Thriller/Drame/Guerre/Une bonne surprise, le film tient ses promesses et même un peu plus
Réalisé par Doug Liman
Avec Aaron Taylor-Johnson, John Cena, Laith Nakli...
Long-métrage Américain
Durée : 01h30mn
Année de production : 2017
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Date de sortie sur les écrans américains : 12 mai 2017
Date de sortie sur nos écrans : 7 juin 2017
Résumé : Deux soldats américains sont la cible d’un tireur d’élite irakien. Seul un pan de mur en ruine les protège encore d’une mort certaine. Au-delà d’une lutte pour la survie, c’est une guerre de volontés qui se joue, faite de tactique, d’intelligence et d’aptitude à atteindre l’ennemi par tous les moyens…
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait - L'embuscade (VOSTFR)
Extrait - Accroche-toi ! (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : THE WALL est une bonne surprise. Le réalisateur, Doug Liman, nous fait rentrer directement dans le vif du sujet après une courte introduction plaçant la dynamique de la relation entre les deux héros qui vont devoir affronter un ennemi aussi dangereux qu'invisible.
Doug Liman, le réalisateur du film (à gauche) et l'acteur John Cena (à droite) |
Certes, il s'agit d'un film de guerre, mais le thriller prend le pas sur le reste pour nous accrocher et cela fonctionne. Pas vraiment de temps mort, mais pas de sur-action non plus. Le film s'équilibre entre peurs, souffrance, moments d'espoir, et même petites touches d'humour (qui n'empiètent cependant pas sur la dramaturgie de la situation). L'affrontement devient peu à peu psychologique. Le réalisateur gère habilement la tension pour ne pas étouffer le spectateur sous le stress. Il finit par titiller notre curiosité par rapport à ce sniper mystère.
L'unité de lieu oblige le scénario de Dwain Worrell à faire preuve de bon sens et à être malin. Bien qu'on devine parfois la suite des évènements de loin, il n'en demeure pas moins divertissant.
Côté jeu, Aaron Taylor-Johnson, qui interprète le Sergent Allen Isaac, est très bon en soldat entraîné, mais pas non plus super doué. Pris entre des réactions humaines et des réflexes militaires, il rend son personnage attachant, ce qui évidemment rend l'enjeu intéressant pour les spectateurs puisque, du coup, on veut savoir comment il va s'en tirer.
John Cena interprète le Sergent-chef Shane Matthews. Je l'ai trouvé très juste et surtout efficace pour donner du charisme à son personnage.
THE WALL tient toutes les promesses du genre, et même un peu plus. La réalisation rend le déroulement des événements clairs et accrocheurs, les acteurs sont crédibles et le scénario réussit à nous inresser jusqu'au bout. Si vous aimez les face-à-face tendus au cinéma, alors n'hésitez pas à franchir le pas pour venir vous abriter contre le mur.
NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
« Des légendes
de ce genre circulent au sujet de tireurs d’élite irakiens
insurgés. La plus répandue est sans doute celle de Juba, un sniper
du groupe de rebelles sunnites de l’Armée islamique en Irak, dont
les exploits ont été vantés dans plusieurs vidéos diffusées sur
Internet entre 2005 et 2007. Des centaines de morts lui ont été
attribuées, et les rapports de l’époque suggèrent qu’il aurait
été à l’origine d’une certaine psychose chez les soldats
américains. »
Adam Taylor, The
Washington Post, 22 janvier 2015
LA GENÈSE DU PROJET
Thriller
psychologique intense, THE WALL est réalisé par un maître du
genre, Doug Liman (MR. & MRS. SMITH, LA MÉMOIRE DANS LA PEAU,
EDGE OF TOMORROW) et interprété par Aaron Taylor-Johnson, couronné
aux Golden Globes (NOCTURNAL ANIMALS, KICK-ASS, SAVAGES, GODZILLA,
AVENGERS : L’ÈRE D’ULTRON) et John Cena, star de la World
Wrestling Entertainment (WWE) (CRAZY AMY, VERY BAD DADS). Le scénario
écrit par Dwain Worrell a figuré sur la Black List 2014. Le film
est produit par Amazon Studios.
