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jeudi 5 mars 2020

RADIOACTIVE


Drame/Romance/Biopic/Un hommage luminescent à Marie Curie

Réalisé par Marjane Satrapi
Avec Rosamund Pike, Sam Riley, Aneurin Barnard, Anya Taylor-Joy, Simon Russell Beale, Jonathan Aris, Tim Woodward, Mirjam Novak...

Long-métrage Britannique
Durée : 01h43mn
Année de production : 2019
Distributeur : StudioCanal 

Date de sortie sur nos écrans : 11 mars 2020 - Ressortie le 22 juin 2020


Résumé : Paris, fin du 19ème siècle. Marie est une scientifique passionnée, qui a du mal à imposer ses idées et découvertes au sein d’une société dominée par les hommes. Avec Pierre Curie, un scientifique tout aussi chevronné, qui deviendra son époux, ils mènent leurs recherches sur la radioactivité et finissent par découvrir deux nouveaux éléments : le radium et le polonium. Cette découverte majeure leur vaut le prix Nobel et une renommée internationale. Mais après un tragique accident, Marie doit continuer ses recherches seules et faire face aux conséquences de ses découvertes sur le monde moderne…

Bande-annonce (VOSTFR)


Bande-annonce (VF)


Ce que j'en ai penséRADIOACTIVE est un film dont le scénario a été écrit par Jack Thorne d'après l'œuvre de Lauren Redniss intitulée Radioactive: Marie & Pierre Curie: A Tale of Love and Fallout. La réalisatrice Marjane Satrapi s’attelle donc à nous raconter la vie de Marie Curie, cette scientifique impressionnante, née Maria Salomea Skłodowska, physicienne et chimiste polonaise, naturalisée française. 

La réalisatrice Marjane Satrapi

Les spectateurs partent donc à la découverte de la personnalité rugueuse de cette femme brillantissime, forte, indépendante, qui prend ici les traits de l'excellente Rosamund Pike.





La mise en scène de Marjane Satrapi est très belle. La réalisatrice utilise les ombres et lumières pour créer des atmosphères particulières. Elle n'hésite pas non plus à faire des embardées pour expliquer la science ou interpréter visuellement des moments émotionnels. Sa réalisation est très soignée et élégante. Les détails des costumes, la scène artistique qui virevolte opposée à la rigueur scientifique, les décors et vues de Paris sont autant d'éléments qui rendent la vision de ce long-métrage fort agréable. Il est très intéressant que l'intrigue ne se contente pas d'explorer la vie personnelle de Marie et Pierre Curie. Il intègre des segments culturels, qui renforcent l'époque dans laquelle l'histoire se situe, ainsi que des descriptions des dangers de leurs découvertes et des utilisations terribles de leurs recherches dans l'avenir. 

Marjane Satrapi veille à rendre clairs les va-et-vient entre les différents segments. Ils se fondent dans le récit et mettent en avant les enjeux de la science et de l'utilisation que l'Homme en fait. Dans sa deuxième partie, le film tire un peu en longueur. On est conscient qu'il y a une multitude de thèmes à aborder par rapport à l'intelligence de cette femme. Ses découvertes sont passionnantes et donnent de ce fait la sensation que les histoires intimes mériteraient un peu moins d'attention. Cependant, la réalisatrice réussit à manier jusqu'au bout les différents prismes qui parcourent cette vie et leurs retentissements. 

Les acteurs qui entourent l'héroïne sont tous convaincants. On remarque particulièrement Sam Riley qui interprète le non moins brillant Pierre Curie, Aneurin Barnard dans le rôle de Paul Langevin et Anya Taylor-Joy qui est parfaite dans le rôle d'Irene, la fille aînée de ce couple exceptionnel. À noter que pour une fois, la langue anglaise - c'est un film britannique - ne sonne pas adaptée au contexte, on pourra donc peut-être lui préférer la version française.



Copyright photos ©2020 StudioCanal SAS and Amazon Content Services LLC

RADIOACTIVE est à la fois une histoire d'amour, un biopic, un film sur la transmission et l'héritage scientifique, une leçon de science et sur l'inconscience humaine, un somptueux portrait de femme et une représentation d'une époque à travers la vision de cette femme à part. C'est un hommage luminescent à Marie Curie. 

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

Des années 1870 à nos jours, RADIOACTIVE est un voyage à travers l’incroyable héritage de Marie Curie (Rosamund Pike) – ses relations passionnées, ses découvertes scientifiques et leurs conséquences.

Dans le Paris de la fin du 19ème, Marie rencontre Pierre Curie (Sam Riley), tous deux sont scientifiques. Ils se marient, ont deux filles, travaillent ensemble et, par leur découverte de la radioactivité, vont changer la science à jamais. En 1903, le tandem obtient conjointement le prix Nobel de physique pour leur découverte, faisant de Marie la première femme à gagner ce prix illustre.

