Back to the future
Drame/Très belle mise en scène et réalisation originale mais il faut avoir lu le roman
Réalisé par Joe Wright
Avec Keira Knightley, Jude Law, Aaron Taylor-Johnson, Kelly Macdonald, Matthew MacFadyen, Domhnall Gleeson, Ruth Wilson, Alicia Vikander, Olivia Williams, Emily Watson...
Long-métrage Britannique
Durée: 02h11mn
Année de production: 2012
Distributeur: Universal Pictures International France
Titre original: Anna Karenina
Date de sortie sur les écrans britanniques: 7 septembre 2012
Date de sortie sur nos écrans: 5 décembre 2012
Résumé: Russie, 1874, la belle et ardente Anna Karénine jouit de tout ce à quoi ses contemporains aspirent : mariée à Karénine, un haut fonctionnaire du gouvernement à qui elle a donné un fils, elle a atteint un éminent statut social à Saint-Pétersbourg. À la réception d’une lettre de son incorrigible séducteur de frère Oblonski, la suppliant de venir l’aider à sauver son mariage avec Dolly, elle se rend à Moscou. Au cours de son voyage, elle rencontre la comtesse Vronski que son fils, un charmant officier de la cavalerie, vient accueillir à la gare. Quelques brefs échanges suffisent pour éveiller en Anna et Vronski une attirance mutuelle. Oblonski reçoit également la visite de son meilleur ami Levine, un propriétaire terrien sensible et idéaliste. Épris de la sœur cadette de Dolly, Kitty, il la demande gauchement en mariage, mais Kitty n’a d’yeux que pour Vronski. Dévasté, Levine se retire à Pokrovskoïe et se consacre entièrement à la culture de ses terres. Mais le cœur de Kitty est lui aussi brisé quand elle prend conscience, lors d’un grand bal, de l’infatuation réciproque d’Anna et Vronski. Anna, désorientée, rentre à Saint-Pétersbourg, mais Vronski l’y suit. Elle s’évertue à reprendre sa calme vie de famille mais son obsession pour le jeune officier ne cesse de la tourmenter. Elle s’abandonne alors à une relation adultère qui scandalise toute l’aristocratie locale. Le statut et la respectabilité de Karénine sont mis en péril, le poussant à lancer un ultimatum à sa femme. Dans sa recherche éperdue de bonheur, Anna révèle au grand jour l’hypocrisie d’une société obsédée par le paraître. Incapable de renoncer à sa passion, elle fait le choix du cœur.
Bande annonce (VOST)
Ce que j'en ai pensé: Cet 'Anna Karenine' de Joe Wright m'a plu. La réalisation est très originale. Les décors et les costumes sont soignés. Dès la première scène, le réalisateur passe le message aux spectateurs. Il nous emmène au théâtre. La métaphore théâtrale s'étend à la vie des personnages. Car c'est le théâtre de la vie en société, dans la Russie de 1874, qui nous est montré dans 'Anna Karenine'. Léon Tolstoï dans son roman décrit les sentiments et l'époque dans laquelle ces derniers prennent vie à chaque occasion. Le livre de poche contient plus de 1000 pages. Adapter une oeuvre aussi dense et complète a du être un véritable défi.
Je trouve cette adaptation très jolie et confortable. Il est agréable de se laisser porter par les ambiances, les danses (il y a d'ailleurs une fascinante scène de bal pendant laquelle se mêlent tensions dramatiques, mouvements de valse des acteur et mouvements de caméra entre les danseurs), les robes, les décors majestueux... Les protagonistes se laissent aller à leurs sentiments d'amour naïf. On peut sourire face aux attitudes qui paraissent décalées par rapport à la société d'aujourd'hui, mais un peu de romantisme pur et dur et de grands éclats sentimentaux font plaisir à voir malgré tout (si on est dans l'humeur...).
L'histoire est bien amenée, mais franchement, j'ai bien peur que si le spectateur n'a pas lu le roman, il soit rapidement perdu entre tous les personnages, les liens de filiations et les noms de famille. De plus, je me suis aperçue que je remplissais parfois les blancs sur l'état d'esprit de certains protagonistes à des moments du film. Si je n'avais pas lu 'Anna Karenine' récemment, je ne sais pas si j'aurais compris aussi bien les évolutions de personnalité, les pressions de la société de l'époque, la raison derrière les différentes langues utilisées, les relations amicales mais tendues entre les hommes de la campagne et les hommes de la ville et les enjeux politiques. A mon avis, pour pleinement apprécier le film, il faut connaître l'histoire.
Le casting est tout à fait remarquable. Jude Law interprète un Alexei Karenin que l'on croirait sorti du roman. Il est exactement le personnage, c'est impressionnant.
Aaron Taylor-Johnson, dans le rôle de l'officier Vronski, met à profit son charme et sa jeunesse. Il est parfait dans le rôle.
J'ai beaucoup apprécié Matthew MacFadyen, dans le rôle de Stiva Oblonski, qui, lui aussi, est très proche de l'homme décrit par Tolstoï. Son interprétation du bon vivant de l'époque est rafraîchissante.
Quant à Domhnall Gleeson, il se distingue dans le rôle de Kostya Levin. Il est très convaincant. Alicia Vikander, qui interprète Kitty, et lui forment un joli duo.
Keira Knightley, qui joue le rôle d'Anna Karenine, est certes magnifique, mais je lui reproche d'avoir toujours la même interprétation d'un film à l'autre. Du coup, j'ai plus vu l'actrice que le personnage. C'est un peu dommage.
Si vous aimez les films romantiques avec des costumes d'époque magnifiques, une mise en scène qui sort vraiment de l'ordinaire et que vous avez apprécié le roman de Tolstoï, alors cette adaptation vous plaira certainement.
Les notes de production (Elles contiennent des spoilers. A ne lire qu'après avoir vu le film!)
Du
roman au scénario, et à un parti pris unique
Le réalisateur Joe Wright résume la pertinence universelle d’Anna
Karénine, le chef-d’oeuvre de Léon Tolstoï, ainsi : «Tout le monde essaie d’une
manière ou d’une autre d’apprendre à aimer.» Et pour l’actrice Keira Knightley, «l’histoire trouve toujours une
résonance à notre époque car les gens désirent toujours ce qu’ils n’ont pas, se
heurtent toujours aux interdits sociaux et peinent toujours à communiquer leurs
sentiments.»
Joe Wright soumit l’idée d’adapter Anna Karénine à l’écran à ses
collaborateurs de longue date Tim Bevan et Eric Fellner, producteurs et
co-présidents de Working Title Films, avec Keira Knightley dans le rôle-titre. «C’est un pavé de la
littérature, une histoire d’amour majeure qui a déjà maintes fois été adaptée,
et le choix du scénariste était crucial», commente Tim Bevan. Pour le réalisateur, seul
Tom Stoppard était à même de mener à bien cette mission, et le scénariste
déclare : «Je
tenais beaucoup à le faire. Je me considère essentiellement comme un auteur dramatique,
même si je n’écris pas de nouvelles pièces si souvent, et j’aime travailler
dans différents registres. Mais chaque projet n’est pas aussi prometteur que
Joe Wright réalisant un film tiré d’une des chefs-d’oeuvre de la littérature.»
Tim Bevan explique : «Tom a lu (ou relu) le roman.
Il a regardé différentes adaptations cinématographiques, dont une russe, et
télévisuelles. Anna Karénine présente un riche écheveau de thèmes et d’approches
philosophiques traitant des complexités sociales, politiques, morales et
amoureuses, et un enchevêtrement d’histoires et de personnages. Nous avons
remarqué que les adaptations précédentes s’intéressaient essentiellement à
Anna, bien que son histoire ne représente qu’une des deux trames narratives du
roman, l’autre suivant le personnage de Levine. Et nous avons constaté que son
cheminement à lui augmentait singulièrement la force narrative de l’oeuvre.»
