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jeudi 11 avril 2019

MONSIEUR LINK


Animation/Aventure/Une petite merveille d'animation en stop-motion

Un film des Studios LAIKA
Réalisé par Chris Butler
Avec les voix en version originale, de Zach Galifianakis, Hugh Jackman, Zoe Saldana, Emma Thompson, Stephen Fry, Timothy Olyphant, Matt Lucas, David Walliams...
Avec les voix en version française, d'Eric Judor, Thierry Lhermitte... 

Long-métrage Américain
Titre original : Missing Link 
Durée : 01h35mn
Année de production : 2019
Distributeur : Metropolitan FilmExport

Date de sortie sur les écrans américains : 12 avril 2019
Date de sortie sur nos écrans : 17 avril 2019


Résumé : Monsieur Link est une créature surprenante, étonnamment intelligente et surtout incroyablement attachante. Dernier vestige de l’évolution humaine et unique représentant de son espèce, Monsieur Link se sent seul... Pour l’aider à retrouver ses parents éloignés, il approche l’explorateur Sir Lionel Frost, le plus grand spécialiste des mystères et des mythes. Accompagnés par l’aventurière Adelina Fortnight qui possède l’unique carte qui leur permettra d’atteindre leur destination secrète, ils se lancent dans une odyssée à travers le monde.

Bande annonce présentée par Eric Judor (VF)



Dans les coulisses (VF)



Ce que j'en ai pensé : les studios Laika nous font le plaisir de revenir avec une petite merveille. Ce MONSIEUR LINK remet l'aventure avec un grand A sur le devant de la scène et fait la part belle aux cœurs courageux des explorateurs qui veulent découvrir sans pour autant chercher à détruire. Qu'elle est belle cette animation en stop-motion qui donne ce petit air de réalisme en plus aux personnages, aux décors, aux vêtements, aux coiffures, aux attitudes... 



Le réalisateur Chris Butler fait un sans-faute. Des petits détails aux grands moments d'action, ce film est un régal pour les yeux. Les jolies thématiques sur l'appartenance, l'amitié, être soi, l'indépendance et la protection de ce qui nous entoure sont autant de perles qui habillent la narration de cette histoire. La fluidité et la cohérence de l'ensemble sont impressionnantes. L'humour arrive souvent par touches discrètes qui font sourire sans pour autant départir le sujet de son intérêt. Les clins d'œil aux films d'aventures amuseront les parents. Les dialogues sont agréables à écouter en version originale, car l'anglais utilisé se réfère à l'époque du film. Les voix des acteurs sont parfaites par rapport aux protagonistes. 

En version originale, Hugh Jackman apporte une intonation qui est un mélange à la fois de bonnes intentions et un peu distante par son chic qui sied à Sir Lionel Frost. 



Quant à Zach Galifianakis, qui prête sa voix à Monsieur Link, c'est son talent de comique qui s'exprime ici avec une belle énergie un peu en retenue et pourtant tout à fait efficace. 



Ces deux personnages forment un duo attachant qu'on a envie de suivre au bout du monde (ce qui tombe bien). Ils sont complétés par le personnage d'Adelina Fortnight, une femme au caractère de feu et au bon sens implacable. Ces facettes se retrouvent dans la performance vocale de Zoe Saldana qui l'interprète.

Copyright photos @ Metropolitan FilmExport

MONSIEUR LINK ravira autant les adultes que les enfants et surtout les rêveurs de tous bords qui seront charmés par cette quête pleine de rebondissements. Il ne faut pas manquer ce lien vers un divertissement visuellement magnifique et une histoire fort sympathique.



NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

PERSONNAGES ET COSTUMES

Scénariste et réalisateur du film, Chris Butler en a aussi conçu les personnages. C'est un auteur complet ! Quant à Deborah Cook, seule chef-costumière de l'animation jamais citée au Costume Guild Award, elle a signé tous les costumes du film.

Monsieur Link
Au premier regard, Monsieur Link est une créature adorable et attachante. Mais intérieurement, il se compose d'un enchevêtrement de pièces métalliques, à l'instar d'un estomac mécanique, d'un respirateur, de dispositifs de compression et d'étirement, d'engrenages usés, de barres d'engrenage et de pignons.

Le pelage de Monsieur Link emprunte à plusieurs techniques. Pour créer sa masse corporelle, il a d'abord fallu appliquer des morceaux de mousse de latex perforés sur son armature métallique (presque comme des muscles). Ensuite, à l'image de la peau ou d'une combinaison en fourrure, des feuilles de silicone ainsi que de la fourrure ont été fixées sur son corps, puis collées fermement.

En raison du besoin impérieux de mobilité, de compression et d'étirement du cou de Monsieur Link, la production a utilisé des "pétales de fourrure" en uréthane moulés individuellement qui ont ensuite été fixés par couches successives – tout comme des plumes recouvrent le cou d'un oiseau. Quand Link se tourne et se penche, ces couches suivent harmonieusement le mouvement du corps, au lieu de se déformer et de se tordre s'il s'agissait d'une seule feuille de silicone moulé.

Une fois le pelage fixé, il s'agissait de peindre l'ensemble de manière précise et minutieuse afin d'y apporter de la densité et de mettre en valeur les poils.

Le costume en tissu écossais de Monsieur Link est un clin d'oeil aux traditions vestimentaires du nord-ouest des États-Unis, ainsi qu'à l'histoire du tissage et plus particulièrement à l'entreprise White Stag and Pendleton installée dans l'Oregon à cette époque.

Plusieurs tissus ont été conçus à partir d'un tissu élastique très léger teint dans une couleur neutre, puis brodé numériquement pour que le tissage ait un aspect harmonieux, et recouvert enfin d'un revêtement imprimé et peint à la main dans le moindre détail.

Selon la chef-costumière Deborah Cook : "Tous les tissus des costumes chez LAIKA sont fabriqués en interne. Rien n'est acheté à l'extérieur. Il nous faut non seulement mettre au point des costumes à une échelle miniature, mais ils doivent aussi résister aux mouvements de la marionnette. Il faut aussi qu'ils soient beaux à l'image. On expérimente pas mal en matière de création de tissus dans le but de produire des costumes jusque dans leurs moindres détails".

Sir Lionel Frost
Pour trouver le motif du costume en pied-de-poule de Sir Lionel, il a d'abord fallu travailler avec un maître tisseur afin de déterminer la taille, la coupe et les couleurs des pièces de tissu s'harmonisant les unes avec les autres.

Cependant, le tissage serré ou les coutures dessinant des lignes parallèles très rapprochées peuvent produire un effet moiré à l'image – autrement dit, un parasitage visuel provoqué par le tournage numérique. Grâce à plusieurs expérimentations, la chef-costumière a mis au point une gamme chromatique faisant en sorte qu'aucune couleur n'éclipse les autres et une texture donnant l'impression qu'il s'agit d'un pied-de-poule tissé. Le motif, lui, a une forme en étoile.

Les bleus et les jaunes profonds du costume de Lionel évoquent sa modernité et son goût vestimentaire visionnaire.

Adelina Fortnight:
Adelina incarne la femme moderne à l'aube du XXème siècle. Indépendante et aventurière dans l'âme, cette femme révolutionnaire a été popularisée grâce aux illustrations de la "Gibson Girl" – l'icône américaine de la Belle Époque – de la fin du XIXème et du début du XXème siècles.

Pour les cheveux d'Adelina, il a fallu utiliser plus de 600 mètres de fil de soie de plusieurs couleurs qui, par la suite, ont été mélangés et façonnés à la main pour se rapprocher des formes et des lignes pures des illustrations au crayon et à l'encre de la "Gibson Girl".

Autre accessoire vestimentaire emblématique de la "Gibson Girl" : le corset "Belle Époque" imaginé en réaction aux "tournures" et corsets limitant les mouvements de l'ère victorienne. Ce nouveau corset mettait en valeur les formes féminines, ce qui aurait été jugé "inacceptable" par les Victoriens. Adelina était une fière adepte de ce corset Belle Époque.

Le fuchsia de la robe d'Adelina exprime également son penchant visionnaire pour la mode. Les premières teintures chimiques ont été créées à cette époque, donnant naissance à des teintes vives comme le violet et le bleu. Le goût d'Adelina et de Sir Lionel pour les couleurs éclatantes tranche radicalement avec les tenues victoriennes traditionnelles dans les bleus marine et les gris anthracite.

LES VOIX
Les voix françaises

THIERRY LHERMITTE
Sir Lionel Frost
Après avoir rencontré Michel Blanc, Gérard Jugnot et Christian Clavier sur les bancs du lycée, Thierry Lhermitte fonde avec eux – sans oublier Josiane Balasko et Marie-Anne Chazel – la troupe du Splendid en 1974. Il connaît ses premiers succès adaptés des pièces de la troupe, aux côtés de ses camarades, avec LES BRONZÉS (1978), puis LES BRONZÉS FONT DU SKI (1979), tous deux signés Patrice Leconte. Au début des années 80, il triomphe dans les comédies décapantes LE PÈRE NOËL EST UNE ORDURE (1982) et PAPY FAIT DE LA RÉSISTANCE (1983). Ce qui ne l'empêche pas d'explorer d'autres registres comme le drame avec STELLA (1983) et le polar, de LÉGITIME VIOLENCE (1982) à L'INDIC (1983).

