Thriller/Action/Policier/Un film de qualité, un divertissement soigné
Réalisé par Ben Affleck
Avec Ben Affleck, Zoe Saldana, Elle Fanning, Sienna Miller, Brendan Gleeson, Scott Eastwood, Chris Cooper, Anthony Michael Hall...
Long-métrage Américain
Durée: 02h08mn
Année de production: 2016
Distributeur: Warner Bros. France
Date de sortie sur les écrans américains : 13 janvier 2017
Date de sortie sur nos écrans : 18 janvier 2017
Résumé : "Quand tu te dévoiles dans ce milieu, ça finit toujours par te retomber dessus. Maisjamais comme prévu". Joe Coughlin n'est pas du genre à écouter les conseils de son père. Bien au contraire, ce vétéran de la Première Guerre mondiale est un insoumis réfractaire à l'autorité. Pire encore, il mène une vie de criminel, alors qu'il est le fils du chef-adjoint de la police de Boston. Pourtant, Joe n'est pas une crapule. D'ailleurs, il n'a pas le cuir suffisamment épais pour le type d'existence qu'il a choisie. Contrairement aux gangsters pour lesquels il refuse de travailler, il a des principes et un grand cœur. Une attitude qui le rend souvent vulnérable, dans les affaires comme en amour.
Déterminé à réparer les injustices subies par lui et ses proches, Joe s'engage dans une voie dangereuse, à l'encontre de son éducation et de son code d'honneur. Avec ses hommes, il quitte Boston et son froid hivernal pour s'aventurer dans la moiteur de Tampa, en Floride. Et si la vengeance est sans plus douce que la mélasse qu'il utilise pour son rhum de contrebande, Joe découvrira bientôt que le prix à payer est très élevé…
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : Avec LIVE BY NIGHT, Ben Affleck, qui réalise le film et interprète Joe Coughlin, le rôle principal, nous conte un destin : celui d'un homme aux principes nobles qui choisit une carrière de hors-la-loi. Cela peut paraître singulier, cependant ce choix s'explique par rapport aux expériences vécues par ce protagoniste.
J'ai apprécié la fluidité du scénario. Les événements s'enchaînent et les décisions qui en découlent paraissent logiques. Il s'agit d'un film d'époque dont l'ambiance est très bien retranscrite au travers des décors, des costumes, des possibilités influencées par la situation politique et de la vision communautaire. La réalisation de Ben Affleck est claire, nous offrant de beaux plans et de belles images par moment, malgré de petits raccords capricieux. Le déroulement de ce long-métrage est très agréable à suivre. Cependant, sur la dernière partie, quelques longueurs se font sentir. Le rythme ralenti.
Les acteurs apportent des personnalités distinctes aux protagonistes, ils sont convaincants et crédibles.
J'ai particulièrement apprécié les rôles féminins, car Sienna Miller, qui interprète Emma Gould, Zoe Saldana qui interprète Graciella Suarez et Elle Fanning qui interprète Loretta Figgis, nous offrent de beaux portraits de femmes à la sensibilité très éloignée les unes des autres.
LIVE BY NIGHT est un film de qualité, un divertissement soigné qui nous entraîne sur les pas d'un personnage dont la vie est irrémédiablement liée à son époque.
Les acteurs apportent des personnalités distinctes aux protagonistes, ils sont convaincants et crédibles.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
JOE Je ne veux pas être un gangster. Ça fait longtemps que j'ai arrêté de courber l'échine.
MASO Peu importe ce que tu veux. Tu as choisi cette vie.
Fils d'un haut gradé de la police de Boston, Joe Coughlin a combattu
vaillamment pour défendre les couleurs de son pays, mais il a rapidement été
désabusé par son expérience de la guerre. De retour aux États-Unis, il
s'embarque dans un mode de vie qu'il n'a pas choisi… payant le prix fort pour
s'offrir le rêve américain.
"Joe reconnaît sans la moindre hésitation
qu'il a choisi d'être un hors-la-loi dans une ville tenue par des gangsters où
les mafias italienne et irlandaise se font la guerre", signale Ben
Affleck, scénariste, réalisateur, producteur et comédien principal du film.
"Ce qui me surprend beaucoup chez lui, c'est que tout en enfreignant la
loi et en vivant selon ses propres règles, ce sont ses valeurs morales qui
l'empêchent de se considérer comme un gangster". Pourtant, c'est le
profond sens de l'éthique de Joe qui pourrait causer sa perte. LIVE BY NIGHT
est un projet qui a passionné Ben Affleck.
"C'était, en tant que
réalisateur, l'occasion de rendre hommage aux classiques Warner du film de
gangster des années 30 jusqu'aux années 70", déclare-t-il. "Ils ont
bercé mon enfance et ils possèdent une ampleur romanesque qui vous plonge dans
un monde et une époque différents". Affleck a adapté "Ils vivent la
nuit" de Dennis Lehane, près de dix ans après avoir signé son premier long
métrage en portant à l'écran "Gone, Baby, Gone" du même écrivain.
Lehane est producteur exécutif de LIVE BY NIGHT. "Sur un plan artistique,
Ben et moi nous entendons à merveille – et ce n'est pas seulement parce qu'on
est tous les deux attachés à Boston, même si ça y est pour beaucoup",
plaisante-t-il. "Ben a un style qui lui est propre. Il a fait ses premiers
pas de réalisateur avec GONE, BABY, GONE et il s'en est sorti à merveille.
J'adore ce film. Du coup, quand j'ai appris qu'il souhaitait adapter 'Ils
vivent la nuit', j'étais ravi de retravailler avec lui. Comme la première fois,
c'était extraordinaire de voir le livre se métamorphoser, d'abord en scénario,
puis en film".
Grand cinéphile, Affleck soutient que l'intrigue comportait
tous les éléments qui lui ont fait aimer le film de gangster : de très belles
femmes, des types dangereux, des flics, des mafieux, des fusillades, des
courses-poursuites en voiture – en bref, un mélange explosif. "Dès que
j'ai lu le livre de Dennis, j'ai compris qu'il y avait là un vrai potentiel
pour tous ceux qui aiment passer un bon moment au cinéma".
