférée : Los Angeles, personnage à part entière. La métropole
californienne a servi tour à tour de cadre étouffant aux films noirs et de
paradis luxuriant pour jeunes filles en bikini, mais elle a aussi été une ville
ivre d'ambition. Pourtant, Chazelle souhaitait envisager Los Angeles comme une
muse – un microcosme de rencontres fatidiques et d'embouteillages sans fin où
chacun poursuit un rêve inaccessible, parfois futile, parfois déterminant.
"LA LA LAND met en scène une ville spectaculaire qui
est aussi un monde à part entière", remarque le cinéaste. "Du coup,
je me suis dit que ce serait formidable de la filmer en Scope pour qu'elle ait
l'envergure et le côté spectaculaire d'une comédie musicale hollywoodienne de
la grande époque". Il a situé la scène d'ouverture dans un bouchon
d'autoroute pour des raisons assumées. "À Los Angeles, la plupart des
voitures qui circulent ne transportent qu'une ou deux personnes", poursuit
Chazelle.
"C'est ce qui donne à cette ville un sentiment de
solitude. Mais c'est aussi ce qui fait de Los Angeles un paradis pour les
rêveurs. Car que peut-on bien faire au volant ? Soit on écoute de la musique,
soit on rêve. Chacun nourrit son propre rêve, chacun est plongé dans sa propre
chanson. On est dans son propre univers ouaté, et on s'invente sa propre
comédie musicale. C'est pour toutes ces raisons que l'embouteillage est le lieu
idéal pour la rencontre entre deux rêveurs comme Sebastian et Mia. On s'est
servi des autoradios pour imaginer une mosaïque musicale dans laquelle tous
ceux qui sont coincés dans ce bouchon gigantesque interviennent les uns après les
autres".
Le Los Angeles de Chazelle est aussi une ville de désirs
inassouvis – de clubs de jazz clandestins, de salles d'audition où l'on attend,
le cœur serré, l'occasion de tenter sa chance, d'appartements où l'on fait
halte le temps d'une nuit, et de cafétérias des grands studios où se croisent
les stars et les apprentis comédiens. C'est aussi une ville où les soirées, les
planétariums et mêmes les parkings, qui sont autant de lieux banals, peuvent
composer un paysage cinématographique propice à la musique. "LA LA LAND
est incontestablement une déclaration d'amour à la ville", souligne Platt.
"La manière dont le film met en scène deux jeunes gens très branchés dans
des sites hollywoodiens emblématiques est incomparable. On ressent à la fois le
fantasme romantique qu'incarne Los Angeles et son ancrage dans une réalité
quotidienne".
Certes, le projet de Chazelle était sophistiqué, mais un
film musical de grande ampleur n'était pas franchement évident pour un
réalisateur encore débutant. Celui-ci s'est fait connaître pour WHIPLASH
(2014), histoire d'un jeune batteur de jazz et de son redoutable prof qui a
fasciné le public. WHIPLASH a remporté trois Oscars sur cinq nominations, dont
une dans la catégorie meilleur film. Avant WHIPLASH, Chazelle avait déjà exploré
le genre musical.
Son premier long métrage, GUY AND MADELINE ON A PARK BENCH,
était une histoire d'amour en noir et blanc racontée à travers des chansons et
des danses : il s'agissait de son film de fin d'études à Harvard, relecture
moderne des comédies musicales de la MGM tournées pour un budget dérisoire.
Pour le cinéaste, c'était autant l'occasion de se plonger dans l'histoire du
cinéma que de proposer une œuvre visionnaire.
"J'ai découvert la comédie musicale tardivement, vers
la fin de mes études secondaires, au moment où je m'intéressais au cinéma
d'avant-garde, et j'ai commencé à regarder les films avec Fred Astaire et
Ginger Rogers", explique Chazelle. "Les comédies musicales des années
30 étaient très expérimentales et je trouvais cela enthousiasmant". Avec
GUY AND MADELINE ON A PARK BENCH, Chazelle s'est imposé comme un talent
prometteur. Mais il aspirait encore à des rêves de cinéma en Technicolor et il
attendait son heure pour s'y atteler. "Ce film n'était qu'une esquisse de
ce que j'avais vraiment envie de faire dans le genre", reprend-il.
"Du coup, j'ai continué à écrire des scénarios jusqu'à
ce que je trouve une idée pour une comédie musicale de plus grande envergure
qui obéisse aux mêmes codes – un film musical qui parle de la vraie vie mais
qui soit fidèle aux œuvres spectaculaires du genre, tournées en Cinemascope et
en Technicolor dans les années 50".
Ce sont ces rêves qui ont abouti à LA LA LAND, même si la
trajectoire n'a pas été linéaire. Chazelle a d'abord échafaudé l'intrigue avec
Hurwitz – qu'il a rencontré pendant ses études à Harvard – bien avant que les
deux hommes ne collaborent aux partitions de GUY AND MADELINE ON A PARK BENCH
et de WHIPLASH. Hurwitz explique que Chazelle et lui ont toujours parlé
ensemble de rythme et de mélodie. "Depuis qu'on se connaît, nos rapports
tournent autour de la musique, et les films comportant d'importantes scènes
chantées et dansées nous ont beaucoup inspirés, qu'il s'agisse des PARAPLUIES
DE CHERBOURG ou de CHANTONS SOUS LA PLUIE".
"Justin et moi nous comprenons à demi-mot et parlons le
même langage", intervient le réalisateur. "Il a écrit la partition de
WHIPLASH et de LA LA LAND, et j'espère qu'il composera la musique de tous mes
films à venir". Hurwitz était enchanté par les personnages de Sebastian et
Mia, deux rêveurs des temps modernes qui incarnent leurs deux grandes passions
: la musique et le cinéma. Pour le compositeur, l'attirance magnétique entre
Sebastian et Mia – aimantés l'un à l'autre tout en s'affrontant en raison de
leurs ambitions artistiques distinctes – est la force motrice du film et même
de sa musique.
"C'est un film très romantique, quoique empreint de
mélancolie", dit-il. "Il exalte les sentiments les plus fous et il
évoque les chagrins d'amour déchirants, si bien qu'il fallait que toutes ces
nuances se retrouvent dans la partition". L'émulation entre Chazelle et
Hurwitz est totale : "Justin est à mes côtés depuis le tout début du
projet", signale le réalisateur.
"Avant même que je n'écrive le moindre dialogue, alors
qu'on réfléchissait encore à l'intrigue, Justin développait déjà le thème
musical du film. Même pendant le montage, je travaillais dans une pièce, et
lui, juste en face de là où j'étais". Fred Berger note : "Justin a
été une des pierres angulaires de ce projet dès le premier jour. Ce qui est
formidable, c'est qu'il composait la musique pendant le développement du
scénario – et comme Justin et Damien se connaissent depuis qu'ils ont 18 ans,
ils collaborent ensemble comme deux frères en se poussant mutuellement dans
leurs retranchements. Justin ne vit que par et pour la musique et il n'est prêt
à aucun compromis. Il envoyait des centaines de mélodies au piano à Damien, qui
les réduisait à une vingtaine, puis avec Jordan, on les écoutait et on les
réduisait encore – et à partir de ces quelques éléments, on a développé les
chansons presque de la même manière qu'on développe un scénario".
Marc Platt souligne : "Justin Hurwitz est un artiste
exceptionnel : c'est un type discret doté d'une âme d'une grande profondeur qui
se manifeste à travers sa musique. Pour LA LA LAND, on lui a demandé d'écrire
des mélodies qui convoquent plusieurs émotions, évocatrices de la période
actuelle et d'un univers de jazz atemporel. Il a écrit chaque note de musique
du film – c'est un musicien qui fait parfaitement écho au style de Damien et
qui possède son propre langage".
