Back to the future
Espionnage/Thriller/Romance/Très intéressant mais scénario alambiqué
Réalisé par Eric Rochant
Avec Jean Dujardin, Cécile de France, Tim Roth, Emilie Dequenne, Aleksey Gorbunov, Vladimir Menshov, John Lynch, Dean Constantin, Wendell Pierce, Branka Katic...
Long-métrage FrançaisDurée: 01h 43min
Année de production: 2012
Distributeur: EuropaCorp Distribution
Page facebook: www.facebook.com/mobiuslefilm
Suivre le film sur Twitter: #MÖBIUS
Date de sortie sur nos écrans: 27 février 2013
Résumé: Grégory Lioubov, un officier des services secrets russes est envoyé à Monaco afin de surveiller les agissements d’un puissant homme d’affaires. Dans le cadre de cette mission, son équipe recrute Alice, une surdouée de la finance. Soupçonnant sa trahison, Grégory va rompre la règle d’or et entrer en contact avec Alice, son agent infiltré. Naît entre eux une passion impossible qui va inexorablement précipiter leur chute.
Teaser (VOFR)
Bande annonce (VOFR)
MÖBIUS Journal de Tournage Twitter
Entrez dans les coulisses du film à travers ce making-of de 5 minutes retraçant les impressions et la vision du film que le réalisateur Eric Rochant a partagées sur Twitter (@erochant) à chaque étape de tournage.
MÖBIUS making-of 'Un grand couple de cinéma'
Extrait
Extrait #1 : RESTAURANT (1m07)
Ce que j'en ai pensé: 'Möbius' m'a impressionné et surpris. C'est un film qui a une belle mise en scène et une réalisation très classe. L'action est internationale. Les interactions entre personnages de différentes nationalités fonctionnent très bien. Il y a d'excellentes idées dans la mise en scène. C'est un film intriguant. Eric Rochant, le réalisateur et scénariste du film, réussit à intégrer des touches d'humour, très habilement, qui viennent contre-balancer le sérieux et l'intensité des situations. La relation qui se développe entre Gregory Liubiov/Moïse, interprété parfaitement par Jean Dujardin, et Alice, interprétée avec finesse par Cécile de France, vient s'ancrer peu à peu dans l'intrigue principale pour en devenir le point central.
Mais cette intrigue principale sur fond de transactions financières et d'espionnage est un peu trop complexe à mon goût. A un moment du film, j'étais perdue. Je ne m'y retrouvais plus dans qui travaille pour qui et comment cela influence les relations entre les différents partis. Du coup, j'ai eu un peu l'impression d'être passée à côté d'un moment clef. Ce simple fait m'a sorti de l'histoire. J'avais l'impression de regarder une oeuvre très belle mais parfois difficile à suivre. Au final, dans les grandes lignes, le scénario est compréhensible mais le film peut paraître un peu distant par moment, ce qui ne facilite pas l'attachement aux personnages principaux.
En tout cas, je conseille 'Möbius' parce que c'est un film différent qui sort de l'ordinaire. Les spectateurs à la recherche d'une intrigue complexe emmenée par des acteurs impeccables et servie par une réalisation soignée seront ravis.
Mais cette intrigue principale sur fond de transactions financières et d'espionnage est un peu trop complexe à mon goût. A un moment du film, j'étais perdue. Je ne m'y retrouvais plus dans qui travaille pour qui et comment cela influence les relations entre les différents partis. Du coup, j'ai eu un peu l'impression d'être passée à côté d'un moment clef. Ce simple fait m'a sorti de l'histoire. J'avais l'impression de regarder une oeuvre très belle mais parfois difficile à suivre. Au final, dans les grandes lignes, le scénario est compréhensible mais le film peut paraître un peu distant par moment, ce qui ne facilite pas l'attachement aux personnages principaux.
En tout cas, je conseille 'Möbius' parce que c'est un film différent qui sort de l'ordinaire. Les spectateurs à la recherche d'une intrigue complexe emmenée par des acteurs impeccables et servie par une réalisation soignée seront ravis.
NOTES DE PRODUCTION
(Attention, elles contiennent des spoilers. A ne lire qu'après avoir vu le fim)
Eric
Rochant ( réalisateur et scénariste )
Quelle est l'origine du film ?
MÖBIUS a une genèse un peu complexe. Car, au départ, c'est ma compagne
qui m’avait conseillé de faire un film à la manière des ENCHAÎNÉS d’Hitchcock. Comme j’adore ce film, j'ai gardé cette idée dans un
coin de ma tête. Plus tard, mes producteurs, Eric Juhérian et Mathias Rubin de
RÉCIFILMS, avec lesquels j'avais travaillé sur L’ÉCOLE POUR TOUS, m’ont proposé de m'attaquer à un projet plus
ambitieux, à l'image des PATRIOTES.
Pourtant, dans un premier temps, je n'étais pas très partant puisque j'avais
déjà réalisé un film d’espionnage. Mais la demande des producteurs a rejoint,
d'une certaine manière, celle de ma compagne. Et je me suis dit que,
finalement, si LES ENCHAÎNÉSappartenait un peu au genre de l'espionnage, c'était
avant tout une histoire d’amour. Du coup, j'ai eu envie de réaliser un film qui
raconte une histoire d’amour dans le contexte de l’espionnage, ce qui
constituait un projet assez ambitieux ! S'est alors agrégé un troisième désir :
je travaillais depuis un certain temps sur un scénario qui traitait de finance
et de blanchiment d’argent. Il y avait une héroïne dans cette histoire-là qui a
fini par trouver sa place dans MÖBIUS.
Pourquoi avez-vous donné une dimension
internationale à l'histoire d'espionnage ?
Les services d’espionnage les plus mythiques dans l'univers du
renseignement sont les anglais, les américains, les russes et les israéliens.
En France, le problème, c’est que si on veut raconter une histoire
d’espionnage, ce n'est pas vraiment possible car les enjeux sont toujours très
limités. Si on cherche dans la presse les grands faits d'armes des services de
renseignement français, on retrouve l’affaire Ben Barka ou celle du Rainbow
Warrior. Il est donc plus logique de faire un film d'espionnage sur le Mossad,
ou de mettre en scène les services secrets américains et russes.
Au final, MÖBIUS appartient à trois genres différents : le thriller, l’histoire
d’amour et l’espionnage…
C’est une histoire d’amour sincère, dans le contexte particulier
du renseignement, entre deux personnages qui ne se disent pas tout, et ne
dévoilent pas leur véritable identité. Par conséquent, ce mensonge réciproque,
nécessaire pour le bien de chacun, va peu à peu menacer la relation amoureuse.
La cruauté de la situation est donc suscitée par le contexte de danger qui
vient complètement phagocyter l’intrigue amoureuse. Du coup, on sent que la
menace est omniprésente, ce qui, paradoxalement, rend l'histoire d'amour d'autant
plus forte et plus profonde.
D'où vient le nom du film, MÖBIUS ?
Le "ruban de MÖBIUS" est une figure de topologie
extrêmement particulière : c’est un anneau assez simple, mais qui n’a qu’une
seule face et qu'un seul bord. Ce qui veut dire que si on part du verso de
l'anneau, on arrive au recto sans franchir le bord. C’est donc assez étrange.
Pour moi, cela illustre l’opération menée contre le personnage principal,
Moïse, joué par Jean Dujardin. Cette opération consiste en réalité à recruter
cet agent du FSB – les services secrets russes – pour la CIA. Il y a donc une
sorte de continuité entre son statut d’agent du FSB et son futur statut
d’espion, ou de traître, au sein de la CIA. Le ruban de MÖBIUS peut aussi
illustrer le rapport entre le renseignement et l’histoire amoureuse puisque
c’est aussi un ruban à une seule face. On passe de l’un à l’autre sans franchir
de bord. Tout est entremêlé.
