Épouvante-horreur/Drame/Thriller/Respectueux de l'histoire et des personnages, soigné, des moments d'épouvante intenses, très sympa !
Réalisé par Andy Muschietti
Avec Bill Skarsgård, Jaeden Lieberher, Finn Wolfhard, Jack Dylan Grazer, Sophia Lillis, Jeremy Ray Taylor, Wyatt Oleff, Chosen Jacobs...
Long-métrage Américain
Titre original : It
Durée : 02h15mn
Année de production : 2017
Distributeur : Warner Bros. France
Date de sortie sur les écrans américains : 8 septembre 2017
Date de sortie sur nos écrans : 20 septembre 2017
Résumé : À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s'intégrer se sont regroupés au sein du "Club des Ratés". Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l'école. Ils ont aussi en commun d'avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu'ils appellent "Ça"…
Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu'un petit garçon poursuivant son bateau en papier s'est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou …
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : j'ai eu la chance de découvrir ÇA en avant-première hier dans le cadre du Festival du Film Américain de Deauville. Afin de nous préparer à l'atmosphère particulière de ce long-métrage, quelques ballons flottaient dans les couloirs du Centre International.
ÇA s'inspire, fort bien, du roman éponyme de Stephen King, il en respecte l'esprit et l'intrigue. Dès la scène d'ouverture, le réalisateur, Andy Muschietti, soigne la forme de son long-métrage. Il gère la dualité de son histoire : les sentiments adolescents et les cauchemars éveillés, en nous entraînant d'un genre à l'autre tout en conservant un style cohérent. On reste ainsi accroché au déroulement des événements du début à la fin. Il y a un peu de romance, une bonne dose d'amitié, une once de tristesse et de l'horreur - de celle qui vous colle des frissons délicieux dans le dos. La musique accompagne parfaitement ces moments terrifiants pour rendre leur impact encore plus marquant.
Alors qu'on pense partir sur un film pour ados, on se rend rapidement compte qu'en fait, il s'adresse plutôt aux grands. Mais on fait appel ici à notre âme d'enfants et à notre expérience du passage à l'âge adulte.
L'histoire se déploie autour de nombreux lieux. Et pourtant, l'impression de petite ville propre à Derry est bien présente. Cette ville gentillette et bien tranquille à l'Histoire quelque peu surprenante est d'ailleurs l'un des personnages du film. L'atmosphère des années 80 y est parfaitement retranscrite.
Les ambiances passent du léger à l'angoisse facilement et intensément. Les effets spéciaux sont réussis. Ils s'intègrent idéalement à l'intrigue. Les ados forment un groupe de ratés attachant. Les jeunes acteurs, excellents, trouvent chacun voix au chapitre et chaque personnage apporte son petit plus à l'histoire.
Entre doutes et douleurs personnelles, c'est ensemble qu'ils trouvent le courage d’affronter Ça. Ce dernier prend l'aspect du clown Grippe-Sou dont l'humour morbide hante les habitants de Derry. Bill Skarsgård est méconnaissable et hautement inquiétant dans ce rôle.
ÇA est une ouverture sur un monde effrayant, celui de la peur qui vous ronge jusqu'au sang. Il impose son style déconcertant, mais efficace. C'est un film d'horreur très soigné qui s'adresse au plus grand nombre (des adultes), car il sait habilement alléger les tensions pour ne pas être indigeste. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on flotte en le regardant, mais presque... Vivement la suite qui est déjà prévue pour 2019 !
Alors qu'on pense partir sur un film pour ados, on se rend rapidement compte qu'en fait, il s'adresse plutôt aux grands. Mais on fait appel ici à notre âme d'enfants et à notre expérience du passage à l'âge adulte.
L'histoire se déploie autour de nombreux lieux. Et pourtant, l'impression de petite ville propre à Derry est bien présente. Cette ville gentillette et bien tranquille à l'Histoire quelque peu surprenante est d'ailleurs l'un des personnages du film. L'atmosphère des années 80 y est parfaitement retranscrite.
Les ambiances passent du léger à l'angoisse facilement et intensément. Les effets spéciaux sont réussis. Ils s'intègrent idéalement à l'intrigue. Les ados forment un groupe de ratés attachant. Les jeunes acteurs, excellents, trouvent chacun voix au chapitre et chaque personnage apporte son petit plus à l'histoire.
© 2017 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND RATPAC-DUNE ENTERTAINMENT LLC. ALL RIGHTS RESERVED
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
ÇA – Extrait du livre de Stephen
King Extrait 3
Il courait donc à la poursuite de son
bateau, du côté gauche de Witcham Street, aussi vite qu’il le
pouvait ; mais le bateau prenait de l’avance, car l’eau dévalait
plus vite encore. Son grondement allait s’amplifiant, et il
s’aperçut qu’à une cinquantaine de mètres en contrebas, elle
quittait le caniveau pour cascader dans un conduit d’urgence que
l’on n’avait pas encore refermé.
Il formait un grand demi-cercle obscur
sur le bord du trottoir, et, alors que George regardait dans cette
direction, une branche dépouillée à l’écorce noire et luisante
comme une peau de phoque s’engouffra dans sa gueule.
Elle y resta accrochée un instant
avant d’y disparaître. C’était là que se dirigeait son bateau.
« Oh, merde et merdouille ! » s’écria-t-il, consterné.
Il accéléra le pas, et crut pendant
quelques secondes pouvoir rattraper le bateau. Mais l’un de ses
pieds glissa sur quelque chose, et il alla s’étaler, s’écorchant
le genou, avec un cri de douleur. De ce nouvel angle au ras du sol,
il vit l’embarcation tourner deux fois sur elle-même,
momentanément prisonnière d’un tourbillon, puis disparaître.
« Merde et merdouille ! » cria-t-il
de nouveau, frappant la chaussée du poing. Il se fit mal et les
larmes lui vinrent aux yeux. Quelle stupide façon de perdre le
bateau ! Il se releva et s’approcha de la bouche d’égout. Il mit
son bon genou à terre et regarda à l’intérieur.
L’eau faisait un grondement creux en
s’enfonçant dans les ténèbres, un bruit de maison hantée qui
lui rappelait...