La société de
production de Leonardo DiCaprio, Appian Way, détenait les droits du roman
qu'Affleck a lu sur les conseils de Jennifer Davisson, productrice et associée
de DiCaprio. "Notre structure est constamment en quête d'histoires de
grands hommes – ce qui ne veut pas forcément dire que ce sont des types bien,
mais qu'ils font preuve de grandeur d'une manière ou d'une autre – et des
sacrifices qu'ils sont prêts à consentir", explique-t-elle.
"Dennis
excelle à analyser l'égo masculin de manière complexe et captivante, et Ben y
arrive très bien, lui aussi. Nous avions les droits d'adaptation mais quand Ben
a découvert le livre, il s'est avéré qu'il l'a adoré et qu'il lui correspondait
parfaitement. Lorsqu'on a lu le magnifique scénario de Ben, on a été frappés
par la même sensibilité qui se dégageait du roman de Lehane".
La
productrice Jennifer Todd acquiesce : "Ben aime les intrigues de Dennis,
et celleci en particulier l'emballait, en raison de l'époque, des personnages,
ou du périple de Boston à la Floride. On avait le sentiment d'avoir affaire à
un projet à part. En outre, le protagoniste était passionnant : ce n'est ni un
salaud, ni un type qui n'a rien à se reprocher, mais un personnage qui se situe
à mi-chemin entre ces deux pôles. Il fait des choix et souffre parfois de leurs
conséquences. Du coup, dans quel camp est-il ?"
Après un bref séjour en
prison, Joe quitte Boston pour le climat plus ensoleillé de Tampa… et surtout,
son trafic de rhum clandestin. Si la production a tourné à Los Angeles et dans
ses environs, elle a également investi plusieurs quartiers de Boston, comme
Lawrence, et reconstitué de nombreux sites de Floride en Géorgie (offrant un
cadre assez proche du Tampa d'autrefois).
En collaboration avec le réalisateur,
le chef-décorateur Jeff Gonchor et la chef-costumière Jacqueline West ont
réinventé l'époque et les lieux de l'intrigue. De son côté Robert Richardson a
signé la photo et William Goldenberg le montage. "Grâce à Bob, Bill, Jess
et Jackie qui ont si bien su cerner cette époque et cet univers, et aux
formidable comédiens que j'ai dirigés, ce film reste l'une de mes expériences
les plus mémorables", affirme Affleck. "Tous ceux qui ont participé
au tournage s'y sont tellement investis qu'on avait l'impression d'être réellement
plongé dans le contexte du film".
Les trois femmes que Joe croise sur sa
route sont interprétées par Elle Fanning, Sienna Miller et Zoe Saldana. À leurs
côtés, on découvre Brendan Gleeson et Chris Cooper sous les traits de
policiers, et Remo Girone et Robert Glenister dans les rôles de hors-la-loi.
L'ami le plus proche de Joe est campé par Chris Messina.
JOE Je passais d'un braquage à l'autre. Les bons jours, je réussissais à dormir, et la nuit, je m'enfuyais à toute vitesse sans même me retourner.
Au cours des dix années qui
ont suivi la fin de la Première guerre mondiale, Joe Coughlin a réussi à vivre
en hors-la-loi – sous le propre toit de son père, pourtant officier de police –
avant d'être confondu. "Son expérience militaire lui a fait comprendre
qu'il était vain de respecter les règles sociales et d'être intègre",
analyse Affleck. "Pour lui, l'organisation hiérarchique de la mafia est
aussi condamnable que celle de l'armée. Il ne veut pas en faire partie et il ne
veut recevoir d'ordres de personne. Il va donc vivre selon ses propres
règles". Il y parvient avec un certain succès tant qu'il "ne vise pas
trop haut et qu'il se contente de petits cambriolages avec deux ou trois
complices", précise Affleck.
Mais ce n'est pas en raison de son aversion
pour l'autorité ou d'un braquage qui tourne mal que Joe commet sa plus grande
erreur. C'est l'amour qui le pousse dans cette voie. Et c'est toujours ce même
sentiment, dans ses diverses manifestations – de la passion à la compassion –,
qui précipitera sa chute bien des années plus tard…
JOE Tu ne me crois pas assez fort ?
GRACIELA Pas assez cruel.
Des poules et des nanas
Tout a commencé
à cause d'une taupe.
Quand on fait la connaissance de Joe, "il est déjà
dans de sales draps. Il entretient une liaison secrète avec Emma Gould, la
petite amie du mafieux irlandais Albert White", note le réalisateur.
Tout
comme Joe, Emma revendique haut et fort son indépendance, aussi fragile
soit-elle. "Elle est totalement sous la coupe d'Albert, si bien qu'elle
est ravie de sa relation avec Joe – le goût du danger lui semble
galvanisant", dit-il encore.
Sienna Miller, qui interprète Emma, explique
qu'elle partage l'enthousiasme d'Affleck pour le genre : "J'adore l'époque
de la Prohibition, si bien que c'était un véritable rêve de participer à ce
film", dit-elle. "Mais le plus important à mes yeux, c'est le fait
que ce soit Ben qui ait écrit le scénario, qui tienne le rôle principal et
signe la mise en scène. Comme j'ai vu ses précédents films, j'aurais renoncé à
tout autre projet pour m'embarquer dans cette aventure et camper un rôle aussi
exquis". "Emma est l'archétype même de la poule de gangster",
poursuit l'actrice, "qui passe son temps à servir des verres dans un
tripot où se déroulent illégalement des parties de poker, à sortir avec son
patron, pourtant marié, tout en couchant avec son pire ennemi en cachette. Elle
a un caractère en acier trempé qui l'aide à survivre dans un univers sombre,
criminel et misogyne – et c'est ce qui la pousse à vivre une histoire d'amour
avec Joe à la fois belle, éphémère et tragique. Il est évident d'entrée de jeu
qu'Emma est une nana irlandaise à la volonté de fer, qui ne s'en laisse pas
compter et qui est prête à tout pour s'en sortir".
La comédienne a adopté
une charmante intonation irlandaise pour camper cette garçonne au tempérament
fougueux, originaire du quartier de Dorchester à Boston, qui permet à Joe
d'exprimer sa rancœur. "Sienna correspondait tellement bien au rôle qu'on
aurait dit qu'elle était née pour l'interpréter", s'enthousiasme Affleck.
