Animation/Une animation très belle et originale, de supers thèmes, un scénario qui prend un peu des raccourcis
Réalisé par Arthur de Pins et Alexis Ducord
Avec les voix d'Arthur de Pins, Emmanuel Curtil, Lucía Sánchez, Emmanuel Jacomy, Kelly Marot, Fily Keita, Maëlys Ricordeau, Gilbert Levy...
Long-métrage Français
Durée : 01h18mn
Année de production : 2017
Distributeur : Gebeka Films
Date de sortie sur nos écrans : 18 octobre 2017
Résumé : Dans le parc d’attractions d’épouvante Zombillénium, les monstres ont le blues. Non seulement, zombies, vampires, loups garous et autres démons sont de vrais monstres dont l’âme appartient au Diable à jamais, mais en plus ils sont fatigués de leur job, fatigués de devoir divertir des humains consuméristes, voyeuristes et égoïstes, bref, fatigués de la vie de bureau en général, surtout quand celle-ci est partie pour durer une éternité... Jusqu'à l'arrivée d'Hector, un humain, contrôleur des normes de sécurité, déterminé à fermer l’établissement. Francis, le Vampire qui dirige le Parc, n’a pas le choix : il doit le mordre pour préserver leur secret. Muté en drôle de monstre, séparé de sa fille Lucie, et coincé dans le parc, Hector broie du noir... Et si il devenait finalement la nouvelle attraction phare de Zombillénium ?
Bande annonce (VF)
Ce que j'en ai pensé : l'idée d'un parc d'attractions tenu par de vrais monstres est super. L'animation est originale, précise, très réussie. Elle laisse les ambiances habiter les différents lieux et moments du film. On sent qu'elle est très maîtrisée par Arthur de Pins, qui est également l'illustrateur et l'auteur de la très belle bande dessinée éponyme. Il est l'un des co-réalisateurs avec Alexis Ducord. Le film reste fidèle aux dessins, à l'idée principale et à plusieurs personnages de la bande dessinée. Il développe d'autres intrigues et intègre de nouveaux protagonistes.
Étonnamment, les thématiques sont adultes et sociales, les monstres servant de métaphores. On fait aisément un parallèle avec les vivants pour dénoncer les traitements de faveur, la non-mixité et l'emprise de la rentabilité sur la vie de l'entreprise et de ses employés. La mise en scène est très sympathique pour des grands, mais peut réserver des moments effrayants pour de trop jeunes enfants. ZOMBILLÉNIUM s'adresse plus à de jeunes adolescents et aux adultes à la recherche d'une animation de qualité se différenciant dans son approche et son style des dessins animés grands publics. De plus, les références au genre fantastique sont nombreuses et amusantes à repérer.
Seul le scénario donne une impression de vouloir faire des raccords un brin rapide. Du coup, il en ressort une impression de traitement léger de l'histoire, ce qui est dommage car les sujets sont intéressants et l'angle utilisé amusant et rafraîchissant.
La musique entraînante accompagne intelligemment les images. La chanson titre à des paroles ajustées (en anglais) et elle accroche immédiatement l'oreille.
Clip ''Stand As One'' de Mat Bastard
Les personnages sont attachants. Ils ont chacun leur caractère et leur personnalité. Hector le héros de l'histoire doit apprendre à vivre sa mort en acceptant son statut de monstre démon.
Gretchen est une jeune sorcière rebelle qui a plus d'un tour dans son sac. Elle oscille entre le rock'n roll et le gothique. Elle assure un max.
Steven est un vampire tellement imbu de lui-même qu'il en scintille (sur ce point, toute ressemblance avec un personnage de saga cinématographique existante serait une pure coïncidence).
Sirius est un squelette cool qui n'a pas sa langue dans sa poche.
Anton est une momie défraîchie qui râle pas mal. Quant à Francis, il est un patron 'humain' qui sait ce qu'il veut pour son entreprise et ses employés.
ZOMBILLÉNIUM est surprenant par sa forme et rafraîchissant dans son fond. Même si son scénario n'offre toute la solidité qu'on souhaiterait à l'histoire, il n'en demeure pas moins hautement original et diablement divertissant. Pour Halloween, cette année, n'hésitez pas à pousser les portes de ce parc d'attractions complètement mortel !
LA BANDE DESSINÉE D'ARTHUR DE PINS
A L'ORIGINE DU LONG MÉTRAGE
Née en 2009 dans les pages du Journal Spirou (300 000 lecteurs chaque semaine), les 3 premiers tomes de la saga se sont déjà vendus à plus de 200 000 exemplaires. La série a été traduites en 9 langues.
Le tome 4 est en préparation : sa pré-publication commencera dans les pages du Journal Spirou fin 2018.
ZOMBILLÉNIUM est une série des éditions Dupuis, à découvrir en librairie.
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
NOTE D’INTENTION
HENRI MAGALON
PRODUCTEUR
Zombillénium est le premier long
métrage d’Arthur de Pins en tant que réalisateur.
Appréciant le travail d’Arthur
depuis des années, j’ai admiré ses courts métrages d’animation,
ses collections de bandes dessinées, sa direction artistique sur des
séries animées et ses créations en tant qu’illustrateur pour la
presse Grand public et les magazines de mode.
