Drame/Comédie/Des personnages hyper-attachants
Réalisé par Maya Forbes
Avec Mark Ruffalo, Zoe Saldana, Keir Dullea, Wallace Wolodarsky, Mary O'Rourke, William Xifaras, Beth Dixon, Georgia Lyman...
Long-métrage Américain
Titre original: Infinitely Polar Bear
Durée: 1h30m
Durée: 1h30m
Année de production: 2014
Distributeur: Bac Films
Date de projection sur les écrans américains : 19 juin 2015
Date de sortie sur nos écrans : 8 juillet 2015
Résumé : Entre fous rires et crises de larmes Cameron Stuart ne sait plus où donner de la tête. Diagnostiqué bi-polaire, Cameron suit un traitement dans le but de reconquérir sa femme Maggie et de réintégrer le cocon familial qu’il forme avec leurs deux filles. Mais lorsque Maggie décide de quitter Boston pour partir à New-York reprendre ses études, la jeune femme n'a pas d'autre choix que de confier la garde de ses enfants à ce père pas tout à fait comme les autres…
Bande annonce (VOSTFR)
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : J'ai découvert INFINITELY POLAR BEAR lors du Festival du Film Américain de Deauville 2014. C'est un film craquant car les personnages sont hyper-attachants. Il s'agit d'une comédie dramatique dont le thème majeur est le fait que le personnage principal est bi-polaire. Cependant, on a l'impression que la réalisatrice, Maya Forbes, a des difficultés à assembler une histoire consistante de bout en bout. Il y a des flottements. On comprend bien qu'il s'agit d'une histoire de couple en crise et qu'elle cherche à démontrer la force de la famille face aux épreuves, mais l'intrigue peine à trouver son rythme. Par contre, la réalisatrice a un vrai talent pour mettre en valeur ses personnages.
On rentre dans la vie de la petite famille mise en scène dès le début et on est triste de la quitter à la fin. Mark Ruffalo, qui interprète Cameron, le père dysfonctionnel est génial. Juste dans toutes les dimensions de son rôle de père de famille bi-polaire, il nous fait rire, nous inquiète, nous conquiert...
Face à lui se tiennent deux adorables petites filles qui doivent souvent faire le parent à sa place. Leur relation père/filles est le fil conducteur de l'histoire et elle est extrêmement touchante.
Face à lui se tiennent deux adorables petites filles qui doivent souvent faire le parent à sa place. Leur relation père/filles est le fil conducteur de l'histoire et elle est extrêmement touchante.
Il y a aussi Maggie, femme et mère, qui rame au milieu du bazar provoqué par la maladie mentale de son mari et qui va courageusement essayer de changer les choses. Elle est interprétée par Zoe Saldana, qui est parfaite.
Au-delà des personnages, j'ai particulièrement apprécié l'aspect 'Monsieur et Madame Tout Le Monde' avec les galères d'argent, les appartements trop petits, les repas jamais prêts à temps, le ménage à se taper... Bref toutes les contraintes de la vie de tous les jours sont ici intégrées pour nous permettre de nous reconnaître dans cette famille liée par un amour qui paraît indestructible en regard des problèmes qu'elle doit surmonter.
INFINITELY POLAR BEAR a beaucoup de cœur. Je ne peux que vous conseillez d'aller découvrir cette jolie famille au cinéma. Vous en ressortirez charmé et conquis.
Mis à part le désordre de la chambre, pourquoi Maggie, la mère, refuse de dormir dans la même chambre et d’avoir des relations sexuelles avec son mari ? On peut penser - même si rien dans le film ne le montre - que ce soit préconisé par les psychiatres…
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)
ENTRETIEN AVEC
MAYA FORBES
Comment est née l’envie de raconter cette histoire de famille ?
J’ai un tropisme pour les films qui décrivent les familles et dont
on perçoit que le point de départ est personnel. Daddy Cool est une histoire
qui me tient tellement à coeur ! J’ai commencé à l’écrire il y a sept ans. Je
suis partie effectivement d’une expérience douloureuse et intime, que j’ai
vécue lorsque j’avais six ans. À cet âge, comme dans le film, mon monde a
explosé. J’ai d’abord vu mon père dans un état d’exaltation incompréhensible à
mes yeux de petite fille, qui l’a conduit à démissionner de son travail et à
être hospitalisé pour grave dépression. C’est compliqué pour les enfants de
voir un parent, qu’ils aiment plus que tout et qui est leur modèle, agir en
dépit du bon sens. Nous avons dû quitter la campagne pour déménager ma mère, ma
soeur et moi, dans un minuscule appartement à Cambridge. Mon père ne gagnait
plus d’argent, et ma mère ne réussissait pas à trouver un emploi décent. La
famille richissime de mon père avait trop honte de la maladie de leur fils pour
nous aider. Une déchéance ? Pas vraiment. Car l’énergie de ma mère a bouleversé
la donne. Elle a décidé, exactement comme celle du film, de reprendre des
études. Et elle a choisi pour s’occuper de nous une solution originale et
audacieuse. Le psychiatre avait indiqué qu’une prise de responsabilité
contribuerait à soigner mon père. C’est donc lui, qui nous a élevées, cette
année-là. Bizarrement, j’ai un excellent souvenir, sans doute reconstruit, de
cette époque. Il y avait aussi quelque chose de joyeux, dans la fantaisie de
mon père et son désir de bien faire. Et c’était à contre-courant. Même dans les
années soixante-dix, décennie glorieuse du féminisme, les pères qui laissaient
tomber leur travail pour rester à la maison étaient rares. On les préférait
machine à cash ! J’ai beaucoup d’admiration pour le courage dont ont fait
preuve mes parents.