"Elle était tellement convaincante qu'elle m'a fait prendre un accent
irlandais en permanence. Tous ses choix de comédienne étaient réfléchis,
intelligents et subtils". Lorsque l'histoire d'amour entre Emma et Joe
s'achève dans la douleur, ce dernier fait un bref séjour en prison en raison
d'un braquage qui a tourné au drame. Une fois libéré, Joe est bien décidé à se
venger : il s'allie à la mafia italienne et est envoyé à Tampa. Très vite, il
se retrouve à faire la tournée de tous ceux qui fabriquent ou distribuent
clandestinement du rhum et rencontre aussitôt Graciela, au charme exotique. Il
est immédiatement attiré par elle – et plus encore quand il apprend qu'elle
contrôle, avec son frère, le commerce de mélasse, ingrédient essentiel à la
fabrication du rhum.
Zoe Saldana campe Graciela, jeune femme cubaine vivant à
Ybor. Il s'agit d'une mosaïque de communautés d'immigrés durs à la tâche,
réputée pour sa production de cigares. "Joe fréquente des criminels
barbares et violents depuis toujours et il est donc sensible à l'intégrité de
l'entourage de Graciela", constate la comédienne. "Graciela ne
ressemble à aucune des femmes qu'il a connues. Elle est cultivée, elle a voyagé
et elle a étudié la musique et l'histoire de l'art. Elle est très raffinée et
fait preuve d'une grande intelligence dans la gestion de l'entreprise
familiale". Joe est amoureux d'Emma mais c'est avec Graciela qu'il
découvre vraiment l'amour. "La relation de Joe et d'Emma a un côté animal,
intense et immature à certains égards", relève Jennifer Todd. "Les
rapports de Joe et de Graciela sont plus adultes, plus concrets, plus ancrés
dans le réel".
Ce qui distingue Graciela des femmes comme Emma, c'est sans
doute ce qu'elle attend de la vie. "Je doute que Graciela se soit dit un
jour qu'elle voulait fréquenter des gangsters et vivre dans l'illégalité",
reprend Zoe Saldana. "Je crois qu'elle aspire à une vie de famille
épanouie auprès d'un type bien sous son propre toit. Plus elle apprend à
connaître Joe, plus elle se rend compte qu'elle pourrait obtenir tout ce dont
elle rêve avec cet homme. Elle le perce à jour, et pressent quel genre d'homme
il pourrait être s'il pouvait se débarrasser de tout le mal qu'il fait la nuit
en agissant pour le mieux dans la journée. Elle comprend qu'il pourrait entamer
sa rédemption". "Zoe a été incroyable", s'enthousiasme Affleck.
"Elle a su exprimer toute la force, l'assurance et le côté insaisissable
qui ont attiré Joe, mais ce sont les aspirations de Graciela qui lui donnent
une raison de se battre – et c'est ce que Zoe a joué avec subtilité et
conviction". Jennifer Todd confirme : "On a eu beaucoup de chance que
Zoe nous donne son accord car elle possède à la fois la légèreté et la grâce,
qui correspondent à Graciela, sans compter qu'elle parlait espagnol et qu'elle a
su adopter un délicieux accent cubain".
Tout comme ses partenaires
féminines, Elle Fanning a pris un accent pour camper Loretta Figgis, fille
adorable et parfois naïve du chef de la police de Tampa. Néanmoins, pour cette
comédienne originaire de Géorgie, c'était un simple retour aux sources. C'est
l'une des facettes du personnage qui ont séduit Elle Fanning. "Au départ,
Loretta est une fille pétillante en quête d'aventures", déclare la jeune
actrice. "Elle n'a qu'une envie : se laisser porter par ses rêves.
Curieusement, c'est lorsqu'elle perd cette étincelle dans le regard qu'elle
découvre sa place dans le monde".
La première rencontre entre Loretta et
Joe est très brève. La fois suivante, la situation a considérablement évolué
entre eux. S'ils sont tous deux enfants de policiers, la comparaison s'arrête
là : ils se sont en effet engagés dans des voies diamétralement opposées. Pour
autant, Joe ne peut s'empêcher d'éprouver du respect pour cette jeune fille qui
pourrait, en quelques mots à peine, anéantir son univers. Il y avait dans le
scénario deux longs monologues dont l'un se déroulait face à une foule immense
parmi laquelle se trouvait Joe. Encouragée par Ben Affleck, Elle Fanning en a
profité pour dire son texte pour la première fois au moment où les caméras
tournaient. "Je voulais garder toute ma spontanéité et ressentir l'énergie
de la scène, et Ben m'a soutenue et aidée, à la fois comme réalisateur et comme
partenaire", dit-elle. "Elle a insufflé à Loretta une présence
angélique et une innocence brisée", remarque Jennifer Davisson.
"C'est plus difficile qu'il y paraît mais c'était crucial pour le
personnage et elle y est parvenue".
"C'est une actrice extrêmement
douée", reprend Affleck. "Dans le roman, on découvre le personnage à
l'âge de 13 ans, mais dans le scénario je l'ai décrite comme une jeune fille en
passe de devenir une femme – un être à mi-chemin entre l'adolescence et l'âge
adulte. Je me suis dit que le parcours de Loretta n'en serait que plus
bouleversant". Si Elle Fanning avait à peine 17 ans au moment du tournage,
Affleck signale que "malgré son jeune âge, elle était totalement à son
aise dans ce rôle, et a fait preuve de naturel. Elle réussit vraiment à vous
briser le cœur dans le film".
ALBERT WHITE
Tu te sens coupable et tu passes ta vie à espérer que quelqu'un te punisse pour tes fautes. Eh bien, me voilà.
Caïds mafieux et criminels endurcis
Perversité et indifférence. Deux qualités
qui, pour tout mafieux qui se respecte, sont essentielles pour s'emparer du
pouvoir et de l'argent et être capable d'assassiner tous ceux qui chercheraient
à s'y opposer.
À l'époque de la Prohibition où se déroule le film, le pouvoir
et l'argent s'obtiennent surtout grâce au trafic d'alcool de contrebande.
Éliminer les opposants à ce "commerce" juteux fait simplement partie
du métier.
Malgré les incitations de l'Italien don Maso Pescatore et les
pressions du caïd irlandais Albert White, Joe s'est toujours efforcé d'éviter
de travailler pour les mafias de Boston. D'ailleurs, Joe et ses acolytes s'en
sont souvent pris aux intérêts de White, finissant par se faire repérer. White
est le premier à avertir Joe mais si celui-ci sait parfaitement conscient de
quoi l'organisation de l'Irlandais est capable, il ignore à quel point le caïd
est bien renseigné et jusqu'où il est prêt à aller pour affirmer sa
toute-puissance.