Marius de Vries, qui a travaillé avec Hurwitz et l'ensemble
des collaborateurs dès les préparatifs, précise : "C'était formidable de
disposer du scénario d'une grande richesse de Damien, des magnifiques mélodies
de Justin et de ses subtiles orchestrations à un stade très avancé alors qu'on
était encore en prépa. LA LA LAND possédait sa propre tonalité musicale dès le
début. On a tout de suite compris l'univers musical et sonore dans lequel on
était, si bien qu'on a pu le développer et le préserver plus facilement".
Lorsque l'accueil de WHIPLASH a imposé Chazelle comme un
réalisateur de premier plan, LA LA LAND a suscité un regain d'intérêt. Chazelle
a présenté son projet à Lionsgate, qui tenait à ce que le film soit réalisé
exactement selon les intentions de son auteur. "On nous a offert la
possibilité de faire précisément le film que Justin et moi avions envisagé en
2006", indique le cinéaste. "On l'a réalisé sans le moindre
compromis. Comme on est réalistes, on s'attendait à devoir faire un minimum de
concession car, dans la vraie vie, on ne peut jamais assouvir totalement ses
fantasmes. Mais, de ce point de vue, cette aventure nous a permis de
concrétiser nos rêves les plus fous".
Au cours du développement du projet, Marc Platt, qui a fait
ses débuts au théâtre et produit INTO THE WOODS, PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS
et NINE, a rejoint l'équipe. Il reconnaît ne pas avoir pu résister à la
perspective d'une collaboration avec Chazelle. "J'admire énormément les
comédies musicales, et j'admire aussi les cinéastes actuels qui ont vraiment
quelque chose à dire et qui proposent un moyen original de le faire",
dit-il.
"J'ai aussitôt été frappé par la manière dont la vision
de Damien intégrait le passé au présent. Il était prêt à tourner à la manière
des grands studios d'autrefois qui ne passaient pas leur temps à changer de
plan toutes les deux minutes. Il apprécie la palette très riche de Demy et la
chorégraphie de Jerome Robbins et de Bob Fosse. Mais dans le même temps, la
force de son scénario tient au réalisme des émotions qui vient des deux
adorables protagonistes, ancrés dans la modernité". Pour autant, les films
musicaux sont réputés pour être difficiles à monter financièrement dans le
contexte actuel. "Il y a tellement plus de paramètres que pour un film
classique", constate Platt.
"Tout d'abord, il y a la musique – la mélodie, le
texte, l'orchestration et les arrangements –, ensuite il y a les comédiens qui
doivent apprendre les chansons et les numéros dansés, et enfin il y a les
décors, les costumes, les mouvements d'appareil, les éclairages : cet ensemble
doit composer un univers qui est légèrement en décalage avec notre quotidien.
La question était de savoir si on allait pouvoir créer une unité entre tous ces
éléments qui soit contemporaine".
Pour y répondre, la production a engagé deux comédiens qui
forment un couple résolument moderne. "Je voulais qu'on réutilise cette
vieille recette hollywoodienne consistant à confier les rôles principaux à un
couple de cinéma mythique. C'était le cas de Fred Astaire et Ginger Rogers,
Bogart et Lauren Bacall, Myrna Loy et Dick Powell – ces comédiens hauts en
couleurs qui jouaient des rôles différents mais qui restaient de fortes personnalités.
Je trouve cette idée merveilleusement romantique et j'avais l'impression que
Ryan Gosling et Emma étaient les acteurs qui s'en rapprochaient le plus. Dans
le même temps, je me disais qu'ils pouvaient rendre le film constamment
surprenant et déjouer les attentes. Du coup, on ne joue pas sur le côté glamour
qu'on associe en général à la présence de Ryan et d'Emma dans le même
film".
Car si LA LA LAND est une véritable histoire d'amour, il
évoque aussi ce à quoi l'on renonce pour aller au bout de nos rêves. "Le
plus terrible, c'est que pour réaliser leurs rêves, Sebastian et Mia doivent se
séparer", affirme Chazelle. "Je suis très ému par le fait qu'on
puisse rencontrer quelqu'un qui vous transforme et vous oriente sur une voie
vous permettant – enfin ! – de concrétiser vos rêves – mais que, au bout du
compte, on doive s'engager seul sur cette voie", déclare le réalisateur.
"On peut former un couple avec quelqu'un qui vous marque à vie, sans
forcément rester avec cette personne jusqu'à la fin de vos jours. Je trouve
cela magnifique, bouleversant et merveilleux. Pour moi, c'était le sujet
central du film".
L'histoire de Sebastian
Pianiste de jazz, Sebastian manque de justesse de passer à
côté du grand amour de sa vie. Partisan d'un jazz traditionnel, il refuse le
moindre compromis et commence par snober Mia qui, selon lui, est incapable de
le comprendre. Mais rien ne se passe comme prévu. Cité à l'Oscar, Ryan Gosling
tient sans doute ici le rôle le plus inattendu de son parcours.
Depuis qu'il a été révélé avec HALF NELSON, il a enchaîné
avec UNE FIANCÉE PAS COMME LES AUTRES, LES MARCHES DU POUVOIR, BLUE VALENTINE,
DRIVE et THE BIG SHORT : LE CASSE DU SIÈCLE et s'est fait connaître pour son
tempérament fougueux. Comment l'imaginer en protagoniste doux et charmeur d'une
comédie musicale ?
La production était convaincue qu'il était l'homme de la
situation. Marc Platt avait déjà collaboré avec Gosling sur DRIVE et savait
qu'il pouvait encore réserver des surprises. "D'abord, c'est un
merveilleux acteur qui sait jouer dans tous les registres – drame, comédie,
violence, douceur, charme, chant, piano, danse…
Et Ryan possède une dimension atemporelle qui correspond au
film et au personnage. Le rôle exigeait aussi une préparation intense et je
savais que Ryan en était capable", dit-il. Fred Berger souligne que
Gosling semblait comprendre ce qui fait vibrer son personnage et qui séduit
Mia. "Ryan l'interprète comme un homme de grande conviction",
détaille Berger. "D'où sa détermination à rester à Los Angeles pour y
réaliser son rêve sans le moindre compromis. Ce n'est pas par vanité ou par
esprit revanchard qu'il s'obstine, mais parce qu'il est animé par une véritable
passion que Ryan exprime admirablement dans son interprétation".
Il se trouve que Gosling affectionne lui-même la comédie
musicale : "J'étais très intrigué par le fait que Damien souhaite
s'inscrire dans la grande tradition des films de Fred Astaire et Ginger Rogers
ou de Gene Kelly, car ce sont justement les comédies musicales qui me
touchent", reconnaît l'acteur. "C'était d'autant plus merveilleux
qu'il veuille faire un film dans ce style-là que j'avais moi-même secrètement
envie de tourner un long métrage du même genre".
Gosling était également séduit par l'idée d'incarner un
homme vénérant du plus profond de son être, un art qui semble décliner à une
époque marquée par des changements culturels rapides. "Sebastian a
consacré sa vie à devenir un grand pianiste de jazz mais il a compris au fond
de lui que cette époque est révolue", reprend Gosling.
"Ses héros ont au moins 70 ans, et désormais, un grand
pianiste qui joue du vrai jazz est voué à travailler dans des bars où les
clients ne prennent même plus la peine d'interrompre leurs conversations pour
écouter la musique. Faut-il donc se résoudre à accepter des compromis pour être
un artiste ?" La ligne de démarcation entre l'attachement à de grands
principes et le risque de se marginaliser est ténue, comme le reconnaît
Gosling. "Je crois que Sebastian se débat entre le purisme et le risque de
basculer dans le snobisme", dit-il.