En découvrant la bande dessinée
Zombillénium, j’ai été particulièrement impressionné. Son
design élégant a toutes les qualités et les cadrages d’une œuvre
de cinéma, et, en tant que scénariste, Arthur va plus loin que dans
ses œuvres précédentes : il réussit à imaginer une grande
histoire aux allures de comédie familiale dans un univers résolument
nouveau. Durant les six années de production du long métrage, nous
n’avons jamais abordé Zombillénium comme une licence, mais plutôt
comme une matière narrative et graphique idéale pour une adaptation
cinématographique. En effet, les 350 000 lecteurs du journal de
SPIROU forment un cœur de cible que nous ne voulons pas décevoir
mais ce qu’ils apprécient dans les trois tomes, c’est
l’originalité créative qu’Arthur leur offre. A la rencontre de
ses jeunes fans, notamment à l’occasion de son trophée Grand Prix
Fauve Jeunesse au Festival d’Angoulême, nous avons pu constater
que les enfants récompensent Arthur de les passionner et les faire
rire sans pour autant les prendre pour des idiots.
Pour son long métrage, il a le même
défi à relever : introduire son concept très novateur qui le
distingue de la masse des projets pour enfants qui alimentent les
cinémas. Ici, les petits de 6 à 12 ans, découvrent des thématiques
et des personnages qu’ils n’ont pas l’habitude de rencontrer.
Accompagnant leurs enfants dans les salles obscures, les parents
trouveront dans la dimension comédie sociale et dans l’éthique du
message d’Arthur une œuvre également pensée pour eux. Grâce à
ces deux niveaux de narration, ce long métrage séduit à la fois
les adultes qui n’auront pas l’obligation de « sacrifier » une
heure et demie de leur temps pour leur progéniture, et également
les enfants qui suivront une aventure humoristique et fantastique
mettant enfin des zombies à leur hauteur au cœur de ce parc
d’attraction bien singulier.
TOUT SUR ZOMBILLÉNIUM
ENTRETIEN AVEC ARTHUR DE PINS ET ALEXIS
DUCORD
RÉALISATEURS
PAR MARION TORNICELLI ET GÉRARD
VIRY-BABEL ©EDIITONS DUPUIS
LA BANDE DESSINÉE
Tout commence avec une couverture…
ARTHUR : C’est ça, à l’été
2008. À cette époque je faisais des illustrations et en bande
dessinée, uniquement Péchés Mignons pour Fluide Glacial. Pas du
tout le même univers que Zombillénium … Un jour, Frédéric
Niffle, le rédacteur en chef de SPIROU, m’appelle et me dit : «
Salut ! Tu veux faire les couvertures du SPIROU spécial Halloween ?
». Alors là je tombe des nues… et j’ai répondu « oui ».
Parce que déjà ça me faisait marrer, et en plus les monstres,
c’est-à-dire les vampires, les zombies, les loups-garous, c’est
un truc que j’aimais bien quand j’étais adolescent. Après, tout
ce qui est fantastique, c’était un univers que j’avais laissé
tomber depuis mes études, mais je me suis dis « pourquoi pas ? ».
J’ai donc fait une couverture où on voyait tout un tas de monstres
qui étaient en train d’enterrer le lecteur. Fred a adoré et m’a
proposé d’en faire un album !
C’est un cas unique dans l’édition,
la couverture avant l’album ! (Rires)
ARTHUR : Oui ! Et il ne m’a pas
imposé de scénariste, j’avais carte blanche. C’est rare que les
gens considèrent les dessinateurs aussi comme scénaristes. J’ai
donc fait cet album. Au départ, j’avais juste l’idée de
reprendre ces personnages sans me dire que ça allait devenir les
protagonistes d’une série… C’est un peu l’inconscient qui a
guidé ma main.
DE LA BÉDÉ AU CINÉ LES PREMIÈRES
PROPOSITIONS
L’envie de faire un film de
Zombillénium t’est venue dès ce moment-là ?
ARTHUR : Dès le Tome 1, j’y ai
songé. Mais quelle que soit la bande dessinée, je la pense
habituellement en film… Ici - contrairement à Péchés mignons où
les cases étaient toujours les mêmes - j’ai pu enfin faire de
grandes cases, où on peut voir les personnages qui marchent dans la
campagne par exemple… Évidemment ça me poussait à imaginer mon
histoire dans un cadre plus grand…
ALEXIS : C’est vrai ! Quand tu m’as
montré les premières planches, tu m’avais parlé un peu de la
couleur générale de ton projet, quelque chose de très graphique,
très cinématographique, en particulier sur la manière de découper
ton histoire.
ARTHUR : J’avais évidemment l’idée
d’en faire un film mais sans me dire expressément « je veux faire
un film ». J’ai fait le pari qu’un producteur viendrait me le
proposer. Et il y en a eu dès le Tome 1, mais c’était une
proposition de film « live » et je me suis un peu méfié… ARTHUR
: Un américain ?
ALEXIS : Non, c’était un producteur
français, pourtant spécialisé dans l’animation. J’étais un
peu dubitatif… Je ne savais pas quel budget il pouvait prétendre
monter et un film qui se déroule dans un parc d’attraction avec
des monstres, plein de personnages, je ne voyais pas comment on
pouvait s’y prendre : j’imaginais un tournage en « fond vert »
permanent avec de la 3D moche... Ça ne m’enchantait guère ! Après
il y a eu le producteur américain. Ça n’a pas abouti non plus car
il voulait tout changer, ça n’avait plus rien à voir : ça se
passait aux États-Unis, avec des sorcières, et c’était hyper
compliqué ! Et sachant que si tu signes avec des américains tu ne
peux plus rien dire… Ils te mettent comme conseiller vaguement
artistique, et le projet t’échappe complètement !
