Aventure/Drame/Famille/Un joli film, comme un rêve, par Jean-Pierre Jeunet
Réalisé par Jean-Pierre Jeunet
Avec Helena Bonham Carter, Judy Davis, Callum Keith Rennie, Kyle Catlett, Niamh Wilson, Jakob Davies, Rick Merce, Dominique Pinon...
Long-métrage Français/Américain
Durée : 1h45m
Année de production : 2013
Distributeur : Gaumont Distribution
Titre original : The Young and Prodigious T.S. Spivet
Site officiel : www.gaumont.fr
Date de sortie sur les écrans U.S. : Inconnue
Date de sortie sur nos écrans : 16 octobre 2013
Résumé : T.S. Spivet, vit dans un ranch isolé du Montana avec ses parents, sa sœur Gracie et son frère Layton. Petit garçon surdoué et passionné de science, il a inventé la machine à mouvement perpétuel, ce qui lui vaut de recevoir le très prestigieux prix Baird du Musée Smithsonian de Washington. Sans rien dire à sa famille, il part, seul, chercher sa récompense et traverse les Etats-Unis sur un train de marchandises. Mais personne là-bas n’imagine que l’heureux lauréat n’a que dix ans et qu'il porte un bien lourd secret…
Bande annonce (VOSTFR)
Les modules making-of
Adaptation:
3D:
Trouver le parfait TS:
Incarner la famille Spivet:
Concours
Lien vers le concours pour gagner des places de ciné pour voir le film (jusqu'au 15/10/13 08h00) : http://minu.me/awt6
Ce que j'en ai pensé : Voir un film de Jean-Pierre Jeunet au cinéma est toujours une expérience à part. Encore une fois, il suffit de s'installer confortablement et juste prendre plaisir à rentrer dans ce rêve éveillé. L'histoire est émouvante et toute simple. La mise en scène est inventive.
Le jeune T.S. Spivet, interprété par l'adorable Kyle Catlett, est un enfant prodigieux, comme le titre du film l'indique. Il fait partie d'une famille très attachante. Ils sont tous originaux et s'aiment malgré leurs personnalités totalement différentes. Il y a un soin particulier apporté à la description de la famille et c'est un délice de découvrir leur petit univers.
Le film s'inspire du roman « L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet », de Reif LARSEN. Jean-Pierre Jeunet a choisi d'illustrer les pensées du jeune héros d'une manière originale qui est du plus bel effet en 3D. Les paysages sont magnifiques, il y a des scènes d'une grande beauté visuelle. Les couleurs chaudes sont très agréables.
Le jeune T.S. va faire un long voyage lors duquel il va rencontrer des embûches, faire la connaissance de personnages décalés plus ou moins sympathiques et surtout devoir affronter son secret.
Je vous conseille de découvrir « L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet » sur grand écran et en 3D pour cette sensation merveilleuse de faire un rêve un peu étrange et attendrissant en suivant les aventures de ce petit garçon formidable.
Adaptation:
3D:
Trouver le parfait TS:
Incarner la famille Spivet:
Concours
Lien vers le concours pour gagner des places de ciné pour voir le film (jusqu'au 15/10/13 08h00) : http://minu.me/awt6
Ce que j'en ai pensé : Voir un film de Jean-Pierre Jeunet au cinéma est toujours une expérience à part. Encore une fois, il suffit de s'installer confortablement et juste prendre plaisir à rentrer dans ce rêve éveillé. L'histoire est émouvante et toute simple. La mise en scène est inventive.
Jean-Pierre Jeunet, le réalisateur |
Le film s'inspire du roman « L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet », de Reif LARSEN. Jean-Pierre Jeunet a choisi d'illustrer les pensées du jeune héros d'une manière originale qui est du plus bel effet en 3D. Les paysages sont magnifiques, il y a des scènes d'une grande beauté visuelle. Les couleurs chaudes sont très agréables.
Le jeune T.S. va faire un long voyage lors duquel il va rencontrer des embûches, faire la connaissance de personnages décalés plus ou moins sympathiques et surtout devoir affronter son secret.
Je vous conseille de découvrir « L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet » sur grand écran et en 3D pour cette sensation merveilleuse de faire un rêve un peu étrange et attendrissant en suivant les aventures de ce petit garçon formidable.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)
ENTRETIEN AVEC JEAN-PIERRE JEUNET
Comment
avez-vous découvert L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET PRODIGIEUX T.S. SPIVET, ce
livre de Reif Larsen qui semble avoir été écrit pour vous ?
En
fait après MICMACS À TIRE-LARIGOT, je n’avais pas envie d’écrire à nouveau une
histoire originale. J’aime bien alterner les plaisirs... J’ai chargé un «
lecteur », Julien Messemackers, d’attirer mon attention sur des livres qui pourraient
m’intéresser. Julien avait fait une fiche de lecture sur AMÉLIE à l’époque où
ce n’était qu’un projet, une fiche extraordinaire annonçant quasiment tout ce
qui allait se passer, ce qui, à ce moment-là du projet, m’avait fait beaucoup
de bien ! Au printemps 2010, j’étais en Australie en train de tourner des réclames
quand il m’a appelé et m’a dit : « Voilà, il faut que tu lises tout de suite le
premier roman d’un jeune auteur américain, L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET
PRODIGIEUX T.S. SPIVET, de Reif Larsen.». Il me l’a envoyé et, profitant du
décalage horaire, je l’ai dévoré en quelques nuits. J’ai été emballé par cet
étonnant personnage, par son histoire émouvante, par l’abondance de détails et
aussi par l’ambiance, les trains, le Montana, les grands espaces…
Avez-vous
rencontré l’auteur ?
La
première fois que je l’ai rencontré, Reif Larsen m’a dit : « Quand j’ai vu
AMÉLIE, j’ai eu l’impression que quelqu’un avait creusé dans ma tête ! ». Et il
m’a offert un livre de photos que… je venais moi-même d’offrir à tous mes amis !
Immédiatement, il y a eu entre nous une incroyable connivence malgré la différence
d’âge et de background. Nous sommes assurément de la même famille, nous
avons les mêmes goûts, les mêmes obsessions, les mêmes emballements, les mêmes
attirances. C’est moi il y a 30 ans ! Il a suivi le projet jusqu’au bout, il
est venu sur le tournage, il a même fait un peu défiguration, nous n’avons jamais
arrêté d’échanger des mails depuis que nous nous sommes rencontrés… Tout de
suite, j’ai eu envie d’adapter son roman. J’y ai vu l’occasion de faire un film
qui s’inscrive dans mon univers et à la fois s’en éloigne – ne serait-ce qu’à
cause de la langue, des grands espaces, des paysages américains, et de
l’utilisation de la 3D…
L’envie de la 3D
est donc venue tout de suite ?