Quant au producteur Paul
Webster, il déclare : «Il y a deux histoires, celle d’Anna et celle de Levine, dont les
trajectoires se croisent, illustrant ensemble la portée du coeur humain. Une
est tragique, l’autre édifiante.» Et Tim Bevan ajoute : «Ian McEwan, l’auteur d’Expiation
(dont est tiré REVIENS-MOI), m’a dit qu’il considérait l’histoire de Levine et Kitty comme
la plus grande histoire d’amour de la littérature, et que celle-ci était
légèrement autobiographique pour Tolstoï.» Selon le réalisateur, «Tolstoï a écrit un livre très
accessible en termes d’émotions. Son analyse des personnages et de leurs
motivations est extraordinairement perspicace.»
Avec Tom Stoppard, ils
travaillèrent de longues heures à l’exploration de chaque méandre du roman. «Tom est un fin connaisseur de
l’histoire et de la culture russes. Nous estimions pouvoir accéder au coeur
même des personnages en nous imprégnant des codes amoureux de la société russe
des années 1870. Je me suis aussi inspiré des films de Robert Altman qui
tissent de main de maître plusieurs histoires intimes. Nous avons opté pour une
sorte de double hélix narrative se développant au sein d’une communauté
spécifique. Ainsi, par exemple, Oblonski sert de catalyseur dans l’histoire d’Anna
comme dans celle de Levine.»
Au producteur Tim Bevan d’ajouter : «Eric et moi avons travaillé
sur plusieurs adaptations de romans et nous savons pertinemment que la longueur
et l’ampleur d’une oeuvre littéraire ne peuvent être reproduites dans leur
intégralité dans un long-métrage de cinéma, mais en 130 pages, Tom est parvenu
à magnifiquement capturer l’essence du roman sans compromettre les personnages
ni l’histoire et en mettant en lumière le thème principal : l’amour, sous
toutes ses formes.» Au scénariste d’élaborer : «Il y a l’amour maternel, l’amour infantile, l’amour fraternel, l’amour
charnel, l’amour pour sa patrie, etc. Le mot «amour» est au centre du roman et
de notre film, et j’ai décidé de ne pas inclure les parties du roman qui
parlent d’autre chose que de l’amour.»
Jude Law, qui interprète le rôle-clef d’Alexis
Karénine, le mari d’Anna, déclare avoir lu le scénario avant le roman : «Il est si riche en lui-même.
Chaque personnage est si précisément élaboré, et l’amour et les relations
humaines sont abordés sous des angles différents, avec sincérité et honnêteté,
sans porter de jugement.
Tom écrit des dialogues d’une grande élégance. C’est du grand art. En passant
ensuite au roman, je me suis rendu compte à quel point le travail avait dû être
fastidieux.»
Le
scénario fut achevé au printemps 2011 et les repérages débutèrent alors en
Russie et au Royaume-Uni. Tim Bevan se souvient : «Prendre le train de nuit de
Saint-Pétersbourg à Moscou au beau milieu de l’hiver, pour nous rendre à la maison
de Tolstoï, fut une expérience incroyable qui nous donna à tous une idée du
voyage qu’entreprend Anna elle-même.» Mais le réalisateur souhaitait orienter son film dans une
nouvelle direction. Plutôt que de se conformer aux adaptations précédentes et
de situer l’action dans des décors classiques de l’époque, il décida, à peine
deux mois avant le début du tournage, d’adopter une toute autre approche, plus
théâtrale. Pour le producteur Paul Webster, «Joe ne souhaite jamais faire «un film en costumes de plus».
Quand il a décidé de théâtraliser ANNA
KARÉNINE, nous
avions la garantie d’un résultat totalement original.» À Joe Wright d’élaborer : «Un des plaisirs que j’ai pris à réaliser ORGUEIL & PRÉJUGÉS et REVIENS-MOI tient
au fait que chacun de ces films a été tourné majoritairement dans un décor
unique, ce qui a par ailleurs permis une grande liberté créative. J’ai alors
envisagé d’appliquer ce procédé à ANNA
KARÉNINE. Mais
quel devrait être ce lieu unique ? Je me suis souvenu d’un passage du livre de
l’historien britannique Orlando Figes, Natasha’s Dance : "A Cultural History of
Russia", dans
lequel il décrit la haute société de Saint-Pétersbourg comme une scène de
théâtre. Selon Figes, la Russie a toujours souffert d’une crise identitaire, ne
sachant pas précisément si elle fait partie du monde occidental ou de l’Est. À
l’époque où Anna Karénine fut écrit, les Russes tendaient à se considérer
européens et s’identifiaient à la culture française.» Le scénariste ajoute : «Cette société essayait d’égaler Paris à l’opéra,
dans la littérature, et tous les autres arts. Ils s’habillaient comme les
Français, lisaient des livres sur la manière de se comporter comme eux. Leurs
salles de bal étaient souvent ornées de miroirs afin qu’ils puissent se
regarder et apprécier leurs «performances» comme Français, et on conseillait d’avoir
l’esprit moitié français, moitié russe. La moitié russe observait et inspectait
sans cesse la moitié française et s’assurait que rôle et conduite étaient
parfaitement reproduits. Leur existence toute entière était devenue une
performance régie par des idées sur le décorum, les manières et la culture
importées de France.»
Pour
Keira Knightley, «tous
ces gens, une société entière, prétendaient être ce qu’ils n’étaient pas, en
permanence.» Et
le réalisateur précise : «Anna
joue le rôle de l’épouse dévouée jusqu’au moment où elle rencontre le comte
Vronski. Mais tous ceux qui l’entourent continuent de jouer. J’ai alors pensé
que nous pourrions situer ce film dans un théâtre.» L’idée se précisa. Pour représenter
les cercles très fermés de la haute société de Saint-Pétersbourg et de Moscou
dans les années 1870, Joe Wright décida que «l’action se situerait dans un magnifique théâtre délabré,
métaphore de la société russe de l’époque pourrissant de l’intérieur, tout en
se conformant fidèlement à l’adaptation de Tom et en faisant abstraction dans l’histoire
de cette mise en abyme.» «Les producteurs m’ont accordé leur confiance totale,
mais la personne à qui je redoutais le plus d’exposer mon idée était Tom. Son
scénario était brillant mais il avait envisagé le film différemment. Il s’est d’abord
inquiété, puis il a embrassé mon idée. J’ai transposé son scénario de décors
naturels à un cadre stylisé, mais pas un seul mot ni une seule scène n’ont été
touchés.» Le
scénariste se souvient : «Joe
m’a dit qu’il ne voulait rien changer au scénario, en dehors des instructions
scéniques, mais je ne savais pas trop quoi en penser. Il est venu me voir avec
son carnet de croquis. Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite compris que ce
serait une réussite.»