THE WALL est le
premier scénario de Dwain Worrell à devenir un film. Il l’a écrit
en Chine, où il enseignait l’anglais. Il raconte : « Cette
idée me trottait dans la tête et je me suis enfin décidé à la
coucher sur le papier sur mon temps libre. Pour moi, le thème
principal de cette histoire a toujours été celui du camouflage. Le
film suit un sniper américain pris pour cible par un légendaire
tireur d’élite irakien, mais il raconte également l’histoire
d’hommes qui se mentent autant à eux-mêmes qu’à l’autre. Le jeu
du chat et de la souris auquel ils se livrent durant la majeure
partie du film est une manifestation extérieure de ce qui les agite
intérieurement. »
Les échanges
radio entre le soldat américain et son homologue irakien ainsi que
leurs dialogues tout au long du film révèlent les points communs
des personnages autant que le vaste fossé qui les sépare. Cela
s’explique par l’intérêt de Dwain Worrell pour le langage. Le
scénariste explique : « Je suis passionné de
linguistique. J’ai étudié le mandarin à l’université d’État
de Géorgie et je parle couramment le chinois. Apprendre une langue
étrangère et essayer de penser et de converser dans cette langue
vous donne une nouvelle vision de toutes les nuances qui entrent en
jeu dans la communication. Le langage est pour moi l’un des outils
les plus importants acquis au cours de l’évolution humaine, nous
considérons d’ailleurs notre capacité à transmettre un message
via des mots comme allant de soi. C’est quelque chose de très fort
qui est aussi lié à l’écriture, laquelle est tout à fait
fondamentale pour moi. L’idée de « camoufler » ses
intentions à travers le langage est quelque chose que nous faisons
tous les jours et qui se reflète dans ce film. »
Le scénariste a
fait d’importantes recherches sur la guerre en Irak, l’état de
stress post-traumatique (ESPT) et la vie quotidienne des soldats. Il
commente : « J’ai rencontré des familles de militaires
et regardé tous les documentaires possibles et imaginables sur le
métier de tireur d’élite afin d’essayer de me familiariser avec
leur jargon et de comprendre leur état d’esprit. J’ai ensuite
envoyé le scénario à Amazon depuis la Chine et ils l’ont accepté
en l’espace de deux semaines. »
LE RÉALISATEUR ET
L’ÉQUIPE
Les thèmes, le
cadre et les personnages de THE WALL ont immédiatement trouvé écho
chez Doug Liman. Nombre des films et projets télévisés du cinéaste
mettent en scène des conflits de grande envergure souvent racontés
du point de vue des soldats, ainsi que des joutes intellectuelles de
haut vol. Mais plus important encore, le scénario réduisait la
guerre à ce qu’elle a de plus élémentaire, et cela l’intriguait
particulièrement.
Le réalisateur
déclare : « THE WALL est un thriller captivant doublé
d’une analyse passionnante sur le fonctionnement réel de la
guerre, où de parfaits étrangers s’entre-tuent. Ici, il s’agit
de deux tireurs, un Américain et un Irakien, qui ne se connaissent
pas et vont devoir faire l’impossible pour survivre. C’est ma
vision personnelle du film de guerre. Il n’y est pas question de
politique car ce n’est pas comme cela que fonctionne la guerre. On
peut se permettre d’avoir tout un tas d’opinions lorsqu’on est
bien à l’abri à New York, mais quand vous vous trouvez en Irak et
que quelqu’un essaie d’avoir votre peau, cette personne est
l’ennemi et doit être stoppée à tout prix. Il en va de votre
vie. L’intrigue de THE WALL est donc très simple, à l’image de
celles de mes films de guerre préférés. J’étais curieux de voir
la réaction de l’être humain poussé aux limites de la survie,
c’est quelque chose qui m’a toujours intrigué depuis LA MÉMOIRE
DANS LA PEAU. J’ai toujours placé Jason Bourne dans des situations
où toutes les chances étaient contre lui, sans véritable échappatoire ;
le défi consiste alors à faire en sorte que le personnage s’en
sorte malgré tout, ce qui est passionnant. C’est dans ces
moments-là qu’il se révèle. »
Doug Liman a
cependant ajouté à l’histoire un ingrédient qui n’était pas
présent dans le scénario original : un troisième soldat, le
sergent Matthews, officier supérieur du sniper américain Isaac.