Habitué aux triomphes publics, il tourne dans des comédies marquantes comme LES RIPOUX (1984) – qui connaît deux suites –, LA TOTALE (1990) ou encore LE DÎNER DE CONS (1998) de Francis Veber qui séduit plus de 9 millions de spectateurs. En 2005, il retrouve ses vieux complices du Splendid pour le troisième opus des BRONZÉS qui dépasse les 10 millions d'entrées. Pour autant, il n'hésite pas à camper un détective en perte de vitesse dans UNE AFFAIRE PRIVÉE (2002) et CETTE FEMME-LÀ (2003) de Guillaume Nicloux. En 2013, il explore la satire politique avec QUAI D'ORSAY de Bertrand Tavernier où il incarne un ministre des Affaires Étrangères survolté. Trois ans plus tard, il surprend avec le rôle d'un cadre sup reconverti en promeneur de chiens dans LA NOUVELLE VIE DE PAUL SNEIJDER (2016) de Thomas Vincent. Il a récemment donné la réplique à Franck Dubosc et Josiane Balasko dans ALL INCLUSIVE.

Thierry Lhermitte est le parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) depuis 2004.

ÉRIC JUDOR
Monsieur Link
D'abord guide touristique, puis informaticien, Éric Judor fait la connaissance de Ramzy Bedia en 1994 : deux ans plus tard, le tandem "Éric & Ramzy" triomphe sur scène grâce à un humour absurde savoureux. En 1999, ils connaissent leur premier grand succès au cinéma avec LA TOUR MONTPARNASSE INFERNALE où ils interprètent deux laveurs de carreaux un peu idiots. On les retrouve dans le même registre en 2004 dans DOUBLE ZÉRO.

Parallèlement à sa carrière d'acteur, il se lance dans le doublage de films d'animation, avec GANG DE REQUINS, VAILLANT, et CENDRILLON ET LE PRINCE (PAS TROP) CHARMANT. On le retrouve en 2007 devant la caméra dans STEAK de Quentin Dupieux où il interprète un ancien détenu qui tente de trouver sa place dans une société fascinée par la chirurgie esthétique. Un an plus tard, il passe derrière la caméra avec son complice Ramzy et signe SEULS TWO. Puis, il coécrit et interprète – toujours avec Ramzy – la comédie déjantée HALAL POLICE D'ÉTAT (2011).

Fan du travail de Quentin Dupieux, il le retrouve en 2012 pour WRONG et en 2014 pour WRONG COPS.

Il est le Génie des NOUVELLES AVENTURES D'ALADIN (2015) et en 2016, de nouveau le laveur de vitres dans LA TOUR 2 CONTRÔLE INFERNALE, qu'il réalise avec Ramzy. On l'a aussi vu récemment sous les traits du Génie dans ALAD'2.

En 2011 et 2013, il écrit, réalise et interprète les saisons 1 & 2 de Platane. Éric Judor démarre le tournage de la saison 3 en mars 2019.

Les voix originales

HUGH JACKMAN
Sir Lionel Frost
Couronné par un Golden Globe et un Tony Award, nommé à l’Oscar, Hugh Jackman est connu dans le monde entier pour la diversité de ses rôles, et il rencontre le même succès sur les écrans que devant des salles de théâtre bondées. Entre son interprétation du chanteur-compositeur des années 1970 Peter Allen à Broadway dans « The Boy from Oz » et son incarnation de Wolverine dans la saga à succès X-MEN, il s’est imposé comme l’un des acteurs les plus éclectiques de notre époque.

D'origine australienne, Hugh Jackman est devenu célèbre en 2000 en interprétant Wolverine, un des mutants du film X-MEN de Bryan Singer, qui a été son premier film américain majeur. Il a retrouvé ce rôle en 2003 dans X-MEN 2 du même réalisateur, en 2006 dans X-MEN : L’AFFRONTEMENT FINAL de Brett Ratner, puis dans X-MEN ORIGINS : WOLVERINE de Gavin Hood.. En 2013, Hugh Jackman campait à nouveau le célèbre héros dans WOLVERINE : LE COMBAT DE L’IMMORTEL, sous la direction de James Mangold et l’année suivante dans X-MEN : DAYS OF FUTURE PAST de Bryan Singer.

Hugh Jackman a remporté le Golden Globe – et obtenu ses premières nominations à l’Oscar et au BAFTA Award – en 2013 en incarnant Jean Valjean dans LES MISÉRABLES de Tom Hooper, d’après la comédie musicale elle-même adaptée du roman de Victor Hugo. Il a décroché une nouvelle nomination au Golden Globe pour THE GREATEST SHOWMAN, dans lequel il incarnait P.T. Barnum. L’album de la comédie musicale a battu des records partout dans le monde et a été plusieurs fois disque de platine dans différents pays dont le Royaume-Uni et les États-Unis.

On l'a vu dans LOGAN de James Mangold, où il incarnait à nouveau Wolverine. Il s'est encore illustré dans THE FRONT RUNNER de Jason Reitman, PRISONERS de Denis Villeneuve, REAL STEEL, AUSTRALIA, LE PRESTIGE de Christopher Nolan, THE FOUNTAIN de Darren Aronofsky, SCOOP de Woody Allen, MANIPULATION, ATTRACTION ANIMALE de Tony Goldwyn, OPÉRATION ESPADON de Dominic Sena, VAN HELSING de Stephen Sommers et KATE ET LEOPOLD de James Mangold. Il a prêté sa voix à HAPPY FEET, SOURIS CITY et LES CINQ LÉGENDES.

On l'a vu récemment sous les traits du sénateur Gary Hart dans THE FRONT RUNNER de Jason Reitman. Il a également achevé le tournage de BAD EDUCATION auprès d’Allison Janey et Ray Romano, sous la direction de Cory Finley.

ZACH GALIFIANAKIS
Monsieur Link
Zach Galifianakis a d’abord exercé son humour dans les cuisines d’un fast-food sur Times Square puis a commencé à se produire dans des clubs et des cafés de la ville. Alors qu’il travaillait en tant que serveur, il a décroché un rôle dans la sitcom BOSTON COMMON, le premier d’une longue et éclectique carrière.

Il s'est imposé grâce à la trilogie VERY BAD TRIP de Todd Phillips. Il interprête le rôle d’Alan, garçon malchanceux de la joyeuse petite bande. On a également pu le voir aux côtés de Robert Downey Jr. dans DATE LIMITE sur lequel il a retrouvé le réalisateur Todd Phillips. Il s’est aussi illustré dans IT’S KIND OF A FUNNY STORY. Parmi sa filmographie, citons THE DINNER réalisé par Jay Roach, BE BAD! et MISSION G. Sur le petit écran, Zach Galifianakis a joué dans la comédie BORED TO DEATH. Il a également présenté "Late World with Zach", talk-show salué par la critique, et écrit et interprété DOG BITES MAN. L’acteur anime en outre "Between Two Ferns", un talk-show primé à l'Emmy et diffusé sur Internet pour lequel il a notamment interviewé le Président Barack Obama, Steve Carell, Natalie Portman, Conan O’Brien et Justin Bieber.

Il a entamé le tournage de la quatrième saison de la série BASKETS. Il a récemment joué dans UN RACCOURCI DANS LE TEMPS d'Ava DuVernay, aux côtés de Reese Witherspoon et Oprah Winfrey et TULIP FEVER de Justin Chadwick, avec Alicia Vikander et Dane DeHaan. Il a tourné dans LES ESPIONS D'À CÔTÉ de Greg Mottola, LES CERVEAUX de Jared Hess et BIRDMAN, Oscar du meilleur film, sous la direction d’Alejandro G. Iñárritu. Il a encore prêté sa voix au Joker dans LEGO BATMAN.

ZOE SALDANA
Adelina Fortnight
Zoe Saldana a récemment obtenu son étoile sur le célèbre Hollywood Walk of Fame. Dernièrement, elle a endossé à nouveau le rôle de Gamora dans AVENGERS: INFINITY WAR. Elle donne la réplique à Chris Pratt, Vin Diesel et Bradley Cooper dans la saga LES GARDIENS DE LA GALAXIE. On l'a vue dans LIVE BY NIGHT de Ben Affleck et dans la saga STAR TREK où elle campe Nyota Uhura. Elle s'est fait connaître mondialement en campant Neytiri dans AVATAR de James Cameron, qui a battu tous les records. Elle tourne actuellement les trois nouveaux épisodes de la saga. On l'a vue dans DADDY COOL, BLOOD TIES de Guillaume Canet, LES BRASIERS DE LA COLÈRE, THE WORDS, COLOMBIANA, TAKERS, PANIQUE AUX FUNÉRAILLES et DANSE TA VIE.

EMMA THOMPSON
La prêtresse
Emma Thompson est l'une des comédiennes et des scénaristes les plus respectées de sa génération. Elle est aussi la seule artiste à ce jour qui ait obtenu l'Oscar pour son interprétation et pour l'écriture d'un scénario. En 2018, elle a été faite Commandeur de l'ordre de l'Empire Britannique. On l'a récemment vue dans MY LADY de Richard Eyre, sur un scénario de Ian McEwan. On la retrouvera bientôt dans LATE NIGHT, présenté au festival de Sundance, et le nouvel opus de la saga MEN IN BLACK.

Emma Thompson débute au cinéma en 1988, dans la comédie THE TALL GUY. Côté cinéma, on l'a vue notamment dans RAISON ET SENTIMENTS, réalisée par Ang Lee, qui lui vaut une nomination à l'Oscar, LES VESTIGES DU JOUR de James Ivory (nomination à l'Oscar), AU NOM DU PÈRE de Jim Sheridan (nomination à l'Oscar), LOVE ACTUALLY, écrit et réalisé par Richard Curtis, DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY, THE MEYEROWITZ STORIES de Noah Baumbach, LA BELLE ET LA BÊTE, NANNY MCPHEE et NANNY MCPHEE ET LE BIG BANG, qu'elle a aussi écrits, HARRY POTTER ET LE PRISONNIER D’AZKABAN d’Alfonso Cuarón, HARRY POTTER ET L’ORDRE DU PHENIX de David Yates, HENRY V, DEAD AGAIN, BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN et PETER’S FRIENDS de Kenneth Branagh, LAST CHANCE FOR LOVE de Joel Hopkins, qui lui vaut une citation au Golden Globe, DUO D'ESCROCS de Joel Hopkins, et MEN IN BLACK III de Barry Sonnenfeld.