Cette
nouvelle approche narrative est devenue la raison d’être du film. On y suit le
parcours de Levine dans le monde réel, mais l’odyssée d’Anna est confinée au
théâtre, même si ce confinement est visuellement riche. L’immense théâtre russe
des années 1870 allait en effet prendre vie et se transformer sous nos yeux
avec un effet que Paul Webster qualifie de «magique». On passe une porte pour
se retrouver dans un paysage enneigé, puis dans un labyrinthe. La scène
accueille une patinoire, un bal, un opéra, une gigantesque réception mondaine,
une course de chevaux, faisant d’ANNA KARÉNINE un film grandiose et tentaculaire. «Tout est sorti de l’imagination de Joe. Il
a toujours été intéressé par les croisements entre le théâtre, le cinéma et la
représentation théâtrale et est toujours à la recherche de nouvelles façons de
les explorer visuellement. ANNA
KARÉNINE est un
bond en avant pour lui»,
déclare encore le producteur. Et pour le réalisateur : «C’était un moyen de mieux rendre compte de
l’essence même de l’histoire et d’accéder à celle de chaque scène. J’ai abordé
le scénario de Tom comme un metteur en scène de théâtre aborde une pièce. Le
fondement de l’histoire est le coeur humain. J’ai toujours été fasciné par le
pourquoi et le comment de l’amour, et par notre sincérité face à nos émotions.»
La
troupe s’assemble
Le réalisateur est célèbre pour son intense
travail de préparation, et il collabore souvent avec le même groupe de
techniciens et d’acteurs d’un film à l’autre, reproduisant une familiarité
similaire à celle d’une troupe de théâtre. Pour lui, cette intimité est vitale
: «Faire un film est une
expérience terrifiante pour moi, il est donc crucial que j’ai le soutien de
ceux qui m’entourent et une confiance aveugle dans leur sensibilité artistique
et leur créativité.»
ANNA KARÉNINE est la quatrième collaboration de Joe Wright avec les producteurs
Tim Bevan et Eric Fellner de Working Title Films, et sa troisième avec le
producteur Paul Webster et l’actrice Keira Knightley. Ils ont ainsi tous
participé au succès des deux précédents films du réalisateur, ORGUEIL & PRÉJUDICES (2005) et REVIENS-MOI (2007), qui retrouve
également ici la chef décoratrice Sarah Greenwood et l’ensemblière Katie
Spencer, la chef costumière Jacqueline Durran, la chef coiffeuse et maquilleuse
Ivana Primorac, la chef monteuse Melanie Ann Oliver, le compositeur Dario
Marianelli (Oscar de la Meilleure Bande Originale pour REVIENS-MOI), la directrice de
casting Jina Jay, le régisseur général Adam Richards et le directeur de la
photographie Seamus McGarvey.
Pour Tim Bevan, «il ne fait aucun doute que tous ces gens
travaillent très efficacement ensemble. Quand un réalisateur collabore souvent
avec les mêmes personnes, une connivence se crée, et on évite les problèmes de
communication qui font généralement perdre beaucoup de temps.» Compte tenu du temps de
préparation, les séances de brainstorming débutèrent tôt. Comme pour REVIENS-MOI, Dario Marianelli composa
une bonne partie de la musique en amont, ce qui permit de mettre en place et de
répéter l’intégralité de la chorégraphie créée par Sidi Larbi Cherkaoui avant même
le début du tournage. Le régisseur général, en accord avec le réalisateur et la
chef décoratrice, s’assura le plus tôt possible l’accès à des sites importants,
allant du plateau de Salisbury Plain dans le sud de l’Angleterre, aux jardins
de la Hatfield House et à l’île isolée de Kizhi Pogost en Russie.
Le tournage d’ANNA KARÉNINE dura 12 semaines, dans une
centaine de décors différents, comptabilisant 240 scènes et 83 rôles parlants.
Plus encore que sur leurs films précédents, il était essentiel que la
production fonctionne comme
une machine parfaitement huilée. Pour compléter les recherches méticuleuses
entreprises par le réalisateur, celui-ci invita activement acteurs et
techniciens à y apporter leurs contributions personnelles. Paul Webster témoigne
: «Joe se plonge dans des recherches
visuelles et bibliographiques et embarque son équipe dans l’aventure. Il
consacre beaucoup de temps à l’étude et la compréhension du monde dans lequel
ils s’apprêtent à entrer pour raconter une histoire.»
De plus, le réalisateur crée un
story-board complet qu’il suit la plupart du temps à la lettre. Il préfère
filmer dans l’ordre chronologique afin de faciliter le parcours émotionnel des
acteurs, mais il sait aussi rester souple et ouvert à la magie de l’imprévu.
Les répétitions se sont étendues sur plusieurs semaines au cours desquelles le
scénariste rendit visite aux acteurs, discutant longuement avec eux de la façon
dont l’amour imprègne la totalité de l’histoire. Il commente : «C’était une forme de socialisation, où
nous parlions travail. J’ai tendance à être intimidé par les acteurs. Je les
trouve très courageux.»
Au-delà
du développement de leur personnage et leurs interactions constantes, les
acteurs furent sensibilisés à la vie culturelle russe de l’époque par le biais
de présentations et de discussions destinées à faciliter leur compréhension du
monde dans lequel ils allaient évoluer. Orlando Figes anima ainsi un séminaire
qui, selon Keira Knightley «les
aida, en plus de la lecture de son ouvrage, à mieux assimiler l’époque et sa
culture.» Ils
travaillèrent également avec la répétitrice Jill McCullough, spécialiste des
dialectes. Certains durent aussi s’initier à l’équitation et au maniement des
armes. Avec le réalisateur et le chorégraphe, les acteurs travaillèrent non
seulement les séquences dansées mais également la gestuelle de leur personnage.
La chorégraphie joue un rôle majeur dans le film et deux douzaines de danseurs professionnels
y apparaissent dans des rôles variés : d’aristocrates au bal ou en soirée, de
domestiques et de servants, de danseurs exotiques dans un cabaret décadent et d’employés
de bureau.
Pour renforcer la familiarité des acteurs avec la société dans
laquelle ils allaient entrer, les scènes furent peuplées de centaines de
figurants d’origine russe vivant en Angleterre et triés sur le volet. Le
réalisateur se souvient : «Nous
avons mis une annonce dans un journal en langue russe et nous pensions réunir
200 à 300 personnes. Le jour du casting, la queue faisait deux fois le tour du
pâté de maisons. Nous avons rencontré plus de 1000 personnes. Ils ont été
formidables. Le film est en fait peuplé de Russes, avec de nombreuses scènes de
groupe auxquelles ils apportent une authenticité indispensable à la réussite de
ce film.»
La
famille et les amis
Avec une approche si originale, le réalisateur attendait ses
acteurs qu’ils épousent entièrement le concept théâtral et interprètent leur
rôle le plus sincèrement possible, sans jamais montrer qu’ils avaient
conscience de l’artifice mis en oeuvre. Keira Knightley remarque : «C’est un parti pris si
différent pour l’adaptation de ce roman. Joe m’a fait venir dans son bureau et
m’a tout détaillé. J’étais très enthousiaste et j’ai pensé, allons-y gaiement.»
Le reste de la
distribution suivit l’exemple, et Paul Webster déclare : «Ils ont pris le texte et le
point de vue de Joe très au sérieux. Il ne pouvait y avoir aucune allusion au
dispositif narratif déployé, aucune touche de post-modernisme. L’utilisation du
dispositif théâtral devait aller de pair avec le sérieux des acteurs et leur
acceptation du parcours de leur personnage.»
À Jude Law de remarquer : «Ces gens évoluent dans un
monde où ils sont à même de s’adonner à d’étranges jeux sociaux sans avoir
conscience le moins du monde de la réalité extérieure, et Joe a créé un cadre
apte à nous procurer la même sensation.»
Et pour Tim Bevan, «quand nous rencontrons Anna,
sa famille et la société aristocratique dans laquelle elle joue un rôle
central, les émotions sont savamment contenues, comme c’était le cas à l’époque.
