jeudi 19 janvier 2017

LIVE BY NIGHT


Thriller/Action/Policier/Un film de qualité, un divertissement soigné

Réalisé par Ben Affleck
Avec Ben Affleck, Zoe Saldana, Elle Fanning, Sienna Miller, Brendan Gleeson, Scott Eastwood, Chris Cooper, Anthony Michael Hall...

Long-métrage Américain
Durée: 02h08mn
Année de production: 2016
Distributeur: Warner Bros. France 

Date de sortie sur les écrans américains : 13 janvier 2017
Date de sortie sur nos écrans : 18 janvier 2017


Résumé : "Quand tu te dévoiles dans ce milieu, ça finit toujours par te retomber dessus. Maisjamais comme prévu". Joe Coughlin n'est pas du genre à écouter les conseils de son père. Bien au contraire, ce vétéran de la Première Guerre mondiale est un insoumis réfractaire à l'autorité. Pire encore, il mène une vie de criminel, alors qu'il est le fils du chef-adjoint de la police de Boston. Pourtant, Joe n'est pas une crapule. D'ailleurs, il n'a pas le cuir suffisamment épais pour le type d'existence qu'il a choisie. Contrairement aux gangsters pour lesquels il refuse de travailler, il a des principes et un grand cœur. Une attitude qui le rend souvent vulnérable, dans les affaires comme en amour.
Déterminé à réparer les injustices subies par lui et ses proches, Joe s'engage dans une voie dangereuse, à l'encontre de son éducation et de son code d'honneur. Avec ses hommes, il quitte Boston et son froid hivernal pour s'aventurer dans la moiteur de Tampa, en Floride. Et si la vengeance est sans plus douce que la mélasse qu'il utilise pour son rhum de contrebande, Joe découvrira bientôt que le prix à payer est très élevé…

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé Avec LIVE BY NIGHT, Ben Affleck, qui réalise le film et interprète Joe Coughlin, le rôle principal, nous conte un destin : celui d'un homme aux principes nobles qui choisit une carrière de hors-la-loi. Cela peut paraître singulier, cependant ce choix s'explique par rapport aux expériences vécues par ce protagoniste. 




J'ai apprécié la fluidité du scénario. Les événements s'enchaînent et les décisions qui en découlent paraissent logiques. Il s'agit d'un film d'époque dont l'ambiance est très bien retranscrite au travers des décors, des costumes, des possibilités influencées par la situation politique et de la vision communautaire. La réalisation de Ben Affleck est claire, nous offrant de beaux plans et de belles images par moment, malgré de petits raccords capricieux. Le déroulement de ce long-métrage est très agréable à suivre. Cependant, sur la dernière partie, quelques longueurs se font sentir. Le rythme ralenti.

Les acteurs apportent des personnalités distinctes aux protagonistes, ils sont convaincants et crédibles.





J'ai particulièrement apprécié les rôles féminins, car Sienna Miller, qui interprète Emma Gould, Zoe Saldana qui interprète Graciella Suarez et Elle Fanning qui interprète Loretta Figgis, nous offrent de beaux portraits de femmes à la sensibilité très éloignée les unes des autres.





LIVE BY NIGHT est un film de qualité, un divertissement soigné qui nous entraîne sur les pas d'un personnage dont la vie est irrémédiablement liée à son époque.


NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
JOE Je ne veux pas être un gangster. Ça fait longtemps que j'ai arrêté de courber l'échine.  
MASO Peu importe ce que tu veux. Tu as choisi cette vie. 
Fils d'un haut gradé de la police de Boston, Joe Coughlin a combattu vaillamment pour défendre les couleurs de son pays, mais il a rapidement été désabusé par son expérience de la guerre. De retour aux États-Unis, il s'embarque dans un mode de vie qu'il n'a pas choisi… payant le prix fort pour s'offrir le rêve américain. 

"Joe reconnaît sans la moindre hésitation qu'il a choisi d'être un hors-la-loi dans une ville tenue par des gangsters où les mafias italienne et irlandaise se font la guerre", signale Ben Affleck, scénariste, réalisateur, producteur et comédien principal du film. "Ce qui me surprend beaucoup chez lui, c'est que tout en enfreignant la loi et en vivant selon ses propres règles, ce sont ses valeurs morales qui l'empêchent de se considérer comme un gangster". Pourtant, c'est le profond sens de l'éthique de Joe qui pourrait causer sa perte. LIVE BY NIGHT est un projet qui a passionné Ben Affleck. 

"C'était, en tant que réalisateur, l'occasion de rendre hommage aux classiques Warner du film de gangster des années 30 jusqu'aux années 70", déclare-t-il. "Ils ont bercé mon enfance et ils possèdent une ampleur romanesque qui vous plonge dans un monde et une époque différents". Affleck a adapté "Ils vivent la nuit" de Dennis Lehane, près de dix ans après avoir signé son premier long métrage en portant à l'écran "Gone, Baby, Gone" du même écrivain. 

Lehane est producteur exécutif de LIVE BY NIGHT. "Sur un plan artistique, Ben et moi nous entendons à merveille – et ce n'est pas seulement parce qu'on est tous les deux attachés à Boston, même si ça y est pour beaucoup", plaisante-t-il. "Ben a un style qui lui est propre. Il a fait ses premiers pas de réalisateur avec GONE, BABY, GONE et il s'en est sorti à merveille. J'adore ce film. Du coup, quand j'ai appris qu'il souhaitait adapter 'Ils vivent la nuit', j'étais ravi de retravailler avec lui. Comme la première fois, c'était extraordinaire de voir le livre se métamorphoser, d'abord en scénario, puis en film". 

Grand cinéphile, Affleck soutient que l'intrigue comportait tous les éléments qui lui ont fait aimer le film de gangster : de très belles femmes, des types dangereux, des flics, des mafieux, des fusillades, des courses-poursuites en voiture – en bref, un mélange explosif. "Dès que j'ai lu le livre de Dennis, j'ai compris qu'il y avait là un vrai potentiel pour tous ceux qui aiment passer un bon moment au cinéma". 