DERRIÈRE LA CAMÉRA

CHRIS BUTLER
Réalisateur/Scénariste/Directeur d'écriture/Concepteur personnages

Chris Butler a réalisé son premier long métrage avec L'ÉTRANGE POUVOIR DE NORMAN dont il a aussi écrit le scénario. Par ailleurs, il a été directeur d'écriture et coscénariste de KUBO ET L'ARMURE MAGIQUE et story-boardeur de CORALINE. Avant d'intégrer LAIKA, il a travaillé pendant dix ans comme graphiste et story-boardeur sur plusieurs projets d'animation, dont LES NOCES FUNÈBRES de Tim Burton. Il a obtenu plusieurs distinctions comme des citations à l'Oscar, au BAFTA Award, aux Annie Awards et au GLAAD Award.

Le studio LAIKA

De réputation mondiale, LAIKA est un studio d'animation qui s'est fait connaître pour ses films en "stop-motion" (ou "en volume"), mêlant méthodes traditionnelles et technologie de pointe. Créant tout un univers de féerie, de personnages attachants et d'images marquantes, LAIKA réunit une équipe d'artistes entièrement voués à leur discipline. On doit ainsi au studio CORALINE (2009), L'ÉTRANGE POUVOIR DE NORMAN (2012) de Chris Butler, LES BOXTROLLS (2014) et KUBO ET L'ARMURE MAGIQUE (2016).

Source et copyright des textes des notes de production @ Metropolitan FilmExport

  
#MonsieurLink

jeudi 19 juillet 2018

ROULEZ JEUNESSE


Comédie/Malgré de petits défauts, c'est une jolie découverte, un film qui a du cœur

Réalisé par Julien Guetta
Avec Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan, Philippe Duquesne, Déborah Lukumuena, Satya Dusaugey...

Long-métrage Français 
Durée : 01h24mn
Année de production : 2017
Distributeur : Le Pacte 

Date de sortie sur nos écrans : 25 juillet 2018


Résumé : Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige d'une main de fer sa mère. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle, mais au petit matin elle a disparu lui laissant sur les bras trois enfants.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai penséROULEZ JEUNESSE est une comédie dramatique française à petit budget qui s'en sort très bien pour nous entraîner dans son aventure touchante. Ce film a quelques défauts : son scénario n'évite ni certaines caricatures ni des situations parfois convenues et son rythme est un peu bancal. Cependant, son histoire a du cœur et cela vient contrebalancer ses manquements. Le réalisateur, Julien Guetta, établit bien les différentes ambiances (la petite entreprise de dépannage, la maison familiale bordélique, la planque du célibataire endurci) qui cohabitent dans son long-métrage. Il garde une cohérence de ton et sa narration est fluide. 

Eric Judor interprète Alex, un homme-enfant, qui va voir sa vie chamboulée par une rencontre inopinée. L'acteur porte le film sur ses épaules et il le fait très bien. Il est juste et attachant dans ce rôle. 



Les enfants sont absolument adorables et naturels, ce qui facilite la compréhension des réactions d'Alex pour les spectateurs. 




Les seconds rôles sont, dans l'ensemble, assez solides.



ROULEZ JEUNESSE est un film qui raconte une histoire simple qui sait fait ressortir la tendresse, malgré une thématique sociale de fond dure. Il n'est pas larmoyant. Même s'il ne déborde pas d'originalité, il sait parler aux émotions des spectateurs. On a plaisir à partager ce moment avec l'acteur principal. C'est une jolie découverte.


NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

ENTRETIEN AVEC JULIEN GUETTA 

Votre film ROULEZ JEUNESSE est loin des schémas de narration classique : Alex, le personnage principal (Éric Judor) vit encore chez sa mère à 43 ans mais a peu en commun avec les adulescents qu’on croise au cinéma. 

Ce n’est pas parce qu’un personnage vit encore chez sa mère à 43 ans qu’il ne s’assume pas et qu’il est considéré comme un Tanguy. Je ne voulais pas inscrire mon film dans la lignée des comédies sur les adulescents, je suis plus inspiré par des films comme 5 PIÈCES FACILES. Alex n’est pas un handicapé de service, il est indépendant, comme il le dit, il vit « à côté de chez sa mère, pas chez sa mère ». C’est un type qui roule toute la journée, seul, il ne se prend pas la tête avec les filles... Et c’est l’aventure qu’il va vivre en se retrouvant avec trois jeunes enfants qui va l’amener à changer. Doucement le film glisse vers quelque chose de plus dramatique. J’ai toujours en tête ce personnage que l’on retrouve souvent en littérature ou au cinéma : un mercenaire, un solitaire individualiste qui en se frottant à l’altérité va décider de servir la cause d’un autre, le secourir et devenir « chevalier ». Là où le film se démarque, c’est qu’à la fin de l’histoire, Alex ne doit pas régler seulement ses problèmes mais ceux des enfants. 

Pour autant, le personnage ne devient pas forcément un héros modèle. 

Les enfants sur lesquels tombe Alex sont vraiment abandonnés. Le désarroi et les pulsions de rejet qu’il a à leur égard, puis son attachement progressif n’iront pas jusqu’à les lui faire adopter. Alex ne devient pas leur père mais une présence amie qui sera toujours là pour eux. 

Comme LES VENTRES VIDES et LANA DEL ROY, vos deux précédents courts métrages, ROULEZ JEUNESSE traite des liens familiaux. 

C’est vrai, c’est un sujet récurrent dans mon travail car il s’impose à moi. Comment se construire avec l’héritage familial ? Comment continuer à vivre quand il y a des absents ou au contraire quand il y a un membre qui prend trop de place ou toute l’attention ? Ce qui m’intéresse, ce sont les relations dans une famille déconstruite, reconstruite. Toutes ces questions liées à la filiation, à la transmission, aux fratries, me passionnent… 

ROULEZ JEUNESSE démarre sur un rythme de comédie échevelé – les scènes sont coupées très cut, les péripéties s’enchaînent – jusqu’à faire basculer tout doucement le film vers le drame. Un drame d’où l’humour n’est d’ailleurs jamais complètement exclu. 

Tout l’enjeu du film était de réussir à amener le spectateur sur un terrain auquel il ne s’attend pas. Je savais le virage difficile à négocier mais j’y tenais énormément. L’idée était d’affronter les situations mises en place et d’aller jusqu’au bout. J’aime faire un cinéma divertissant mais profond, drôle mais sérieux, qui puisse mélanger drame et comédie. C’est ce que j’apprécie dans les films britanniques. 

Le rythme effréné de la première partie était-il déjà présent à l’écriture ? 

Absolument, je tenais à ce que le film aille vite, soit toujours en mouvement, que les événements s’enchaînent à toute allure et qu’il soit court. C’était un vrai plaisir dès le moment de l’écriture de fabriquer ce rythme. 

Combien vous a-t-il fallu de versions avant d’arriver à celle du film ? 

Beaucoup. Il a fallu beaucoup d’étapes pour arriver à la version finale. Au début de l’écriture, Alex était juste un type irresponsable et immature. Je sentais que mon personnage manquait de profondeur. Au fond un personnage clé me manquait, celui de la mère. À partir du moment où j’en ai fait la patronne du garage où travaille Alex, tout s’est enchaîné rapidement. Le film avait trouvé son sens et mon héros son vrai problème. 

Une mère qui empêche son enfant de grandir alors qu’elle l’exhorte constamment à saisir ses responsabilités. 

Exactement. La transmission n’est pas un processus facile. Mon père et mon frère travaillent ensemble dans l’entreprise familiale et je vois bien comme mon père peine à laisser les rênes à mon frère. C’est complexe car il ne cesse de le pousser à s’investir davantage mais il n’arrive pas à lui céder totalement la place. Leur relation m’a inspiré pour poser le rapport entre Alex et Antoinette. 

Face aux trois enfants qu’il découvre livrés à eux-mêmes après sa nuit d’amour avec une inconnue, Alex a une réaction d’épouvante qui frôle le burlesque : il cherche à tout prix à se débarrasser du dernier, un nourrisson qu’il est prêt à glisser de force entre les grilles de l’école où vont les plus grands. Se fait jeter par un officier de police au commissariat qui lui indique qu’il doit patienter trois jours avant que sa requête soit prise en compte. Affronte enfin une assistante sociale qu’il a eu le malheur de délaisser. On est en plein délire… 

J’ai voulu pousser les scènes jusqu’au bout pour apporter de la comédie. Je voulais mettre mon héros dans l’impasse totale ; tout lui tombe dessus, ça ne s’arrête jamais. Chaque situation nouvelle amène le personnage à se découvrir. Et nous, spectateurs, on comprend ainsi de mieux en mieux toutes ses facettes. 

Parlez-nous de ce trio de mécaniciens décalé, paresseux et fantasque que vous faites fonctionner comme une sorte de chœur qui commenterait les événements… 

C’est un trio attachant qui amène de la comédie et de l’humanité, qui inscrit le garage dans un univers loufoque. J’adore ces seconds rôles qui enrichissent un film ; chaque personnalité ouvre sur d’autres univers.

Avez-vous tout de suite songé à Éric Judor pour le rôle d’Alex ?