Un cri étranglé sortit de sa gorge et
il sursauta. Deux yeux jaunes le regardaient de là-dedans, des yeux
comme ceux qu’il avait imaginés le guettant dans la cave, sans
jamais les voir. C’est un animal, pensa-t-il de manière
incohérente, c’est tout ce que c’est, un animal, tout bêtement
un chat qui a été emporté là-dedans...
Il était cependant prêt à s’enfuir
en courant — il allait s’enfuir en courant dans deux secondes,
quand ses mécanismes mentaux auraient digéré le choc produit par
ces deux yeux jaunes et luisants. Il sentait la surface rugueuse du
macadam sous ses doigts, ainsi que l’eau froide qui les
contournait. Il se vit se relever et battre en retraite, et c’est à
cet instant qu’une voix — une voix agréable, au ton raisonnable
— lui parla depuis la bouche d’égout.
« Salut, Georgie ! » fit-elle.
George se pencha et regarda de nouveau. Il n’en croyait pas ses
yeux ; c’était comme dans un conte de fées, ou comme dans ces
films où les animaux parlent et dansent. Il aurait eu dix ans de
plus, il serait resté incrédule : mais il avait six ans, et non
seize. Un clown se tenait dans l’égout. L’éclairage n’y
était pas fameux, mais néanmoins suffisant pour que George
Denbrough n’ait aucun doute sur ce qu’il voyait. Un clown, comme
au cirque, ou à la télé. Un mélange de Bozo et Clarabelle, celui
(ou celle, George n’était pas très sûr) qui parlait à coups de
trompe dans les émissions du dimanche matin.
Le visage du clown était tout blanc ;
il avait deux touffes marrantes de cheveux rouges de chaque côté de
son crâne chauve et un énorme sourire clownesque peint par-dessus
sa propre bouche. Il tenait d’une main un assortiment complet de
ballons de toutes les couleurs, comme une corne d’abondance pleine
de fruits mûrs. Et dans son autre main, se trouvait le bateau en
papier journal de George. « Tu veux ton bateau, Georgie ? » fit le
clown avec un sourire. George lui sourit à son tour ; il ne put s’en
empêcher. C’était le genre de sourire auquel on ne pouvait faire
autrement que de répondre. « Oui, bien sûr, je le veux.
— “Bien sûr, je le veux !” fit
le clown en riant. Voilà qui est bien dit, très bien dit ! Que
penserais-tu d’un ballon ?
— Eh bien... oui ! » Il tendit une
main hésitante, puis se reprit. « Je ne dois pas prendre les choses
que me donnent des étrangers. C’est ce que Papa m’a dit.
Georgie se pencha. Ça sentait les cacahuètes, les
cacahuètes grillées ! Et le vinaigre, ce vinaigre blanc que l’on
verse sur les frites d’une bouteille avec un petit trou ! Ça
sentait aussi la barbe à papa et les beignets frits, tandis que
montait, encore léger mais prenant à la gorge, l’odeur des
déjections de bêtes fauves. Sans oublier celle de la sciure. Et
cependant... Et cependant, en dessous, flottaient les senteurs de
l’inondation, des feuilles en décomposition et de tout ce qui
grouillait dans l’ombre de l’égout. Odeur d’humidité et de
pourriture. L’odeur de la cave. Mais les odeurs du cirque étaient
plus fortes.
« Tu parles, si je les sens ! s’exclama-t-il.— Tu
veux ton bateau, Georgie ? demanda Grippe-Sou. Tu n’as pas l’air
d’y tenir tant que ça », ajouta-t-il en le soulevant avec un
sourire. Il était vêtu d’un ample vêtement de soie fermé
d’énormes boutons orange; une cravate d’un bleu électrique
éclatant pendait à son cou, et il avait de gros gants blancs comme
ceux que portent toujours Mickey et Donald. « Si, j’y tiens, dit
George, toujours penché sur l’égout. — Veux-tu aussi un ballon
? J’en ai des rouges, des verts, des bleus, des jaunes... —
Est-ce qu’ils flottent ? — S’ils flottent ? » Le sourire du
clown s’élargit. « Et comment! J’ai aussi de la barbe à
papa... » George tendit la main. Le clown la lui prit.
Et George vit changer le visage de
Grippe-Sou. Ce qu’il découvrit était si épouvantable qu’à
côté, ses pires fantasmes sur la chose dans la cave n’étaient
que des féeries. D’un seul coup de patte griffue, sa raison avait
été détruite. « Ils flottent... », chantonna la chose dans
l’égout d’une voix qui se brisa en un rire retenu.
Elle maintenait George d’une prise
épaisse de pieuvre ; puis elle l’entraîna dans l’effroyable
obscurité où grondaient et rugissaient les eaux, emportant leur
chargement de débris vers la mer. George détourna tant qu’il put
la tête des ultimes ténèbres et se mit à hurler dans la pluie, à
hurler inconsciemment au ciel blanc d’automne qui faisait ce
jour-là comme un couvercle au-dessus de Derry. Des cris suraigus,
perçants, qui tout au long de Witcham Street précipitèrent les
gens à leur fenêtre ou sous leur porche. « Ils flottent, gronda la
voix, ils flottent, Georgie, et quand tu seras en bas avec moi, tu
flotteras aussi... » L’épaule de George vint buter contre le
rebord en ciment du trottoir, et Dave Gardener, resté chez lui à
cause de l’inondation au lieu d’aller travailler comme d’habitude
au Shoeboat, ne vit qu’un petit garçon en ciré jaune qui hurlait
et se tordait dans le caniveau, tandis que de l’eau boueuse et
écumante transformait ses cris en gargouillis.
« Tout flotte, en bas », murmura la
voix pourrie et ricanante ; puis il y eut soudain un bruit affreux
d’arrachement, une explosion d’angoisse, et George Denbrough
perdit connaissance. Dave Gardener fut le premier sur place ; il
arriva à peine quarante-cinq secondes après le premier cri, mais
George était déjà mort.