Après la mort de son Pierre adoré, la foi de Marie en la science reste inébranlable, et son travail se voit couronné d’un second Prix Nobel pour des découvertes qui ont changé le monde. Le film porte un regard audacieux et visionnaire sur l’héritage d’une vie extraordinaire, sur les retombées des travaux de Curie, et sur la façon dont cela a impacté les moments clefs du 20ème siècle.

Interprété par l’actrice nommée aux Oscars et aux BAFTA Rosamund Pike (GONE GIRL, A UNITED KINGDOM), Sam Riley (CONTROL, MALÉFIQUE), Anya Taylor-Joy (THE WITCH, SPLIT) et Simon Russell Beale (LA MORT DE STALINE, INTO THE WOODS), mis en scène par la réalisatrice nommée aux Oscars Marjane Satrapi (PERSEPOLIS, THE VOICES), RADIOACTIVE est un drame historique d’avant-garde qui examine en profondeur la vie de Marie Curie et les répercussions de ses découvertes.

Adapté du roman graphique de Lauren Redniss « Radioactive: Marie & Pierre Curie: A Tale of Love and Fallout  », le scénario est signé Jack Thorne (WONDER, HARRY POTTER ET L’ENFANT MAUDIT).

Le film est produit par Paul Webster et sa société Shoebox (REVIENS-MOI, LES PROMESSES DE L’OMBRE, DES SAUMONS DANS LE DÉSERT), avec à ses côtés Tim Bevan et Eric Fellner, co-présidents de la société de production récompensée aux BAFTA Working Title (LES HEURES SOMBRES, LES MISÉRABLES, THE DANISH GIRL, UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS, RUSH).

STUDIOCANAL et Amazon Studios ont cofinancé le film, qui a été tourné à Budapest et en Espagne.

SUR LA PRODUCTION

En 1903, Marie et Pierre Curie remportent le Prix Nobel pour leur découverte de la radioactivité. Pour la première fois, la prestigieuse récompense est décernée à une femme. Après la mort brutale de Pierre, Marie poursuit ses travaux et décroche un second prix Nobel, en chimie, en 1911. Marie Curie est une icône dans le monde de la science. Une pionnière, pas seulement en tant que scientifique, mais aussi en tant que femme évoluant dans un monde d’hommes à une époque où les femmes militaient encore pour le droit de vote.

Ensemble, les Curie ont découvert deux nouveaux éléments chimiques, le radium et le polonium, possédant des propriétés remarquables. Celles-ci auront des conséquences, à la fois positives et négatives, dont les effets se font sentir jusqu’à aujourd’hui – à travers les armes nucléaires, la radiothérapie, et l’énergie nucléaire. Leur couple, à la fois professionnel et romantique, en a fait des personnes célèbres. Cependant, après la mort de Pierre, et suite à sa liaison avec un homme marié, sa réputation en pâtit. Le film vise à montrer au grand public l’importance de Marie Curie, et comment elle a contribué à changer le cours de l’histoire de l’humanité.

«  On connaît tous son nom, mais on ne sait pas grand chose à son sujet, estime le producteur Paul Webster. Marie et Pierre ont joué un rôle très important. Ils ont modifié l’histoire du monde par leur découverte du radium et du polonium, et du fait qu’il y avait une instabilité fondamentale au centre de l’univers. Ils ont jeté le pavé dans la mare mais ne sont pas responsables de l’onde de choc ainsi créée. Les conséquences de leurs découvertes et l’immense pouvoir qu’elles peuvent procurer ont été mises à profit pour le meilleur et pour le pire : la radioactivité peut provoquer le cancer comme le soigner. Au cœur de cette histoire, il y a un cerveau extraordinaire qui était capable d’appréhender les contours de l’univers, et de voir comment le genre humain pouvait interagir avec deux de ses plus puissants éléments. »

COLLISION DE FORCES   : 
COMMENT LE ROMAN GRAPHIQUE S’EST RETROUVÉ À L’ÉCRAN

En 2012, le producteur Paul Webster reçoit un exemplaire du roman graphique de Lauren Redniss « Radioactive: A Tale of Love and Fallout ». Il est immédiatement captivé : «  C’est un livre magnifique, poétique, très pointu sur le plan scientifique, et qui ne craint pas de se lancer dans un voyage émotionnel autour de la science et d’une femme d’exception. J’ai donc mis une option sur les droits du livre avec ma société Shoebox et Working Title a rejoint le projet. Tout ce qui fait la force du film était là, en germe, dans le roman. »