La société de production de Leonardo DiCaprio, Appian Way, détenait les droits du roman qu'Affleck a lu sur les conseils de Jennifer Davisson, productrice et associée de DiCaprio. "Notre structure est constamment en quête d'histoires de grands hommes – ce qui ne veut pas forcément dire que ce sont des types bien, mais qu'ils font preuve de grandeur d'une manière ou d'une autre – et des sacrifices qu'ils sont prêts à consentir", explique-t-elle. 

"Dennis excelle à analyser l'égo masculin de manière complexe et captivante, et Ben y arrive très bien, lui aussi. Nous avions les droits d'adaptation mais quand Ben a découvert le livre, il s'est avéré qu'il l'a adoré et qu'il lui correspondait parfaitement. Lorsqu'on a lu le magnifique scénario de Ben, on a été frappés par la même sensibilité qui se dégageait du roman de Lehane". 

La productrice Jennifer Todd acquiesce : "Ben aime les intrigues de Dennis, et celleci en particulier l'emballait, en raison de l'époque, des personnages, ou du périple de Boston à la Floride. On avait le sentiment d'avoir affaire à un projet à part. En outre, le protagoniste était passionnant : ce n'est ni un salaud, ni un type qui n'a rien à se reprocher, mais un personnage qui se situe à mi-chemin entre ces deux pôles. Il fait des choix et souffre parfois de leurs conséquences. Du coup, dans quel camp est-il ?" 

Après un bref séjour en prison, Joe quitte Boston pour le climat plus ensoleillé de Tampa… et surtout, son trafic de rhum clandestin. Si la production a tourné à Los Angeles et dans ses environs, elle a également investi plusieurs quartiers de Boston, comme Lawrence, et reconstitué de nombreux sites de Floride en Géorgie (offrant un cadre assez proche du Tampa d'autrefois). 

En collaboration avec le réalisateur, le chef-décorateur Jeff Gonchor et la chef-costumière Jacqueline West ont réinventé l'époque et les lieux de l'intrigue. De son côté Robert Richardson a signé la photo et William Goldenberg le montage. "Grâce à Bob, Bill, Jess et Jackie qui ont si bien su cerner cette époque et cet univers, et aux formidable comédiens que j'ai dirigés, ce film reste l'une de mes expériences les plus mémorables", affirme Affleck. "Tous ceux qui ont participé au tournage s'y sont tellement investis qu'on avait l'impression d'être réellement plongé dans le contexte du film". 

Les trois femmes que Joe croise sur sa route sont interprétées par Elle Fanning, Sienna Miller et Zoe Saldana. À leurs côtés, on découvre Brendan Gleeson et Chris Cooper sous les traits de policiers, et Remo Girone et Robert Glenister dans les rôles de hors-la-loi. L'ami le plus proche de Joe est campé par Chris Messina. 
JOE Je passais d'un braquage à l'autre. Les bons jours, je réussissais à dormir, et la nuit, je m'enfuyais à toute vitesse sans même me retourner. 
Au cours des dix années qui ont suivi la fin de la Première guerre mondiale, Joe Coughlin a réussi à vivre en hors-la-loi – sous le propre toit de son père, pourtant officier de police – avant d'être confondu. "Son expérience militaire lui a fait comprendre qu'il était vain de respecter les règles sociales et d'être intègre", analyse Affleck. "Pour lui, l'organisation hiérarchique de la mafia est aussi condamnable que celle de l'armée. Il ne veut pas en faire partie et il ne veut recevoir d'ordres de personne. Il va donc vivre selon ses propres règles". Il y parvient avec un certain succès tant qu'il "ne vise pas trop haut et qu'il se contente de petits cambriolages avec deux ou trois complices", précise Affleck. 

Mais ce n'est pas en raison de son aversion pour l'autorité ou d'un braquage qui tourne mal que Joe commet sa plus grande erreur. C'est l'amour qui le pousse dans cette voie. Et c'est toujours ce même sentiment, dans ses diverses manifestations – de la passion à la compassion –, qui précipitera sa chute bien des années plus tard… 
JOE Tu ne me crois pas assez fort ? 
GRACIELA Pas assez cruel. 
Des poules et des nanas 

Tout a commencé à cause d'une taupe. 

Quand on fait la connaissance de Joe, "il est déjà dans de sales draps. Il entretient une liaison secrète avec Emma Gould, la petite amie du mafieux irlandais Albert White", note le réalisateur. 

Tout comme Joe, Emma revendique haut et fort son indépendance, aussi fragile soit-elle. "Elle est totalement sous la coupe d'Albert, si bien qu'elle est ravie de sa relation avec Joe – le goût du danger lui semble galvanisant", dit-il encore. 

Sienna Miller, qui interprète Emma, explique qu'elle partage l'enthousiasme d'Affleck pour le genre : "J'adore l'époque de la Prohibition, si bien que c'était un véritable rêve de participer à ce film", dit-elle. "Mais le plus important à mes yeux, c'est le fait que ce soit Ben qui ait écrit le scénario, qui tienne le rôle principal et signe la mise en scène. Comme j'ai vu ses précédents films, j'aurais renoncé à tout autre projet pour m'embarquer dans cette aventure et camper un rôle aussi exquis". "Emma est l'archétype même de la poule de gangster", poursuit l'actrice, "qui passe son temps à servir des verres dans un tripot où se déroulent illégalement des parties de poker, à sortir avec son patron, pourtant marié, tout en couchant avec son pire ennemi en cachette. Elle a un caractère en acier trempé qui l'aide à survivre dans un univers sombre, criminel et misogyne – et c'est ce qui la pousse à vivre une histoire d'amour avec Joe à la fois belle, éphémère et tragique. Il est évident d'entrée de jeu qu'Emma est une nana irlandaise à la volonté de fer, qui ne s'en laisse pas compter et qui est prête à tout pour s'en sortir". 