LE CLIP / PILOTE
ARTHUR : Quand on a développé l’idée
du film, on a souhaité réaliser « un pilote », un bout de film,
un test qui nous permettrait de montrer graphiquement, visuellement à
quoi le film pouvait ressembler. Il se trouve que le groupe Skip the
use préparait un album et on leur a proposé de faire un clip d’une
de leurs chansons. Ils ont été emballés par l’idée de faire en
même temps le pilote du film et leur clip. C’est Henri Magalon qui
a tout monté, c’était malin car il a eu des aides pour le
produire pour au final comptabiliser plus de 4 millions de vues sur
Youtube. On n’a pas eu un énorme budget et seulement 4 mois pour
le faire donc la qualité n’est pas celle qu’on a actuellement
sur le film mais ça nous a permis d’avoir une réfé- rence
visuelle et de régler quelques problèmes techniques.
ALEXIS : Et de vendre le projet…
ARTHUR : Et de vendre le projet oui !
Parce que ça sert à ça. Et puis, de voir les personnages bouger,
c’est ce qui nous a fait choisir la 3D, de faire un film en volume
CGI. On avait fait des essais en flash et ça n’allait pas du tout.
Il fallait une animation très, très fluide parce que mon style
graphique est coupé au couteau… C’est grâce à cet essai qu’on
s’est tourné vers la 3D avec des éléments 2D.
L’histoire du clip raconte vraiment
le début de la BD...
ARTHUR : Il raconte l’arrivée du
personnage de Sirius au parc comme une sorte de « prequel » au
film. Mais il n’en est pas une partie intégrante. On relie
vaguement le clip au film par Sirius : celui-ci raconte (dans le
film) à tout le monde qu’il était un ancien esclave noir qui
s’est rebellé, ou militant pour le droit civique et qui est mort
sur la chaise électrique. C’est du gros pipeau bien sûr et il
avoue à un moment qu’il était en réalité chanteur de bal dans
la région, et qu’en se rendant à un concert il a percuté un
camion. Sirius, c’est en réalité Mat Bastard (le chanteur de Skip
the use). Mat est originaire du Nord et il a plein de points communs
avec le personnage. C’est d’ailleurs Mat qui fait sa voix et qui
signe les chansons du film. Le clip introduit aussi le parc, son
fonctionnement, et où les gens sont un peu condamnés à se
divertir. Il montre aussi l’envers du décor à la fin.
LE SCÉNARIO
Souhaitais-tu alors adapter la bande
dessinée, telle qu’elle était, sur les trois tomes?
ARTHUR : J’ai fait le clip alors que
j’en étais au Tome 2 de la bande dessinée. Et alors que
j’entamais le scénario du film, Dupuis m’a commandé un Tome 3.
Henri Magalon m’a alors suggéré de prendre une année pour faire
cette bande dessinée et attaquer le film juste après. C’est à ce
moment qu’Alexis est arrivé. J’avais un début d’histoire, et
on s’est mis à travailler à un rythme un peu plus soutenu, avec
deux autres boarders.
L’idée était-elle dès le départ
de suivre la trame que tu avais déjà écrite ou de réinventer un
peu afin de faire un film pour un public plus jeune ?
ARTHUR : On est en réalité très vite
parti avec Henri sur la trame du Tome 1. C’est l’introduction du
parc par le biais de ce personnage qui s’y retrouve embauché. En
revanche, la raison qui nous a poussés à modifier l’histoire,
c’est la durée du film. Le Tome 1 ne fait que 44 planches, ce qui
est peu même pour une bande dessinée. Adapté tel quel, le film
aurait duré 20 minutes ! Alors autant raconter autre chose. En bande
dessinée, il y a des choses qui sont beaucoup plus acceptables au
sujet du scénario : pour un film il faut que ce soit ultra carré.
Le spectateur d’un film est plus passif, il faut le prendre par la
main et que tout soit justifié. Chaque scène doit être la
conséquence de la scène précédente et la cause de la scène
suivante. Et il nous fallait une fin !
Ce que tu veux dire c’est que le
lecteur d’une bande dessinée se crée son propre univers avec ce
qu’on lui offre. Il est libre d’imaginer ce qui se déroule dans
l’ellipse créée entre deux cases… Tandis qu’au cinéma, on
impose tout : là où on est actif en lisant, on devient passif, au
sens noble du terme, en regardant un film. L’auteur doit tout
amener et répondre aux questions qu’il soulève.
ARTHUR : C’est ça. Et il est très
vite apparu comme une évidence qu’on devait faire une histoire
propre au film, parce qu’on ne voulait pas s’adresser uniquement
aux lecteurs de SPIROU ou aux gens qui connaissaient la bande
dessinée. On voulait s’adresser à tout le monde, et surtout pas
que les spectateurs dussent connaître la bande dessinée pour voir
le film. De toute façon, il y aurait eu des incohérences qui ne
posaient pas de problème en livre mais qui dans un film sont
irréalisables : par exemple le fait que le héros vient bosser au
parc le jour et rentre le soir chez lui dans le village. Dans le film
on a fait le choix de faire des « employés » les prisonniers du
parc. Ce n’est qu’un point parmi beaucoup d’autres…
L’écriture du nouveau scénario nous a pris beaucoup de temps ! On
a fait plein de versions avant de trouver la bonne formule.
LES PERSONNAGES
Combien y a-t-il eu de grandes phases
pour le scénario, combien d’histoires?
ARTHUR : Il y en a eu 5 ou 6 globales
et dans chacune, il y a eu une dizaine de variations... Alexis est
arrivé à la deuxième ou troisième version. Le nœud du problème,
qui fait que ça ne fonctionnait pas, était le personnage d’Aurélien
(héros de la bande dessinée) et c’est ainsi qu’on a pris la
décision de le changer en Hector, un personnage qui était vierge de
tout.
ALEXIS : C’est le moment où les
choses se sont décantées, où on s’est libéré...