Pas immédiatement. Mes producteurs et moi étions en quête d’un quarantenaire connu : des noms émergeaient mais ça manquait de surprise. Je commençais à désespérer lorsqu’un jour, j’ai croisé Éric Judor qui sortait d’une maison de production. J’ai eu un flash et ai aussitôt appelé les producteurs qui ont trouvé l’idée géniale. Éric a aimé le scénario, c’était parti. Je trouvais qu’il incarnait un homme moderne, avec une présence physique à l’américaine, avec de l’humour. Et le challenge pour moi était de l’emmener dans un genre qu’il n’avait jamais joué, plus dramatique. Tout de suite, c’est devenu pour moi une des ambitions du film : le montrer comme on ne l’avait encore jamais vu au cinéma. Et c’était précisément ce qui m’intéressait : réussir à emmener ce comédien qui véhicule ne image très forte de comédie vers une note plus grave, inattendue, qui cueille le spectateur. Il a été formidable. Éric est un acteur incroyable.

Le reste du casting est également très surprenant…

Avec Éric, qui a un univers très fort, la charpente était posée. J’ai eu envie de réunir autour de lui des acteurs très différents et de les emmener autre part, j’aime mélanger les genres. Dans ROULEZ JEUNESSE, on retrouve Deborah Lukumuena, l’actrice de DIVINES, Maxence Tual, qu’on a vu dans APNÉE, Brigitte Rouän et Philippe Duquesne qui viennent chacun d’autres familles de cinéma. Certains comédiens comme Madeleine Baudaut, qui interprète l’une des garagistes, n’avait encore jamais tourné au cinéma.

Comment avez-vous trouvé les enfants ?

On a vu beaucoup d’enfants en casting, ça a pris du temps. J’ai revu les trois enfants plusieurs fois avant de me décider et ces quelques séances nous ont permis de mieux nous connaître. Nous avons beaucoup répété ensemble. Parallèlement, ils travaillaient chacun de leur côté. C’était d’autant plus difficile pour le petit Ilan qui n’avait que six ans et ne savait pas encore lire : il a dû apprendre son texte par cœur. J’ai été bluffé par sa façon de travailler sur le plateau, son intuition, sa complicité avec Éric, sa faculté à écouter l’autre acteur, c’est un vrai comédien. Il a aussi fallu mettre en confiance Louise qui est une jeune fille sensible et très timide. Elle était très stressée pour la scène de l’annonce de la mort de la mère mais elle a su transformer son stress en une émotion qui me bouleverse à chaque fois que je vois la scène.

De quelle manière travailliez-vous avec eux ? Éric Judor participait-il à ces séances ?

Dans un premier temps, nous nous sommes vus uniquement avec les enfants, nous avons répété à trois. Je leur ai expliqué ce qu’était un tournage, comment allait se dérouler les prises, etc. Éric est ensuite arrivé pour des répétitions tous ensemble. Il était important qu’ils se rencontrent et je tenais à ce que nous répétions la scène où il leur annonce la mort de leur mère. C’était capital pour moi d’être sûr qu’elle fonctionnait. Je réécris toujours au moment des répétitions en fonction des propositions des acteurs, ils me nourrissent énormément.

Comment avez-vous abordé le rôle d’Alex avec Éric Judor ?

On s’est vus souvent et on a fait beaucoup de lectures du scénario. Éric apporte énormément dans ce type de séance : pour le rythme, notamment. Il écrit, il réalise, je n’ai eu aucun problème à prendre les idées qu’il apportait.

Vous connaissiez l’acteur comique. L’acteur dramatique vous a-t-il surpris ?

Dès les répétitions, je savais qu’il relèverait le pari, il y avait tout de suite une sensibilité, une fragilité qui se dégageaient de lui. Éric maîtrise parfaitement la comédie mais j’ai été fasciné par ce qu’il peut donner dans le drame.

Avec de telles ruptures de ton, on imagine que le film a été très découpé en amont ?

Avec peu de temps de tournage, un chien, des enfants et une voiture sur le plateau, c’était d’autant plus indispensable que nous n’avions pas énormément de moyens. J’avais envie que le film soit beau, lumineux ; on a beaucoup travaillé en amont avec mon chef opérateur et la complicité d’une directrice artistique. Il n’y avait pas vraiment de place pour l’improvisation, les répétitions ont été fondamentales.

Votre personnage principal est entouré de femmes fortes qui le bousculent pendant tout le film.

C’est vrai. Plus il avance, plus ce sont les femmes qui lui donnent une direction à prendre. Certaines sont là pour le remettre à sa place ou l’inspirer dans ses choix – même Tina, la plus jeune de toutes. Les femmes sont de toute façon toujours plus matures que les hommes et particulièrement dans mon film !

Aviez-vous des références cinématographiques en tête ?

J’aime plusieurs styles de cinémas. Ken Loach pour qui j’ai une admiration sans borne – il n’a pas peur d’amener de la comédie dans le drame. Scorsese pour sa faculté à entraîner le spectateur vers quelque chose de flamboyant, sa façon d’amener du mouvement en permanence. Spielberg pour la façon dont il dirige les enfants…

L’image est de Benjamin Roux… un nouveau venu.

Nous nous sommes connus à Émergence, où je développais mon scénario. Benjamin a fait une très belle lumière et j’aimais l’idée que ce soit aussi un premier film pour lui. Thomas Krameyer, qui avait déjà signé la musique de mes courts, a également fait son baptême du long avec ROULEZ JEUNESSE. J’aimais l’idée que ce soit aussi une première fois pour eux.

Vous accordez une grande place à la nature…

C’était très important et cela nous a pris beaucoup de temps durant les repérages. Il s’agissait de raconter une histoire difficile, forte mais je voulais malgré tout que le film soit lumineux. J’ai tenu par exemple à ce que l’annonce de la mort se passe en une fin d’après-midi d’été où la lumière raconte plus l’espoir que la mort. Cela apporte quelque chose au film.

Un mot sur le montage…

L’enjeu était de trouver un équilibre entre comédie et drame. Tout était une question de dosage. Ça a été un moment long et intense.

Pouvez-vous nous parler des musiques du film ?

Je voulais quelque chose de groovy qui soit à l’image de mon personnage. La musique accompagne la direction artistique du film, atemporelle… Il y a du Queen, du Moody Blues, du Nick Drake ; ils nourrissent mon univers.

ROULEZ JEUNESSE offre une fin très ouverte…

À la toute fin du film, on est heureux de voir Alex et les enfants réunis. Il est resté quelque chose de leur aventure. Alex a grandi, il dirige l’entreprise même si sa mère est toujours très présente. Il est proche des enfants mais ceux-ci ont quand même été placés en famille d’accueil. Il se dégage alors une douce joie teintée de mélancolie. La vie va continuer malgré les drames, c’est le début d’une histoire pour Alex et les enfants.

ENTRETIEN AVEC ÉRIC JUDOR

Quelle a été votre réaction en découvrant le scénario du film ?

Je l’ai trouvé formidable. Avec, quand même, un gros point d’interrogation : je n’avais aucune idée de ce qu’avait réalisé Julien auparavant. Or, selon la personne qui réalise ce type de projet – un projet quand même très risqué puisqu’il mélange la comédie et le drame – soit on tombe dans la franche rigolade, et c’est loupé ; soit on nage en plein drame et ça devient mièvre. J’avais besoin de savoir à qui j’avais affaire. J’ai demandé à Julien de visionner un de ses derniers courts métrages, LANA DEL ROY. Sa direction d’acteurs – le jeu des enfants notamment –, et la justesse de ses scènes m’ont bluffé. J’étais partant.

ROULEZ JEUNESSE est très différent de tout ce que vous avez fait jusqu’ici.

C’était très nouveau, et je trouvais justement que ça pouvait être une nouvelle étape pour moi. J’ai pensé : « S’il transpose la direction artistique du court sur ce film-là, ça peut être vraiment bien. »

Qu’est-ce qui vous séduisait particulièrement ?

Le rythme du début, que je trouve extrêmement malin. J’adore cet enchaînement de personnages qui se succèdent dans la dépanneuse d’Alex. Ce sont des scènes courtes, très drôles, on ne voit absolument rien venir. Et puis peu à peu, par paliers, assez subtilement, le spectateur embarque vers autre chose.

Comment décririez-vous Alex, votre personnage, à ce moment-là ?

Alex, c’est moi à 27 ans. J’avais le même rapport avec mes parents que celui qu’il a avec sa mère ; je travaillais juste assez pour pouvoir me payer des super vacances et le reste du temps, je vivais chez eux comme à l’hôtel. Je ne m’en faisais pas. Jusqu’à ce qu’un événement vienne changer net ma vision… Et c’est exactement ce qui se passe pour lui. Sa rencontre avec les enfants l’oblige à devenir responsable. Ils sont plus matures que lui : ça finit par le secouer, il comprend qu’il a un sacré retard à rattraper.

Sa prise de conscience est loin d’être immédiate…

Il se fout carrément des mômes au départ, ce qui permet d’enchaîner sur des scènes de comédie. Et puis à un moment, le déclic se produit. Je crois beaucoup à ces micro-événements qui changent le cours d’une vie. Une seconde peut suffire à prendre une nouvelle direction. Récemment, j’ai regardé un documentaire sur l’évolution de la musique ces vingt dernières années. Ce film a clairement réorienté ma propre façon d’aborder mon avenir artistique. J’ai compris que je devais évoluer. La culture et les supports changent, il faut savoir changer de cheval quand le sien est fatigué et que l’on se sent arriver au bout des choses. Je suis comme Alex, prêt à un nouveau départ.

Vous êtes acteur, auteur, réalisateur et producteur. Est-ce un handicap lorsqu’on se lance sur un premier long métrage ?