La comédienne a adopté une charmante intonation irlandaise pour camper cette garçonne au tempérament fougueux, originaire du quartier de Dorchester à Boston, qui permet à Joe d'exprimer sa rancœur. "Sienna correspondait tellement bien au rôle qu'on aurait dit qu'elle était née pour l'interpréter", s'enthousiasme Affleck. "Elle était tellement convaincante qu'elle m'a fait prendre un accent irlandais en permanence. Tous ses choix de comédienne étaient réfléchis, intelligents et subtils". Lorsque l'histoire d'amour entre Emma et Joe s'achève dans la douleur, ce dernier fait un bref séjour en prison en raison d'un braquage qui a tourné au drame. Une fois libéré, Joe est bien décidé à se venger : il s'allie à la mafia italienne et est envoyé à Tampa. Très vite, il se retrouve à faire la tournée de tous ceux qui fabriquent ou distribuent clandestinement du rhum et rencontre aussitôt Graciela, au charme exotique. Il est immédiatement attiré par elle – et plus encore quand il apprend qu'elle contrôle, avec son frère, le commerce de mélasse, ingrédient essentiel à la fabrication du rhum. 

Zoe Saldana campe Graciela, jeune femme cubaine vivant à Ybor. Il s'agit d'une mosaïque de communautés d'immigrés durs à la tâche, réputée pour sa production de cigares. "Joe fréquente des criminels barbares et violents depuis toujours et il est donc sensible à l'intégrité de l'entourage de Graciela", constate la comédienne. "Graciela ne ressemble à aucune des femmes qu'il a connues. Elle est cultivée, elle a voyagé et elle a étudié la musique et l'histoire de l'art. Elle est très raffinée et fait preuve d'une grande intelligence dans la gestion de l'entreprise familiale". Joe est amoureux d'Emma mais c'est avec Graciela qu'il découvre vraiment l'amour. "La relation de Joe et d'Emma a un côté animal, intense et immature à certains égards", relève Jennifer Todd. "Les rapports de Joe et de Graciela sont plus adultes, plus concrets, plus ancrés dans le réel". 

Ce qui distingue Graciela des femmes comme Emma, c'est sans doute ce qu'elle attend de la vie. "Je doute que Graciela se soit dit un jour qu'elle voulait fréquenter des gangsters et vivre dans l'illégalité", reprend Zoe Saldana. "Je crois qu'elle aspire à une vie de famille épanouie auprès d'un type bien sous son propre toit. Plus elle apprend à connaître Joe, plus elle se rend compte qu'elle pourrait obtenir tout ce dont elle rêve avec cet homme. Elle le perce à jour, et pressent quel genre d'homme il pourrait être s'il pouvait se débarrasser de tout le mal qu'il fait la nuit en agissant pour le mieux dans la journée. Elle comprend qu'il pourrait entamer sa rédemption". "Zoe a été incroyable", s'enthousiasme Affleck. "Elle a su exprimer toute la force, l'assurance et le côté insaisissable qui ont attiré Joe, mais ce sont les aspirations de Graciela qui lui donnent une raison de se battre – et c'est ce que Zoe a joué avec subtilité et conviction". Jennifer Todd confirme : "On a eu beaucoup de chance que Zoe nous donne son accord car elle possède à la fois la légèreté et la grâce, qui correspondent à Graciela, sans compter qu'elle parlait espagnol et qu'elle a su adopter un délicieux accent cubain". 

Tout comme ses partenaires féminines, Elle Fanning a pris un accent pour camper Loretta Figgis, fille adorable et parfois naïve du chef de la police de Tampa. Néanmoins, pour cette comédienne originaire de Géorgie, c'était un simple retour aux sources. C'est l'une des facettes du personnage qui ont séduit Elle Fanning. "Au départ, Loretta est une fille pétillante en quête d'aventures", déclare la jeune actrice. "Elle n'a qu'une envie : se laisser porter par ses rêves. Curieusement, c'est lorsqu'elle perd cette étincelle dans le regard qu'elle découvre sa place dans le monde". 

La première rencontre entre Loretta et Joe est très brève. La fois suivante, la situation a considérablement évolué entre eux. S'ils sont tous deux enfants de policiers, la comparaison s'arrête là : ils se sont en effet engagés dans des voies diamétralement opposées. Pour autant, Joe ne peut s'empêcher d'éprouver du respect pour cette jeune fille qui pourrait, en quelques mots à peine, anéantir son univers. Il y avait dans le scénario deux longs monologues dont l'un se déroulait face à une foule immense parmi laquelle se trouvait Joe. Encouragée par Ben Affleck, Elle Fanning en a profité pour dire son texte pour la première fois au moment où les caméras tournaient. "Je voulais garder toute ma spontanéité et ressentir l'énergie de la scène, et Ben m'a soutenue et aidée, à la fois comme réalisateur et comme partenaire", dit-elle. "Elle a insufflé à Loretta une présence angélique et une innocence brisée", remarque Jennifer Davisson. "C'est plus difficile qu'il y paraît mais c'était crucial pour le personnage et elle y est parvenue". 

"C'est une actrice extrêmement douée", reprend Affleck. "Dans le roman, on découvre le personnage à l'âge de 13 ans, mais dans le scénario je l'ai décrite comme une jeune fille en passe de devenir une femme – un être à mi-chemin entre l'adolescence et l'âge adulte. Je me suis dit que le parcours de Loretta n'en serait que plus bouleversant". Si Elle Fanning avait à peine 17 ans au moment du tournage, Affleck signale que "malgré son jeune âge, elle était totalement à son aise dans ce rôle, et a fait preuve de naturel. Elle réussit vraiment à vous briser le cœur dans le film". 
ALBERT WHITE
Tu te sens coupable et tu passes ta vie à espérer que quelqu'un te punisse pour tes fautes. Eh bien, me voilà. 
Caïds mafieux et criminels endurcis 

Perversité et indifférence. Deux qualités qui, pour tout mafieux qui se respecte, sont essentielles pour s'emparer du pouvoir et de l'argent et être capable d'assassiner tous ceux qui chercheraient à s'y opposer. 

À l'époque de la Prohibition où se déroule le film, le pouvoir et l'argent s'obtiennent surtout grâce au trafic d'alcool de contrebande. Éliminer les opposants à ce "commerce" juteux fait simplement partie du métier. 

Malgré les incitations de l'Italien don Maso Pescatore et les pressions du caïd irlandais Albert White, Joe s'est toujours efforcé d'éviter de travailler pour les mafias de Boston. D'ailleurs, Joe et ses acolytes s'en sont souvent pris aux intérêts de White, finissant par se faire repérer. White est le premier à avertir Joe mais si celui-ci sait parfaitement conscient de quoi l'organisation de l'Irlandais est capable, il ignore à quel point le caïd est bien renseigné et jusqu'où il est prêt à aller pour affirmer sa toute-puissance. 

