Aventure/Péplum/Grandiose et spectaculaire
Réalisé par Darren Aronofsky
Avec Russell Crowe, Jennifer Connelly, Emma Watson, Douglas Booth, Logan Lerman, Ray Winstone, Anthony Hopkins, Nick Nolte...
Long-métrage Américain
Titre original : Noah
Durée : 2h18m
Année de production : 2014
Distributeur : Paramount Pictures France
Twitter : https://twitter.com/paramountfr et #Noé
Date de sortie sur les écrans américains : 28 mars 2014
Date de sortie sur nos écrans : 9 avril 2014
Résumé : Russell Crowe est Noé, un homme promis à un destin exceptionnel alors qu’un déluge apocalyptique va détruire le monde. La fin du monde… n’est que le commencement.
Bande annonce (VOSTFR)
Extrait (VOSTFR) - "Je ne suis pas seul"
Ce que j'en ai pensé : J'ai eu la chance d'assister à l'avant-première de NOÉ hier soir. Elle a eu lieu au Gaumont Marignan situé sur les Champs-Elysées. A cette occasion, le cinéma s'était mis aux couleurs du film.
Juste avant la projection, les deux acteurs principaux, Russell Crowe et Jennifer Connelly sont passés nous souhaiter un bon film. Retrouvez leur intervention dans la vidéo ci-dessous :
Avec NOÉ, Darren Aronofsky, le réalisateur, nous propose un spectacle grandiose.
Le film est visuellement impressionnant. Les décors naturels, les effets spéciaux, la mise en scène, les costumes, tout est soigné. Le public est plongé dans une atmosphère particulière. Le réalisateur navigue habilement entre les scènes spectaculaires et les moments de réflexion ou de mise en place de l'histoire. Il y a un très bon équilibre qui fait que les 2 heures 18 minutes du film ne se font pas sentir.
Darren Aronosfsky, le réalisateur de NOÉ |
Il s'agit d'une histoire biblique. Donc quelques faits s'expliquent difficilement si on utilise la logique pure. Il faut accepter un certain nombre de postulats le long du chemin pour bien profiter de l'histoire. Cela dit, j'ai trouvé que le scénario éclaircie tout de même la grande majorité des questions que l'on peut se poser. Il est aidé en cela par une mise en scène claire et précise.
J'ai apprécié que les luttes externes des gentils contre les méchants fassent échos aux luttes intérieures des personnages. Le scénario dépasse ainsi le stade manichéen pour venir s'étoffer et se recentrer sur le cœur de l'histoire : Noé.
On peut voir ce film de deux façons.
Soit comme un essai philosophique sur lequel on pourra disserter pendant des heures. L'allégorie, les références bibliques et les métaphores procurent tout ce qu'il faut comme matière pour se prêter à cet exercice. Le message sur ce que l'Homme fait à la terre avec son attitude vaniteuse et paresseuse est très clair. Les parallèles avec nos sociétés de consommation sont évidents. Les thèmes de la famille, des choix, du devoir, de l'interprétation... sont également abordés.
Soit on peut le prendre pour une gigantesque fresque cinématographique ayant pour but simplement de divertir. Dans les deux cas, c'est réussi.
Il s'adresse à un publique adulte. Il y a beaucoup de notions à intégrer. La violence des images est parfois difficile.
Impossible pour NOÉ de convaincre les spectateurs sans des acteurs à la hauteur. Le casting dans son ensemble est une des grandes réussites du film. Russell Crowe, qui interprète Noé, lui apporte un vrai charisme. Il sait exprimer les doutes ou la détermination dans un regard. Il est excellent dans toute la palette du rôle.
A ses côtés, la très belle et talentueuse Jennifer Connelly, interprète Naameh, sa femme.
Emma Watson, qui interprète Ila, apporte sa fraîcheur et son naturel.
Logan Lerman interprète Cham, un des fils de Noé. Il est parfait pour exprimer la fin de l'innocence et les choix qui déterminent l'adulte en devenir.
Soit comme un essai philosophique sur lequel on pourra disserter pendant des heures. L'allégorie, les références bibliques et les métaphores procurent tout ce qu'il faut comme matière pour se prêter à cet exercice. Le message sur ce que l'Homme fait à la terre avec son attitude vaniteuse et paresseuse est très clair. Les parallèles avec nos sociétés de consommation sont évidents. Les thèmes de la famille, des choix, du devoir, de l'interprétation... sont également abordés.
Soit on peut le prendre pour une gigantesque fresque cinématographique ayant pour but simplement de divertir. Dans les deux cas, c'est réussi.
Il s'adresse à un publique adulte. Il y a beaucoup de notions à intégrer. La violence des images est parfois difficile.
Impossible pour NOÉ de convaincre les spectateurs sans des acteurs à la hauteur. Le casting dans son ensemble est une des grandes réussites du film. Russell Crowe, qui interprète Noé, lui apporte un vrai charisme. Il sait exprimer les doutes ou la détermination dans un regard. Il est excellent dans toute la palette du rôle.
Emma Watson, qui interprète Ila, apporte sa fraîcheur et son naturel.
Logan Lerman interprète Cham, un des fils de Noé. Il est parfait pour exprimer la fin de l'innocence et les choix qui déterminent l'adulte en devenir.
NOÉ est un de ses grands spectacles dont on sort la tête pleine d'images. Il est définitivement à découvrir si on aime les films avec un fond qui fait réfléchir et une forme qui en met plein la vue. C'est un beau film que je vous conseille.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)
«Le public peut s’attendre à retrouver tous les épisodes mémorables de l’histoire de Noé – l’Arche, les animaux, les Nephilim, le premier arc-en-ciel, la colombe. Mais j’espère surtout qu’il sera captivé par des images inédites et inattendues. Et loin de répéter ce qu’on a déjà pu voir au cinéma, nous avons pris soin d’étudier scrupuleusement le texte de la Genèse, et d’imaginer ensuite un univers visuel où ces miracles pouvaient se produire».Darren Aronofsky
NOÉ AU CINÉMA
L’histoire tout entière de Noé et de l’Arche
qu’il a été amené à construire avant le déluge qui a ravagé la Terre, ne tient
qu’en quelques pages dans le livre de la Genèse. Mais ces lignes ont marqué à
jamais les esprits de milliards d’êtres humains dans le monde, évoquant la
force du mal, tout comme la puissance de la foi et d’une rédemption possible,
malgré la catastrophe.
Néanmoins, depuis les débuts de l’histoire du
cinéma, la plupart des représentations de ce mythe fondateur à l’écran ont été
des parodies, des comédies ou des films d’animation – qui ne sont pas sans
rappeler une culture populaire envisageant surtout l’Arche comme un jouet !
Cette histoire a été portée à l’écran pour la première fois en 1928 avec
L’ARCHE DE NOÉ, qui mêle une brève reconstitution hollywoodienne du déluge
biblique à un drame de la Première Guerre mondiale. Depuis, Disney en a fait
des courts métrages, et l’on a vu se multiplier des dessins animés et autres
variations comiques sur ce thème. Et pourtant, l’histoire de Noé n’avait
étrangement encore jamais été mise en scène comme une aventure spectaculaire
particulièrement riche sur le plan visuel, et aucun réalisateur n’avait exploré
ses nombreux récits touchant à l’identité même de l’être humain.
«Il y a eu des comédies, des films
d’animation, et il y a même eu une comédie musicale à Broadway avec Danny Kaye.
Au fil du temps, les approches ont toujours relevé du folklore, tournées vers
l’humour et les contes pour enfants. Mais si l’on observe son contexte dans la
Genèse, on remarque que ce n’est pas simplement l’histoire d’animaux réunis par
paires. Il s’agit en fait de dix générations témoignant de cruauté qui
finissent par forcer Dieu à faire table rase du passé et à tout recommencer à
zéro. À mes yeux, c’est l’histoire originelle de la fin du monde», souligne Darren Aronofsky, coscénariste et
réalisateur de NOÉ.
Le cinéaste estime aussi que les techniques de
tournage du XXIème siècle permettent enfin
de donner toute sa force à cette histoire, tout en étant fidèle à la puissance
intacte du texte biblique. Il précise : «Je ne voulais pas réaliser un film qui ne soit qu’une suite de clichés
comme nous en a déjà tant offerts la culture populaire. Je voulais que ce
Noé-ci soit de chair et bien réel, et que l’on puisse s’identifier à lui».
L’intérêt d’Aronofsky pour le mythe de Noé
remonte à sa jeunesse, lorsque, à l’âge de 13 ans, il rédige un poème pour
l’école autour de cette figure biblique qui lui vaut une distinction. Par la
suite, alors qu’il entame sa carrière de réalisateur, il commence à réfléchir à
la manière de raconter le mythe de Noé à un public contemporain. Il sait
parfaitement que ce sera là le défi de sa carrière et qu’il s’agira de réaliser
un film ambitieux nécessitant à la fois passion et attention au moindre détail.
Dans le même temps, il s’intéresse de près à l’histoire de la famille de Noé
confrontée à des événements extraordinaires, afin d’en explorer les peurs, les
espoirs, les conflits et la quête de sens. Autrement dit, il s’agissait de
s’attacher à la dimension personnelle du récit.
«L’histoire de cette première apocalypse me
fournissait un prétexte pour imaginer comment une famille y survivrait, et
c’était extrêmement intéressant pour moi», affirme le réalisateur.
Aronofsky et Ari Handel, coscénariste et
producteur exécutif, s’en sont servis comme point de départ pour commencer à
écrire et plonger dans l’inconnu. Le texte de la Genèse est en effet succinct,
ne comprend pas le moindre dialogue et fournit très peu d’indications sur
l’état d’esprit de Noé vis-à-vis du déluge imminent. Les deux auteurs ont donc
dû beaucoup se documenter à partir d’ouvrages d’histoire et de théologie et
d’autres sources universitaires afin de mieux cerner l’époque de Noé et la
portée de ses actes. Bien qu’ils n’aient pas voulu transposer les écritures mot
à mot, ils se sont focalisés sur les thèmes fondamentaux dans l’histoire de Noé
et les ont mis en scène afin d’explorer les questions soulevées par le récit
biblique.
UN POINT DE VUE ORIGINAL
SUR LE MYTHE DE NOÉ
En tant que cinéaste, Aronofsky a toujours été
attiré par les histoires spectaculaires et les modes de narration les plus
audacieux. Qu’il s’agisse de la quête d’un mathématicien, dans son premier
film, PI, à celle d’une réconciliation dans THE WRESTLER, ou encore de BLACK
SWAN, thriller psychologique situé dans l’univers du ballet, le réalisateur
s’est fait connaître pour son style visuel novateur et pour sa volonté
d’aborder des sujets comme la mort, l’amour et le sens du sacré.