L’amitié qui lie les deux hommes vient encore accroître les
enjeux du film. Isaac ne se bat pas uniquement pour sa vie, il se bat
aussi pour celle de son camarade, et leurs efforts conjugués
confèrent une toute nouvelle dimension à l’intrigue.
Le réalisateur
commente : « J’aimais la simplicité de l’histoire
d’un soldat acculé derrière un muret, mais l’idée d’un film
ne reposant que sur un seul acteur ne me plaisait pas, ça me
rappelait trop ces exercices imposés sur lesquels planchent les
étudiants en cinéma. J’ai donc conservé le postulat de départ
en y ajoutant un personnage supplémentaire, celui du sergent
Matthews, et l’histoire a pris un tout autre visage : celui
d’un « buddy movie ». Leur amitié et le fait qu’elle
soit mise en danger rend le film d’autant plus intéressant et
palpitant. »
Le producteur
David Bartis déclare : « Toute la difficulté a été de
faire un film d’ampleur, ouvert malgré le fait qu’il se
concentre sur le petit monde de deux personnages, et ambitieux malgré
un budget extrêmement restreint. La solution a en partie consisté à
faire appel à des gens avec qui Doug avait déjà travaillé,
familiers de son approche, comme la directrice de casting Mindy
Marin, le chef décorateur Jeff Mann, le producteur délégué Ray
Angelic et la superviseuse de postproduction Nicole LaLoggia. Dans le
même temps, nous avions besoin de sang neuf, de collaborateurs
capables de s’adapter au rythme soutenu du tournage et d’apporter
de nouvelles perspectives à l’équipe, des gens comme le directeur
de la photographie Roman Vasyanov et la monteuse Julia Bloch. »
LES ACTEURS
Aaron
Taylor-Johnson a été le premier acteur à être choisi. Il
tient le rôle du sergent Isaac, un Ranger de l’armée américaine
qui sert d’observateur à Matthews mais qui est aussi bon tireur
que son supérieur. Lorsque leur homologue irakien blesse grièvement
Matthews, Isaac doit faire appel à tous les éléments de sa
formation, de son adresse au tir à son intelligence, pour vaincre
l’ennemi invisible qui le met physiquement et mentalement au pied
du mur.
L’acteur
raconte : « Mon personnage fournit à Matthews toutes les
informations techniques dont il a besoin pour bien tirer : les
distances, les conditions de vent, ce genre de choses. Sa lunette
télémétrique est donc un outil essentiel pour lui mais elle joue
aussi un rôle crucial dans l’intrigue. Elle appartenait à son
ex-partenaire tué au combat. Isaac préférerait donc ne pas avoir à
utiliser son fusil, et il tient beaucoup à cette lunette. Il est
encore traumatisé par cet événement, et tout au long du film, on
le voit se débattre avec un ESPT dont on découvre petit à petit
l’origine à travers le jeu du chat et de la souris auquel il se
livre avec le soldat irakien. »
Aaron
Taylor-Johnson a été séduit par l’originalité du scénario et
l’opportunité de travailler sous la direction de Doug Liman. Il
déclare : « Je suis immédiatement tombé sous le charme
du script et du personnage. C’était magnifiquement écrit et le
concept m’a semblé extrême, stimulant et passionnant. Et puis
c’était Doug Liman, dont j’admire énormément le travail, qui
était aux manettes ! Je n’avais aucun doute sur sa capacité
à raconter cette histoire de manière intime et singulière. »
John Cena
incarne quant à lui le sergent Matthews. L’acteur, entrepreneur et
superstar du catch s’est entièrement immergé dans son rôle. En
raison de son emploi du temps chargé, la production a organisé le
tournage en fonction de ses disponibilités ; il a ainsi été
présent sur le plateau pendant deux jours lors la première semaine
de tournage et durant toute la dernière semaine. Au cours de la
brève période qu’il a passée sur le tournage, il a pleinement
incarné son personnage. Il a enduré une chaleur écrasante et des
vents violents, a été recouvert de poussière – par le
département maquillage mais aussi par les imprévisibles tempêtes
de vent qui balayent quotidiennement le désert – refusant de
s’abriter, alors qu’après avoir été touché par le tireur
irakien, il pouvait passer plusieurs heures couché sur le ventre
dans la poussière. Il arrivait cependant à John Cena de sortir de
son personnage pour le plus grand plaisir de son partenaire et de
l’équipe, à qui, en fabuleux conteur, il aimait raconter des
histoires.