L’homme le saisit par le ciré, le
tira dans la rue... et commença lui-même à crier quand le corps de
l’enfant se retourna entre ses mains. Le côté gauche du ciré
était maintenant d’un rouge éclatant. Du sang coulait dans
l’égout depuis le trou déchiqueté où se trouvait autrefois le
bras gauche; des os emmêlés, horriblement brillants, dépassaient
du vêtement déchiré. Les yeux de l’enfant étaient grands
ouverts sur le ciel blanc, et tandis que Dave se dirigeait d’un pas
incertain vers ceux qui arrivaient, courant en désordre dans la rue,
ils commencèrent à se remplir de pluie.
Extrait de Ça (Tome 1) publié aux
éditions Le Livre de Poche.
© Stephen King, 1986.
© Éditions Albin Michel S.A., 1988,
pour la traduction française.
NOTES DE PRODUCTION
De quoi avez-vous peur ?
Qu’il s’agisse du monstre tapi sous
votre lit, de ce qui se cache dans l’obscurité, ou d’une
créature dissimulée dans l’ombre,
impossible d’échapper à votre plus grande peur dans le thriller d’épouvante ÇA. Andy Muschietti,
qui adapte pour la première fois à l’écran le best-seller culte
de Stephen King, déclare : La peur est universelle et nous parle à
tous. Quoi donc de plus terrifiant qu’une créature qui ne se contente
pas de vous attaquer, mais qui le fait en se servant de vos plus
grandes peurs ?
Le titre court et énigmatique fait
référence au personnage central de l’histoire, un métamorphe ancestral qui adopte la
forme des plus grandes peurs de ses victimes et sort de son hibernation tous les 27 ans afin de se
nourrir des habitants les plus vulnérables de Derry dans le Maine, autrement dit les enfants. Cette
fois, pourtant, une bande de sept jeunes un peu exclus, regroupés au
sein du Club des Ratés, unissent leurs forces afin de se défendre
contre la créature mystérieuse qu’ils désignent sous
le pronom le plus vague qui soit : Ça. Mais la créature porte en fait un autre nom, entré aujourd’hui
dans les annales de l’horreur : Grippe-Sou le Clown Dansant.
D'abord publié en 1986, Ça s’est immédiatement élevé au rang
de classique, se hissant en tête des ventes cette année-là.
Le best-seller culte, qui fascine les lecteurs depuis plus de trente ans, est toujours considéré
comme l’une des œuvres les plus emblématiques et les plus appréciées du maître incontesté de
l’horreur : il a inspiré de nombreux films et autres adaptations télévisuelles dans les
années qui ont suivi. C’est bien l’avis du cinéaste qui a pris
les rênes du projet : Je suis un grand fan de Stephen King, qui était mon auteur préféré
quand j’étais plus jeune. Du coup, ÇA, c’était vraiment le
projet de mes rêves, explique Andy Muschietti. Moi qui aime réaliser
des films d’épouvante, j’ai toujours été fasciné par la peur. Et
je crois que le moment le plus terrifiant qui soit, c’est le jour où, enfant, on découvre son premier
film d’horreur. C’est un sentiment qu’on ne ressent qu’une fois dans sa vie, et j’en ai fait une
quête un peu chimérique : celle de retrouver cette sensation.
C’est ce qui m’aide à faire du
cinéma, parce que j’estime que la seule façon de faire peur aux
gens, c’est de faire appel à ce qui nous fait peur soi-même.
L’histoire possède une autre
dimension qui est la marque de fabrique de Stephen King.
Aucun autre auteur ne sait allier avec
un tel talent l’horreur absolue et l’expérience du passage à
l’âge adulte. Et c’est probablement dans Ça, récit tendre sur
la sortie de l’enfance, que le résultat est le plus probant. Le
producteur Seth Grahame-Smith souligne : On était conscients dès le début du projet que ÇA serait
bien plus qu’une histoire d’épouvante, et que le film devrait refléter les différentes facettes du
roman. L’intrigue se passe à un moment précis de la vie de ces jeunes personnages qui sont en train de
quitter l’enfance ; on a donc voulu que le film saisisse tout le charme de ces instants centrés
sur les personnages, tout en restant profondément glaçant. Le
producteur David Katzenberg partage son avis : Au cours du film,
chacun de ces éléments prend tour à tour le
dessus, ce qui produit un équilibre intéressant entre émotion et peur. Il était important de restituer
ces deux aspects avec justesse, non seulement pour une question de
rythme mais aussi de narration.
La sœur d’Andy Muschietti et sa
collaboratrice de création, la productrice Barbara Muschietti,
estime que les scénaristes ont trouvé le parfait équilibre. Chase
Palmer, Cary Fukunaga et Gary Dauberman sont
parvenus à saisir ce qu’il y a de plus touchant dans les relations entre les membres du Club des Ratés,
et même à toucher aux premiers émois amoureux de l’adolescence.
Mais ne vous y trompez pas : vous allez trembler !, plaisante-t-elle.
C’est le clown maléfique Grippe-Sou,
dévoreur d’enfants et expert en peurs, qui constitue la source
d’épouvante du film. Bill Skarsgård, qui incarne l’ignoble
personnage, raconte : Je connaissais bien le roman et le
personnage de Grippe-Sou quand j’étais plus jeune. À mon avis, il a besoin que les enfants croient ce
qu’ils voient et cèdent à la panique avant de pouvoir les dévorer parce que la peur imprègne la chair.
Pour moi, encore aujourd’hui, c’est le concept le plus terrifiant
qui soit. Membre du Club des Ratés, l’acteur Jaeden Lieberher
remarque : Il s’agit de dépasser ses angoisses, parce que si les enfants
n’ont pas peur de Grippe-Sou, ils ont une chance de le vaincre.
Mais toutes les choses affreuses qui leur arrivent sont terrifiantes.
Jaeden Lieberher joue le rôle de Bill
Denbrough, le leader de facto du groupe. Les autres
jeunes acteurs qui incarnent les
membres du club sont Finn Wolfhard (Richie Tozier), Sophia Lillis
(Beverly Marsh), Jack Dylan Grazer (Eddie Kasprak), Wyatt Oleff
(Stanley Uris), Jeremy Ray Taylor (Ben Hanscom), et Chosen Jacobs
(Mike Hanlon).