Handel indique qu’à sa connaissance Aronofsky
est le seul réalisateur à prendre le risque visuel de confronter le public à un
monde antique traversé par le chaos et la présence divine. «Darren était le cinéaste tout trouvé parce
que les défis de NOÉ en matière de rendu visuel sont prodigieux, et qu’il
fallait donc quelqu’un dont les prouesses en matière de techniques de mise en
scène le soient tout autant. Cette personne devait aussi être capable d’allier
ce sens du spectaculaire à une véritable intensité émotionnelle, et Darren
possède cette combinaison rare»,
commente-t-il.
Grâce au sens visuel
d’Aronofsky, le scénario n’a manqué ni d’envergure, d’action ou d’imagination. «Nous voulions donner à
cette histoire importante l’éclat et l’ampleur qu’elle mérite. Mais nous
voulions également surprendre le public avec des détails qui défieraient
l’entendement», poursuit Handel.
«Par exemple», dit-il encore, «dans la Genèse, il est dit à Noé de
construire une Arche et d’y faire monter deux spécimens de chaque espèce du
règne animal. Nulle part il n’est décrit comment il doit s’y prendre pour
parvenir à ses fins. Mais Darren a trouvé une façon impressionnante et
exaltante sur le plan cinématographique pour que Noé trouve des matériaux pour
l’Arche et rassemble des spécimens de chaque animal de la planète. Ces
solutions ne figurent pas dans la Bible, bien qu’elles n’aillent pas à son
encontre, mais nous trouvions qu’elles relevaient du miracle et qu’elles
étaient donc fidèles à l’esprit de l’histoire».
De son côté, Aronofsky souligne qu’il ne
s’intéressait pas uniquement à la dimension épique de l’histoire. «Nous avons d’abord commencé par travailler à
partir du texte même de la Genèse, puis nous l’avons transformé en un drame
familial».
«On ne connaît en réalité que très peu
d’éléments tangibles de l’histoire de Noé et il ne prononce pas un mot tant
qu’il n’a pas quitté l’Arche», constate
Handel. «Nous étions donc libres
d’imaginer ce que les personnages pensaient et disaient. Mais si l’on regarde
attentivement le texte, il nous révèle des indices. Prenez Noé qui devient ivre
après avoir découvert le Nouveau Monde. Ça n’est jamais expliqué dans la Genèse
mais nous trouvions que c’était un aperçu de sa personnalité et nous avons
voulu l’explorer pour tâcher de le comprendre. Quel genre de pression et de
difficultés a-t-il pu subir pour être amené à boire après avoir triomphé ?
Comment réconcilier la description de Noé, en tant que modèle de rectitude,
avec l’image de celui qui se saoule, se met à poil et maudit une partie de sa
descendance en la vouant à jamais à la servitude ?»
«On peut aussi penser à
ce qui est sans doute le passage le plus douloureux de la Genèse : le
Créateur décide de détruire, sinon tout, du moins une majeure partie de Sa
création. Il y avait sûrement des enfants parmi ceux qui ont péri dans le
déluge. Il y avait certainement des animaux innocents, en dehors des spécimens
sauvés. Dans ce cas, le déluge permettait de faire table rase pour tout
recommencer à zéro en dépit de ces pertes, et ça a dû être douloureux pour un
Créateur qui aimait Ses créations. Comment pouvions-nous donner forme à cette
souffrance pour la comprendre à un niveau humain ? Notre plus gros travail
a consisté à trouver un moyen d’explorer ces questions de façon convaincante et
cinématographique tout en restant fidèles aux détails de la Genèse», remarque Handel.
La détermination de Noé et sa persévérance
face à une mission qui semble impossible sont au cœur du scénario. Quand Dieu
l’avertit du désastre à venir et lui ordonne de sauver les animaux, Noé Lui
obéit avec une foi inconditionnelle, sans douter, ce qu’on aurait été en droit
d’attendre en pareilles circonstances.
«Dans de nombreux films
contemporains, si le personnage dit avoir eu une vision ou entendu des voix,
les gens autour de lui se mettent d’abord à douter de sa santé mentale. Mais
Darren et moi trouvions que c’était une façon moderne de réagir. Noé vit à une
époque où son grand-père était un contemporain d’Adam, qui avait en réalité
lui-même marché aux côtés de Dieu. Noé n’a donc aucun problème à croire la
parole de Dieu. Mais les questions les plus importantes pour Noé sont :
primo, comment être sûr d’avoir bien compris ce que l’on vous a demandé de
faire ? Et secundo, comment réussir à s’en sortir ?», reprend Handel.
La seule conception du monde de Noé
– décrit dans la Bible comme une époque troublée et plongée dans le péché
depuis la Chute de l’homme et le déluge – a été un formidable défi. Il
existe bien des références bibliques à une ère de cruauté féroce et de «géants»
angéliques, mais les détails relevés par les chercheurs sont limités.
«Nous connaissons certaines choses sur
l’Égypte, nous en connaissons d’autres sur la Judée antique, mais c’est tout
autre chose de savoir à quoi ressemblait le monde avant le déluge. Nous avons
décidé de ne pas contourner le problème et d’envisager cet univers comme
entièrement différent du nôtre»,
souligne Aronofsky.
Outre la Genèse, Aronofsky et Handel ont
consulté d’autres textes, dont les manuscrits de la mer Morte, le Livre
d’Hénoch (considéré comme l’arrière-grand-père de Noé) et le Livre des Jubilés,
mais aussi des analyses historiques et modernes menées par des théologiens et
des historiens. Toutefois, ils étaient conscients qu’après tout ce travail, il
leur faudrait faire un saut dans l’inconnu pour représenter le monde de Noé à
l’écran de telle sorte que les spectateurs de tous horizons soient fascinés.
Les risques étaient manifestes, mais ils tenaient à ramener le public à
l’origine même de l’histoire.
«Quand nous avons entrepris de raconter
l’histoire de Noé, nous savions que la tâche serait immense, parce que cette
histoire résonne profondément pour beaucoup de monde. Mais nous avons sauté sur
l’occasion de le faire pour ces mêmes raisons : parce que c’est une
histoire incroyablement forte qui a trait à des choses fondamentales», note Handel.
«Je pense que le public sera très heureux de
redécouvrir ces histoires fabuleuses», précise Aronofsky. «J’étais donc très attentif à faire de ce
projet un film destinés aussi bien aux croyants qu’aux non-croyants».
Pour le producteur Scott Franklin, qui a travaillé
avec Aronofsky sur tous ses films précédents, l’attrait du projet résidait dans
le mélange des thèmes ancestraux et la nature audacieuse du style d’Aronofsky,
le tout promettant d’offrir un film techniquement brillant et profondément
satisfaisant.
«Ce film est d’une formidable richesse. Il se
veut respectueux du texte que l’on connaît, tout en comblant quelques blancs
dans un contexte fictif. Nous avons bien évidemment eu largement recours aux
effets spéciaux. Mais je pense que l’essentiel du film réside dans le point de
vue original de Darren sur l’histoire de Noé qu’il a envisagée comme une grande
fresque familiale. Il a insufflé beaucoup de passion dans le projet», poursuit Franklin.
La productrice Mary Parent, qui a récemment
produit le film de Guillermo Del Toro, PACIFIC RIM, a elle aussi été séduite
par l’approche d’Aronofsky. «Darren
a créé une œuvre qui restitue l’essence même du mythe biblique, tout en restant
le conteur très moderne qu’il est. À travers le langage visuel du film, on
découvrira de nombreux signaux de modernité sans que le résultat manque de
souffle et de narration classique pour autant. Grâce à Darren, le film
bénéficie des prestations de grands acteurs, d’un très haut niveau de mise en
scène, et de séquences d’action et d’aventure pures qui vous transportent dans
un autre monde», observe-t-elle.
Elle poursuit : «Je pense que ce qui explique notamment que
Darren soit un grand réalisateur est sa capacité à pousser ses collaborateurs
dans leurs retranchements et à leur lancer des défis, et en l’occurrence à les
entraîner dans les extraordinaires aventures de Noé. Et dans le même temps,
Darren raconte une histoire profondément sincère. Ce ne sont pas des éléments
que l’on trouve réunis en général».
NOÉ, UN PERSONNAGE FONDAMENTAL
Quand les auteurs du film ont commencé à
évoquer les acteurs susceptibles de camper le protagoniste, un nom s’est
rapidement imposé comme une évidence : Russell Crowe. Oscarisé pour
GLADIATOR, Crowe est très souvent recherché pour jouer des personnages imposants,
tout en leur conférant humanité et proximité avec le spectateur. Pourtant,
malgré son expérience, incarner Noé allait être autrement difficile. Notamment
parce que le personnage biblique n’avait encore jamais été représenté à l’écran
comme un être complexe et faillible choisi par Dieu pour assumer la
responsabilité la plus écrasante de l’histoire de l’humanité : assurer la
survie de toutes les espèces vivantes.
«Russell nous a tous intrigués parce qu’il est
toujours sincère et d’une formidable crédibilité. Quoi qu’il arrive, on ne
doute jamais de ses paroles. Hormis mon enthousiasme à l’idée de travailler
avec quelqu’un de son envergure et de sa trempe, j’étais curieux de voir ce que
produirait notre collaboration»,
déclare Aronofsky.
Ari Handel a été heureux de trouver un acteur
prêt à s’emparer de ce rôle hors normes : «Il nous faillait quelqu’un qui soit vraiment
charismatique et grave dans la plus pure tradition des épopées bibliques. À
voir Russell, on n’a aucun mal à l’imaginer entreprendre la tâche la plus
herculéenne et impossible à réaliser sans broncher. On ne doute pas un instant
de son aptitude ou de sa force, mais dans son regard, on peut lire une
compassion bien réelle».
Pour le convaincre d’accepter le rôle,
Aronofsky a fait à Crowe la promesse suivante : il ne serait jamais filmé
avec deux girafes derrière lui, comme le veut une image d’Épinal bien connue.
Dès qu’il a commencé à se documenter sur son personnage, l’acteur s’est rendu
compte qu’essayer de s’approprier le personnage de Noé avec une perspective
contemporaine s’avérait un processus fascinant. «Dans un premier temps, on aborde le
personnage avec toutes sortes d’idées préconçues, mais lorsqu’on se met à
décrypter le monde tel qu’il devait être à son époque, cela devient plus intéressant», note-t-il.