Cherche-t-on au contraire à prendre le pouvoir ? Ni l’un ni l’autre. Évidemment, on a un avis et on espère que le réalisateur le partage. Mais c’est aussi intéressant qu’il défende ses arguments. J’aime les gens de conviction qui me répondent, me convainquent, parce que cela veut dire qu’ils ont du style. Et ce n’est nullement une question de premier ou de dixième film. Certains cinéastes soi-disant expérimentés n’ont aucune idée de ce qu’ils veulent faire et avancent à vue, et j’ai beaucoup de mal avec ça. Très clairement, Julien savait où il allait. On vous connaît dans le registre comique.

Comment réussit-on à doser ses effets sur un film qui joue autant sur les ruptures de ton ?

Au début, j’avais tout le temps envie de pousser les chevaux. Sur toutes les scènes. J’en rajoutais des caisses et Julien n’arrêtait pas de me freiner. Au bout d’une semaine, il a réussi à me convaincre de gommer des choses et puis, enfin, un jour, il m’a dit : « Voilà, il est là, ton personnage ! » À partir de ce moment, j’ai à peu près réussi à naviguer comme il le souhaitait même si, de temps en temps, j’essayais de rajouter un gag. Et plus on avançait dans le tournage et mieux je comprenais où il voulait m’emmener. Je faisais moins d’écarts.

Quel directeur d’acteurs est Julien Guetta ?

Il a une musique dans sa tête et tant qu’il ne la retrouve pas sur le plateau, il nous fait refaire la scène. Il nous est arrivé de tourner la même séquence jusqu’à trente prises.

Le drame est un terrain que vous n’aviez encore jamais exploré. Avez-vous eu du plaisir à vous y confronter ?

C’est la première fois que j’interprète un personnage que les événements affectent – que ce soit dans mes films ou dans PLATANE, la série que je réalise sur Canal+, je reste toujours en dehors, les choses glissent sur moi. Avec Alex, c’était différent : je ne me suis jamais livré comme ça sur un plateau, je me suis complètement ouvert et, d’une certaine façon, c’était horrible. Pour la scène dramatique de fin avec les enfants, j’étais effondré. C’était un moment vraiment affreux, j’ai pleuré toute la journée et mis vingt-quatre heures à m’en remettre. Je ne sais pas comment font les autres acteurs. Moi, j’ai vraiment vécu le truc.

Racontez.

Nous l’avons tournée quinze jours après le début du film – Julien m’avait laissé un peu de répit. J’avais eu le temps de rentrer dans mon personnage et de me familiariser avec l’équipe et les enfants. J’ignorais complètement dans quel état je serais : si je serais ému, si j’aurais besoin de me recueillir dans ma loge, si je réussirais à reparler normalement aux gens après… En temps normal, lorsque je suis un mode comique, j’essaie toujours de maintenir un climat de plaisanterie avec les techniciens, je les mets dans ma poche, je les fais rire avant la scène, et je sais qu’ils riront pendant. Là, impossible. Je n’avais plus d’alliés. Je ne savais pas si j’étais capable de jouer ce qu’on me demandait. Je ne peux pas dire que cela m’a ennuyé de jouer cette scène mais j’y ai laissé quelque chose de moi, un moment d’émotion fort que je préfère garder pour ma famille – ma vraie femme, mes vrais enfants. Ce n’est pas un hasard si je suis devenu humoriste. Je suis pudique, je n’aime pas montrer ce que je ressens. Pourtant, paradoxalement, c’est beaucoup plus facile que de faire rire. On donne davantage, c’est plus déchirant. Mais, techniquement, c’est plus facile.

Parlez-nous du travail avec les enfants.

Avec Ilan, le petit garçon, j’avais l’impression de jouer avec Ramzy jeune : c’est une vraie boule d’énergie. Ilan était très jeune et Julien se montrait très exigeant avec lui. On dit toujours qu’il n’y a rien de pire que de tourner avec des enfants et un chien. En réalité, c’est bien pire de tourner avec Ramzy ; il est plus chien fou que les trois enfants et le chien réunis !

Cela fait des années que Ramzy opère un virage au cinéma avec des rôles plus dramatiques…

C’est quelque chose qu’il aime et en quoi il excelle. Il a vraiment cela en lui.

On a, au contraire, l’impression qu’avec ROULEZ JEUNESSE, vous avez éprouvé l’envie d’un « one shot ».

L’avenir le dira. J’ai le sentiment d’avoir laissé quelque chose de moi dans ce film. Alors que mon vrai moteur, c’est de m’amuser. Je ne retrouve pas ça dans le drame. Mais j’avance en âge, les choses évoluent. Finalement, tout est une question de rencontres. Vous êtes très critique envers les comédies mainstream… C’est vrai. Je les trouve catastrophiques. Elles s’emparent systématiquement de thèmes qui parlent au plus grand nombre. Elles sont mièvres, mal écrites, mal filmées, les arrière-plans sont bâclés, les gags déjà vus deux cent mille fois. Et le public les plébiscite. ROULEZ JEUNESSE, au contraire, prend des chemins de traverse. C’est ce genre de film que j’ai envie de défendre.

La fin de ROULEZ JEUNESSE, par exemple, ne se clôt pas par un happy end.

C’est ce que j’aime parce que c’est la vie. Ce type et ces mômes ont des vies cassées mais ils reprennent le dessus. Ils ont tout à inventer et ça, c’est la vraie vie. Ça me va !

Vous préparez une nouvelle saison de PLATANE. Votre vie à vous consiste de plus en plus à tout contrôler en occupant tous les postes. Pourquoi ?

C’est une règle que je me suis fixée depuis déjà longtemps. Notre démarrage a été très chaotique, avec Ramzy ; nous avons été parfois contraints de défendre des choses qui ne nous ressemblaient pas. L’expérience m’a appris que, si je voulais être fier de ce que je présentais, je devais être présent à toutes les étapes. C’est devenu vital pour moi.

Vous avez vécu un gros échec avec LA TOUR DE CONTRÔLE INFERNALE. Cela vous affecte ?

J’avais des attentes sur ce film, j’y avais mis beaucoup d’idées neuves, des rôles secondaires formidables… ça n’a pas pris. Et oui, j’ai été déçu.

Et quand vous tournez pour les autres ?

C’est un entracte. Un entracte heureux. Avez-vous toujours ce projet de réaliser votre projet de film sur ZORRO ? Plus que jamais. Je suis en train d’écrire et c’est Laurent Lafitte qui interprétera Zorro.  

  
#RoulezJeunesse

dimanche 16 mars 2014

Back to the future


Comédie/Une nouvelle absurdité réussie made by Quentin Dupieux

Réalisé par Quentin Dupieux
Avec Mark Burnham, Eric Judor, Marilyn Manson, Steve Little, Eric Wareheim, Arden Myrin, Daniel Quinn, Grace Zabriskie, Jennifer Blanc, Tim Trobec, Ray Wise, Joel Bryant, Isabella Palmieri, Roxane Mesquida, Don Stark, Agnes Bruckner, Bob McCracken, Brandon Beemer, Ping Wu, Mary Loveless, Jonathan Lajoie, Alyssa Preston, Brennan Feonix, Vanessa Sapien, Peter Crossley, Steve Howey, Jack Plotnick, Eddie Tapia, Kurt Fuller, Eric Roberts, Max Nicolas...

Long-métrage Français
Durée : 01h25mn 
Année de production : 2013 
Distributeur : UFO Distribution 
Page Facebook du film : https://www.facebook.com/WRONGCOPS
Twitter : https://twitter.com/UFODISTRIBUTION et #WrongCops

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs (et c'est pas une blague!)

Date de sortie sur nos écrans : 19 mars 2014


Résumé : Los Angeles 2014. Duke, un flic pourri et mélomane, deale de l’herbe et terrorise les passants. Ses collègues au commissariat: un obsédé sexuel, une flic maître chanteur, un chercheur de trésor au passé douteux, un borgne difforme se rêvant star de techno… Leur système fait de petites combines et de jeux d’influence se dérègle lorsque la dernière victime de Duke, un voisin laissé pour mort dans son coffre, se réveille.

Bande annonce (VOSTFR)



Teasers

Teaser #1 Burnham VOSTFR

Teaser #2 Judor VOSTFR

Teaser #3 Wareheim VOSTFR

Ce que j'en ai pensé : J'avais adoré RUBBER de Quentin Dupieux. Il avait poussé l'absurdité jusqu'au bout en mettant en scène un pneu serial killer et il avait réussi à faire fonctionner cette idée complètement barrée. Avec WRONG COPS, il reste fidèle à son style, à ses acteurs et fait plusieurs clins d'oeil à ses films précédents (y compris bien sûr à WRONG).

Quentin Dupieux, le réalisateur
Le film est donc délire et absurde comme on s'y attend mais il n'a pas le côté jusqu'au boutiste de RUBBER. Il est un peu irrégulier. Il y a d'excellentes scènes dans lesquelles les acteurs font merveilles (Marylin Manson est fandard et surprenant dans le rôle qu'il interprète), mais il y a aussi des moments pendant lesquels rien de vraiment intéressant ne se passe. Certes c'est aussi une marque de fabrique des films de Quentin Dupieux, mais comme l'action de WRONG COPS se base sur la réalité (au contraire de RUBBER qui partait d'un postulat totalement irréaliste), du coup, les longueurs ressortent.

Toujours est-il qu'il nous sert un portrait peu flatteur de la police de Los Angeles, très éloigné de tout ce que l'on voit d'habitude. L'absurdité et l'humour lui autorise tous les excès puisque rien ne paraît sérieux. J'ai apprécié qu'il sorte des sentiers battus sur ce sujet et qu'il ose tout.