L'acteur anglais Robert Glenister, qui campe le rôle, décrit
White comme "l'incarnation même du mal. Il n'a aucun état d'âme en ce qui
concerne ses agissements". Glenister explique que le plus difficile a
consisté à faire ressortir la part d'humanité du personnage : "C'est un
dur mais dans son milieu, à cette époque, il fallait se comporter de manière
brutale et impitoyable si quiconque vous provoquait. Joe contrecarre ses plans,
ce qui le met en colère. C'est certes un psychopathe, mais il n'en est pas
moins un homme". Lorsque White élimine l'être le plus cher à ses yeux, il
n'a d'autre choix dans son désir de vengeance que de travailler pour son ultime
rival.
Remo Girone, comédien italien très réputé, campe Pescatore. "Albert
White a les mêmes activités que Maso, mais leur conflit tient à un enjeu de
territoire", dit-il. "Chacun souhaite dominer l'autre et c'est bien
là le problème ! Maso a un fils qui n'est pas très futé. Quand Joe sort de
prison, il veut se venger d'Albert White et il décide alors de se mettre au
service de Maso. Celui-ci comprend que Joe est extrêmement intelligent et qu'il
sait diriger une équipe. Du coup, Maso lui délègue son pouvoir en
Floride". "Je voulais que les comédiens qui interprètent Albert et
Maso ne soient pas des comédiens trop connus du grand public", signale
Affleck. "Parfois au cinéma, on voit un sale type mais quand c'est un
acteur qu'on connaît et qu'on aime qui l'incarne, on a tendance à sentir une
certaine compassion pour lui à un niveau subconscient. Mais dans ce film, ces
personnages sont de telles ordures que je voulais qu'ils suscitent un malaise
chez le spectateur, et qu'on n'ait surtout pas envie de leur faire confiance,
tout comme Joe ne leur fait pas confiance. Ceci dit, Remo tourne beaucoup en
Italie et Robert en Angleterre, si bien qu'une partie du public les reconnaîtra
– mais ce sont deux comédiens tellement épatants qu'ils incarnent
formidablement leurs personnages".
Seul frère d'armes à qui Joe puisse faire
une totale confiance, Dion Bartolo est campé par Chris Messina qui avait déjà
tourné sous la direction d'Affleck dans ARGO. Décrit par Dennis Lehane comme un
type imposant, l'acteur a pris 18 kg pour le rôle. "Ben est très grand et
large d'épaules, et je suis plus petit, si bien que lorsque je me préparais
pour le tournage, je me demandais de quoi j'aurais l'air en garde du corps et
comment je pourrais le protéger et participer aux fusillades à ses côtés",
se remémore Messina.
"Du coup, j'ai décidé de m'étoffer. J'ai appris que
Frank Nitti, bras droit d'Al Capone, était lui aussi plus petit que son patron,
mais on l'appelait 'l'Exécuteur' et tout le monde avait peur de lui. Quand j'ai
fait mon essai caméra, j'avais pris un peu de poids et Ben y a été sensible et
j'ai donc continué sur cette voie. J'ai fait un régime à base de glace, de
bière et de pâtes – pour être honnête, c'était vraiment extra !"
"Chris s'est dit que comme il ne pouvait pas grandir, il allait
grossir", plaisante Affleck.
"Très sincèrement, Dion est effrayant ne
serait-ce que par ce qu'il est prêt à faire dans ce milieu criminel
impitoyable, ce monde mafieux, et Chris dégageait la force intérieure de
Dion". Dion et son frère Paulo font partie de la petite bande de Joe.
"Ce sont des amis d'enfance qui ont monté leur propre gang et ils
organisent leurs petits braquages et leurs vols un peu minables", avance
Messina. "Mais ils sont unis par des liens de loyauté, de grande amitié et
même d'amour".
Les trois hommes s'engagent dans des voies différentes,
mais c'est Dion qu'emmène Joe en Floride pour le seconder dans sa gestion des
activités de Maso. "Dès qu'ils arrivent à Tampa, ils ont plus d'argent,
plus d'influence… ils gravissent les échelons et s'affirment comme gangsters
alors qu'ils étaient simples hors-la-loi", reconnaît Messina. Outre le
gabarit, l'acteur perçoit une autre différence essentielle entre les deux amis
qui tient à leur regard sur la vie. "Dion ne s'interroge pas sur son
identité", estime-t-il. "Il vit comme ça et mourra comme ça. Joe se
débat constamment dans ces questionnements existentiels et s'interroge sur le
genre d'homme qu'il voudrait être".
Messina souligne qu'il a
particulièrement aimé les plans-séquences. "On a tourné quelques
plans-séquences particulièrement complexes", dit-il. "Je pense par
exemple à la partie de cartes au début du film. Ce sont des plans très
intéressants où tous les éléments de la mise en scène doivent fonctionner de
manière synchrone". Il reconnaît qu'ils peuvent aussi s'avérer éprouvants.
"On ne veut pas être celui qui vient tout gâcher", ajoute-t-il en
riant.
LE COMMISSAIRE FIGGIS
Je ne vous ferai pas l'insulte de vous demander la nature de votre activité. Ne me faites donc pas l'insulte de me mentir.
La
police
Joe Coughlin n'est pas seulement fils de flic. Thomas Coughlin est le
chef-adjoint de la police de Boston et une figure imposante, qu'il soit en
uniforme ou en civil. Affleck a confié le rôle au comédien irlandais Brendan
Gleeson qui s'est montré ravi de participer au projet.
"C'était extraordinaire
de travailler avec Ben car c'est un acteur et un réalisateur
exceptionnel", confie-t-il. "Et c'était exaltant de tourner dans un
film se déroulant pendant la Prohibition et de camper un flic irlandais.
J'adore Dennis Lehane et le scénario était formidablement bien écrit. Ben
laisse sa caméra tourner longtemps, si bien que les personnages ont le temps de
décrire une véritable trajectoire émotionnelle au cours d'une scène. C'était un
honneur d'y participer".
La première séquence de Gleeson reste l'un de ses
souvenirs les plus marquants. "J'étais plus qu'enchanté d'être éclairé par
plusieurs voitures de police des années 20 et d'être aux côtés de ces
magnifiques flics", signale-t-il. "Pour moi, c'est ça la magie du
cinéma". Affleck a été sensible à la gravité que l'acteur a insufflée à
son personnage. "Il apporte une certaine intégrité à Thomas et on perçoit
une forme de désapprobation dans ses rapports avec son fils", reprend le
réalisateur.