Pour Crowe, le plus grand défi a été de
comprendre comment un homme ordinaire s’en sort sur le plan émotionnel et
psychologique lorsqu’il est sommé d’agir par le Créateur. «Après mûre réflexion, et sur la base de
maigres indications, Noé commence tout juste à mesurer l’ampleur de la tâche
qui lui est confiée. Il comprend qu’il doit prendre soin de tous les animaux,
mais il ne reçoit aucune précision concernant les êtres humains. Il doit s’en
accommoder et trouver lui-même une réponse à cette interrogation. Ce qui me
plaît le plus chez lui, c’est qu’à aucun moment il ne se considère comme honoré
par sa mission. En fait, il considère même que c’est la pire chose qu’il ait à
accomplir pour le Créateur. Mais il fera tout son possible pour y arriver», analyse Crowe.
Il est vrai que la perspective de travailler
avec Aronofsky a été, pour l’acteur, l’attrait principal du projet. «J’ai eu l’impression que pas un seul jour de
tournage ne passait sans que nous ayons réussi à tourner une très bonne scène.
Darren met la pression parce qu’il veut qu’on lui donne tous le meilleur de
nous-mêmes, mais c’est génial parce qu’au moins on sait qu’il est
perpétuellement à la recherche de la moindre étincelle. Et il y a autre chose
encore : il ne cesse jamais de nous diriger. Même au cœur de la nuit la
plus longue, la plus froide et la plus difficile, il n’arrête jamais de nous
encourager dans la direction que nous avons pressentie. J’imagine que c’est ce
qui explique précisément pourquoi il choisit tel ou tel genre de films. Il
entraîne toujours le spectateur dans des espaces et des situations hors normes.
Espérons que ce soit aussi le cas de ce film», précise le comédien.
De son côté, Jennifer Connelly incarne
l’épouse de Noé. Oscarisée pour UN HOMME D’EXCEPTION, l’actrice retrouve une
nouvelle fois Crowe. Jennifer Connelly avait également été remarquée dans
REQUIEM FOR A DREAM d’Aronofsky.
Dans la Bible, le nom de la femme de Noé n’est
jamais mentionné. Or, Aronofsky et Handel souhaitaient explorer davantage son
parcours, si bien qu’ils lui ont donné pour patronyme celui que les textes
juifs ont retenu : «Naameh». «D’après la Genèse, on ne sait pas vraiment ce que fait ou pense l’épouse
de Noé. Cependant, nous estimions important qu’elle prenne réellement part aux
événements. Nous avons fait de son personnage une femme qui tente de garder sa
famille unie en dépit de la pression énorme qu’elle subit pour accomplir son
devoir. Jennifer a prêté à Naameh une grande force morale. Même quand elle
soutient Noé dans son devoir, Naameh reste attachée à l’idée de rectitude
morale et cherche à savoir si nous autres humains méritons la clémence divine
ou pas», déclare
Handel.
Jennifer Connelly a été enchantée de refaire
équipe avec Aronofsky. «Je
trouvais génial de le retrouver à la tête de ce projet d’envergure épique et
totalement différent du dernier film que nous avions fait ensemble. Cela fait
très longtemps que Darren désirait raconter cette histoire, et du coup, j’étais
très heureuse de le voir concrétiser son rêve. En tant que réalisateur, il ose
innover visuellement et il est épatant, mais il est aussi très attentif au jeu
des acteurs et se montre constamment sensible à leur travail», indique l’actrice.
Disposant de peu
d’éléments pour incarner Naameh, Jennifer Connelly s’est personnellement
beaucoup documentée sur la vie obscure des femmes de l’histoire antique, afin
d’ancrer son personnage dans la réalité. «La Genèse ne révèle quasiment rien sur mon
personnage», dit-elle. «Mais Darren l’a décrite comme une femme loyale et une
mère dévouée qui est émotionnellement à la fois très forte et très vertueuse.
J’étais curieuse de savoir quelle aurait pu être sa place dans le foyer, et
j’ai donc étudié les textes d’archéologues et la bible, et au final elle m’est
apparue comme bien plus travailleuse qu’au premier abord. Sur le plan
psychologique et physique, c’est une femme très douée».
Elle s’est aussi inspirée du chapitre 31 du
Livre des Proverbes qui parle d’une épouse vertueuse qui «vaut bien plus que des perles» et qui a «la force en guise de ceinture», mais qui «tend la main à l’affligé». «Je trouve que Naameh incarne vraiment les propos des Proverbes, non
seulement dans sa façon de soutenir Noé, mais aussi dans sa force, son ardeur
au travail, sa sagesse et sa modestie. Je la considère comme un personnage
particulièrement frappant à cet égard»,
précise l’actrice.
Pour Crowe, la collaboration avec Jennifer
Connelly donnait à la relation entre mari et femme une profondeur vitale
existant entre Noé et Naameh. «Je n’avais pas saisi à quel point ma relation avec Jennifer allait être
enrichie grâce à ce que nous avions déjà vécu ensemble sur un film. Nous ne
nous étions pas beaucoup vus depuis UN HOMME D’EXCEPTION, mais cette expérience
commune nous a permis, dès le début du tournage, de mieux explorer nos
personnages et d’établir une complicité plus forte», confie l’acteur.
Aronofsky est reconnaissant envers Jennifer
Connelly d’avoir passé du temps à étudier le parcours de Naameh. «Je suis ravi d’avoir choisi Jennifer car elle
a parfaitement su donner une vraie densité à son personnage de manière à
enrichir toute l’histoire» dit-il.
LES SECONDS RÔLES
Le casting réunit des comédiens chevronnés et
de jeunes stars montantes qui ajoutent émotion et humanité au film. Les
producteurs ont choisi Anthony Hopkins, acteur oscarisé, pour le rôle de
Mathusalem : ce dernier, qui n’est mentionné qu’une fois dans la Bible, est
descendant d’Adam et aïeul de Noé, et également reconnu comme l’homme le plus
vieux de son époque.
«Nous avons considéré
Mathusalem comme un mentor pour Noé. Il nous fallait donc quelqu’un de sage et
digne de confiance, au regard pétillant de malice, et qui soit bien plus que
cela encore. Une légende juive raconte que Mathusalem possédait une épée sur
laquelle étaient gravés les nombreux noms de Dieu, et qu’avec elle il terrassa
10 000 démons. Du coup, nous avons voulu que notre Mathusalem incarne ce
type de puissance», explique Handel.
«Il est quasi impossible de choisir un acteur
pour Mathusalem, parce qu’il faut trouver une personne qui sache jouer de façon
intéressante l’homme le plus vieux au monde. Quand Anthony Hopkins s’est
présenté, nous étions tous enthousiastes. Il pouvait incarner Mathusalem comme
personne parce que c’est un acteur formidable», poursuit Aronofsky.
Pour endosser le rôle de Tubal-Caïn, ennemi
juré de Noé et descendant de l’infâme Caïn qui assassina son frère Abel, la
production a retenu Ray Winstone, acteur britannique connu pour LES INFILTRÉS
et HUGO CABRET de Martin Scorsese. Bien que son nom soit évoqué dans le livre
de la Genèse, Tubal-Caïn ne fait pas partie de l’histoire de Noé. Cependant,
Aronofsky et Handel l’ont ajouté au scénario pour une raison bien précise. «Il s’agit d’un descendant de Caïn, tout
premier meurtrier de l’humanité, et, dans la Bible, il passe pour être
l’ancêtre des forgerons du cuivre et du fer, et donc des armes. Il était donc
tout indiqué pour être le chef des descendants de Caïn, incarnant la cruauté et
la corruption humaines», fait
remarquer Handel.
Dès le début du projet, les producteurs ont
songé à Winstone. «Nous
devions trouver quelqu’un qui soit crédible en personnage capable de flanquer
une raclée à Russell Crowe ! C’est un type imposant et fort, et il est à même
de se mesurer à Russell. Ils s’affrontent d’ailleurs dans une scène mémorable», souligne Aronofsky.
Winstone a envisagé Tubal-Caïn comme un homme
aux nombreux défauts, mais malin et déterminé à survivre à tout prix. «Je n’ai pas simplement vu Tubal-Caïn comme le
méchant de l’histoire, mais comme un type profondément humain qui a un point de
vue très affirmé», affirme
Winstone.
«Je crois qu’il est tourmenté par l’idée que
le Créateur ne s’adresse pas à lui, et il se comporte donc comme un enfant
rejeté. Il est extrêmement envieux de Noé, et très triste aussi. Je le vois
comme un homme qui a très tôt été un guerrier et qui se bat pour sa terre et
ses richesses, qui se bat pour avoir de quoi manger, à tel point qu’il en est
réduit à se demander, ‘Qu’ai-je fait de ma vie’ ?», ajoute Winstone.
Mary Parent a été impressionnée par la grande
complexité de jeu de Winstone. «Tubal-Caïn est la véritable incarnation de tout ce qui a poussé Dieu à
se demander quoi faire des hommes. Dans le film, il y a un passage incroyable
où Tubal-Caïn commence à se prendre pour Dieu jusqu’à la démesure. Pourtant,
Ray arrive en même temps à montrer de lui une vulnérabilité qui vous attendrit.
On se met alors à voir les choses de son point de vue et ses actes prennent un
sens. Tandis que Noé respecte toute la Création, Tubal-Caïn n’y voit que
l’occasion de servir ses propres intérêts».
Les fils de Noé – Sem, Cham et Japhet,
qui vont repeupler la Terre d’une nouvelle génération d’humains – sont interprétés par trois jeunes acteurs
prometteurs. Logan Lerman a été salué pour son travail dans PERCY
JACKSON : LE VOLEUR DE FOUDRE et LE MONDE DE CHARLIE, et joue Cham.
Nouvelle coqueluche du cinéma britannique, Douglas Booth, qui s’est surtout
fait connaître sous les traits de Pip dans la minisérie LES GRANDES ESPÉRANCES
incarne Sem. Enfin, Japhet est incarné par un jeune talent, Leo McHugh Carroll.
Même si la Bible ne donne pas leur âge exact,
on estime que les fils de Noé avaient environ une petite centaine d’années au
moment des événements. «À
une époque où les hommes vivaient 900 ans, à quoi pouvait ressembler une
personne de 100 ans ? Ou de 500 ans ? Noé a eu des enfants à 500 ans,
construit l’Arche à 600 et il est mort à 950 ans. Ainsi, dans notre histoire,
quand Noé construit l’Arche, devait-il ressembler à vous et moi si nous atteignions
500 ans, ou bien était-il censé ressembler à un homme qui a déjà vécu un peu
plus de la moitié de sa vie, en d’autres termes un homme d’âge mûr ? Et
les fils de Noé qui ont déjà vécu 1/10e de leur vie, à quoi
devaient-ils ressembler ? Ce qui importe, c’est qu’ils soient tous
relativement jeunes par rapport à leur père, et pourtant, ils apprennent ce
qu’est être un homme grâce à cette figure de patriarche. Nous voulions que les
gens ressentent tout cela», soutient
Aronofsky.