Les acteurs sont parfaits en loosers, manipulateurs, menteurs, idiots, pervers et autres noms d'oiseaux. Ils s'en donnent à cœur joie et nous font marrer.








La musique est omniprésente et rappelons qu'elle est l'oeuvre du réalisateur qui se fait appeler Mr Oizo lorsqu'il passe derrière les platines. Ses fans musicaux apprécieront. 
WRONG COPS n'est pas pour moi le meilleur délire de Quentin Dupieux mais il reste un pur produit sorti de l'esprit original de ce réalisateur aux multiples talents. Si on aime son style et ses films alors WRONG COPS est définitivement à découvrir.

Musique



Notes de production
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)

Note d’intention du producteur

Produire Rubber ou Wrong et plus encore Wrong Cops : il faut être inconscient ou fou ?

Il faut prendre des risques et faire une confiance pleine à l’artiste que vous avez choisi de défendre. Les intérêts financiers de la production, imposent des temps institutionnels longs et une chaîne de décisions complexes pour réunir les financements et les acteurs ; mais certains cinéastes ne parviennent pas à fonctionner à l’intérieur de ce temps. Comme un peintre veut créer tout de suite quand vient l’inspiration, ils veulent écrire et tourner avec la certitude de terminer leur œuvre. Pour accompagner ces auteurs et répondre à la temporalité, immédiate, de la pulsion artistique, il faut annuler le temps institutionnel. C’est un peu fou et inconscient mais vous êtes seul avec l’artiste et c’est donc aussi un moment exceptionnel de communion.

Pourtant le cinéma a évolué vers quelque chose de plus institutionnalisé ; comment jouer et gagner ?

C’est difficile de jouer aujourd’hui. Un producteur se lance quand il a financé son film avec son salaire et les frais compris. Il risque sa réputation ou son prochain projet mais il ne risque pas sa maison ou sa boite. La prise de risque peut d’ailleurs se voir sanctionnée par le système du pré financement : si vous n’attendez pas votre ticket pour tourner, l’écosystème efficace du cinéma français peut se retourner car il ne peut pas « revenir en arrière ». La logique est implacable : « Un film tourné n’a plus besoin d’être aidé ». Pourtant ces films qu’il faut finir ou promouvoir et qui n’auraient jamais dû exister, ont souvent un retentissement et une longévité inattendus. Ils ont la force du miraculé. Ils sont les enfants monstrueux et mal nourris qu’on a choisi de ne pas avorter ! Exclus du monde des produits validés ils veulent à tous prix exister, imposer leur singularité et ils rappellent que le cinéma a été le lieu de grands enjeux artistiques et intellectuels. Economiquement avec Wrong Cops j’ai joué et j’ai perdu. Mais faire un film est toujours un miracle. Il ne faut pas se comparer aux films abondamment financés et promus qui sont nécessaires au cinéma. Il faut penser à ces centaines de fœtus de films qui ne verront jamais le jour ; Wrong Cops a gagné car son fœtus a survécu à l’aspirateur implacable du système de pré sélection.

Comment se passe la procréation alors ?

Lorsque Quentin Dupieux a un projet précis en tête, plus rien d’autre n’existe pour lui. Nous en parlons et je m’efforce, quoi qu’il arrive, de lui donner dès le départ la certitude que son film va exister. Cette confiance lui donne des ailes. L’annulation de la crainte du « non » devient le moteur le plus performant de sa création. Nous sommes durant cette période les seuls décisionnaires. Avec Rubber en 2010, nous avons opéré une inversion des paradigmes et c’est devenu notre dogme, (le Rubber Dogma) réitéré à chaque fois : nous partons du postulat que le film verra le jour, et que, comme nous, d’autres fonctionneront au coup de coeur et prendront le risque de nous suivre, qu’ils soient financeurs ou acteurs. Bien entendu, il y a un principe de réalité : respecter un petit budget et tourner dans un temps donné, ou bien tourner aux Etats-Unis et en anglais pour vérifier sa portée internationale. Wrong Cops était au départ un pilote, que nous sommes allés présenter aux institutionnels, pour obtenir leur soutien en vue de réaliser une version longue. C’était une démarche atypique dans le cinéma qui fonctionne au scénario plus qu’au pilote. L’originalité n’a pas payé et Quentin comme moi avons été très surpris de voir ce pilote pourtant très bien accueilli (à la Quinzaine à Cannes puis à Sundance et multi-diffusé sur Canal Plus) ne trouver aucun soutien institutionnel. Fidèle au « Rubber Dogma », j’ai conservé la date de tournage. C’était un risque inouï, nous n’avions vraiment aucun financement et avons trouvé des moyens aux Etats-Unis où l’argent est cher. Le film a été tourné aux Etats-Unis en vingt-cinq jours. Les acteurs dont nous rêvions ont rejoint le projet et nous avons repoussé à plus tard le bouclage du financement… que nous poursuivons toujours.

Donc vous attendez la confrontation avec le public pour valider cette folie ?

Exactement. J’espère que le public va aimer cette créature étrange et la soutenir. Wrong Cops est à l’image de ce « Rubber Dogma »: fils monstrueux né d’une union contre nature, et contre la politique de l’enfant unique. C’est l’enfant caché, honteux, bruyant et agité, qu’on aime passionnément. Ce film reste avec nous comme une blessure et une fierté. Wrong Cops nous a donné nos plus grands moments de communion ou d’engueulades. Il est resté à la porte de Cannes (qui semblait l’attendre comme le fils prodigue, et a finalement rejeté le rejeton) et des télévisions; mais on ne se lasse pas de revoir Wrong Cops en festival. Cette sortie et ce moment avec le public, c’est le plus important pour Quentin comme pour moi.

Et la suite ?

Tout a été atypique dans la façon de faire ce film et nous avons l’impression d’inventer et d’expérimenter quelque chose qui pourra inspirer d’autres réalisateurs et producteurs. C’est la fin d’une période de 25 ans de cinéma soutenu par les télévisions et le début de nouveaux schémas de financement qui se mettront en place. Si on veut éviter que le cinéma indépendant ne singe le formatage des grosses productions ou applique des recettes, cette période de transition est nécessaire et permettra l’émergence de nouveaux relais et soutiens plus jeunes et plus « fous ». Il n’y a pas « trop de films » ou « trop de producteurs » : il y a trop peu de guichets et trop peu de risques. Nous avons fait le prochain « Réalité » dans la même urgence en refusant d’ajourner le tournage quand les financements furent perdus ; et le miracle a eu lieu. Il faut tenir sur ce dogme et j’espère que de nombreux soutiens viendront. Le seul moteur c’est le talent et la vision de Quentin ; il construit une œuvre solide et influente et je suis très heureux d’avoir la chance de l’accompagner.

Grégory Bernard

Entretien avec Quentin Dupieux

Wrong Cops est encore un drôle d’objet, mais la quête de l’étrangeté semble moins volontariste que dans vos autres films.

Le film est plus terre à terre, c’est vrai. Mais attention, je n’essaie jamais d’être étrange ! Ce film a été conçu selon le même procédé d’écriture où je laisse aller mon imagination, à la manière de l’écriture automatique des surréalistes. Je suis content que Wrong Cops soit limpide au final car c’est mon projet le plus tortueux, le moins limpide justement dans sa fabrication. La première impulsion, c’est un court métrage avec Marylin Manson et Mark Burnham dont il ne reste que quelques passages dans le long métrage. Après avoir terminé le court, on s’est dit que la formule marchait bien; alors je me suis lancé dans l’écriture de six nouveaux chapitres du même format que j’ai montés l’un à la suite de l’autre. Mais une fois fini, j’avais l’impression que ça ne faisait pas un film. Du coup je suis retourné en salle de montage et j’ai totalement réinventé l’ordre des choses. En général, je monte mes films en restant rigoureusement fidèle au scénario d’origine. C’est le cas pour Wrong et Rubber. C’est sans doute la première fois que j’expérimente le montage comme réécriture du film. J’ai en quelque sorte mélangé toutes les cartes. Du coup ça crée un rythme qui n’est pas tout à fait celui auquel je suis habitué, j’aime bien.

Avec ce nouveau montage où vous mélangez toutes les histoires, on a vraiment le sentiment que vous décrivez une petite communauté.

Oui, c’est vrai. Avec la construction d’origine, chaque personnage avait son chapitre. On en retrouvait quelques-uns d’un chapitre à l’autre, mais globalement ils restaient assez isolés les uns des autres.

J’imagine que vous avez dû élaguer au sein de chaque chapitre.

Oui. J’ai raboté beaucoup de plans ou de péripéties qui ne faisaient pas avancer l’histoire, des scènes que j’avais gardées pour le pur plaisir du jeu d’un comédien par exemple. Pour cette raison le film est assez court, mais je crois que la durée courte fait partie intégrante de mon style et de ma façon de raconter des histoires.

D’où est venue l’idée de travailler sur des personnages de flics ?

C’est une idée qui m’est venue sur Wrong où Mark Burnham avait une courte scène où il était absolument génial. Dès son casting vidéo, j’étais dingue de lui. Il récitait son texte de manière fermée, ce qui le différenciait des autres acteurs qui essayaient d’incarner un personnage. Lui jouait comme s’il n’en avait rien à faire. Il avait quelque chose de brut qui m’a immédiatement plu. Et il est comme ça dans la vie. Dans un café, un lieu public, tout le monde se retourne car il parle fort, il dégage. Il n’est pas horrible comme dans le film, mais il a une personnalité impressionnante. J’ai donc eu l’idée de faire une sorte de spin-off à partir de ce personnage. Trois mois plus tard, je sortais un disque et je me suis dit que ce serait bien de faire un petit film pour la promo plutôt qu’un clip. Au même moment, Marylin Manson m’avait contacté parce qu’il était fan de Rubber et voulait travailler avec moi d’une manière ou d’une autre.