"On dirait que le père est constamment en train de critiquer
son fils et que celui-ci a le sentiment qu'il ne pourra jamais être à la
hauteur ou gagner son respect. Il a fait preuve d'une maîtrise exceptionnelle
et c'était un bonheur de le regarder jouer". "Les Coughlin ont des
rapports compliqués", précise Jennifer Davisson. "De toute évidence,
le père et le fils s'aiment. Sinon, Thomas aurait renoncé à Joe il y a
longtemps et Joe aurait pris ses distances avec son père. Mais cet amour
s'enracine dans une histoire familiale tourmentée qu'on ne connaît pas en intégralité.
Est-ce que Thomas a raison ? Estce que Joe a raison ? Est-ce que les décisions
du père destinées à protéger son fils l'ont bien protégé ? Brendan a excellé à
exprimer ce dilemme moral pour que le spectateur se fasse sa propre idée".
Et tout comme Joe est constamment à la lisière du bien et du mal, "Thomas
n'est ni totalement bon, ni totalement mauvais", suggère Gleeson. "Il
tente de gérer la situation à une époque où les valeurs morales sont à
géométrie variable. Je pense qu'il tente de se montrer strict, mais on ne peut
rien faire sans compromis. Chacun a sa propre conception de la morale".
Le
commissaire Figgis (Chris Cooper) est sans doute un rien moins souple en la
matière. Si cet acteur qui vit dans le Massachusetts a déjà travaillé sous la
direction d'Affleck dans THE TOWN, il a entièrement tourné les scènes de LIVE
BY NIGHT en Floride. "Figgis est le chef de la police d'Ybor, district de
Tampa réputé pour ses cigares et ses bars clandestins", note Cooper.
"Il sait que Joe et Dion viennent de Boston et qu'ils veulent contrôler
tout un quartier d'Ybor pour distiller le rhum. Mon personnage les reçoit dans
son bureau pour délimiter leur périmètre d'influence, si bien qu'ils savent
exactement où et comment mener leurs affaires. C'est à ces conditions qu'il
accepte de fermer les yeux sur leurs activités".
L'acteur a apprécié les
nuances de son personnage. "C'était un rôle complexe mais c'est pour ça
qu'on fait ce métier, pour des personnages comme lui qui n'ont rien de
manichéen". "C'était fantastique de retravailler avec Chris",
constate le réalisateur. "On avait une journée de tournage ensemble pour
THE TOWN et il était tellement bon que je me m'étais dit qu'il fallait que je
le fasse tourner à nouveau si j'en avais l'occasion. Il correspondait parfaitement
au personnage du shérif. Il a fait de Figgis un homme à la grande rectitude
morale et désabusé par les désordres du monde".
On trouve encore au
casting Matthew Maher sous les traits du membre du KKK RD Pruitt; Miguel J.
Pimentel dans le rôle du frère de Graciela, Esteban Suarez; et Max Casella dans
celui du "Fossoyeur", fils de Pescatore. Anthony Michael Hall, Clark
Gregg, et l'acteur fétiche d'Affleck, Titus Welliver, à l'affiche de quatre de
ses films, font quelques apparitions. "Je ne pourrais pas tourner de film
sans que Titus y tienne un rôle", affirme Affleck.
DION Bienvenue à Ybor, le Harlem de Tampa…
L'essentiel de LIVE BY NIGHT, qui se déroule de 1927 au
début des années 1930, plonge le protagoniste Joe Coughlin des rues austères et
froides du Boston de la Prohibition à la chaleur et à la moiteur de Tampa, en
Floride.
Le chef-décorateur Jess Gonchor a reconstitué la beauté visuelle des
deux sites grâce à plusieurs lieux tournages dénichés dans le Massachussetts,
en Géorgie et en Californie. L'ensemble a été éclairé par le directeur de la
photographie Robert Richardson. "Bob et Jess ont largement contribué à la
beauté des images, tout comme les membres de l’équipe qui m’accompagnaient déjà
sur ARGO, comme la chef-costumière Jackie West, le chef-monteur Billy
Goldenberg et le 1er assistant David Webb", déclare Ben Affleck.
Denis
Lehane était très heureux de voir son imaginaire s'incarner à l’écran :
"Je dois reconnaître que je ne savais pas très bien à quoi m'attendre.
J’ai été estomaqué en voyant certaines plans", confie-t-il. "Tout
particulièrement la séquence où la voiture brûle dans le lac : c’est l’une de
mes préférées dans le livre mais quand je l’ai vue sur grand écran, c’était
tout simplement à couper le souffle. On se rend compte de la puissance de la
mise en scène, et de la manière dont un formidable réalisateur et un excellent
directeur de la photo peuvent créer une image inoubliable. Je ne m’attendais
pas à ce que l’esthétique du film soit aussi riche – et tous les plans sont
magnifiques".
"Je savais que le film poserait des difficultés d’ordre
esthétique mais je voulais qu’il ait cette allure classique et fluide et qu'il
comporte de nombreux plans-séquences, et pas de plans tournés caméra à
l’épaule. Bob est vraiment un génie – c’est un maître. Être à ses côtés et le
regarder composer une prise de vue a été un véritable privilège", poursuit
Affleck. "Le fait que Ben soit de la partie m’a convaincu car il est
vraiment doué dans bien des domaines", avoue Richardson.
"Ce tournage
était difficile car il nécessitait des prises de vue complexes mais éclairer le
film a été un réel plaisir". Affleck admet qu’il a fallu du temps pour
convaincre Richardson de tourner en numérique : "Bob a voulu filmer avec
une caméra ARRI ALEXA 65 puis en faire une copie numérique. Ça donne un certain
grain, et le résultat n’est ni trop net ni trop artificiel : on obtient ces
petites imperfections qu’on recherche avec l'argentique et qui renforcent
l'impression de réalisme".
Les deux hommes, en accord avec Gonchor, ont
choisi de garder les scènes qui se déroulent à Boston dans une tonalité proche
du noir et blanc, et de saturer de couleurs celles de Tampa pour apporter un
contraste supplémentaire au changement de vie de Joe. Tout au long du film,
Richardson a tourné des plans très larges et des plans-séquences pour enrichir
l’histoire. De son côté, Affleck a orchestré l’action pour qu’elle puisse se
dérouler dans des décors parfaitement adaptés.