Oui,
parce qu’elle est inhérente au projet lui-même. Dans son livre, Reif Larsen a
accompagné son texte de nombreux petits dessins dans les marges : des cartes,
des croquis, des plans, des portraits, des notes… C’était normal qu’ils
figurent dans le film et le meilleur moyen pour qu’ils y soient était bien
évidemment la 3D. C’était l’opportunité de faire flotter ces dessins au milieu
de la salle, avec ces effets de « jaillissements » que le public adore ! Mais
de la même manière que dans AMÉLIE les effets spéciaux étaient au service de la
narration, j’ai voulu que la 3D soit au service du récit et de la poésie. Si
bien que dès l’écriture j’ai pensé 3D… D’autant que c’était pour moi une
manière de renouer avec mon passé, avec ce Stéréoscope View Master que j’avais
quand j’étais môme, dont les images en relief me fascinaient et qui, dès l’âge
de 8 ans, a marqué mes débuts dans le cinéma : j’écrivais des dialogues, je
découpais les disques et changeais l’ordre des images pour faire de nouveaux films
avec, et je les projetais à mes copains à l’aide d’un petit projecteur (à ce
moment-là on perdait le relief…). J’ai toujours en mémoire l’odeur qu’il
dégageait quand il chauffait, si bien que lorsque je suis en voiture et qu’une
durite chauffe, j’y pense tout de suite. C’est ma madeleine de Proust !
Qu’est-ce qui, à
la lecture, vous a le plus touché dans cette histoire ?
Outre
l’aspect proche de moi et le côté obsessionnel de cet enfant, c’est cette
histoire de culpabilité en arrière-plan qui m’a le plus touché. Lorsque T.S.
fait son discours final, où tout d’un coup, en une seule phrase, il explique
tout, on ne peut pas ne pas être bouleversé. En la lisant j’ai eu la chair de poule.
C’est ce qui m’a décidé. Rien que sur cette phrase, je me suis dit : « Je fais
le film. ».
Vous parlez
d’émotion, c’est la première fois dans un film, et dans cette scène finale
notamment, que vous l’affrontez de manière aussi frontale, aussi directe…
C’est
vrai. J’ai même refusé l’émotion dans MICMACS… que je voyais comme un cartoon.
C’était une erreur car ma référence était les films de Pixar, or chez Pixar il
y a toujours de l’émotion. L’émotion, c’est aussi une question de nature :
certains ont besoin de sortir les violons, d’autres non. Moi, je suis très
pudique, donc elle est souvent dans les non-dits, dans la suggestion, mais avec
SPIVET, où se cache un vrai mélodrame, je ne pouvais que m’y confronter
directement. Même si je reste quand même relativement dans la pudeur. On ne se
refait pas !
On a le
sentiment que T.S. Spivet est de la même famille que Miette, l’héroïne de LA
CITÉ DES ENFANTS PERDUS, qu’Amélie enfant…
Une
fois de plus, c’est moi ! Une fois de plus, je me retrouve dedans. C’est grâce
à son imagination que T.S. réussit et gagne ce prix prestigieux, et lorsqu’il
se retrouve devant les feux de la rampe, il n’a qu’une envie : retourner au
ranch. C’est comme moi : je ne me sens jamais à l’aise dans aucun milieu. Quand
j’étais à l’école, je me demandais ce que je faisais là, à l’armée je n’en
parle même pas ! Et même plus tard, dans le cinéma d’animation, puis dans le cinéma
français, j’ai toujours trouvé que je n’étais pas à ma place. A Hollywood,
c’est encore pire ! Je ne suis jamais à l’aise nulle part, j’ai toujours
l’impression que la cigogne s’est trompée de planète et quand je regarde les
news, je me dis : « Mais qu’est-ce que je fous là ? Il y a une erreur, une
erreur dès le départ » ! Je ne suis à l’aise que dans le travail entouré de
gens qui comme moi ont la passion du travail bien fait.
Vous avez
retrouvé pour l’adaptation votre complice Guillaume Laurant. Sur quoi
essentiellement a porté votre travail ?
Le
roman qui est énorme – plus de 400 pages ! – était quasiment inadaptable et…
c’est ce qui était excitant ! Nous avons surtout enlevé des passages entiers,
nous nous sommes concentrés sur l’histoire de T.S., ôtant les nombreux récits dans
le récit qui jalonnaient le livre – la vie de sa grand-mère, l’histoire d’une
secte… On lui a fait remporter le Prix Baird pour l’invention de la machine à
mouvement perpétuel – c’est une idée de Guillaume, plutôt que pour la
virtuosité de ses cartes géographiques, schémas et autres croquis parce que c’était
plus visuel. On a remis au cœur de l’histoire le personnage du frère, on a
donné une place essentielle à la mère qui n’existait quasiment plus à la fin du
roman, on a réuni en un grand show télé toutes les étapes de la promotion de
T.S. … C’était du boulot, en même temps c’était assez simple car nous avions un
matériau de base formidable. C’est toujours plus facile que de partir d’une page
blanche. Ce n’est donc que du travail, que du plaisir. J’ai pris le livre et
j’ai commencé à le colorier : tout ce que j’aimais beaucoup ou que je pensais
indispensable au récit en rouge ; ce que j’aimais moyen en jaune ; ce que je
n’aimais pas du tout en vert. J’ai découpé les pages et les ai rangées dans des
chemises, et à partir de là, j’ai rebâti une histoire en quelque sorte, en
n’hésitant pas à mélanger les éléments. Ensuite, on s’est vraiment mis à
l’écriture. Comme toujours, Guillaume écrit les scènes dialoguées et moi les
scènes visuelles, on se les échange par mail, on compare, on complète, on
réécrit, etc. Puis on l’a fait traduire en anglais par Fred Cassidy qui vit à
Los Angeles et qui avait déjà traduit mon précédent film, LIFE OF PI.
Vous dites « mon
précédent film » alors que… vous ne l’avez pas tourné !
Joli
lapsus ! [Rires.] Mais j’ai tellement travaillé dessus, je suis allé
jusqu’au story-board définitif, que c’est… comme si je l’avais fait ! J’ai bien
sûr vu le film d’Ang Lee, j’ai trouvé la partie centrale formidable d’autant
qu’ils ont eu la technologie que nous n’aurions pas pu avoir il y a encore
trois ans. Le tigre en images de synthèse, ce n’était alors même pas la peine
d’y penser… J’ai juste trouvé que pour le début et la fin, ils avaient
simplement fait un copier-coller du livre au lieu d’écrire une réelle
adaptation. Et puis, le film a dû coûter aux environs de 150 millions de
dollars – certes grâce au soutien des autorités taïwanaises qu’Ang Lee connaît
très bien – alors que nous, nous étions arrivés à un budget de 80 et que la Fox
ne voulait pas dépasser les 60…
Cela reste-t-il
comme une blessure pour vous ?
Non
parce que cela aurait été trop long. Si je l’avais fait, j’aurais passé sept
ans à travailler dessus ! Tous les metteurs en scène du monde ont un projet qui
leur tenait à cœur et qu’ils n’ont jamais pu faire. Que ce soit Marcel Carné et
L’ILE DES ENFANTS PERDUS, Tim Burton avec SUPERMAN, Kubrick avec NAPOLÉON. Moi,
ce sera LIFE OF PI. Voilà, je ferme la parenthèse ! [Rires.]