Aaron
Taylor-Johnson commente : « John est quelqu’un de
profondément sympathique et un vrai gentleman. J’ignore comment il
a réussi à tourner ce film parce qu’il était toujours très
occupé et passait son temps à s’envoler pour l’autre bout du
monde, il était au Japon puis à New York pour quelques jours, puis
sur le tournage… Nous n’avons donc pas eu le temps d’apprendre
à nous connaître en amont, mais on s’est tout de suite bien
entendus. Il a beaucoup de répartie et d’humour, et cela se
ressent dans la relation qui unit nos personnages. »
John Cena a été
séduit par la relation entre les deux soldats ainsi que par
l’approche de Doug Liman vis-à-vis du film et de la mise en scène
en général. Il explique : « J’adore les bonnes
histoires et celle-ci est merveilleuse, elle reflète formidablement
notre perception de la guerre et de ceux qui la mènent. Nous aimons
célébrer et décorer nos héros, mais il y a des aspects de la
guerre qui sont tout simplement horribles et retors, et nos soldats
doivent souvent y faire face seuls. THE WALL soulève justement la
question du choix individuel. »
L’acteur a
calqué son implication totale sur l’attitude irréprochable de
Doug Liman. David Bartis commente : « C’est face aux
difficultés que Doug est le meilleur. À cet égard, les conditions
de ce film, avec son budget limité, sa distribution restreinte et
son calendrier serré, étaient idéales pour lui. Il a aimé relever
le défi qui consistait à rendre ce monde clos suffisamment
captivant pour que l’on ne s’ennuie pas une seconde pendant le
film. »
John Cena
déclare : « Doug Liman est formidable. J’aime les gens
créatifs qui possèdent aussi une solide éthique professionnelle,
et Doug en est le parfait exemple. Il sait exactement ce qu’il veut
et comment obtenir le meilleur de chacun de ses
collaborateurs. C’est un bourreau de travail qui s’entoure de
gens qui partagent son état d’esprit. L’équipe au complet était
entièrement dévouée au film. Il y avait de la poussière, du vent
et il faisait chaud : les conditions étaient difficiles
–surtout après dix heures de tournage – mais tout le monde y a
mis du sien, ça a été un effort collectif et Doug a été exemple
pour nous tous, c’est un fantastique meneur d’hommes. Avec lui,
on peut être sûr que ce qui est écrit dans le scénario sera
magnifié à l’écran. »
Bien qu’il ait
eu tous les plans du film en tête, le cinéaste a toujours pris le
temps de discuter en profondeur des scènes avec les acteurs, en
particulier Aaron Taylor-Johnson, afin de s’assurer de la sincérité
de l’histoire. Une attention particulièrement importante car
lorsque les deux hommes sont séparés, Aaron Taylor-Johnson est
quasiment seul à l’image, Isaac communiquant par radio avec son
ennemi invisible. L’acteur partage la plupart de ses scènes avec
une voix off, celle du tireur embusqué irakien – un rôle parfois
endossé par Doug Liman.
L’acteur se
souvient : « L’autre personnage avec lequel j’échange
est le sniper ennemi qui n’apparaît pas à l’écran, il a donc
fallu que j’adapte mon jeu. La manière dont Doug a choisi de
tourner ces scènes est très authentique, il ne s’agissait pas de
quelqu’un qui se trouvait à côté de la caméra mais d’une voix
qui me parvenait via une oreillette. À l’instar d’Isaac, je
réagissais donc à ce que je voyais, à ce que j’entendais et à
ce que je ressentais, ce qui était difficile par moments mais
important et intéressant. J’ai beaucoup aimé quand Doug prenait
le micro et essayait de me mettre au défi de manière inattendue. »
Pour David Bartis,
Aaron Taylor-Johnson et John Cena étaient parfaits pour ces rôles.