Vous êtes-vous beaucoup documenté sur le FSB et la
CIA ?
La documentation sur le monde du renseignement n'est pas très
compliquée à obtenir car il y a beaucoup de livres sur la question. En général,
les anciens agents qui se sont faits virer de ces services finissent par
témoigner et par raconter leur histoire, même ce qui est censé rester secret !
Quand j'ai tourné LES PATRIOTES, je n'ai pas rencontré énormément d’agents du
Mossad, mais j'ai beaucoup lu d'ouvrages sur la CIA, le KGB, les services
français et britanniques – les célèbres MI 6 et MI 5. Certains livres sont très
bien documentés, en particulier celui de Robert Littell, "La
Compagnie", autour de la CIA. Du coup, pour MÖBIUS, je n'ai pas vraiment eu besoin de me documenter sur le sujet
puisque que je l’avais déjà fait pour LES PATRIOTES…
Comment avez-vous eu l’idée du couple Jean Dujardin
- Cécile de France ?
Le casting est toujours le fruit d’une réflexion entre le
réalisateur et les producteurs. J’avais envie de faire un film avec des acteurs
qui pouvaient être populaires, dans l'espoir de toucher un large public. Le
choix du duo Jean Dujardin et Cécile de France s’est imposé au bout d’un
processus de réflexion et de rencontres. En tant qu’auteurréalisateur, la
rencontre doit être très déterminante pour moi : il faut qu'il se passe quelque
chose. Et je dois dire que c'était le cas avec Cécile et Jean ! Ils étaient
tous les deux très intéressés par ce projet, et il y a eu une envie réciproque
de travailler ensemble. J'ai ensuite réfléchi à la façon de faire fonctionner
ce duo pour qu'il forme vraiment un couple dans le film. Et je me suis demandé
comment j'allais les emmener chacun vers leur personnage. J'aime bien que les
acteurs ne se fondent pas immédiatement dans les personnages tels qu'ils sont
écrits dans le scénario. De cette manière, ils peuvent enrichir leurs rôles, et
inversement, le personnage peut apporter quelque chose au comédien.
Comment avez-vous travaillé avec Jean Dujardin ?
J’ai passé d’excellents moments avec Jean Dujardin : c’est
quelqu’un de sérieux, de travailleur, de souple. Souple au sens où il n'oppose
pas au réalisateur une rigidité et une certitude de lui-même. Au contraire, il
a une écoute et une humilité inouïes. J’ai rarement travaillé avec des
comédiens qui avaient cette capacité à accepter, non seulement d’apprendre mais
aussi de se tromper, de tâtonner, de chercher. Du coup, on a vraiment travaillé
ensemble sur le personnage.
Et avec Cécile de France ?
C'est notre rencontre qui a été déterminante, tout comme le désir
qu'avait Cécile de faire ce film et de travailler avec moi. J'ai réfléchi
sérieusement à la manière dont je pouvais l’amener au rôle. Cela devait passer
par un travail sur le glamour, en jouant sur sa coiffure, sur sa façon de
s’habiller et sur son maquillage, mais aussi sur le regard qu'elle porte sur
elle-même. Il y a donc eu un travail sérieux et exigeant de mise en beauté.
Mais cela ne suffisait absolument pas pour le rôle d’Alice, qui est très
complexe. C'est un mélange de sensualité, d’humour, d’intelligence, et
d’ambition aussi. On a énormément décortiqué le scénario et le personnage. Je
lui ai aussi donné des cours de finance pour qu’elle se mette en condition.
J'ai été extrêmement précis et, petit à petit, je lui ai montré où je voulais
aller. Cécile a amené sa force de travail, son sérieux, sa souplesse, son
exigence et son talent.
Comment avez-vous eu l’idée de faire appel à Tim
Roth pour l’homme d’affaires russe ?
Il se trouve que j’ai toujours pensé qu'il ressemblait étrangement
à un oligarque russe qui s’appelle Roman Abramovitch. Et puis, qui n'a pas
envie de travailler avec Tim Roth ? Même si, bien entendu, il n'est pas le
premier acteur à qui on peut penser pour le rôle en lisant le scénario, je me
suis dit que c'était un défi intéressant. Par chance, il était disponible à ce
moment-là et le scénario l'a intéressé. Du coup, avec l'accord des producteurs,
on lui a proposé le rôle.
Comment s'est-il approprié le personnage ?
Les acteurs anglo-saxons n'ont pas la même approche que les
français. En fait, ils apportent davantage leur vision du personnage et le
"prennent en charge" pour ainsi dire. Ils sollicitent moins le
réalisateur pour savoir comment celui-ci perçoit le personnage car ils
apportent eux-mêmes beaucoup d'idées. J'ai tout de suite accepté ce principe
avec Tim Roth, d'autant plus que le choix de cet acteur modifiait le personnage
tel qu’il était écrit. Et je trouvais intéressant d’amener un peu plus de
complexité au rôle. Au final, il a joué une version du personnage différente de
celle que je pouvais avoir en tête. Même si sa réflexion rejoignait ma vision
car, tout comme moi, il ne voulait surtout pas tomber dans l’archétype ou la
caricature de l’oligarque russe.
Quel personnage Emilie Dequenne interprète-t-elle ?
Il s'agit de Sandra, une fille de l’équipe du FSB dirigée par
Moïse. Elle occupe une place importante parmi ceux qui sont chargés de recruter
Alice. Le choix de la comédienne qui allait jouer Sandra était très lié au
choix de la comédienne qui interprète Alice car il était essentiel de réussir à
articuler les deux personnalités. J'avais très envie de travailler avec Emilie
Dequenne : j'étais certain qu'elle apporterait une complexité au personnage
avec la finesse qui s'impose. De plus, elle est francophone et c'est une donnée
très importante puisqu'elle joue l'agent de contact. Au départ, on ne sait pas
qu'elle est russe et qu'elle appartient au FSB. Du coup, elle a apporté un bon
équilibre à l'équipe que nous devions constituer.
Pouvez-vous nous parler des seconds rôles ?
Alexei Gorbunov et Vladimir Menchov sont des acteurs formidables,
extrêmement connus en Russie. Ils n'étaient pas vraiment habitués à ce qu'un
réalisateur ait des idées aussi précises sur leurs rôles. Ils avaient une
vision très simple et très humaine de ce qui animait chacun de leur personnage,
alors que j'en avais une lecture presque poétique, plus complexe, plus
française. Il y a donc eu, au départ, une phase de rodage entre nous. Mais Je
crois pouvoir dire que Gorbunov a pris énormément de plaisir à jouer, et de mon
côté, j’ai été très heureux de le diriger et de voir ce qu’il apportait à
Korzov, personnage dangereux et menaçant, responsable de la sécurité de Tim
Roth dans le film.
Et Wendell Pierce ?
C'est un comédien mythique pour moi ! En effet, c’est un des
principaux acteurs de ma série préférée, SUR ÉCOUTE.
J'avais très envie de travailler avec lui, mais sans jamais oser en rêver. Et
puis, j'ai eu l'opportunité de lui offrir un rôle. De la même manière j’ai
proposé un rôle à John Scurti, un des acteurs principaux d’une série que
j’adore RESCUE ME, LES HEROS DU
11 SEPTEMBRE. C'est ce qui a permis d’apporter
au film une certaine crédibilité, et une vraie puissance à travers les
personnages de la CIA. C’était très important car si ces personnages
n’apparaissent pas souvent à l'écran, leur présence devait être remarquée.