ARTHUR : Le personnage d’Aurélien
était trop passif, on ne savait pas ce qu’il voulait, on avait
l’impression qu’il subissait sans réaction. À partir de là on
a fait une version dont j’étais hyper fier, mais qui a été
rejetée par Alexis et Henri, où le héros était devenu Sirius : il
avait une petite fille, était un zombie. C’était très pratique
et ça faisait un vrai prequel à la bande dessinée. Ce scénario,
je m’en rappelle, avait une fin triste...
ALEXIS : C’était magnifique mais…
ARTHUR : …C’est doux-amer. Ça
aurait été un film pour adultes… Tout un film d’aventure pour
arriver à cette fin, ça ne collait pas.
Est-ce qu’à un moment du processus
de création, tu as envisagé de faire un film réellement pour
adulte ?
ARTHUR : Non, non… Zombillénium, ses
monstres, tout cela fait appel à mon enfance, mon adolescence.
D’ailleurs Francis, le vampire-directeur du parc, est inspiré de
mon père. Entre 12 et 15 ans, je dessinais énormément de monstres
et c’était une façon pour moi d’avoir des copains imaginaires
qui me transportaient ailleurs. J’étais dans une école très
dure, avec un environnement pas très sympa. C’est ce qu’évoquent
pour moi les monstres. La bande dessinée publiée chez SPIROU avait
pour cœur de cible les 8-12 ans, c’est parfait. C’est peut être
une revanche pour moi, c’est dire à tous les profs qui me disaient
d’arrêter de dessiner des monstres « vous voyez, j’en redessine
et les gamins adorent ! » Donc il était clair que ça devait être
Tout Public et ce public-là, avant tout. Quand j’ai eu le prix
Jeunesse à Angoulême remis par un jury de 8-12 ans, tu ne peux pas
savoir ce que ça m’a fait ! C’est ça qui m’a fait continuer
la bande dessinée.
HECTOR
Pour en revenir au nouveau héros :
Hector hérite tout de même d’Aurélien. Pourquoi ne pas avoir
simplement modifié Aurélien, pourquoi absolument changer le nom du
personnage ? Pour se différencier de la bande dessinée ?
ARTHUR : Oui c’est surtout ça, à la
fin il devenait très différent, il n’avait plus du tout la même
personnalité. Aurélien de la bande dessinée est dépressif au
début, il rentre dans un bar avec un flingue, alors qu’Hector
c’est plus du tout la même chose : il est obsédé par son boulot,
la réussite sociale… Ce n’était plus le même personnage mais
il est vrai qu’on a hésité, il aurait pu être une sorte
d’Aurélien bis, mais on a joué la possibilité de considérer le
film comme un prequel de la bande dessinée. Ainsi les personnages ne
seront jamais en conflit.
ALEXIS : Il n’y a pas de doute pour
personne, et on peut plus librement se détacher de la trame de la
bande dessinée. C’est devenu un personnage à part entière même
s’il est créé dans les grandes lignes d’Aurélien. C’est
l’adaptation de « Zombillénium » et on essaye de rester dans
l’univers, tous les personnages autour sont quasiment les mêmes,
avec quelques nouveaux.
LUCIE
Et la petite fille ?
ARTHUR : On y a pensé à Lucie il y a
longtemps, je crois même depuis le début. On s’est dit qu’il
fallait que le personnage principal ait un lien avec une personne
dans le monde des humains. Au départ c’était la fille de Sirius,
c’est d’ailleurs pour ça qu’elle est métisse. Et quand on a
choisi de créer Hector, on a décidé de garder Lucie comme sa
fille, car elle nous plaisait.
Le rapport entre Hector et sa petite
fille, permet d’être en empathie avec le public, c’est ce que
vous cherchiez ?
ALEXIS : Absolument car même si dans
le film on ne voit pas beaucoup Lucie, c’est cette histoire, ce
contact qu’on essaye de recréer qui sert de fil conducteur.
STEVEN
Venons-en à un autre nouveau
personnage, qui intéressait un public plus adolescent si je
comprends bien…
ARTHUR : Steven (le vampire) ?…
Il existe déjà cet espèce de conflit
entre monstres dans la bande dessinée, qui du coup est exacerbé par
ce personnage de vampire.
ALEXIS : C’est ce que je cherchais à
faire. C’est vaguement évoqué dans la bande dessinée mais je
voulais vraiment accentuer ça dans le film : les catégories
sociales qui se transcendent en catégories de monstres. Il y a les
zombies qui font les boulots en bas de l’échelle, et les vampires
les tâches plus nobles, etc. Je voulais vraiment dans le film que
chaque caté- gorie socioprofessionnelle soit un monstre et que ce
soit clairement établi. Le seul, un peu différent, qui ne rentre
pas dans ce moule, c’est Francis, le patron. Mais c’est un bon
directeur qui se préoccupe presque plus des zombies que de ses
congénères vampires… Son souci est que tout le monde tienne sa
place. Il y a aussi dans le dortoir : l’étage vampire, l’étage
loup-garou, l’étage zombie et effectivement les vampires et les
zombies sont deux clans qui se tirent la bourre. D’ailleurs je
reviens brièvement à Hector et son design. Il y avait un cahier des
charges assez balaise : il aurait tout-à-fait pu être un zombie,
mais le producteur voulait son démon avec les cornes et tout le
toutim, donc c’est un démon. En revanche, il ne pouvait pas être
trop « beau » parce que d’office ça le mettait dans le clan des
vampires. Il fallait que ce soit un démon mais « moche », c’est
pour cette raison qu’il a une corne tordue et une dent qui ressort
mais il fallait quand même qu’il ait une bonne tête : c’est
tout de même le héros. Il devait pouvoir faire peur à sa fille et
qu’elle ne le reconnaisse pas facilement. C’est la fameuse scène
où il arrive dans le village et qu’il voit sa fille et la
maîtresse. Tout ça était nécessaire pour montrer l’ambiguïté
de son statut « social » dans le parc, et le clan qu’il choisira,
des zombies ou des vampires.
