Action/Drame/Un film impressionnant, un superbe acteur
Réalisé par J. C. Chandor
Avec Robert Redford
Long-métrage Américain
Durée : 01h46mn
Année de production : 2013
Distributeur : Universal Pictures International France
Date de sortie sur les écrans U.S. : 18 octobre 2013
Date de sortie sur nos écrans : 11 décembre 2013
Résumé : Au cours d'un voyage en solitaire à travers l'Océan Indien, un homme découvre à son réveil que la coque de son voilier de 12 mètres a été percée lors d'une collision avec un container flottant à la dérive. Privé de sa radio et de son matériel de navigation, l'homme se laisse prendre dans une violente tempête. Malgré ses réparations, son génie marin et une force physique défiant les années, il y survit de justesse. Avec un simple sextant et quelques cartes marines pour établir sa position, il doit s'en remettre aux courants pour espérer se rapprocher d'une voie de navigation et héler un navire de passage. Mais le soleil implacable, la menace des requins et l'épuisement de ses maigres réserves forcent ce marin forcené à regarder la mort en face.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j’en ai pensé : ALL IS LOST a été, pour moi, une très belle découverte lors du 39ème Festival du Film Américain de Deauville en Septembre 2013. Le film m’a impressionné. Il s'agit du deuxième film de J. C. Chandor, après MARGIN CALL (2011) que j'avais déjà trouvé fort intéressant. Il s'agit donc d'un réalisateur à suivre de près.
Dans ALL IS LOST, il y a un seul personnage et pratiquement aucun dialogue. Il s’agit d’un homme qui lutte pour sa survie face à la mer. Ce n’est pas un marin d’eau douce. C’est un homme solitaire équipé comme il se doit dans sa situation. Le fait qu’il soit visiblement un marin expérimenté et qu’il possède tout l’équipement nécessaire, crédibilise totalement l’histoire et lui donne tout son intérêt.
Des événements vont survenir et mettre son périple et sa vie en péril. Le film est très précis. Chaque scène sert à décrire les actions et réactions de ce marin face aux problèmes qu’il rencontre. Robert Redford est absolument bluffant. Il occupe la scène sans dire un mot et nous entraîne dans ses aventures. Je ne me suis pas ennuyée une seconde.
JC. Chandor nous offre un long métrage hyper réaliste avec de superbes images.
Il filme son acteur au plus près, il se passe tout le temps quelque chose. Sans rien savoir de cet homme, on a de l’empathie pour lui. De ce fait, on veut savoir ce qu’il va se passer et comment l’histoire va se terminer. On s'accroche et pendant une heure et quarante six minutes on vit au rythme de l’océan. On en ressort surpris par cette expérience inhabituelle, avec l’impression d’avoir retenu sa respiration pendant un long moment.
J’ai beaucoup aimé ce film doté à la fois d'une histoire simple, d'une mise en scène spectaculaire et d'un acteur superbe. Je vous conseille d’aller le découvrir sur grand écran.
Dans ALL IS LOST, il y a un seul personnage et pratiquement aucun dialogue. Il s’agit d’un homme qui lutte pour sa survie face à la mer. Ce n’est pas un marin d’eau douce. C’est un homme solitaire équipé comme il se doit dans sa situation. Le fait qu’il soit visiblement un marin expérimenté et qu’il possède tout l’équipement nécessaire, crédibilise totalement l’histoire et lui donne tout son intérêt.
Des événements vont survenir et mettre son périple et sa vie en péril. Le film est très précis. Chaque scène sert à décrire les actions et réactions de ce marin face aux problèmes qu’il rencontre. Robert Redford est absolument bluffant. Il occupe la scène sans dire un mot et nous entraîne dans ses aventures. Je ne me suis pas ennuyée une seconde.
JC. Chandor nous offre un long métrage hyper réaliste avec de superbes images.
Il filme son acteur au plus près, il se passe tout le temps quelque chose. Sans rien savoir de cet homme, on a de l’empathie pour lui. De ce fait, on veut savoir ce qu’il va se passer et comment l’histoire va se terminer. On s'accroche et pendant une heure et quarante six minutes on vit au rythme de l’océan. On en ressort surpris par cette expérience inhabituelle, avec l’impression d’avoir retenu sa respiration pendant un long moment.
J’ai beaucoup aimé ce film doté à la fois d'une histoire simple, d'une mise en scène spectaculaire et d'un acteur superbe. Je vous conseille d’aller le découvrir sur grand écran.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)
Écrit et réalisé par J.C. Chandor (MARGIN CALL, 2011), nominé aux Oscars, avec une bande originale signée Alex Ebert (leader du groupe Edward Sharpe & The Magnetic Zeros), le film est une ode brutale et poignante à l'ingéniosité et à l'endurance humaines. J.C. Chandor souhaitait réaliser un thriller en haute mer bien avant que son premier film en tant que scénariste et réalisateur, MARGIN CALL (2011), ne soit nominé à l’Oscar du Meilleur Scénario adapté, mais il fallut presque six ans pour que mûrisse l’idée originale qui allait devenir ALL IS LOST, une poignante aventure se déroulant entièrement en mer autour d’un protagoniste unique et anonyme qui ne prononce que quelques mots.
« C’est une histoire très simple, celle d’un homme d’âge mûr qui part faire un tour de quatre ou cinq mois seul sur son voilier », explique J.C. Chandor. « Le destin veut qu’un accident endommage son bateau, et on assiste alors à 8 jours de lutte pour sa survie. »
Avec ses 30 pages de descriptions sans aucun dialogue, le scénario d’ALL IS LOST ne ressemblait guère à celui d’un film traditionnel qui avoisine généralement les 120 pages, au point que le producteur Neal Dodson demanda d’abord à J.C. Chandor quand il allait lui faire parvenir la suite. « Quand J.C. m’a répondu que c’était le scénario dans sa totalité, ça m’a inquiété et enthousiasmé en même temps », se souvient Dodson. « Le premier film que nous avons fait ensemble reposait sur les dialogues. Ici, c’était l’inverse. Je reconnais m’être tout de suite dit, je ne vois vraiment pas comment on va trouver les financements. C’était très original et audacieux. »
Quant à la coproductrice de MARGIN CALL, Anna Gerb, elle fut impressionnée par la force et la rigueur du scénario : « Après l’avoir lu, j’ai regardé J.C. et je lui ai dit : « Ouah, j’ai le mal de mer. » En tant que productrice, j’aime par définition tenir les commandes. Je n’aurais jamais pu imaginer me retrouver sur un voilier au milieu de l’océan, à la merci des éléments. »
A l'inverse, J.C. Chandor est un habitué de la voile : « Je n’ai jamais navigué seul sur l’océan, mais j’ai grandi au milieu des voiliers et je connais bien ce monde. »
La simplicité de l’histoire et le défi formel et technique qu’elle représentait sont les principaux éléments qui l’ont motivé à faire ce film qui n’est pas sans rappeler Le vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway. Neal Dodson déclare : « C’est un film d’action existentiel, l’histoire d’un homme seul en mer, luttant contre les éléments et contre lui-même. »
Une étape essentielle à sa réalisation tient évidemment à la participation de Robert Redford. Acteur emblématique, réalisateur deux fois récompensé aux Oscars et fondateur du festival et de l’institut de Sundance, dédiés à la production et la promotion du cinéma indépendant, il a fait la connaissance de J.C. Chandor lors de la présentation de MARGIN CALL en janvier 2011 à Park City. « J’apprécie J.C. Chandor. Il incarne exactement le genre de cinéastes auxquels nous souhaitons apporter notre soutien. Il a une approche, une façon de montrer et de raconter son histoire très personnelles », déclare Redford.