Était-ce important, pour vous, d’avoir plusieurs
langues dans le film ?
C’était très important que le film soit tourné en plusieurs
langues parce que c’est une histoire qui dépasse largement les frontières
hexagonales. Ce film confronte différents intérêts nationaux, et il est
traversé par des Américains et des Russes, même si on se situe sur le
territoire français. D'ailleurs, dès l'écriture, j'avais la volonté de donner
au film une certaine ampleur romanesque, à la fois dans les intérêts et les
enjeux.
Comment s’est passé le travail en différentes
langues ?
Assez facilement. J’en avais déjà l’expérience avec Les Patriotes
qui avait été tourné en français, anglais et hébreux. Cela allait avec
l’histoire. J’aime bien ces films qui prennent d’une certaine manière le monde
comme domaine de narration, que l’histoire touche des choses qui dépassent les
frontières d’un pays, où les enjeux sont plus grands. Et raconter le lien fort
et charnel qui unit deux personnages dans ce contexte élargi était d’autant
plus séduisant.
Comment arriviez-vous à diriger les comédiens dans
les scènes tournées en russe, sans comprendre la langue ?
Je ne suis pas totalement étranger au russe puisque je l’ai appris
comme seconde langue au lycée. Depuis j’ai absolument tout oublié. Mais la
musique m’est revenue assez vite et je parvenais plus facilement à repérer les
mots et les intonations. J’ai été évidemment aidé par des interprètes qui m’ont
souvent rendu le travail transparent. Quand ils venaient à manquer, ça se
transformait en cauchemar : Plus personne ne pouvait savoir de quel texte on
parlait : celui du coach, celui du traducteur, celui que l’acteur avait
modifié, ça devenait un enfer ! Et tout le monde s’énervait. Dans ces
situations, Jean Dujardin se marrait bien.
Comment avez-vous choisi les décors et les costumes
?
Je me suis montré assez directif. Puis, peu à peu, je me suis
laissé guider par les personnes avec lesquelles je travaillais car j'ai noué
une relation de confiance avec mes collaborateurs au fil des années. Il faut
dire que je ne peux pas m’empêcher de donner mon avis, mais qu'en général je
n’ai pas de goût esthétique. Quand on me présente un costume, je peux seulement
dire s'il me plaît ou pas. Du coup, pour tout ce qui relève de l'esthétique –
décors, costumes, maquillage, coiffures –, je me méfie de mon propre jugement.
En revanche, j’interviens systématiquement sur la signification d’un décor, ce
qu'il raconte sur les personnages, ainsi que sur la signification d’un costume,
d’une coiffure ou d’un maquillage. Là, je sais quoi dire.
La séquence du yacht est époustouflante…
Ce jour-là, on a bien failli ne pas tourner. Depuis le début, il
était écrit dans le scénario : "Un hélicoptère atterrit sur un
yacht". Bien entendu, mes producteurs m’ont dit : "ça coûte quand
même très cher !" Mais j’ai tenu bon car il n'y a pas grand-chose dans le
film qui soit extrêmement spectaculaire et je trouvais que c'était une scène
visuellement intéressante. Pour autant, comme le budget du film était serré,
jusqu'à la veille, je ne savais ni sur quel yacht nous allions tourner, ni si
l’hélicoptère allait pouvoir s'y poser, ni même si le yacht se trouvait à
Cannes, à Antibes ou à Monaco. Bref, je ne savais rien ! Et on avait une seule
journée pour tourner l'atterrissage de l'hélicoptère sur le yacht, et toute la
scène à l’intérieur du bateau. Cela représentait un sacré défi, car j'étais
exigeant sur la qualité du tournage, de la lumière et des plans. Quant au
tournage à l’intérieur du yacht, il s'est déroulé en pleine mer entre Jean
Dujardin et Vladimir Menchov, en russe. C’était la scène la plus compliquée
dans cette langue pour Jean, car il y avait beaucoup de texte. Il ne s'agissait
pas tant de "parler russe" que de pouvoir "jouer en russe"
en étant crédible. À notre arrivée au port le matin du tournage, on a constaté
qu'il faisait très beau, mais que la mer était démontée. On a su que ça allait
être très difficile de tourner. D'ailleurs, la moitié de l'équipe a eu le mal
de mer et a été malade !
Comment s’est déroulé le tournage de la bagarre dans
l’ascenseur ?
C’est une des rares scènes d’action du film. Ce qui m’intéressait,
c'était d’avoir une bouffée de violence courte, rapide, tendue, dans un
ascenseur étroit. Je voulais montrer un personnage qui tue son adversaire à
mains nues au cours d'une bagarre, même si la victime sait se défendre. On a
trouvé un vieil ascenseur dans une magnifique cage d’escalier qui nous a servi
de référence. On a ensuite reproduit cet ascenseur en bois dans une salle de
répétition. Et là, les cascadeurs ont répété, chorégraphié la bagarre, et
imaginé le moindre mouvement. Je voulais me référer à des techniques de combat
russe, et je ne souhaitais pas que cela donne l'impression d'une "bagarre
de cinéma", mais qu'on assiste à une poussée de violence sauvage dans un
endroit exigu. Puis, on a tourné une partie de la scène en studio et une autre
en décors naturels, dans un véritable ascenseur, avec l'aide d'un ascensoriste
qui a veillé à ce que la cabine ne tombe pas en panne. Mon idée, c’était de
tourner quasiment en plan séquence. Mais je n'y suis pas parvenu et j’ai été
obligé de découper. Même si on perd un peu en dynamisme et en réalisme en
raison des effets de montage, je trouve que les plans sont extrêmement
percutants et que le résultat est assez proche de ce que j'envisageais au départ.
La scène du coup de foudre au Destiny est, elle
aussi, décisive…
C'est une scène inaugurale, dont l’enjeu est crucial : si elle
était ratée, il n'y avait pas de film. Le coup de foudre doit fonctionner pour
que l'on croie à l’histoire d’amour. Il fallait donc trouver l'alchimie entre
les personnages. On avait une très grosse pression le jour du tournage de cette
séquence, même si on s'était longuement préparés avec les comédiens. Je devais
aussi savoir comment filmer dans ce lieu, et ma mise en scène allait être très
déterminante. Quand on a été fixés sur les décors, je me suis rendu compte
qu'on n'aurait pas assez de temps pour tourner l'ensemble des plans. Et puis,
on a commencé dans une atmosphère tendue car Tim Roth avait le sentiment que ce
lieu avait un impact négatif sur son personnage. La pression était d'autant
plus importante que c'est la seule scène qui réunit les trois acteurs
principaux, Jean, Cécile et Tim Roth. Du coup, j'ai multiplié les plans : des
plans moyens, des gros plans, des plans américains, des faces, des profils.
C’est une séquence très compliquée au niveau des points de vue, et il y en a un
bon nombre dans le film.
Comment avez-vous filmé l’intime ?