« Nous avons eu beaucoup de chance avec la distribution, Aaron
et John étaient tous les deux prêts à tout pour ce film. Ils n’ont
pas hésité à passer plusieurs heures allongés sur le sable
brûlant par plus de 42 degrés, et ce jour après jour, sans se
plaindre. J’ai été très impressionné par leur engagement. »
LES DÉCORS
THE WALL a été
tourné en 14 jours à Lancaster, dans le désert près de Los
Angeles, ce que le producteur David Bartis ne peut s’empêcher de
trouver ironique : « Après avoir parcouru le monde entier
pour trouver le décor idéal, nous avons atterri à deux pas de chez
nous ! »
Il ajoute :
« Pour donner l’illusion que les personnages se trouvent à
l’autre bout du monde, nous avons ajouté un pipeline au décor.
Une partie de cet oléoduc a été construite sur le tournage, le
reste a été créé en images de synthèse. Sa présence évoque nos
intérêts au Moyen-Orient et les nombreuses vies sacrifiées au nom
du pétrole sans jamais que cette question ne soit abordée
frontalement dans l’histoire. »
D’après
Nicholas Irving, le conseiller militaire de la production, le lieu de
tournage du film ressemble à s’y méprendre à l’Irak. Et il
sait de quoi il parle, étant un ex-Ranger de
l’armée américaine déployé à plusieurs reprises en Irak et en
Afghanistan, où ses aptitudes de sniper lui ont valu d’être
surnommé The Reaper (le Faucheur en français). C’est John Cena
qui l’a recommandé à l’équipe. Le conseiller militaire
raconte : « Je suis ami avec John, avec qui j’ai
travaillé sur « American Grit », et il connaissait mes
états de service. »
Nicholas Irving a
passé du temps avec les deux acteurs principaux, et plus tard avec
les figurants qui incarnent des soldats. Il leur a appris la bonne
manière de tirer et de se déplacer, et avec Aaron Taylor-Johnson en
particulier, il a évoqué en détail le caractère mathématique et
mécanique du travail de repérage et d’observation.
Il explique :
« Il y a une manière précise de manipuler la lunette et des
spécificités techniques au métier, comme la méthode du
crack-bang, la mesure de la différence entre le claquement lié au
dépassement du mur du son de la balle et le bruit de la détonation
à la bouche de l’arme : on compte les secondes, un peu comme avec
l’éclair et le tonnerre, sauf qu’il s’agit d’une formule
différente. Nous avons étudié des formules et calculs balistiques
comme le temps de vol d’une balle, ce genre de choses. Je lui ai
appris différentes positions utilisées par les snipers : arme
pointée vers le bas ou vers le haut, comment tenir son fusil
lorsqu’on est allongé au sol, comment porter son arme, comment
respirer ou tirer entre deux battements de cœur… Nous avons passé
quatre ou cinq heures sur un champ de tir où nous avons tiré au
pistolet, au fusil de précision et à la carabine, et Aaron était
capable d’atteindre une cible en plein centre à 500 mètres, ce
qui est très impressionnant. Il a un talent inné pour le tir. »
Parler de ses
expériences aux acteurs du film et se retrouver sur une « zone
de combat », quand bien même s’agissait-il d’un plateau de
tournage, a fait remonter de nombreux souvenirs chez l’ancien
militaire. Il raconte : « John connaissait mon expérience,
mais Aaron pas vraiment. Lui raconter ce que j’ai vécu, lui
transmettre mon savoir, lui expliquer ce que je faisais en mission et
le regarder sur le tournage m’a fait remonter le temps. L’intrigue
du film est similaire à ce que j’ai vécu en Tchétchénie : nous
étions pris au piège et un de mes hommes nous est courageusement
venu en aide pour finalement se faire tirer dessus cinq minutes après
nous avoir sauvés… Mais j’ai aussi de bons souvenirs, mes hommes
auraient donné leur vie pour moi et j’aurais fait pareil pour eux.
La camaraderie entre Matthews et Isaac est très réaliste. »
LE MUR
Le mur qui offre
une protection précaire à Isaac contre l’assaillant irakien
devient presque un personnage à part entière dans le film. La
structure est progressivement détruite tandis que les deux soldats
échangent des tirs ; la production a donc organisé le tournage
en fonction de ses différentes étapes de destruction.