L'acteur anglais Robert Glenister, qui campe le rôle, décrit White comme "l'incarnation même du mal. Il n'a aucun état d'âme en ce qui concerne ses agissements". Glenister explique que le plus difficile a consisté à faire ressortir la part d'humanité du personnage : "C'est un dur mais dans son milieu, à cette époque, il fallait se comporter de manière brutale et impitoyable si quiconque vous provoquait. Joe contrecarre ses plans, ce qui le met en colère. C'est certes un psychopathe, mais il n'en est pas moins un homme". Lorsque White élimine l'être le plus cher à ses yeux, il n'a d'autre choix dans son désir de vengeance que de travailler pour son ultime rival. 

Remo Girone, comédien italien très réputé, campe Pescatore. "Albert White a les mêmes activités que Maso, mais leur conflit tient à un enjeu de territoire", dit-il. "Chacun souhaite dominer l'autre et c'est bien là le problème ! Maso a un fils qui n'est pas très futé. Quand Joe sort de prison, il veut se venger d'Albert White et il décide alors de se mettre au service de Maso. Celui-ci comprend que Joe est extrêmement intelligent et qu'il sait diriger une équipe. Du coup, Maso lui délègue son pouvoir en Floride". "Je voulais que les comédiens qui interprètent Albert et Maso ne soient pas des comédiens trop connus du grand public", signale Affleck. "Parfois au cinéma, on voit un sale type mais quand c'est un acteur qu'on connaît et qu'on aime qui l'incarne, on a tendance à sentir une certaine compassion pour lui à un niveau subconscient. Mais dans ce film, ces personnages sont de telles ordures que je voulais qu'ils suscitent un malaise chez le spectateur, et qu'on n'ait surtout pas envie de leur faire confiance, tout comme Joe ne leur fait pas confiance. Ceci dit, Remo tourne beaucoup en Italie et Robert en Angleterre, si bien qu'une partie du public les reconnaîtra – mais ce sont deux comédiens tellement épatants qu'ils incarnent formidablement leurs personnages". 

Seul frère d'armes à qui Joe puisse faire une totale confiance, Dion Bartolo est campé par Chris Messina qui avait déjà tourné sous la direction d'Affleck dans ARGO. Décrit par Dennis Lehane comme un type imposant, l'acteur a pris 18 kg pour le rôle. "Ben est très grand et large d'épaules, et je suis plus petit, si bien que lorsque je me préparais pour le tournage, je me demandais de quoi j'aurais l'air en garde du corps et comment je pourrais le protéger et participer aux fusillades à ses côtés", se remémore Messina. 

"Du coup, j'ai décidé de m'étoffer. J'ai appris que Frank Nitti, bras droit d'Al Capone, était lui aussi plus petit que son patron, mais on l'appelait 'l'Exécuteur' et tout le monde avait peur de lui. Quand j'ai fait mon essai caméra, j'avais pris un peu de poids et Ben y a été sensible et j'ai donc continué sur cette voie. J'ai fait un régime à base de glace, de bière et de pâtes – pour être honnête, c'était vraiment extra !" "Chris s'est dit que comme il ne pouvait pas grandir, il allait grossir", plaisante Affleck. 

"Très sincèrement, Dion est effrayant ne serait-ce que par ce qu'il est prêt à faire dans ce milieu criminel impitoyable, ce monde mafieux, et Chris dégageait la force intérieure de Dion". Dion et son frère Paulo font partie de la petite bande de Joe. "Ce sont des amis d'enfance qui ont monté leur propre gang et ils organisent leurs petits braquages et leurs vols un peu minables", avance Messina. "Mais ils sont unis par des liens de loyauté, de grande amitié et même d'amour". 

Les trois hommes s'engagent dans des voies différentes, mais c'est Dion qu'emmène Joe en Floride pour le seconder dans sa gestion des activités de Maso. "Dès qu'ils arrivent à Tampa, ils ont plus d'argent, plus d'influence… ils gravissent les échelons et s'affirment comme gangsters alors qu'ils étaient simples hors-la-loi", reconnaît Messina. Outre le gabarit, l'acteur perçoit une autre différence essentielle entre les deux amis qui tient à leur regard sur la vie. "Dion ne s'interroge pas sur son identité", estime-t-il. "Il vit comme ça et mourra comme ça. Joe se débat constamment dans ces questionnements existentiels et s'interroge sur le genre d'homme qu'il voudrait être". 

Messina souligne qu'il a particulièrement aimé les plans-séquences. "On a tourné quelques plans-séquences particulièrement complexes", dit-il. "Je pense par exemple à la partie de cartes au début du film. Ce sont des plans très intéressants où tous les éléments de la mise en scène doivent fonctionner de manière synchrone". Il reconnaît qu'ils peuvent aussi s'avérer éprouvants. "On ne veut pas être celui qui vient tout gâcher", ajoute-t-il en riant. 
LE COMMISSAIRE FIGGIS
Je ne vous ferai pas l'insulte de vous demander la nature de votre activité. Ne me faites donc pas l'insulte de me mentir. 
La police 

Joe Coughlin n'est pas seulement fils de flic. Thomas Coughlin est le chef-adjoint de la police de Boston et une figure imposante, qu'il soit en uniforme ou en civil. Affleck a confié le rôle au comédien irlandais Brendan Gleeson qui s'est montré ravi de participer au projet. 

"C'était extraordinaire de travailler avec Ben car c'est un acteur et un réalisateur exceptionnel", confie-t-il. "Et c'était exaltant de tourner dans un film se déroulant pendant la Prohibition et de camper un flic irlandais. J'adore Dennis Lehane et le scénario était formidablement bien écrit. Ben laisse sa caméra tourner longtemps, si bien que les personnages ont le temps de décrire une véritable trajectoire émotionnelle au cours d'une scène. C'était un honneur d'y participer". 