Paul Webster propose ensuite au scénariste Jack Thorne de transposer le roman à l’écran : « Je ne pouvais penser à personne d’autre pour écrire le scénario. L’adaptation ne fut pas une mince affaire. Il essayait de restituer l’esprit du livre, qui est complexe en ce qu’il ne traite pas seulement de la vie de Marie et Pierre Curie, mais aussi du devenir de leurs découvertes. C’est, en quelque sorte, le biopic d’une femme, mais aussi celui de ses découvertes scientifiques. »

«  Marie Curie a mené une vie sans concessions, poursuit le producteur. Elle n’a jamais laissé le fait qu’elle était une femme se mettre en travers de ses exploits. Elle était aussi farouchement honnête, fidèle à elle-même. Elle avait une âme poétique et représente pour moi le mariage ultime de l’art et de la science et, peut-être plus important encore, le mariage ultime de l’amour et de la science. Cela a permis à Lauren Redniss, puis à Jack Thorne, de se balader un peu dans l’Histoire. En un sens, le film est aussi une histoire du 20ème siècle. Nous avons créé un cadre temporel assez complexe, où l’on se projette en avant bien après la mort de Marie, et où l’on remonte jusqu’à son enfance. L’histoire évolue assez librement entre 1870 et les années 80 et inclut presque chaque décennie entre ces deux bornes, de Tchernobyl à Hiroshima, de l’apparition des appareils de radiographie aux premières machines portables à rayons X. On voit les conséquences positives comme les conséquences négatives des découvertes de Marie et Pierre. La découverte d’un élément, puis, dans une scène totalement déconnectée, les conséquences de cette découverte. Un sacré défi pour Jack Thorne. Il n’arrêtait pas de m’appeler pour me dire : «  C’est la chose la plus difficile que j’ai jamais fait, mais je suis amoureux de cette femme ! »

La réalisation est confiée à Marjane Satrapi, dont le film d’animation adapté de son roman graphique PERSEPOLIS, sur son enfance en Iran, a été nommé aux Oscars.

Paul Webster explique comment Marjane Satrapi s’est retrouvée impliquée : « Le projet a pris de l’élan en 2015, quand les gens ont commencé à réaliser que c’était un très bon scénario. On a décidé très tôt qu’on ne ferait le film qu’avec une réalisatrice. On était en avance sur la récente et bienvenue prise de conscience féministe. On avait là un film sur une femme forte et entière, une femme ayant réussi contre toutes probabilités. »

En 2016, Paul Webster est au courant que Marjane Satrapi est intéressée. «  Je la connaissais comme la réalisatrice de PERSEPOLIS, qui était un petit chefd’œuvre. »

« Ce qui nous a tous impressionnés, c’est à quel point elle maîtrisait son sujet, poursuit Webster. Elle comprenait parfaitement le lien entre la science, ce qui nous constitue en tant qu’êtres humains et nos vies émotionnelles. Le scénario synthétisait ces trois choses  : d’un côté c’était une histoire d’amour pleine d’émotion, tragique, puisque l’un des protagonistes meurt  ; de l’autre, une histoire sur le fait de triompher des obstacles. C’est aussi l’histoire d’une réussite scientifique qui résonne encore aujourd’hui. »

Pour Marjane Satrapi, c’est la capacité du scénario à combiner nombre d’éléments a priori incompatibles qui l’a immédiatement séduite. « Le scénario contenait tout ce que j’aime, explique-t-elle. Ça n’abordait pas qu’un seul sujet. Ça parlait d’amour, mais aussi de l’éthique de la science, une question très importante pour moi. La plupart du temps, on reproche aux scientifiques d’avoir découvert quelque chose. La science, pour moi, cela signifie être humain et curieux, et le film aborde les effets à long terme d’une découverte, ce qui me semblait être un sujet extrêmement important. La science se marie à l’histoire d’amour pour former une seule et même histoire. Les meilleures histoires d’amour impliquent un certain degré de drame. Je savais, en lisant le scénario, qu’il fallait que je le fasse. »

Marjane Satrapi travaille alors en tandem avec Jack Thorne pour parfaire le scénario à la fois sur le plan thématique et sur le plan de la structure. Paul Webster raconte : «  Marjane s’est documentée sans relâche, bâtissant d’excellentes relations avec le musée Curie et l’Institut Curie de Paris. Elle s’est assurée que tout ce qui avait trait à la science soit parfaitement exact. Notre film tente de démystifier le travail de Curie et de le rendre accessible, aussi bien sur un plan émotionnel qu’intellectuel. »

Elle ajoute  : «  C’était un projet très original, ce qui me plaît beaucoup, et je savais que ça n’allait pas être simple, et ça aussi ça me plaît. Mais après une semaine à cogiter, je voyais exactement à quoi ressemblerait le film. »