Doug Liman
déclare : « Aaron a passé énormément de temps derrière
ce mur, ça a vraiment été notre point de départ. Sur le plan
visuel, Jeff Mann et moi avons essayé de raconter l’histoire en
construisant tout un monde à travers ce mur parce que c’est ce
qu’il représente pour Isaac ; il fait la différence pour lui
entre la vie et la mort. »
Le chef décorateur
Jeff Mann et Doug Liman avaient travaillé ensemble pour la première
fois sur MR. & MRS. SMITH et entretiennent depuis une étroite
relation professionnelle et personnelle. Lorsque le réalisateur l’a
contacté pour THE WALL, Jeff Mann venait tout juste de terminer un
long projet en dehors des États-Unis. Ce nouveau film semblait donc
être, selon ses propres mots, « l’antidote idéal ».
Il explique : « Le scénario était fantastique et le
planning de tournage très restreint, ce qui était un soulagement
après la longue expérience que je venais d’avoir. De plus,
j’étais très heureux de travailler à Los Angeles. »
Le chef décorateur
poursuit : « Comme nous passons la plupart du temps
dans un seul et même décor, toute la difficulté a consisté à le
rendre visuellement intéressant. Il a fallu trouver le moyen de le
mettre au service de l’histoire et de lui donner l’envergure que
méritait le film en utilisant intelligemment nos ressources
limitées. Le mur est un personnage à part entière de l’histoire,
il se devait donc d’être esthétique et authentique, mais aussi
d’aider la caméra et les acteurs dans leur travail. J’ai dit à
Doug que je voulais que ce muret ait l’air instable. C’est mieux
que rien mais ce n’est vraiment pas le rempart idéal pour se
protéger d’une mort certaine. Évidemment pour les besoins du
tournage, il ne pouvait cependant pas être réellement instable. »
Le mur possède
son propre « arc narratif » que Jeff Mann et son équipe
ont dû respecter et qui a influencé la manière dont ils l’ont
conçu et construit. Le chef décorateur explique : « Le
mur doit passer par plusieurs étapes au cours de l’histoire. Une
partie de la structure s’effondre, une autre est soufflée, et
enfin Isaac y creuse un trou pour y faire passer sa lunette. Cela
faisait beaucoup de contraintes pour un tournage aussi court et nous
n’avions pas les ressources nécessaires pour construire plusieurs
morceaux de mur distincts ou en sculpter un en mousse pour telle ou
telle scène. »
Jeff Mann a
effectué d’importantes recherches sur l’architecture irakienne,
yéménite et nord-africaine afin de définir à quel bâtiment ce
mur aurait appartenu avant de se transformer en ruine. Il a ainsi
imaginé toute l’histoire de cette structure de pierre, ce qui a
influé sur le choix des matériaux qui le composent et la manière
dont il a été érigé.
Il commente :
« Dans notre esprit, il s’agissait jadis d’un bâtiment
complet dont les pierres ont été dérobées au fil du temps. Qui
sait quel genre d’endroit c’était ? Une petite mosquée,
peut-être. Nous avons ajouté de la texture du côté où se cache
Isaac afin d’évoquer l’histoire du bâtiment. Nous ne voulions
pas que ce mur ait l’air d’avoir appartenu à une bergerie située
au milieu de nulle part, c’est pourquoi nous avons intégré de
vieux encadrements de fenêtres en bois et un cadre de porte pour
évoquer la vie qui régnait autrefois dans ce lieu. Notre mur n’a
pas été construit en terre
mais en pierre, et nous avons utilisé deux types de pierres
différents. La logique derrière cette décision a été dictée par
l’histoire. Lorsqu’on enlève une pierre à la base de la
structure, on ignore s’il ne s’agit pas d’une pièce maîtresse
qui va tout faire s’effondrer, alors que lorsqu’on retire une
brique située au pied d’un mur de briques, on ne met pas toute la
structure en danger. Si vous tirez dans une brique, l’édifice ne
va pas s’écrouler, mais si vous tirez dans une pierre qui se
trouve être le pivot de la structure et qui peut potentiellement
faire céder tout le mur, les enjeux sont nécessairement accrus. On
obtient en outre quelque chose de beaucoup plus intéressant et plus
riche sur le plan visuel. Nous avons ajouté plusieurs épaisseurs de
plâtre ainsi que du grillage sur la surface intérieure du mur, où
l’on distingue des traces de peinture qui laissent deviner le
travail de finition qui ornait jadis l’intérieur du bâtiment. »
Jeff Mann et son
équipe ont effectué des tests sur la structure avant le tournage
principal pour s’assurer de sa solidité, ce qui a conditionné le
choix des matériaux ayant servi à sa construction. Ils ont fabriqué
une première version du mur qu’ils ont utilisée pour les
répétitions et qui a servi de modèle à celui qu’on voit dans le
film, haut et épais au début, plus bas et plus exposé par la
suite. Cela a nécessité de minutieuses recherches malgré un budget
et un calendrier limités.