La scène d’amour dans l’histoire allait apporter, pour moi, la
spécificité et l’originalité du film. Du coup, cette séquence charnelle et
sensuelle à la fois était fondamentale, parce qu'elle allait dire l’essentiel
sur le fondement même du rapport des personnages. Ce que j’ai voulu montrer,
c’est que leur manière de faire l’amour parle de leur relation : ce qui se joue
entre eux dans leur étreinte, c’est ce qui se joue entre eux dans leurs
rapports. Je voulais interpeller le public, en lui demandant : "Qu’est-ce
qui se passe entre eux quand ils couchent ensemble ? Qu’est-ce qui se joue à ce
moment-là ? Qu’est-ce qu’elle vit, elle ? Qu’est-ce qu'il vit, lui ?" Et
ce qui se passe dans cette scène va imprégner toute la suite car il y avait là
une narration qui raconte quelque chose d’extrêmement intime. C’était la
première fois que je dirigeais une telle séquence et j'ai dû expliquer aux deux
comédiens comment ils devaient faire l'amour et jouir, et comment leur plaisir
devait progresser et s'épanouir, et préciser par quelles étapes physiques cela
devait passer. Ce n'était pas une position facile pour moi, mais heureusement
Jean et Cécile étaient ouverts à ce travail. Ils n'ont pas cherché à
l’esquiver. Cécile m’a même dit : "Je veux que tu me diriges à mort, dans
les moindres détails, et plus tu me diriges, et plus je serai à l’aise".
J’ai trouvé ça formidable, parce que, du coup, effectivement, j’ai été assez à
l’aise pour la diriger, alors que je suis plutôt pudique.
Dans quel contexte avez-vous tourné la scène de la
planque dont se dégage un vrai sentiment d'urgence ?
J'avais repéré le décor, mais j’avais deux heures seulement pour
tourner la scène parce qu'on tournait dans des endroits différents la même
journée. Donc je savais que j’avais très peu de temps, mais je ne voulais pas
la filmer rapidement pour autant, caméra à l’épaule. À mon arrivée sur place,
le décor était installé, c'était vraiment beau et cela correspondait à ce dont
on avait parlé avec le chef décorateur. La tension était très forte, je devais
rester concentré, et je me suis dit que je n'allais pas réussir dans ce contexte.
Pour ajouter à la difficulté, l'équipe m'a fait remarquer qu'on avait des
problèmes de lumière à l'extérieur qui étaient trop compliqués à gérer en si
peu de temps. Mais finalement, j'ai tout imaginé en dix minutes, et j’ai trouvé
comment tourner la séquence en un plan unique, avec une caméra qui bouge sur un
seul axe pour simplifier les difficultés liées à la lumière, tout en restant
dans le temps de travail imparti. C’est typiquement le genre de situation
abominable où, finalement, l'inspiration vient débloquer les contraintes.
Pourquoi avoir choisi le 35 mm ?
Je sais qu’en France on est passé à 70 % de films en numérique et
30% en pellicule, tandis qu'aux États-Unis, on est encore à 50-50. Moi,
j’estime que le numérique présente beaucoup d'avantages, mais pour certains
types de film, on ne peut pas obtenir la même qualité d’image qu'avec la
pellicule. Nous avons eu un débat avec mes producteurs parce que je voulais
tourner à deux caméras pour faire beaucoup plus de plans et qu'il s'agit alors
d'une question de coût. Dès le départ, j'étais favorable à la pellicule et je
ne voulais pas qu'on fasse un travail stylisé sur l'image car je tenais au côté
réaliste. Pour mieux se rendre compte des différences, on a fait des essais,
notamment sur les peaux, car le numérique est beaucoup plus cru et dur que la
pellicule et MÖBIUS est un film de peau, un film d’amour, où la
sensualité est omniprésente. Les essais ont été déterminants : la pellicule
rendait le film plus glamour avec des extérieurs jours de grand standing.
Qu’est-ce qu’une "Rochance" ?
Quand j'ai réalisé la série MAFIOSA, avant MÖBIUS, j’avais envie de travailler les amorces parce que je voulais que
la caméra puisse capter un certain nombre d'éléments du décor. Cette volonté
était liée à l’histoire de la série et à la manière dont les séries sont
filmées. J’ai voulu m’inspirer de ce que j’avais vu dans SUR ÉCOUTE, que j'adore ! Je me suis servi du téléobjectif et de la longue
focale pour jouer sur les rapports entre le net et le flou. Il y a donc une sorte
de présence-absence qui peut donner l'impression que le point de vue est un peu
caché. On peut choisir de mettre en avant un personnage dans un décor flou ou,
au contraire, d'insister sur un des éléments du décor avec un gros plan. Du
coup, on peut montrer l'importance d'un objet et lui donner un sens en le
mettant en valeur. En revanche, certaines amorces sont non-signifiantes : il
s'agit de mettre n’importe quel objet en avant, pour ajouter une forme, un
sentiment de relief à l’image, et lui donner une valeur esthétique. C'est ce
qu'on appelle la "Rochance". En fait, je place les éléments
extrêmement proches de la caméra, comme si elle était cachée juste derrière.
Cela donne un résultat complètement flou, on ne comprend pas ce que c’est, mais
cela sculpte l’image.
Vous avez écrit un journal de bord sur Twitter. Quel
était le sens de cette démarche ?
J’ai pas mal twitté pendant le tournage car j'ai eu envie de
partager mes réflexions et mes sensations. J’aurais bien aimé avoir ce genre de
témoignage à l'époque où j’étais étudiant en cinéma. Je me rappelle avoir lu un
bouquin d'entretiens entre Truffaut et Hitchcock, absolument incontournable
pour les étudiants, où Hitchcock racontait des tas de choses sur les films.
J'ai ressenti cette envie de témoigner de façon exhaustive sur mon expérience
de réalisateur. D'autre part, Twitter m’a permis de me sentir moins seul avec
mes problèmes, en partageant au fur et à mesure mes difficultés. Je pouvais à
la fois geindre et me plaindre, et à d'autres moments, me montrer enthousiaste
et communiquer ma joie. J’ai essayé d’être le plus sincère possible.
Vos tweets peuvent se lire comme un journal intime,
spontané et pris sur le vif, de votre travail. Quel rôle peuvent, selon vous,
jouer les réseaux sociaux aujourd’hui dans la création artistique ?
Je n’en sais rien. Internet est surtout un lieu
d’échange, échange de savoirs, échange d’expériences et… échanges commerciaux
bien entendu. Mais cette notion d’échange et de partage est très importante.
Pouvoir lire la thèse d’un professeur de linguistique américain ou suivre les
tweets de quelqu’un qui livre son expérience, il s’agit de partage. C’est
inouï, précieux et je pense que ça vaut tous les défauts qui vont avec :
l’instantanéité de l’information, la généralisation de la rumeur,
l’amplification du mensonge, l’escroquerie et parfois l’aliénation.
Quel est, selon vous, l’avenir du cinéma
d’espionnage ?
Je pense que le genre a un bel avenir : il existera tant que
l’espionnage existera, et tant qu’il y aura des frontières, des nations, des
pays, des conflits, il y aura du renseignement. Il me semble qu’il y a aussi
des modes : la guerre froide, avec le conflit est-ouest a donné de grands films
d’espionnage, puis il y a eu la lutte contre le terrorisme qui a inspiré des films
d’action. Et ce n'est pas demain que l’histoire de l'humanité va se passer du
monde du secret ! En revanche, c’est vrai que la série concurrence sérieusement
le cinéma car elle propose un format absolument approprié pour entrer dans les
détails de l'intrigue, fouiller la psychologie des personnages et rendre compte
de toute la complexité de cet univers.
Comment avez-vous travaillé le son du film ? Quel
rôle avez-vous accordé au score du film ?
Le son du film se fait d’abord par le choix des collaborateurs.