Lors de l’élaboration du projet,
auteurs et producteurs – à l'instar de Roy Lee et Dan Lin, étaient bien conscients du défi
gigantesque que représentait l’adaptation d’un roman extrêmement riche long de plus de
mille pages. Ils ont donc pris la décision de se concentrer sur la première partie, durant laquelle
les membres du Club des Ratés sont encore enfants, et donc la cible
privilégiée de Grippe-Sou. Cependant, Gary Dauberman souligne que
le plus difficile quand on adapte ne serait-ce que la
moitié d’un roman aussi apprécié que 'Ça', c’est d’essayer
de faire une sélection parmi les nombreux
passages marquants qui nous hantent depuis notre découverte du
livre. Seth Grahame Smith confie : On était tous conscients de la
grande responsabilité qui nous incombait de rester fidèles à
l’esprit du roman parce qu’il s’agit d’un livre très
important aux yeux des fans de Stephen King, à
l'image de toute l’équipe qui a travaillé d’arrache-pied à son
adaptation à l’écran. Ça a été un vrai travail d'équipe,
rapporte Gary Dauberman, et Andy s’est montré particulièrement ouvert aux
suggestions. Ce dont on a le plus discuté, c’est du fait que les
peurs des membres du Club déterminent leur
identité. Il a beaucoup réfléchi à la façon dont cela explique
leurs actions, en s’inspirant d’éléments tirés du roman. Andy
avait une idée très précise de la direction dans laquelle il
voulait qu'aille le film, estime David Katzenberg. Il connait bien
sûr l'univers de l’horreur à la perfection, poursuit le
producteur, qui fait allusion au travail d’Andy Muschietti sur le
film à succès MAMA. Mais il a aussi parfaitement réussi à maîtriser
les différentes tonalités et à les allier harmonieusement. Ça a
été une excellente idée que de le choisir comme réalisateur.
Auteurs et producteurs ont convenu de
modifier un élément important dans leur adaptation. Bien que la première
partie du roman de Stephen King se déroule dans les années 1950, l’histoire a été transposée
dans les années 1980. Barbara Muschietti explique : Les années 50, c’est l’enfance de Stephen
King, si bien qu'il parlait de sa génération, et le livre reflète
ses propres peurs d’enfant. Stephen dit
toujours qu’il faut écrire sur ce que l’on connaît. On a donc
voulu faire un film sur ce qu’on connaissait le mieux, c’est-à-dire
notre enfance dans les années 80, en s’inspirant de ce qui nous
faisait peur à l’époque.
Andy Muschietti suggère que Les
enfants des années 1950 avaient des peurs différentes d’aujourd’hui, à l'image des
monstres emblématiques du cinéma de l’époque, et ce sont eux qui inspiraient les transformations de
Grippe-Sou dans l’histoire d'origine. La réinvention des peurs dans le film est très profonde et
comporte plusieurs niveaux de lecture, et je pense que même les fans
du livre seront surpris par nos choix. Stephen King remarque : Les
auteurs ont pris une direction légèrement différente du livre, mais l’important c’est qu’ils
aient conservé l’idée centrale, c’est-à-dire que Grippe-Sou
s’attaque aux enfants en découvrant leur plus
grande peur et en en prenant l’apparence. Andy a bien compris cela,
et je trouve qu’il peut être fier de son travail.
LES RATÉS
Tous ensemble, on peut le battre
Les sept collégiens qui se surnomment
eux-mêmes le Club des Ratés sont les protagonistes de ÇA. Séparément, ces
adolescents ne sont pas franchement armés pour affronter les tyrans de la cour d’école, et
encore moins un puissant métamorphe. Mais ensemble, ils font preuve d’un courage particulier qui
leur vient de leur amitié et de leur détermination à se protéger les uns les autres et à
défendre leur ville, en affrontant une terrible menace que personne n’a réussi à éradiquer
depuis des siècles. Le réalisateur confirme : Les Ratés trouvent
leur force dans le groupe, et il est intéressant de voir que leur dynamique évolue tout
au long du film ; ils adoptent tour à tour un rôle de leader ou une position de force. Ils ont
chacun leur heure de gloire. C’est une belle histoire, où l’on
constate que c’est dans l’adversité que l’humanité, la
confiance et l’amour émergent.
Stephen King révèle la raison bien
précise pour laquelle il a choisi des enfants comme héros de son
roman. Il y a une période de transition dans la vie d’un enfant,
où il est trop grand pour croire encore au Père Noël ou au
Lièvre de Pâques, mais où il se demande quand même s’il n’y a
pas quelque chose qui se cache sous son lit au moment d’éteindre
la lumière. J’ai voulu mettre ces enfants dans une situation
où ils sont les seuls capables de voir et donc de combattre la créature parce qu’ils croient
encore aux monstres. Et pourtant, malgré tout, ils sont plus âgés
que de très jeunes enfants qui n’auraient aucune chance : ils sont
capables de se défendre.
Afin de dénicher les acteurs
susceptibles de camper les membres du Club des Ratés, les producteurs se sont lancés dans une
vaste recherche, et ont auditionné des centaines de candidats. Andy
Muschietti raconte : Le casting a été d’une envergure
gigantesque, et on a reçu beaucoup de candidats. Mais c’est
vraiment génial de trouver un acteur qui correspond parfaitement au personnage. C’est
très enthousiasmant pour le réalisateur, parce que c’est le choix
des acteurs qui est essentiel pour incarner les personnages.
Le casting de ces personnages très
fouillés ne pouvait pas se faire qu’individuellement : il fallait
aussi s’assurer que leur dynamique collective soit crédible. Rich
Delia, notre directeur de casting, a fait un travail fantastique,
estime Barbara Muschietti. Il a déniché tellement de gamins exceptionnels que le plus dur a
été d’en éliminer. C’était très amusant de les mettre en groupes pour trouver la combinaison
parfaite, et puis quand on a vu comme le courant passait bien entre
les enfants qu’on avait retenus, on s’est dit qu’on avait fait
le bon choix.
Seth Grahame-Smith rapporte que les
jeunes acteurs ont abordé leur rôle avec un engagement et un talent
rare pour leur âge. Ils sont arrivés très concentrés, préparés
et prêts à se mettre au travail. Ils savaient se
placer, connaissaient parfaitement leur texte, et donnaient le
meilleur d’eux-mêmes. C’était génial à voir.
