SOUTHERN BELLE
Documentaire/Brut, honnête avec des longueurs et des aspects effrayants, pas classique sur la façon dont on apprend de ce que l'on voit
Réalisé par Nicolas Peduzzi
Long-métrage Français
Durée: 01h26mn
Année de production: 2017
Distributeur: Septième Factory
Date de sortie sur nos écrans : 11 avril 2018
Résumé : Fille chérie du plus grand exploitant pétrolier du Sud des Etats-Unis, Taelor, 26 ans, a grandi dans l’un des quartiers riches de Houston, Texas. A 15 ans, la mort soudaine et mystérieuse de son père met fin à son enfance idyllique, et provoque sa chute dans une vie où règnent la drogue, l’alcool et les jeux d’armes. Son héritage, estimé à plus de 500 millions de dollars, devient sa malédiction. Le film dresse le portrait d’une génération perdue et décadente dans l’Amérique contemporaine de Donald Trump.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : SOUTHERN BELLE est un documentaire étonnant qui pourrait être une publicité pour le diction 'L'argent ne fait pas le bonheur'. La teneur de ce que l'on peut en apprendre est dans le constat, dans la lecture du sens caché, et non pas vraiment dans ce que l'on découvre à l'écran. Le réalisateur Nicolas Peduzzi filme son héroïne, Taelor, dans sa vie de tous les jours, en la suivant avec sa caméra de façon brute, mais aussi de façon honnête.
Il y a un côté extrêmement pathétique dans ces images et des longueurs terribles, car disons-le franchement, c'est une vie absolument sans intérêt. Taelor boit et se drogue. Elle fréquente des gens qui font comme elle et évidemment que les comportements sont complètement hallucinants. La vacuité des propos et des interactions sont sans fond. Les personnes montrées sont des caricatures de caricatures, qui ne sont pas du tout sympathiques ou attachantes.
Par contre, l'intérêt est de remettre la vie actuelle de Taelor dans le contexte de la mort de son père, de l'impact de cet héritage maudit et de voir le contraste de ce que devrait être sa vie de gosse de riche avec ce qu'elle est réellement. Il y a un aspect effrayant et désolant de voir ces jeunes gens qui n'ont aucune passion, aucun centre d'intérêt autre que de 'jouer' avec des armes et qui se détruisent au quotidien sans que personne ne les pousse à sortir de ce vide intersidéral. Taelor n'a aucune ancre dans la vie. Elle est au final très isolée face à son ressenti et à la gestion du bourbier que sa fortune représente.
SOUTHERN BELLE est un documentaire particulier, une plongée dans une réalité effrayante. Il n'est pas fun à regarder, mais il revêt un intérêt d'exemple de vie gâchée bêtement et qui permet de remettre en perspective sa propre situation. On est parfois extrêmement riche de plein de choses et chanceux, malgré les galères d'argent, même si on n'en prend pas conscience au quotidien, mais cette histoire nous le rappelle.
Copyright Photos © Septieme Factory
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
Entretien avec Nicolas
Peduzzi
Réalisateur
Southern Belle est votre premier long métrage. Votre
personnage évolue dans l’univers du Sud des États- Unis. Pouvez-vous nous
parler du désir à l’origine de ce film ?
J’avais
été plusieurs fois à Houston avec Taelor car nous étions ensemble il y a une dizaine
d’années ; elle est depuis restée une très bonne amie. Elle m’avait touché par sa
personnalité unique, sa façon de parler qui me rappelle certains personnages de
la littérature américaine du sud. Ensuite il y a Houston, cette ville
conservatrice et maudite par son passé et son histoire sanglante et
ségrégationniste, qui fait naître en opposition, des gens assez rebelles et
originaux comme Taelor. Elle m’a ensuite présenté aux membres de sa famille, la
grand-mère, l’oncle, les cousins et autres amis. J’avais beaucoup de préjugés
avant de voyager à Houston – l’aéroport s’appelle Georges Bush – mais je me
suis rendu compte que les choses n’étaient pas si simples. J’étais surpris de
parler avec des gens qui étaient très honnêtes, pour le pire comme pour le
meilleur, le plus souvent pour le pire, sans aucun filtre, ce qui pour un film
est intéressant.
L’addiction
est aussi un sujet qui m’intéresse en général, le fait que, par exemple, 90% des
américains prennent des amphétamines qu’on leur donne à l’école dès leur plus jeune
âge, « pour se concentrer », ce qui crée souvent des problèmes d’addiction assez
tôt comme dans le cas de Taelor.