Mais quand le jeune réalisateur annonça à Dodson qu’il souhaitait proposer à cet acteur de légende le rôle du personnage unique du film, appelé simplement « notre homme » dans le scénario, le producteur prit conscience que la partie était encore loin d’être gagnée. « J’ai dit à J.C. : « Écoute, il y a deux options. Soit il dira, « bien sûr que oui, ça a l’air génial », soit « Pourquoi voulez-vous que je fasse ça ? Je n’ai plus rien à prouver. Pourquoi ferais-je une chose pareille ? » Et à notre immense bénéfice, il a dit oui. »
Quant à l’acteur, il fut conquis par l’originalité du projet qu’il décrit comme l’histoire d’un homme qui fait « un sacré voyage et prend une sacrée dérouillée. » « J’ai vraiment aimé le scénario parce qu’il était différent », explique Redford. « C’était audacieux, singulier, et sans dialogues. J’ai eu la conviction que J.C. resterait fidèle à son approche. Même si tout n’était pas expliqué noir sur blanc, j’avais confiance en lui, je savais qu’il savait parfaitement où il allait et je me suis rallié à sa mission les yeux fermés. Ce fut une expérience très intéressante et enrichissante pour moi. » Étonnamment, Robert Redford déclare qu’il reçoit peu de propositions de rôles des cinéastes indépendants qu’il défend. « C’est assez ironique, après presque 30 ans à la tête de Sundance, aucun des réalisateurs auxquels j’ai apporté mon soutien ne m’a engagé. Ils ne me proposent jamais de rôle ! J.C. est le seul ! » s’amuse-t-il à dire.
Après avoir fait mouche avec la distribution de leur seul et unique rôle, les producteurs se réunirent pour passer en revue ce que le tournage impliquait. Il leur fallait tout d’abord trouver une poignée de voiliers et un endroit où les faire couler. En effet, pour tourner l’histoire d’un homme et de son bateau, baptisé le Virginia Jean, il fallait en fait trois bateaux, et plus spécifiquement trois voiliers Cal Yachts de 12 mètres de long : un pour les scènes en extérieur, un pour les scènes d’intérieur et un troisième pour les effets spéciaux. Mais comme en témoigne le chef décorateur John Goldsmith, dont les précédents films incluent NO COUNTRY FOR OLD MEN (Ethan & Joel Cohen, 2007) et LE DERNIER SAMOURAÏ (Edward Zwick, 2003), il n’est pas évident de trouver deux voiliers identiques : « On les a dénichés dans trois ports différents, à l'étranger. On était en préparation de tournage depuis deux semaines quand on a enfin pu les mettre côte à côte et commencer notre travail. » Une fois les voiliers réunis, l’équipe s’attela à leur mener la vie dure. « On a fait subir à ce bateau tous les sévices possibles », raconte le réalisateur. « On l’a coulé, ramené à la vie, on lui a fait parcourir des centaines de milles et traverser une tempête, on l’a fait chavirer, on l’a encore coulé. Il était essentiel pour nous de savoir comment ces bateaux fonctionnent et réagissent, comment ils se gouvernent et comment ils coulent, en plus de tous les éléments de navigation nécessaires à notre histoire. »
Le réalisateur et le chef décorateur collaborèrent étroitement pour donner au bateau un passé qui aiderait à mieux appréhender le personnage interprété par Robert Redford. « J.C. et moi avons eu de passionnantes discussions sur ce qu’on voulait dire de « notre homme » à travers son bateau », se souvient John Goldsmith. « Quelle vie avait-il vécue ? Avait-il été dans l’armée ? Était-il un homme d’affaires ? Un père de famille ? » J.C. Chandor donna au chef décorateur des notes détaillées : pour lui, l’homme a acheté le bateau à 51 ans, six ans après que celui-ci ait été construit. Dix ans plus tard, l’entretien du bateau a un peu été négligé en raison des difficultés économiques des années 90. Sept années plus tard, l’homme a pris sa retraite et a investi 20 000 dollars dans la remise en état du voilier. « Il a très bien pu changer les banquettes qui étaient usées, remplacer les vitres, ajouter quelques appareils électroniques. Le bateau est témoin du passage du temps, on peut y lire les différentes époques qu’il a traversées. Il n’était pas question de le rénover totalement et il fallait faire attention à ne pas être trop voyant, à rester discret », explique John Goldsmith.