Si la perspective d’être les seuls survivants
du déluge est difficile à admettre pour Noé et Naameh, cela l’est plus encore
pour Cham, leur fils cadet. «C’est
une situation difficile à accepter, quel que soit son âge, de se dire qu’on
fait partie d’une poignée de gens qui survit à la destruction de l’humanité. Et
dès lors qu’il s’agit de jeunes gens dans la fleur de l’âge, qui croient qu’ils
n’auront pas l’opportunité de vivre ce qu’ont vécu leurs parents, ils ne
peuvent accepter la situation sans se battre», confirme Russell Crowe.
Et Cham connaît de tels moments de révolte.
Or, Lerman considère que son personnage est également motivé par l’espoir. «Au départ, c’est un sale gosse qui ne cesse
de contester ce que dit son père. Mais je pense que c’est juste un gamin en
quête d’affection», dit-il.
Pour trouver l’interprète du plus jeune fils
de Noé âgé de 10 ans, Japhet, les producteurs ont fait passer des auditions
dans tout le pays. Finalement, leurs recherches leur ont permis de découvrir
Leo Carroll à Chicago. «Il
n’y a pas beaucoup de jeunes acteurs qui peuvent s’intégrer à cette famille
dont les parents sont campés par Russell Crowe et Jennifer Connelly. Mais Leo a
un talent inné et déjà de sérieuses techniques d’acteur. Il a épaté Russell dès
leur première prise ensemble»,
se souvient le producteur Scott Franklin.
Booth décrit Sem comme le fils le plus dévoué
de Noé – du moins en apparence. «Sem est vraiment le fils de son père tout au long du film jusqu’à un
moment crucial», note le
comédien.
Mais même aux yeux de Sem, l’avenir auquel les
voue son père semble terrifiant. Booth essaie alors de se mettre à sa place. «Dites-vous que vous allez être la dernière
famille sur la Terre et que le reste du monde va périr. C’est absolument
hallucinant et j’adore la manière dont Darren en restitue les répercussions à
un niveau très personnel».
Ari Handel poursuit : «La Bible indique que Noé, ses fils et les
épouses de ses fils montèrent dans l’Arche. Et c’est exactement ce qui se
produit dans le film, mais d’une façon entièrement nouvelle et inattendue. À la
fin du film, il est clair qu’il y a bien 3 fils et 3 épouses sur l’Arche. Mais
nous avons maintenu le suspense sur la manière dont les femmes se retrouvent à
bord pour renforcer l’intensité dramatique du récit et mettre l’accent sur les
questions suivantes : l’humanité est-elle bonne ou mauvaise ?
Est-elle digne de justice ou de clémence ? Doit-elle être anéantie ou bien
épargnée ? Ce sont là les questions qui nous paraissaient au cœur de
l’histoire de Noé».
Ila se joint, elle aussi, à la famille de Noé.
C’est une orpheline que Noé a recueillie après l’avoir trouvée comme morte dans
un camp de réfugiés. Une relation très spéciale se noue entre eux tandis
qu’elle grandit et devient une femme. Loin de ses précédents rôles, Emma
Watson, qui s’est fait connaître sous les traits d’Hermione Granger dans la
saga HARRY POTTER, incarne Ila. Il faut dire que la comédienne peut désormais
interpréter des personnages de vraies jeunes femmes, comme dans MY WEEK WITH
MARILYN et LE MONDE DE CHARLIE.
«Pour Ila, nous cherchions quelqu’un qui ait
l’innocence d’une jeune fille et qui puisse nous surprendre par la force de sa
maturité. Emma a été capable de réunir toutes ces nuances», déclare Handel.
«Ila sert
de catalyseur dans l’histoire. En grandissant, elle vit une histoire d’amour
avec Sem, mais l’influence qu’elle exerce sur Noé, et en particulier sur sa
foi, est très émouvante», constate
Mary Parent.
Emma Watson raconte que le rôle l’a poussée à
se plonger dans des sources d’inspiration qu’elle ne connaissait pas. «J’ai beaucoup réfléchi à ce que pouvait
signifier le fait d’avoir une famille pour une femme, et à ce que la vie avait
fait d’Ida, qui a vécu dans la pauvreté et qui a été témoin de choses
terribles. D’une certaine façon, cela rend Ida très proche de Noé qui la sauve
et l’accueille parmi les siens, nourrissant inconsciemment le désir d’Ida
d’avoir sa propre famille. Dans le film, on comprend la force des liens entre
générations, l’importance de la famille et de la notion de transmission, et
c’est ce que j’ai trouvé passionnant».
Pour l’actrice, le regard
d’Aronofsky sur Noé s’est avéré à la fois surprenant et émouvant. «Je crois que quand les
gens pensent à l’histoire de Noé, ils ne voient que des animaux qui avancent
deux par deux. Mais ce que raconte le film, c’est le parcours de cette famille,
et les relations qui se nouent entre Noé, sa femme et leurs enfants. Donc, même
si c’est une épopée fantastique d’une portée phénoménale, c’est avant tout une
histoire intime et subtile», remarque-t-elle.
LA CONSTRUCTION
D’UNE VÉRITABLE ARCHE
Dès le début du projet, Darren Aronofsky a
pris une décision primordiale : il ferait construire une Arche en dur et
grandeur nature, respectant scrupuleusement les écritures bibliques, tout comme
les dimensions exactes de ce vaisseau que Noé est censé avoir bâti. Il savait
qu’une Arche en images de synthèse serait beaucoup plus simple à réaliser, mais
le réalisateur était conscient que cela ne procurerait pas au public le même
frisson : il fallait restituer l’ampleur de la tâche de Noé, mettre en
exergue l’envergure de la construction et montrer que ce projet était précaire,
en dépit de la détermination du personnage.
La fabuleuse Arche que
l’on découvre dans NOÉ peut surprendre ceux qui l’ont plus fréquemment vue
représentée sous la forme d’un bateau rudimentaire. Les recherches bibliques
approfondies d’Aronofsky l’ont cependant conduit dans une nouvelle direction. «Notre objectif a
toujours été de nous référer à la Bible, dans laquelle l’Arche est décrite
comme un rectangle, ou une boîte», indique Aronofsky. La Genèse fournit des spécificités
détaillées quant aux dimensions de l’Arche, et c’est l’un des rares passages du
texte à donner des indications d’une incroyable précision. Le cinéaste s’est
montré très fidèle au texte, l’utilisant comme un plan d’architecte pour
construire le bâtiment que l’on voit dans le film. «Toutes les
reconstitutions vues au siècle dernier ne montraient que de simples bateaux,
mais si l’on est réaliste, l’Arche n’avait pas besoin d’une quille parce
qu’elle n’était pas censée naviguer dans une direction précise. Elle devait
juste flotter et résister au déluge. Nous avons donc consulté la Bible et avons
construit le vaisseau en respectant les proportions que donne le texte, ce qui
fait de l’Arche un bâtiment d’une taille résolument impressionnante».
Pendant des siècles, des fouilles ont été
menées pour trouver des restes de l’Arche dans les montagnes qui séparent la
Turquie de l’Arménie, mais peu de reconstitutions à l’échelle ont été tentées à
ce jour. Se lancer dans la construction d’un bâtiment grandeur nature s’est
avéré instructif et a suscité une atmosphère unique pour le film, les acteurs
et l’équipe technique. «Les
comédiens pouvaient littéralement toucher les murs et monter à bord. Et nous
avons tous énormément appris en saisissant ce qu’avaient pu être la création et
l’assemblage d’une Arche à cette époque», souligne Aronofsky.
Pour concevoir, puis construire l’Arche,
Aronofsky a travaillé en étroite collaboration avec Mark Friedberg, chef
décorateur récemment primé pour son travail sur la série MILDRED PIERCE.
Friedberg s’est attelé à la tâche plus d’un an avant le début du tournage, se
concentrant avant tout sur les proportions. «Dans la Genèse, les dimensions de l’Arche sont données
comme suit : 13,71 m de haut sur 22,86 m de large et plus de
137 m de long. Mais il existe la coudée égyptienne et la coudée
vénitienne, et il a donc fallu approfondir nos recherches historiques pour
faire le bon choix», décrit-il.
Le chef décorateur a gardé en tête que Noé ne
disposait pas de beaucoup de temps pour créer un bâtiment considéré comme beau
pour l’époque. Il avait besoin de construire une embarcation qui ferait
rapidement l’affaire, même si sa mission était sacrée. «L’Arche a été construite en désespoir de cause.
Ça n’a donc rien d’une pièce de collection, et ce n’est pas une embarcation
raffinée fabriquée par des marins. C’est un vaisseau fonctionnel qui doit
préserver les animaux hors de l’eau pendant que la planète se retrouve
entièrement inondée. Il n’a pas besoin d’être manœuvré : à quoi bon se diriger
dans un monde entièrement sous les eaux ?», fait observer Friedberg.
Si la fonctionnalité est un élément capital
dans l’élaboration de l’Arche, Aronofsky et Friedberg se sont aussi inspirés
d’œuvres artistiques, et notamment de la vision brute et apocalyptique de
l’Allemand Anselm Kiefer, dont les peintures et les sculptures symbolistes
intègrent des matériaux comme la paille, la cendre et le sel. «Kiefer est un artiste qui me touche parce que
son œuvre parle de désespoir, de beauté et de brutalité», se rappelle Friedberg.
Friedberg a suivi l’exemple de Kiefer : «Darren et moi sentions que l’allure de
l’Arche devait être très rudimentaire, et avoir l’air résistant et construit à
la main. Le bois ne devait pas être scié mais cassé net, brisé, puis assemblé
avec des sangles. Je trouve que ça donne à l’Arche toute sa vitalité, et qu’on
sent bien que l’Arche est le résultat du travail rapide et expéditif de gens
conscients que le destin est en marche et qui font tout leur possible pour
créer une embarcation qui puisse y faire face».
Trouver les matériaux
appropriés était à lui seul un défi. Dans la Bible, Noé s’entend ordonner
d’utiliser du bois de «Gopher», une essence mystérieuse et inconnue de nos
jours. «On ne pouvait
pas vraiment en trouver à Long Island. Mais nous voulions que cette Arche ait
l’air d’être construite avec le bois de la forêt environnante. Du coup, nous
avons utilisé une armature en acier, des planchers en bois, puis nous avons
créé les énormes charpentes de l’Arche sculptées dans de la mousse», déclare Friedberg en riant.