"Dès que j’ai su que Bob
tournait en format large anamorphique, on s’est vus avec Ben pour discuter de
la façon dont j’allais pouvoir construire les décors", se souvient
Gonchor. "On étudiait une scène et Bob disait 'Jess, je vais passer par là
et voilà ce que je vais voir' et c’était vraiment utile car je pouvais prévoir
ces éléments dans mes constructions et lors de mes repérages. En tant que
chef-décorateur, on redoute toujours que la caméra se déplace dans toutes les
directions et qu'elle vienne filmer un coin sans décors... On a donc fait en
sorte de construire des décors de grande envergure pour éviter ce type de
déconvenue".
Les auteurs du film ont dû également reconstituer des lieux
tels qu'ils existaient dans les années 20 : "Le défi principal en tournant
à Boston un film situé à cette période, c’est que la ville a complètement
changé. Boston s'est embourgeoisé et a été modernisé cinq fois depuis les
années 1920. Il est donc très difficile de trouver un endroit qu’on puisse
aménager de sorte qu'il nous plonge au début du XXème siècle. On s'est rendu
dans le quartier historique de North End qui a été préservé et grâce à
d'anciennes enseignes, de nombreuses voitures d’époque et des figurants, on a
pu y parvenir", raconte Affleck.
Les plans extérieurs de Boston ont été
principalement filmés au cours d’une dizaine de jours à Lawrence, dans le
Massachussetts : l'équipe y a notamment tourné la scène de la longue
course-poursuite en voiture après le hold-up qui se termine dans le Harold
Parker State Forest. "Lawrence a été fondé à la fin du XIXème siècle, et
on y trouvait beaucoup d’usines textiles qui sont toujours là, intactes, même
si on a eu de la chance car, à mon avis, certaines ont été transformées en
appartements de luxe", déclare Gonchor.
"C’était un lieu idéal pour
tourner le hold-up et la poursuite en voiture". Suite à ce braquage, Joe
doit retrouver Emma au Statler Hotel, établissement huppé du centre-ville. Pour
cette séquence, les producteurs ont utilisé le Copley Plaza de Boston.
"L’hôtel est équipé d'une formidable salle de bal d’époque et Ben tenait
vraiment à tourner là-bas. Ça n’a pas été facile à caler car c’est un endroit
vraiment très connu mais ça en valait la peine", souligne Jess Gonchor.
Les autres scènes situées à Boston ont été tournées à Los Angeles et dans ses
environs – et plus précisément sur la Hennessy Street et le plateau 11 des
studios Warner et aux studios Universal et Sony, ainsi qu’à Pico House, au
Biltmore et au Castle Green de Pasadena.
L’équipe de LIVE BY NIGHT a ensuite
passé deux semaines dans plusieurs régions de Géorgie dont les paysages se
prêtaient très bien à ceux de la Floride. "Ybor, dans l'agglomération de
Tampa, concentrait des populations de différentes origines ethniques à
l’époque", explique Jess Gonchor. "On y trouvait des Italiens, des
Cubains, des Espagnols et des Noirs américains - un vrai melting-pot culturel.
Les Cubains ont lancé le commerce lucratif de la production de cigares, et dans
notre histoire, Graciela et son frère permettent à Joe et Dion de pouvoir
s'approvisionner en molasse, fabriquée à partir de canne à sucre provenant de
leur Cuba natal".
"À une heure de route de Savannah, il existe une
petite ville, Brunswick, qui, comme Ybor, est une ville côtière où se trouvent
deux ou trois pâtés de maisons qui correspondaient parfaitement aux besoins du
film. Les bâtiments n’étaient pas exactement d’époque mais on pu bâtir nos
propres constructions dans ce quartier même", poursuit-il.
Le
chef-décorateur a également adapté la palette chromatique lors de l’arrivée de
Joe dans le Sud : "Une fois qu’il débarque en Floride, envoyé par Maso, on
est saisi par une explosion de couleurs, sans doute plus que je n’en ai jamais
utilisées. Mon style est généralement plus sobre et c’était donc agréable de
changer un peu mes habitudes". Gonchor a étudié de nombreuses
photographies d’époque afin que ses décors soient le plus réaliste possible.
"Concernant les enseignes de cette région, j'ai découvert que tout était
peint à la main et de grand format. Les gens étaient fiers de ce qu’ils avaient
et tenaient à mettre en valeur leur commerce. Les rues regorgeaient d'enseignes
très colorées et un peu criardes, dont certaines étaient peintes directement
sur les immeubles en brique, et on voulait vraiment montrer ça dans le
film", dit-il. "De la conception à l’exécution, Jess a été fantastique
dans tous les domaines", déclare Affleck. "Il était très
enthousiaste, très intelligent, et il avait une vision extrêmement précise de
la manière dont il voulait créer chaque décor. Et il avait toujours raison, dès
le premier essai".
Pour ce dernier, travailler avec Ben Affleck a aussi
été une expérience très enrichissante : "Ben a de très bonnes idées, il
est sûr de lui et voit les choses très rapidement, ce qui m’a été très utile
pour la conception des décors. Il est toujours ouvert à la discussion et m’a
donné beaucoup de liberté pour travailler de façon imaginative. Bénéficier
d’une telle confiance ne peut que pousser à se donner à fond". La
chef-costumière Jacqueline West, qui a déjà collaboré avec Ben Affleck sur
ARGO, était ravie de pouvoir remonter encore plus loin dans le temps en
compagnie du cinéaste. "Ce film montre une période assez originale dans
l’histoire du costume, car les modes ne changent habituellement pas aussi
rapidement que cela a été le cas dans les années 1920 et 1930, en partie à cause
de la Grande Dépression", raconte la costumière.
"Nous avons aussi dû
prendre en compte des styles très distincts, en fonction du climat : les tenues
de la côte Est tranchent franchement avec celles du Sud et faire en sorte que
tous ces costumes paraissent naturels à l’écran a représenté un grand
défi". Alors que Jacqueline West recherchait des images afin de s’en
inspirer pour les différents styles de Joe Coughlin, elle est tombée sur le
célèbre personnage de Baby Face Nelson [redoutable braqueur de banques des
années 1930, NdT.].