Jaeden Lieberher campe le timide et
bègue Bill Denbrough, hanté pour le souvenir de son
petit frère, George, incarné par le
jeune Jackson Robert Scott. Le meurtre abominable du petit garçon que tout le monde surnomme
Georgie devient le moteur de l’intrigue et de l’itinéraire de
Bill. Jaeden Lieberher raconte que c’est cette tragédie qui pousse
son personnage à agir. Au début du film, on voit à quel point
les deux frères sont proches", dit-il. "Lorsque Georgie
disparait, Bill se sent coupable parce que c’est
lui qui l’a laissé aller jouer dehors sous la pluie avec son bateau en papier le jour de sa
disparition. À partir de là, sa vie dans la maison familiale
devient difficile. Ses parents ne sont pas à
l’écoute et se montrent distants envers lui depuis la mort de
Georgie, si bien qu’il ne peut compter que sur ses amis. Il n’y a
qu’à eux qu’il peut vraiment se confier.
Richie Tozier, le meilleur ami de
Bill, est un moulin à paroles farceur qui se cache derrière
ses lunettes aux verres en cul de
bouteille. Finn Wolfhard, qui l’incarne à l’écran, qualifie
Richie de sacré numéro passionné de télévision et de jeux vidéo,
comme moi. Il voudrait être le rigolo de la bande, mais il est le seul à
rire à ses blagues. Souvent, il agace les autres qui l’envoient balader. Après la disparition de
Georgie, les choses prennent un tour plus sérieux et Richie commence à comprendre que quelque
chose ne tourne pas rond à Derry… Quelque chose dont on ne peut
pas rire.
Sophia Lillis incarne la seule fille
du groupe, Beverly Marsh, qui feint de ne pas se rendre compte de l’effet qu’elle produit
sur ses jeunes copains pré-pubères. Malgré — ou peut-être à
cause de — sa vie de famille très difficile, Beverly est l’un
des membres les plus forts et les plus courageux du groupe, affirme
Sophia Lillis. Elle est très indépendante et fait comme si elle ne
se préoccupait pas du jugement des
autres, même si en fait elle a besoin d’amis et qu'elle veut faire partie d’un groupe. Elle cherche à
nouer des liens avec les autres, mais elle est sur la réserve et ne veut pas se retrouver avec des gens
comme son père. Du coup, elle prend ses distances… jusqu’à ce
qu’elle rejoigne le Club des Ratés, bien sûr.
Jack Dylan Grazer joue le rôle
d’Eddie Kaspbrak, chétif hypocondriaque qui ne quitte pas
sa banane remplie de médicaments,
d’inhalateurs contre l’asthme et de toutes sortes de produits
désinfectants. Eddie est un gamin névrosé, reconnaît Jack Dylan
Grazer. Il fait une fixation sur les microbes à cause de sa mère et ça
a mis un frein à sa vie sociale. Mais il n’est pas aussi fragile
qu’on le lui a répété toute sa vie. Son affrontement avec
Grippe-Sou lui révèle sa véritable force.
C’est Wyatt Oleff qui campe Stanley
Uris, le plus sceptique des sept enfants. L’acteur explique : Stan
a des tocs. Il ne supporte pas le désordre. Ce qui se passe dans sa
tête dans ces moments-là est trop compliqué à
gérer. Non seulement il a peur de Grippe-Sou, mais il est presque vexé : il ne peut pas envisager qu'une
créature pareille existe parce qu'elle n’a tout simplement aucun
sens. À la veille de son treizième anniversaire, Stanley est censé
préparer sa Bar-mitsvah.
Mais un rite de passage d’une toute
autre nature imposé aux Ratés par Grippe-Sou requiert toute son attention, à la grande
consternation de son père, rabbin.
Jeremy Ray Taylor joue le rôle de Ben
Hanscom, qui fait la connaissance des Ratés après avoir été sauvagement attaqué, non
pas par Grippe-Sou mais par une bande de jeunes du coin.
Ben n’est peut-être pas le plus
costaud de la bande, mais Jeremy Ray Taylor souligne ses autres
qualités : C’est le cerveau du groupe, qui passe tout son temps à
la bibliothèque… C’est un peu l’intello, quoi, dit-il en
souriant. C’est Ben qui découvre cette histoire troublante de
meurtres et de disparitions à Derry, ce qui
impressionne les autres. Il n’a jamais eu d’amis et est
absolument ravi de faire partie du Club des Ratés. Le dernier à
rejoindre le club est Mike Hanlon, incarné par Chosen Jacobs. Mike
est un garçon terre à terre et sincère, juge l’acteur. Il a
grandi au sein d’une famille modeste à l’extérieur de la ville à une
époque où les préjugés raciaux sont encore enracinés. Du coup,
en tant que Noir, il s’est toujours senti un
peu à part. Le Club des Ratés a une grande importance à ses yeux
parce que ses membres sont les seuls amis qu’il ait jamais eus.
Les armes les plus puissantes des
Ratés dans leur combat contre Grippe-Sou sont la solidarité et
l’amour. Barbara Muschietti témoigne : Leur seul moyen de survie
est de rester solidaires et de combattre leurs démons intérieurs
comme extérieurs.
Les acteurs ont sincèrement adhéré à
ce principe, si bien que les affinités entre les Ratés se sont transformées en véritables
liens d’amitié entre les acteurs. Avant même le début du tournage, auteur et producteurs ont mis
en place une sorte de camp d’entraînement. Seth Grahame-Smith s’est rendu compte que
les jeunes acteurs n’étaient même pas nés au moment où se
déroule l’histoire, et a donc élaboré une forme de guide des
années 80 à leur attention. Je leur ai fait une petite brochure avec
les films, la musique, les jeux-vidéo, la mode vestimentaire et les autres caractéristiques de
l’époque. J’y ai même fait figurer quelques infos sur la façon
dont on parlait, et des illustrations, comme
par exemple une image d’un téléphone de l’époque. Ça a été
ma modeste contribution au 'camp d’entraînement'.
Ce temps passé ensemble devait
permettre aux acteurs de tisser des liens. Mais même la
production s'est montrée surprise par
la solide amitié des enfants en dehors du plateau. Ils sontdevenus inséparables, ont organisé
des soirées pyjama et des projections de films, élaboré un sacré nombre de farces, sans oublier
les karaokés auxquels le reste de l’équipe a souvent pris part.