Votre film est avant tout une comédie, et l’on sent que l’amour
circule, dans cette famille atypique…
L’amour est sans doute ce qui nous a sauvées. La plupart des films
qui traitent de la maladie mentale ont une teinte tragique. Et quand ils sont
comiques, c’est parce qu’ils prennent le parti de se moquer du « fou ». Mon
ambition était toute autre. Faire preuve d’une empathie totale pour chacun des
personnages, tout en essayant de faire une comédie trépidante. Car nous, les
gamines, nous n’étions pas des anges. Nous avons donné du fil à retordre à
notre père.
Avez-vous dû lutter contre une autocensure et la tentation d’enjoliver
une situation tout de même avant tout angoissante ?
Je ne crois pas. À aucun moment, je ne me suis préoccupée de la
réception de l’histoire, que ce soit par la famille ou les spectateurs, ou de
savoir si les personnages paraîtraient sympathiques. Le défi, c’était d’être le
plus sincère possible, et que le film, même s’il montre une situation
compliquée, soit au moins aussi distrayant qu’émouvant. Pas de pathos, donc !
Considérez-vous que le regard de la société sur la maniaco-dépression
ou bipolarité ait changé ?
Peut-être, même si cela prend du temps. Il me semble que les
maladies mentales sont moins stigmatisées. En même temps, dans les années
soixante, le romantisme de la folie était une valeur positive. Ça allait de
pair avec les utopies de l’époque qui sont aujourd’hui anéanties. Il ne s’agissait
pas d’être raisonnable et de faire des plans de carrière pour les soixante-dix
années à venir. En remplaçant le terme de maniaco-dépression par celui de
bipolarité, le spectre des personnes concernées a été élargi - on est tous
susceptible de connaître des sautes d’humeur - mais le romantisme a été évacué.
Il me paraît que les gens acceptent de plus en plus la folie comme un épisode
qui peut arriver dans une vie. Heureusement, car la honte des familles les
enferme et ferme toutes les possibilités d’y faire face. Le plus important, c’est
de pouvoir parler de la maladie. C’est le meilleur moyen pour en sortir. Avec
le film, je voyage dans beaucoup de pays. Et je m’aperçois que chaque culture a
sa propre manière d’aborder les crises maniaques et de les considérer.
Vous montrez très bien comment en étant trop serviable ou trop
gentil, le père fait peur à la voisine et honte à ses filles. N’est-ce pas la
société qui est folle ?
Je peux comprendre tous les points de vue ! Aussi bien celui du
père, qui ne comprend pas qu’en proposant à une femme qu’il ne connaît pas d’éplucher
ses oignons, il ne lui paraît pas gentil et serviable, mais lui fait peur, que
celui de la ménagère qui claque la porte au nez à ce voisin si collant.
Vos acteurs sont exceptionnels. Comment les avez-vous dirigés ?
Ce sont des stars, mais le projet leur tenait à cœur depuis des
années, bien avant le tournage. Nous avons beaucoup parlé des personnages en
amont, car l’enjeu était de capturer leur vérité et être le moins anecdotique
possible. Nous nous sommes aussi donnés le temps de beaucoup répéter. Mark
Ruffalo et Zoe Saldana avaient tous les deux un point de vue très personnel sur
leur personnage, qui ne correspondait pas forcément au mien, et j’ai intégré leur
compréhension des rôles dans la mise en scène. Je voulais qu’ils se sentent
complètement à l’aise, pour qu’ils puissent être le plus naturel possible.
Quant aux petites filles, je les ai choisies très ressemblantes à ce qu’on
était ma sœur et moi. Tendres et pas commodes. L’une d’elles est ma propre
fille.
Ce qui est particulièrement réussi, c’est qu’on ne porte aucun jugement
sur le père. Au contraire, le spectateur est avec lui jusqu’au bout. Mark
Ruffalo rend intimes les troubles et changements d’humeur qui le traversent violemment.
Que savait-il de cette maladie ?
Comme beaucoup, Mark Ruffalo a sans doute été confronté à des
proches qui souffrent de troubles bipolaires. Ce qui explique l’authenticité de
son jeu. Il partage avec son personnage une générosité qui transparaît à l’écran.
Mis à part le désordre de la chambre, pourquoi Maggie, la mère, refuse de dormir dans la même chambre et d’avoir des relations sexuelles avec son mari ? On peut penser - même si rien dans le film ne le montre - que ce soit préconisé par les psychiatres…
Je ne sais pas du tout quel est le dogme officiel en la matière.