Le caractère solitaire de ce film donna au réalisateur l’occasion de laisser sa caméra s’attarder sur Robert Redford et sur les gestes simples qu’il exécute, d’une façon qu’on a rarement eu la chance de voir à l’écran. « On ne regarde pas souvent quelqu’un penser », remarque Neal Dodson. « La majorité des films fonctionnent sur un montage très rapide, et je les apprécie aussi. Mais ici, c’est différent. Il y a certes des scènes d’action mais la caméra prend son temps avec le personnage. On l’observe manger une soupe en boîte, boire un verre de bourbon, cuisiner, se tenir debout sous la pluie. »
Lors d’une scène mémorable, le navigateur, de l’eau jusqu’à la poitrine, regroupe les maigres provisions qui restent encore sur son voilier alors que celui-ci s’enfonce inexorablement. Il fait une pause devant le miroir et se rase, peut-être pour la dernière fois de sa vie. « On lutte contre l’adversité de manière étrange », déclare l’acteur. « Et quand le sort s’acharne sur nous, on se bat pour que la vie conserve un minimum de normalité, même si ça peut sembler bizarre. » L’acteur, connu pour réaliser lui-même la plupart de ses cascades, dut également se soumettre à des scènes très physiques : se hisser en haut du mât de 20 mètres, se faire traîner derrière le voilier, nager sous l’eau au milieu des voiles submergées, et dans la séquence d’ouverture au cours de laquelle le bateau percute un container, sauter de l’un à l’autre. « Nous avons envoyé le voilier contre un container de marchandises avec Bob à bord », raconte le producteur. « Comme on peut le voir à l’écran, le choc fut brutal et Bob est allé s’écraser contre le bord du bateau. Nous l’avons ensuite mis sur un radeau de sauvetage que nous avons fait chavirer. Malgré tous ces sévices, il était toujours partant. » « C’était stimulant de le voir réaliser lui-même ses cascades », se souvient Anna Gerb. « Mais aussi un peu effrayant. Heureusement, il est en très bonne forme physique et il adore nager. Le simple fait d’être mouillé toute la journée est exténuant pour un acteur, mais son ardeur et son dévouement ont pris le dessus. »
Redford attribue au réalisateur le mérite d’avoir tiré le meilleur de lui en tant qu’acteur : « J’ai fait ça pour J.C.. Je l’apprécie, il est d’une nature joyeuse et d’un tempérament formidable. Mais le plus impressionnant, c’est le foisonnement et la rapidité de son esprit. Je lui prédis une belle carrière. Il sait ce qu’il veut et comment il veut l’obtenir, mais il n’est pas impérieux et reste détendu, ce que je trouve épatant. Il est très intuitif, avec un point de vue très personnel, et je crois fermement à son aptitude à mener à bien son entreprise. »
L’utilisation des images de synthèse se limite essentiellement à la mise en valeur des arrière-plans et du ciel, et des vagues qui entourent le bateau et s’abattent sur « notre homme ». Tous les effets visuels ont été réalisés par l’équipe de Spin VFX, basée à Toronto, et supervisés par le réalisateur et Robert Munroe, dont les films précédents incluent X-MEN (Bryan Singer, 2000) et BLADE II (Guillermo del Toro, 2002).
Tourner en mer n’est pas chose facile, et c’est d’autant plus vrai avec ALL IS LOST qui ne contient aucun plan sur la terre ferme. Il a été filmé à différents endroits dans l’océan Pacifique et autour des Caraïbes, ainsi qu’au large de la côte d’Ensenada au Mexique, ce qui a valu à Robert Redford une entrée au port à bord du Virginia Jean dont le flanc transpercé avait été rafistolé tant bien que mal. « C’était fascinant de voir la réaction des vrais marins sur la marina », raconte la productrice. « Ils regardaient notre bateau, qui avait de toute évidence traversé des moments difficiles, et qui avançait avec une équipe de tournage accrochée à son flanc et Robert Redford à sa barre. »
Les plans de la faune sous-marine, qui incluent des bancs de sérioles, de barracudas et des douzaines de requins aussi menaçants que fascinants, furent tournés aux Bahamas, au large des côtes de Nassau et de Lyford Cay, où une équipe entière s'immergea pour l'occasion à plus de 18 mètres de profondeur.
Les séquences où figurent d’énormes navires de transport furent tournées aux alentours de Los Angeles, au sud du port de Long Beach et plus au nord, près de l’île de Santa Catalina.
Mais le grand large n’est pas vraiment l’endroit idéal pour y faire couler un voilier. Pour ces scènes et quelques autres, comme la collision du bateau avec le container de marchandises, l’équipe eut recours aux plus grands bassins de tournage du monde, aux studios Baja, situés à Rosarito Beach, le long de la péninsule de Basse- Californie, à l’ouest du Mexique. Ces équipements furent construits de toutes pièces par James Cameron pour les besoins du tournage des scènes spectaculaires de son film TITANIC (1997), et certains techniciens des studios, dont la productrice exécutive Luisa Gomez da Silva, se considèrent comme issue de la « génération Titanic ». Trois réservoirs géants furent utilisés pour différentes scènes, dont le plus grand réservoir en extérieur, construit sur l’océan avec l’horizon en arrière-plan. « Il a la taille de trois terrains de foot et permet d’obtenir des images très réalistes », commente Anna Gerb. « Ces bassins reproduisent le grand large dans un environnement sécurisé permettant de réaliser de nombreuses cascades et effets spéciaux. C’était l’endroit idéal pour tourner ce film. »
Au départ, réalisateur et chef décorateur pensaient que trois voiliers subviendraient à leurs besoins, mais la spectaculaire séquence lors de laquelle le Virginia Jean chavire à plusieurs reprises en pleine tempête nécessita une bonne dose d’inventivité supplémentaire. Ayant choisi d’utiliser le voilier réservé aux effets spéciaux pour cette séquence, ils se rendirent rapidement compte qu’il leur faudrait mieux protéger leur unique interprète. Différentes équipes techniques collaborèrent alors pour mettre en place une machinerie spécifique. De la même manière, le superviseur des effets spéciaux Brendon O’Dell, qui a entre autres travaillé sur TRAINING DAY (Antoine Fuqua, 2001), dut trouver une solution pour simuler les mouvements violents du bateau pendant la tempête. « Habituellement sur un film à gros budget, on construit un cardant très élaboré qui permet de faire bouger le bateau dans tous les sens. Mais ça demande énormément de temps et d’argent, et on a dû revoir notre façon de faire », explique-t-il. À la place, l’équipe d’O’Dell utilisa de simples câbles et poulies et des cylindres hydrauliques associés à la force de flottabilité naturelle du bateau. « Il nous suffisait de tirer la proue vers le bas avec un cylindre puis de la laisser remonter, et vice-versa », explique-t-il. « On a fait la même chose latéralement, et on est arrivé aux effets voulus. »