"Au bout du compte, il doit se poser une question que
de nombreux artistes se posent à un moment ou à un autre : faut-il continuer à
faire ce boulot qui me permet de vivre ou est-ce que je dois bien admettre que
ce n'est qu'un travail et que je dois payer mes factures ?" Cette
interrogation prend une nouvelle résonance lorsque Sebastian rencontre Mia. Il
sent presque immédiatement que son destin à elle est prometteur et il souhaite
l'aider à réaliser ses rêves.
"Je crois que c'est plus facile pour lui d'accompagner
Mia dans ses ambitions que de faire aboutir les siennes", remarque
l'acteur. "Il estime que Mia doit susciter ses propres opportunités et
arrêter qu'on lui donne la permission de faire ce qu'elle a envie de faire".
Même si Gosling a pu s'identifier au personnage, il a pris des cours de piano
pendant plusieurs mois et s'est initié à un style de danse dégageant charme et
modernité. Justin Hurwitz s'est dit impressionné par l'énergie inépuisable de
Ryan Gosling. "Le travail qu'il a accompli pour apprendre à jouer du piano
est tout simplement insensé", dit-il.
"Je ne m'en remets pas. Son investissement dans ses
cours de piano – sans même parler de son travail d'acteur et de son
entraînement au chant et à la danse – est renversant. C'était l'une des plus
belles surprises du film de constater les prouesses qu'il a su accomplir".
Marius de Vries confirme : "Je n'ai jamais rien vu de tel !"
"D'ailleurs, on n'a jamais utilisé de doublure pour les gros plans sur les
mains de Sebastian quand il est au piano", affirme le cinéaste. "Ce
sont celles de Ryan. Pour ce rôle, il nous fallait un comédien qui ait
suffisamment de conscience professionnelle pour devenir musicien. Et Ryan a
relevé le pari".
Le grand musicien John Legend confie : "J'étais jaloux,
je l'avoue ! Rien qu'à regarder Ryan jouer, je me disais que ce type était très
bon alors qu'il n'avait appris à jouer que quelques mois plus tôt. C'est assez
impressionnant". Gosling a relevé le défi avec l'énergie d'un homme
habité, notamment parce qu'il s'agissait pour lui aussi de l'accomplissement
d'un rêve. "J'ai toujours souhaité avoir le temps d'apprendre à jouer du
piano – et j'ai eu cette magnifique opportunité de me retrouver devant un piano
pendant trois mois et de ne faire que jouer ! Et j'en ai profité. C'est
vraiment l'une des périodes de prépa les plus exaltantes que j'aie jamais
connues", dit-il.
Lorsque l'acteur ne s'entraînait pas au piano, il dansait
avec Emma Stone et Mandy Moore. "D'emblée, j'ai compris que Ryan avait du
talent", remarque-t-elle. "Il maîtrise très bien sa gestuelle et il
est d'une grande exigence vis-à-vis de lui-même. Dès le premier jour, il n'a
cessé de dire 'Je peux faire mieux'. Mais de mon point de vue, ses progrès ont
été impressionnants. On aurait dit qu'une flamme intérieure brûlait en lui.
Ryan s'imprègne de ce qu'il apprend, puis il se l'approprie à sa manière. Une
fois qu'il a intégré les mouvements, il était prêt à accomplir des
miracles".
Emma Stone, qui a donné la réplique à Ryan Gosling dans
CRAZY, STUPID, LOVE et GANGSTER SQUAD, n'a eu aucun mal à former un couple avec
son partenaire qui a su faire de son personnage un type drôle, charismatique et
perturbé. "Ryan s'est énormément investi dans le rôle",
constate-t-elle. "Il a appris à jouer du piano avec brio et il s'est
révélé un merveilleux partenaire de danse. Mais ce qui m'a le plus surprise,
c'est qu'il est extrêmement drôle. Ce que je veux dire par là, c'est que même
si je sais que Ryan est un type drôle, il s'est révélé VRAIMENT irrésistible dans
ce film. Il s'est totalement accompli en Sebastian".
Emma Stone/Le rêve de Mia
Apprentie comédienne, Mia semble ne pouvoir échapper à un
cycle infernal, passant d'un boulot de barmaid à des auditions ne débouchant
jamais sur rien. Mais elle ne cesse de croiser le même pianiste mal embouché au
volant de son cabriolet – et la roue tourne…
Citée aux Oscars, Emma Stone, à l'affiche de SUPERGRAVE,
EASY GIRL, LA COULEUR DES SENTIMENTS et BIRDMAN, a dû relever un défi
considérable. En effet, elle campe une jeune femme dont les ambitions et les
sentiments sont ancrés dans la réalité… et qui doit d'un instant à l'autre se
mettre à danser et chanter. Par chance, l'actrice a déjà incarné des
personnages dramatiques et témoigné de ses talents de chanteuse en interprétant
Sally Bowles dans la reprise de "Cabaret".
"La puissance de son jeu dans les scènes chantées et
dansées et sa palette d'émotions sont épatantes", relève Chazelle.
"Je trouve qu'elle est l'une des plus grandes comédiennes de sa génération
: elle est capable d'exprimer beaucoup de choses sans dialogue, rien qu'avec
son visage et sa gestuelle. C'est exactement ce que je cherchais : raconter une
histoire et construire des personnages à travers des chansons et des pas de
danse. Emma y est parvenue, tout en incarnant une femme parfaitement
vraisemblable".
Ryan Gosling a été émerveillé par le choix d'Emma Stone :
"Emma est unique", dit-il. "Et elle fait de Mia un personnage
tout aussi unique. On est en empathie avec Mia qui travaille à Los Angeles en
voulant tenter sa chance. Mais on se rend aussi compte que Mia n'est pas tout à
fait comme les autres et qu'elle ne correspond pas forcément à ce que recherche
le monde du spectacle, autrement dit des artistes interchangeables. Elle n'est
pas comme ça". Gosling ajoute : "C'est aussi une merveilleuse
danseuse et je me reposais littéralement sur elle la plupart du temps".
Pour la production, grâce à Emma Stone, Mia est un personnage dans lequel
toutes les femmes peuvent se reconnaître, même si elle évolue dans un monde à
part.
Selon Jordan Horowitz, "Emma apporte du réalisme au
personnage – et même si le mot est souvent galvaudé, il ne l'est pas dans son
cas. Elle dégage un glamour digne des plus grandes stars et reste accessible et
authentique. C'est difficile de ne pas tomber amoureux d'elle. On devine ses
émotions et vu la trajectoire de Mia, c'était d'une importance capitale".
Marc Platt précise : "Tout le monde ne rêve pas de
devenir acteur mais l'interprétation d'Emma transcende cette ambition
particulière. On a le sentiment que le rêve de Mia pourrait être celui de la
plupart des gens, quelles que soient leur aspirations, et Emma y excelle".
La manière dont Emma Stone a su transposer le monde intérieur de son personnage
par la danse a conquis les auteurs du film. "Quand elle danse, Emma est
totalement naturelle, bien qu'elle ait énormément bossé pour en arriver
là", déclare Horowitz. "On croirait que le personnage a été conçu sur
mesure pour elle".
Mandy Moore a apprécié l'engagement total de la comédienne :
"Emma est pleine d'énergie, ce qui se ressent non seulement dans ses
propos mais dans ses gestes", dit-elle. "Elle fait partie de ces gens
qui se plongent dans un projet avec passion, et tout au long des répétitions,
elle n'a cessé de s'améliorer. C'était extraordinaire de la voir devenir une
vraie danseuse". Très en amont, Emma Stone a rencontré Chazelle qui lui a
soumis ses idées de chorégraphie : "C'était grisant", confie la
comédienne.