J’ai eu la chance d’avoir un excellent ingénieur du son belge, Marc Engels qui
a fait un très bon son direct et a restitué les voix avec une grande
sensibilité. C’était fondamental pour que la sensualité soit palpable dans la
façon dont les deux amoureux se parlent dans l’intimité. J’ai eu aussi la
chance de travailler avec un grand mixeur, Cyril Holtz, qui a réussi à doser
les sons et raconter des choses très délicates, relativement complexes avec les
bruits, les ambiances et surtout la musique.
Comment s’est fait votre choix sur Syd Matters ?
Je savais qu’il y aurait beaucoup de musique dans ce film pour
amplifier l’émotion ou la nuancer si nécessaire. Surtout que la musique devait
elle aussi appuyer, exprimer la sensualité, l’intimité de cette histoire tout
en faisant de la place au suspense et à la tension. L’équation était
compliquée. Il fallait beaucoup de sensibilité et d’intelligence pour y
parvenir. J’adorais la musique de Syd Matters et c’est naturellement que j’ai
contacté Jonathan Morali pour parler du projet. Je devinais que quoi qu’il
fasse, même si au fond je lui demandais quelque chose de différent de sa
musique, sa sensibilité et son intelligence allait s’exprimer. Et que ce soit
dans un style techno-pop, ou plus classique, ou inclassable, c’est ce qui s’est
passé.
Le film multiplie les points de vue et l’intrigue du
film est pleine de rebondissements… Comment avez-vous abordé le travail de
montage ?
Avec Pascale Fenouillet, la chef-monteuse, qui a un regard acéré,
juste et sans complaisance, et surtout le sens de ce que le cinéma doit encore
préserver, nous avons juste commencé par suivre le scénario. Nous avions
confiance en l’écriture et n’avons pas cherché à esquiver. Evidemment, de
l’écrit à l’image, les perspectives changent et il faut ensuite s’adapter. Le
tout est de parvenir à garder un regard. C’est pourquoi dans un premier temps
je ne suis pas allé au montage. Pour garder un regard neuf. Ensuite chacun a le
recul qui peut et il me semble nécessaire d’être deux. Cela devient plus compliqué
quand on multiplie les points de vue car alors il faut garder le cap.
La phase de montage est toujours un moment de
réécriture du film. Quel a été l’enjeu du montage de MÖBIUS ?
De ne jamais perdre de vue l’émotion qui devait s’en dégager tout
en suivant une intrigue serrée, que l’on devait rendre la plus lisible possible
alors qu’à priori elle est plutôt complexe. De tenir tout ensemble, la tension,
le suspense, la compréhension en sachant que le coeur palpitant du film était
la relation amoureuse qu’il ne fallait jamais sacrifier mais au contraire
soutenir, renforcer, enrichir, car c’ était le coeur du projet.
Jean
Dujardin
Comment êtes-vous arrivé sur le projet ?
C’est le producteur Alain Attal qui m’a donné le script. Et
d'ailleurs, il m’a simplement dit "voilà, j’ai un truc qui n’est pas mal.
Tu pourrais le lire". Il ne me l’a pas survendu. Du coup, je n'avais pas
d'attente particulière, et je me suis retrouvé embarqué dans cette histoire,
moi qui suis toujours à la recherche de sensations et d’émotions. J'ai relu
trois fois le scénario avant de rencontrer le metteur en scène, Eric Rochant,
dont LES PATRIOTES constitue une référence majeure dans le genre de
l'espionnage. Dès le départ, ça partait bien.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement plu ?
Ce qui m'a immédiatement séduit, c'est la rigueur dans l’écriture
et l’ambition du film : MÖBIUS se situe entre LES PATRIOTES et LES ENCHAÎNÉS,
à michemin entre le film d’espionnage et l'histoire d’amour. J’ai aussi trouvé
que le scénario était tendu et bien ficelé, ce qui est très rare. On sent
qu'Eric Rochant a pris le temps pour élaborer l'intrigue et qu'il s'est
abondamment documenté. En tant que comédien, il faut lui faire confiance et le
laisser nous amener où il souhaite car c'est son histoire. J'avais vraiment
envie d'explorer un autre registre, c'est-à-dire avec plus de contraintes dans
l'espace de jeu. Après THE ARTIST où
on me demandait d'être davantage expressif, je trouvais intéressant d'aller
dans plus de retenue. Car dans MÖBIUS, c’est avant tout le
réalisateur qui vient nous chercher avec sa caméra. C'est un film qui repose
beaucoup sur les échanges de regards : que ce soit dans l’intrigue d'espionnage
ou dans l’histoire d'amour, on est toujours dans l’observation.
Comment pourriez-vous décrire votre personnage,
Moïse / Grégory Liubov ?
C'est l’homme de main de Cherkachin. Il était "vori" –
voleur – dès l’âge de 15 ans, donc voyou, et il s’est retrouvé en taule, puis
Cherkachin l'a pris sous sa coupe et l’a envoyé en mission. C’est quelqu’un
d’assez rigoureux, qui maîtrise énormément les choses. Il y a peu de place pour
le plaisir dans sa vie, et l'histoire vient le cueillir au moment où,
justement, il s’autorise à vivre peutêtre sa vie d’homme. Il le formule de la
manière suivante : "Je crois que je suis en train de merder
sérieusement". Il s’en amuse et s’en inquiète, mais il sait qu'il doit
systématiquement trouver des solutions. Et il se rend compte qu'à chaque fois
qu'il ment à ses coéquipiers, il ment à cette femme qu'il aime, et qu'il se
ment à luimême. J'ai fini par me rendre compte qu'en fait Moïse ressemble
étrangement à Eric Rochant. Et c'est d'ailleurs pour cette raison qu’il vit
aussi intensément son film.
Justement, il semble assumer sa passion amoureuse au
détriment de sa vie professionnelle. C’est quelque chose qui résonne en vous ?
Je sais qu'il faut trouver un point d'équilibre entre vie
professionnelle et vie affective. Moïse, lui, n’a pas vraiment le choix.
D'ailleurs, dans le scénario, Cherkachin, son mentor, lui présente des
prostitués pour assouvir ses désirs. Il s'entend souvent dire : "Ne tombe
pas amoureux". De mon côté, j’ai le choix : j'ai la chance, pour le
moment, de pouvoir gérer ma vie affective et familiale et ma vie
professionnelle, et il n’est pas question qu’il y en ait une qui prenne le pas
sur l’autre.
On peut dire que Moïse est à l'opposé d'OSS 117. Était-ce l’occasion de jouer une autre facette de
l’agent secret ?
Je n’ai pas eu l’impression de jouer l’agent secret parce que,
justement, je pense que l’écueil de ce genre de film, c’est la pose, la frime.
Dans OSS 117, on est délibérément dans le cliché et le pastiche.
Pour MÖBIUS, je pense que j'ai davantage abordé mon personnage
comme un chef d’entreprise qui essaye de motiver ses troupes, et qui leur dit :
"je veux des résultats", "je veux que ça fonctionne et c’est
comme ça". En étant le plus ferme possible. On a été très attentifs avec
Eric à ne pas tomber dans la frime. C’est lui qui m'a guidé, et je n'ai pas
hésité à changer de registre, quitte à être un petit peu monomaniaque et à
assumer les défauts du personnage, ce qui peut s'avérer assez séduisant. Dès
l'instant où on a éliminé le piège de la frime, j'ai tourné totalement le dos à
OSS 117, où le personnage prenait énormément de place. Dans
MÖBIUS, c’est l’histoire qui est prépondérante et, en tant
qu'acteur, il faut l’accompagner.
Vous êtes-vous intéressé au FSB ?