Une fois les décors
terminés, la construction a démarré dans le parc historique d’État du jardin
botanique de Planting Fields à Oyster Bay (Long Island). Dans un champ qui sert
habituellement de parking lors d’événements festifs, l’équipe a mis cinq mois
pour ériger l’Arche. Des centaines de décorateurs en ont construit plus de 51
mètres, soit environ un tiers de l’Arche, tandis que le reste de la structure a
pris forme en infographie grâce à l’équipe Effets spéciaux pendant la
postproduction. Entretemps, une seconde Arche a été montée dans l’enceinte
désaffectée de Marcy Armory à Brooklyn – qui servait autrefois d’entrepôt
pour les munitions de la Garde Nationale – pour les scènes d’intérieur.
Au cours de cette étape, Friedberg a été ravi
de faire appel à deux artistes qui ont été une autre source d’inspiration pour
le décor de l’Arche : les frères Starn, sculpteurs installés à New York et
connus pour leur installation baptisée «Big Bambú», structure complexe faite de
milliers de tiges de bambou et installée sur le toit du Metropolitan Museum.
Initialement, Friedberg les avait contactés pour savoir s’ils connaissaient un
spécialiste du bambou afin de créer l’échafaudage de l’Arche.
«Et plutôt que de nous donner des conseils,
ils se sont carrément proposés ! C’est ainsi que Doug et Mike Starn se sont
retrouvés sur le projet et ont construit cette remarquable structure de cinq
étages en bambou. Ça a contribué à insuffler un esprit créatif au film, et
esthétiquement parlant, c’est un magnifique contrepoint à l’aspect monolithique
de l’Arche», se remémore
Friedberg.
L’intérieur de l’Arche a été établi sur trois
niveaux, comme le veut la Genèse. «Le premier étage est le pont le plus haut, destiné aux mammifères, et
accueille mammouths, éléphants, girafes et bêtes géantes. Les reptiles et les
insectes sont à l’étage intermédiaire qui ne fait que 2,4 m de haut, et le
dernier niveau de 3,6 m est réservé à la famille et à tous les oiseaux», reprend Friedberg avec force détails.
Au lieu de construire chacun des étages de
l’Arche côte à côte, comme cela devrait être le cas sur un plateau, Aronofsky
les a fait s’élever l’un au-dessus de l’autre, pour en renforcer l’impact
esthétique. «Cela nous
a permis de relier les niveaux visuellement, et de cette façon on peut voir les
personnages se déplacer d’un étage à l’autre», tient à préciser Friedberg.
Par la suite, le
directeur de la photographie Matthew Libatique, cité à l’Oscar pour son travail
sur BLACK SWAN, a exploité au mieux cette structure de trois niveaux, sa caméra
s’attachant souvent aux personnages à travers l’Arche.
L’éclairage de l’intérieur de l’Arche a été un
autre point épineux pour la production, car la Genèse ne mentionne qu’une
fenêtre dans toute l’architecture. Après de longs débats, les auteurs du film
ont décidé de faire construire un gigantesque fourneau au centre de l’Arche. «Le fourneau devient l’unique source de
lumière au cours des 40 jours et 40 nuits qu’ils passent quasiment coupés du
monde extérieur. Ce dispositif nous fournissait ainsi de la lumière, chauffait
nos personnages et nous permettait de découper la section centrale de l’Arche,
et donc de toujours jouer sur la sensation d’échelle», indique Friedberg.
La toute première fois que l’équipe technique
et les acteurs ont découvert la création de Mark Friedberg, ils ont été ébahis.
«Peu importe le nombre de films
qu’ils avaient déjà pu faire auparavant, ils n’avaient tout simplement jamais
rien vu de tel. Tout, dans l’envergure, l’ampleur du décor et son originalité,
était bouleversant», glisse Handel.
Et Aronofsky d’ajouter : «Les détails intérieurs étaient d’autant plus
étonnants que nous avions construit les trois niveaux de l’Arche. C’était de
loin le plus grand décor jamais construit dans l’État de New York depuis très
longtemps, car les films ne suscitent plus vraiment ce genre de travail de nos
jours. Du coup, ça avait de quoi être exaltant».
Les acteurs étaient admiratifs. «Je me souviendrai toujours de la première
fois que j’ai vu l’Arche. Mark a fait un travail époustouflant», reconnaît Russell Crowe.
«Quelle chance d’avoir un tel décor construit
pour notre film ! Darren voulait quelque chose de brut et viscéral, et c’est ce
que nous avons pleinement ressenti. Tout était bel et bien réel», ajoute Douglas Booth.
LE RÈGNE ANIMAL SUR L’ARCHE
Alors que l’Arche était, elle, bien concrète
et palpable, les animaux qui y ont trouvé refuge sont nés d’un mélange de magie
numérique et de maquettes sculptées. Il s’agissait en effet de donner le
sentiment au spectateur de voir des milliers d’animaux embarquer à bord du
navire, offrant un spectacle à couper le souffle. «Avec de vrais animaux, on est limité par les
espèces avec lesquelles on peut travailler, et c’est une énorme responsabilité
de s’en occuper. Je ne voulais pas non plus que l’Arche se transforme en un zoo
moderne. Concevoir les animaux numériquement nous a donné une plus grande
liberté de création et de mouvement pour témoigner de la fantastique diversité
du règne animal dans sa totalité»,
poursuit Aronofsky.
L’élaboration des animaux a débuté par le
travail d’Adrien Morot, célèbre maquilleur effets spéciaux cité à l’Oscar, qui
a ainsi rempli le plateau de maquettes de reptiles, de mammifères et d’oiseaux,
plus vrais que nature. Ils ont ensuite été animés en infographie. «Adrien a accompli un travail fantastique en
fabriquant ces animaux. On avait l’impression qu’ils étaient sur le point de
bouger», raconte Mary Parent.
Jennifer Connelly a été très émue de découvrir
les animaux dans l’Arche fraîchement construite. «C’était aussi impressionnant que n’importe
quel musée d’histoire naturelle que j’aie jamais visité», confie-t-elle.
Entretemps, le superviseur des effets spéciaux
Ben Snow de la société Industrial Light & Magic (IRON MAN, KING KONG) a
dirigé une équipe qui a passé des mois à mêler prouesses artistiques et
informatiques pour concevoir la ménagerie. L’équipe de Snow a travaillé avec
Aronofsky pour offrir au public un large éventail d’espèces, dont certaines ont
aujourd’hui définitivement disparu. «Créer chaque animal, et certaines créatures qui existaient bien avant le
déluge, nous a obligé à nous dépasser»,
admet Snow.
Une fois les animaux à bord de l’Arche, ils
sont endormis à l’aide d’une herbe spéciale pour les garder saufs jusqu’à la
fin du périple. «Avoir
tous ces animaux rassemblés dans un même endroit est un problème quasi
insurmontable. Beaucoup de monde a réfléchi à cette situation au fil du temps.
Et, d’après certains textes, il existe une tradition qui veut que les animaux
aient été plongés dans une sorte de coma pour empêcher les lions de dévorer les
agneaux. Nous sommes allés encore plus loin encore : dès que les animaux
pénètrent dans l’Arche, ils tombent dans un sommeil profond, et se reposent ainsi
jusqu’au moment où ils peuvent repeupler un Nouveau Monde», observe Ari Handel
DES ANGES DÉCHUS
L’équipe de Snow a également conçu
numériquement les Vigies, créatures imaginées par Aronofsky pour représenter
les Nephilim ou Géants qui auraient habité le Pays de Canaan dans la Genèse. «L’allure de ces Vigies a été un sacré défi.
Et il nous a fallu les meilleurs experts dans ce domaine pour y travailler,
d’Aaron McBride chez ILM à Aaron Simms de Los Angeles. Auparavant, Sam Messer,
sculpteur new-yorkais, nous avait fourni une idée concrète de l’allure qu’ils
devaient adopter», analyse Snow.
«Les Nephilim sont des anges déchus qui ne
sont mentionnés que dans un paragraphe de la Bible. Nous les avons nommés les
Vigies, et Frank Langella, Mark Margolis et Nick Nolte leur prêtent leur voix.
Ce sont des créatures fantastiques comme vous n’en avez encore jamais vues», reprend Aronofsky.
Bien que les animaux et les Vigies soient des
éléments imaginés pour NOÉ, Snow souligne qu’Aronofsky attache une grande
importance au réalisme le plus concret et à l’emprise que le film doit avoir
sur le public : il doit le plonger dans cette réalité comme si s’il s’agissait
de notre propre quotidien. «Je
crois que l’une des décisions les plus marquantes a été de tourner le film de
façon aussi réaliste que possible. Quand vous atteignez ce degré de
vraisemblance, cela fournit une base solide pour y incorporer des effets
visuels. Du coup, le spectacle est au rendez-vous sans être envahissant au
détriment de l’histoire. Tout tourne principalement autour de Noé et de sa
famille».
TOURNAGE EN ISLANDE
Il aurait pu être difficile de trouver un lieu
de tournage pour le monde de Noé d’avant le déluge, mais Darren Aronofsky
s’était très tôt fixé sur l’Islande qu’il avait découverte il y a plusieurs
années. Si le choix de ce pays peut sembler insolite pour y situer un récit
biblique, c’est l’aspect intact des paysages et la vitalité de cette région du
monde qui ont séduit le réalisateur : «Alors que je sillonnais l’Islande en voiture, je me suis dit que ce
serait un environnement formidable pour NOÉ», dit-il. «Il y a
là-bas quelque chose de primitif, et on peut même y voir de la vapeur
s’échapper de la terre».
De même, Scott Franklin a été conquis par le
pays. «On ne voulait surtout pas
avoir recours aux clichés des déserts de sable qu’on voit dans les vieux
péplums, et on souhaitait donc aller dans une direction nouvelle», dit-il. «L’Islande offre des paysages de lave arides et sombres
d’une étrange beauté, et à vingt minutes de route, on peut se retrouver au
milieu d’une vallée luxuriante et de cascades pouvant tout à fait camper
l’Éden. On a fait des repérages ailleurs, mais aucun endroit ne s’est avéré
aussi riche que celui-ci».
En Islande, Mark Friedberg a reconstitué une
communauté humaine corrompue, vouée à la destruction. «Le film se déroule dans un paysage désolé, où
les villes ont été décimées, où les habitants tentent de survivre en récupérant
de la nourriture comme ils peuvent, et où l’homme commet des péchés, non pas
tant contre son prochain, que contre la Création même», explique-t-il.
C’est ce même principe qui a présidé à la
conception du campement chaotique de Tubal-Caïn qui surplombe le chantier de
construction de l’Arche. «Tubal-Caïn
a entendu parler de cet homme qui a construit une forteresse gigantesque, et il
comprend alors de quoi il s’agit»,
ajoute Friedberg. «Ses
disciples, qui affluent des quatre coins du monde, le rejoignent alors car ils
ont aussi entendu dire que la fin est proche. Du coup, le campement est
construit à partir de ce qui reste des ruines des villes : par exemple, les
tentes sont fabriquées en vieilles banderoles et autres fanions».