C’est drôle que vous parliez de « spin-off » car il y a quelque chose d’une série télé dans le film, un côté « serial » qui tient peut-être à la façon dont les événements se suivent un peu à la manière de mini épisodes.

C’est précisément comme ça que le film a été conçu. La première idée – qui était une fausse bonne idée – c’était de recréer l’addiction de la série dans une salle de cinéma. On l’a d’ailleurs expérimenté à mi-chemin de la post production. Nous sommes allés au Festival de Sundance avec trois chapitres, agrémentés pour chacun d’eux d’un petit générique très court, pour une durée globale de 40 minutes. Ça marchait du feu de dieu. Dès que le générique redémarrait, la salle était hystérique. J’aurais pu poursuivre dans cette voie-là, mais je crois que mes envies de cinéma étaient plus fortes que tout.

Même formellement, il y a des effets de relance ou de clôture qui évoquent lointainement la série télé. Je pense par exemple aux arrêts sur image assez fréquents.

Wrong était un film un peu maniéré, très cadré, et pour Wrong Cops je voulais quelque chose de plus sale, avec des zooms à des moments qui ne veulent rien dire, ce genre de choses. C’était à la fois une approche série télé et série z !

Dans Wrong il y avait un côté miniature, film clos sur luimême. Là en effet, c’est comme si vous lâchiez prise volontairement.

Oui, tout s’est fait très rapidement. J’écrivais les chapitres pendant deux ou trois jours, je ne relisais pas, j’envoyais directement le texte à la traduction. C’était une perspective assez excitante de faire le film très vite. Quand j’écrivais le 4ème chapitre, j’avais déjà oublié ce qui se passait dans le 3 ! J’avais envie d’un objet à la fois léger et vulgaire.

Il y a une nouveauté dans Wrong Cops : jamais dans vos autres films il n’y avait cette obsession du sexe.

Consciemment je voulais m’éloigner un moment de mon univers aseptisé et minutieux. J’écris toujours un nouveau film dans le rejet de celui qui précède.

Le personnage de Wrong par exemple était complètement asexué.

Oui, on peut même dire que pour lui ça n’existe pas.

Et ce n’est pas une sexualité normée que vous décris, mais foncièrement obsessionnelle et joyeusement déviante.

En fait au départ je voulais peindre une humanité dans laquelle je n’ai pas foi. Quand je vois les horreurs du monde qui nous entoure, j’ai pitié de l’Homme. Je voulais me moquer un peu de tout ça, à travers la misère sexuelle et le rapport au Dieu argent, deux choses qui traversent le film. Les bassesses qui font que ce flic couche avec un travelo et se permet d’être odieux avec lui ensuite et l’insulte. Mais ce qu’on voit globalement ce sont des personnages qui se contentent d’en parler. Je n’avais pas envie de filmer des gens qui baisent.

Marylin Manson est le seul qui n’a pas l’âge de son personnage. Vous ne craigniez pas que la greffe avec les autres personnages prenne difficilement ?

Non, au pire le risque aurait été qu’il passe pour un attardé mental resté chez sa mère. Mais quand nous nous sommes vus pour la première fois, j’étais face à un adolescent. Je n’ai pas rencontré une vieille rock star, mais un gamin tout excité qui, par exemple, ouvrait ses cartons pour me montrer un saxophone qu’il avait reçu gratuitement alors qu’il ne sait pas en jouer ! Il a quelque chose de très juvénile. Il peint, il fait de la photo, des vidéos, c’est quelqu’un de très créatif et curieux. Il m’est apparu comme une évidence de créer ce personnage d’ado spécialement pour lui.

Vous êtes donc parti de la personnalité de Mark Bunham et Marylin Manson pour construire leurs personnages. Mais ce n’est pas systématique j’imagine, je pense à Eric Judor dont le personnage est complètement fantaisiste.

Eric est un acteur que je n’ai jamais dirigé. Sur Wrong, on s’était mis d’accord sur cet accent français à couper au couteau et ensuite on a fait notre propre cuisine. Wrong Cops est le troisième film que nous faisons ensemble et il fallait inventer quelque chose de nouveau.

La plupart des acteurs de Wrong Cops sont des gens avec qui vous avez déjà tourné, il me semble, ce qui en fait un film un peu différent de vos précédents. Comme si vous vous livriez à un autre type de jeu de rôles avec eux.

Absolument. Un des moteurs c’est aussi la frustration de ne pas avoir suffisamment expérimenté avec eux sur le film précédent. Jack Plotnick n’avait eu que deux jours sur Rubber, si bien que j’ai eu le désir très fort de développer une collaboration plus complète avec lui dans Wrong. Même chose avec Arden Myrin, qui jouait la patronne de Plotnick dans une courte scène de Wrong. Elle m’avait tellement impressionné que j’ai inventé pour elle ce rôle de flic odieuse. Il y a tout de même deux nouveaux venus, Marylin Manson et Eric Wareheim, qui interprète ce flic obsédé par les seins et apparaît dans mon prochain film Réalité.

On identifie désormais une couleur Quentin Dupieux, notamment sur les acteurs.

Peu à peu j’approfondis ma relation à eux. Sur Wrong, Steve Little avait accepté le job, mais je sentais que ce n’était pas un moment si spécial pour lui. Il se trouve qu’il a adoré le film. Du coup quand il revient dans Wrong Cops, sa performance est beaucoup plus épanouie. Il se protège moins.

C’est peut-être pour cette raison aussi qu’on sent moins une volonté d’être bizarre, la relation aux acteurs est plus organique, on a moins le sentiment que chaque acteur a sa grande scène.

Effectivement, dans Wrong on peut avoir le sentiment que c’est une bizarrerie conçue, même si je pense que c’est mon film le plus abouti. En fait, la nouveauté c’est peut-être cette impression que les personnages de Wrong Cops existent dans la vraie vie, contrairement aux autres films qui sont plus codés. Là on est rattaché au sol, en quelque sorte. Et ils ont des obsessions dans lesquelles on peut se reconnaître. Je voulais faire une pose sur l’absurde pur et dur, même si je ne renonce pas du tout à creuser cette veine dans le futur. Si on habitue les gens à l’absurde, cet absurde devient lui-même routinier. Je voulais m’essayer au premier degré, tout en gardant le même ton, le même monde.

Pour en revenir à Eric Judor, il a un personnage très singulier, ne serait-ce que physiquement.

Comme on connaît bien Eric, j’avais un peu peur qu’on le voit simplement accoutré d’un déguisement. Mark Burnham en costume de flic, avec cette gueule et ce port de corps, son attitude, est une sorte d’évidence. Steve Little, lui, j’en ai fait un flic de bureau car je craignais aussi l’effet déguisement. Là il est un peu bedonnant, ça marche bien. Je ne voulais pas tomber dans le pastiche du film de flics. Surtout qu’il ne se passe rien, ils ne travaillent pas, n’utilisent jamais leurs armes. On a d’ailleurs eu cette crainte au mixage si bien que le mixeur a injecté des sons de talkies walkies, des petits trucs pour signifier que ce sont des vrais flics. Eric Judor est spontanément un mec drôle. On peut l’habiller n’importe comment, il sera drôle parce qu’il a un langage du corps assez fort. J’ai eu cette sorte d’instinct de lui forcer le trait, un peu à la manière de certains personnages de John Carpenter. On ne sait pas pourquoi il a une moustache et une bosse, mais ça le caractérise fortement. La bosse était beaucoup plus petite au départ, puis on s’est dit qu’il fallait carrément y aller. Et la moustache n’était pas prévue. Il a vu une moustache grise qui traînait, il l’a portée sans rien me dire et quand je l’ai découvert, je me suis pissé dessus de rire. S’il me faisait autant marrer, il n’y avait aucune raison d’hésiter à aller dans ce sens. Si Mark Burnham met une fausse moustache, on va juste penser qu’il a une fausse moustache. C’est différent avec Eric qui amène son personnage vers quelque chose de plus inattendu. J’ai forcé le trait pour éviter qu’on ne croît pas à lui en tant que flic.

C’est une manière de faire diversion, on ne se pose même plus la question de savoir s’il est crédible en flic ou pas.

Exactement. Et puis cette bosse qui lui déforme un peu le visage permet de le voir différemment. Les premières heures de tournage ressemblaient trop à ce qu’on avait déjà fait ensemble. Je lui ai raconté que son personnage avait eu un accident cérébral et que du coup il fallait peu de modulations dans sa façon de jouer. J’en ai fait une sorte de mec un peu robotique, même si paradoxalement c’est un des rares personnages à avoir un cœur.

Son obsession à vouloir devenir musicien le rend même très émouvant. La musique est d’ailleurs l’autre grande nouveauté du film, après le sexe : Mark Burnham qui a l’air d’un grand connaisseur de musique techno, le voisin moribond qui se mue en consultant musical, etc…

J’avais envie de profiter de mon catalogue de morceaux que j’ai accumulés depuis 15 ans. Ça faisait partie des entrailles du film dès le début. L’idée était de traduire ma musique en image. Faire un clip c’est déjà un peu la même ambition, mais c’est moins satisfaisant. Je voulais retrouver cet état d’esprit complètement basique et un peu débile qui m’anime parfois quand je fais de la musique, ce néant intellectuel que je ressens quand je joue dans des soirées au point que ça produit quelque chose d’inouï sur le dance floor. Je suis content de séparer ma musique de mes films, je peux ainsi creuser deux sillons à part, mais pour cette fois j’avais envie de faire se croiser les deux.