"J'ai immédiatement été emballée par la perspective de
raconter cette histoire très contemporaine de deux artistes en devenir dans le
style des comédies musicales des années 50". L'aspiration de Mia à
connaître un parcours hors du commun a résonné chez la comédienne. "Mia
est animée par une ambition dont elle n'a pas forcément conscience",
suggère-t-elle.
"Elle veut devenir actrice dans une ville où tant de
gens ont le même rêve. Elle a le sentiment de posséder un petit quelque chose
que d'autres n'ont pas, sans savoir ce que c'est. Je m'identifie à son désir de
devenir comédienne et de passer des auditions mais, surtout, c'était exaltant
de propulser le personnage dans cet univers musical où l'on peut tout à coup
sautiller dans la rue ou se mettre à chanter. C'était un défi magnifique".
Même si elle avait déjà une expérience de la scène musicale,
Emma Stone a passé des mois à se préparer au rôle. "Nous nous sommes
énormément entraînés avec Mandy Moore et nous avons répété tous les jours
pendant deux mois. C'était dément parce que, même si j'avais déjà suivi des
cours de danse, j'ai dû apprendre les claquettes, le rythme du jazz et la danse
de salon". Elle souligne également qu'il ne s'agissait pas de danser à la
perfection.
"Nos personnages sont deux apprentis artistes, si bien
qu'on n'est pas censés être des danseurs et des chanteurs accomplis",
ditelle. "D'ailleurs, Damien tenait à ce que nos rapports soient vivants
et bruts d'une certaine façon, même si on participe à d'extraordinaires scènes
de chorégraphie. Du coup, on était presque encouragés à commettre des erreurs".
Elle ajoute : "Je pense que Mia et Sebastian
s'entraînent mutuellement à envisager la vie différemment. Ils sont tous les
deux dans l'impasse au moment où ils se rencontrent et sentent qu'ils ne
progressent pas sur le plan artistique. Mais Sebastian vient en aide à Mia en
lui demandant : 'Pourquoi est-ce que tu n'écris pas tes propres histoires que
tu pourrais raconter en tant qu'actrice ?' Je crois qu'elle a besoin d'être
bousculée parce qu'elle a oublié qu'elle possède cette faculté. De son côté,
Mia convainc Sebastian qu'il peut sans doute développer sa vocation artistique
en explorant des pistes inédites. Au bout du compte, ils découvrent de nouveaux
horizons qu'ils avaient au fond d'euxmêmes mais qu'ils n'avaient pas osé
explorer".
Pour le réalisateur, l'alchimie a été immédiate entre les
deux comédiens. "Ryan et Emma se comprennent à demi-mot et sont très
complices à l'écran", dit-il. "Ils réussissent un tour de force dans
ce film en rendant crédible un univers féerique. Il faut des comédiens de la
trempe de Ryan et d'Emma pour ancrer ce récit dans la réalité et en faire
ressortir la dimension humaine. Il existe très peu de comédiens capables de
susciter l'émotion tout en dégageant un vrai glamour de stars".
Il savait aussi ce qu'il attendait de ses interprètes, même
si c'était difficile à verbaliser : "Il s'agissait à mes yeux d'une sorte
de fantaisie et de gaieté qui devait être présente dans le film", dit-il.
"Il fallait qu'il se dégage quelque chose de pétillant lorsqu'ils sont
réunis à l'écran, comme du champagne".
Le premier grand rôle à l'écran de John Legend Lauréat de
dix Grammy et auteur-compositeur-interprète oscarisé, John Legend trouve ici
son premier grand rôle à l'écran. Il campe Keith, musicien qui encourage
Sebastian à faire partie de son groupe, Les Messengers, et l'éloigne de Mia.
Legend a également coécrit la chanson "Start A Fire" qui impose les
Messengers sur le devant de la scène. Fred Berger signale que le choix de
Legend, au départ, relevait du pur fantasme.
"Ce film a toujours été une sorte de rêve éveillé, si
bien qu'on a rêvé à qui l'on pouvait confier le rôle et cela s'est
concrétisé", dit-il. "Étant donné l'emploi du temps surchargé de
John, c'était difficile d'imaginer qu'il pourrait se rendre disponible. Mais il
a pu le faire et il s'est engagé dans le projet avec enthousiasme et passion.
Il a parfaitement cerné l'état d'esprit du film car c'est un type adorable,
bosseur et très simple".
"Sur le plan musical, on était convaincus qu'il serait
épatant", reprend le producteur. "Mais du point de vue du jeu
d'acteur, il fallait qu'il soit à la hauteur de Ryan – et son don inné nous a
bluffés. Je crois bien qu'on le retrouvera plus souvent à l'écran, et pas
uniquement pour ses talents de chanteur". Legend n'a pas hésité une seconde
à tenter une nouvelle aventure : "Je me suis dit que c'était une occasion
formidable de me confronter davantage au travail d'acteur tout en étant dans un
univers que je connais bien, puisque c'est celui de la musique", affirme
l'artiste.
"J'ai été séduit par la perspective d'interpréter un
musicien dans un film d'un cinéaste aussi doué et d'avoir pour partenaires des
acteurs aussi géniaux". Legend était également fasciné par le conflit
entre Keith et Sebastian qui divergent sur l'attitude à adopter face aux évolutions
culturelles rapides. "Ils sont tous les deux très doués et adorent le
jazz", remarque Legend.
"Mais ils s'engueulent parce que, pour Keith, il ne
faut pas tenter de préserver à tout prix ce qui se pratiquait cinquante ans
plus tôt : mieux vaut s'inspirer de ce qu'ils ont appris et s'adapter à
l'époque actuelle. À l'inverse, Sebastian tient à rester fidèle à la tradition.
Pourtant, Keith espère pouvoir exploiter le formidable talent de Sebastian sans
avoir à gérer les aspects difficiles de sa personnalité". Legend était
enchanté de donner la réplique à Ryan Gosling : "Ryan est l'un des
meilleurs comédiens de sa génération", dit-il. "Autant dire que
j'étais dans mes petits souliers en débarquant sur le projet et Ryan m'a soutenu.
Il m'a vraiment encouragé à me sentir à la hauteur".
En écrivant "Start A Fire", Legend a mieux cerné
les personnages : "Ce qui m'a plu, c'est qu'on voit la chanson évoluer à
mesure que Sebastian et Keith comprennent le genre de musique qu'ils veulent
créer", indique Legend. "Sebastian se retrouve face à un dilemme, en
s'interrogeant sur les concessions qu'il est prêt à faire".
"C'était un vrai pari pour John d'apporter sa touche de
modernité", relève Gosling. "Son style aurait pu être en porte-à-faux
avec la musique à laquelle le film rend hommage. Bien au contraire, grâce à la
contribution de John, le dilemme de mon personnage est encore plus
complexe". On trouve encore au casting Sonoya Mizuno (EX MACHINA), Jessica
Rothe (PARALLELS), Calllie Hernandez (BLAIR WITCH), Finn Wittrock (INVINCIBLE)
et Rosemarie DeWitt (RACHEL SE MARIE). Après WHIPLASH, J.K. Simmons, comédien
oscarisé, retrouve Damien Chazelle.
PAROLES ET MUSIQUE
Dans LA LA LAND, les scènes chantées sont tout aussi
naturelles que les dialogues. Chazelle et Hurwitz ont fait appel aux auteurs
Benj Pasek et Justin Paul qui ont collaboré aux spectacles "Dear Evan
Hansen", "A Christmas Story", "Dogfight", "James
et la pêche géante" et "Edge". C'est la première fois qu'ils
signent un livret pour le cinéma.