Ils sont devenus les meilleurs amis du
monde, rapporte Seth Grahame-Smith, et je pense que ça témoigne du fait qu’Andy
a repéré chez eux quelque chose d’exceptionnel durant le casting. C’était un peu comme voir
se dérouler juste sous nos yeux l’été le plus marquant de leur
enfance, aussi bien sur le tournage qu'en dehors. Andy Muschietti
confirme : Ils ont créé des liens sincères ; c’était très
profond, et peu importe ce qui se passera à l’avenir,
ça a été un moment à part pour eux et je pense qu’ils ne
l’oublieront jamais. Je leur suis très reconnaissant, ils ont été
absolument épatants.
Si Grippe-Sou est sans doute le plus
grand danger que courent les enfants de Derry, il n’est pas le seul. La bande à
Bowers, un groupe de voyous cruels mené par Henry Bowers, est toujours à l’affût d'une victime à
persécuter, et s’en prend tout particulièrement aux plus faibles et aux plus vulnérables des enfants.
L’acteur australien Nicholas Hamilton, qui joue le rôle de Henry,
qualifie son personnage de petit con psychopathe. C’est plus qu’une
brute, il est sincèrement méchant. Il est accompagné de ses
acolytes tout aussi impitoyables : Patrick Hockstetter, incarné par Owen Teague,
Victor Criss joué par Logan Thompson, et Belch Huggins, campé par Jake Sim.
Malgré les terribles dangers auxquels
sont confrontés leurs enfants, les adultes de Derry semblent ne pas vouloir, ou ne pas
pouvoir, les aider. Ils ferment les yeux sur les exactions des voyous et ne se rendent absolument pas
compte qu’un monstre hante leur ville depuis sa fondation. Leur totale indifférence,
même lorsqu’ils sont témoins d’un acte de violence, est un rappel glaçant de l’emprise mentale
de Grippe-Sou sur la ville entière. Seth Grahame Smith souligne que
cela se voit à la façon dont les adultes, qui devraient réagir
bien plus vite, semblent presque disparaître, et laisser ces
événements atroces se produire sans rien faire. Une affiche d’enfant disparu en remplace une
autre sans que personne n’y fasse quoi que ce soit. Les enfants finissent par arriver à la conclusion
qu’aucun adulte, pas même leurs parents, ne va les aider. Il va falloir qu’ils s’occupent du
problème eux-mêmes. Et c’est l’une des choses les plus
terrifiantes qui soit pour un enfant.
GRIPPE-SOU
C'est un vrai festin pour Grippe-Sou.
De la terreur à l'état pur…
La production était consciente que le
choix de l'interprète de Grippe-Sou allait avoir une incidence non négligeable sur chaque
aspect du film. Au bout de longues recherches, Bill Skarsgård a décroché le rôle. "Ce
qui nous a plu chez Bill", explique Barbara Muschietti, "c'est
qu'il avait une vision instinctive de
Grippe-Sou correspondant à celle d'Andy".
Le réalisateur confirme : "Dès
son audition, j'ai été fasciné par le jeu de Bill et, à partir de là, j'ai découvert de nouvelles
qualités chez lui tous les jours. Il a non seulement insufflé du
mystère au personnage, mais il a eu le cran
d'explorer la dimension outrageusement théâtrale de Grippe Sou. Il avait une forme de folie dans
le regard, et sa gestuelle était totalement troublante. Les exigences physiques du rôle étaient,
pour certaines, éprouvantes, mais je dois reconnaître que Bill débordait constamment d'énergie".
De son côté, Skarsgård indique qu'il
comptait sur les conseils de Muschietti et qu'ilappréciait la confiance dont lui
témoignait le réalisateur. "Andy me faisait confiance et je
lui faisais confiance. Je savais que
j'étais entre de bonnes mains, si bien que je pouvais me lâcher et qu'il était sensible à ma démarche.
Nous avons fait du très bon travail d'équipe tous les deux".
Grahame-Smith note : "On ne pourra
jamais souligner suffisamment à quel point Bill a
enrichi le personnage du point de vue
de son physique, de son attitude et de ses expressions".
D'ailleurs, l'une des expressions que
l'acteur a su adopter pour le rôle a désarçonné le réalisateur. Muschietti raconte :
"J'avais envisagé le strabisme divergent de Grippe-Sou très
tôt : je voulais qu'il ait cette allure de
fou lorsque l'un de ses yeux est dévié vers l'extérieur.
C'est le contraire du strabisme convergent. J'en
ai parlé à Bill en lui expliquant que cela pouvait être l'une des caractéristiques du personnage et
en me disant qu'on réglerait cette question en postproduction. Mais il m'a répondu
qu'il pouvait y arriver lui-même et il y est parvenu en effet !
Ça m'a foutu les jetons ! On le voit
dans le film et c'est terrifiant. En revanche, Bill n'a pas pu changer la couleur de ses yeux bleus en
jaune. On l'a donc réalisé en postproduction. Mais c'est à lui seul qu'on doit le coup du
strabisme divergent".
Étant donné l'appétence de
Grippe-Sou pour les enfants, Muschietti a imaginé un visage poupin pour le personnage, à l'instar
de ses grands yeux, de son nez en trompette, de ses cheveux tout fins
et de ses pommettes saillantes. "Je me disais qu'en l'affublant
de ces traits enfantins, on le rendrait plus dérangeant encore en
raison du contraste entre son air doux et innocent et sa propension à commettre des actes
atroces", relate le réalisateur.
Les maquilleurs effets spéciaux Alec
Gillis et Tom Woodruff ont conçu et mis au point un crâne hypertrophié ressemblant, selon
Gillis, à "un gigantesque melon fissuré. En général, on conçoit nos effets de A à Z, mais
Andy m'a envoyé un graphique très évocateur, en stipulant bien qu'il fallait que l'allure du
personnage soit proche d'un enfant. Ça m'a vraiment inspiré".
Le visage de Grippe-Sou comporte enfin des dents
acérées dégoulinant de bave.