Eric m’en a beaucoup parlé, et il faut dire qu'il est très calé en
la matière. Mais on doit avant tout rester humain. L’humain, c’est la dimension
que nous, les acteurs, on peut lui apporter, en faisant des lectures. Du coup,
grâce à cette démarche, on comprend de mieux en mieux l’histoire, et on en
perçoit les enjeux, qu'il s'agisse de l'intrigue d'espionnage, très
cartésienne, ou de la relation amoureuse.
Avez-vous le sentiment que c'est votre première
grande histoire d’amour à l’écran ?
Pas du tout ! Dans UN BALCON SUR LA MER de Nicole Garcia, par exemple, j’ai appris beaucoup de choses sur
la passion amoureuse, et même s'il s'agissait surtout d'un homme amoureux de
son souvenir, c’était quand même une histoire d’amour. J'ai aussi vécu une
relation amoureuse avec Anne Alvaro dans LE BRUIT DES GLAÇONS de Bertrand Blier.
Mais c'est la première fois, dans votre parcours,
que l'histoire d'amour est au coeur de l’intrigue…
Peut-être, oui. Elle est sans doute un peu plus marquante parce
qu'elle viole tout un ensemble de règles. Normalement, on ne doit pas déroger
pas à ces principes car il est interdit de s'écarter de sa mission. Du coup,
elle se remarque davantage car elle se déroule dans la clandestinité.
Vous n'aviez jamais tourné avec Cécile de France.
J’avais très envie de tourner avec elle parce je me disais qu’on
avait sûrement un peu la même méthode de travail, et qu'on était tous les deux
de bons petits soldats. Chacun de notre côté, nous avons travaillé au maximum
pour arriver détendus et disponibles sur le plateau. Cécile s'engage de manière
incroyable dans son rôle, elle a une grande disponibilité, et une certaine
légèreté. Je pense aussi qu'après avoir souvent joué les femmes-enfants, elle
fait ici émerger une femme très féminine. D’ailleurs, quand elle allait se
préparer, elle disait : "Je vais me déguiser en femme". Et elle se
déguise très bien ! Je pense que l’on va découvrir une autre facette de sa
personnalité.
Il y a une scène de coup de foudre qui se joue sur
les regards. Comment Eric Rochant vous a-t-il préparé à cette scène ?
Justement, en nous plaçant immédiatement dans un décor et en nous
demandant de nous regarder. On se regarde beaucoup dans le film. Il ne faut pas
s'appuyer uniquement sur le texte, ou trop préparer les scènes. On peut en
discuter entre nous, d'autant qu'Eric aime bien nous apporter de la matière
parfois très théorique, mais c'est important ensuite de s'abandonner à la
scène.
Vous formez un couple avec Cécile de France où
l'alchimie opère formidablement…
Je n’en sais rien. Je sais simplement que nos physiques se
correspondent bien. Mais cette rencontre va bien au-delà pour Moïse et Alice :
elle est comme une évidence. Car on sent qu’ils peuvent être à la fois très
amis et très amoureux, de manière quasi fusionnelle. J'ai donc le sentiment
qu'il y a quelque chose de glamour entre eux dans les moments d'intimité et
d'assez professionnel dans d'autres situations.
Qu'avez-vous pensé de Tim Roth ?
Je pense que ce n’est pas lui qui va vers le personnage, mais que
c'est le personnage qui va vers Tim Roth. Il "TimRothise" tout si je
puis dire ! Mais c’est ce qui fait aussi la singularité de cet acteur. Il a une
conscience extraordinaire de ce qu’il est, de son visage, de sa démarche et de
son jeu. Il y a chez lui une nervosité et une dangerosité qui sont vraiment
intéressantes pour le personnage de Rostovski. Sa petite taille aussi génère de
l'inquiétude.
Avez-vous travaillé les scènes en russe avec un
coach ?
Oui, nous les avons travaillé phonétiquement : j’ai seulement
appris mon texte, mais pas à parler russe, ce qui aurait été un peu long … Mon
coach m’a conseillé d'imiter les russes, ce qui s'est révélé très utile. Du
coup, j'ai demandé conseil aux acteurs russes avec lesquels je tournais. Ils me
disaient : "Tu enlèves une syllabe à la fin des phrases, ça fait un peu
plus russe", "Tu ne dis pas vraiment le mot, tu le gardes un peu dans
ta barbe", "Tu descends la mâchoire et tu allonges les mots comme
ça".
Comment vous êtes-vous entraîné pour la scène de
bagarre dans l'ascenseur ?
Comme un bon élève avec le chef-cascadeur Philippe Guégan, et il
faut dire que j'adore ce genre de séquence ! Généralement, les bagarres au cinéma
sont très sophistiquées. Là, il fallait que ce soit brutal : les coups sont
faits pour tuer, et il s'agissait donc d'y parer. La scène devait être courte
et efficace, comme les aime Eric Rochant. Il n’y a qu’une scène de bagarre dans
le film, mais elle est vraiment intense.
Comment Eric Rochant dirige-t-il ses acteurs ?
Il intervient beaucoup, et parfois même un peu trop ! Comme le
film est ambitieux et qu'il avait peu de temps, je comprends son empressement.
D'autant plus qu'à chaque fois qu’il me faisait des remarques, c'était très
juste et pertinent. Malgré tout, il est assez souple et il reste à l'écoute,
mais il a aussi besoin de multiplier les rushes. Et comme certaines scènes sont
assez statiques, il lui faut une abondance de plans pour avoir de la matière et
pouvoir rythmer le film. J'ai eu le sentiment qu'avec ce film, il a retrouvé
ses racines. Son travail sur MAFIOSA lui a énormément apporté au
niveau technique, mais avec MÖBIUS il revient vraiment à ses
premiers amours.
Vous avez croisé Jean-Paul Belmondo à plusieurs
reprises sur le tournage. Peut-on dire qu'il incarne un peu votre ange gardien
?
Je pense souvent à lui parce qu’il m'apprend à relativiser : c'est
un grand acteur très libre, très disponible, qui a pris énormément de recul
avec son métier, et qui, dans le même temps, est toujours resté proche des
gens. Je pense que c’est comme cela qu’il faut considérer ce métier pour s’en
protéger aussi. Jean-Paul est quelqu’un qui me fait du bien. Malgré tout ce
qu'on a pu entendre sur lui, il est très alerte, avec l’oeil pétillant et un
grand sourire sur les lèvres.
Le fait d’avoir remporté l'Oscar a-t-il changé
quelque chose pour vous, sinon dans votre travail, du moins dans la perception
que les gens ont de vous dans le métier ?
Je n'ai pas vraiment senti de changement. Et puis, je n’ai pas
envie que ça change. Je suis simplement heureux d'avoir le luxe de pouvoir
choisir parmi les propositions qui me sont faites. Au contraire, je dirais
qu'obtenir une telle récompense vous rend plutôt humble car on est, en quelque
sorte, attendu au tournant. Je suis conscient que j'ai encore beaucoup de
choses à apprendre et qu'il est important de connaître ses faiblesses. On
commence à voir émerger un acteur vers 60 ans. Moi, je suis un jeune acteur !
Du coup, c’est formidable d’avoir eu, à 40 ans, autant de prix, et cela suscite
un sentiment de fierté. Mais il ne faut pas se laisser griser par la notoriété
: elle doit vous aider à vous améliorer, à gagner confiance en vous, mais pas à
devenir arrogant. Aujourd'hui, j’ai envie d’une comédie d’aventures. Et
j’espère que l’on ne se dit pas "il est trop cher" !
Cécile
de France
Comment êtes-vous arrivée sur le projet ?