Mais quand des sentiments cachés remontent enfin à la surface, les coeurs et
les âmes se réveillent avec des répercussions inévitables sur la société.» «Anna
est «l’épouse modèle», «Madame Karénine». Elle et son mari occupent une certaine place
dans la société. Puis un coup de tonnerre, sous la forme d’un autre homme,
survient et lui révèle une autre façon de vivre, d’aimer, d’être», explique le
réalisateur. «Quelque chose de totalement nouveau lui arrive, quelque chose
dont elle ignorait la possibilité même. Elle n’a pas été privée de bonheur
jusqu’alors, mais une dimension manquait», renchérit le scénariste. «Quand on pense à une histoire
d’amour, on pense à Roméo & Juliette, à des amants maudits, ou à un amour
qui surmonte tous les obstacles. Ce n’est pas ce dont il s’agit ici. Tolstoï
lui-même décrivait Guerre & Paix comme une épopée politique et Anna
Karénine comme une histoire conjugale. Ça parle de la famille et de l’amour,
qui sont des notions épiques pour nous», précise encore Joe Wright. «Le cadre théâtral met en
valeur l’idée selon laquelle chaque individu est en représentation,
interprétant un rôle donné dans la société. En même temps que ces gens
observent ceux qui les entourent, ils sont eux-mêmes observés. Les dilemmes des
personnages principaux sont intensifiés par ce cadre artificiel, et l’imagination
des spectateurs est stimulée.»
En dépit de cela, le réalisateur cherchait des
acteurs capables de naturalisme autant que de stylisation. Il déclare : «J’étais très excité à l’idée
de travailler avec des acteurs de cinéma dans un contexte théâtral car, d’une
certaine façon, ils allaient devenir «une troupe de théâtre».» La directrice de casting
Jina Jay s’enthousiasme : «Il y a tellement de personnages passionnants tirés de ce roman.» Elle fut ainsi à même de s’assurer
le concours d’acteurs de grand talent jusque dans les petits rôles, mais pour
le personnage principal, aucune recherche ne dut être entreprise.
C’est sur le
tournage de REVIENS-MOI que Joe Wright et Keira Knightley ont en premier évoqué l’idée de
travailler ensemble sur ANNA KARÉNINE. Pour le
réalisateur, «Keira
est une des personnes les plus adorables que je connaisse, mais elle ne recule
pas devant le risque de paraître antipathique à l’écran si son personnage le
demande. Je suis très fier du travail qu’elle a accompli sur ce film. Elle
comprend les plus sombres facettes de l’âme humaine, ce qui était une condition
sine qua non pour interpréter Anna.» Quant à Tom Stoppard, il déclare : «Anna n’agit pas toujours moralement, et
toute interprète doit faire sien ce côté sombre. Ni le roman ni notre film ne
cherchent à apporter de justification morale.» La jeune actrice relut le livre en
préparation du tournage et se rendit compte que ses sentiments envers le
personnage d’Anna avaient fortement évolué : «Je me souvenais d’une histoire incroyablement romantique. En la
relisant, je l’ai trouvée tout aussi magnifique mais beaucoup plus sombre, et
je me suis rendu compte qu’Anna pouvait aussi être abordée comme une
anti-héroïne. Joe et moi estimions qu’il fallait montrer autant sa gentillesse
que sa cruauté, sa bonté que sa méchanceté. De telles histoires sont
intemporelles car elles s’intéressent à la condition humaine dans son ensemble.
Anna est un personnage beau et faillible, qui s’attache à ce qui fait de nous
des êtres humains. Elle est pleine de faiblesses, d’héroïsme et d’émotions
profondes.»
Quant
à Tom Webster, il estime que «Tolstoï
lui-même est tombé amoureux du personnage d’Anna, ce qui renforce cette idée de
tomber amoureux contre son gré.» «Dans de nombreux cercles aristocratiques, les
aventures extraconjugales étaient acceptées. Ce n’est pas un phénomène
spécifiquement russe. Ce qui différencie Anna de ses contemporains, c’est qu’il
ne s’agit pas pour elle d’un simple badinage, d’une distraction. Elle s’est
mariée très jeune. Pour elle, c’est comme s’il lui était donné une dernière
chance de vivre vraiment sa vie. Mais, en faisant cela, elle altère sa place
dans la société. Comme
il est dit : «Elle a
fait bien pire que d’enfreindre la loi, elle a enfreint les règles», précise encore le scénariste.
Comme sa
partenaire, Jude Law, en interprétant le mari trompé, ne cherche pas à susciter
la sympathie du public. Il a modifié son apparence pour exprimer la dignité
tranquille et la force d’âme d’un membre très respecté de la haute société. Tim
Bevan s’enthousiasme : «C’est
très courageux de la part de Jude d’avoir accepté de jouer un homme plus
mature. Avec Tom, ils ont mis en avant une dimension supplémentaire du
personnage, ils l’ont étoffé. Il n’est pas que sécheresse et droiture.» Pour l’acteur, «Karénine occupe une place influente dans
le gouvernement. Il est totalement dévoué à son travail. Il prône la loyauté et
un code d’honneur très strict et n’est spontané ni dans son comportement ni
dans ses sentiments. Les indiscrétions de sa femme ne mettent pas seulement en
péril son mariage mais tout l’équilibre de l’aristocratie russe. Selon moi,
Karénine est en parfaite position pour se faire briser le coeur. Il estime qu’il
apporte à sa femme tout ce qu’il se doit, mais il n’y insuffle ni passion ni
romantisme. C’est sans doute dû à son éducation, il reproduit ce qu’il a
observé chez ses parents. Ce qui est fascinant dans ce rôle, c’est de voir sa
vulnérabilité émerger petit à petit. Il délaisse son travail qui était si
important pour lui, et son humanité s’impose quand il doit se battre pour sa
femme et sa famille. Son parcours est troublant.»
Joe Wright avait déjà Aaron
Taylor-Johnson en tête pour interpréter le comte Vronski. Lors des essais face
à Keira Knightley, le réalisateur a vu «un
acteur prêt à totalement s’investir dans le rôle, doublé d’un physique
correspondant parfaitement à ce personnage séducteur et sensible. Et Aaron est
légèrement plus jeune que Keira, comme Vronski par rapport à Anna.» Pour le jeune comédien, «Vronski est issu d’un milieu privilégié, c’est
un jeune officier qui se destine à une carrière brillante. Mais lorsqu’il
rencontre Anna, tout change pour lui. Il n’a jamais connu quelqu’un comme elle.
Il sait qu’il doit la conquérir et il déploie tout son charme pour y parvenir.
Il lui fait la cour en sachant qu’elle est mariée. À l’époque, les aventures
étaient tolérées, mais une femme ne quittait jamais son mari pour un autre, ou c’était
la destitution. Mais Vronski se consacre entièrement à Anna, il l’adule. Il ne
peut pas faire autrement. Au début, seule son arrogance ressort, puis on se
rend compte de ce qu’il est prêt à sacrifier pour elle. Sa confiance en lui est
guidée par son coeur. Avec Joe, nous nous sommes interrogés sur la naïveté de Vronski.
Je répétais : «Il est honnête.» Je peux en grande partie m’identifier à lui, et
c’est pour cela que je me suis senti à même de l’incarner.»