Paul Webster comprend que Marjane Satrapi pouvait établir des parallèles entre son propre parcours et celui de Marie Curie. « Ayant ellemême quitté son pays pour venir s’établir à Paris, elle avait une compréhension intime du projet, dit-il. Elle ressentait une proximité avec Marie, qui est arrivée de sa Pologne natale sous le nom de Maria Skłodowska et s’est réinventée en tant que « Marie Curie ». Elles ont en commun de ne se laisser ni l’une ni l’autre enfermer par leur sexe. Marie Curie ne s’est jamais considérée comme une femme ayant du succès  ; elle se définissait comme une scientifique ayant du succès. La question de son sexe ne lui importait pas, et il me semble que Marjane est tout à fait dans cet état d’esprit. »

Marjane Satrapi ajoute  : «  Je ne pense pas que Marie ait jamais eu le moindre complexe vis-à-vis des hommes. Je pense qu’elle savait qu’elle était leur égale, qu’elle leur était même supérieure bien souvent. Mais elle ne revendiquait pas le fait qu’elle était une femme. Dans une de ses lettres, elle écrit qu’elle a toujours davantage souffert d’un manque de financement pour ses travaux que de sa condition de femme. Les années 1900 étaient d’ailleurs plutôt un moment d’émancipation pour les femmes. »

« Ce que j’ai vraiment aimé aussi, c’est que Marie n’est pas toujours sympathique dans le film, continue la réalisatrice. Nous voulions montrer qu’elle devait parfois faire preuve de dureté. Elle n’avait pas peur de défendre ses convictions, sans se soucier des normes sociales. C’est cette intéressante étrangeté que j’ai essayé de montrer. » Marjane Satrapi voyait aussi dans le personnage de Curie un antidote aux stéréotypes qu’on trouve habituellement au cinéma. « À chaque fois, ou presque, la femme est l’épouse, la mère, la fille, ou la sœur de quelqu’un. Elle se définit toujours par rapport à quelqu’un d’autre, note la réalisatrice. D’après ce que j’ai pu lire sur Marie Curie, elle n’était pas sa muse. Ils étaient plutôt deux esprits brillants. Ils formaient un couple très moderne, pour l’époque. Pierre Curie venait d’un milieu extrêmement ouvert, pas la famille catholique française moyenne, et il voulait une femme avec qui il puisse travailler, et qui le pousserait à se remettre en question. 1886 était une époque de grandes découvertes, tandis qu’aujourd’hui on vit dans un monde d’innovations basées sur des découvertes préexistantes. C’était une époque très excitante, et on peut le voir à la façon dont les femmes étaient perçues. Il était plus facile pour Marie Curie de travailler à l’époque où elle l’a fait que pour sa fille de travailler dans les années 40 et 50. C’était une époque de grande modernité, et les Curie reflètent cette modernité. C’est cela qui est attirant chez ce couple. »

Quand il a fallu se pencher sur la façon de s’y prendre pour transposer les thèmes scientifiques sur grand écran, Paul Webster a été impressionné par l’approche simple mais efficace de la réalisatrice  : «  Il n’y a pas de fioritures dans la mise en scène de Marjane, rien de sophistiqué, pas de tours de passe-passe avec la caméra. Tout est très direct. »

Dans la phase de préparation, Marjane Satrapi s’est documentée avec une rigueur toute scientifique. «  J’ai beaucoup lu, explique-t-elle, au point que je pourrais presque vous expliquer comment fabriquer une bombe atomique. Vous n’utilisez pas forcément toutes les informations que vous avez glanées, mais cela modifie votre vision des choses. Et on ne peut pas être flou quand on parle de science : il faut être très précis, et j’aime cette rigueur. C’est le seul sujet sur lequel on peut être objectif. »

La réalisatrice a également créé une série de storyboards et d’animatiques pour montrer comment le film allait gérer les allers-retours entre l’histoire des Curie et les scènes montrant les effets de leurs découvertes. Celles-ci comprennent un site d’essais et une explosion nucléaire dans les années 50, et une scène d’hôpital où un jeune garçon est traité par radiothérapie, un traitement qui en est alors à ses débuts.

COLLISION D’ATOMES 
LE CASTING DE RADIOACTIVE

L’équipe du film savait que l’actrice qui jouerait Marie Curie serait le noyau dur autour duquel tournerait l’ensemble du casting. Ils ont cherché une comédienne capable de jouer quelqu’un de jeune et de vieux, le film montrant Marie de l’âge de 24 à 67 ans. Et, plus important : quelqu’un qui puisse instinctivement comprendre l’aspect scientifique et jouer de façon convaincante l’un des plus grands cerveaux que le monde ait connu.