J’imagine qu’il y a une dimension un peu autobiographique dans les différentes saynètes tournant autour de la musique.

Effectivement. La scène de la maison de disque est écrite pour l’écran mais c’est le genre de situations que j’ai vécues, ces moments de gêne où on comprend trop tard qu’on n’est pas devant la bonne personne. Ou encore cet embarras à devoir dire à un copain que le morceau qu’il fait écouter est nul. Quant à la musique qu’on entend presque systématiquement dans les scènes de voiture, ça vient de la façon que j’avais, pendant les dix premières années de musique, d’écouter un même morceau 200 fois d’affilée pour vérifier s’il est valable. Ce n’est pas à proprement parler autobiographique mais, très clairement, je suis allé piocher dans mon vécu.

La musique du film n’a pas juste valeur d’accompagnement. Vous mettez en scène le processus de création musicale, l’écoute de la musique, le jugement qu’on peut avoir sur un morceau etc…

C’est la première fois que j’assume pleinement de parler musique dans un de mes films. Cette musique est quand même très agressive pour les non-initiés, mais moi j’adore la faire et l’intégrer à mon univers de cinéma. J’ai eu du succès avec un morceau absurde, dans un moment absurde où tout était absurde. Quand je réécoute le morceau aujourd’hui, je trouve qu’il a plutôt bien vieilli, mais je me rends compte qu’il n’y a même pas de production, qu’il été fait dans un petit laboratoire. C’est inouï que ce truc ait été un tube. Le succès hasardeux ça marche une fois, ensuite il faut vraiment se donner de la peine pour réitérer l’expérience. Or je n’ai jamais joué le jeu de la promo. Normalement on se pose avec des mecs de l’industrie musicale qui réfléchissent et vous demandent si vous avez envie de faire un clip suffisamment séduisant pour donner envie aux gens, faire un morceau un peu plus accessible avec un mec qui chante… Personnellement j’ai juste continué à faire de la musique pour me faire plaisir. Je suis resté un peu underground parce que ce je m’y sens bien.

C’est aussi ce qu’il y a de beau dans le film, vous décrivez de purs amateurs de musique, au sens premier du terme, complètement désintéressés. Ça amène les personnages vers autre chose que la description de gens bêtes et méchants.

Je ne l’avais pas pensé ainsi mais c’est vrai. La seule chose que j’ai un peu conceptualisée, c’est l’idée que le personnage principal, Duke - joué par Mark Burnham - était l’équivalent de ma musique, un truc un peu rugueux qui vous gueule dessus, qui peut être attendrissant, mais qui prend trop de place dans une pièce. Il représente davantage ma musique qu’une belle femme car ma musique n’est pas sexy. Et puis j’aimais bien l’idée de montrer ce mec qui décide ce qui est bon et ce qui ne l’est pas (rires). Pour la musique composée par Eric Judor dans le film, j’ai pris mon morceau le plus con. J’ai réellement compris que je tenais un sujet quand j’ai terminé le court métrage d’origine avec le mec dans le coffre. Il est en train de mourir, on se dit « ah merde il n’est pas mort », et lui change totalement de registre quand il cherche à savoir quelle est cette musique qui passait dans la voiture. Je ne voulais pas lâcher ce fil, c’est pour cette raison que j’ai gardé ce voisin moribond qui parcourait les sept chapitres dans le premier montage.

Est-ce que vous auriez envie de faire un film ayant comme sujet explicite la musique ?

Je ne sais pas, tout peut arriver. Ce qui est certain c’est que j’ai toujours envie de fuir ce que je suis en train de faire. Mais le vrai problème qui se pose c’est que ma musique, en l’état, me coupe de 98% de la population mondiale. Et je sais que des gens vont subir ma musique dans ce film. Je ne suis pas sûr de vouloir davantage imposer ça aux spectateurs ! (rires). Par contre je pourrais écrire sur un personnage de musicien.

Cet univers musical est très masculin. D’ailleurs aucun personnage féminin du film n’est vraiment concerné par la musique.

Cette musique à l’évidence a quelque chose de très masculin – ce qui n’empêche pas que des filles viennent à mes concerts. S’intéresser au son de la caisse claire c’est vraiment un truc de mecs, il n’y a que des mecs pour faire cette musique de dégénérés !

Vos personnages sont un peu ça : dégénérés. Mais en même temps il n’y a jamais rien de méprisant à leur encontre. Vous êtes-vous posé la question de savoir comme éviter de tomber dans cet écueil ?

A plein de moments dans le montage j’ai eu peur de ça en effet, et aussi d’être un peu lâche par rapport à mon sujet. J’ai l’impression que le film est rigolo, drôle par moments, suffisamment étonnant pour qu’on évite de sentir un malaise. J’ai même l’impression que mes autres films mettaient plus mal à l’aise.

Ça tient aussi à l’écriture des personnages. Au bout de leur parcours, vous ajoutez souvent quelque chose qui change la perspective qu’on avait sur eux. Par exemple le discours existentialiste de Mark Burnham dans la scène de l’enterrement, ou encore Eric Wareheim qui finit enfin par comprendre que sa partenaire est odieuse avec lui.

J’ai beaucoup de tendresse pour tous ces personnages. Même si ces flics ripoux qui agressent les gens, c’est un peu une description de l’Enfer, on reste quand même chez les Télétubbies. J’aime l’idée qu’on garde une sorte de détachement, une légèreté. Et puis ça se termine par une danse, il n’y a presque aucune conséquence à rien.

Ça vaut aussi pour les personnages plus secondaires comme la maîtresse d’Eric Judor dont on comprend le sentiment d’ennui en deux plans, ou même de son mari, un personnage qui pourrait n’être que prétexte à moquerie, mais qui devient touchant quand il réfléchit à la musique de Judor.

Je connais le risque de ces petites scènes écrites pour faire transition où le mec n’est là que pour deux blagues. Au bout d’une heure de film, si le personnage n’a pas un peu plus à nous livrer, il y a toutes les chances pour qu’on s’en fiche complètement. Il faut que le personnage ait une raison d’être à l’écran, sinon ce n’est pas la peine. Surtout aux Etats-Unis où un acteur qui joue bien, c’est le minimum syndical. Il faut donner un peu plus aux acteurs, même dans un tout petit rôle, pour qu’ils puissent vraiment incarner un personnage, éviter la petite vignette inconséquente.

L’apparition de la biche à la fin, est-ce un hommage à l’autruche de La voie lactée de Buñuel ?

Tout dans mes films est un hommage à l’autruche de Buñuel ! Cette autruche qui apparaît à la fin du film, après que ce type a tué tout le monde, pour moi c’est une définition du cinéma. Dans Wrong Cops, j’adore l’idée que ce personnage qui vient de faire une tirade conceptuelle sur sa conception de l’Enfer et du Paradis se retrouve face à face avec une biche. Cela dit, il y a beaucoup de bestioles dans mes films. Un type dans une chambre d’hôtel avec une dinde dans Rubber, des lapins, un chien dans Wrong

La biche apparaît dans une sorte de climax où on se dit que le réel de ce type pourrait basculer dans autre chose, et puis finalement non, on revient à sa réalité un peu sinistre.

La tristesse, c’était un gros pari. Il y a notamment ce passage musical un peu triste quand on les voit tous complètement perdus. Je voulais à tout prix éviter le petit goût amer du petit malin qui s’est bien marré sur le dos de ses personnages, mais qui du coup fait l’impasse sur l’émotion.

La biche, c’est la possibilité de ce bouquin que la veuve lui dit d’écrire et qui pourrait changer sa vie. Mais cette possibilité s’évapore parce qu’il est trop stone, c’est presque tragique.

Oui, comme s’il prenait conscience que la beauté existe dans le monde mais sans pouvoir ne serait-ce que la toucher.

La femme flic jouée par Arden Myrin est un personnage extraordinaire. D’où vient cette comédienne ?

Elle bosse sur Mad TV, c’est une actrice comique qui intervient dans des émissions de type Saturday Night Live.

Elle a un truc qu’ont beaucoup de comédiens américains, une incroyable plasticité, une sorte d’hyper-expressivité, pas très loin du cartoon.

Oui, elle est grandiose. Je n’ai pas eu à la diriger beaucoup. C’est ce genre d’acteur américain assez mécanique, qu’on ne gère pas avec des indications psychologiques, mais plutôt avec des paramètres du type « essaie sans le sourire », « là, moins fort » etc.., parce qu’elle est tout le temps excellente. Et puis elle est pleine d’initiatives. Je ne savais pas qu’elle allait se pointer avec ces ongles-là, avec cette coupe de cheveux, hyper attifée et vulgaire. Je me suis même demandé si ce n’était pas un peu trop mais en fait elle est parfaite comme ça.

C’est peut-être le seul personnage qui incarne la méchanceté pure, jusqu’à l’ignorance de sa propre méchanceté, presque candide.

Il y a très peu de rôles féminins dans mes films, mais globalement les femmes y sont bien plus intelligentes que les hommes. La veuve est héroïque face à cet imbécile de flic qui lui dit que sa fille pue le poisson. Ce sont les personnages les plus lucides. Les hommes sont moins glorieux. Quant à Arden Myrin, ce qui synthétise l’horreur de son personnage, c’est la tête qu’elle fait quand elle montre son pognon à ces pauvres filles. C’est fait pour rire, mais en même temps c’est la cruelle réalité. J’ai déjà assisté à des scènes dans la vie où des filles hautaines arrivent en boîte de nuit en Lamborghini pour faire baver les filles qui roulent en Peugeot. C’est la même horreur.

Propos recueillis par Jean-Sébastien Chauvin