"On a été séduits par l'énergie de Damien et de Justin
et par leur désir de rendre hommage aux grands classiques de la comédie
musicale, tout en imaginant une œuvre foncièrement actuelle", souligne
Paul. "On ne réalise plus tellement ce genre de film musical aujourd'hui",
ajoute Pasek, "et cela fait longtemps qu'on avait envie de participer à un
tel projet". Par le plus grand des hasards, Pasek et Paul sont tombés sur
Chazelle et Hurwitz chez l'ami qui les hébergeait lors de leur passage à Los
Angeles. "Il se trouve que Justin habite dans le même immeuble", se
remémore Pasek. "Il nous a dit : 'Vous nous suivez ou quoi ?'"
Tout comme Chazelle, Pasek et Paul étaient séduits par le
défi consistant à travailler dans un univers à mi-chemin entre réalité et
féerie romantique. "Il fallait trouver le juste équilibre puisqu'il
s'agissait d'évoquer les difficultés de ceux qui tentent leur chance à Los
Angeles et le bonheur de deux êtres qui réalisent enfin leur rêve",
analyse Paul. "Ce n'était pas facile. On a écrit beaucoup de versions
différentes … et on a souvent travaillé en mangeant des plat préparés !"
Il fallait également qu'on retrouve dans les chansons ce qu'incarnent Sebastian
et Mia.
"Sebastian est un peu en décalage avec son temps et
appartient à la contre-culture, si bien que c'était un défi intéressant à
relever", poursuit Paul. "À l'inverse, Mia est moins torturée".
Ryan Gosling et Emma Stone ont été une source d'inspiration. "Il y a une
telle alchimie et un tel charme qui se dégagent de leur relation qu'on ne peut
que s'en inspirer", ajoute Pasek. Paul et Pasek ont également été portés
par les compositions de Hurwitz. "C'est original et mélodieux", dit
Paul. "Il a créé une musique qui n'a rien de parodique, sans être pourtant
ancrée dans l'époque actuelle. Il se situe dans une sorte d'entre-deux et c'est
ce qu'on préfère".
Gosling a tellement aimé les chansons qu'il les avait
constamment en tête. "J'ai joué certains morceaux pour piano quatre heures
par jour pendant trois mois, si bien qu'en théorie je pourrais ne plus jamais
avoir envie de les entendre", plaisante-t-il. "Mais à chaque fois que
je les entends, je suis ému, et je trouve qu'ils sont magnifiques". Emma
Stone a interprété deux chansons – "Audition" et "City of
Stars" – en direct sur le plateau pour vivre le moment présent.
"C'était un vrai pari mais j'y tenais beaucoup", note la comédienne.
"Je venais de me produire dans 'Cabaret' et j'ai vu à quel point les
conditions du direct apportent une dimension supplémentaire, même si on a la
voix qui s'éraille ou si on chante un peu faux, car c'est irremplaçable".
Une chorégraphie signée Mandy Moore
Les chansons ont ensuite inspiré des scènes dansées qui
s'intègrent naturellement à l'intrigue. Damien Chazelle a souhaité faire en
sorte que la chorégraphie évoque l'élégance, l'imagination et la liberté
dramaturgique qu'on prête aux comédies musicales des années 50 – tout en y
apportant une énergie et un rythme proches des spectateurs habitués aux iPhones
et à YouTube.
Dans cette optique, il a collaboré avec Mandy Moore,
lauréate de deux Emmy et connue pour l'émission "So You Think You Can
Dance". Si elle a conçu la chorégraphie de concerts, de spectacles et de
clips, elle a aussi chorégraphié HAPPINESS THERAPY. Marc Platt souligne que
chorégraphier un long métrage est une forme d'expression artistique très
particulière. "C'est un travail très différent de la scène, surtout
lorsque la caméra se déplace avec l'énergie et la fluidité de LA LA LAND",
dit-il. "Il nous fallait un chorégraphe qui sache intuitivement comment les
danseurs se déplacent en fonction des mouvements de caméra". Mandy Moore
était enchantée que les auteurs du film aient d'importantes ambitions
chorégraphiques. "Je suis fan absolu de comédies musicales, que ce soit
sur scène ou au cinéma – surtout celles de la MGM", dit-elle.
"La danse est toute ma vie, et c'était extraordinaire
de voir jusqu'où Damien était prêt à aller". Elle a été impressionnée par
la connaissance du réalisateur en la matière : ils ont parlé de l'histoire de
la danse au cinéma pendant des heures. Elle signale : "Dès que j'ai fait
sa connaissance, il s'est mis à évoquer des scènes de chorégraphie de plusieurs
films, et je me suis dit qu'aucun autre réalisateur ne s'y connaissait autant
que lui".
Le réalisateur était tout aussi séduit par les diverses
influences de Mandy Moore. "Elle a étudié la danse classique, et c'est
exactement ce qu'il nous fallait, mais elle était aussi capable d'imaginer une
chorégraphie inédite à l'écran", remarque-t-il.
"Le plus important, c'est que la chorégraphie raconte
les personnages et soit axée sur les corps en mouvement. J'étais convaincu
qu'il nous fallait un vrai réalisme à ce niveau-là. Ce que j'ai expliqué à
Mandy, c'est que dans ce film, la danse, les chansons et le jeu des acteurs
sont à l'unisson et qu'on ne les envisage pas séparément. C'était formidable
que Mandy entraîne Ryan et Emma et assure la chorégraphie parce que, au bout du
compte, les scènes de danse sont dictées par la relation entre Ryan et Emma. La
danse est un moyen merveilleux de raconter l'histoire de gens qui tombent
amoureux et d'exprimer les sentiments et le frisson qu'on éprouve quand on
rencontre quelqu'un qui vous chavire pour la première fois".
Le réalisateur et Mandy Moore voulaient que la chorégraphie
se fonde dans la narration de manière très moderne afin de faire en sorte que
le spectateur se sente interpellé sans pour autant briser la fluidité du récit.
"Quand j'ai rencontré Damien, on a évoqué le fait qu'on voulait que le
public se sente impliqué émotionnellement et immergé dans nos scènes
dansées", précise la chorégraphe. "On souhaitait donner le sentiment
que Sebastian et Mia sont des personnages réels qui, l'espace d'un instant,
échappent aux contraintes du quotidien".
Mais le défi ne s'arrêtait pas là. "Je savais que
Damien voulait tourner le film à l'ancienne. Sans se couvrir", dit-elle.
"C'était grisant. Et puis, je me suis dit, 'Mon Dieu, comment va-t-on y
arriver ?' On s'est alors rendu compte que pour que la magie soit au
rendez-vous, il fallait une sacrée audace". La réussite de ces séquences a
nécessité une importante organisation logistique, mais l'essentiel consistait à
préserver l'émotion.
Gosling et Emma Stone ont dû apprendre plusieurs
chorégraphies complexes, alors même qu'ils ne sont pas des danseurs professionnels.
Mandy Moore a décidé d'assurer elle-même leur entraînement afin de conserver
une unité entre la préparation et le tournage. "C'est pour cela qu'une
vraie magie émane du couple Ryan-Emma", dit-elle. "En effet, on a
imaginé les pas de danse pendant leur entraînement et ces pas ont fait partie
intégrante de leurs personnages. Ils ont tous les deux travaillé très dur et ce
qui m'a impressionnée, c'est qu'ils débarquaient tous les jours sur le plateau
en grande forme. On aurait dit que cette occasion de danser les épanouissait –
et c'était magnifique".
La première séquence dansée, "Traffic", où un
embouteillage sur une autoroute se transforme en chœur, représentait l'un des
plus grands défis. "C'était énormément de travail", affirme Mandy
Moore. "Notre bureau était couvert de Post-it précisant les marques de
chaque voiture, l'identité de chaque personne censée grimper sur tel ou tel
véhicule, et les voitures qui devaient être renforcées. C'était une logistique
hallucinante".