On sait à quel
point vous aimez tourner en studio – même si dans UN LONG DIMANCHE…, les champs
de batailles et les paysages bretons étaient très présents. De tourner en
extérieurs, de devoir rendre grâce aux grands espaces, qui plus est aux Etats
Unis, et en anglais ce que vous n’aviez pas fait depuis ALIEN…, tourné lui dans
les studios de la Fox à Hollywood, cela faisait-il partie aussi du défi à
relever ?
Oui,
bien sûr, tout cela à la fois ! C’est un film en anglais – j’ai fait des
progrès depuis ALIEN, je n’ai même plus besoin d’interprète sur le plateau ! –
mais la chose à laquelle j’attache une importance considérable porte un mot : «
liberté » ! En France, on a la chance immense d’avoir par la loi le final
cut qui nous protège, l’idée était donc de faire un film américain en le
produisant de Paris. Avec Frédéric Brillion, mon coproducteur d’Epithète et
avec Gaumont chez qui Francis Boespflug a apporté le projet qui a été reçu avec
beaucoup d’enthousiasme, l’idée était de faire une coproduction européenne non
pas avec les Américains mais avec les Canadiens, d’aller tourner au Québec dans
notre langue et aussi dans la province d’Alberta, où les Américains vont
eux-mêmes quand il s’agit de tourner des séquences censées se dérouler dans le
Montana comme pour BROKEBACK MOUNTAIN, et de garder le contrôle de notre film.
Finalement, je n’ai jamais mis les pieds aux Etats Unis – sauf une fois : pendant les repérages, j’ai visité un
décor au milieu duquel passait les barbelés de la frontière, je suis juste
passé de l’autre côté ! C’est la deuxième équipe qui a filmé à Chicago et à
Washington les extérieurs dont nous avions besoin. Finalement, il n’y a
d’américain que le petit garçon, Kyle Catlett, puisque Helena Bonham Carter est
anglaise, Judy Davis australienne, et les autres acteurs canadiens… Au départ,
notre rêve était de trouver les montagnes, le ruisseau, les cabanes et le ranch
au même endroit, et de tourner à l’intérieur. Nous étions naïfs ! Nous avons fait
beaucoup de repérages, d’abord sur Internet puis sur place, et nous avons finalement
trouvé en Alberta la montagne, le paysage perdu avec les cabanes, la grange, le
ruisseau et on a construit le ranch. On y a tourné tout ce qui se passait au
rez-de-chaussée : on ouvrait la porte et on avait vue sur le paysage et la
montagne, c’était magnifique ! Mais tout le reste des intérieurs de la maison,
ainsi que les autres intérieurs du film, ont été tournés à Montréal, souvent en
studio… En plus, nous avons eu énormément de chance car l’Alberta est
d’ordinaire une région très venteuse et lorsque nous avons tourné, pendant
l’été 2012, nous n’avons pratiquement jamais eu de vent. Au moins, la météo a
été de notre côté. En Alberta, on faisait de la piste pour aller sur les
décors, on roulait dans des 4x4 qui soulevaient la poussière, on avait la
musique à fond, on croisait des animaux sauvages… C’était exceptionnel.
La nature est
d’ailleurs magnifique dans le film, à la fois sensuelle et lyrique, comme elle
peut l’être dans les premiers films de Terrence Malick. D’autant que la 3D la
magnifie…
Les
paysages s’y prêtaient et la 3D les rendait en effet plus sensuels, presque
palpables… Même si c’est toujours un peu frustrant de filmer la nature parce
qu’on ne peut pas beaucoup inventer, ni maîtriser les choses. Il suffit de
choisir le bon endroit et d’y aller à la bonne heure. Il ne faut pas que vos
objectifs soient ni trop longs, ni trop courts… J’aime bien qu’il y ait des
perspectives sur lesquelles m’appuyer pour pouvoir composer des cadres, avec
des focales courtes. J’ai quand même pu compenser avec les scènes de train. C’était
comme de jouer au petit train mais… grandeur nature !
Le grand pari
était de trouver le petit garçon sur qui tout le film repose. Or, il faut
reconnaître que Kyle Catlett est… prodigieux ! Comment l’avez-vous rencontré ?
J’ai
travaillé avec une formidable directrice de casting québécoise, collaboratrice
notamment de Denys Arcand : Lucie Robitaille. Nous avons lancé un immense casting
à Montréal, Ottawa, Toronto, Vancouver, New York, Los Angeles et Londres. Nous
avons vu je ne sais pas combien d’enfants mais malgré cela, aucun n’était intéressant.
Je commençais à être inquiet. J’ai alors demandé à voir le deuxième et le
troisième choix de Scorsese pour HUGO CABRET et Lucie m’a répondu que… je les
avais déjà vus et pas retenus ! C’était la panique. Et puis, un jour, elle m’a
montré les essais d’un môme, dix fois trop petit, qui avait 9 ans et en
paraissait 7 mais qui, en même temps, avait un truc ! Quelque chose d’étrange,
de fort, de singulier. C’était Kyle. Je me suis dit : « Ce n’est pas possible,
il est trop petit pour le rôle… T.S. est supposé avoir 12 ans » mais je
n’arrêtais pas de penser à lui. Nous avons convenu d’un rendez-vous avec lui
sur Skype. Il m’a fait un grand numéro : « Je peux pleurer sur commande, je
suis costaud, je suis fort, je suis champion du monde d’arts martiaux des moins
de 7 ans » ! J’ai découvert un enfant extraordinaire qui, tout de suite, était très
juste et comprenait magnifiquement bien les scènes de comédie. Si bien que dès
que je suis arrivé au Canada, je suis reparti pour New York faire des essais
avec lui. J’ai hésité pendant deux jours mais il était tellement formidable
que, malgré sa taille, j’ai décidé que ce serait lui T.S. Spivet. Et là, on
nous a dit qu’il avait signé la veille pour tourner dans une série américaine,
THE FOLLOWING ! L’agent nous avait menti en nous disant qu’il n’avait pas
d’autre proposition et qu’il était disponible. Nous avons hésité mais il était trop
idéal pour passer à côté. Nous avons pris le risque et l’avons donc engagé. La
série a démarré un peu plus tard, à la moitié de notre tournage, et là… nos
ennuis ont commencé !
Pourquoi ?
Parce
qu’on comptait sur les producteurs de la série pour nous faciliter la tâche –
les conflits de dates pour les acteurs, c’est courant dans le cinéma mais on finit
toujours par s’arranger – et qu’au contraire, ils n’ont jamais rien fait pour
nous aider. Je leur ai écrit, je n’ai jamais eu de réponse sauf de leur service
juridique nous disant que Kyle était à eux ! Ils nous ont vraiment considérés
comme des « petits fromages qui puent », et nous avons vécu un enfer parce que
nous avons dû aménager le plan de travail en Alberta en fonction de ses
disponibilités. On l’avait le lundi mais pas le mardi, puis le jeudi mais pas
le vendredi. Nous n’avons cessé de jongler. Heureusement son tournage était à
New York et pas à Los Angeles. Kyle voyageait la nuit, il repartait en
hélicoptère, on travaillait les week-ends… Tout cela ne l’empêchait absolument
pas d’être extraordinaire ! D’ailleurs, quand il a cru, à un moment donné, que
la série télé allait l’empêcher de faire le film, il était en larmes. Il disait
: « Mais je veux faire T.S., c’est moi T.S. ! Je veux absolument faire le film…».