S’il a tourné dans les paysages naturels de
l’Islande, le cinéaste a travaillé en étroite collaboration avec son
chef-opérateur. Ils ont ainsi eu recours aux dernières technologies, à l’instar
de la Spydercam – caméra suspendue à des câbles – et de la tyrolienne CableCam,
pour pouvoir balayer un champ très large, tout en filmant caméra à l’épaule
pour les scènes intimistes. Dans certaines séquences d’action, des centaines de
soldats et de réfugiés se précipitent vers l’Arche pour tenter d’avoir la vie
sauve. «Ces scènes de combat, tournées
de nuit, ont été intenses», note
Scott Franklin. «Les
figurants que nous avons recrutés à New York ont été formidables et les
cascadeurs ont fait un sacré boulot».
ET LA PLUIE SE MIT À TOMBER…
Alors que Noé achève de construire l’Arche, le
ciel s’assombrit, et la pluie diluvienne la plus terrible qu’ait jamais connue
l’humanité se déverse sur la Terre pendant 40 jours et 40 nuits. La création de
ces conditions climatiques extrêmes, à la fois réalistes et spectaculaires, a
été confiée au superviseur Effets spéciaux Burt Dalton, oscarisé pour L’ÉTRANGE
HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON.
«On voulait obtenir une
pluie d’envergure biblique», souligne-t-il. «Darren tenait à ce que ce soit des plus
impressionnants, si bien qu’on a employé les grands moyens. On a commencé par
faire des essais, mais Darren trouvait que ce n’était pas assez spectaculaire,
et nous a donc demandé d’y aller plus fort encore. En réalité, il voulait que
cette pluie soit si torrentielle que les gens aient même du mal à voir quoi que
ce soit et à parler, et c’est ce qu’on a fait».
Il a d’abord fallu enfouir
tout un dispositif de tuyaux dans le champ de l’Arboretum, où le décor de
l’Arche a été construit. «Pour fournir l’eau, nous disposions de deux pompes
gigantesques situées derrière l’Arche, et de cinq réservoirs de 80 m3
qui alimentaient les pompes», explique Dalton. «Nous avons ainsi enfoui 300 mètres de tuyaux de 30
cm sur toute l’étendue du champ pour construire ce système de canalisations.
C’est plus important qu’un réseau de distribution d’eau courante qui va de la
rue jusqu’à chez vous !»
Ce vaste réseau fournissait également l’eau à
plusieurs immenses grues, pesant chacune 300 tonnes, qui soutenaient six
«barres de pluie» conçues sur mesure : elles mesuraient 30 m de long sur 15 de
large et étaient munies de têtes de tailles différentes. «On pouvait actionner chaque tête à partir d’un
iPad», poursuit Dalton. «On pouvait ainsi obtenir de très grosses
gouttes ou de toutes petites, ou encore de la brume, en fonction des besoins de
la scène. Et lorsque les trois grues étaient en action, c’était près de 19 000
litres d’eau qui se déversaient par minute ! Je crois que c’est un record
absolu !» (Par ailleurs, l’eau était
soigneusement recyclée pour éviter tout gaspillage).
Entretemps, Libatique cherchait un moyen de
filmer ces scènes en plein été new-yorkais, et a donc résolu de tourner de nuit.
«Mais comment faire pour
tourner de nuit quand on veut obtenir un plan de nuages menaçants ?», s’interroge Dalton. «C’est alors que Matthew a eu une idée
brillante. Comme on construisait une énorme infrastructure pour la pluie, il a
suggéré de placer des lampes à l’intérieur de ballons remplis d’hélium afin
qu’ils diffusent une lumière douce, semblable à une journée nuageuse».
L’averse dégénère et se transforme bientôt en
déluge cataclysmique : c’est la séquence la plus complexe qu’ait eu à
orchestrer le superviseur Effets visuels Ben Snow. «Darren voulait vraiment quelque chose de
nouveau», se souvient-il. «Nous avons étudié de nombreux tableaux
religieux représentant le déluge, et ç’a été là une formidable source
d’inspiration. Mais on tenait surtout à ne pas être redondant par rapport à ce
qui a déjà été fait. Il ne fallait pas se contenter d’un torrent qui s’abat sur
les personnages, et le résultat est spectaculaire».
LA CONCEPTION DES COSTUMES
Pour enrichir la force du récit, Darren
Aronofsky a collaboré avec le chef-costumier Michael Wilkinson, cité à l’Oscar
pour AMERICAN BLUFF, afin que les costumes soient eux aussi empreints
d’originalité. «La
conception des tenues vestimentaires a suscité des discussions passionnées», rapporte Wilkinson. «On s’est documenté sur les civilisations
antiques, mais on s’est aussi penché sur les tenues actuelles destinées au
travail en extérieurs les plus sophistiquées, et c’est ce mélange qui a donné
un résultat incomparable».
Étant donné
l’importance accordée au style visuel, Wilkinson et son équipe se sont efforcés
de dénicher les tissus qui convenaient le mieux. «Nous nous sommes
intéressés aux fibres naturelles et aux textiles tissés à la main, mais nous
avons aussi collaboré avec de grands experts pour imaginer de nouvelles
étoffes», souligne Wilkinson.
Pour Noé, celui-ci souhaitait que son style
évolue : d’un jeune père enjoué aux cheveux longs, le héros se transforme en un
être chétif au crâne rasé. Par la suite, Noé porte des vêtements plus imposants
pour le protéger de l’atmosphère moite qui règne dans l’Arche : tandis que le
poids de l’épreuve se fait de plus en plus sentir, ses cheveux sont de plus en
plus en désordre. «À ce
moment de l’histoire, ses costumes sont vraiment usés jusqu’à la corde et il
n’a presque plus de cheveux»,
ajoute Wilkinson.
Contrairement à Noé, Tubal-Caïn arbore un
costume sophistiqué en cuir et une armure métallique, ainsi qu’une arme qu’il a
toujours à portée de main. «C’est
un guerrier redoutable et cruel, qui porte une longue cape, et les tissus qui
composent ses habits semblent étranges aux yeux de Noé et des siens», indique le chef-costumier.
Pour Winston, les séances de maquillage
duraient plusieurs heures par jour : c’est Adrien Morot qui était chargé de lui
dessiner ses blessures de guerre et de lui greffer ses longs cheveux courant
presque sur le sol. Pour ajouter encore à l’allure effrayante du personnage, le
maquilleur a même teinté le bout de ses mèches d’un jaune vif : «C’est une couleur sulfureuse qui rappelle le
‘tsohar’, autrement dit le combustible utilisé à l’époque pour faire du feu», explique Wilkinson.
Si Noé et les siens portent des tons naturels,
Wilkinson a apporté des notes de taupe à la garde-robe de Naameh, faisant ainsi
écho à la description d’une épouse vertueuse vêtue de pourpre dans les
Proverbes 31. «Pour
Naameh, nous avons eu recours à de la soie chinoise mélangée à un tissu
élastique, qu’on a ensuite brossée et froissée pour obtenir une belle étoffe
naturelle», renchérit-il.
Mais la conception des costumes ne s’est pas
limitée aux principaux acteurs. «Il y avait environ 400 figurants à prendre en compte, il a fallu qu’on
conçoive chacune de leurs tenues ex nihilo», ajoute Wilkinson. «On
en a fabriqué un certain nombre à New York, et d’autres au Maroc, où nous avons
fait fabriquer 400 paires de chaussures et de bottes, si bien qu’on a obtenu un
mélange intéressant de textures et de tissus. C’était une entreprise
gigantesque».
Ces derniers mots – «entreprise gigantesque» – peuvent parfaitement caractériser la production
tout entière, ce qui n’a pas empêché des moments de pure grâce et d’hymne à la
vie. Patti Smith, qui a composé la berceuse du film, se souvient d’une journée
extraordinaire où elle s’est rendue sur le plateau en Islande afin d’y puiser
son inspiration.
«J’étais là, et il a plu pendant un moment, et
puis le soleil s’est levé, et je me suis dit ‘Ce serait vraiment génial s’il y
avait un arc-en-ciel’», se
remémore-t-elle, en faisant allusion à l’arc-en-ciel de la Genèse, symbolisant
l’alliance indestructible entre Noé et Dieu. «Et tout à coup, j’ai vu un arc-en-ciel ! J’ai alors senti
quelqu’un qui me tapotait l’épaule, je me suis retournée, et c’était Russell
Crowe. Je me suis alors dit que c’était le signe annonciateur d’un grand film».
Entretien
avec Darren Aronofsky
Comment est née votre
fascination pour le mythe de Noé ?
C’est une drôle d’histoire en réalité. Tout a
commencé par un poème que j’ai écrit quand j’avais 13 ans. J’avais une
merveilleuse prof de littérature et un jour elle s’est adressée à toute la
classe et nous a dit : ‘Prenez
une feuille et un stylo, et rédigez un poème sur la paix’. J’ai fini par écrire un poème sur le mythe de
Noé. Je ne sais pas pourquoi. J’ai récemment retrouvé mon poème. Alors que
j’étais dans ma cave et que je cherchais mes vieilles cartes de base-ball pour
mon fils de 7 ans, je suis tombé dessus et je me suis dit, ‘Ouah, ça, ça a sûrement de la valeur !’
(rires)
Pourquoi avez-vous nourri ce projet depuis si
longtemps ?
Je trouve, tout
simplement, que c’est l’une des plus belles histoires de l’humanité. C’est une
histoire centrale, au carrefour des trois grandes religions monothéistes, le
judaïsme, l’islam et le christianisme. Toutes les civilisations connaissent le
mythe de Noé, et la plupart ont leur propre histoire de déluge : il y a, dans
cette histoire, quelque chose de fondamentalement révélateur sur l’être humain.
Et si personne n’avait encore cherché à la transposer pour le cinéma, c’est que
tout y relève du miracle, et qu’il aurait été très difficile de concrétiser un
tel projet avant les années 90. Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies,
on peut réaliser ce genre de film en prises de vue réelles. C’est un film
spectaculaire qui aborde de nombreuses idées, dont celle de l’espoir.
À partir du récit
biblique, quels sujets souhaitiez-vous conserver dans le film?