Somme toute, c’est un peu comme dans
la bande dessinée : le côté « bâtard » d’Aurélien dont on ne
sait pas s’il est un vampire ou un loup-garou et qui se révèle
effectivement être un « démon ».
ARTHUR : Dans la bande dessinée comme
dans le film, il fallait qu’Hector soit « THE » monstre et qu’il
soit évident que c’est lui qui doit sauver le parc à la fin, lui
et les zombies.
ALEXIS : C’est un travail d’équipe
!
ARTHUR : Mais oui ! En tout cas,
puisqu’Hector devait être un monstre, il fallait qu’il soit un
monstre exceptionnel.
ARTHUR : Mais oui ! En tout cas,
puisqu’Hector devait être un monstre, il fallait qu’il soit un
monstre exceptionnel.
ALEXIS : C’est ce qui a été
difficile à écrire d’ailleurs. Même s’il devient un personnage
grand et « baraqué », beaucoup plus puissant que les autres, il ne
fallait pas qu’il réussisse à sauver le parc à cause de ça. Il
aurait été plus simple de le garder en zombie mais on aurait perdu
ce côté spectaculaire et aussi cette grande aventure qui était
très intéressante. Ce personnage dans la bande dessinée tout le
monde l’aime bien, on avait envie de garder cet aspect. C’est
pour cette raison que j’étais moins fan des versions avec Sirius
ou de laisser Hector en zombie : j’avais envie de ces belles
images, d’avoir cette fin un peu « épique ». Pas de se servir de
lui comme un simple super-héros qui raccorde plus ou moins avec
l’histoire sociale.
ARTHUR : Oui. Il sauve le parc avec les
zombies, c’est-à-dire les monstres moches que Gretchen appelle à
un moment « les monstres de série Z ». Au début du film, elle est
sous le charme de Steven, le leader charismatique des vampires et
pense qu’il faut faire un parc recentré sur eux, « branché »
quoi. Heureusement, elle va changer d’avis. Il y a donc les
vampires d’un côté et de l’autre les monstres « moches », de
« séries Z » un peu « ringards ». D’où le problème du parc
qui n’attire plus grand monde au début du film. Steven se pose en
alternative où les vampires, les beaux monstres comme les vampires «
glamour » de Twilight (ce que je trouve complément absurde)
seraient en mesure de relever les entrées du parc. Je ne sais pas si
vous connaissez ce film… J’ai vu le premier… et j’y ai trouvé
une scène aberrante, où les deux héros tombent amoureux, vont se
promener dans la forêt, le héros vampire « cool » lui demande de
fermer les yeux, pour lui montrer qui il est réellement. Elle ferme
les yeux, et on s’attend à ce que quand elle les rouvre, elle voie
une bête, avec je ne sais quoi d’horrible, genre « la belle et la
bête ». Mais non : elle ouvre les yeux et voit le même mec, mais
qui scintille. C’est l’arnaque ! Où est le discours sur la
monstruosité qu’appelle le thème du film ?! Steven, dans
Zombillénium, représente ça. Il veut un parc de monstres qui n’en
est pas un. C’est aussi ce que réclament les actionnaires : il
faut des monstres mais qui ne font pas peur, des monstres
romantiques… Les zombies, Hector, et les autres deviennent
mathématiquement ringards. C’est le méchant idéal.
GRETCHEN
Il y a un personnage dont on n’a pas
encore parlé, qui pourtant est central : Gretchen (la sorcière).
Vous l’avez légèrement modifiée mais elle garde son intégrité
vis-à-vis à la bande dessinée.
ARTHUR : Oui, c’est peut-être le
personnage le plus important. Graphiquement, on a passé énormément
de temps avec Sa - bine (Superviseur/designer des personnages pour le
film), à la « re-designer », la remodeler pour les besoins du
grand écran. Je travaille traditionnellement en deux dimensions, et
en 2D, un personnage de face et de profil est rarement le même. Le
film étant en volume, en 3D (ne pas confondre avec la stéréoscopie
qui rend la sensation de relief), la difficulté est d’avoir un
visage qui doit pouvoir être vu dans tous les angles, sans rompre
avec l’image 2D de la bande dessinée. En général dans la bande
dessinée franco-belge de surcroit, les personnages sont d’entrée
de jeu gentils, avec des valeurs de boy-scout. C’est un peu son
cas. Au départ, Elle n’est pas fon - cièrement méchante. Pour le
film, on s’est dit que ça serait très intéressant qu’elle
passe d’un stade à l’autre : qu’au début elle soit une peste,
une fille à papa, une petite « conne » obnubilée par Steven qui
méprise les zombies, puis qu’elle se bonifie au contact d’Hector
et des zombies. À la fin, elle a mûri, elle a presque un côté
maternel avec Lucie.
LES AUTRES PERSONNAGES
Beaucoup de personnages de la bande
dessinée, sont peu ou pas du tout exploités dans le film comme le
loup garou, Blaise, qui dit 3 mots, alors que dans le livre, on a le
sentiment qu’il codirige en binôme le parc avec Francis.
ARTHUR : C’est le DRH, c’est lui
qui s’occupe de l’entretien d’em - bauche. Pour moi, Blaise,
c’est un peu le personnage de l’af - fiche pour le recrutement.
Il incarne un peu le côté « The of - fice », le boute-en-train de
l’univers du bureau. Même dans la bande dessinée, je ne lui
trouve pas un rôle très crucial ; il est d’ailleurs en train de
s’effacer...
Il a quand même un rôle important en
complément de celui de Francis.