Le tournage demanda sept semaines de préparation, bien plus que la grande majorité des films indépendants à petit budget. « On a dû mettre en place un plan de tournage qui tienne compte des scènes « mouillées », des scènes « sèches », des scènes de tempête, avec trois bateaux, trois bassins et des plateaux supplémentaires, des scènes de nuit, de jour, des cascades, des plans avec et sans effets spéciaux », explique le producteur. « C’était beaucoup plus compliqué que tout ce que j’avais fait jusqu’alors et très laborieux pour un tournage de 30 jours avec un budget limité. »
Pour l’équipe, le point de repère principal n’était pas le scénario, mais une grande carte affichée dans la salle de réunion et sur laquelle figurait le storyboard du film dans son intégralité. « On n’avait pas vraiment de feuilles de service », continue Neal Dodson. « On utilisait des photocopies du storyboard de la journée qu’on exécutait plan par plan. »
Pour mettre ALL IS LOST en boîte, J.C. Chandor engagea les services de deux directeurs de la photographie : Frank G. DeMarco, et Peter Zuccarini pour les séquences sous-marines. Pour DeMarco, le fait de tourner un film « muet » n’était pas dénué d’avantages. « Le fait est qu’il est possible de faire beaucoup plus de prises quand il n’y a pas de dialogues », explique le chef opérateur qui avait déjà collaboré avec le réalisateur sur son précédent film. « Un autre intérêt des films muets vient du fait que le réalisateur peut diriger les acteurs pendant les prises. J.C. pouvait ainsi dire à Bob : « Là, tu penses à ça, puis tu fais ci. Tu prends ce truc et tu regardes par là », alors même que la caméra tournait. »
Les scènes d’intérieur, dans l’espace confiné de la cabine du voilier, comportaient cependant des difficultés. Redford devait se contorsionner pour passer à côté de la caméra et de l’épaule du chef op ou lors de plans très serrés. « On a tourné avec des grands angles et on s’est beaucoup servi de la lumière naturelle, et au final, on est arrivé à ce qu’on voulait. »
Si une partie de l’équipe devait se battre contre l’élément aqueux, une autre s’y complaisait, et nul plus que Peter Zuccarini dont le travail inclut des documentaires à petit budget sur le surf comme des films à grand spectacle tels que PIRATES DES CARAÏBES, LA MALÉDICTION DU BLACK PEARL (Gore Verbinski, 2003). « Lui et son équipe savent revêtir leur combinaison de plongée, sceller hermétiquement leurs caméras, se lester et réguler leur respiration, et descendre en profondeur pour remonter avec des images incroyables », déclare Neal Dodson. La multitude de défis aquatiques que représentait ALL IS LOST en faisait un projet irrésistible pour Zuccarini : « Je suis spécialisé dans l’utilisation de caméras dans des endroits très mouillés, alors quand j’ai vu dès les premières scènes du scénario que le bateau prenait l’eau, que l’homme était plongé dans l’océan et que des vagues s’abattaient sur lui, je dois avouer que ça m’a immédiatement enthousiasmé. »
Pour compliquer encore un peu la production, le chef monteur Peter Beaudreau, ayant collaboré avec J.C. Chandor sur MARGIN CALL, dut faire un premier bout-à-bout sur place pour s’assurer que toutes les images requises avaient été tournées. Après un début quelque peu chaotique, il se fit à cette pratique. « J’avais accès aux images si rapidement que j’étais à même de montrer le soir même à J.C. un assemblage de ce qu’il avait tourné dans la matinée », déclare-t-il. « Et s’il estimait qu’il lui manquait quelque chose, il pouvait le tourner dès le lendemain matin. »
Dans un film dénué de dialogues, la musique prend une place prépondérante, et le cinéaste se tourna vers l’auteur-compositeur-interprète de renom Alex Ebert, leader du groupe Edward Sharpe & the Magnetic Zeros, qui compose ici sa première bande originale de film. « Ce fut une sorte de choc pour moi », déclare le musicien. « C’est incroyable que J.C. ait fait preuve d’autant de confiance en moi qui n’ai jamais composé pour le cinéma. » Il raconte que le scénariste/réalisateur lui demanda d’abord de lui écrire des morceaux lancinants, dans les tons graves, pour accompagner de longues scènes. Il lui spécifia également d’éviter le piano, alors même que le compositeur avait déjà écrit quelques mélodies pour cet instrument. Mais il comprit vite la motivation du cinéaste : « Il y a une émotion inhérente au piano et on ne voulait surtout pas de ce genre de « prêt-à-émouvoir ». J’ai pris quelques risques, et après plusieurs allers et retours, on est arrivé à ce que je considère comme un parfait équilibre. » Alex Ebert utilisa de multiples instruments dont le synthétiseur, l’harmonica de verre et le bol chantant. Il sampla également des morceaux de musique symphonique dont la majorité fut plus tard remplacée par de nouvelles interprétations de musiciens triés sur le volet. Parfois il composait des thèmes au piano qu’il reprenait à la flûte ou autre, avant d’engager des interprètes. Seth Ford-Young, le bassiste des Magnetic Zeros, fournit également un certain nombre de sons évoquant le chant des baleines et d’autres mammifères marins. « La plus grande difficulté était de trouver l’équilibre parfait entre réalisme et mélodrame, sans minimiser ni exagérer les émotions, et rendre ainsi justice au film », déclare Alex Ebert. Pour le compositeur, ALL IS LOST est une oeuvre profondément émouvante, abordant des questions fondamentales, et cela devait aussi être exprimé à travers la musique. « Le film traite de la beauté. Ça regorge d’émotions et parle de tout ce qui fait la vie et la mort, et rien de moins. Je pense que c’est une préoccupation fondamentalement humaine, et on préfère parfois ne pas s’y frotter parce que ça peut vite virer au pathos. Mais ce type est sur un radeau au beau milieu de l’océan. Que la musique soit émotionnelle, parce que la situation l’est. C’est le film qui le dicte. »
Parce que le film est pratiquement muet, il était également important de construire un solide paysage sonore, et cette tâche revint à l’équipe doublement récompensée aux Oscars pour son travail sur JURASSIC PARK et IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN (Steven Spielberg, 1993 & 1998), Richard Hymns et Gary Rydstrom, rejoints par leurs collègues Steve Boeddeker et Brandon Proctor de SkyWalker Sound. Ayant déjà travaillé sur plusieurs films réalisés par Robert Redford, ces deux derniers se réjouissaient de cette nouvelle collaboration. D’une certaine manière, ALL IS LOST est une ode à l’ingéniosité et à l’endurance humaine avec le personnage interprété par Redford qui refuse tout simplement de baisser les bras. « Il s’obstine au-delà de ce que la plupart des gens pourrait supporter », déclare l’acteur. « Je suis perdu au milieu de l’océan. Personne n’est là pour me venir en aide et je suis au bout de mes ressources. Pourquoi ne pas abandonner ? » Pour répondre à cette question, Robert Redford fait référence à un de ses films cultes, qui n’est pas sans rappeler la sobriété et le caractère primal d’ALL IS LOST et dans lequel il interprète également un solitaire confronté à la nature et à lui-même : « J’ai pensé à JEREMIAH JOHNSON (Sydney Pollack, 1972), au film et au personnage, d’autant que j’avais personnellement développé ce projet. Lui aussi aurait pu rendre les armes, mais il continue à se battre, parce que c’est ça et rien d’autre. Et pour moi, ce film dit la même chose. Le personnage n’abandonne pas parce que c’est tout ce qu’il peut faire. D’autres diraient « assez », mais pas lui. »