J’ai envisagé le texte comme une histoire
entièrement vraie. J’ai cherché à transposer cette dimension, comme quelqu’un
qui part d’un roman et qui se dit, ‘Bon, qu’est-ce que raconte ce livre et comment faire pour lui être
fidèle ?’ C’est comme ça que je m’y suis pris
pour Requiem for a Dream. On a donc fait en sorte que cette histoire
ait un sens et une résonance pour un public du XXIème siècle. Et, pour moi, il
y a énormément de thèmes dans l’histoire de Noé qui sont en prise directe avec
l’actualité. Le compliment qui m’a fait le plus plaisir de la part de mes amis
qui ont vu le film, c’est que les thèmes y sont extrêmement actuels, bien qu’il
s’agisse d’une histoire ancestrale.
Comment s’est passée votre collaboration avec
Russell Crowe ?
Russell est un type
brillant. Le plus remarquable chez lui, c’est qu’il est d’une grande
intelligence. Il vaut mieux avoir du répondant avec lui car il ne supporte pas
la médiocrité. Je pense que lorsqu’il est venu sur le plateau pour nous
rencontrer, il s’est rendu compte qu’il avait affaire à de vrais
professionnels. Assez vite, il s’est détendu et a arrêté de se demander si on
faisait notre travail dans les règles de l’art. Du coup, nous avons gagné son
estime. Je pense que le respect d’un homme comme lui se mérite. Il ne se
contente pas de vous l’accorder au nom de vos précédents films – il faut lui
prouver qu’on en est digne. Et tout s’est bien passé de ce point de vue.
C’était vraiment l’acteur idéal pour le rôle.
Comment avez-vous eu l’idée de lui confier le
rôle de Noé ?
C’est un rôle pour lequel j’ai eu énormément
de mal à trouver le bon interprète, non seulement en raison des nombreuses
perceptions du personnage dans l’inconscient collectif, mais aussi parce qu’il
a été très souvent représenté en peinture depuis des millénaires. Il me fallait
donc quelqu’un d’une grande rectitude et d’une grande force, tout en étant
parfaitement crédible et émouvant. La bible est traversée par l’idée de la droiture
morale, et Noé incarnait cette vertu. En matière de théologie, il existe un
débat passionnant autour de cette idée de droiture, défini comme un mélange de
justice et de compassion, et c’est une question à laquelle n’importe quel
parent peut être sensible. Si on est animé par un sens de la justice exacerbé,
on risque de perturber son enfant par excès de sévérité, et si on a trop de
compassion, on risque de le perturber par excès de laxisme. Il me fallait
quelqu’un qui ait cette rectitude morale.
Noé a une obsession : il prédit le déluge à
venir et il sait, de manière presque irrationnelle, comment agir. Qu’est-ce qui
vous attire chez les personnages obsessionnels ?
C’est difficile, pour moi, de vous dire d’où
me vient cette passion pour ce genre de personnages. Il y a quelque chose chez
eux qui me donne envie de me lever le matin ! Il faudrait sans doute que
j’aille consulter un psychothérapeute pour comprendre ce qui m’attire chez ces
personnages ! (rires) Ils m’attirent, un point c’est tout.
Il vous fallait un acteur d’envergure face à
Russell. Pourquoi avez-vous choisi Ray Winstone pour incarner Toubal-Caïn ?
Quand on a choisi de travailler avec Russell,
et qu’on a besoin d’un antagoniste, il y a très peu d’hommes sur cette planète
qui soient crédibles en personnage capable de flanquer une raclée à Russell
Crowe ! Je me suis dit, ‘avec
Ray, j’y crois’. Et au moins, ça
pouvait donner lieu à une bonne scène de bagarre.
Aviez-vous des
illustrations que vous pouviez montrer aux acteurs pendant les auditions ?
Oui. Je ne me souviens pas exactement du
détail, car c’était il y a environ trois ans, mais c’est en général comme ça
que je travaille. C’est très utile, surtout en amont, de pouvoir donner aux
gens que l’on rencontre un aperçu du film qu’on veut faire, particulièrement
pour un tel projet. Quand on leur dit qu’on va faire un film sur Noé, ils
s’imaginent des tas de choses, surtout les acteurs. La première chose que je
voulais leur dire, c’est qu’on n’allait surtout pas jouer la carte du péplum,
avec sandales, cothurnes, longues robes et barbes blanches ! Très vite, j’ai
voulu qu’on ait des illustrations qui allaient à l’encontre de ce genre de
représentations, si bien que les acteurs puissent avoir une autre idée de Noé
que celle de leur grand-mère et se disent ‘Voilà une approche nouvelle de ce récit biblique !’
Parlez-nous du tournage
en Islande et de son influence sur le style visuel du film ?
En réalité, je me suis rendu en Islande pour Pi,
il y a plusieurs années, et j’ai adoré ce pays. J’ai sympathisé avec quelques
Islandais et, du coup, j’y suis retourné au fil des années. Il y a quatre ou
cinq ans, alors que je réfléchissais au projet de Noé, et que je traversais le
pays en voiture, je me suis dit – ‘Bon Dieu, mais bien sûr !’
Il y a là-bas quelque chose de primitif parce que c’est un pays neuf. La terre
semble se soulever là-bas : le pays est situé sur une plaque tectonique qui
scinde l’Atlantique en deux. On voit de la lave qui surgit du sol, et c’est ce
qui constitue l’Islande. Du coup, c’est un pays très neuf, comparé, par
exemple, à Brooklyn (rires) ou à n’importe quelle région du monde. Et
comme c’est un pays neuf, on y éprouve un sentiment d’éternité. Je me suis
alors dit que ce serait une formidable idée de tourner cette histoire
ancestrale dans l’un des pays les plus neufs du monde, car c’est à cela que le
monde devait ressembler à cette époque. Et on a commencé à imaginer une
esthétique à partir des paysages islandais.
Et l’Arche ?
L’Arche est un mélange de plusieurs choses. Un
autre paysage nous a influencés : il s’agit de la forêt, située dans le
nord de Long Island, où nous avons fini par construire l’Arche. Il nous fallait
un vaste champ, et nous l’avons déniché près de New York. C’est comme ça que
nous avons choisi la variété d’arbres qu’on voit dans le film. Je dirais donc
que le style visuel mêle les paysages de Long Island et de l’Islande.
Vous avez fait construire
l’extérieur et l’intérieur de l’Arche. Comment avez-vous trouvé le bon
équilibre entre les décors en dur et ceux générés en infographie ?
Je crois vraiment que les comédiens apprécient
les décors en dur. On a beau avoir une imagination fertile – tourner devant un
fond vert ne remplace pas le fait de se retrouver à devoir marcher sur des
rondins à 10 ou 12 mètres au-dessus du sol. On peut stimuler leur imagination,
mais il faut donner le maximum d’éléments aux acteurs pour qu’ils aient le
sentiment que l’environnement dans lequel ils tournent est crédible. Est-ce que
c’est difficile ? Bien sûr, puisqu’il faut choisir le style visuel avant même
de tourner. Il faut aussi décider de la palette chromatique, des matières et
des rapports d’échelle, mais je pense qu’il y a plus d’avantages que
d’inconvénients. Au bout du compte, c’est un équilibre à trouver, entre les
dépenses liées à la construction d’un décor réel et les conséquences d’un
recours massif au numérique. Et, bien entendu, il n’y a rien de tel qu’un objet
éclairé par une véritable source de lumière, aussi perfectionnée que soit
l’infographie – grâce à laquelle, d’ailleurs, nous avons conçu tous les
animaux. Mais le résultat qu’on obtient lorsqu’on tourne véritablement une
scène est unique.
Depuis combien de temps les technologies
per-met-tant de réaliser un tel film existent-elles ?
À mon avis,
depuis que j’envisage ce projet, autrement dit, depuis dix ou quinze ans. Je
pense que ces technologies sont plus accessibles et offrent davantage de
possibilités chaque jour, et que les prouesses sont de plus en plus bluffantes
chaque année. L’eau dans ce film a un rendu extraordinaire, mais quand j’ai
tourné The Fountain, et alors même qu’on n’avait qu’un peu d’eau
à faire réaliser en numérique, cela m’avait terrifié, car la technologie
n’était pas au point. Aujourd’hui, c’est plus facile de réaliser de l’eau –
enfin, pas facile, mais beaucoup plus faisable, et en tout cas, très
convaincant.
Aviez-vous tenté de réaliser ce film
antérieurement ?
Oui. Quand j’ai terminé Pi,
en 1998, j’ai commencé à y réfléchir. C’était il y a une quinzaine d’années. Je
n’avais pas la moindre idée de l’envergure d’un tel projet. Je débutais à peine
ma carrière de réalisateur et j’étais assez inconscient. Parfois, la naïveté
peut s’avérer votre meilleur atout, mais le projet ne s’est pas concrétisé à
cette époque. Et puis, il y a six ans environ, nous avons écrit le scénario
pour un studio, mais la direction générale a changé, et ça n’a pas abouti. Je
crois vraiment me souvenir qu’un mois exactement après avoir signé le contrat,
le studio a changé de direction. Le projet s’est donc retrouvé au point mort.
Par la suite, pendant la postproduction de Black Swan,
j’ai reçu un coup de fil d’Arnon Milchan, de New Regency, qui m’a dit : ‘Faisons un truc dingue ensemble’. Et je lui ai répondu : ‘Eh bien, j’ai justement un projet dingue qui
n’attend que ça.’ Il a pris le
premier avion, il a lu le scénario et il m’a dit ‘Ok, on y va’. Et puis, nous avons rencontré les gens de la
Paramount. Au final, ça n’a pas été un cheminement si difficile.
Comment s’est passée l’écriture avec Ari
Handel ? Avez-vous vraiment écrit le scénario à quatre mains ?
Avec Ari, nous passons beaucoup de temps à
échanger des idées. Et puis, nous travaillons la structure ensemble, parfois en
notant des choses sur des fiches. Ensuite, nous étalons toutes les fiches, nous
en colorions certaines, afin d’établir des liens entre certains personnages et
scènes. On établit donc un graphique qu’on peut coller au mur et consulter. En
général, Ari est le plus courageux de nous deux, et c’est lui qui démarre
l’écriture. Il se lance et dès qu’il est arrivé à 10 pages, il m’envoie ce
qu’il a fait. À partir de là, je me l’approprie et le réécris. Et en fin de
compte, on aboutit à une première version. Et puis, 80 ou 90 versions plus
tard, on entame le tournage. La réécriture est fondamentale dans l’élaboration
du scénario.
Appréciez-vous autant ce type de grosses
pro-duc-tions que les projets plus modestes ?
Sur ces grosses productions, il y a bien
d’autres choses à prendre en compte que de diriger les acteurs. D’ailleurs, ce
que je préfère, c’est bien le travail avec les acteurs. Je n’aime rien tant que
ce moment entre ‘Action !’ et ‘Coupez !’, où l’on est
seul avec les comédiens et où toute l’équipe est entièrement focalisée
là-dessus. Mais, comme je l’ai dit, il y a beaucoup d’autres choses à prendre
en considération : on doit raconter une histoire de plus grande envergure, et
toucher un très large public – enfin, il faut l’espérer. C’est très exaltant.