ARTHUR : La fameuse scène d’embauche
d’Aurélien, où Francis et Blaise le mordent tour à tour pour
faire de lui un vampire ou un loup-garou est intéressante. Elle
était intégrée au scénario du film à l’origine…
ALEXIS : C’était un reliquat de la
bande dessinée… On tenait à le mettre dans l’adaptation, comme
d’autres petites scènes, mais qui à un moment, dans la mesure où
l’on raconte tout de même une nouvelle histoire, n’ont plus
vraiment lieu d’être… Il faut à un moment donné ne plus trop
s’attacher aux « vestiges » de la bande dessinée, c’est
compliqué… Mais c’est vrai : elle était super cette scène…
Vous aviez prévu beaucoup plus de
monstres que juste les zombies et les vampires, n’est-ce pas ?
ALEXIS : Oui, mais il y avait là
encore une question de budget. Nous voulions un grand panel de
monstres fantastiques sur le film en les catégorisant : les zombies,
qui représentent le peuple, les vampires plus huppés, et les
loups-garous qui devaient avoir un rôle important, mais qui ne sont
plus très présents dans le film. À côté de ça, il devait y en
avoir plein d’autres de tous genres… Ils sont toujours présents
mais expé- diés dans une phrase du film où Francis les présente
furtivement en disant « et y’a tous les monstres aussi là ».
ARTHUR : C’est vrai qu’on s’attarde
beaucoup sur le conflit zombie-vampire, car c’est le cœur de
l’histoire. Les autres monstres sont relégués au second plan,
pour signifier qu’il y a de la diversité, mais aussi parce qu’ils
sont marrants, et qu’on s’est fait plaisir en les créant.
ALEXIS : Le parc Zombillénium est un
genre d’arche de Noé, le dernier refuge pour ces monstres, c’est
pour ça qu’on a créé beaucoup de catégories différentes.
LA CORÉALISATION
Comment vous êtes-vous répartis les
rôles à partir du moment où Alexis arrive sur le projet ?
ARTHUR : (à Alexis) Tu es arrivé
avant la version de Sirius il me semble...
ALEXIS : Oui. Je n’étais pas censé
bosser du tout dessus au départ. Henri Magalon m’a demandé si je
voulais bien lire le scénario pour donner mon avis. J’ai trouvé
l’histoire assez bien mais je trouvais que Gretchen et Aurélien
étaient assez figés. Que ça manquait d’évolution sur les
personnages. À partir de là, Arthur et Henri m’ont demandé de
travailler avec eux. Au début je devais juste aider un peu Arthur
sur deux trois trucs, lui laisser faire le scénario et faire
moi-même le story-board, je me suis retrouvé à embaucher du monde,
à faire des plannings. Comme avec Arthur ça fonctionnait bien, on a
continué à écrire ensemble. Je n’ai pas pu, de fait, faire le
story-board, et il a fallu embaucher quelqu’un d’autre ! L’un
dans l’autre, je me suis retrouvé à faire un peu de tout dans le
film et de fil en aiguille, Arthur et moi avons formé un binôme
jusqu’à la réalisation.
ARTHUR : C’est à dire qu’avec
Alexis, on se connaissait depuis longtemps sans avoir jamais
travaillé ensemble. En revanche, même pour la bande dessinée, je
lui demandais souvent son avis. Il a comblé pas mal de lacunes sur
le film : Alexis avait déjà réalisé des séries, bossé sur des
longs métrages d’animation, ce qui n’était pas le cas de Henry
ou moi, enfin si, moi un petit peu sur les séries, mais sans avoir
la maitrise d’Alexis. On se complète ! On va dire, pour être
caricatural, qu’Alexis est plus concentré sur ce qui est «
mouvement » et moi sur ce qui concerne la direction artistique, même
si chacun on prend part à tout, tout est validé par les deux.
PASSAGE DE DEUX À TROIS DIMENSIONS
Je sais que tu avais des exigences
précises pour le passage de la 2D à la 3D. C’était un aspect
compliqué du développement du film ?
ARTHUR : On voulait une animation très
fluide, et la 2D, avec Flash n’était pas satisfaisante. On a fait
les tests à l’époque du clip. On ne voulait pas d’une animation
« hyper speed », je veux dire que Flash ou la 2D c’est quand tu
fais des trucs à la Lastman, c’est plus fait pour de l’animation
japonaise. La 3D s’est imposée en terme de fabrication,
c’est-à-dire d’animation et pour certains personnages, je tenais
beaucoup à certains détails comme les plis du costume de Francis
qui doit se comporter de telle manière ou Gretchen et sa ceinture à
clous, tous ces petits détails font vraiment partie des graphismes
de la bande dessinée, je ne voulais pas simplifier les personnages.
Avec Alexandre Bermond, superviseur 3D du film, on a passé beaucoup
de temps à obtenir le look voulu car la 3D n’appelle pas du tout
la même logique. Pour ceux qui sont en charge de la lumière par
exemple, il faut définir le comportement d’une ombre sous la tête
ou à l’inverse expliquer l’absence d’ombre quand tel
personnage a sa main comme ci… C’est presque du cas par cas et le
travail d’Alexandre est de faire de ce « cas par cas » un maximum
de règles générales. Techniquement ce n’était pas évident.
J’ai vu qu’il y a une scène dans
le cœur du parc où tu as demandé que l’éclairage soit naturel
alors que les ombres des personnages devaient, elles, être
artificielles.
ARTHUR : C’est ça, il y a beaucoup
de bidouilles, d’arrangements, pour obtenir vraiment ce qu’on
veut. Ce qu’on veut éviter à tout prix par ailleurs, parce que
c’est moche, c’est la conséquence d’un éclairage « naturel »
ou réaliste qui fait des ombres partout, sur le visage par exemple.