La première séquence de Gleeson reste l'un de ses souvenirs les plus marquants. "J'étais plus qu'enchanté d'être éclairé par plusieurs voitures de police des années 20 et d'être aux côtés de ces magnifiques flics", signale-t-il. "Pour moi, c'est ça la magie du cinéma". Affleck a été sensible à la gravité que l'acteur a insufflée à son personnage. "Il apporte une certaine intégrité à Thomas et on perçoit une forme de désapprobation dans ses rapports avec son fils", reprend le réalisateur. 

"On dirait que le père est constamment en train de critiquer son fils et que celui-ci a le sentiment qu'il ne pourra jamais être à la hauteur ou gagner son respect. Il a fait preuve d'une maîtrise exceptionnelle et c'était un bonheur de le regarder jouer". "Les Coughlin ont des rapports compliqués", précise Jennifer Davisson. "De toute évidence, le père et le fils s'aiment. Sinon, Thomas aurait renoncé à Joe il y a longtemps et Joe aurait pris ses distances avec son père. Mais cet amour s'enracine dans une histoire familiale tourmentée qu'on ne connaît pas en intégralité. Est-ce que Thomas a raison ? Estce que Joe a raison ? Est-ce que les décisions du père destinées à protéger son fils l'ont bien protégé ? Brendan a excellé à exprimer ce dilemme moral pour que le spectateur se fasse sa propre idée". 

Et tout comme Joe est constamment à la lisière du bien et du mal, "Thomas n'est ni totalement bon, ni totalement mauvais", suggère Gleeson. "Il tente de gérer la situation à une époque où les valeurs morales sont à géométrie variable. Je pense qu'il tente de se montrer strict, mais on ne peut rien faire sans compromis. Chacun a sa propre conception de la morale". 

Le commissaire Figgis (Chris Cooper) est sans doute un rien moins souple en la matière. Si cet acteur qui vit dans le Massachusetts a déjà travaillé sous la direction d'Affleck dans THE TOWN, il a entièrement tourné les scènes de LIVE BY NIGHT en Floride. "Figgis est le chef de la police d'Ybor, district de Tampa réputé pour ses cigares et ses bars clandestins", note Cooper. "Il sait que Joe et Dion viennent de Boston et qu'ils veulent contrôler tout un quartier d'Ybor pour distiller le rhum. Mon personnage les reçoit dans son bureau pour délimiter leur périmètre d'influence, si bien qu'ils savent exactement où et comment mener leurs affaires. C'est à ces conditions qu'il accepte de fermer les yeux sur leurs activités". 

L'acteur a apprécié les nuances de son personnage. "C'était un rôle complexe mais c'est pour ça qu'on fait ce métier, pour des personnages comme lui qui n'ont rien de manichéen". "C'était fantastique de retravailler avec Chris", constate le réalisateur. "On avait une journée de tournage ensemble pour THE TOWN et il était tellement bon que je me m'étais dit qu'il fallait que je le fasse tourner à nouveau si j'en avais l'occasion. Il correspondait parfaitement au personnage du shérif. Il a fait de Figgis un homme à la grande rectitude morale et désabusé par les désordres du monde". 

On trouve encore au casting Matthew Maher sous les traits du membre du KKK RD Pruitt; Miguel J. Pimentel dans le rôle du frère de Graciela, Esteban Suarez; et Max Casella dans celui du "Fossoyeur", fils de Pescatore. Anthony Michael Hall, Clark Gregg, et l'acteur fétiche d'Affleck, Titus Welliver, à l'affiche de quatre de ses films, font quelques apparitions. "Je ne pourrais pas tourner de film sans que Titus y tienne un rôle", affirme Affleck. 
DION Bienvenue à Ybor, le Harlem de Tampa… 
L'essentiel de LIVE BY NIGHT, qui se déroule de 1927 au début des années 1930, plonge le protagoniste Joe Coughlin des rues austères et froides du Boston de la Prohibition à la chaleur et à la moiteur de Tampa, en Floride. 

Le chef-décorateur Jess Gonchor a reconstitué la beauté visuelle des deux sites grâce à plusieurs lieux tournages dénichés dans le Massachussetts, en Géorgie et en Californie. L'ensemble a été éclairé par le directeur de la photographie Robert Richardson. "Bob et Jess ont largement contribué à la beauté des images, tout comme les membres de l’équipe qui m’accompagnaient déjà sur ARGO, comme la chef-costumière Jackie West, le chef-monteur Billy Goldenberg et le 1er assistant David Webb", déclare Ben Affleck. 

Denis Lehane était très heureux de voir son imaginaire s'incarner à l’écran : "Je dois reconnaître que je ne savais pas très bien à quoi m'attendre. J’ai été estomaqué en voyant certaines plans", confie-t-il. "Tout particulièrement la séquence où la voiture brûle dans le lac : c’est l’une de mes préférées dans le livre mais quand je l’ai vue sur grand écran, c’était tout simplement à couper le souffle. On se rend compte de la puissance de la mise en scène, et de la manière dont un formidable réalisateur et un excellent directeur de la photo peuvent créer une image inoubliable. Je ne m’attendais pas à ce que l’esthétique du film soit aussi riche – et tous les plans sont magnifiques". 

"Je savais que le film poserait des difficultés d’ordre esthétique mais je voulais qu’il ait cette allure classique et fluide et qu'il comporte de nombreux plans-séquences, et pas de plans tournés caméra à l’épaule. Bob est vraiment un génie – c’est un maître. Être à ses côtés et le regarder composer une prise de vue a été un véritable privilège", poursuit Affleck. "Le fait que Ben soit de la partie m’a convaincu car il est vraiment doué dans bien des domaines", avoue Richardson. 

"Ce tournage était difficile car il nécessitait des prises de vue complexes mais éclairer le film a été un réel plaisir". Affleck admet qu’il a fallu du temps pour convaincre Richardson de tourner en numérique : "Bob a voulu filmer avec une caméra ARRI ALEXA 65 puis en faire une copie numérique. Ça donne un certain grain, et le résultat n’est ni trop net ni trop artificiel : on obtient ces petites imperfections qu’on recherche avec l'argentique et qui renforcent l'impression de réalisme". 

Les deux hommes, en accord avec Gonchor, ont choisi de garder les scènes qui se déroulent à Boston dans une tonalité proche du noir et blanc, et de saturer de couleurs celles de Tampa pour apporter un contraste supplémentaire au changement de vie de Joe. Tout au long du film, Richardson a tourné des plans très larges et des plans-séquences pour enrichir l’histoire. De son côté, Affleck a orchestré l’action pour qu’elle puisse se dérouler dans des décors parfaitement adaptés. 