Au
final, il y a ce rapport à la vie et à la mort, aux armes, qui est omniprésent
dans le Sud et dans les Etats-Unis, un pays de gens affamés qui ont pris la
terre d’autres gens affamés et l’ont exploitée. Houston est une ville qui
représente bien toutes ces contradictions. J’étais aussi touché par la tragédie
de cette jeune femme à la recherche d’une famille ; Taelor n’a pas de jugement
sur les gens qui l’entoure, elle pardonne et aime ces personnes qui ne peuvent
pas, en retour, lui donner ce qu’elle désire plus que tout argent ou héritage :
une famille.
Le film rend sensible à la question de
la filiation, à la possibilité de se reconnaître dans la filiation, ce qui n’est
pas encore acquis pour Taelor. La manière dont vous la filmez, caméra à l’épaule,
proche d’elle et en mouvement, atteste de cette incertitude. Comment avez-vous
pris les décisions de tournage ?
La
filiation et l’héritage sont surtout son grand malheur car ils représentent la
mort de son père, la personne que jusqu’à ce jour elle continue d’aimer le plus
au monde, et aussi la seule personne de sa famille qui n’ait pas voulu la voler
ou la trahir. Le choix de la caméra à l’épaule est surtout un choix pratique
car nous avions affaire à des gens qui se déplacent tout le temps, ensuite cela
nous permettait d’être flexible et de se faire oublier tout en capturant des
moments intimes, de là vient aussi le choix d’une équipe très réduite.
Nous
étions deux la première fois à Houston, et ensuite trois durant le deuxième voyage.
Nous n’avions pas de preneur de son, je pense qu’avec une équipe plus lourde
ces témoignages n’auraient pas eu lieu. Par ailleurs, le cadre très en mouvement
que l’on peut trouver au cinéma ne m’a jamais dérangé. Je trouve au contraire
que cela peut donner un aspect moins propre et plus concentré sur l’humain, et
cela fonctionnait bien avec mes personnages en général.
Taelor est omniprésente à l’écran,
a-t-elle participé à l’écriture du film ? Comment votre collaboration s’est-t-elle
articulée ?
Taelor
nous a beaucoup aidé, son histoire était une chose qu’elle avait besoin de raconter,
et qu’elle raconte très bien d’ailleurs. Elle parle d’une façon imagée, avec
une voix très particulière. La voix off a été écrite par elle, c’est simplement
une retranscription de son histoire, de ce qu’elle a bien voulu nous raconter.
Je connaissais déjà bien son histoire et notre intimité m’a permis d’avoir
accès à certaines choses autrement invisibles.
L’héritage de Taelor apparaît plutôt
comme une malédiction, un poids énorme, un sujet de discorde. Il est beaucoup
question d’argent dans le film, mais nous ne le voyons jamais vraiment, sinon
dans ce qu’il représente et ce qu’il produit.
Oui,
dans le cas de Taelor, l’argent est une véritable malédiction. Taelor fait tout
pour s’en débarrasser, elle le cache, l’oublie, le perd, mais elle en est
esclave et cela la rend folle. Je trouvais intéressant que cette jeune femme –
riche dans certains aspects de sa vie – vive presque comme une personne
clochardisée. L’argent est pour elle un fardeau : il représente trop de
trahisons. Toute chose pratique ou matérielle qui touche à son héritage est
pour elle synonyme d’un énorme manque affectif et la fin d’un conte de fée avec
son père.
Inscrit dans la tradition du portrait
au cinéma, le film ne se contente pas de faire le portrait de cette « beauté »,
mais nous fait entrer dans un monde où drogues, alcool, errances nocturnes,
chasse de nuit et visites de famille se mêlent et se croisent. Comment le
travail de montage s’est-il articulé ?
Il
y a beaucoup de choses que nous avons décidé de couper au montage, même si c’était
très tentant de les montrer. Ainsi, nous avions beaucoup d’images sur la drogue,
les armes, le racisme chez son oncle, etc. Mais Taelor a pris le dessus et s’est
posée comme notre guide dans cet enfer qu’est Houston. C’était une belle
surprise de se rendre compte que l’idée première que j’avais du film s’est
confirmée au moment du montage, sans que je ne parle trop au monteur, en le
laissant découvrir les rushs. Car j’avais besoin de quelqu’un avec un peu de
recul. Nous avons donc ensuite décidé de ne pas inclure certaines images peut
être sensationnelles mais qui racontaient une autre histoire, et pas vraiment
la nôtre.
Propos
recueillis par Hyacinthe Pavlidès, paru dans le quotidien du FID Marseille du 12
juillet 2017
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