Quant à moi, j’ai dû faire des prouesses de mise en scène pour tourner quand il
n’était pas là, et personne ne peut se rendre compte de ces problèmes en voyant
le film.
Comment
avez-vous travaillé avec lui ? Comment l’avez-vous dirigé ?
Avant
le début du tournage, on a travaillé ensemble pendant une semaine avec un coach
pour étudier tout le scénario. Cela avait l’air de l’ennuyer. Même s’il prenait
quelques notes, il avait la tête ailleurs. Pourtant, il enregistrait tout de A
à Z sur son disque dur ! Pendant le tournage, la coach était là pour travailler
avec lui et lui remémorer un peu les sentiments de T.S. mais il n’en avait pas
vraiment besoin tellement son instinct est sûr. Lorsque, sur la deuxième partie
du tournage, il n’a plus eu de coach, j’avais peut-être un peu plus de travail
mais à peine : il avait fini par connaître T.S. mieux que moi. Je me souviens
d’une scène, lorsqu’il croise un garde : soudain, Kyle ne joue pas comme je
l’avais imaginé mais de manière beaucoup plus arrogante. Je pensais qu’il aurait
pu avoir peur et je sentais que Kyle résistait, et lorsque j’ai vu le montage j’ai
compris qu’il avait raison : à ce moment-là, T.S. a vécu tout ce long voyage,
il a affronté d’autres dangers, il a mûri, il n’a plus peur… Je me souviens aussi
que pendant le discours final où Kyle est extraordinaire – 7 ou 8 minutes d’une
traite, quand même ! – il s’est soudain arrêté de parler, la coach lui a alors
soufflé le texte, il l’a regardée et lui a dit : « Ce n’est pas un trou de
mémoire, c’est une pause… Si j’ai un trou de mémoire je bougerai mon pied comme
ça. ». Un vrai professionnel ! Et en même temps, pas du tout un petit monstre
mais un enfant qu’il fallait traiter aussi comme un enfant.
Et comment
avez-vous composé le reste du casting ?
Helena,
il y a longtemps que je voulais travailler avec elle. Depuis que je l’avais
rencontrée sur le tournage de FIGHT CLUB de David Fincher et qu’elle m’avait
dit, en français : « Avec toi, je fais un film quand tu veux ! ». J’aime son
inventivité et sa folie. J’ai donc écrit en pensant à elle, ce qui est toujours
risqué, mais lorsque je lui ai envoyé le scénario, elle m’a répondu « Je suis
amoureuse de ton script.». Cela a donc été très simple. En plus, elle est
elle-même d’une grande simplicité… Pour tous les autres acteurs, j’ai beaucoup discuté
avec Lucie Robitaille qui m’a fait découvrir des acteurs québécois formidables
et m’a aussi présenté des directeurs de casting de Toronto, de Vancouver...
C’est
comme cela que nous avons rencontré et choisi les autres interprètes : Callum
Keith Rennie, qui joue le père, surtout connu pour ses rôles dans les séries
télé BATTLESTAR GALACTICA et CALIFORNICATION, Niamh Wilson, qui joue Gracie, la
sœur de T.S., et Jakob Davies, qui joue Layton, le frère de T.S. dont on a
d’ailleurs fait un faux jumeau de T.S. parce qu’on ne trouvait pas un acteur
plus jeune qui soit plus petit que Kyle.
Et Judy Davis
qui compose un étonnant personnage de sous-secrétaire du Musée Smithsonian ?
C’est
le rôle qui a été le plus compliqué à distribuer. J’ai d’ailleurs beaucoup
hésité sur ce personnage qui est un homme dans le roman. J’ai contacté pas mal d’acteurs
et d’actrices avant de me décider. Et puis, à un moment, nous étions en contact
avec Kathy Bates. Du moins, on le croyait ! Car après avoir entendu ses agents dire
qu’elle m’adorait, qu’elle adorait le script, qu’elle voulait faire le film et
après avoir attendu sa réponse pendant deux mois, on a appris par la bande deux
semaines seulement avant le début du tournage, qu’elle n’avait même pas eu le
script en mains ! Du coup, je lui ai écrit directement et je lui ai envoyé le
scénario. Elle était emballée, m’a parlé du personnage avec beaucoup d’enthousiasme
et m’a donné son accord. Et puis elle a passé la visite médicale obligatoire et
là, les médecins ont découvert qu’elle avait un cancer et qu’il fallait lui
enlever les seins ! C’était un sacré choc ! Mais il fallait qu’on se retourne,
on a alors pensé à Robin Williams qui a d’abord dit oui avant… de dire non
quelques jours avant le tournage. C’est la productrice canadienne
Suzanne
Girard qui a pensé à Judy Davis. On l’a contactée et elle a débarqué de Sydney
deux jours avant le tournage ! Elle m’a fait tellement rire…
Et bien sûr on
retrouve Dominique Pinon…
C’était
inévitable ! [Rires.] Mais nous avons eu chaud parce que notre plan de
travail étant sans arrêt modifié à cause des disponibilités de Kyle, il a
failli ne pas pouvoir faire le film car il devait jouer au théâtre à Paris. Il
est d’ailleurs arrivé à Montréal dans la journée, on l’a emmené dans cette gare
de triage qu’on avait trouvée au milieu d’autoroutes et de centres commerciaux,
on a inventé son look sur place, il a tourné de nuit, le lendemain, on l’a
remis dans l’avion et il est arrivé à Paris juste à temps pour sa première !
Heureusement, il avait travaillé son texte avant. Et puis, comme il a fait ses
études en anglais aux Etats-Unis, il n’y avait pas de problème de langue… Il
est idéal dans la peau de Deux Nuages qui est vraiment un joli personnage.
Si on retrouve
aussi bien sûr dans l’équipe technique vos collaborateurs habituels, Aline
Bonetto aux décors, Madeline Fontaine aux costumes, Nathalie Tissier au
maquillage, etc. en revanche, vous avez changé de chef opérateur…
Dans
mon idée de faire un film européen sur le continent américain, il y avait
évidemment le désir d’avoir à mes côtés mes collaborateurs habituels, ma
famille quoi ! J’ai donc emmené tout le monde dans l’aventure, ceux que vous
citez mais aussi ma scripte, mon premier assistant, mon ingénieur du son, mon
monteur, etc. Et je voulais retrouver aussi Bruno Delbonnel, avec qui, déjà, je
n’avais pas pu travailler sur MICMACS…, mais il venait de faire deux films
américains – DARK SHADOWS de Tim Burton et INSIDE LLEWYN DAVIS des Frères Coen
– et ne pouvait pas enchaîner avec un troisième et rester aussi longtemps loin
de la France et de sa famille. Je suis donc reparti à zéro et j’ai revu – grâce
à Internet, tout est possible aujourd’hui ! – les bandes démo de tous les chefs
opérateurs français comme si je n’en connaissais aucun. Et je suis tombé sur
les images de Thomas Hardmeier, dont j’ai beaucoup aimé le travail dans les films
de Richard Berry et dans un film de science fiction, CHRYSALIS, de Julien
Leclercq. Nous nous sommes rencontrés. Il est suisse allemand d’origine et a un
humour très pince sans rire, un peu british. Nous avons regardé des images
ensemble, nous avons parlé de la 3D, du film, etc. Il m’a plu.