Pour son costume, la chef-costumière
Janie Bryant a apporté des touches médiévales, Renaissance et élisabéthaines à sa
tenue de clown afin de rappeler que Grippe-Sou s'acharne sur Derry depuis des siècles. Elle a
également ajouté des plis, précisant que "ces plis complexes ajoutent encore à la dimension
organique et reptilienne du costume de Grippe-Sou".
Outre ses traits physiques, Skarsgård
s'est attaché à mettre au point la voix et le rire hystérique caractéristiques du
personnage. Pour la voix, il a adopté ce qu'il appelle une "sorte
de crépitement aigu".
Une fois la création du personnage
mythique achevée, la production a pris soin de soustraire leur Grippe-Sou du regard
des sept acteurs composant le Club des Ratés – du moins dans un premier temps – afin de ne
pas perdre la fraîcheur de leur réaction initiale. Katzenberg indique : "On a empêché les
jeunes de voir Grippe-Sou avant qu'ils ne se retrouvent sur le
plateau avec lui. Je trouve que cette décision
n'a fait qu'enrichir leur découverte de Grippe-Sou et intensifier la terreur qu'il leur
inspire".
Muschietti a largement réfléchi à la
manière d'introduire Grippe-Sou à l'écran : "C'est un moment emblématique dans le livre que
beaucoup de lecteurs attendront de retrouver dans le film avec impatience", reconnaît
le réalisateur. "La scène est fascinante : la première
apparition de Grippe-Sou est déroutante et
charismatique, mais dans le même temps, on constate que quelque chose ne tourne pas rond chez
lui. Pour autant, il est entouré d'une sorte d'aura
surnaturelle tout à fait troublante".
Barbara Muschietti était
particulièrement sensible à ce sentiment de trouble. "Bien entendu, la première fois qu'on
découvre Grippe-Sou est un moment très important et, en ce qui me
concerne, il s'agit d'une scène qui n'a cessé de me hanter. Depuis
que j'ai lu le livre, j'ai beaucoup de mal à regarder un
collecteur d'eaux de pluie sans m'imaginer que Grippe-Sou rôde dans les environs", dit-elle en
souriant. "On voulait faire en sorte de graver une image dans la mémoire du spectateur à tout jamais".
LA CONCEPTION DE DERRY
Tous les phénomènes catastrophiques
qui se produisent dans cette ville sont le fait d'une seule et même
créature. Une créature maléfique.
Dans l'esprit de Stephen King, Derry
s'inspire de Bangor, située dans l'État du Maine où
vit l'auteur. Pour s'imprégner des
lieux, Muschietti s'est rendu à Bangor, mais il était impossible d'y tourner pour des raisons
logistiques. La production a donc choisi de franchir la frontière et
de reconstituer Derry dans la ville de
Port Hope, dans l'Ontario, au Canada.
Le fait que plusieurs scènes
terrifiantes se déroulent en plein jour posait au chef opérateur Chung-Hoon Chung un problème
constant d'éclairage, puisqu'il fallait susciter un sentiment de terreur diffus dans une
cette charmante petite ville ensoleillée.
Une forêt voisine de Port Hope a campé
le champ en friche à l'extérieur de Derry, surnommée "la lande". "Cela
correspondait presque exactement à la description de la Lande dans le livre", s'enthousiasme le
réalisateur.
Plusieurs sites majeurs de l'intrigue
ont été dénichés ou construits dans d'autres coins de
l'Ontario, comme l'inquiétante maison
située à une adresse bien connue des lecteurs du roman : 29 Neibolt Street. Cette demeure à
l'abandon depuis longtemps et en piteux état alliait en réalité deux structures : l'une,
extérieure, a été construite ex nihilo, et l'autre, intérieure, a
été tournée dans une propriété repérée
dans une rue à point nommée – "Bleak Street" [la "rue
lugubre", NdT].
Le chef-décorateur Claude Paré confie
: "Avec l'autorisation du propriétaire, nous avons pu transformer la maison selon nos
besoins, en la ramenant à son état initial et en en mettant en valeur les charmants détails
victoriens qu'on a ensuite rehaussés. Ensuite, on a aménagé les
lieux, en ajoutant du plâtre se détachant
des murs, des feuilles mortes s'insinuant à travers les fenêtres brisées et de la poussière partout.
On a recouvert les autres fenêtres de journaux de l'époque
victorienne qu'on a mis au point et imprimés recto-verso, en sachant
que la lumière viendrait éclairer le côté extérieur du
journal".
Pour construire la façade extérieure,
Paré se souvient : "Nous avons vieilli le bois neuf de la charpente, nous l'avons brûlé et
lavé à haute pression pour lui donner un aspect gris argenté et délabré, et nous l'avons peint en
gris argenté en intégrant des marques sombres laissées par des volets disparus depuis longtemps".
Le chef-décorateur était conscient
qu'il était essentiel d'harmoniser l'intérieur et l'extérieur de la maison et a ainsi
inséré quelques détails subtils pour souligner ce sentiment de cohérence visuelle. "Nous avons
ajouté du lierre qui va de la porte d'entrée aux fenêtres et, du coup, à l'intérieur de la maison,
j'ai utilisé la même plante grimpante des fenêtres au plafond, y compris dans le salon".
La production a également occupé
trois imposants plateaux aux studios de Pinewood à Toronto. Sur l'un d'entre eux, l'équipe
de Paré a construit une énorme cuve qui sert de repaire souterrain à Grippe-Sou : il s'agit
d'un mélange grotesque de jouets et de tissus, imprégné d'une atmosphère macabre et morbide. La
pièce maîtresse à la fois terrifiante et fascinante est une pile gigantesque de jouets, dont plusieurs
ont des centaines d'années. Tous ces jouets appartenaient aux victimes de Grippe-Sou. Paré
s'explique : "La base de la pile est noire et en putréfaction
car elle est composée de jouets qui sont
là depuis des siècles. Plus on se rapproche du sommet, plus les jouets sont récents".
En outre, les plateaux ont accueilli le
labyrinthe de tunnels et d'égouts sinueux où s'aventurent courageusement les Ratés.
Paré et son équipe ont fait en sorte de mettre au point des matériaux donnant l'impression
qu'ils ont été construits il y a très longtemps.