Nous voulions éviter ça à tout prix : dans Zombillénium, aucun
personnage n’a une ombre sous le nez, ni une « moustache d’Hitler
», il n’a jamais la moitié du visage à l’ombre ; les
personnages sont soit en contre-jour, soit en éclairage de face,
comme dans les codes de la bande dessinée.
LE STYLE « ARTHUR DE PINS »
C’est en particulier ton style…
ARTHUR : Ce sont les codes graphiques
de Zombillénium, je ne peux pas tout d’un coup me permettre de
faire n’importe quel éclairage, n’importe comment. Je savais ce
que je voulais jusque dans les moindres détails. Par exemple, la
façon dont les reflets des vitres réagissent, les ombres mais aussi
les contrastes, les contre-jours et le niveau des détails. Il y a
des choses qui sont bourrées de détails comme les papiers peints,
les feuilles des arbres etc. En revanche d’autres doivent rester en
aplat de couleur. Et à tous les niveaux : la lumière, la 3D, les
références pour les décors etc. Depuis le début j’ai été
derrière chaque étape pour qu’on retrouve au maximum le graphisme
de Zombillénium parce qu’il y a un côté cartoon et dans le même
temps un côté hyper réaliste dans les couleurs, dans les
contrastes. Je montrais souvent des photos en disant « voilà, c’est
ce qu’on a pris dans le Nord, cette route est comme ça, tu plisses
les yeux, tu vois que tout est noir à part le ciel, il y a une
lumière particulière qui fait que c’est très humide donc ça
doit être plus accentué, plus contrasté » etc. Oui ça c’était
vraiment une volonté et je suis ravi du résultat au final.
Tu as rapidement envisagé la 3D ?
ARTHUR : Ce qui m’a fait peur, c’est
que ça nous échappe. Que tout d’un coup, il y ait des
contraintes, qu’on ne connaissait pas et qu’on nous dise «ça,
ce n’est pas possible ». Alexandre a été indispensable dans le
travail de « conversion de mon univers graphique vers la 3D ». En
particulier, je l’expliquais tout à l’heure, en ce qui concerne
les ombres et les reflets. C’est là qu’on a su que c’était le
bon choix.
LE DÉCOR
Élément important du film : ça se
passe dans le Nord, peux-tu nous parler de ce choix spécifique ?
ARTHUR : Dès la bande dessinée, le
cadre de l’intrigue se dé- roule dans le Nord, à Valenciennes
pour être précis, et ce pour plein de raisons. Deux raisons plutôt
nobles et une pas trop avouable… Pour commencer, j’ai choisi
cette région en tant que région industrielle, un peu sinistrée, ça
collait bien avec ce que je voulais raconter. Mais aussi parce qu’il
y a beaucoup de parcs d’attraction, c’est entre la France et la
Belgique, ce qui, pour ne rien gâcher, me rapproche un peu de SPIROU
! Il y a aussi un côté western. Dans la bande dessinée, la
première scène se passe sur la route, il y a un personnage qui se
fait prendre en stop : on imagine facilement une espèce de musique à
la Sergio Leone qui accompagnerait la scène ! Ça renforce le côté
inquiétant, ce parc qu’on voit au loin dans la brume, on a presque
l’impression que c’est un mirage. Ça marche mieux que si on
était dans les Calanques de Cassis… Disons que ça aurait eu moins
de pouvoir évocateur.
ALEXIS : En France, il y a quand même
plus de drames autour de mines dans l’histoire industrielle que de
cimetières indiens magiques ! (rire).
ARTHUR : De fait, cela renforçait le
choix de la région, ça justifie plein de choses. Il y a l’aspect
social évidemment, l’ascenseur qui draine toute une symbolique,
qui va de la direction au fond de l’enfer, etc. Et pour le film, on
a même acheté les droits de la chanson de Pierre Bachelet Les
Corons.
Vous aviez pensé, consciemment ou non,
aux strates des enfers dans la mythologie grecque ?
ARTHUR : Oui, ou plutôt la version
moyenâgeuse de l’enfer de Dante, qui a 9 niveaux. Et ce côté
pyramide inversée. Le niveau -9 chez nous, c’est le bout du bout,
où les employés « virés » du parc terminent pour pousser la
roue… C’est l’Enfer, point. Quand un employé y descend, c’est
foutu, il n’en remonte plus. On a ouvert un peu les possibilités
de sorties dans le film, c’est moins catégorique. C’est pour ça
qu’on a créé le cerbère d’ailleurs. C’est un drôle de
cerbère dont une des trois têtes est celle d’un Yorkshire (rire).
La raison de ce cerbère, c’est qu’à la base, les damnés
étaient enchainés pour pousser la roue : faire en 3D des
personnages qui marchent tous ensemble avec des chaînes qui font «
schling, schling », c’est l’horreur ! Le budget du film ne
permettait pas de faire une minute de ça… On a donc oublié les
chaînes et imaginé ce gardien très dissuasif.
ALEXIS : Et une fois que ce gardien est
hors jeu, on peut sortir, c’est aussi très pratique
scénaristiquement.
Le générique de début expose une
idée nouvelle par rapport à la bande dessinée de la mine qui s’est
effondrée et qui est l’origine du parc et de la plupart des
zombies.
ARTHUR : En effet, suite à un coup de
grisou, les mineurs restent enterrés parce qu’ils ont percé trop
loin, trop profond, et ils tombent sur le diable. Ils sont donc tous
damnés ! La mine écroulée, ils parviennent à remonter à la
surface. Tout cela figure dans le générique sous forme de tableaux
animés, et c’est Francis qui a l’idée de créer ce parc pour
intégrer « ces morts-vivants », pour qu’ils aient une vie
sociale. C’est la genèse de Zombillénium, qui commence avec les
mineurs et qui se termine avec la création du parc.