Ils se sont adressés à Rosamund Pike, qui a immédiatement accroché non seulement au scénario, mais aussi à l’approche de Marjane Satrapi comme réalisatrice.

«  J’avais besoin d’une actrice brillante, dit Marjane Satrapi. Elle a assimilé les connaissances scientifiques au point d’être capable de me corriger quand je commettais une erreur. Je pensais tout savoir, mais elle en savait plus que moi. Elle peut être extrêmement concentrée, mais dès qu’elle sourit elle illumine la pièce comme un soleil. Elle est d’une générosité incroyable. Je n’ai pas de mots assez forts pour faire son éloge. »

Marjane Satrapi a séduit Rosamund Pike au moyen d’un petit paquet cadeau contenant le scénario, le roman graphique, et une lettre. « C’était un petit paquet très séduisant, se souvient Pike. J’ai ouvert ce livre, et j’ai été immédiatement frappée par ses très belles illustrations, qui étaient étranges, à la fois fantaisistes et scientifiques. J’ai ensuite lu le scénario, que j’ai trouvé émouvant, puissant, brillant. L’histoire était d’une grande force. Enfin, la lettre de Marjane était drôle, forte, engageante, plutôt que flagorneuse et insistante. Je connaissais son humour pour avoir vu PERSEPOLIS et ses autres films, et je le partage. On voit la vie d’une manière assez similaire. On a eu une sorte de coup de foudre intellectuel quand on s’est rencontrées. On aimait la même chose dans le personnage de Marie Curie : le fait qu’elle ne s’excuse de rien, qu’elle est sans filtre, directe, audacieuse. Elle n’est pas spécialement charmante, et pourtant elle l’est en raison de tous ses paradoxes. Après avoir rencontré Marjane, je savais que je devais faire ce film. »

Marjane Satrapi montre à Rosamund Pike ses animatiques pour expliquer les sauts dans la narration entre le temps présent du film – l’histoire de Marie – et les scènes montrant les effets de son travail – les essais nucléaires, les scènes d’hôpital, etc.

«  Je me suis dit «  Elle voit le film, elle le porte en elle, c’est la personne idéale pour le réaliser  » explique Rosamund Pike. Ses animatiques ont grandement facilité le processus de production. Tout le monde a pu suivre le cap qu’elle a donné, du chef décorateur au directeur de la photographie, en passant par les coiffeurs, les maquilleurs ou les costumiers. Il était clair que tout le monde travaillait dans la même direction. »

Pour Rosamund Pike, la clef de son personnage résidait dans le fait que Marie a grandi dans une Pologne occupée par la Russie, où sa sœur et elle furent forcées d’étudier le programme soviétique. «  Ce que les sœurs voulaient étudier en dehors du programme officiel, elles devaient le faire en secret, explique l’actrice. Cela forgé le caractère combatif de Marie. Quand elle est arrivée à Paris et s’est inscrite à la Sorbonne, elle faisait partie des 23 femmes que comptait cette faculté des sciences de 4000 étudiants. À l’époque, le mot «  étudiante  » n’était utilisé que pour décrire la petite amie d’un étudiant  ; il n’existait même pas de mot pour désigner une étudiante. Mais Marie a excellé et s’est hissé au sommet de sa promotion. Elle était aussi connue pour être un peu étrange et dire ce qu’elle pensait. Elle n’avait pas une approche très douce, car elle n’en voyait pas l’utilité. Elle voulait du résultat, et seule la science l’intéressait. »

Sa découverte, qu’elle a baptisée «  radioactivité  », fut la plus grande de toutes les découvertes du 20ème siècle. « Très vite, on ne jurait plus que par cela, explique Rosamund Pike. Rien que le nom est très romantique  ; ça semble plein de lumière et luit d’un éclat vert. C’était comme une merveilleuse drogue. Et tout le monde voulait y goûter. Ça semblait être la solution définitive à tous les problèmes d’énergie – on pouvait l’utiliser dans la lumière, le dentifrice, les montres, les allumettes, les vêtements pour bébés, ou dans votre crème de jour et vous donner l’éclat dont vous rêviez. Puis un médecin a réussi à réduire une tumeur en attachant un morceau de radium au visage d’un patient atteint d’un cancer du visage. »

«  Ce qu’ils ne savaient pas, à l’époque, c’est que l’exposition aux radiations avait de terribles effets secondaires, continue Rosamund Pike. C’est donc l’histoire d’un grand pouvoir, et ce grand pouvoir peut être exploité de multiples façons ; utilisé à mauvais escient, son potentiel néfaste est énorme. »