Le collecteur d'eaux pluviales où
Grippe-Sou apparaît pour la première fois a été tourné
à deux endroits. D'abord dans un décor
naturel où l'on voit Georgie dans son imperméable jaune suivre son bateau de papier qui
sillonne une rue de Derry inondée par la pluie. Ensuite, la conversation entre le petit garçon et
le clown, comme son dénouement fracassant, ont été tournés ultérieurement en studio :
une plateforme surélevée d'où Grippe-Sou observe Georgie a été utilisée.
D'autres décors ont été construits
sur le plateau, à l'instar d'une salle de bain miteuse
d'un appartement vétuste, où Beverly
est aspergée par un geyser de sang jaillissant du lavabo, ou encore un sous-sol inondé où
Grippe-Sou surgit soudain d'une eau trouble. C'est là qu'il prononce ses paroles entêtantes –
"Toi aussi, tu flotteras…" – qui sont à la fois une
révélation accablante et une sourde menace.
S'il y a bien une image évocatrice de
Grippe-Sou qui a traversé les générations, c'est celle
du ballon rouge. "On ne pouvait
pas envisager de tourner ÇA sans la présence des ballons",
indique Andy Muschietti. "La
première fois qu'on voit Grippe-Sou avec ses ballons, on remarque, si on y prête bien attention, qu'ils
ont une forme étrange car ils ne sont pas réels. C'est lui qui leur donne forme. C'est un métamorphe,
capable de changer de forme à volonté, et les ballons ne sont qu'un prolongement de son corps. C'est
donc à la fois surréaliste et déconcertant de voir un objet si banal adopter une forme aussi
étrange".
VOUS AVEZ ENTENDU ÇA ?
Si jamais ça revient, on reviendra
aussi…
La musique et les effets sonores ont
été déterminants pour définir la palette émotionnelle, l'atmosphère, et bien
sûr, la tension. En étroite collaboration avec Andy Muschietti, les mixeurs
réenregistrement Chris Jenkins et Michael Keller, le monteur son
Victor Ray Ennis et le sound designer Paul
Hackner ont mis au point un climat sonore envoûtant, qui plonge les spectateurs dans l’horreur
qui frappe Derry.
Paradoxalement, le silence a été un
leitmotiv pour l’équipe sonore. Keller explique : “Il y
a beaucoup de scènes dans IT où tout
est silencieux et où tout d’un coup, un phénomène effrayant et totalement inattendu se produit.
Notre mission consistait à tempérer le son pour que ces scènes terrifiantes ne s’entrechoquent pas”.
De même, des dispositifs subtils mais
non moins puissants ont créé des effets d’atmosphère tout au long du film.
Par exemple, des bruits d’ambiance glauques pénètrent la maison de Neibolt Street, et tous les
tunnels et canalisations d’égouts de Derry ont leur propre “saveur“ auditive, comme le
rappelle Keller. “Pour un petit tunnel, on choisissait plutôt un
son mono, mais dès que l’on arrive dans l’énorme cuve de
Grippe-Sou, il y a beaucoup d’effets de réverbération et de son multicanal”,
détaille-t-il.
L’équipe sonore a également pu
moduler le rire que Skarsgård a mis au point pour son
personnage, ponctuant le film des
nombreux ricanements du clown afin de créer des basses fréquences et, dans certains cas, des
vocalisations subliminales qui deviennent méconnaissables.
La musique, composée par Benjamin
Wallfisch, a constitué la touche finale de ÇA.
Wallfisch a tenté d'évoquer l’époque
du film, et a donc composé une partition ancrée dans la tradition symphonique des films
d’aventure emblématiques des années 1980. Cependant, il savait que la partition devait exprimer
un climat tout à fait singulier. “Créer une bande-son originale pour raconter l’histoire
d’une créature terriblement maléfique et changeant sans cesse d'apparence —une entité qui ne peut
être vaincue que lorsque plusieurs individus s'épaulent mutuellement pour ne faire plus qu’un—
nécessitait des thèmes métamorphiques, passant d’un extrême à un autre, d’une audace
musicale à un moment de calme absolu et surtout, un langage musical constamment traversé par la
profonde vérité émotionnelle qui habite le film”, explique t-il.
S’il y a des thèmes bien
particuliers pour Grippe-Sou, les Ratés, Georgie ou encore la ville
de Derry, Wallfisch voulait qu’il y
ait une réelle synergie entre tous ces éléments, “pour exprimer l'emprise de Grippe-Sou sur cet
univers”, explique-t-il.
Dans un registre très singulier, le
thème de Grippe-Sou est en fait une comptine pour enfants datée du XVIIe siècle,
“Oranges et Citrons”, dont certains historiens affirment qu’elle évoque un sacrifice infantile. “La
dernière parole de la chanson, que l’on utilise à un moment du film dit : ‘Voici une bougie pour
éclairer ton lit / Et voilà le bourreau pour te couper la tête !’” remarque Wallfisch. “Il s’agit
d’une chanson qui a l’air amusante et inoffensive en apparence, mais avec une facette très sombre et
maléfique, un peu comme le personnage. On l’utilise dès que Grippe-Sou attaque ou envisage
d’attaquer ses victimes”.
Muschietti remarque que la musique de
Wallfisch est également la bande-son parfaite
pour “la magie et le mystère qui
accompagnent l'extraordinaire été des Ratés”.
Stephen King souligne : “Les films
d’horreur ont un impact vraiment puissant. Les gens
aiment avoir peur au cinéma parce que
c’est un environnement sécurisé où on peut goûter à des émotions dont vous ne peut faire
l’expérience dans la vraie vie ÇA. Va bien au-delà : ce film
nous offre la possibilité, en tant
qu’adultes, de revivre les émotions intenses que nous ressentions enfants. C’est l’une des raisons
pour lesquelles je crois que le film fonctionne aussi bien”.
Muschietti conclut : “Je veux que ÇA
soit terrifiant, mais très touchant aussi. C’est un film d’horreur, mais c’est aussi un film
qui parle d’amitié, d’amour, et de la force que donne la confiance en l'autre. Notre équipe a
souhaité transporter le spectateur dans un périple émotionnel… qui n’en reste pas
moins effrayant !”
#ÇaLeFilm
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