Avez-vous vu des
films, des tableaux de référence ensemble ?
Oui
comme toujours, mais finalement le film qui nous avait servi de référence au
début de nos conversations, nous l’avons un peu oublié ensuite. C’était
L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES… dont j’aimais beaucoup la désaturation des images.
Très vite, nous nous sommes aperçus que si nous allions dans cette direction
nous donnerions au film un côté film d’époque, ce qui n’est pas le cas, et en plus
ce n’était pas propice à la 3D car la 3D demande des images contrastées et
colorées, sinon elle est moins payante.
Visuellement le
film est très différent de vos films précédents, non seulement dans les
couleurs mais aussi dans les cadrages…
J’avais
en effet dès le départ la volonté, tout en gardant mon sens de l’esthétisme,
mon goût du beau, de moins faire “du Jeunet” que d’habitude. C’est-à-dire de
moins aller vers des images chaudes et dorées et plutôt vers des images plus « normales
», plus réalistes puisque l’histoire qui se déroule aujourd’hui est très réaliste.
Pour ma satisfaction esthétique, je pouvais compter sans souci sur la beauté
des paysages et, comme d’habitude, sur le choix des décors et des costumes.
Quant aux cadrages, j’ai continué à travailler avec les courtes focales mais
c’est tellement long quand on travaille en 3D de changer un objectif qu’à un
moment donné, j’ai laissé sur la caméra le 21 mm, qui est de toute manière mon
objectif de prédilection, et j’ai tourné les trois quarts du film avec. Je ne
suis pas sûr que les cadrages soient d’ailleurs si différents que cela mais
c’est la 3D qui leur donne une nouvelle dimension. Il est vrai aussi que j’ai
moins fait bouger la caméra, et en tout cas plus lentement, toujours par rapport
à la 3D.
Justement,
SPIVET est votre premier film en 3D et l’on sent bien, comme vous le disiez au
début de cet entretien, qu’elle est inhérente au projet lui-même. Comment vous
y êtes-vous préparé ?
En
travaillant ! Déjà, j’ai beaucoup regardé ce qui avait été fait pour bien
comprendre à la fois les exigences et les limites de la 3D, ce qu’il faut faire
et ne pas faire, ce qui est payant et ce qui ne l’est pas. Je me suis rendu
compte qu’aux Etats Unis beaucoup de films étaient tournés en 2D puis convertis
en 3D, ce qui est un vrai massacre ! Je n’ai pas vu tant de films que cela
vraiment pensés pour la 3D, sinon HUGO CABRET de Scorsese – dont j’ai
d’ailleurs utilisé le stéréographe, Demetri Portelli qui, lorsqu’il tournait
CABRET à Paris m’avait écrit pour me dire qu’il aimerait bien travailler avec
moi – et LIFE OF PI d’Ang Lee. A l’écriture, j’ai pensé 3D; au story board,
j’ai pensé 3D en ombrant les personnages pour donner un peu l’idée du relief,
et au tournage bien sûr, nous avons accordé un soin immense à la 3D ainsi que
pendant la post-production. Et cela va être un autre combat maintenant pour que
le film soit montré convenablement en salle. C’est un combat de tous les
instants qui demande beaucoup d’énergie, de temps et d’argent. Nous sommes
encore dans une phase expérimentale de la 3D et il est clair que nous sommes
les cobayes de cette nouvelle technologie.
On
a ainsi été les premiers à utiliser une nouvelle caméra numérique, l’Alexa M de
Technovision, qui est toute petite parce qu’elle est reliée au recorder par un
câble, et on a été les premiers à utiliser la fibre optique ce qui nous
permettait d’avoir 300 mètres de câble. Sauf que la fibre optique est très
sensible aux poussières et que lorsqu’on attend depuis deux heures le beau nuage
pour tourner et qu’on l’a enfin et que là, on vous dit qu’il y a des problèmes
avec la fibre optique, vous avez juste envie de tuer les ingénieurs de la
vision !
Cela
changeait-il beaucoup de choses pour vous pour les prises de vue elles-mêmes ?
Oui,
bien sûr. Cela demande une très grande attention mais, comme toute expérience
nouvelle, c’était aussi très excitant. Il y a des tas de choses qu’on ne peut
pas faire. Il faut toujours éviter par exemple que les gens passent très vite
devant la caméra, ou qu’il y ait des premiers plans trop encombrants ou des
reflets, voire des brillances, car cela devient très gênant pour l’œil. J’ai
ainsi privilégié des images très contemplatives. Ensuite, il faut aussi bien
disposer les objets dans l’espace pour amplifier cette impression de relief,
c’est là où l’accessoirisation du décor et le travail avec Aline Bonetto était
très important. De même le travail avec Madeline Fontaine sur les costumes : en
3D les textures, les matières sont importantes, certaines sont plus payantes
que d’autres… Pendant le tournage, je n’arrêtais pas de faire des
allers-retours entre le plateau et la tente où étaient installés les écrans 3D
pour voir l’effet rendu, pour être sûr de ce qu’on faisait. Ce qui était aussi très
excitant, c’était d’intégrer au film grâce à la 3D les notes et les croquis qui
jalonnent le livre mais cela on l’a fait en post-production. Les gens adorent quand
ils ont l’impression que les objets viennent vers eux, qu’ils peuvent quasiment
les toucher. C’est facile dans une pub, ça l’est moins dans un long métrage
sauf quand le sujet s’y prête comme ici. Ces petits dessins, ces inventions de
Spivet sont comme des fantasmes, comme des rêves qui sortent du livre, eh bien
ils sortent littéralement du film !
Après Thomas Hardmeier
le chef opérateur, autre nouveau collaborateur : le compositeur de la musique, Denis
Sanacore…
Pour
des raisons de coproduction, c’était bien que j’utilise un compositeur
canadien. Mais je n’avais pas envie des grands compositeurs canadiens comme Howard
Shore ou Mychael Danna qui font de la musique trop illustrative à mon goût.