"Dès que j’ai su que Bob tournait en format large anamorphique, on s’est vus avec Ben pour discuter de la façon dont j’allais pouvoir construire les décors", se souvient Gonchor. "On étudiait une scène et Bob disait 'Jess, je vais passer par là et voilà ce que je vais voir' et c’était vraiment utile car je pouvais prévoir ces éléments dans mes constructions et lors de mes repérages. En tant que chef-décorateur, on redoute toujours que la caméra se déplace dans toutes les directions et qu'elle vienne filmer un coin sans décors... On a donc fait en sorte de construire des décors de grande envergure pour éviter ce type de déconvenue". 

Les auteurs du film ont dû également reconstituer des lieux tels qu'ils existaient dans les années 20 : "Le défi principal en tournant à Boston un film situé à cette période, c’est que la ville a complètement changé. Boston s'est embourgeoisé et a été modernisé cinq fois depuis les années 1920. Il est donc très difficile de trouver un endroit qu’on puisse aménager de sorte qu'il nous plonge au début du XXème siècle. On s'est rendu dans le quartier historique de North End qui a été préservé et grâce à d'anciennes enseignes, de nombreuses voitures d’époque et des figurants, on a pu y parvenir", raconte Affleck. 

Les plans extérieurs de Boston ont été principalement filmés au cours d’une dizaine de jours à Lawrence, dans le Massachussetts : l'équipe y a notamment tourné la scène de la longue course-poursuite en voiture après le hold-up qui se termine dans le Harold Parker State Forest. "Lawrence a été fondé à la fin du XIXème siècle, et on y trouvait beaucoup d’usines textiles qui sont toujours là, intactes, même si on a eu de la chance car, à mon avis, certaines ont été transformées en appartements de luxe", déclare Gonchor. 

"C’était un lieu idéal pour tourner le hold-up et la poursuite en voiture". Suite à ce braquage, Joe doit retrouver Emma au Statler Hotel, établissement huppé du centre-ville. Pour cette séquence, les producteurs ont utilisé le Copley Plaza de Boston. "L’hôtel est équipé d'une formidable salle de bal d’époque et Ben tenait vraiment à tourner là-bas. Ça n’a pas été facile à caler car c’est un endroit vraiment très connu mais ça en valait la peine", souligne Jess Gonchor. Les autres scènes situées à Boston ont été tournées à Los Angeles et dans ses environs – et plus précisément sur la Hennessy Street et le plateau 11 des studios Warner et aux studios Universal et Sony, ainsi qu’à Pico House, au Biltmore et au Castle Green de Pasadena. 

L’équipe de LIVE BY NIGHT a ensuite passé deux semaines dans plusieurs régions de Géorgie dont les paysages se prêtaient très bien à ceux de la Floride. "Ybor, dans l'agglomération de Tampa, concentrait des populations de différentes origines ethniques à l’époque", explique Jess Gonchor. "On y trouvait des Italiens, des Cubains, des Espagnols et des Noirs américains - un vrai melting-pot culturel. Les Cubains ont lancé le commerce lucratif de la production de cigares, et dans notre histoire, Graciela et son frère permettent à Joe et Dion de pouvoir s'approvisionner en molasse, fabriquée à partir de canne à sucre provenant de leur Cuba natal". 

"À une heure de route de Savannah, il existe une petite ville, Brunswick, qui, comme Ybor, est une ville côtière où se trouvent deux ou trois pâtés de maisons qui correspondaient parfaitement aux besoins du film. Les bâtiments n’étaient pas exactement d’époque mais on pu bâtir nos propres constructions dans ce quartier même", poursuit-il. 

Le chef-décorateur a également adapté la palette chromatique lors de l’arrivée de Joe dans le Sud : "Une fois qu’il débarque en Floride, envoyé par Maso, on est saisi par une explosion de couleurs, sans doute plus que je n’en ai jamais utilisées. Mon style est généralement plus sobre et c’était donc agréable de changer un peu mes habitudes". Gonchor a étudié de nombreuses photographies d’époque afin que ses décors soient le plus réaliste possible. 

"Concernant les enseignes de cette région, j'ai découvert que tout était peint à la main et de grand format. Les gens étaient fiers de ce qu’ils avaient et tenaient à mettre en valeur leur commerce. Les rues regorgeaient d'enseignes très colorées et un peu criardes, dont certaines étaient peintes directement sur les immeubles en brique, et on voulait vraiment montrer ça dans le film", dit-il. "De la conception à l’exécution, Jess a été fantastique dans tous les domaines", déclare Affleck. "Il était très enthousiaste, très intelligent, et il avait une vision extrêmement précise de la manière dont il voulait créer chaque décor. Et il avait toujours raison, dès le premier essai". 

Pour ce dernier, travailler avec Ben Affleck a aussi été une expérience très enrichissante : "Ben a de très bonnes idées, il est sûr de lui et voit les choses très rapidement, ce qui m’a été très utile pour la conception des décors. Il est toujours ouvert à la discussion et m’a donné beaucoup de liberté pour travailler de façon imaginative. Bénéficier d’une telle confiance ne peut que pousser à se donner à fond". La chef-costumière Jacqueline West, qui a déjà collaboré avec Ben Affleck sur ARGO, était ravie de pouvoir remonter encore plus loin dans le temps en compagnie du cinéaste. "Ce film montre une période assez originale dans l’histoire du costume, car les modes ne changent habituellement pas aussi rapidement que cela a été le cas dans les années 1920 et 1930, en partie à cause de la Grande Dépression", raconte la costumière. 

"Nous avons aussi dû prendre en compte des styles très distincts, en fonction du climat : les tenues de la côte Est tranchent franchement avec celles du Sud et faire en sorte que tous ces costumes paraissent naturels à l’écran a représenté un grand défi". Alors que Jacqueline West recherchait des images afin de s’en inspirer pour les différents styles de Joe Coughlin, elle est tombée sur le célèbre personnage de Baby Face Nelson [redoutable braqueur de banques des années 1930, NdT.]. 