Rosamund Pike a été inspirée par la pure détermination et la force de caractère de Marie Curie, et la façon dont elle et Pierre ont accepté de travailler dans les pires conditions jusqu’à ce qu’ils fassent leur découverte. «  Cela prouve le potentiel de l’esprit humain, dit-elle. Flairer quelque chose, émettre des suppositions, puis des prévisions, et pour finir, prouver son hypothèse. C’était incroyablement exaltant. »

La comédienne a pris des cours de sciences afin de comprendre pleinement son personnage. «  J’ai pensé que je ne pourrais pas incarner ce personnage si je ne comprenais pas parfaitement ce que je disais, explique-t-elle. J’avais besoin de comprendre ce qu’elle se dit quand elle observe et fait des expériences. Ça a piqué ma curiosité, puis, à force de lire des livres sur elle, j’en suis venue à l’adorer à cause de ce cran qu’elle avait, de son refus de se conformer aux attentes des autres, de cette liberté de pensée qui l’a conduite à suivre son chemin, sans se soucier du qu’en-dirat-on. »

L’actrice a aussi été touchée par la façon dont les découvertes des Curie ont affecté la société de l’époque, un impact qu’on peine aujourd’hui à imaginer. «  Je peux comprendre pourquoi le monde s’en est entiché de cette façon, dit-elle. Elles rendaient visible l’invisible. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où on les tient pour acquises. Mais imaginez que vous n’ayez jamais vu l’intérieur d’un corps, et tout à coup voici qu’un squelette apparaît ! On peut comprendre pourquoi, en même temps que la science décollait, le monde du surnaturel et du spiritisme connaissait lui aussi un boom. Tout à coup le monde des esprits semblait tout proche : peut-être était-il possible de faire apparaître les morts ! Ça devait être une époque étourdissante. »

Rosamund Pike devait également faire ressentir le grand amour de Marie pour Pierre. « C’était une grande histoire d’amour, entre deux grands scientifiques et entre deux êtres humains, les lettres qu’elle lui a écrites après sa mort sont extraordinairement puissantes et déchirantes. Elle était complètement dévouée à cet homme, et lui à elle. »

L’histoire d’amour a touché une corde sensible chez l’actrice. « Je considère Marie et Pierre comme étant l’une des plus belles histoires d’amour que je connaisse, dit-elle. Je pense qu’ils étaient des âmes sœurs destinées à se rencontrer et à travailler ensemble. Il est si rare pour deux personnes d’avoir une vraie rencontre de l’esprit, de travailler dans un but commun. Alors quand il est mort de façon si tragique, ça l’a brisée. Elle n’a plus jamais été la même. C’est le côté double de cette femme qui m’a vraiment intriguée. Derrière la scientifique brillante mais sévère, parfois étrange, il y a cette femme qui recèle un puits d’émotion et d’amour pour Pierre, ce que la plupart des gens ne soupçonnaient pas. C’est la plus belle forme d’amour : l’amour que personne ne voit. »

Sam Riley s’est glissé dans la peau de Pierre Curie. Lors d’une lecture, les producteurs ont été impressionnés par l’alchimie immédiate entre les deux acteurs.

« Il y a une sorte d’électricité entre eux, dit Paul Webster. Cela a vraiment humanisé le personnage de Marie, en la rendant plus douce et plus agréable. Sam a su apporter une belle générosité au personnage. Il savait que Pierre était tout aussi important que Marie dans la réalité, mais notre film est un film sur Marie Curie. Il a fait preuve d’une belle abnégation. »

Rosamund Pike avait bien conscience que pour créer le personnage de Marie, il fallait qu’elle ait face à elle le bon partenaire. « Je ne crois pas au fait de créer quelque chose tout seul dans son coin, c’est un travail qui se fait à deux, explique-t-elle. Donc la question de qui hériterait du rôle de Pierre était cruciale. Avec Sam c’était immédiat – il y avait cette connexion qui était celle de Marie et Pierre. J’ai tout de suite su qu’on allait pouvoir restituer leur humour, leur étrangeté, leur mépris des conventions. »

Marjane Satrapi a également vu la façon dont Sam Riley pourrait contribuer à faire ressortir l’humanité de Marie Curie. «  Elle est un peu étrange, dit-elle. Le niveau de concentration requis pour faire ce qu’elle fait jour après jour est incroyable. Sam Riley a contribué à rendre cette étrangeté plus légère : elle l’amuse, le fait rire, et ça la rend du même coup plus aimable. »