Et c’est précisément au cours de ces moments d’extrême tension que « notre homme » rompt son lancinant silence et éructe un mot ou deux, qui ont un impact formidable. « Dans une scène, on entend enfin la voix si caractéristique de Robert Redford », raconte Anna Gerb. « On ne peut pas à proprement parler de dialogues dans ce film, mais à ce moment précis, il dit quelques mots, et le fait d’entendre sa voix est un événement très puissant en lui-même, parce que nous la connaissons tous. C’est très bref mais c’est un moment très émouvant pour moi. »
Pour Neal Dodson, c’est dans cet instinct de survie, quand tout semble perdu, que réside l’essence de ce film. « C’est un film qui s’intéresse à la raison pour laquelle nous continuons à nous battre, nous essayons de survivre et nous luttons contre la mort même quand il est presque indéniable que notre heure est venue », déclare-t-il. « Les philosophes, la religion et les grands penseurs ont tenté de répondre à ces questions depuis que l’homme est homme. Pour moi, ce film les aborde avec originalité. Et en ce qui me concerne, j’ai beaucoup plus d’intérêt à voir et à faire des films qui posent des questions que des films qui donnent des réponses. »
Et c’est aussi ce qui, pour le producteur, participe à la singularité d’ALL IS LOST : « Je ne pense pas qu’il existe un autre film comme celui-ci. C’est une approche vraiment unique. On observe un homme en pleine maîtrise de son art et en proie à lui-même pendant 90 minutes. Et c’est une aventure formidable. Mais je pense que les interrogations existentielles vont parler aux gens de façon encore plus profonde. »
Quant à J.C. Chandor, il espère que les spectateurs se reconnaîtront dans ce rescapé qui lutte vaillamment pour sa survie, « que ce personnage sera la personnification de certains de leurs espoirs, de leurs préoccupations, de leurs rêves, de leurs inquiétudes et de leurs peurs : toutes ces émotions élémentaires. Je n’ai pas voulu exprimer cela de façon trop manifeste, mais j’espère que « notre homme » sera comme une sorte de miroir. Et si j’ai bien fait mon travail, le film, à l’image ce périple, sera exaltant et terrifiant, et je l’espère, captivant et émouvant. »
« C’est une histoire très simple, celle d’un homme d’âge mûr qui part faire un tour de quatre ou cinq mois seul sur son voilier », explique J.C. Chandor. « Le destin veut qu’un accident endommage son bateau, et on assiste alors à 8 jours de lutte pour sa survie. »
Avec ses 30 pages de descriptions sans aucun dialogue, le scénario d’ALL IS LOST ne ressemblait guère à celui d’un film traditionnel qui avoisine généralement les 120 pages, au point que le producteur Neal Dodson demanda d’abord à J.C. Chandor quand il allait lui faire parvenir la suite. « Quand J.C. m’a répondu que c’était le scénario dans sa totalité, ça m’a inquiété et enthousiasmé en même temps », se souvient Dodson. « Le premier film que nous avons fait ensemble reposait sur les dialogues. Ici, c’était l’inverse. Je reconnais m’être tout de suite dit, je ne vois vraiment pas comment on va trouver les financements. C’était très original et audacieux. »
Quant à la coproductrice de MARGIN CALL, Anna Gerb, elle fut impressionnée par la force et la rigueur du scénario : « Après l’avoir lu, j’ai regardé J.C. et je lui ai dit : « Ouah, j’ai le mal de mer. » En tant que productrice, j’aime par définition tenir les commandes. Je n’aurais jamais pu imaginer me retrouver sur un voilier au milieu de l’océan, à la merci des éléments. »
A l'inverse, J.C. Chandor est un habitué de la voile : « Je n’ai jamais navigué seul sur l’océan, mais j’ai grandi au milieu des voiliers et je connais bien ce monde. »
La simplicité de l’histoire et le défi formel et technique qu’elle représentait sont les principaux éléments qui l’ont motivé à faire ce film qui n’est pas sans rappeler Le vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway. Neal Dodson déclare : « C’est un film d’action existentiel, l’histoire d’un homme seul en mer, luttant contre les éléments et contre lui-même. »
Une étape essentielle à sa réalisation tient évidemment à la participation de Robert Redford. Acteur emblématique, réalisateur deux fois récompensé aux Oscars et fondateur du festival et de l’institut de Sundance, dédiés à la production et la promotion du cinéma indépendant, il a fait la connaissance de J.C. Chandor lors de la présentation de MARGIN CALL en janvier 2011 à Park City. « J’apprécie J.C. Chandor. Il incarne exactement le genre de cinéastes auxquels nous souhaitons apporter notre soutien. Il a une approche, une façon de montrer et de raconter son histoire très personnelles », déclare Redford.
Mais quand le jeune réalisateur annonça à Dodson qu’il souhaitait proposer à cet acteur de légende le rôle du personnage unique du film, appelé simplement « notre homme » dans le scénario, le producteur prit conscience que la partie était encore loin d’être gagnée. « J’ai dit à J.C. : « Écoute, il y a deux options. Soit il dira, « bien sûr que oui, ça a l’air génial », soit « Pourquoi voulez-vous que je fasse ça ? Je n’ai plus rien à prouver. Pourquoi ferais-je une chose pareille ? » Et à notre immense bénéfice, il a dit oui. »
Quant à l’acteur, il fut conquis par l’originalité du projet qu’il décrit comme l’histoire d’un homme qui fait « un sacré voyage et prend une sacrée dérouillée. » « J’ai vraiment aimé le scénario parce qu’il était différent », explique Redford. « C’était audacieux, singulier, et sans dialogues. J’ai eu la conviction que J.C. resterait fidèle à son approche. Même si tout n’était pas expliqué noir sur blanc, j’avais confiance en lui, je savais qu’il savait parfaitement où il allait et je me suis rallié à sa mission les yeux fermés. Ce fut une expérience très intéressante et enrichissante pour moi. » Étonnamment, Robert Redford déclare qu’il reçoit peu de propositions de rôles des cinéastes indépendants qu’il défend. « C’est assez ironique, après presque 30 ans à la tête de Sundance, aucun des réalisateurs auxquels j’ai apporté mon soutien ne m’a engagé. Ils ne me proposent jamais de rôle ! J.C. est le seul ! » s’amuse-t-il à dire.