Mais ce n’est pas le criminel qui a alors attiré son
attention. "John Paul Chase faisait des coups avec Nelson mais il était
différent des autres gangsters, il était plus rebelle, tout comme Joe, et,
comme lui, c’était un contrebandier et un braqueur. J’aimais aussi la façon
qu’il avait de s’habiller, avec une certaine modernité qui le différenciait des
autres". Pour habiller Joe à Boston, à l'époque où il n'est qu’un petit
voyou irlandais, Jacqueline West fait porter à Ben Affleck des tissus riches et
sombres comme du tweed, pour souligner le fait qu’il vit modestement dans un
environnement froid. Quand il se met à travailler pour Maso et qu’il se rend en
Floride, "le style de son costume change. Au moment où il descend du train
à Ybor, ses vêtements ont une certaine coupe, celle d’un caïd de la pègre, et
c’est d'ailleurs ce qu’il devient. Il profite de tout ce que Maso peut lui
offrir, qu'il s'agisse de costumes bien coupés, d'un style plus élégant et de
tons plus clairs adaptés au climat chaud", explique la costumière.
Pour
les personnages d’Emma et Graciela, "Je n’aurais pu rêver mieux que Sienna
Miller et Zoe Saldana pour porter ce style des années 1920 -1930. Leur allure
était parfaite pour l’époque à laquelle leurs personnages évoluent",
raconte Jacqueline West. "Emma est la garçonne parfaite, sûre d’elle,
frondeuse et fumant en public", poursuitelle. "Il y avait une réelle
liberté de pensée et une liberté sexuelle évidente dans l’attitude de ces
femmes. Je me suis inspirée de Louise Brooks, qui portait souvent des pantalons
et des vestes de tailleurs, et de Norma Shearer, qui était vraiment
avant-gardiste et avait tourné dans beaucoup de films du 'pré-code' [antérieurs
à la mise en œuvre du code de censure en 1934, NdT]".
Comme pour Joe,
"j’ai opté pour des couleurs foncées en ce qui concerne Emma car elle est
emblématique de la part d'ombre de Joe. Elle porte beaucoup de brun, mais j’ai
essayé d’éviter le noir car ce n’était pas vraiment à la mode à l’époque sauf
pour les enterrements. Et même si elle sort avec Albert White, elle n’a pas
beaucoup d’argent si bien que j’ai choisi de lui faire porter des paillettes
plutôt que des perles pour la robe qu’elle arbore au Statler Hotel",
dit-elle encore.
En réalité, avant même de concevoir la robe portée par Sienna
Miller dans le film, la costumière avait passé en revue plus de 300 robes, puis
s'était rendue dans l’arrière-boutique d’une boutique de vêtements d’époque.
"J’ai ouvert un sac d'anciens tissus à paillettes : ils possédaient cette
merveilleuse patine que les matières neuves n’ont pas. En les sortant du sac,
j’ai constaté qu'il s'agissait en fait d'une robe dont les paillettes étaient
cousues à même la maille. C’était très Art Déco, avec un motif représentant le
soleil : c'était l’une des robes les plus fascinantes que j’ai jamais vues,
mais elle serait tombée en lambeaux si nous avions essayé de l’utiliser. J’ai
donc conçu celle d’Emma en ayant ce modèle en tête. Quand Joe entre dans la
pièce et la voit, elle irradie. C’est exactement l'effet que je
recherchais".
"Jackie pense au moindre petit détail, des mailles sur
les bas à d’authentiques sousvêtements. Grâce à son sens de la précision, les
acteurs ont le sentiment d’être plongés dans l'époque. Elle ne laisse rien au
hasard et cela donne beaucoup plus d'intensité à l’interprétation",
déclare Sienna Miller, enthousiaste. "J’essaie d'avoir ce même sens du
détail pour l'ensemble des comédiens", confirme Jacqueline West.
"Chris Cooper porte des fixe-chaussettes, un accessoire que beaucoup
d’hommes de l’époque, dans sa position sociale, auraient porté pour que leurs
chaussettes ne tombent pas, et ça lui a permis d'accentuer la rigidité du
personnage. Je pense que les choses qu’on ne voit pas à l’écran sont tout aussi
importantes que celles qu’on remarque. Quand un acteur porte ces différents
vêtements et accessoires, même s’il s’agit simplement de sous-vêtements
d’époque, d’un soutien-gorge ou d’une combinaison de soie, il commence à sentir
une transformation : il franchit un cap petit à petit et il entre dans la peau
du personnage. Ben se tient différemment dans ces pantalons de costumes à
taille haute et à bretelles car ils apportent une sensation différente des
vêtements décontractés qu’on porte de nos jours".
"Jackie est extraordinaire",
atteste Ben Affleck. "Elle sait tout du personnage dès le moment où on
fait les essayages et elle a vraiment réfléchi à sa personnalité, aux boutiques
où il achète ses vêtements et à sa façon de les porter. Elle a tellement bien
élaboré le personnage en amont qu'une fois sur le plateau, c'est un
régal".
Pour Graciela, l’autre femme marquante dans la vie de Joe, la
costumière raconte : "Je me suis inspirée de l’une des muses de Lartigue,
la célèbre Renée Perle. Elle avait une personnalité incroyable et un style
unique et je trouve que Zoe lui ressemble un peu. J’ai essentiellement habillé
Graciela en blanc car elle vit dans le Sud et qu'il y fait chaud : cela met en
valeur son teint magnifique, et j’ai tout simplement ajouté une touche cubaine
grâce à des broderies espagnoles".
"Quand on tourne un film en
costumes, les tenues et les accessoires peuvent se révéler les outils les plus
essentiels de l’acteur", souligne Zoe Saldana. "Que ce soit la coupe
des vêtements ou les chaussures, il y a toujours une raison aux choix de Jackie
et sa contribution a été déterminante pour composer le personnage de
Graciela". L’une des tenues préférées de Jackie West est la robe du soir
créée pour Graciela : "Elle est en velours de soie : il s'agit d'un tissu
français que j’ai fait imprimer à la main puis draper en diagonale sur le corps
de Zoe. Cette robe a exactement l’effet escompté : elle est faite pour danser
et séduire. C’est une robe parfaite sur elle".