Pour Sam Riley, le film était l’occasion d’en apprendre davantage sur les Curie et l’impact spectaculaire qu’ils ont eu sur l’histoire moderne : « Je ne réalisais pas à quel point Marie Curie était extraordinaire, et à quel point leur couple était extraordinaire, dit-il. J’ai trouvé que le scénario parvenait à capter l’ébullition de ces années incroyables – entre 1890 et 1910 – qui ont vu la découverte de tant de choses merveilleuses de l’électricité à l’aviation au radium. »

«  J’aimais aussi la façon dont le scénario dépeignait la relation entre ces deux surdoués, poursuit-il. Pierre a grandi dans une famille non religieuse, ce qui était assez inhabituel pour l’époque. Quand il a rencontré et s’est épris de Marie, il travaillait avec son frère Jacques sur l’invention d’un électromètre à quadrants, qui mesurait la valeur électrique de différents matériaux. Ce qui est vraiment merveilleux c’est qu’ils se complétaient parfaitement. Ce qui faisait défaut à l’un, l’autre l’avait, et ils n’étaient pas simplement profondément amoureux l’un de l’autre : Pierre était très investi dans son travail, et c’est exactement ce dont Marie avait besoin pour l’aider à découvrir ces deux éléments qui se cachaient dans l’uranium. L’histoire de Marie et Pierre est sans aucun doute une des unions les plus parfaites entre l’homme et la femme non seulement dans l’amour mais également dans une ambition et une destinée communes. Ces deux personnes se sont trouvées, avaient la même ambition, les mêmes objectifs, et la même humilité dans ce qu’ils faisaient : servir la science. »

Comme Rosamund Pike, Sam Riley a aussi passé du temps à potasser les sciences pour savoir de quoi il allait parler. Il a étudié la chimie, les bases de la physique et assisté à une conférence au Musée Marie Curie de Paris.

L’acteur était aussi ravi à l’idée de travailler avec Marjane Satrapi. «  En tant que dessinatrice, Marjane a un œil d’artiste, et Anthony Dod Mantle, notre directeur de la photo, a lui aussi un incroyable sens visuel, dit Sam Riley. Leur vision du film m’a vraiment transporté. J’avais déjà fait des films d’époque, et ça peut être un peu morne et ennuyeux, mais quand j’ai lu ce scénario, je savais que ce film n’avait aucune chance d’être ainsi. »

Pour compléter la distribution, Aneurin Barnard joue Paul Langevin, qui devient l’amant de Marie. Simon Russell Beale joue le Professeur Lippmann, le professeur de physique à la Sorbonne  ; Katherine Parkinson interprète la femme de Paul Langevin, Jeanne ; Sian Brooke, la sœur de Marie, Bronia ; Anya Taylor-Joy, la fille des Curie, Irène.

Aneurin Barnard joue Paul Langevin, un confrère scientifique qui travaille aux côtés de Pierre Curie. Quand Pierre meurt, il entame avec Marie une histoire vouée à l’échec, et le scandale qui en résulte vient ternir la réputation de Marie.

« Paul connaissait et travaillait avec les Curie depuis le tout début, dit Aneurin Barnard. Il a été là contre vents et marées en tant qu’ami, collègue et finalement amant de Marie. Il aime la science autant que Pierre et Marie et il les admire tous les deux. Ils forment un merveilleux et captivant trio. Je crois qu’il tombe amoureux des deux, au départ, mais il est marié et père de famille. Quand Pierre meurt, Marie et lui sont comme deux aimants qui s’attirent. Il l’aimait vraiment, mais la société de l’époque ne voyait pas d’un très bon œil qu’un homme marié puisse avoir des liens avec une femme comme Marie, et il a dû renoncer à elle. Il serait facile de demander comment il a pu en arriver à avoir une liaison avec la veuve de celui qui avait été son ami et collègue. Mais la réalité était plus complexe : l’entourage proche de Marie était très réduit, Paul en faisait partie, et il est tombé fou amoureux d’elle. »

Anya Taylor-Joy joue Irène Curie, devenue elle-même une scientifique titulaire du Nobel. Comme l’explique Paul Webster  : «  Nous avions besoin de quelqu’un pour jouer Irène adulte, avec la carrure nécessaire pour rivaliser avec une mère aussi difficile que pouvait l’être Marie Curie. »

Pour sa part, Anya Taylor-Joy a vu les similarités entre mère et fille. «  Irène a grandi avec une mère qui l’a toujours encouragée à réfléchir par elle-même et qui disait les choses comme elles étaient, dit l’actrice. Je crois qu’Irène est pareille. Elles sont vraiment proches, elles s’aiment énormément. Et c’est le seul duo mère-fille à avoir remporté le Nobel, ce qui est assez spectaculaire. »