Le chef décorateur
déclare : « Il y avait deux ou trois types de pierres
différents que nous voulions utiliser. Nous avons réalisé des
tests techniques avec une maquette, une version du mur plate en bois
composée de plusieurs morceaux, comme un grand puzzle. Chaque moment
du film où une petite partie du mur s’effondre ou reçoit une
balle a été mis en scène. Ça a été très instructif car nous
avons découvert les endroits qu’il fallait qu’on renforce et
ceux qui menaçaient de s’effondrer d’un bloc alors que nous
voulions qu’ils se disloquent. Cela nous a aussi permis de nous
assurer que l’équipe et Aaron Taylor-Johnson pourraient travailler
en toute sécurité à côté de la structure, car elle se compose de
plusieurs centaines de kilos de vraies pierres qui s’élèvent
jusqu’à deux mètres et qui pouvaient s’avérer dangereuses si
elles tombaient sur quelqu’un en raison des vents violents qui
balaient le désert. Nous nous sommes finalement lancés dans la
construction du mur final avec l’aide un consultant spécialiste
des maçonneries en pierre et avons réalisé quelques tests dans
l’atelier de notre superviseur des effets et ami Brendan O’Dell.
Nous avons également sculpté quelques fausses pierres. Pour faire
s’effriter la structure, nous avons entouré certaines pierres de
fil de fer sur lequel nous avons tiré manuellement pour les faire
tomber. »
Les vents
quotidiens et la chaleur étouffante n’ont pas uniquement affecté
la construction du mur, ils sont devenus un élément malvenu mais
inévitable de la production. Le matin, le vent n’excédait pas les
quatre nœuds mais il atteignait les 12 nœuds l’après-midi et
changeait sans arrêt de direction. Une tempête de sable
pouvait surgir à n’importe quel moment. D’ailleurs, pendant le
tournage de la scène dans laquelle le personnage de John Cena
inspecte la zone tandis qu’Isaac lui parle hors écran via une
oreillette, une petite tornade de sable a soudain enveloppé
l’acteur, créant la surprise chez Aaron Taylor-Johnson qui ne le
voyait plus. Juste après la fin du tournage principal, un violent
feu de forêt alimenté par ces vents chauds a d’ailleurs dévasté
les alentours.
LA PHOTOGRAPHIE
Le directeur de la
photographie Roman Vasyanov a choisi une approche visuelle adaptée à
ces conditions météorologiques changeantes en optant pour le format
Super 16, plus facile et rapide à insérer dans la caméra que le 35
mm, et idéal donc pour un tournage dans des conditions aussi
inhospitalières et un calendrier aussi serré. Il déclare :
« J’ai aussi pensé que le grain du Super 16, qui rappelle
celui de la photographie de guerre, se prêterait merveilleusement à
ce drame captivant. J’ai également eu l’idée de faire appel à
la macrophotographie lorsque le personnage d’Aaron est épuisé ou
perd conscience, j’ai pensé qu’il serait intéressant d’utiliser
un objectif très courte focale qui provoque des effets
prismatiques. J’avais donc en tête ces plans très serrés mais
également de vastes plans larges du désert avec la poussière
suspendue dans les airs et les tempêtes de sable. »
Doug Liman et
Roman Vasyanov ont choisi d’éviter les lieux communs des films de
guerre pour créer un style visuel propre à l’histoire, aux
personnages et au décor de THE WALL. Le réalisateur commente :
« Roman a proposé que nous tournions en 16 mm anamorphique dès
le départ. Nous étions tous les deux conscients que c’était à
la photographie qu’il revenait de rendre intéressant l’univers
du film, avec son décor désolé et austère. Nous tenions à éviter
l’esthétique caméra à l’épaule de la plupart des films de
guerre, nous ne voulions pas qu’il soit inutilement stylisé. Et
puis le grain du format 16 mm anamorphique est sans égal. Le fait
que nous ayons tourné sous un soleil de plomb rend les décors
encore plus beaux, plus dramatiques et laisse davantage de place à
l’imagination. »
Le travail du
directeur de la photographie a été dicté essentiellement par les
personnages, qu’il s’agisse d’un gros plan, du point de vue
subjectif du sniper ou d’un plan général. Il explique : « Je
suis convaincu que chaque plan doit s’appuyer sur les personnages.