L’histoire d’amour entre Levine et
Kitty est plus douce et plus innocente que celle entre Anna et Vronski. Elle n’échappe
cependant pas au regard inquisiteur de la société. C’est à l’issue des lectures
que le réalisateur fut convaincu d’avoir choisi le bon acteur pour interpréter
Levine. Domhnall Gleeson parvint en effet parfaitement à rendre «l’humour plein d’ironie qui entoure le
personnage de Levine.» Pour
le jeune comédien, «sa
conception de l’amour est à la fois très pure et très bornée. Il n’a d’yeux que
pour une seule personne, et il vise un idéal absolu, ce qui n’est pas toujours
compatible avec la réalité de la vie. Dans cette histoire, il est le seul
personnage en contact avec l’extérieur. Son amour est ancré dans le monde réel,
pas dans un monde basé sur l’artifice. On retrouve cela dans la façon dont il a
choisi de vivre sa vie, loin de Saint-Pétersbourg et Moscou. Il vit en dehors
de cette société si sophistiquée dont la femme qu’il aime fait pourtant partie.
Pour la conquérir, il doit se rendre à elle et la ramener à la réalité. Ce faisant,
il prend conscience qu’elle est plus précieuse encore qu’il ne l’imaginait.» Kitty est interprétée par la jeune
actrice suédoise Alicia Vikander, dans son premier rôle en anglais. D’abord une
innocente ingénue, son personnage voit son coeur brisé par l’indifférence de
Vronski. Elle finira par accepter de vivre et d’aimer à nouveau. Sa formation
en danse classique s’est avérée bénéfique pour le rôle et la comédienne déclare
: «Domhnal et moi avons travaillé avec le chorégraphe
Sidi Larbi Cherkaoui pour appréhender nos personnages à travers leurs mouvements.
La façon de marcher et de courir de Kitty au début de l’histoire est
complètement différente de son maintien à la fin. Elle s’avère finalement très tolérante
et large d’esprit.»
Se
réjouissant de l’opportunité de travailler à nouveau avec Keira Knightley et
Joe Wright après leur collaboration sur ORGUEIL & PRÉJUGÉS, Matthew Macfadyen accepta volontiers d’interpréter
Oblonski, le frère d’Anna. Pour l’acteur, «Oblonski est incorrigible. Il est d’une franchise désarmante et
il apporte de l’humour et de la chaleur à cette histoire. C’est le genre de
personnes qui égaillent immanquablement un dîner. Il a l’oeil baladeur et
apprécie les plaisirs de la chair. Il est très attachant parce qu’il ne se
complaît pas dans l’introspection. Je ne le vois pas comme un «homme mauvais»
et j’ai pris un grand plaisir à le jouer, sauf pour ce qui est de la
moustache.» «Matthew est formidable dans ce rôle», se plaît à dire l’actrice Kelly Macdonald
qui interprète Dolly, la femme d’Oblonski. «Il joue Oblonski à la perfection. Il est charismatique,
agaçant, adorable et incurablement avide de passion.» Quant à son personnage, elle déclare :
«Dolly est mariée à un homme qu’elle adore.
Elle se consacre entièrement à sa famille, et elle est constamment enceinte.
Son existence la satisfait pleinement jusqu’au jour où elle découvre la liaison
de son mari avec la femme qui est censée s’occuper de leurs enfants. Elle est
dévastée et sa relation avec Anna, qu’elle admire et chérit comme une soeur, l’aide
à surmonter cette épreuve. Mais au final, Dolly se résigne à accepter le
comportement de son mari. Elle l’aime et elle sait qu’il l’aime aussi. Et elle
n’est pas suffisamment courageuse pour choisir l’indépendance. C’est un luxe
que les femmes ne pouvaient malheureusement pas vraiment s’offrir à cette
époque.»
Resplendissant
dans des costumes spectaculaires et exotiques au sein des artifices de la haute
société, la comédienne de théâtre, doublement récompensée aux Olivier Awards,
Ruth Wilson interprète la princesse Betsy Tverskoï. «Joe m’a permis tous les excès, et j’ai
adoré travailler avec la répétitrice Jill McCullough sur le phrasé et les
intonations de Betsy. Ce personnage illustre les thèmes centraux du film, l’amour,
les conventions sociales et les convenances, en représentant le summum de la
superficialité. Tout n’est que paraître, et elle évolue dans un monde qui n’est
que beauté et apparences dénuées de toute substance.»
Olivia Williams interprète la comtesse
Vronski déclarant : «Pour
ce rôle, j’ai émulé la grande actrice britannique Peggy Ashcroft.» Et Emily Watson incarne la comtesse
Lydia Ivanovna qui s’insurge contre la conduite d’Anna. Pour l’actrice, «son zèle n’est autre que de l’ardeur
sexuelle refoulée, et elle confond sa passion pour Alexis Karénine avec de la
ferveur religieuse.»
Michelle
Dockery, aperçue dans HANNA
(Joe Wright, 2011) et révélée dans la
série «Downton Abbey» (2010-12), revêt le costume de la princesse Myagkaya, et
le frère du comte Vronski est interprété par l’acteur français Raphaël
Personnaz, dans son premier rôle en anglais, à propos duquel il déclare : «Alexandre est esclave de ce que pense ou
veut sa mère et des règles en vigueur dans la haute société. Joe me l’a défini
comme quelqu’un d’obtus. Il n’y a pas d’amour dans sa vie, et c’est un
personnage triste. Je ne pense pas que le bonheur et l’amour étaient des
valeurs très prisées à cette époque en Russie. À ce titre, Anna et Vronski sont
des exceptions.»
La
scène comme monde à part entière
Pendant les mois de pré-production, Joe Wright
et ses collaborateurs firent des recherches approfondies sur la Russie des
années 1870 afin de mieux comprendre cette période de fin d’empire. Des
centaines de références visuelles et toute une imagerie furent cataloguées pour
nourrir l’approche unique du réalisateur. Le cadre théâtral envisagé se devait
d’être spectaculaire et inédit. La chef décoratrice Sarah Greenwood et son
équipe entreprirent la conception des multiples décors qui serviraient durant
les trois mois de tournage. Plusieurs édifices, dont l’Alexandra Palace Theatre
de Londres, furent considérés, mais tout le monde arriva vite à la conclusion
que la meilleure solution était de tout construire de A à Z. «Nous avons dû construire le théâtre
en plateau parce qu’il nous fallait un contrôle total. Nous avions une énorme
imagerie fantastique à déployer», explique Sarah Greenwood. «L’idée primordiale pour l’élaboration
de ce théâtre décrépit repose sur le fait que la société qu’il abrite, sous la
domination de l’aristocratie, est en perdition. Les dorures étaient
importantes. Tout ce qu’on y voit est factice, fin comme du papier à
cigarettes. Joe est revenu de Saint-Pétersbourg en remarquant que ce qui y
ressemblait à du marbre était en fait du plâtre.» Les sources d’inspiration
du réalisateur étaient autant esthétiques que personnelles. «J’ai grandi autour du petit
théâtre de marionnettes de mes parents. Je m’intéresse aussi beaucoup à la
naissance du cinéma, issu du théâtre au début du 20e siècle. Ce film est
certainement le plus proche de mon héritage personnel», déclare-t-il.
Les
gigantesques intérieurs du théâtre furent construits sur le plateau C des
studios Shepperton en Angleterre, le même qui avait servi aux scènes d’hôpitaux
de REVIENS-MOI. On distingue trois
décors situés sur la scène, et les autres sont distribués entre l’orchestre,
les étages, les couloirs, le foyer et les coulisses. Entre construction,
tournage et démontage, le plateau C fonctionnait 24 heures sur 24. Les directeurs
artistiques Niall Moroney et Nick Gottschalk ont coordonné leurs efforts pour
que dès qu’une scène était tournée, les constructeurs, peintres, accessoiristes
et éclairagistes se mettent à désassembler le décor et à assembler le suivant.