J’ai toujours eu un faible pour les musiciens un peu décalés : Carlos d’Alessio,
Yann Tiersen, Badalamenti, Raphaël Beau… Alors j’ai fait comme pour le chef
op’, j’ai cherché sur Internet ! Et j’ai écouté tout ce qui se fait aujourd’hui
au Canada, j’ai dû écouter 400 musiciens. J’en ai même trouvé un qui se
définissait ainsi : « Fait de la musique et démonte les pneus » ! C’est dire jusqu’où je suis allé. Et
à un moment, je suis tombé sur le site d’un musicien qui n’a pas fait de
disques, qui n’a jamais travaillé sur un film. Il a créé un duo avec sa femme,
le Duo Sanacore, il est guitariste et elle est violoniste, ils ont un très
large répertoire et ils… jouent dans les mariages. Sur son site, il y avait un
thème de sa composition qui correspondait exactement à l’envie que j’avais pour
SPIVET. Un côté western, un peu folk, avec de la profondeur et de l’émotion. En
arrivant au Québec, j’ai écouté d’autres thèmes qu’il avait composés puis j’ai demandé
à le rencontrer, il était très surpris. J’ai fait à Denis Sanacore la même
proposition qu’à Raphaël Beau sur MICMACS… : composer une trentaine de thèmes
sans être sûr que je les prenne, mais s’ils me convenaient, il serait le compositeur
de la musique du film. Il a accepté ce pari et toutes les semaines, il
m’envoyait de nouvelles compositions. Denis a le génie des thèmes qui vous
obsèdent. Et puis un jour, pendant le tournage, Julien Lecat qui réalise le
making-of et a fait quasiment en live un montage provisoire du film, a
placé sur une scène un morceau de Sanacore et… cela fonctionnait très bien ! J’ai
appelé Denis et lui ai dit qu’il faisait le film. J’ai procédé avec lui comme
avec Yann Tiersen, je lui ai demandé de composer de nombreux morceaux et j’ai
puisé dedans en fonction des scènes et des images.
On
trouvait toujours quelque chose qui collait. Il lui est arrivé aussi d’écrire
deux ou trois morceaux pour des images précises mais par essence c’est
quelqu’un qui a besoin de liberté. D’ailleurs, on a voulu à un moment tout
réenregistrer de manière professionnelle, en studio, parce que lui avait fait
ça dans son salon, en débranchant le téléphone et en faisant taire son chien. Mais
on s’est rendu compte qu’il y avait une couleur qu’on n’arriverait jamais à
retrouver et on a gardé ce qu’il avait fait, comme il l’avait fait. J’adore ce
type de rencontres et d’histoires…
Qu’est-ce qui a
été pour vous le plus difficile à accomplir sur ce film ?
D’abord,
de survivre à ces problèmes de calendrier avec l’enfant. Puis de résoudre les
problèmes de syndicat à l’américaine, surtout en Alberta, parce que, en France,
on vit sur un plateau dans une liberté dont on ne se rend plus compte, tout y
est beaucoup plus souple et beaucoup plus amical. Puis, de surmonter les difficultés
qu’apporte la 3D car au niveau pratique, c’est quand même d’une très grande
lourdeur. Enfin de résister à l’envie de tuer un ou deux de ces plus grands
menteurs de la planète que sont les agents américains…
Quelle était la
scène que vous appréhendiez le plus ?
Le
discours final de T.S. Il était capital parce que tout le film finalement
reposait là-dessus. Or, le premier jour de tournage prévu, la mère de Kyle a
trouvé qu’il n’était pas en état de le faire. Autant dire que je n’en menais
pas large le deuxième jour ! Je vais le voir dans sa caravane, je lui demande si
tout allait bien et… il m’a dit : « Oui complètement relax ! » Je me souviens
lui avoir demandé s’il voulait que les figurants restent devant lui ou s’il préférait
ne pas les voir et il m’a répondu : « C’est bien qu’ils soient là, ça peut
aider » ! Ce petit bout s’est donc retrouvé devant 130 figurants qui
l’attendaient au tournant, avec 10 pages de texte. « Moteur ! ». En deux
prises, c’était fait !
Et celle que
vous avez préféré tourner ?
La
même, je crois ! Kyle était tellement bien dans cette scène que je savais qu’à
partir du moment où on avait cette scène, on avait le film ! Or, c’est peu de temps
après qu’on nous a dit que Kyle ne serait plus disponible, qu’il allait partir
tourner la série américaine. A ce moment-là, je me suis dit : « On a le discours, on a les scènes les plus
difficiles, on a fait le plus dur, on ne peut pas arrêter le film, il faut
qu’on se débrouille.» Et on s’est débrouillés ! Heureusement d’ailleurs qu’on a
commencé par tourner toutes ces scènes-là à Montréal avant de partir pour
l’Alberta, sinon le film était fichu !
Savez-vous quand
le film va sortir aux États-Unis ?
Non
pas encore. Nous avons aussi un coproducteur américain, Cross Creek, qui avait
mis de l’argent notamment dans BLACK SWAN, mais sur les images qu’il a vues à
Cannes – et qui, dit-il, l’ont fait pleurer – Harvey Weinstein, sans même
attendre de voir le film terminé, a acheté SPIVET et va le distribuer. C’est lui
qui avait distribué AMÉLIE, j’y vois comme un bon signe…
LES PERSONNAGES
LA FAMILLE SPIVET
Dans la famille Spivet, entre le fils très en avance pour
son âge, le père en retard de cent ans, la sœur rêvant de tapis rouge et la
mère cherchant l’équivalent de la licorne chez les insectes, c’était dur de désigner
le plus « normal ». En fait si, le plus normal était Layton…
T.S. SPIVET
Il n’a que dix ans mais pourrait en avoir trente de plus tellement
il sait de choses. Doté d’une immense imagination, d’une curiosité insatiable
et d’une prodigieuse faculté d’observation, personne ne se doute qu’il est le
Leonard de Vinci du Montana, plus à l’aise pour inventer la roue à aimants ou
la machine à mouvement perpétuel que pour aider son père au ranch ou enfiler
deux chaussettes de la même paire. Pour ne pas tourner en rond comme une chauve-souris,
il décide de partir, seul, à Washington et de confronter ses intuitions et ses
recherches à celles des autorités scientifiques. Mais en chemin, tout en se
posant des questions insolubles du genre « Comment les humains sont-ils
capables de produire autant d’angles droits alors que leurs comportements
n’obéissent à aucune logique ? », il ne cesse de penser à sa famille qu’il a
laissée là-bas, dans le ranch du Montana…
Kyle
Catlett
par
Jean-Pierre Jeunet
« C’est un môme incroyable. A 10 ans, il a vécu dans sa
vie plus de moments très forts, aussi bien positifs que négatifs, que la
plupart des gens dans toute leur vie. Il est extrêmement intelligent. C’est un
acteur très brillant qui a de manière complètement naturelle le sens de la
comédie, le sens du tempo et un registre très large. Il est aussi à l’aise dans
l’humour que dans la gravité, la légèreté, l’émotion… Je l’ai vu sur le
tournage bien sûr mais je m’en suis rendu compte davantage encore au montage.
Tous les jours, je découvrais des petits détails de son jeu, notamment dans les
scènes de groupe où il fait son truc dans son coin que personne ne voit, et il
est tout le temps incroyablement juste. Et, malgré sa petite taille, il est
très costaud physiquement : il se battait pour faire lui-même les cascades. Je
l’ai vu pleurer une seule fois parce qu’il avait vécu un drame épouvantable :
il avait perdu un criquet ! Physiquement, moralement, je ne l’ai jamais vu
faiblir. Je ne l’ai jamais vu fatigué, grincheux, mais toujours positif et
surtout lumineux. LUMINEUX ! ».