De manière assez classique, par mon agent. J'étais très
impatiente, et très curieuse, de lire ce script, car j’avais beaucoup aimé LES PATRIOTES. J'ai trouvé le scénario de MÖBIUS excellent, et j’ai adoré mon personnage. Et puis, on m’a fait part
du désir d’Eric de vraiment vouloir travailler avec moi. Cela m’a beaucoup
touché, d'autant que la production s'est arrangée pour décaler les dates de
tournage afin que je sois plus disponible.
Comment vous êtes-vous préparée au rôle ?
Eric est venu chez moi à plusieurs reprises et on s'est lancés
dans une longue préparation : il m'a notamment donné des cours de finance parce
que je n'y connaissais vraiment rien ! Et il fallait quand même que je joue une
femme trader très forte, très expérimentée. Du coup, c’était assez drôle et
j’ai appris plein de trucs. Puis, au fur et à mesure, je suis entrée dans
l’histoire et dans le personnage que j’ai eu énormément de plaisir à
interpréter. Je me suis aussi bien amusée à construire le personnage avec
Carine, la costumière, car Alice a un style particulier.
Pour vous, MÖBIUS est-il un thriller ?
C’est à la fois une histoire d’amour et un thriller, mais je crois
que c’est avant tout – en tous cas, c’est comme ça qu’Eric m’en avait parlé la
première fois qu’on s’est vus – une histoire d’amour. Une très belle histoire
d’amour qui se situe dans un cadre un peu hitchcockien et qui révèle une
intrigue passionnante. Du coup, on entre dans cet univers avec plaisir et on a
vraiment envie de suivre les personnages et de savoir ce qui va se passer.
Comment pourriez-vous dépeindre votre personnage ?
Alice n'est pas une espionne au départ, mais elle cherche à
recouvrer sa liberté et un casier judiciaire vierge, parce que lorsqu'elle
était aux États-Unis, elle a contribué à la chute de Lehman Brothers, où elle
travaillait. Du coup, elle ne peut plus rentrer aux États-Unis, et afin de
pouvoir y revenir, la CIA lui propose un marché : travailler pour eux.
L'espionnage n'est donc pas son activité. Mais il lui arrive ce qui ne devait
pas lui arriver : elle tombe amoureuse de l'homme qui enquête sur elle…
Qu'est-ce qui vous a séduite dans cette relation
amoureuse ?
C’est une très belle histoire qui, à mon avis, évite les clichés
et la facilité. Eric a eu l’intelligence d’aller chercher des choses plus
surprenantes car il s'agit vraiment d'un amour profond. C'est aussi la première
fois qu'Alice découvre qu’elle est heureuse avec un homme. Elle lui donne
beaucoup et elle lui montre à quel point il l'épanouit, surtout quand ils font
l’amour.
Avez-vous eu l’impression que le couple que vous
formez avec Jean Dujardin fait écho à certains couples mythiques du cinéma
français ?
Je pense que c'était la volonté d’Eric d'imaginer un duo qui
corresponde à un code cinématographique très esthétique, qui fait référence à
des couples qui sont entrés dans notre imaginaire et dans notre filmothèque idéale.
Mais, encore une fois, sans tomber dans la facilité de se laisser enfermer dans
des stéréotypes, car Eric a vraiment un style qui lui est propre.
Comment Eric Rochant a-t-il travaillé la lumière ?
Avec Pierre Novion, le directeur de la photo, Eric a cherché à
magnifier les acteurs, parce qu'il fallait qu’on fasse rêver et frissonner. Si
la lumière est très belle, elle permet aussi au spectateur de mieux rentrer
dans l'histoire. On n’est pas du tout dans l’hyperréalisme des frères Dardenne
! On est dans un univers très stylisé, où chaque plan est extrêmement
sophistiqué, qu'il s'agisse de la lumière, des costumes, du maquillage, ou des
coiffures, sans pour autant que cela paraisse figé. Cette esthétique-là fait
vraiment rêver !
La scène du coup de foudre a-t-elle été
particulièrement difficile à jouer ?
En fait, chaque scène était très importante, et on ne s'est jamais
dit : "oh là, c’est facile ". Mais, effectivement, la scène du coup
de foudre, ou encore celle où Alice et Moïse comprennent qui ils sont chacun,
vers la fin du film, sont des séquences-clés. Celle-ci a été difficile à jouer
parce qu’on l’a tourné très tôt et que, du coup, on s'est retrouvé à tourner le
dénouement avant le début. Quelles que soient les scènes, la concentration
était maximale et Eric ne lâchait rien. Il a énormément de respect et de
confiance envers ses acteurs, mais il reste d'une grande exigence sur la
qualité du jeu et sur la puissance des émotions.
Quel est votre regard sur Jean Dujardin en tant
qu’homme et en tant qu’acteur ?
En tant qu’homme, Jean est très cool et extrêmement gentil. Il ne
se prend pas du tout au sérieux, il est drôle, et c’est donc très agréable de
tourner avec lui. En tant qu’acteur, c’était génial de jouer avec lui car ce
qu’on avait à faire tous les deux n'était pas simple et je dois dire qu'il m’a
beaucoup aidé. Et même si on ne le voyait pas dans le cadre, il était toujours
à mes côtés. Je l’en remercie vraiment.
Comment se sont passées vos scènes avec Tim Roth ?
Tim a une manière de travailler très particulière : son personnage
est d'une grande force et on a le sentiment qu'il vient avec sur le plateau.
Cette puissance peut être très déstabilisante, et pourtant, mon personnage
était censé être à l’aise avec lui. En tout cas, Alice ne devait pas montrer
qu’elle avait peur, même si le but était de le séduire et d'obtenir des
confidences de sa part. Du coup, je n'étais pas dans une position facile : il y
avait d'un côté Cécile, un peu troublée et perturbée, d’autant plus que c’est
mon acteur préféré, et de l'autre, mon personnage. Mais cela m'a aidé à
progresser et je suis très fière d'avoir tourné avec lui.
Étiez-vous heureuse de donner la réplique à Emilie
Dequenne ?
Bien sûr ! D'ailleurs, j'étais étonnée qu’on n’ait pas encore
tourné ensemble. Même si on n'a pas partagé beaucoup de scènes, c'étaient des
séquences cruciales. J'aurais beaucoup de plaisir à retourner plus tard avec
elle.
Tim
Roth
Qu'est-ce qui vous a intéressé dans ce projet ?
En lisant le scénario, je me suis dit que c'était un solide
thriller, ainsi qu'une très belle histoire d'amour. Mais c'est surtout la
perspective de travailler avec de formidables acteurs qui m'a convaincu.
Wendell Pierce est l'un de mes comédiens préférés et, même si on n'a aucune
scène ensemble, j'étais très heureux de partager l'affiche avec lui.
Comment pourriez-vous décrire votre personnage ?
C'est un oligarque russe qui est très bon en affaires et qui a
profité de la dissolution de l'Union soviétique pour s'enrichir davantage. Il a
été durement touché par la crise financière, même s'il a encore beaucoup
d'argent. Et c'est alors qu'il se fait avoir par une fille et manipuler par
toutes sortes de personnages. En somme, c'est un sale type ! Je n'ai aucune
sympathie pour ce genre d'hommes d'affaires véreux qui contrôlent le monde.
Vous avez quelques scènes en russe. Était-ce
particulièrement difficile ?
Oui, vraiment ! Je n'aime pas du tout avoir à parler une langue
étrangère que je ne maîtrise pas dans un film, même si cela m'est déjà arrivé.