Mais ce que je préfère, c’est la direction d’acteurs. Du coup, il ne faudra pas
s’étonner si mon prochain projet est un film plus modeste.
À quel moment
commencez-vous à faire appel à vos fidèles collaborateurs pour vous aider ?
C’est un peu comme Mission : Impossible ! (rires) Ça dépend. Par
exemple, pour The
Wrestler, j’ai travaillé avec une toute nouvelle
équipe. Et pour Black Swan, j’ai refait appel à des collaborateurs avec
qui j’avais déjà travaillé. C’est très confortable de travailler avec des gens
avec qui on a déjà collaboré car on sait de quoi ils sont capables. On sait
qu’on peut leur parler franchement puisque ce sont des amis. Je pense que c’est
important, quand on est metteur en scène sur un gros film comme celui-là,
d’être entouré d’amis qui ne s’en laissent pas compter et qui vous considèrent
comme un être humain. On peut facilement se retrouver dans la position du roi
nu ! J’aime bien être entouré de gens que je connais car ils n’hésitent pas à
me botter les fesses si je commence à faire le con. C’est toujours salutaire.
Vous avez aussi dirigé de jeunes comédiens,
comme Logan Lerman, Douglas Booth et Emma Watson.
Je ne connaissais pas Logan [Lerman] du tout.
Quand il est venu à l’audition, je me suis dit, ‘Bon Dieu, ce type est génial !’ Et puis, j’ai vu ce qu’il avait déjà fait, et
j’ai compris que d’autres, avant moi, s’étaient rendu compte qu’il était
formidable… Mais il m’a bluffé. Il ne correspondait pas à l’image que je
m’étais faite du rôle, mais il était tellement convaincant que j’ai accepté son
approche. De même, j’ai trouvé que Douglas Booth était un comédien incroyable,
et cela a été une totale découverte pour moi. Il est très bon. Son problème,
c’est qu’il est tellement beau qu’il va falloir qu’il surmonte ce handicap ! (rires)
En tout cas, il sait jouer. Quant à Emma [Watson], je n’ai pas vu la saga Harry Potter car ce n’est plus de mon âge, et que mon fils est trop petit.
Lorsqu’elle est venue pour son audition, je l’ai trouvée très intéressante.
Elle m’a pris entièrement par surprise. Pour être honnête, je ne m’y attendais
pas. Elle ne figurait même pas sur ma liste d’actrices potentielles : elle a
débarqué un jour dans le bureau, et c’est comme ça qu’elle a décroché le rôle.
Ce n’est donc pas du tout lié à ce qu’elle avait fait jusque-là.
Vous étiez heureux de retrouver Jennifer
Connelly, après Requiem
For a Dream ?Beaucoup de gens se souviennent encore de la projection du film à Cannes, qui a
dû être un moment-charnière dans votre parcours…
Cette projection à 3h du matin ? C’était un
sacré moment ! (rires) J’en reparlais encore l’autre jour. C’est
drôle, parce que les réseaux sociaux n’existaient pas encore, si bien qu’on
n’avait pas d’infos. J’aurais bien aimé qu’ils existent d’ailleurs… Il y avait
beaucoup de buzz autour du film, mais on l’apprenait en tombant sur quelqu’un
dans la rue qui avait aimé le film. Il n’y avait aucun moyen de relayer l’info
au reste du monde. C’est un moment magique dans ma vie.
Est-ce que vous ressentiez l’enthousiasme dans
la salle ?
J’étais sidéré à cause de la réaction de
l’écrivain et scénariste Hubert Selby Jr. Le public a applaudi à tout rompre
jusqu’à ce qu’Hubert et Ellen [Burstyn] quittent la salle. Mais même après cet
accueil, on ne savait pas très bien à quoi s’attendre. Le film est sorti et a
généré quelque 3 millions de dollars aux États-Unis, ce qui n’était pas rien.
Aujourd’hui, je ne croise pas une personne qui ne l’ait pas vu. Même des
jeunes. C’est un vrai motif de fierté. Car mon rêve, quand j’étais gamin,
c’était de tourner Taxi
Driver. Et c’est génial d’avoir pu réaliser
un film qui n’est sans doute pas aussi fort que Taxi Driver, mais qui en est une variation, et qui a donné envie à pas mal de gens
de faire une école de cinéma.
Vous envisagiez de confier le rôle de la femme
de Noé à Jennifer depuis le début ?
J’ai très tôt pensé à elle, parce que je me
disais qu’elle avait une beauté atemporelle et une grâce qui correspondaient
bien au personnage de cette mère. Elle avait aussi, bien entendu,
l’intelligence. Je l’ai convaincue d’accepter le rôle. Une fois encore, il
s’agit d’un film qui se déroule à une époque et dans un espace irréels. Comment
faire en sorte que les comédiens soient crédibles dans un tel contexte ?
Jennifer s’est totalement appropriée cet univers.
Anthony Hopkins est, lui aussi,
impressionnant…
Il est hallucinant ! Quand on cherche un
acteur pour Mathusalem, le plus vieil homme au monde, les attentes sont
immenses. C’est un personnage très difficile à composer. J’ai envisagé
plusieurs pistes. Au départ, j’ai pensé à prendre une femme âgée pour camper le
rôle. Je ne savais pas comment m’y prendre… Et puis, quand l’idée d’Anthony
Hopkins s’est imposée à nous, je me suis dit ‘Voilà la bonne
approche ! Ce sera un guerrier doté d’une grande force’. Et il se trouve que Mathusalem avait vraiment
une épée. Dans certains textes, on raconte qu’il a découvert une épée. Il combattait
la cruauté de l’humanité, et c’est cette dimension-là qu’on a représentée dans
le film. Je le vois comme un grand guerrier.
Êtes-vous
sensible au buzz qui circule autour d’une grosse production comme celle-là?
Je pense qu’il est important de comprendre ce
qui se passe et ce que racontent les gens. J’imagine que lorsque le film
sortira, je prendrai des vacances et disparaîtrai pour un petit moment ! Mais
c’est important de ne pas se couper du monde et de rester connecté. D’ailleurs,
je trouve que les réseaux sociaux représentent un grand espoir. Je crois
vraiment que les printemps arabes, et autres révoltes, ont été alimentés par
Twitter et Facebook. Je pense même que ce sont des outils qui, d’une certaine
façon, vont pouvoir nous sauver. C’est devenu très difficile de camoufler la
réalité et, lorsque des violences se produisent, il y a des images qui en
attestent et qui circulent. Autrefois, c’était très facile de garder des
événements secrets. On pouvait bâtir des murs autour de ce qui se passait pour
couper des populations entières du reste du monde. Vous imaginez le Mur de
Berlin dans le monde actuel ? Vous imaginez les gens en train de poster des
messages sur Facebook à travers cette frontière ? Je ne pense pas qu’on puisse
encore dissimuler la moindre information. Je repense à ce qu’Edward Snowden a
fait, et à ses conséquences mondiales, et je trouve que c’est très intéressant.
Et même s’il y a des drames terribles qui ont lieu, les gens peuvent continuer
à communiquer et à faire savoir ce qui se passe à la terre entière.
Et en tant que cinéaste, prêtez-vous attention
à ce qu’on raconte sur vos films ?
Ça m’est égal.
Et je m’y suis habitué. Quand je tournais The Wrestler,
les gens disaient ‘mais
pourquoi a-t-il choisi Mickey Rourke pour tourner un film sur le catch ? Il est
fou ! ‘ Et puis, j’ai réalisé un film autour
du ballet, et j’ai entendu des rumeurs du genre ‘Mais qu’est-ce qu’il y connaît au ballet ?’ Et aujourd’hui, alors que je m’intéresse à la
bible, les gens disent ‘Qu’est-ce
qui lui prend de faire un film tiré de la bible ? Il est devenu mystique ?’ J’ai toujours fait ce que je voulais, et c’est
encore le cas avec ce film. Je crois que lorsque le public le verra, il
comprendra ce qui m’a donné envie de le faire.
Craignez-vous qu’un film à caractère religieux
comme celui-là déclenche une polémique ?
Non. Le film est parfaitement fidèle au texte
biblique. On n’a pas cherché à inventer quoi que ce soit. Bien entendu, nous
l’avons un peu interprété, parce que, dans la Genèse, il ne fait que quatre
paragraphes et que Noé ne s’exprime jamais. Et quand on a un acteur tel que
Russell Crowe, il est impossible de ne pas le faire parler ! On s’est vraiment
posé la question de savoir comment faire de ce court récit un long métrage,
mais je pense que les croyants y retrouveront tous les thèmes abordés dans le
texte d’origine. Nous nous sommes beaucoup documentés. Mais le film se déroule
dans un monde qui défie l’entendement. Tout comme la Terre du Milieu a été
inventée, nous avons décidé d’imaginer un univers à partir des indices contenus
dans la bible. Nous avons donc bâti un monde fantastique, mais fidèle à
l’histoire originelle. Je pense vraiment qu’il s’agit d’un film susceptible de
réconcilier croyants et non-croyants, et d’inciter au dialogue entre eux.
Votre propre foi entre-t-elle en ligne de
compte ?
Ce que je crois personnellement n’a pas
d’importance. Ce qui compte, c’est mon approche du texte, et je l’ai envisagé
comme totalement authentique. En le lisant, je me suis dit que je tenais à
raconter l’histoire de Noé, et c’est pour moi le plus important. Le public
pourra percevoir la réalité et l’authenticité du texte à travers le film. Il ne
s’agit donc pas d’un débat personnel, mais d’un débat que je prends très au
sérieux.
Une autre transposition
de la bible se prépare. Avez-vous téléphoné à Ridley Scott pour lui parler d’Exodus ?
Non ! (rires) J’ai discuté
avec Peter Chernin, producteur du film, car lorsque le projet de Noé
était au point mort, ce scénario m’intéressait. J’ai hâte de voir le film.
J’adore Ridley. Il fait partie de mes cinéastes préférés et il a toujours été
adorable avec moi. Même lorsqu’un simple article sur Ridley Scott – l’un de mes
héros – mentionne mon nom, je suis ravi. C’est très flatteur.
Comment expliquer que ces histoires traversent
le temps ?
Ce sont les premiers films de super-héros, et
ce sont des récits extraordinaires.
© 2013 Paramount Pictures. All Rights Reserved.
Autre post du blog lié à NOÉ : http://epixod.blogspot.fr/2014/03/back-to-future_4796.html
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