De son côté, la production devait impérativement démarrer le
tournage sans délai car elle ne disposait que d'un temps très limité pour
utiliser l'échangeur de l'autoroute. Par conséquent, les répétitions étaient
extrêmement intensives.
Ryan Gosling se souvient : "Tout devait fonctionner
sans accroc une fois que les caméras se sont mis à tourner, car on n'avait pas
droit à la moindre erreur. Du coup, on a répété pendant trois mois en amont
afin de répondre aux attentes de Damien en une seule prise".
Mandy Moore ne tarit pas d'éloges à l'égard des danseurs :
"Les danseurs de 'Traffic' sont les héros anonymes du film parce qu'ils
ont réussi l'impossible : danser sur des voitures sur une autoroute à près de
38° ! Grâce à eux, le résultat est magique", dit-elle. La chorégraphe a
également été éblouie par la scène "Someone In The Crowd", où Mia se
prépare à se rendre à une soirée : on la voit se préparer avec ses
colocataires, puis s'attarder dans une somptueuse maison tout en verre et enfin
plonger dans la piscine. "Le tournage de nuit de cette séquence a été
démentiel", reconnaît-elle.
"J'aimerais que le public se rende compte de tous les
moyens qu'on a mobilisés. C'était délirant mais quand j'ai visionné les rushes,
le résultat était fantastique : les couleurs, les mouvements d'appareil, les
costumes et la chorégraphie formaient un ensemble harmonieux". Le
réalisateur avait imaginé la scène comme la métaphore de ces jeunes artistes
qui, à Hollywood, sont pris en étau entre leur carrière et leur vie sociale.
Chazelle s'explique : "La scène fait allusion au
dilemme de nombreux artistes en devenir qui se demandent s'ils peuvent aller
faire la fête ou s'ils ne devraient pas rester chez eux pour travailler. Mais
il s'agit d'un débat plus large : jusqu'où est-on prêt à aller pour réaliser
son rêve ? Est-on prêt à faire des concessions ou à vendre son âme ? À aller
jusqu'à des compromissions ? 'Someone in the Crowd' illustre bien ces
questionnements et le malaise de Mia face à cette situation".
Pour Mandy Moore, la scène du planétarium reste le clou du
film. Elle a imaginé une chorégraphie "en apesanteur", selon ses
propres termes, où Gosling et Emma Stone dansent sur un câble. "On voulait
que le spectateur ait le sentiment que Sebastian et Mia se mettent à entamer
cette magnifique valse parce qu'ils n'ont pas d'autre choix que de danser à ce
moment-là", dit-elle.
"Les mouvements de caméra sont magnifiques et l'émotion
très forte". Pour Emma Stone, la scène du "Duo" reste l'une de
ses préférées : elle commence par la recherche d'une voiture garée et se
poursuit au sommet d'une colline surplombant la ville. "C'est là que nos
personnages nouent un vrai lien pour la première fois", indique la
comédienne. "C'est un moment extraordinaire, si bien qu'on en a très
longuement parlé avec Damien et Ryan. Dans cette prise – unique – de six
minutes, il était essentiel qu'on ressente le bonheur de ces deux êtres qui
tombent – littéralement – dans les bras l'un de l'autre". Le final,
intitulé "Épilogue", est aussi le numéro le plus important, entraînant
les personnages de Los Angeles jusqu'à un Paris féerique, puis en sens inverse.
"C'est une magnifique séquence fantasmatique et les
décors sublimes conçus par le département artistique m'ont inspirée", s'enthousiasme
Mandy Moore. "Il y avait trente danseurs qui ont tous eu l'occasion de
danser. Et puis, on découvre parmi eux Ryan et Emma qui vivent leurs derniers
instants de bonheur ensemble. Autant dire que c'était très émouvant". La
logistique de ces séquences musicales extrêmement complexes, l'interaction
entre musique et chorégraphie, les répétitions et les enregistrements ont été
orchestrés par le superviseur musical Steve Gizicki : "Il s'agit sans
doute de ma mission la plus difficile, mais aussi la plus gratifiante",
confie-t-il.
Entre lumière, couleurs et action : le rôle de la
photographie
Le style de LA LA LAND s'inspire avant tout du CinemaScope
anamorphique et des couleurs acidulées de la grande époque des comédies
musicales. Mais le réalisateur a réinterprété ces codes visuels avec sa
sensibilité d'homme du XXIème siècle. Et si lui savait précisément ce qu'il
voulait, il était conscient que ses collaborateurs seraient surpris.
"Le montage rythmé de WHIPLASH traduisait le tempo de
la batterie", indique Chazelle. "LA LA LAND est aux antipodes : si le
style de WHIPLASH peut être défini comme géométrique, LA LA LAND est, lui, tout
en courbes. Le cinéaste qui m'a inspiré est Max Ophuls, maître des mouvements
de caméra. On aimerait tous créer des mouvements d'appareil comme Ophuls, et
bien entendu il a su le faire avant l'apparition du Steadicam. Notre objectif,
c'était que la caméra soit semblable à un danseur, tout en fluidité, qui ne
gêne jamais les pas de danse des comédiens mais qui s'intègre néanmoins à la
chorégraphie".
La mise en scène expressionniste de RAGING BULL de Martin
Scorsese a également marqué le cinéaste. "Dans ce film, Scorsese se
demande ce qui se passe si on place la caméra au centre du ring", dit-il.
"De même, je voulais installer la caméra parmi les danseurs afin qu'on ait
l'impression qu'elle se déploie tout autour d'eux".
Pour y parvenir, il a collaboré avec le chef-opérateur Linus
Sandgren, connu pour avoir éclairé AMERICAN BLUFF et JOY de David O. Russell.
S'il a tourné en 35 mm avec des objectifs anamorphiques pour rattacher le film
au passé, il a traité la photo à l'aide d'outils technologiques actuels.
"Il fallait que la caméra soit d'un dynamisme incroyable", précise
Horowitz. "Et on savait que Linus était l'homme de la situation".
"Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi motivé pour accomplir une
prouesse qui en aurait découragé plus d'un", indique Fred Berger. "On
a fait un usage intensif du Steadicam dans des proportions inédites. Et plus le
tournage est devenu difficile, meilleur était Linus". La complicité artistique
entre Chazelle et Sandgren a fait forte impression. "Damien aime
s'inspirer de l'histoire du cinéma tout en étant inventif", affirme
Berger.
"La collaboration entre lui et Linus était idyllique :
ils se stimulaient mutuellement en se demandant comment pousser telle ou telle
idée le plus loin possible. C'est ainsi que, grâce à eux, le résultat à l'écran
est sans précédent".
Chazelle précise : "Linus était exactement le directeur
photo qu'il nous fallait : il était non seulement prêt à tenter l'aventure avec
nous, mais il avait envie d'aller encore plus loin que nous ne l'avions
imaginé. Il possède une énergie d'enfant que je trouve sidérante. On dirait un
gamin dans un magasin de jouets qui envisage toutes les possibilités que lui
offre le cinéma".
Sandgren a été séduit par la vision très précise du film
qu'avait le réalisateur et qu'il a story-boardée intégralement avant le début
du tournage. "Quand Damien m'a raconté comment il envisageait de réaliser
le film, c'était tellement hors du commun que c'en était intriguant",
constate le chefopérateur.
"Il voulait faire un film rendant hommage à l'âge d'or
d'Hollywood d'une manière très moderne et en jouant sur la fluidité des
mouvements de caméra. Ses idées esthétiques étaient tellement belles que je ne
me suis rendu compte que plus tard qu'elles posaient d'innombrables défis
techniques". Des défis qui se sont avérés incessants. Tout d'abord, étant
donné que le film était tourné en 35 mm anamorphique à 4 perfs, l'équipe
disposait d'une autonomie de dix minutes. Bien plus, Chazelle tenait à tourner
les grands numéros musicaux en une seule prise.