Les passages d’une scène à une autre furent facilités par l’utilisation d’énormes
toiles de fond, représentant Saint-Pétersbourg, Moscou ou la nuit étoilée à la
soirée chez Betsy, et de peintures murales élaborées, comme celles ornées de nuages
et de chérubins qui entourent la béatifique Kitty sur scène quand Levine la
demande maladroitement en mariage. Les différents étages du théâtre
correspondaient aux rangs sociaux de ses occupants. Le foyer, l’orchestre et la
mezzanine étaient réservés aux hauts échelons de la société, comme le couloir
qui sert de galerie d’exposition. Les coulisses devinrent les quartiers du
cabaret français et les ailes ceux où Oblonski mène sa liaison adultère. Les
plus gros décors, tels que celui de la patinoire, du bal et de l’opéra, se prêtaient
aisément à la configuration du théâtre. Pour la séquence des courses, un enclos
fut placé au centre de l’orchestre avec les classes élevées dans les baignoires
et les ouvriers dans la fosse. Mais il était peu commode de faire monter
chevaux et cavaliers sur scène. Les plans furent donc tournés séparément par
une deuxième équipe, puis savamment intégrés plus tard par Melanie Ann Oliver
et ses monteurs.
Pour des raisons de logistique, la séquence de la patinoire
fut la première à être tournée, après quoi on laissa fondre la glace pour faire
place au décor suivant. Dans l’approche visuelle pensée par le réalisateur et
mise en oeuvre avec le chef opérateur Seamus McGarvey, à mesure que l’histoire progresse,
les artifices du théâtre sont de moins en moins visibles. «Les personnages n’ont pas
conscience du cadre dans lequel ils évoluent, et le public s’immerge petit à
petit dans l’histoire. Son incrédulité disparaît», explique Joe Wright. Certaines
parties du théâtre durent être construites sur d’autres plateaux des studios
Shepperton : la salle des accessoires (qui correspond au salon des Oblonski),
la salle des peintures (la salle à manger des Oblonski) et la passerelle de
manoeuvre (le quai de la gare).
La maison des Karénine à Saint-Pétersbourg fut construite sur
le plateau B et le Grand Hôtel sur le plateau D. En tout, quatre plateaux
furent réquisitionnés. Quand les personnages se déplacent à travers le théâtre,
le long d’un escalier, d’un couloir, quand ils passent une porte, ils entrent
dans d’autres décors. Et de manière plus frappante, la chambre de Serozha, le
fils d’Anna et Alexis Karénine, est une version miniature du théâtre lui-même. L’ensemblière
Katie Spender, qui a travaillé en tandem avec Sarah Greenwood sur tous les films
de Joe Wright, a élaboré les décors beaucoup plus classiques et occidentaux de
Saint-Pétersbourg. La maison des Karénine est très sévère, beaucoup moins
encombrée que celle des Oblonski à Moscou. Elle s’apparente à un décor de
cinéma plus conventionnel bien qu’elle existe aussi dans le contexte du
théâtre. Pour mettre en valeur la nature autarcique de ce monde et favoriser l’immersion
des spectateurs, les décors ne contiennent presque aucune fenêtre. Une plus
petite version de la scène fut construite au musée ferroviaire de Didcot dans
l'Oxfordshire pour permettre au comte Vronski et à Oblonski de passer de
celle-ci au quai de gare, et au train d’entrer littéralement dans la salle.
Seul
Levine réside à l’extérieur du théâtre, sur ses terres de Pokrovskoïe, et ces
scènes furent filmées en décors naturels au sud de l’Angleterre et en Russie.
Domhnall Gleeson dut pour l’occasion apprendre à manier la faux. «Ces deux jours de tournage à Salisbury ont
été géniaux. Quand on fauche, on ne pense effectivement plus à qui on est. On
est, tout simplement»,
se souvient le comédien.
Le salon des Oblonski est rempli de jouets élaborés,
comme cet alphabet en cubes faits main et une magnifique et imposante maison de
poupées dans laquelle Anna s’assoie avec ses neveux et nièces. Pour Matthew
Macfadyen, «ça semble tout à
fait naturel d’être dans la salle des accessoires. Les Oblonski ont six enfants
et des traces de leur présence sont disséminées dans tout le salon.» «L’intérieur
de la maison de poupées correspond à ce que la maison des Oblonski aurait été
si nous n’avions pas travaillé dans le cadre de ce théâtre», explique la chef décoratrice.
Suivant le procédé inverse, le petit train de Serozha se transforme en un train
grandeur nature qui amène Anna à Moscou.
Lumières,
caméras et autres
Le directeur de la photographie Seamus McGarvey est un fidèle
collaborateur de Joe Wright et retrouve ici de nombreux membres de l’équipe
avec lesquels il a travaillé sur REVIENS-MOI. «ANNA KARÉNINE a été tourné avec des objectifs anamorphiques qui demandent plus
de lumière que les objectifs traditionnels. Des éclairages plus anciens au
tungstène ont également été utilisés», explique-t-il.
Des lumières de théâtre furent
installées pour toute la durée du tournage, nécessitant un opérateur attitré
pour répondre aux directives du réalisateur et du directeur de la photographie
et mettre en valeur la dramaturgie de chaque scène. Comme pour les séquences de
REVIENS-MOI se déroulant en 1935, des
collants Christian Dior servirent de filtres placés derrière l’objectif pour donner
au film et aux visages des acteurs cet éclat si délicat. «J’ai également opté pour un
filtre en tulle qui adoucie les lignes et les contrastes et créé une impression
de distance, comme si on regardait le cadre et les événements à travers le
filtre du temps. Ça permet d’estomper l’image et de créer un effet pictural», explique le chef
opérateur.
Le réalisateur est connu pour ses mouvements de caméra élaborés, à l’image
de ceux des scènes tournées sur la plage de Dunkerque dans REVIENS-MOI et des travellings et des
scènes de combat dans HANNA. Ici, des caméras furent montées sur câbles pour filmer la scène
de la patinoire, et une Steadicam fut utilisée pour suivre la famille Oblonski,
et Levine et Kitty qui s’abritent de la pluie. Lors de la scène de bal, la
caméra adopte d’abord le point de vue de Kitty avant de s’embarquer dans des
mouvements gracieux au milieu des danseurs. Pour cette même scène, les équipes
des effets spéciaux conçurent la façade d’un train traversant à toute vapeur la
piste de danse. Cet exemple illustre la préférence de Joe Wright et du chef
opérateur pour les effets spéciaux réalisés au tournage, plutôt qu’en
postproduction, et nécessita des essais de lumière et l’utilisation de miroirs
semi-réfléchissants. «Sur ce film, j’étais comme un gamin dans un magasin de photo. Mon
grand ami, le célèbre chef opérateur Jack Cardiff, est une référence pour moi.
J’ai toujours en tête son travail sur des films comme LES CHAUSSONS ROUGES ou LE NARCISSE NOIR (Michael Powell, Emeric
Pressburger, 1948 et 1947). Il explorait sans répit les propriétés de la
lumière, des objectifs et de la pellicule», explique Seamus McGarvey. «Dans ANNA KARÉNINE, nous avons essayé de travailler
l’image «mécaniquement». La photographie n’est pas faite pour être tape-à-l’oeil,
mais discrète, légère, et pour danser autour et évoluer avec ce qui se joue.» Au réalisateur de
confesser : «J’ai découvert que les contraintes théâtrales nous permettent de
faire un film plus cinématique.»