Né en 2002, américain, parlant six langues dont le russe
(sa mère est d’origine russe) et le mandarin, champion du monde trois ans de
suite d’Arts Martiaux Mixtes et membre en 2010 de l’équipe américaine junior de
Wushu, il a commencé sa carrière d’acteur à l’âge de 7 ans dans des publicités
avant d’être très vite repéré par la télévision et le cinéma. Il a joué
notamment dans les séries MERCY
HOSPITAL (2009), créée par Liz Heldens, UNFORGETTABLE (2011) créée
par Ed Redlich et John Belucci, et THE FOLLOWING (2013) créée par Kevin
Williamson, avec Kevin Bacon. En 2013, il a remporté le prix du meilleur acteur
au Festival international de Greenville pour sa prestation dans THE PALE
OF SETTLEMENt, court métrage de Jacob Sillman. L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU
JEUNE ET PRODIGIEUX T.S. SPIVET est son premier premier rôle dans un
long métrage.
LE PÈRE
Né avec cent ans de retard, il a l’allure, le visage
buriné, l’âme et la mentalité d’un cow-boy. Pour lui, parler est une corvée
nécessaire comme ferrer un cheval. Et quand il vous parle, il a toujours le
regard sur l’horizon, jamais sur vous. Dans son bureau se côtoient un autel
dédié à Billy the Kid, un puma empaillé, une collection de fers à cheval et de bottes.
C’est un véritable musée d’où émane une puissante impression de nostalgie de
western. S’il aime Layton plus que tout au monde, il ne comprend pas comment il
peut aussi être le père de T.S., cet enfant qui ne sait pas tenir un fusil ni
un lasso, ni même une pioche, et passe ses journées à imaginer des inventions
plus saugrenues les unes que les autres, des… foutaises de chochotte !
Callum Keih
Rennie
par
Jean-Pierre Jeunet
« Il m’a suffi d’un court essai avec Callum Keith Rennie pour
comprendre qu’il était parfait, avec sa belle gueule, sa belle allure, pour le
rôle du père. Callum a surtout fait de la télévision et était au départ un peu
nerveux, un peu tendu, surtout devant ma façon de travailler avec les acteurs
qui est très précise. Il était même presque agressif. Je l’ai pris à rebours en
lui disant : « Demain, on va essayer de faire cette scène mais je ne suis pas
sûr que tu y arrives, tellement tu es mauvais, tellement tu es tête brûlée, ça
va être une catastrophe ! ». Il a d’abord été totalement déconcerté puis a
réalisé que c’était de l’humour, et là, je l’ai vu s’abandonner. Je l’ai gagné
comme ça. Ensuite, c’est devenu un jeu entre nous. Je lui disais : « On a fait
un plan génial ! Avec ta barbe, ta peau luisante sous le ciel bleu, c’est du
Sergio Leone, c’est à tomber par terre. Dommage qu’en comédie tu sois si nul
! ». Il avait compris que j’étais inatteignable s’il était agressif. Nous
nous sommes très bien entendu et il s’est révélé formidable.».
Né en 1960 en Grande Bretagne, élevé en Alberta au Canada,
c’est à Edmonton que Callum Keith Rennie se lance à 25 ans dans la carrière
d’acteur au théâtre et c’est à Vancouver quelques années plus tard qu’il débute
à la télévision et au cinéma. Il a joué dans de très nombreuses séries (UN TANDEM DE CHOC, X FILES, HIGHLANDER, MY LIFE AS
A DOG, 24H CHRONO, THE KILLING, THE FIRM) mais est surtout connu pour son
rôle du méchant Cyclon Leobon dans la série de science-fiction BATTLESTAR GALACTICA
(2004-2009) et pour son personnage de rocker dans CALIFORNICATION (2008-2013).
Au cinéma, il a débuté dans deux films indépendants canadiens remarqués DOUBLE
HAPPINESS de Mina Shum (1994) et HARD CORE LOGO (1996) de
Bruce McDonald. On l’a vu aussi depuis dans EXISTENZ, MEMENTO, L’EFFET
PAPILLON, BLADE : TRINITY, INVISIBLE, X FILES RÉGÉNÉRATION, LE CAS 39…
LA MÈRE
Belle, étrange, avec beaucoup d’allure, spécialiste des
sauterelles et autres insectes, le Dr Clair a passé la majeure partie de sa vie
à étudier à la loupe de minuscules créatures, puis à les classer en espèces et
sous-espèces. Et aussi… à faire griller les grille-pain ! Puis, un jour, elle a
tout arrêté pour se consacrer à une unique mission : prouver au monde scientifique
l’existence de la cicindèle vampire alors que si ça se trouve… elle n’existe
pas. Elevant ses enfants un dictionnaire taxinomique à la main, elle a
encouragé la vocation de T.S. qui assurément tient d’elle son imagination et sa
curiosité scientifique mais qui trouve pourtant que depuis quelque temps elle
n’est plus très présente pour lui, ni pour personne d’ailleurs…
Helena
Bonham Carter
par
Jean-Pierre Jeunet
« C’est une actrice que j’aime beaucoup. Elle est d’une inventivité
incroyable à tel point que j’avais le sentiment parfois d’avoir une Porsche
entre les mains et de ne la conduire qu’à 20 km/h ! En revanche, ces 20 km/h
que j’ai utilisés, c’est quelque chose ! On n’a pas l’habitude de la voir comme
ça. C’était un immense plaisir de travailler avec elle. Elle est légère et
profonde à la fois, capable en même temps de fantaisie et d’émotion. Et elle
n’a peur de rien. Il y avait un plan séquence où il fallait se jeter au sol
entre la Dolly et le travelling, elle a insisté : « J’ai fait de la gym, je
vais te faire ça ! ». Elle l’a fait trente-cinq fois, elle avait les genoux en
sang mais elle l’a fait. Parfois, pour m’amuser elle faisait des prises à la
Tim Burton ! Elle est d’une grande simplicité. Je la revois assise sur une
chaise dehors, le soir, devant cet hôtel de Pincher Creek où nous étions, en
train de manger des hamburgers face aux pick-up des types qui travaillaient
dans le pétrole ou faisaient des rodéos et se demandaient qui était cette femme
! ».