Après avoir fait mouche avec la distribution de leur seul et unique rôle, les producteurs se réunirent pour passer en revue ce que le tournage impliquait. Il leur fallait tout d’abord trouver une poignée de voiliers et un endroit où les faire couler. En effet, pour tourner l’histoire d’un homme et de son bateau, baptisé le Virginia Jean, il fallait en fait trois bateaux, et plus spécifiquement trois voiliers Cal Yachts de 12 mètres de long : un pour les scènes en extérieur, un pour les scènes d’intérieur et un troisième pour les effets spéciaux. Mais comme en témoigne le chef décorateur John Goldsmith, dont les précédents films incluent NO COUNTRY FOR OLD MEN (Ethan & Joel Cohen, 2007) et LE DERNIER SAMOURAÏ (Edward Zwick, 2003), il n’est pas évident de trouver deux voiliers identiques : « On les a dénichés dans trois ports différents, à l'étranger. On était en préparation de tournage depuis deux semaines quand on a enfin pu les mettre côte à côte et commencer notre travail. » Une fois les voiliers réunis, l’équipe s’attela à leur mener la vie dure. « On a fait subir à ce bateau tous les sévices possibles », raconte le réalisateur. « On l’a coulé, ramené à la vie, on lui a fait parcourir des centaines de milles et traverser une tempête, on l’a fait chavirer, on l’a encore coulé. Il était essentiel pour nous de savoir comment ces bateaux fonctionnent et réagissent, comment ils se gouvernent et comment ils coulent, en plus de tous les éléments de navigation nécessaires à notre histoire. »
Le réalisateur et le chef décorateur collaborèrent étroitement pour donner au bateau un passé qui aiderait à mieux appréhender le personnage interprété par Robert Redford. « J.C. et moi avons eu de passionnantes discussions sur ce qu’on voulait dire de « notre homme » à travers son bateau », se souvient John Goldsmith. « Quelle vie avait-il vécue ? Avait-il été dans l’armée ? Était-il un homme d’affaires ? Un père de famille ? » J.C. Chandor donna au chef décorateur des notes détaillées : pour lui, l’homme a acheté le bateau à 51 ans, six ans après que celui-ci ait été construit. Dix ans plus tard, l’entretien du bateau a un peu été négligé en raison des difficultés économiques des années 90. Sept années plus tard, l’homme a pris sa retraite et a investi 20 000 dollars dans la remise en état du voilier. « Il a très bien pu changer les banquettes qui étaient usées, remplacer les vitres, ajouter quelques appareils électroniques. Le bateau est témoin du passage du temps, on peut y lire les différentes époques qu’il a traversées. Il n’était pas question de le rénover totalement et il fallait faire attention à ne pas être trop voyant, à rester discret », explique John Goldsmith.
Le caractère solitaire de ce film donna au réalisateur l’occasion de laisser sa caméra s’attarder sur Robert Redford et sur les gestes simples qu’il exécute, d’une façon qu’on a rarement eu la chance de voir à l’écran. « On ne regarde pas souvent quelqu’un penser », remarque Neal Dodson. « La majorité des films fonctionnent sur un montage très rapide, et je les apprécie aussi. Mais ici, c’est différent. Il y a certes des scènes d’action mais la caméra prend son temps avec le personnage. On l’observe manger une soupe en boîte, boire un verre de bourbon, cuisiner, se tenir debout sous la pluie. »
Lors d’une scène mémorable, le navigateur, de l’eau jusqu’à la poitrine, regroupe les maigres provisions qui restent encore sur son voilier alors que celui-ci s’enfonce inexorablement. Il fait une pause devant le miroir et se rase, peut-être pour la dernière fois de sa vie. « On lutte contre l’adversité de manière étrange », déclare l’acteur. « Et quand le sort s’acharne sur nous, on se bat pour que la vie conserve un minimum de normalité, même si ça peut sembler bizarre. » L’acteur, connu pour réaliser lui-même la plupart de ses cascades, dut également se soumettre à des scènes très physiques : se hisser en haut du mât de 20 mètres, se faire traîner derrière le voilier, nager sous l’eau au milieu des voiles submergées, et dans la séquence d’ouverture au cours de laquelle le bateau percute un container, sauter de l’un à l’autre. « Nous avons envoyé le voilier contre un container de marchandises avec Bob à bord », raconte le producteur. « Comme on peut le voir à l’écran, le choc fut brutal et Bob est allé s’écraser contre le bord du bateau. Nous l’avons ensuite mis sur un radeau de sauvetage que nous avons fait chavirer. Malgré tous ces sévices, il était toujours partant. » « C’était stimulant de le voir réaliser lui-même ses cascades », se souvient Anna Gerb. « Mais aussi un peu effrayant. Heureusement, il est en très bonne forme physique et il adore nager. Le simple fait d’être mouillé toute la journée est exténuant pour un acteur, mais son ardeur et son dévouement ont pris le dessus. »
Redford attribue au réalisateur le mérite d’avoir tiré le meilleur de lui en tant qu’acteur : « J’ai fait ça pour J.C.. Je l’apprécie, il est d’une nature joyeuse et d’un tempérament formidable. Mais le plus impressionnant, c’est le foisonnement et la rapidité de son esprit. Je lui prédis une belle carrière. Il sait ce qu’il veut et comment il veut l’obtenir, mais il n’est pas impérieux et reste détendu, ce que je trouve épatant. Il est très intuitif, avec un point de vue très personnel, et je crois fermement à son aptitude à mener à bien son entreprise. »
L’utilisation des images de synthèse se limite essentiellement à la mise en valeur des arrière-plans et du ciel, et des vagues qui entourent le bateau et s’abattent sur « notre homme ». Tous les effets visuels ont été réalisés par l’équipe de Spin VFX, basée à Toronto, et supervisés par le réalisateur et Robert Munroe, dont les films précédents incluent X-MEN (Bryan Singer, 2000) et BLADE II (Guillermo del Toro, 2002).