Costumes,
coiffures et maquillage
Malgré le fait qu’ANNA KARÉNINE se déroule à la fin du 19e siècle, Joe Wright demanda à la chef
costumière Jacqueline Durran de travailler pour l’héroïne sur une garde-robe
incorporant des éléments de la haute couture des années 50, tout en gardant une
allure générale caractéristique des années 1870. L’image d’Anna devait respirer
le luxe pur, reflet de son statut d’aristocrate russe arborant des toilettes
françaises. «Si rien d’autre dans le film n’avait été stylisé, nous aurions
fait tache, mais je savais que ça fonctionnerait à merveille avec l’approche
visuelle choisie par Joe», commente la chef costumière. Ses recherches consistèrent à
mettre en parallèle les créations de Balenciaga et de Dior des années 50 et des
photographies illustrant la façon de s’habiller à la fin de l’Empire russe.
En
dehors d’Anna et de la princesse Betsy, le style vestimentaire des autres
personnages est plus fidèle à l’époque. «Pour moi, l’idée de Joe était géniale car la mode des années 50
émulait une période antérieure. Nous avons mis côte à côte des photos de ces
deux époques et nous nous sommes rendus compte qu’en dépit des 8 décennies qui
les séparent, les styles coïncidaient beaucoup», déclare Jacqueline
Durran. «La
haute couture des années 50 est le comble du chic et de l’élégance. Elle sert
de référence au public et corrobore parfaitement la vision de Joe. Pour Anna, j’ai
conservé la forme des jupes des années 1870 en y associant des corsages des
années 1950. Le style des années 50 est également présent dans sa veste en soie
grise (la coupe, les boutons) portée avec une jupe du 19e.»
Comme pour REVIENS-MOI, Jacqueline Durran
travailla en étroite collaboration avec la chef décoratrice Sarah Greenwood et
la chef coiffeuse et maquilleuse Ivana Primorac, définissant ensemble les
thèmes et les couleurs en partant d’échantillons et de matériaux de référence
communs. Elles élaborèrent ainsi une direction dominante y apportant chacune
leur contribution personnelle. «Nous avons discuté ensemble chaque détail», témoigne Ivana Primorac.
«C’est comme si nous faisions
partie du même département et que je complétais ce qu’elles avaient commencé.»
«Ivana et moi discutions les coiffures et le maquillage en relation avec les
costumes, et en termes de personnages. Sarah avait toujours en tête l’importance
de chaque scène,
et Joe donnait ses directives et venait souvent aux essayages», continue la chef costumière. Le
réalisateur souhaitait que le style sophistiqué d’Anna transparaisse également
dans sa coiffure, faite de boucles sombres et souples, et différente de celles
des autres femmes. Ivana Primorac précise : «Keira n’a pas d’orgueil mal placé. Elle se
fiche complètement de ce à quoi elle ressemble et ne travaille que
dans l’intérêt du personnage.» «Les couleurs associées à Anna sont sombres, en
particulier au début du film, dans sa demeure de Saint-Pétersbourg. Ses tenues
s’éclaircissent quand elle s’éprend de Vronski, puis redeviennent sombres quand
elle devient angoissée et craint que l’affection du comte ne s’étiole», explique la chef costumière. Parmi ses tenues les plus
somptueuses, on remarquera une robe noire en taffetas qui attire l’attention de
Vronski et de toute la haute société présente au grand bal. Elle est parée de
diamants d’une valeur de 2 millions de dollars, prêtés spécialement pour l’occasion
par Chanel. Trois autres de ses costumes allient des bustiers style années 50 à
des jupes du 19e : la robe crème qu’elle porte au salon de thé, celle d’un
rouge sombre dans laquelle elle apparaît au point culminant du film, et celle
bleu foncé qu’elle arbore aux courses (avec un bustier en jean).
Les deux
hommes de sa vie ont des styles très différents qui reflètent à la fois leur
position sociale et leur personnalité respective. Les uniformes du comte Vronski
sont d’influence russe, mariant le bleu clair et le blanc immaculé qui rappellent
ses boucles blondes et ses yeux azurés. Il se distingue ainsi de tous les hommes
qui l’entourent. «Nous
avons simplifié son uniforme pour qu’en ressorte l’essence de la tunique russe», explique la costumière. Les costumes
d’Alexis Karénine s’inspirent eux des uniformes tsaristes de la fin du 19e,
dans un style également épuré. «L’idée
de supprimer les détails de ses tenues vient de Jude Law. Ça accentue son côté
monacal.» Pour la
chef coiffeuse et maquilleuse, «le
résultat est très éloigné de Jude et très proche du Karénine décrit par
Tolstoï.»
Les
habits de paysan de Levine sont un mélange de styles venus du nord et du sud de
la Russie. Quant à Betsy, ses tenues, ses coiffures et son maquillage élaborés
la distinguent des autres femmes de son entourage. «Pour toute directive, Joe m’a dit :
«Allons chercher du côté de la geisha»», rapporte la costumière. «Nous avons donc donné une esthétique japonisante à ses tenues, comme
Balenciaga l’avait fait dans les années 50 avec le col kimono. Nous retombions
ainsi sur nos pieds !» Les
danseuses qui apparaissent à plusieurs reprises dans les scènes en société, au bal
ou à la soirée de Betsy, sont habillées dans des couleurs pastel très
distinctes et un peu passées qui symbolisent la décrépitude de la société dans
laquelle elles évoluent. «Ces
tenues pastel sont réutilisées dans plusieurs scènes car, au sein du théâtre,
elles font fonction de choeur», explique la costumière. Les domestiques, interprétés par
des danseurs hommes et femmes, passent silencieusement d’une scène à l’autre,
comme une présence presque invisible qui reflète celle de leur classe au sein
de cette société. Ils sont vêtus de costumes d’inspiration russe, dans des tons
gris. Pour Jacqueline Durran : «Ces
costumes, alliés à leurs mouvements chorégraphiés, traduisent parfaitement le rôle
de cette armada de servants veillant silencieusement à répondre à tous les besoins
de l’aristocratie.»
Musique
et danse
Le parti pris théâtral d’ANNA KARÉNINE incita Joe Wright à utiliser la musique et la
gestuelle de façon imaginative et soutenue. Sidi Larbi Cherkaoui travailla en
étroite collaboration avec le compositeur Dario Marianelli sur toutes les
séquences chorégraphiées. Comme à son habitude, le compositeur s’impliqua dans
la création du film bien avant le tournage. «Nous devions avoir accès à la musique très en amont,
pour que les interprètes puissent répéter les chorégraphies, mimer le jeu des
instruments et apprendre les paroles des chansons. Le fait que Dario compose
avant et pendant le tournage a toujours servi à définir le rythme de mes films,
l’humeur des acteurs et les mouvements de caméra», témoigne le réalisateur.
«En travaillant avec Larbi, je
recherchais, au même titre que pour les décors, à styliser le jeu, sans pour
autant aliéner le public. J’ai toujours été intéressé par nos comportements
physiques, comment nous nous tenons, nous conduisons les uns par rapport aux
autres. La gestuelle est très importante pour moi et j’aime que les acteurs s’y
investissent aussi totalement. Nous avons raffiné les mouvements, ou les avons
épurés, et nous avons accentué le badinage entre les personnages. Ceci a
engendré un rythme qui ressort dans les voix et la diction. Le cinéma, c’est,
par essence, du temps et du mouvement, alors pourquoi ne pas nous concentrer
là-dessus ?»