ALEXIS : Ça fait écho à ce que dit
le vieux client bourré dans le bar, où l’on joue avec les codes :
on arrive dans un petit village, c’est un type qui raconte une
histoire et le spectateur comme le héros se demande ce qu’il
raconte, il s’en fout un petit peu et paf ! Le générique confirme
l’histoire du vieux … et l’histoire du film peut commencer...
MUSIQUE
ERIC NEVEUX
COMPOSITEUR
Déterminé depuis son plus jeune âge
à devenir musicien, Éric Neveux a 25 ans lorsqu’il rencontre le
réalisateur François Ozon tout juste sorti de la FEMIS. Il compose
la musique de son premier moyen-métrage Regarde la Mer puis celle de
son premier long-métrage Sitcom.
À la même époque, Éric Neveux se
passionne pour le son de Bristol (la scène Downtempo) et devient “Mr
Neveux”, nom sous lequel il signe un premier album aux sonorités
cinématiques, Tuba, pour le label anglais Cup of Tea Records. 1997 :
sa rencontre avec Patrice Chéreau sur le film Ceux qui m’aiment
prendront le train – Sélection Officielle Festival de Cannes 1997
– sera déterminante. Elle marque le début d’une longue
collaboration avec le réalisateur qu’il retrouvera sur Intimité -
Ours d’Or Festival de Berlin 2001 - puis sur Persécution - Mostra
de Venise 2009 - et conforte Éric Neveux dans sa vocation de
compositeur pour le Cinéma. 2016 : Éric Neveux a déjà à son
actif quelques 55 musiques de longs métrages, auxquelles il convient
d’ajouter nombre de partitions pour des films et séries TV.
Dans la droite ligne de sa relation
avec François Ozon et Patrice Chéreau, il continue à privilégier
des films d’auteurs originaux et exigeants. Éric Neveux signE la
partition de plusieurs films du réalisateur Rachid Bouchared dont
les deux premiers volets de sa trilogie américaine Just Like a Woman
(2013) avec Sienna Miller et Golshifteh Farahani, et La Voie de
l’Ennemi (2014) avec Forest Whitaker et Harvey Keitel, et La Route
d’Istanbul (2016), tous deux présentés en compétition officielle
du Festival de Berlin. Parmi les films qui reflètent le mieux cet
attachement aux films d’auteurs, on peut citer L’Attentat de Ziad
Doueiri (en compétition à Toronto et Telluride aux USA) , La Vie
Domestique d’Isabelle Czajka ou La Tête Haute d’Emmanuelle
Bercot (Film d’Ouverture Festival de Cannes 2015).
Éric Neveux n’hésite cependant pas
à élargir son “terrain de jeu” à des films plus populaires
tels que Les Vacances du Petit Nicolas ou encore Un Homme à la
Hauteur de Laurent Tirard. Pour la télévision, Éric Neveux a
collaboré avec Tom Fontana sur la série Borgia (2013 et 2014), avec
John Doman et Mark Ryder (Canal +, Netflix USA), et composé la
musique des 6 saisons de la série Un Village Français (2009-2016).
CHANSON
MAT BASTARD
CHANTEUR
Mat Bastard est l’ancien chanteur,
compositeur et auteur du groupe Skip The Use formé à Lille en 2007
et dissous depuis 2016. Il poursuit une carrière solo et son 1er
album Loov parait en juin 2017 (single More Than Friends). Il signe
les chansons de Zombillénium et joue le personnage de Sirius.
Le projet Zombillénium officialise ta
carrière solo, non ?
MAT BASTARD : Arthur aimait beaucoup
notre musique, on a fait un clip avec Skip the use, et ça a
tellement bien fonctionné qu’on a décidé de prolonger notre
collaboration avec ce film. Ça fait trois ans que je bosse sur mon
projet solo, ça officialise surtout mon retour en tournée avec un
album qui sort dans deux semaines.
Avec de nouveaux musiciens ?
Oui mais ce sont des mecs avec lesquels
je fais déjà de la musique depuis 23 ans. Ce n’est pas tant une
question de style musical que de relations humaines, et je continue
de faire de la musique pour les mêmes raisons : défendre la
fraternité.
L’animation, un univers familier ?
Je suis complètement fan de mangas
comme Le Voyage de Chihiro ou Akira. Et puis j’ai une culture du
jeu vidéo. Non pas pour passer des heures sur un canapé à jouer,
mais pour le processus créatif. L’équipe technique de
Zombillénium est au top, ce film prouve que les jeunes français ont
du talent !
Tes chansons jouent un rôle
prépondérant dans ce long métrage ?
J’ai commencé à composer sans avoir
vu une image, et pour certaines, ce sont eux qui ont dessiné en
écoutant la musique. C’est génial de voir sa musique animée, et
ça me donne des idées pour ma tournée.
La métaphore du monstre ?
Elle est dans une chanson de ma
compagne d’A-Vox intitulée Monster. La capacité d’un homme à
marcher droit, c’est sa capacité à dompter son monstre intérieur.
Il faut savoir se connaître, pour savoir jusqu’où on peut aller.
La tragédie de Manchester oblige à se poser des questions… La
religion sans la communion des hommes est une catastrophe. Mais les
monstres, ce sont souvent des gens qui nous ressemblent intimement,
mais il est plus facile de désigner l’autre du doigt que de se
remettre en question.
Interview parue dans NICE MATIN – 25
mai 2017 – au moment de la présentation du film lors du Festival
de Cannes.
#Zombillenium
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