Pour cette tenue, elle
s'est inspirée d’un vieux film de Cagney : "J'avais ce film en tête quand
je réfléchissais au projet et j’y ai vu cette robe à rayures sur une femme qui
n’était pas vraiment une 'poule' de gangster : elle était un peu plus
haut-de-gamme que ça. Je me souviens m’être dit que ce serait génial d’utiliser
des rayures sur une robe du soir et ça a très bien fonctionné sur le corps
mince et élancé de Zoe qui a vraiment une silhouette des années 1930".
Loin d’être aussi volcanique qu’Emma ou élégante que Graciela, Loretta Figgis
est elle aussi un personnage féminin majeur du film : "Quand on la voit
pour la première fois, elle vient de terminer le lycée, elle est très naïve et
candide", observe Jacqueline West.
"Mais par la suite, elle semble
s’être métamorphosée. L’incarnation du personnage de Loretta, pour moi, est Amy
Semple McPherson [célèbre évangéliste pentecôtiste canado-américaine des années
1920 et 1930 connue sous le nom de Sœur Aimée, NdT.] qui a mené une drôle de
vie et était une véritable excentrique. Quand j’ai fait des recherches sur
elle, j’ai découvert qu’elle découpait des photos du magazine Vogue et
s'inspirait, pour son style, des robes de mariées haute couture avec des
manches cape ou encore d’incroyables manches chauve-souris. Je me suis dit que
ça révélait une merveilleuse vulnérabilité qui convenait aussi parfaitement à
Loretta".
Outre les nombreux personnages du film, il n’y a pas moins d'un
millier de figurants auxquels la chef-costumière a consacré toute son attention
: "Je pense toujours à Fellini quand je crée un univers et au fait que
l'ensemble de ses acteurs, jusqu'au dernier figurant, sont marquants",
dit-elle. "J’ai trouvé et imprimé 1 000 photos de personnes réelles et je
me suis inspirée, pour chaque personnage et figurant du film, d'une
photographie. Et quand je marchais dans les rue d’Ybor que Jess a reconstituées
à Brunswick, avec tous les figurants en place, j'avais l'impression d'être dans
une photographie de Walker Evans [photographe américain, surtout connu pour son
travail sur la Grande Dépression, NdT.]".
La chef-coiffeuse Kristin Berge
et les chefs-maquilleuses Kate Biscoe et Ann Pala Williams ont travaillé de
concert avec Jacqueline West pour mettre au point le style de chaque
personnage. Et pour que chaque automobile du film ait l’air impeccable, les
producteurs ont fait appel au responsable des véhicules et transports Randy
Peter et aux capitaines transports John Willoth et Joey Freitas.
"Les
classique du film de gangsters avaient recours à des Model A de couleur
sombre", déclare Freitas. "Mais Ben a voulu rompre avec la tradition
et y apporter un peu de couleur et de diversité. Dans les années 1920, il y
avait plus de 200 constructeurs automobiles si bien que j'ai eu l’embarras du
choix".
En dehors des nombreuses voitures de police et des autres
véhicules, les voitures principales que Freitas a pu se procurer évoquent
l’ascension de Joe à Tampa. "Quand il descend du train à Ybor, Dion vient
le chercher dans un coupé décapotable Franklin 1928. C’est voyant et élégant,
et c'est un excellent modèle d’entrée de gamme qui en met plein la vue quand
ils débarquent en ville. Ensuite, on passe à une Lincoln Model K 1931 : il
s'agit d'une voiture à quatre sièges – un 'must' à l’époque – qui est un modèle
vraiment haut de gamme. Avec cette voiture, on voit clairement que Joe a dorénavant
de l’argent et du pouvoir".
"Vers la fin, on le voit dans une Packard
Twelve 1933, la Maybach de l'époque. C’est une voiture qui montre que Joe est
arrivé au sommet, qu’il a plus d’argent qu’il n’en a besoin et qu’il le dépense
à tort et à travers et notamment en se payant des voitures de luxe". Joe
n’est plus un hors-la-loi mais un gangster accompli qui mène une existence dont
il n'a jamais rêvée.
JOE
J’ai compris que pour être libre ça ne servait à rien d’enfreindre les règles.
Il fallait être assez fort pour imposer les siennes.
Pour mettre en musique le parcours de Joe, Ben Affleck a fait appel au
compositeur Harry Gregson-Williams avec qui il avait déjà travaillé sur GONE
BABY GONE et THE TOWN. "J’étais sûr que Harry saurait comment renouveler un
peu ce genre de musique", raconte le réalisateur. "Je savais qu’il
pourrait composer des morceaux à la fois évocateurs et troublants pour les
moments émotionnels, mais aussi procurer du rythme et de l’énergie pour les
fusillades, les poursuites en voiture et les autres séquences d’action et
accompagner la progression de l'intrigue".
"Ben fait toujours des
critiques constructives de la musique et donne des directives claires",
déclare le compositeur, qui apprécie de collaborer avec Affleck. "Il me
laisse composer avant même de me faire part de ses idées et c’est seulement
ensuite que nous discutons du contenu émotionnel de la musique et de son
potentiel pour le film". "Le thème de Joe est au départ assez sombre
et grave avant de devenir plus léger lorsque sa vie prend une autre tournure et
qu’il y a un réel moment d’espoir. Pour Emma, le thème est légèrement Irlandais
car on a utilisé un violon électrique, et le style de Graciela apporte une
autre dimension émotionnelle et une sonorité différente à la musique",
précise-til.
Pour le générique de fin, Affleck a engagé le
compositeur-interprète Foy Vance : il a écrit "Moonshine"
spécialement pour le film, qu’il interprète avec Kacey Musgraves. "Chaque
fois que j’entends cette chanson, je l'apprécie un peu plus. Elle a un petit
quelque chose qui vient du gospel mais c’est vraiment une chanson sur la
contrebande. Tout comme la musique populaire qui a été composée à cette époque,
ce morceau donne un excellent aperçu de cette période et clôt de façon
magistrale l’aventure vécue par Joe", confie-t-il.
C’est à Ben Affleck que
revient le mot de la fin : "Comme dans ces films de gangsters que je
regardais petit, Dennis Lehane a créé un univers captivant et un personnage
auquel tout le monde peut s’identifier. On veut tous être maître de sa
destinée, vivre selon nos propres règles mais cela se paie parfois au prix
fort. J’ai trouvé presque héroïque que Joe mette tout en œuvre pour rester
fidèle à ses principes, tout en sachant ce que cela va lui coûter, et j’espère
que les spectateurs y seront, eux aussi, sensibles".
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