Née en 1966 à Londres dans une famille de grande tradition
politique, elle a fait ses premiers pas d’actrice à 16 ans dans la publicité
avant de débuter à la télévision puis au cinéma. C’est sa rencontre avec James
Ivory sur CHAMBRE AVEC VUE en
1986 qui la met sur le devant de la scène. Elle le retrouve pour MAURICE
et RETOUR À HOWARD’S END. Habituée des films historiques et en
costumes, on l’a vue dans HAMLET de
Franco Zeffirelli, FRANKENSTEIN de
Kenneth Branagh, LA NUIT DES ROIS
de Trevor Nunn, mais aussi chez Woody
Allen (MAUDITE APHRODITE) et
David Fincher (FIGHT CLUB). Sa
prestation dans Les AILES DE LA COLOMBE de Ian Softley lui vaut en 1998 une nomination à l’Oscar de la
meilleure actrice. Elle devient après LA PLANÈTE DES SINGES (2001) l’actrice fétiche (et la compagne) de Tim Burton et tourne sous
sa direction BIG FISH, CHARLIE ET
LA CHOCOLATERIE, LES NOCES FUNÈBRES, SWEENEY TODD, ALICE AU PAYS DES MERVEILLES et DARK SHADOWS. Elle est la méchante Bellatrix Lestrange
dans les quatre derniers épisodes de HARRY POTTER et on l’a vue aussi ces dernières années dans
LE DISCOURS D’UN ROI et LES
MISÉRABLES de Tom Hooper, et dans DE
GRANDES ESPÉRANCES de Mike Newell.
Elle a été citée par le Times parmi les dix meilleures actrices anglaises de
tous les temps.
LAYTON, LE FRÈRE
Le frère jumeau de T.S. mais jumeau dizygote – chacun son
embryon, chacun son style et chacun sa bonne fée : la sienne a été généreuse en
centimètres, celle de T.S. en neurones. Avec sa Winchester, il aime tirer sur
tout ce qui bouge, les boîtes de conserve comme les coyotes. Casse-cou dont les
exploits physiques font rêver T.S., Layton tient assurément de son père dont il
prendra un jour la relève à la tête du ranch.
Jakob
Davies
par
Jean-Pierre Jeunet
« On l’a trouvé assez tard parce qu’on a longtemps cherché
un enfant plus petit que Kyle et… c’était impossible ! Du coup, on en a fait
des faux jumeaux. C’est un acteur absolument formidable. Et en plus extrêmement
gentil et poli. Sur le tournage, tout le monde l’adorait. C’est un acteur très
sérieux, qui travaille sans doute beaucoup chez lui avant le tournage et qui
arrive très préparé, presque trop car c’est un peu difficile de le faire sortir
de ses rails. En même temps, ce qu’il fait, il le fait tellement bien…».
Né au Canada, Jakob Davies a débuté comme acteur en 2009
dans des films publicitaires avant de passer rapidement à la télévision et au
cinéma où il a déjà joué dans une vingtaine de productions. Il est surtout
connu pour son rôle de Lex Luthor dans la série SMALLVILLE (2010) et pour celui de Pinocchio dans la
série d’ABC, ONCE UPON A TIME (2011-2013). Au cinéma, on l’a vu notamment
dans THE SECRET de Pascal Laugier (2012).
LA SŒUR, GRACIE
Elle, elle se demande comment elle a pu naître dans une
famille aussi plouc au fin fond du Montana alors qu’elle est faite pour
Hollywood, le tapis rouge et la gloire. Même si à chaque fois qu’elle en a
l’occasion elle se drape dans son aura d’actrice incomprise, elle se dit que,
finalement, être la sœur d’une célébrité, ce ne serait déjà pas si mal…
Niamh
Wilson
par
Jean-Pierre Jeunet
« C’est en faisant un casting à Toronto qu’on a découvert Niamh.
Elle se détachait vraiment du lot. Le danger avec ce personnage d’adolescente
qui roule les yeux au ciel sans arrêt était qu’elle soit insupportable. Niamh a
réussi à rendre cet aspect là sans être irritante, et même en suscitant de
l’empathie pour son personnage. Elle avait aussi le grand pouvoir d’aller vers
l’émotion sur commande. Lorsqu’on tournait la scène où elle regarde T.S. à la
télé, je lui ai rappelé que Gracie à ce moment-là ne se moquait plus mais
craquait. Elle m’a regardé et hop, s’est mise à pleurer. Une seule prise a
suffi ! Formidable ! ».
Née en 1997 à Oakville, Ontario, Canada, Niamh Wilson
débute dans le pilote d’une série pour la Warner, Chasing Alice, à l’âge de 5 ans. Deux ans après, elle
est l’héroïne d’un téléfilm HAUNTING SARAH qui lui vaut le Young Artist
Award. En 2006, elle enchaîne avec, au cinéma, le thriller surnaturel THE
MARSH et le film d’horreur SAW III (un rôle qu’elle reprendra dans SAW
IV et SAW V) et, à la télévision avec la série RUNAWAY. En
mai 2012, pour sa première comédie, DEBRA, sur The Family Channel, elle
reçoit le Young Artist Award du meilleur premier rôle dans une série télé.
LA SOUS-SECRÉTAIRE DU SMITHSONIAN, MISS JIBSEN
En fait, Miss Jibsen pense que c’est elle qui dirige la
prestigieuse institution et qu’elle incarne l’autorité scientifique – en tout
cas aux yeux de T.S. puisqu’il n’a que dix ans. Lui ne cherche pas à la
démentir même s’il n’en pense pas moins…
Judy Davis
par Jean-Pierre Jeunet
« Judy est donc arrivée au dernier moment sur le tournage.
C’était un vendredi soir. Pendant le week-end, on a créé son look : elle a
essayé deux trois tailleurs, on a choisi ses lunettes, on lui a laissé la coupe
de cheveux qui était la sienne à ce moment-là, et hop, le lundi matin, moteur !
Comme nous n’avions pas beaucoup de temps pour travailler, la seule indication
que je lui ai donnée a été : « Sois toi-même et fais moi rire ! » Et… elle m’a
fait rire ! Elle est tellement drôle que c’est un bonheur absolu de travailler
avec elle. Elle apporte un contrepoint comique dans cette histoire finalement assez
grave, surtout à ce moment-là du récit. Par contraste, l’émotion de T.S. n’en
est que plus forte. ».
Née en
1955, à Perth en Australie, diplômée en 1977 du National Institute of Dramatic
Arts, Judy Davis est remarquée deux ans plus tard au cinéma dans MA BRILLANTE
CARRIÈRE de Gilliam Amstrong qui lui vaut les premières de ses nombreuses
récompenses. Si, au cinéma, on l’a vue régulièrement dans de nombreux films de
prestigieux réalisateurs (LA ROUTE DES INDES de David Lean, BARTON
FINK des Coen, LE FESTIN NU de David Cronenberg, LES PLEINS
POUVOIRS de Clint Eastwood, MARIE-ANTOINETTE de Sofia Coppola, THE
EYE OF THE STORM de Fred Schepiesi pour lequel elle a reçu en Australie le
prix de la meilleure actrice), c’est avec Woody Allen qu’elle a le plus tourné depuis
leur première rencontre en 1980 pour ALICE : MARIS ET FEMMES (1992),
HARRY DANS TOUS SES ÉTATS (1997), CELEBRITY (1998) et TO ROME
WITH LOVE (2012). Elle travaille beaucoup également au théâtre et à la télévision. Son interprétation de Judy Garland dans JUDY GARLAND,LA VIE D’UNE ÉTOILE lui a ainsi valu en 2002 son deuxième Golden Globe de la meilleure actrice dans un téléfilm.
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