Tourner en mer n’est pas chose facile, et c’est d’autant plus vrai avec ALL IS LOST qui ne contient aucun plan sur la terre ferme. Il a été filmé à différents endroits dans l’océan Pacifique et autour des Caraïbes, ainsi qu’au large de la côte d’Ensenada au Mexique, ce qui a valu à Robert Redford une entrée au port à bord du Virginia Jean dont le flanc transpercé avait été rafistolé tant bien que mal. « C’était fascinant de voir la réaction des vrais marins sur la marina », raconte la productrice. « Ils regardaient notre bateau, qui avait de toute évidence traversé des moments difficiles, et qui avançait avec une équipe de tournage accrochée à son flanc et Robert Redford à sa barre. »
Les plans de la faune sous-marine, qui incluent des bancs de sérioles, de barracudas et des douzaines de requins aussi menaçants que fascinants, furent tournés aux Bahamas, au large des côtes de Nassau et de Lyford Cay, où une équipe entière s'immergea pour l'occasion à plus de 18 mètres de profondeur.
Les séquences où figurent d’énormes navires de transport furent tournées aux alentours de Los Angeles, au sud du port de Long Beach et plus au nord, près de l’île de Santa Catalina.
Mais le grand large n’est pas vraiment l’endroit idéal pour y faire couler un voilier. Pour ces scènes et quelques autres, comme la collision du bateau avec le container de marchandises, l’équipe eut recours aux plus grands bassins de tournage du monde, aux studios Baja, situés à Rosarito Beach, le long de la péninsule de Basse- Californie, à l’ouest du Mexique. Ces équipements furent construits de toutes pièces par James Cameron pour les besoins du tournage des scènes spectaculaires de son film TITANIC (1997), et certains techniciens des studios, dont la productrice exécutive Luisa Gomez da Silva, se considèrent comme issue de la « génération Titanic ». Trois réservoirs géants furent utilisés pour différentes scènes, dont le plus grand réservoir en extérieur, construit sur l’océan avec l’horizon en arrière-plan. « Il a la taille de trois terrains de foot et permet d’obtenir des images très réalistes », commente Anna Gerb. « Ces bassins reproduisent le grand large dans un environnement sécurisé permettant de réaliser de nombreuses cascades et effets spéciaux. C’était l’endroit idéal pour tourner ce film. »
Au départ, réalisateur et chef décorateur pensaient que trois voiliers subviendraient à leurs besoins, mais la spectaculaire séquence lors de laquelle le Virginia Jean chavire à plusieurs reprises en pleine tempête nécessita une bonne dose d’inventivité supplémentaire. Ayant choisi d’utiliser le voilier réservé aux effets spéciaux pour cette séquence, ils se rendirent rapidement compte qu’il leur faudrait mieux protéger leur unique interprète. Différentes équipes techniques collaborèrent alors pour mettre en place une machinerie spécifique. De la même manière, le superviseur des effets spéciaux Brendon O’Dell, qui a entre autres travaillé sur TRAINING DAY (Antoine Fuqua, 2001), dut trouver une solution pour simuler les mouvements violents du bateau pendant la tempête. « Habituellement sur un film à gros budget, on construit un cardant très élaboré qui permet de faire bouger le bateau dans tous les sens. Mais ça demande énormément de temps et d’argent, et on a dû revoir notre façon de faire », explique-t-il. À la place, l’équipe d’O’Dell utilisa de simples câbles et poulies et des cylindres hydrauliques associés à la force de flottabilité naturelle du bateau. « Il nous suffisait de tirer la proue vers le bas avec un cylindre puis de la laisser remonter, et vice-versa », explique-t-il. « On a fait la même chose latéralement, et on est arrivé aux effets voulus. »
Le tournage demanda sept semaines de préparation, bien plus que la grande majorité des films indépendants à petit budget. « On a dû mettre en place un plan de tournage qui tienne compte des scènes « mouillées », des scènes « sèches », des scènes de tempête, avec trois bateaux, trois bassins et des plateaux supplémentaires, des scènes de nuit, de jour, des cascades, des plans avec et sans effets spéciaux », explique le producteur. « C’était beaucoup plus compliqué que tout ce que j’avais fait jusqu’alors et très laborieux pour un tournage de 30 jours avec un budget limité. »
Pour l’équipe, le point de repère principal n’était pas le scénario, mais une grande carte affichée dans la salle de réunion et sur laquelle figurait le storyboard du film dans son intégralité. « On n’avait pas vraiment de feuilles de service », continue Neal Dodson. « On utilisait des photocopies du storyboard de la journée qu’on exécutait plan par plan. »
Pour mettre ALL IS LOST en boîte, J.C. Chandor engagea les services de deux directeurs de la photographie : Frank G. DeMarco, et Peter Zuccarini pour les séquences sous-marines. Pour DeMarco, le fait de tourner un film « muet » n’était pas dénué d’avantages. « Le fait est qu’il est possible de faire beaucoup plus de prises quand il n’y a pas de dialogues », explique le chef opérateur qui avait déjà collaboré avec le réalisateur sur son précédent film. « Un autre intérêt des films muets vient du fait que le réalisateur peut diriger les acteurs pendant les prises. J.C. pouvait ainsi dire à Bob : « Là, tu penses à ça, puis tu fais ci. Tu prends ce truc et tu regardes par là », alors même que la caméra tournait. »
Les scènes d’intérieur, dans l’espace confiné de la cabine du voilier, comportaient cependant des difficultés. Redford devait se contorsionner pour passer à côté de la caméra et de l’épaule du chef op ou lors de plans très serrés. « On a tourné avec des grands angles et on s’est beaucoup servi de la lumière naturelle, et au final, on est arrivé à ce qu’on voulait. »
Si une partie de l’équipe devait se battre contre l’élément aqueux, une autre s’y complaisait, et nul plus que Peter Zuccarini dont le travail inclut des documentaires à petit budget sur le surf comme des films à grand spectacle tels que PIRATES DES CARAÏBES, LA MALÉDICTION DU BLACK PEARL (Gore Verbinski, 2003). « Lui et son équipe savent revêtir leur combinaison de plongée, sceller hermétiquement leurs caméras, se lester et réguler leur respiration, et descendre en profondeur pour remonter avec des images incroyables », déclare Neal Dodson. La multitude de défis aquatiques que représentait ALL IS LOST en faisait un projet irrésistible pour Zuccarini : « Je suis spécialisé dans l’utilisation de caméras dans des endroits très mouillés, alors quand j’ai vu dès les premières scènes du scénario que le bateau prenait l’eau, que l’homme était plongé dans l’océan et que des vagues s’abattaient sur lui, je dois avouer que ça m’a immédiatement enthousiasmé. »