Je n’aime pas beaucoup utiliser une caméra portée simplement pour
créer du mouvement ou tourner plus d’images. Pour moi, la caméra
doit d’une certaine manière être traitée comme un acteur et
refléter l’état d’esprit du personnage. Au début de THE WALL,
l’image est donc assez statique mais au fur et à mesure que la
tension monte, les mouvements de la caméra deviennent plus
saccadés. »
Après que le
sniper irakien blesse grièvement Matthews, le film repose presque
essentiellement sur Isaac tandis qu’il essaie de prendre le dessus
sur son ennemi invisible. Roman Vasyanov et son équipe ont par
conséquent passé beaucoup de temps avec Aaron Taylor-Johnson.
Le directeur de la
photographie raconte : « Aaron est un acteur extrêmement
talentueux et mon principal objectif était de lui donner le plus de
liberté possible. C’est en partie la raison pour laquelle nous
avons fait le choix d’utiliser la lumière naturelle. Puisque son
personnage passe quasiment la totalité du film derrière le mur,
l’idée était d’essayer de le filmer sous un maximum d’angles.
Il arrive parfois que quand un film
se déroule dans un seul et même lieu et qu’on opte pour une
couverture minimale, cela crée une sensation d’étouffement, ce
que nous avons essayé d’éviter. Nous voulions que les spectateurs
aient le sentiment de se trouver au beau milieu de ce gigantesque
désert avec Isaac et son ennemi, et personne pour lui venir en aide.
Nous voulions que tout tourne autour d’Isaac et de sa lunette. »
Ce sont d’ailleurs
les choix d’interprétation d’Aaron Taylor-Johnson qui ont
déterminé les mouvements de la caméra, que ce soit quand Roman
Vasyanov le filmait au plus près ou quand la caméra adoptait le
point de vue de la lunette de tir de son fusil. Le directeur de la
photographie explique : « Nous avons commencé par étudier
les mouvements d’Aaron afin de définir les meilleurs plans en
fonction de son attitude – jamais l’inverse, à aucun moment nous
n’avons essayé d’intégrer Aaron à un plan prédéfini. Son
instinct est remarquable, il sait toujours où se trouve la caméra
et se déplace intuitivement dans le cadre sans jamais sortir de son
personnage. Tous les plans, y compris les plans subjectifs, sont
dictés par les actions d’Isaac qui se retrouve seul et sans espoir
de voir débarquer des renforts. Le mur derrière lequel il se cache
est donc la seule chose qui peut lui sauver la vie. »
Le calendrier
serré du tournage, le budget restreint du film, les conditions
météorologiques éprouvantes et la volonté de la production de
tourner en lumière naturelle ont inspiré Roman Vasyanov et validé
sa décision de filmer sur pellicule plutôt qu’en numérique. Le
directeur de la photographie commente : « J’ai eu la
même expérience sur FURY. Lorsqu’on est confronté à des
conditions difficiles et qu’on veut utiliser plusieurs caméras et
obtenir l’esthétique la plus neutre et la plus réaliste possible,
la pellicule est à mon sens ce qu’il y a de mieux car elle saisit
la réalité telle que nos yeux la perçoivent. Quand je tourne sur
pellicule, je n’ai que mon posemètre avec moi et je m’y fie
entièrement, et je travaille avec une équipe réduite – pas
d’ingénieurs de la vision, pas de grands écrans, pas de playback.
Et ce qui m’a plu, c’est qu’on se serait cru sur le tournage
d’un documentaire des années 60 ou 70 ! Et puis j’adore le
format Super 16. Nous avons la chance incroyable de vivre à une
époque où nous pouvons choisir nos outils en fonction de l’histoire
qu’on veut raconter, et le Super 16 était indiscutablement ce qui
se prêtait le mieux à THE WALL. »
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