Mais ce n’est pas le criminel qui a alors attiré son attention. "John Paul Chase faisait des coups avec Nelson mais il était différent des autres gangsters, il était plus rebelle, tout comme Joe, et, comme lui, c’était un contrebandier et un braqueur. J’aimais aussi la façon qu’il avait de s’habiller, avec une certaine modernité qui le différenciait des autres". Pour habiller Joe à Boston, à l'époque où il n'est qu’un petit voyou irlandais, Jacqueline West fait porter à Ben Affleck des tissus riches et sombres comme du tweed, pour souligner le fait qu’il vit modestement dans un environnement froid. Quand il se met à travailler pour Maso et qu’il se rend en Floride, "le style de son costume change. Au moment où il descend du train à Ybor, ses vêtements ont une certaine coupe, celle d’un caïd de la pègre, et c’est d'ailleurs ce qu’il devient. Il profite de tout ce que Maso peut lui offrir, qu'il s'agisse de costumes bien coupés, d'un style plus élégant et de tons plus clairs adaptés au climat chaud", explique la costumière. 

Pour les personnages d’Emma et Graciela, "Je n’aurais pu rêver mieux que Sienna Miller et Zoe Saldana pour porter ce style des années 1920 -1930. Leur allure était parfaite pour l’époque à laquelle leurs personnages évoluent", raconte Jacqueline West. "Emma est la garçonne parfaite, sûre d’elle, frondeuse et fumant en public", poursuitelle. "Il y avait une réelle liberté de pensée et une liberté sexuelle évidente dans l’attitude de ces femmes. Je me suis inspirée de Louise Brooks, qui portait souvent des pantalons et des vestes de tailleurs, et de Norma Shearer, qui était vraiment avant-gardiste et avait tourné dans beaucoup de films du 'pré-code' [antérieurs à la mise en œuvre du code de censure en 1934, NdT]". 

Comme pour Joe, "j’ai opté pour des couleurs foncées en ce qui concerne Emma car elle est emblématique de la part d'ombre de Joe. Elle porte beaucoup de brun, mais j’ai essayé d’éviter le noir car ce n’était pas vraiment à la mode à l’époque sauf pour les enterrements. Et même si elle sort avec Albert White, elle n’a pas beaucoup d’argent si bien que j’ai choisi de lui faire porter des paillettes plutôt que des perles pour la robe qu’elle arbore au Statler Hotel", dit-elle encore. 

En réalité, avant même de concevoir la robe portée par Sienna Miller dans le film, la costumière avait passé en revue plus de 300 robes, puis s'était rendue dans l’arrière-boutique d’une boutique de vêtements d’époque. "J’ai ouvert un sac d'anciens tissus à paillettes : ils possédaient cette merveilleuse patine que les matières neuves n’ont pas. En les sortant du sac, j’ai constaté qu'il s'agissait en fait d'une robe dont les paillettes étaient cousues à même la maille. C’était très Art Déco, avec un motif représentant le soleil : c'était l’une des robes les plus fascinantes que j’ai jamais vues, mais elle serait tombée en lambeaux si nous avions essayé de l’utiliser. J’ai donc conçu celle d’Emma en ayant ce modèle en tête. Quand Joe entre dans la pièce et la voit, elle irradie. C’est exactement l'effet que je recherchais". 

"Jackie pense au moindre petit détail, des mailles sur les bas à d’authentiques sousvêtements. Grâce à son sens de la précision, les acteurs ont le sentiment d’être plongés dans l'époque. Elle ne laisse rien au hasard et cela donne beaucoup plus d'intensité à l’interprétation", déclare Sienna Miller, enthousiaste. "J’essaie d'avoir ce même sens du détail pour l'ensemble des comédiens", confirme Jacqueline West. "Chris Cooper porte des fixe-chaussettes, un accessoire que beaucoup d’hommes de l’époque, dans sa position sociale, auraient porté pour que leurs chaussettes ne tombent pas, et ça lui a permis d'accentuer la rigidité du personnage. Je pense que les choses qu’on ne voit pas à l’écran sont tout aussi importantes que celles qu’on remarque. Quand un acteur porte ces différents vêtements et accessoires, même s’il s’agit simplement de sous-vêtements d’époque, d’un soutien-gorge ou d’une combinaison de soie, il commence à sentir une transformation : il franchit un cap petit à petit et il entre dans la peau du personnage. Ben se tient différemment dans ces pantalons de costumes à taille haute et à bretelles car ils apportent une sensation différente des vêtements décontractés qu’on porte de nos jours". 

"Jackie est extraordinaire", atteste Ben Affleck. "Elle sait tout du personnage dès le moment où on fait les essayages et elle a vraiment réfléchi à sa personnalité, aux boutiques où il achète ses vêtements et à sa façon de les porter. Elle a tellement bien élaboré le personnage en amont qu'une fois sur le plateau, c'est un régal". 

Pour Graciela, l’autre femme marquante dans la vie de Joe, la costumière raconte : "Je me suis inspirée de l’une des muses de Lartigue, la célèbre Renée Perle. Elle avait une personnalité incroyable et un style unique et je trouve que Zoe lui ressemble un peu. J’ai essentiellement habillé Graciela en blanc car elle vit dans le Sud et qu'il y fait chaud : cela met en valeur son teint magnifique, et j’ai tout simplement ajouté une touche cubaine grâce à des broderies espagnoles". 

"Quand on tourne un film en costumes, les tenues et les accessoires peuvent se révéler les outils les plus essentiels de l’acteur", souligne Zoe Saldana. "Que ce soit la coupe des vêtements ou les chaussures, il y a toujours une raison aux choix de Jackie et sa contribution a été déterminante pour composer le personnage de Graciela". L’une des tenues préférées de Jackie West est la robe du soir créée pour Graciela : "Elle est en velours de soie : il s'agit d'un tissu français que j’ai fait imprimer à la main puis draper en diagonale sur le corps de Zoe. Cette robe a exactement l’effet escompté : elle est faite pour danser et séduire. C’est une robe parfaite sur elle". 