Pour compliquer encore un peu la production, le chef monteur Peter Beaudreau, ayant collaboré avec J.C. Chandor sur MARGIN CALL, dut faire un premier bout-à-bout sur place pour s’assurer que toutes les images requises avaient été tournées. Après un début quelque peu chaotique, il se fit à cette pratique. « J’avais accès aux images si rapidement que j’étais à même de montrer le soir même à J.C. un assemblage de ce qu’il avait tourné dans la matinée », déclare-t-il. « Et s’il estimait qu’il lui manquait quelque chose, il pouvait le tourner dès le lendemain matin. »
Dans un film dénué de dialogues, la musique prend une place prépondérante, et le cinéaste se tourna vers l’auteur-compositeur-interprète de renom Alex Ebert, leader du groupe Edward Sharpe & the Magnetic Zeros, qui compose ici sa première bande originale de film. « Ce fut une sorte de choc pour moi », déclare le musicien. « C’est incroyable que J.C. ait fait preuve d’autant de confiance en moi qui n’ai jamais composé pour le cinéma. » Il raconte que le scénariste/réalisateur lui demanda d’abord de lui écrire des morceaux lancinants, dans les tons graves, pour accompagner de longues scènes. Il lui spécifia également d’éviter le piano, alors même que le compositeur avait déjà écrit quelques mélodies pour cet instrument. Mais il comprit vite la motivation du cinéaste : « Il y a une émotion inhérente au piano et on ne voulait surtout pas de ce genre de « prêt-à-émouvoir ». J’ai pris quelques risques, et après plusieurs allers et retours, on est arrivé à ce que je considère comme un parfait équilibre. » Alex Ebert utilisa de multiples instruments dont le synthétiseur, l’harmonica de verre et le bol chantant. Il sampla également des morceaux de musique symphonique dont la majorité fut plus tard remplacée par de nouvelles interprétations de musiciens triés sur le volet. Parfois il composait des thèmes au piano qu’il reprenait à la flûte ou autre, avant d’engager des interprètes. Seth Ford-Young, le bassiste des Magnetic Zeros, fournit également un certain nombre de sons évoquant le chant des baleines et d’autres mammifères marins. « La plus grande difficulté était de trouver l’équilibre parfait entre réalisme et mélodrame, sans minimiser ni exagérer les émotions, et rendre ainsi justice au film », déclare Alex Ebert. Pour le compositeur, ALL IS LOST est une oeuvre profondément émouvante, abordant des questions fondamentales, et cela devait aussi être exprimé à travers la musique. « Le film traite de la beauté. Ça regorge d’émotions et parle de tout ce qui fait la vie et la mort, et rien de moins. Je pense que c’est une préoccupation fondamentalement humaine, et on préfère parfois ne pas s’y frotter parce que ça peut vite virer au pathos. Mais ce type est sur un radeau au beau milieu de l’océan. Que la musique soit émotionnelle, parce que la situation l’est. C’est le film qui le dicte. »
Parce que le film est pratiquement muet, il était également important de construire un solide paysage sonore, et cette tâche revint à l’équipe doublement récompensée aux Oscars pour son travail sur JURASSIC PARK et IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN (Steven Spielberg, 1993 & 1998), Richard Hymns et Gary Rydstrom, rejoints par leurs collègues Steve Boeddeker et Brandon Proctor de SkyWalker Sound. Ayant déjà travaillé sur plusieurs films réalisés par Robert Redford, ces deux derniers se réjouissaient de cette nouvelle collaboration. D’une certaine manière, ALL IS LOST est une ode à l’ingéniosité et à l’endurance humaine avec le personnage interprété par Redford qui refuse tout simplement de baisser les bras. « Il s’obstine au-delà de ce que la plupart des gens pourrait supporter », déclare l’acteur. « Je suis perdu au milieu de l’océan. Personne n’est là pour me venir en aide et je suis au bout de mes ressources. Pourquoi ne pas abandonner ? » Pour répondre à cette question, Robert Redford fait référence à un de ses films cultes, qui n’est pas sans rappeler la sobriété et le caractère primal d’ALL IS LOST et dans lequel il interprète également un solitaire confronté à la nature et à lui-même : « J’ai pensé à JEREMIAH JOHNSON (Sydney Pollack, 1972), au film et au personnage, d’autant que j’avais personnellement développé ce projet. Lui aussi aurait pu rendre les armes, mais il continue à se battre, parce que c’est ça et rien d’autre. Et pour moi, ce film dit la même chose. Le personnage n’abandonne pas parce que c’est tout ce qu’il peut faire. D’autres diraient « assez », mais pas lui. »
Et c’est précisément au cours de ces moments d’extrême tension que « notre homme » rompt son lancinant silence et éructe un mot ou deux, qui ont un impact formidable. « Dans une scène, on entend enfin la voix si caractéristique de Robert Redford », raconte Anna Gerb. « On ne peut pas à proprement parler de dialogues dans ce film, mais à ce moment précis, il dit quelques mots, et le fait d’entendre sa voix est un événement très puissant en lui-même, parce que nous la connaissons tous. C’est très bref mais c’est un moment très émouvant pour moi. »
Pour Neal Dodson, c’est dans cet instinct de survie, quand tout semble perdu, que réside l’essence de ce film. « C’est un film qui s’intéresse à la raison pour laquelle nous continuons à nous battre, nous essayons de survivre et nous luttons contre la mort même quand il est presque indéniable que notre heure est venue », déclare-t-il. « Les philosophes, la religion et les grands penseurs ont tenté de répondre à ces questions depuis que l’homme est homme. Pour moi, ce film les aborde avec originalité. Et en ce qui me concerne, j’ai beaucoup plus d’intérêt à voir et à faire des films qui posent des questions que des films qui donnent des réponses. »
Et c’est aussi ce qui, pour le producteur, participe à la singularité d’ALL IS LOST : « Je ne pense pas qu’il existe un autre film comme celui-ci. C’est une approche vraiment unique. On observe un homme en pleine maîtrise de son art et en proie à lui-même pendant 90 minutes. Et c’est une aventure formidable. Mais je pense que les interrogations existentielles vont parler aux gens de façon encore plus profonde. »
Quant à J.C. Chandor, il espère que les spectateurs se reconnaîtront dans ce rescapé qui lutte vaillamment pour sa survie, « que ce personnage sera la personnification de certains de leurs espoirs, de leurs préoccupations, de leurs rêves, de leurs inquiétudes et de leurs peurs : toutes ces émotions élémentaires. Je n’ai pas voulu exprimer cela de façon trop manifeste, mais j’espère que « notre homme » sera comme une sorte de miroir. Et si j’ai bien fait mon travail, le film, à l’image ce périple, sera exaltant et terrifiant, et je l’espère, captivant et émouvant. »
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