Réalisateur, compositeur et chorégraphe voulaient donner aux
interactions entre Anna et Vronski un côté onirique. Dario Marianelli s’inspira
de chants folkloriques russes pour les arrangements et les voix. Mais pour le
producteur Tom Webster, «comme pour l’ambiance générale du film, le travail de Dario a un
caractère contemporain.» Marianelli composa une version assez surréaliste d’une valse et d’une
mazurka, permettant au chorégraphe de travailler à partir de ces danses. Son
style unique est théâtral et dynamique, en parfait accord avec celui du film. Les
acteurs principaux explorèrent la gestuelle de leur personnage et développèrent
leurs mouvements les uns par rapport aux autres au cours d’une série d’ateliers
qui leur offrit une approche chorégraphique de l’action.
Marianelli explique : «On retrouve la musique «jouée»
par des musiciens à l’écran dans la musique du film, amplifiant ainsi le drame
et les émotions.» Et le chorégraphe ajoute : «Le fait d’avoir la musique en amont m’a permis de créer une
atmosphère. Le travail de Dario m’a inspiré. Des séquences telles que celle du
French cancan et de la danse de Cléopâtre me sont venues grâce à la musique.» Même dans les scènes non
dansées, les mouvements restent chorégraphiés. Ainsi dans les relations entre
maîtres et servants, ces derniers constituent une entité omniprésente et
silencieuse. Ils se matérialisent presque par magie quand leurs services sont
requis, glissant dans le cadre pour habiller et servir les membres de l’aristocratie
qui ne semblent jamais vraiment relever leur présence.
L’acteur Domhnall
Gleeson remarque : «En répétant la chorégraphie, avec des domestiques qui apportaient
les chaises sur lesquelles nos personnages devaient s’asseoir, j’ai ressenti
une sorte de gène, de culpabilité qui m’ont été très utiles pour jouer Levine
qui a des biens, mais se veut du côté du peuple.» Pour le réalisateur, «le travail de Larbi ne se
limite pas aux interactions des personnages à travers leurs expressions de
visage, ou leur stoïcisme. Il s’intéresse aux connexions et aux distances entre
les gens, de la façon dont ils se touchent à celle avec laquelle ils bougent et
se tiennent.» À Gleeson d’ajouter : «Alicia Vikander et moi avons longuement travaillé avec Joe et
Larbi. Elle jouait avec ma barbe, ou nous faisions se toucher l’extrémité de nos
doigts, pour arriver à cette connexion qui existe entre Kitty et Levine.»
Mais pour Karénine, tout
est internalisé, et Jude Law dut se restreindre et jouer sur la rigidité de son
personnage. Quant au comte Vronski, il envahit la vie d’Anna, et Aaron Taylor-Johnson
s’approche dangereusement de Keira pour entraîner son personnage dans une autre
réalité. Pour la séquence du bal, tous les acteurs principaux répétèrent
longuement avec des danseurs professionnels, et Matthew Macfadyen se rappelle :
«Les mouvements de danse
étaient magnifiques, mais terriblement difficiles à apprendre et à effectuer.
Même les danseurs disaient : «C’est pas de la tarte !»» L’actrice Olivia Williams déclare : «La plus grande différence entre théâtre et
cinéma, c’est qu’au théâtre, il faut jouer avec tout son corps. Joe comble ici
le fossé, il nous a donné la chance de pouvoir communiquer physiquement, pas seulement
avec nos expressions de visage, mais avec tout notre corps.» Et pour Jude Law, «ce travail nous a permis de nous sentir
comme une troupe de théâtre ou une compagnie de danse avant même que ne débute
le tournage.»
Melanie
Ann Oliver, qui a récemment monté JANE EYRE (Cary
Fukunaga, 2011), dont la musique a été composée par Dario Marianelli, déclare :
«J’adore travailler à partir de la musique,
surtout quand elle est aussi puissante que celle de Dario. Mais un jour, Joe m’a
dit : «Je voudrais que tu montes la séquence de la mazurka, au cours de
laquelle Anna et Vronski s’unissent, sur un rythme respiratoire.» Le montage ne
s’attache pas seulement aux images, mais à tous les éléments en présence, et
parfois même au pouvoir du silence.» Pour le chorégraphe, ce fut «une nouvelle expérience de voir comment il
est possible de diriger le regard des spectateurs. Joe m’a donné la liberté de
réinventer la valse à ma manière, en utilisant beaucoup plus les bras et les
mains. Sachant qu’il appréciait mon travail, c’était très excitant d’apprendre
ces mouvements, ce rythme, aux acteurs, à partir d’une danse de l’époque.»
Keira Knightley s’extasie : «Les scènes du bal furent formidables à
tourner. Il nous a fallu des semaines et des semaines pour perfectionner ces
numéros de danse, qui ont eu raison de mes genoux et de mes hanches, mais qui
je l’espère, sont réussis. Cette séquence fait partie intégrante de mon
personnage et de celui d’Aaron. Je suis en noir, lui en blanc, comme une sorte
de Yin et de Yang.»
Quant
à la soirée chez Betsy, l’actrice Ruth Wilson déclare : «Faire figurer les interactions entre
femmes de la haute société dans une soirée mondaine en partant de leurs
mouvements, et non des dialogues, est une expérience très déroutante. Les
éventails furent utilisés dès les premières répétitions, et c’est une idée
géniale ! Comme nous n’étions pas des danseuses professionnelles, Larbi est parti
de ce que nous pouvions faire et a élaboré nos mouvements de façon très détaillée.»
Au
loin
Mais les décors utilisés dans ANNA KARÉNINE s’étendent bien au-delà
des studios Shepperton. La Ham House, bâtiment classé du National Trust, est
une demeure du 17e siècle située au sud de Richmond, le long de la Tamise, et fut
utilisée pour le tournage des scènes dans l’appartement de Vronski. Les
extérieurs de la maison de campagne des Karénine furent quant à eux tournés sur
le domaine de la Hatfield House dans l'Hertfordshire, qui date de l’ère
jacobine et possède un somptueux jardin en labyrinthe dans lequel Anna et Serozha
jouent à cache-cache. L’appartement de Nicolas, le frère de Levine, qui à l’écran
est situé dans les combles du théâtre, fait en réalité partie du grenier de l’historique
Miller’s House, aux studios 3 Mills dans le quartier d’East London. Les scènes
à la gare de Moscou furent tournées au musée ferroviaire de Didcot dans
l'Oxfordshire, où les décoratrices Sarah Greenwood et Katie Spencer avaient
déjà travaillé avec Jude Law sur SHERLOCK HOLMES (Guy Ritchie, 2009) trois années auparavant. Le
dépôt de locomotives du Great Western Railway, construit en 1932, fut
réquisitionné par l’équipe des décors pour y construire, le long des quais, une
réplique légèrement réduite de la scène du théâtre, et pour pourvoir utiliser
de véritables trains à vapeur lors du tête-à-tête entre Anna et la comtesse
Vronski.
Pour les scènes en extérieur, l’équipe dut appliquer des couches
successives de neige artificielle et de glace sur le train et les rails. Les
techniciens des effets spéciaux utilisèrent tout ce qui était à leur portée, du
papier à la peinture, en passant par la paraffine, pour créer un cadre
hivernal. Au moment du tournage, des flocons de neige en mousse furent
propulsés dans les airs par trois machines à vent afin de reproduire des
conditions proches de celles d’un blizzard quand Anna descend brièvement du
train à Bologoïe et voit apparaître Vronski dans un nuage de vapeur et de
brouillard. La scène de chasse d’Oblonski et Levine fut tournée dans la New
Forest dans l'Hampshire.
Pour finir, voici une série de poster mettant en scène les personnages du film sur le thème de la citation de Léon Tolstoï: 'THERE ARE AS MANY LOVES AS THERE ARE HEARTS' (Il y a autant d'amours différents qu'il existe de coeurs).
Autre post du blog lié à 'Anna Karenine': http://minu.me/78ry
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