Pour cette tenue, elle s'est inspirée d’un vieux film de Cagney : "J'avais ce film en tête quand je réfléchissais au projet et j’y ai vu cette robe à rayures sur une femme qui n’était pas vraiment une 'poule' de gangster : elle était un peu plus haut-de-gamme que ça. Je me souviens m’être dit que ce serait génial d’utiliser des rayures sur une robe du soir et ça a très bien fonctionné sur le corps mince et élancé de Zoe qui a vraiment une silhouette des années 1930". Loin d’être aussi volcanique qu’Emma ou élégante que Graciela, Loretta Figgis est elle aussi un personnage féminin majeur du film : "Quand on la voit pour la première fois, elle vient de terminer le lycée, elle est très naïve et candide", observe Jacqueline West. 

"Mais par la suite, elle semble s’être métamorphosée. L’incarnation du personnage de Loretta, pour moi, est Amy Semple McPherson [célèbre évangéliste pentecôtiste canado-américaine des années 1920 et 1930 connue sous le nom de Sœur Aimée, NdT.] qui a mené une drôle de vie et était une véritable excentrique. Quand j’ai fait des recherches sur elle, j’ai découvert qu’elle découpait des photos du magazine Vogue et s'inspirait, pour son style, des robes de mariées haute couture avec des manches cape ou encore d’incroyables manches chauve-souris. Je me suis dit que ça révélait une merveilleuse vulnérabilité qui convenait aussi parfaitement à Loretta". 

Outre les nombreux personnages du film, il n’y a pas moins d'un millier de figurants auxquels la chef-costumière a consacré toute son attention : "Je pense toujours à Fellini quand je crée un univers et au fait que l'ensemble de ses acteurs, jusqu'au dernier figurant, sont marquants", dit-elle. "J’ai trouvé et imprimé 1 000 photos de personnes réelles et je me suis inspirée, pour chaque personnage et figurant du film, d'une photographie. Et quand je marchais dans les rue d’Ybor que Jess a reconstituées à Brunswick, avec tous les figurants en place, j'avais l'impression d'être dans une photographie de Walker Evans [photographe américain, surtout connu pour son travail sur la Grande Dépression, NdT.]". 

La chef-coiffeuse Kristin Berge et les chefs-maquilleuses Kate Biscoe et Ann Pala Williams ont travaillé de concert avec Jacqueline West pour mettre au point le style de chaque personnage. Et pour que chaque automobile du film ait l’air impeccable, les producteurs ont fait appel au responsable des véhicules et transports Randy Peter et aux capitaines transports John Willoth et Joey Freitas. 

"Les classique du film de gangsters avaient recours à des Model A de couleur sombre", déclare Freitas. "Mais Ben a voulu rompre avec la tradition et y apporter un peu de couleur et de diversité. Dans les années 1920, il y avait plus de 200 constructeurs automobiles si bien que j'ai eu l’embarras du choix". 

En dehors des nombreuses voitures de police et des autres véhicules, les voitures principales que Freitas a pu se procurer évoquent l’ascension de Joe à Tampa. "Quand il descend du train à Ybor, Dion vient le chercher dans un coupé décapotable Franklin 1928. C’est voyant et élégant, et c'est un excellent modèle d’entrée de gamme qui en met plein la vue quand ils débarquent en ville. Ensuite, on passe à une Lincoln Model K 1931 : il s'agit d'une voiture à quatre sièges – un 'must' à l’époque – qui est un modèle vraiment haut de gamme. Avec cette voiture, on voit clairement que Joe a dorénavant de l’argent et du pouvoir". 

"Vers la fin, on le voit dans une Packard Twelve 1933, la Maybach de l'époque. C’est une voiture qui montre que Joe est arrivé au sommet, qu’il a plus d’argent qu’il n’en a besoin et qu’il le dépense à tort et à travers et notamment en se payant des voitures de luxe". Joe n’est plus un hors-la-loi mais un gangster accompli qui mène une existence dont il n'a jamais rêvée. 
JOE
J’ai compris que pour être libre ça ne servait à rien d’enfreindre les règles. 
Il fallait être assez fort pour imposer les siennes. 
Pour mettre en musique le parcours de Joe, Ben Affleck a fait appel au compositeur Harry Gregson-Williams avec qui il avait déjà travaillé sur GONE BABY GONE et THE TOWN. "J’étais sûr que Harry saurait comment renouveler un peu ce genre de musique", raconte le réalisateur. "Je savais qu’il pourrait composer des morceaux à la fois évocateurs et troublants pour les moments émotionnels, mais aussi procurer du rythme et de l’énergie pour les fusillades, les poursuites en voiture et les autres séquences d’action et accompagner la progression de l'intrigue". 

"Ben fait toujours des critiques constructives de la musique et donne des directives claires", déclare le compositeur, qui apprécie de collaborer avec Affleck. "Il me laisse composer avant même de me faire part de ses idées et c’est seulement ensuite que nous discutons du contenu émotionnel de la musique et de son potentiel pour le film". "Le thème de Joe est au départ assez sombre et grave avant de devenir plus léger lorsque sa vie prend une autre tournure et qu’il y a un réel moment d’espoir. Pour Emma, le thème est légèrement Irlandais car on a utilisé un violon électrique, et le style de Graciela apporte une autre dimension émotionnelle et une sonorité différente à la musique", précise-til. 

Pour le générique de fin, Affleck a engagé le compositeur-interprète Foy Vance : il a écrit "Moonshine" spécialement pour le film, qu’il interprète avec Kacey Musgraves. "Chaque fois que j’entends cette chanson, je l'apprécie un peu plus. Elle a un petit quelque chose qui vient du gospel mais c’est vraiment une chanson sur la contrebande. Tout comme la musique populaire qui a été composée à cette époque, ce morceau donne un excellent aperçu de cette période et clôt de façon magistrale l’aventure vécue par Joe", confie-t-il.

C’est à Ben Affleck que revient le mot de la fin : "Comme dans ces films de gangsters que je regardais petit, Dennis Lehane a créé un univers captivant et un personnage auquel tout le monde peut s’identifier. On veut tous être maître de sa destinée, vivre selon nos propres règles mais cela se paie parfois au prix fort. J’ai trouvé presque héroïque que Joe mette tout en œuvre pour rester fidèle à ses principes, tout en sachant ce que cela va lui coûter, et j’espère que les spectateurs y seront, eux aussi, sensibles".

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