Mais tout simplement, il est très difficile de partager la vie de quelqu’un qui
souffre de cette maladie, car on peut toujours imaginer que c’est la vie de
famille qui l’a fait exploser ! Maggie espère que Cam va se ressaisir, mais
elle se méfie. Il est très douloureux pour elle de renoncer à sa vie de couple.
Zoe Saldana a fait un travail fantastique pour montrer les sentiments
contradictoires de son personnage, qui effectivement n’a pas pris de décision.
Le film est doux et drôle. Est-ce parce que la mémoire adoucit
les angles ?
Bien sûr, les événements les plus tristes sont plus marrants
lorsqu’ils se conjuguent au passé ! C’est particulièrement vrai pour la
bipolarité qui peut conduire à des situations cocasses. Mais si le film est
doux et drôle, c’est parce que je me souviens essentiellement de l’amour entre
mes parents et à notre égard. Avant tout, j’ai vécu avec des gens que j’aimais
et qui m’aimaient ! Je suis très reconnaissante envers mes parents. Ils nous
ont initiées à la littérature, à la musique, au cinéma, à tous les arts. Ma sœur
et moi sommes devenues artistes – elle est la chanteuse du groupe Pink Martini.
Je ne crois pas qu’ils ne soient pour rien dans nos choix.
Qu’est-ce que cela change dans sa vie, de raconter une
parenthèse violente de son enfance ?
Ça a été très gratifiant. Mon père est mort en 1998. Ni mes trois
enfants, ni le fils de ma sœur, ne l’ont connu. Grâce au film, ils savent un
peu qui était leur grand-père. De plus, écrire et filmer cette histoire m’a
permis de comprendre différemment le dilemme dans lequel ma mère se débattait
et les choix qu’elle a faits. Au passage, j’ai appris que j’adorais faire de la
mise en scène et agencer tous les ingrédients pour raconter une histoire vraie
et émouvante.
LE SYNDROME
BIPOLAIRE
Vous vous sentez extrêmement bien ? Vous vous réveillez à quatre
heures du matin, plein d’entrain, et rien ni personne ne peut vous empêcher de
dire vos quatre vérités à vos collègues et patron et vous éviter de claironner
votre démission ? Vous faites des courses pour tout l’immeuble, tirez mille
euros que vous donnez directement au SDF avec qui vous avez sympathisé, alors
même que vous êtes désormais au chômage ? Et vous en profitez pour plaquer votre
moitié, car trop, c’est trop, vous êtes une personne libre, et cette moitié n’a
pas bien supporté qu’une nuit, vous ayez entrepris de repeindre en rouge tout l’appartement,
parce que c’est plus gai ? Il est probable que vous traversiez une des phases
de la bipolarité, et c’est d’autant plus problématique que personne ne peut
vous alerter ni vous arrêter dans vos divers chantiers contre vous-même, car
vous n’écoutez personne. Après tout vous vous sentez extrêmement bien, ce sont
les autres qui sont de tristes adeptes de la routine. Les crétins… Mais deux
mois plus tard, ayant plaqué boulot et conjoint, et lassé tous vos amis, vous
êtes non seulement dans une situation objectivement tragique, mais de plus,
vous ressentez une honte insoutenable, et l’impossibilité de faire le moindre
geste tant l’angoisse vous étreint. Vous restez allongé sur le matelas d’une
chambre qu’une âme charitable consent, dans le meilleur des cas, à vous prêter.
Vous ne pouvez plus penser, vous ne pouvez plus lire, vous ne pouvez plus vous
occuper de vos enfants si vous en avez. Descendre un escalier vous prend la
journée car chaque marche est un calvaire. Et de plus, ensuite, il va falloir
le remonter. À quoi bon ? Bref, vous êtes aussi désespéré que vous avez été joyeux
et entreprenant. Une hospitalisation est souvent le seul recours pour éviter le
suicide. Parfois la personne bipolaire est moins excessive dans ses actions, et
son entourage ou les médecins n’ont pas perçu que l’extrême bonne humeur et
dynamisme allaient muter en leur inverse. Comme dans un dessin animé, la
personne bipolaire continue de courir dans le vide après avoir quitté la
falaise, avant de chuter pour de bon. De fait, on traverse tous des moments d’euphorie
et de tristesse, parfois dans une même journée ou même heure, sans nous mettre
en danger. On est tous plus ou moins légèrement bipolaire et heureusement, car sinon,
on ignorerait l’espoir, les projets, les résolutions, les déceptions, le
soupçon de mégalomanie qui permet d’être content de soi. Pour l’instant, les
laboratoires pharmaceutiques qui ne cessent d’accroître le spectre de la
bipolarité, en créant de toutes pièces par exemple le symptôme chez les
enfants, ne nous invitent pas encore à prendre des médicaments qui nous
ramènent à la lucidité et à notre condition de mortel, dès lors qu’on se lève
le matin, heureux. On suppose aujourd’hui que deux pour cent de la population
est atteint de la maladie. Selon l’endroit où l’on place le curseur qui sépare
le normal du pathologique.
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