"C'est toujours un pari majeur, surtout si on veut le
faire avec un bon éclairage", explique Sandgren. "Damien ne
souhaitait pas avoir recours à des effets numériques en postproduction : tout
devait être tourné sur le plateau. La magie du film n'est jamais artificielle :
tout ce que l'on voit à l'écran se déroule sous nos yeux. De mon côté, je
considère toujours que les choses peuvent se faire : il faut seulement trouver
la solution. Dans ce cas, il nous a fallu être extrêmement organisé". La
composition des plans était tout aussi exigeante. "Damien tenait à ce que
l'image soit très anamorphosée", reprend-il. "À l'heure actuelle, les
films en Scope sont tournés en 2.40:1. Mais on s'est dit que ce serait
intéressant de tourner LA LA LAND en 2.52:1 pour lui donner l'aspect plus
anamorphosé des vieux films. J'en ai parlé à des techniciens chez Panavision et
ils ont aménagé quelques objectifs pour s'adapter à nos désirs. Il leur a fallu
construire de nouveaux verres dépolis pour nous mais je trouve que cela
enrichit encore le film".
Sandgren a également utilisé une myriade de lumières
teintées pour mettre en valeur la palette de bleus froids, de verts et de
roses. Chazelle tenait particulièrement à ce que les scènes de nuit soient
éclairées avec leur propre ciel bleuté. Quant à l'emplacement de la caméra dans
les scènes dansées, Sandgren a fait appel à son penchant personnel pour la
chorégraphie : "Il fallait qu'on ait le sentiment que la caméra se met
également à danser", note-t-il.
"Dans le même temps, il ne fallait pas que ça se voie,
si bien qu'elle devait se fondre avec les danseurs. Chaque numéro présentait
ses propres difficultés et on s'est souvent dit qu'on n'arriverait pas à les régler.
Il y avait énormément de facteurs à prendre en compte à chaque moment".
Le Los Angeles de LA LA LAND : les décors
LA LA LAND n'est pas seulement une magnifique histoire
d'amour, mais un hommage à Los Angeles et à ceux qui ne cessent de prendre des
risques artistiques, quitte à en avoir le cœur brisé. L'équipe a ainsi sillonné
toute la ville au cours des 40 jours de tournage. Comédiens et techniciens se
sont donc rendus à l'Observatoire de Griffith Park et au célèbre Lighthouse
Café de Redondo Beach, club de jazz depuis 1949. L'ensemble a été supervisé par
l'équipe du chef-décorateur David Wasco et de la décoratrice de plateau Sandy
Reynolds-Wasco (RESERVOIR DOGS, PULP FICTION, RUSHMORE, LA FAMILLE TENENBAUM,
KILL BILL, COLLATERAL et INGLORIOUS BASTERDS). Ils se sont inspirés de leur
fascination pour une ville souvent dénigrée mais propice aux fantasmes.
"On a montré Los Angeles de jour comme de nuit",
indique David Wasco, "mais c'était surtout l'occasion de porter un regard
neuf sur la ville grâce à un réalisateur novateur sur un plan esthétique. On
connaît bien le terrain et du coup on en a profité pour tourner dans des
quartiers qu'on n'a pas encore vus à l'écran". Sandy Reynolds-Wasco ajoute
: "Ce qui nous a également plu, c'est qu'il s'agit de la première vraie
vision musicale de Los Angeles depuis des décennies".
À l'image de l'atmosphère du film, les lieux de tournage
alternent entre modernité et époques révolues. "C'est quelque chose
d'intrinsèque à la ville", relate David Wasco. "On peut parfois être
face à un immeuble et avoir le sentiment d'être à Hollywood dans les années 40
et puis se retourner et se sentir en 2016. Damien avait l'intention d'exploiter
la dimension atemporelle de la ville". Chazelle souhaitait également
restituer l'atmosphère particulière de la ville.
"Los Angeles est un formidable personnage de cinéma car
elle déborde à la fois d'optimisme et de rêves brisés", note Sandy
Reynolds-Wasco. L'histoire de la culture pop est également très visible dans la
métropole californienne. En témoigne la projection de LA FUREUR DE VIVRE à
laquelle assistent Sebastian et Mia au Rialto Theatre, célèbre salle de cinéma,
puis la scène de l'Observatoire de Griffith Park où se déroule l'un des temps
forts du film de Nicholas Ray. L'équipe était enchantée de pouvoir tourner dans
ces décors réels, mais David et Sandy Wasco ne s'en sont pas contentés. Ils ont
ainsi utilisé le véritable cadre du planétarium tout en en réinventant
l'intérieur comme un univers féerique Art Déco où Sebastian et Mia entament une
valse, tandis qu'une succession de tableaux défilent en arrière-plan. Pour ce
décor, ils ont même retrouvé le vieux projecteur d'origine du planétarium,
aujourd'hui remplacé par un modèle plus moderne. "On en a loué un
d'occasion, si bien qu'on s'est servi du véritable projecteur du planétarium
qu'on a posé sur une plaque tournante", précise David Wasco. "C'était
un décor très intéressant".
L'échangeur des autoroutes 110 et 105, qui surplombe le
centre-ville, était un site beaucoup moins facilement aménageable. C'est là que
se déroule la séquence d'ouverture, chantée et dansée. "C'est assez
original de mettre en scène un numéro à la Busby Berkeley sur une autoroute de
Los Angeles", signale Wasco.
"On a donc commencé par agencer un espace dans le parking
du studio où on a installé de fausses séparations des voies et des voitures
pour que Damien, Mandy et les comédiens puissent répéter. Puis, on a disposé
d'un très bref laps de temps pendant lequel la police autoroutière de
Californie a fermé l'autoroute et nous a permis de tourner cette séquence
extrêmement complexe. Et comme par magie, tout s'est très bien passé".
Ce sont les Wasco qui ont eu l'idée de faire conduire à
Sebastian une décapotable Buick Riviera de 1980, voiture immédiatement
identifiable qui devient un personnage à part entière. Ils ont aussi couvert
les murs de l'appartement de Sebastian de photos de légendes du jazz, tandis
que Mia a accroché chez elle un immense portrait de son héroïne Ingrid Bergman.
Ils ont également ponctué leurs domiciles de clins d'œil à des films que les
cinéphiles reconnaîtront sans doute, mais ils revendiquent aussi l'influence de
peintres comme Ed Ruscha et David Hockney qui ont exploré la mythologie de Los
Angeles, ou encore du fauviste Raoul Dufy, réputé pour ses explosions de
couleurs. Les décors sont plus inventifs encore vers la fin du film, et tout
particulièrement pour le numéro baptisé "Épilogue".
"Pour cette séquence, Damien souhaitait évoquer les
univers fantasmatiques de Los Angeles et Paris reconstitués en studio",
ajoute David Wasco. "On a utilisé des toiles peintes si bien que le style
visuel est délibérément théâtral. C'est une scène essentielle et on s'y est
attelés depuis le début de la prépa jusqu'au jour du tournage". Si Los Angeles
est le berceau de bien des films, il n'est pas toujours évident d'y tourner. Le
réalisateur était enchanté de pouvoir proposer un regard neuf sur la ville.
"Je n'étais jamais allé dans la plupart des endroits qu'on a
repérés", note-t-il. "Cela fait neuf ans que je vis à Los Angeles, et
ce qui me fascine ici, c'est qu'il y a sans cesse de nouveaux lieux à
découvrir. Cette dimension propre à la ville enrichit le récit".