Il faut répéter phonétiquement, et puis tricher en disant votre texte sans
avoir la moindre idée de ce que vous racontez et en espérant seulement que ça
veut dire quelque chose. En ce qui concerne mon personnage, il s'agit
essentiellement d'argot très crû. Ce qui m'a rassuré, c'est qu'Alexei Gorbunov
m'a dit que je ne m'en sortais pas trop mal.
Justement, quels ont été vos rapports avec Alexei
Gorbunov ?
Le plus difficile, c'est que je ne parle pas russe, et que lui ne
parle pas anglais… Et pourtant, nous avons réussi à communiquer. C'est un homme
charmant, assez mystérieux, qui a une autre vie à côté de son métier d'acteur
puisqu'il est aussi musicien et qu'il se produit dans un groupe. Il vit à
Odessa et, comme je connais cette ville, nous en avons discuté un peu. C'est
toujours un peu délicat quand vous n'avez pas d'interprète pour vous aider,
mais on s'est débrouillés.
Comment Eric Rochant dirige-t-il ses comédiens ?
Tout en faisant un cinéma très différent, il m'a un peu rappelé
Peter Greenaway. Ils sont tous les deux très méticuleux et ont le même sens du
détail. Eric est d'une très grande précision dans sa direction d'acteurs, ce
que je n'ai pas rencontré chez beaucoup de metteurs en scène. Ce qui ne l'a pas
empêché pas de me laisser pas mal de marge de manoeuvre et d'accepter certaines
de mes propositions.
Qu'avez-vous pensé de Cécile de France ?
Ce qui m'a impressionné, c'est sa capacité à se glisser à
merveille dans la peau d'un personnage qui ne lui ressemble pas du tout. Quand
elle ne tourne pas, c'est une maman très maternelle qui se balade en jeans avec
sa poussette. Et dès qu'elle arrive sur le plateau, maquillée et coiffée, elle
devient une tout autre personne, très glamour. C'est une grosse bosseuse et une
fille très drôle. Je crois vraiment qu'il n'y a que les très bons acteurs qui
sont capables d'incarner des personnages aussi loin d'eux. Et Jean Dujardin ? Même si je n'ai aucune scène avec lui, c'est un
formidable acteur qui possède le sens du rythme, et donc de la comédie.
Emilie
Dequenne
Comment êtes-vous arrivée sur le film ?
C’est Eric Rochant qui m’a envoyé le scénario et qui m’a proposé
le rôle de Sandra. J’ai trouvé le scénario d'une grande richesse, d'autant plus
que je n'ai pas l’habitude de cet univers-là et de ce type de personnage. Par
ailleurs, j’avais envie de travailler avec Eric depuis longtemps. Vraiment
longtemps. On s’est rencontrés il y a des années pour un projet qui,
finalement, ne s’est pas monté. Du coup, c’était assez évident pour moi. Et je
voulais m’attaquer à un personnage comme Sandra, car c'était une expérience
nouvelle pour moi. J’ai souvent interprété des personnages à fleur de peau qui
sont plein de travers. Avec MÖBIUS, il s'agissait d'interpréter
un personnage qui fait son boulot, tout simplement.
Qu'est-ce qui vous a séduite dans le fait d'incarner
une espionne russe ?
Disons que c'était un peu le saut dans l'inconnu ! Mais c'était
vraiment l'opportunité de jouer un tel rôle qui m'a donné envie de faire ce
film car c’est rare de recevoir ce genre de projet. Cela m'a rappelé
l’imaginaire de l’enfance et les films d’espionnage que j'aimais regarder à la
télévision.
Comment vous êtes-vous préparée au rôle ?
Je ne me suis pas préparée particulièrement. On a discuté du
personnage avec Eric et on a répété. Il voulait que les choses soient simples.
Pour lui, il fallait incarner des gens normaux qui font leur travail, tout en
étant très conscients de la nature de leur activité. De mon côté, j'ai trouvé
que l’univers de MÖBIUS était très riche et que le scénario se suffisait à
lui-même. J’ai surtout défini des responsabilités pour Sandra et je me suis dit
que, même si c’était un personnage assez jeune, elle faisait quand même bien
son boulot. J’ai plutôt axé l’importance du personnage sur le fait qu’elle est
le contact entre Boris et l'équipe.
Pour vous, MÖBIUS relève-t-il davantage du thriller, de l'histoire d’amour, ou du
film d’espionnage ?
Je dis toujours que c’est un thriller qui se passe dans le monde
de la finance avec, au milieu de tout ça, une très belle relation amoureuse qui
va naître. D'ailleurs, ce qui m'a plu, c'est de voir s'épanouir une histoire
d’amour absolument essentielle au sein d’un contexte bien particulier :
l'univers de l'espionnage dont l'ambiance est singulière…
Quel genre de directeur d'acteur est Eric Rochant ?
C’est quelqu’un de très attentif, ce qui est rassurant pour un
acteur. Il a un vrai regard et rien ne lui échappe. On sent qu’il a une idée
vraiment précise de ce qu’il veut faire et de la manière dont il veut y
parvenir. Je pense que tous ses plans vont permettre – même si nous avons
travaillé de façon assez découpée sur plusieurs axes – de donner beaucoup de
rythme à ce film. Ses personnages ne sont jamais binaires car il travaille dans
la nuance. Et puis, il aime bien expérimenter différentes possibilités.
Est-il ouvert aux propositions des comédiens ?
Oui, Eric est quelqu’un de très ouvert. On peut discuter avec lui
de ce qu’on a envie de faire. C’est pour cela que je parlais de son travail
tout en nuances car il accepte la plupart de nos propositions. J'ai souvent eu
l’impression qu’il me laissait faire comme je le sentais, même s'il
m'aiguillait dans telle ou telle direction. Je pense qu'en choisissant ses
comédiens, il sait dès le début ce qu'il peut en attendre.
Comment s'est passée votre collaboration avec Cécile
de France ?
J’étais très heureuse de travailler avec elle parce qu’on n'avait
jamais tourné ensemble. On est Belges toutes les deux, on s’est croisées
plusieurs fois, mais ce qui me semblait intéressant, c'était de pouvoir tourner
ensemble. Et on a partagé quelques jolies scènes dont celle du sauna, même si
ce n'était pas évident.
Quelle est, selon vous, sa meilleure qualité
d’actrice ?
En général, je trouve que Cécile est plutôt instinctive et
spontanée. Et j’ai l’impression qu’elle ne se regarde pas vraiment jouer. Elle
est d'une grande générosité. Au cinéma, on joue rarement tout seul, et quand on
a Cécile en face de soi, c'est formidable. C’est une vraie comédienne !
Et Jean Dujardin ?
Je le connaissais très peu. On s'était seulement croisés. J’ai
toujours eu le sentiment qu’il était très sympa et, de fait, c’est quelqu’un de
gentil et de drôle. Il a la faculté de mettre les autres à l’aise. Certains
acteurs ont une carrière impressionnante qui les précède, et qui peuvent, sans
le vouloir, vous donner la sensation que les rapports ne peuvent pas être
francs et simples. Mais ce n'est pas du tout le cas de Jean ! Même si je dois
bien avouer que, pendant un petit moment, je me suis demandé : "comment
est-ce que je vais faire face à ce comédien oscarisé ?" Mais il ne laisse
pas la possibilité aux autres de se poser ce genre de questions. Et c’est un
excellent acteur !
Coypyright
Photos : Fabrizio Maltese
© Récifilms - Axel Films - Les Productions du Trésor - EuropaCorp - JD Prod - France 3 Cinéma - Samsa Film - Artémis Productions
Autre post du blog lié à 'Möbius': http://minu.me/8chd
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