Un foisonnement de couleurs : les costumes signés Mary
Zophres
Pour Mary Zophres, chef-costumière citée à l'Oscar qui a
aussi bien collaboré à NO COUNTRY FOR OLD MEN qu'à INTERSTELLAR, LA LA LAND lui
permettait de s'immerger totalement dans un univers. Elle a ainsi travaillé
avec Linus Sandgren et le couple Wasco pour imaginer un monde où les costumes s'accordent
aux décors. Tout d'abord, Mary Zophres a réfléchi à la très grande variété de
costumes du film.
"Rien que Mia et Sebastian ont plus de cinquante tenues
différentes chacun", remarque la chef-costumière. "Mais j'étais
tellement inspirée par la vision de Damien que j'en avais la chair de poule.
C'est ce qui permet d'aller de l'avant même quand on n'a pas dormi et qu'on est
épuisé".
Chazelle et elle ont cherché à transmettre l'émotion par les
couleurs. "Dès le premier jour, on a passé en revue chacune des scènes en
rapport avec la palette chromatique", confie la chef-costumière. "Par
exemple, on a évoqué telle scène qui devait être dans des tons neutres avec une
touche de jaune, ou telle autre dans laquelle les hommes étaient en costumes
sombres et les femmes dans des tenues colorées. Ce qu'on voulait, c'était un
style atemporel traité de manière contemporaine".
Le réalisateur et sa collaboratrice se sont longuement
penchés sur de grandes comédies musicales comme LES PARAPLUIES DE CHERBOURG de
Jacques Demy, TOUS EN SCÈNE ! de Vincente Minnelli et SUR LES AILES DE LA DANSE
de George Stevens. Mais Mary Zophres précise qu'il ne s'agissait pas d'imiter
ces modèles. Bien au contraire, les costumes et les couleurs s'inspirent
essentiellement des univers dans lesquels évoluent Sebastian et Mia.
"C'était une démarche des plus intuitives",
note-t-elle. "Nous avons largement fait appel à la couleur, comme dans les
comédies musicales de la grande époque, mais nous l'avons fait pour que cela
mette les personnages en valeur. Par exemple, j'avais vu Emma dans une robe
jaune canari sur un tapis rouge. Il n'y a pas beaucoup de gens qui sont flattés
par cette couleur, mais Emma était éblouissante. Du coup, j'ai proposé à Damien
de lui faire porter une robe jaune pour le numéro du 'Duo'". Mary Zophres
s'est révélée être une formidable muse.
"C'est un vrai bonheur d'habiller Emma", dit-elle.
"On a vécu des moments de pur émerveillement pendant qu'elle essayait ses
différentes tenues car elle est une véritable source d'inspiration. Au départ,
Mia est habillée dans des tons chatoyants qui dénotent son côté 'girlie'. Et
puis, à mesure qu'elle gagne en maturité et qu'elle se concentre davantage sur
son travail d'actrice, les teintes de sa garde-robe s'estompent un peu – jusqu'à
ce que, dans son spectacle, elle soit carrément habillée en noir et blanc. On
la retrouve ensuite cinq ans plus tard : c'est la même femme, mais beaucoup
plus sophistiquée". La plupart des tenues de Mia ont un côté vintage, en
adéquation avec l'atmosphère du film. "Son chemisier de barmaid s'inspire
d'un plan sublime d'Ingrid Bergman des années 40", souligne la chef-costumière.
"On a aussi pensé à un bout d'essai qu'Ingrid Bergman a
fait au tout début de sa carrière où elle porte une robe dos nu rose. Mia porte
une tenue similaire qu'on a dénichée dans une friperie vintage de la San
Fernando Valley. C'est le genre de robe qu'on pouvait porter il y a cinquante
ans, mais qu'on peut tout aussi bien porter aujourd'hui". En ce qui
concerne Sebastian, Mary Zophres a mis en valeur son élégance légèrement
décalée avec son époque. Presque tous ses vêtements ont été conçus sur mesure.
Elle s'explique : "Il n'a pas forcément l'air à la
mode, mais il n'est pas non plus habillé comme la plupart des gens qu'on croise
dans la rue. On sent qu'il s'agit d'un style qu'il a lui-même mis au point et
qu'il cultive. On ne l'imagine pas en t-shirt. Il a une silhouette d'une grande
finesse qui traduit son respect pour la tradition et la bienséance".
Les couleurs revêtent une importance capitale chez
Sebastian, qu'il s'agisse de son costume marron en zibeline dans la scène
d'ouverture ou de sa veste en tweed bleue ou encore de ses tenues totalement
noires qu'il porte en tournée avec les Messengers. Il arbore également des
chaussures bichromes – que la chef-costumière apprécie particulièrement, comme
elle l'affirme : "Elles étaient en vogue dans les années 40, mais il s'en
dégage une vraie fantaisie, une grande légèreté et un amour de la vie. Pour
moi, ces chaussures incarnent une forme de gaité et sont emblématiques de
Sebastian car il est animé d'une vraie passion pour le passé. J'adorerais voir
davantage d'hommes en chaussures bi-chromes dans la rue".
Gosling a été très sensible au travail de Mary Zophres.
"S'il existe un Mont Rushmore des chefs-costumières, Mary Zophres y figure
en bonne place", indique Ryan Gosling. "C'est l'une des plus grandes
créatrices de costumes en activité et ses tenues m'ont vraiment permis de
trouver l'équilibre entre l'atmosphère des années 40 et l'époque contemporaine".
Pour les principaux numéros dansés, Mary Zophres s'est non seulement attachée à
l'esthétique de la chorégraphie, mais aussi à sa dimension fonctionnelle : elle
tenait à ce que les costumes tourbillonnent et virevoltent et soient plus flamboyants
encore dans les scènes de danse les plus extravagantes.
"Les tenues de Mary font écho à la sensibilité
exacerbée qui émane de chaque plan du film", reprend Marc Platt. "Et
les mouvements que décrivent ses costumes ne font qu'accentuer la beauté du film".
Jordan Horowitz s'est dit enchanté à l'idée que l'ensemble des chefs de poste
se mobilisent et réussissent l'exploit de signer un film musical résolument
contemporain. "Nous avons bénéficié de formidables collaborateurs sur ce
film", dit-il "Et à mon avis, ce qui le singularise, c'est que toutes
les parties prenantes se sont passionnées pour leur travail et ont adoré mettre
en œuvre le projet de Damien avec autant de bonheur qu'il en a eu pour
l'écrire".
Fred Berger intervient : "Au final, LA LA LAND est une
expérience sensorielle telle qu'il se prête particulièrement bien au grand
écran et qu'il réserve au spectateur un moment de bonheur intense. Les
personnages y sont authentiques, mais il s'agit également d'un spectacle visuel
de la première à la dernière image". Selon Platt, chaque élément
soigneusement étudié du film – les dialogues, les chansons, le jeu des
comédiens, l'image, les décors et les costumes – contribue à créer une œuvre
qui, comme l'amour, donne le sentiment de transcender la simple addition de ses
ingrédients. "LA LA LAND est une expérience cinématographique à part
entière", dit-il.
"C'est un film qui a du souffle tout en étant intime. À
la fois spectaculaire et romantique. Joyeux et mélancolique. Il y a des scènes
dansées et chantées et le film parle d'amour et offre une vision inédite de Los
Angeles. Au bout du compte, il peut vous plonger dans une atmosphère qu'on n'a
pas l'habitude de ressentir au cinéma". Le réalisateur espère que le film
inspirera chez le spectateur la passion qui l'a vu naître. "Je pense
vraiment que la passion est au cœur de LA LA LAND", conclut Chazelle.
"Il parle de la passion pour l'art et pour l'amour. J'espère qu'on
ressentira aussi la passion qui nous a animés pendant le tournage, l'écriture
et la composition de la musique".
#LaLaLand
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