«  Il y a un contraste intéressant entre science et émotion humaine qui rend l’histoire captivante, continue l’actrice. Je me suis demandé, au départ, si Marie et Irène s’étaient éloignées à cause du travail de Marie. La science avait-elle pris le dessus sur tout le reste  ? Mais j’ai découvert que c’était exactement l’inverse  : elles sont toutes deux brillantes, pensent de la même façon et agissent de la même façon. »

LA TERRIFIANTE BEAUTÉ DE L’ÉCLAT DU RADIUM : 
LE STYLE DU FILM ET LES LIEUX DE TOURNAGE

Pour ce qui est de l’esthétique du film, Marjane Satrapi a insisté sur une chose : il fallait que le film soit beau. «  Je suis une esthète et je viens d’une famille de peintres, dit-elle. Je ne supporte pas la laideur. Je suis attirée par la beauté. »

Ses collaborateurs derrière la caméra comptent le directeur de la photo Anthony Dod Mantle, le chef décorateur Michael Carlin et la chef costumière Consolata Boyle. «  Anthony et Michael ont le même sens esthétique que moi, et Consolata est un génie, dit la réalisatrice. Nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, mais pouvions discuter de façon amicale et respectueuse. »

Tout en insistant sur une image qui soit belle, Marjane voulait aussi de l’authenticité. « On a essayé d’éviter l’écueil que rencontrent beaucoup de films d’époque où, si l’action est située dans les années 50 mettons, alors tous les meubles et objets dateront des années 50, tandis qu’en réalité vous auriez des meubles et objets issus d’époques différentes. Par ailleurs, les gens avaient moins de vêtements et donc ceux-ci avaient l’air usé. En 1900, il n’y avait pas de teintures chimiques donc on a essayé de se rapprocher au maximum des couleurs qu’ils auraient utilisées. L’histoire étant assez surréaliste, on avait besoin que l’arrièreplan soit aussi réaliste que possible, sinon ça n’aurait pas fonctionné. »

Les préparatifs de Marjane Satrapi incluaient la fabrication d’animatiques et de storyboards, très utiles pour communiquer à ses collaborateurs le ton du film. Mais quand il a fallu tourner, la réalisatrice et son équipe ont souvent dû improviser car les proportions ne fonctionnaient pas toujours dans la réalité. « La préparation est toujours le moment créatif le plus excitant pour moi, j’apprends beaucoup en m’immergeant dans un sujet. »

Le tournage, débuté en février 2018, s’est déroulé à Budapest, qui a servi de doublure à Paris ; à Almeria, dans le sud de l’Espagne, où furent tournées les scènes d’essais nucléaires dans le désert du Nevada. Les scènes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, elles, ont été tournées en studio à Budapest.

Paul Webster explique  : «  Le film étant à cheval sur tant d’époques et de lieux différents, nous avons pris la décision très en amont de ne pas tourner à Paris, trop compliqué et coûteux. Vous pouvez tourner des intérieurs du Paris de la fin du 18ème et du début du 19ème plus facilement à Budapest qu’à Paris. Il y a plus de liberté. La ville date de la même époque que Paris – Budapest a été bâtie au 19ème siècle en s’inspirant de l’architecture haussmannienne – et il y a un grand choix de lieux de tournage. »

L’homme chargé de réunir les nombreux décors sautant d’une époque à l’autre est le chef décorateur Michael Carlin. « Le film présentait un défi, mais un défi passionnant, dit-il. L’aspect le plus important pour moi était de parvenir à une certaine unité visuelle, parce que si le scénario est très cohérent, il passe constamment d’une époque et d’un lieu à l’autre – il y a 48 décors différents. Il a donc fallu trouver un moyen de faire en sorte que tout cela tienne debout grâce à un langage visuel cohérent. »

Le plus gros défi a été la logistique de créer les nombreux époques. « Le film démarre en 1934 avec une Marie Curie âgée, et à partir de là il se déploie dans deux directions : en arrière à travers sa vie, et en avant, dans une narration qui entremêle ces deux fils, explique Michael Carlin. Tous les tournants majeurs de l’intrigue sont illustrés par des événements qui ont été rendus possibles par la découverte du radium et la fission nucléaire. »

«  Généralement un film se déroule à un endroit ou à une époque ; ici ce n’est pas le cas – rien que la partie française se déroule sur une période de 50 ans. On raconte l’arrivée de différentes technologies, donc on pouvait filmer dans un laboratoire pendant 5 jours, mais dans le film on voit ce laboratoire sur 40 ans, 40 années au cours desquelles la technologie évolue radicalement. Concrètement, cela signifiait qu’il fallait pouvoir transformer le décor en un temps record. »

Différents motifs ont permis de donner à l’ensemble sa cohésion, comme par exemple le thème de l’hôpital. Michael Carlin explique : « Marie Curie a joué un rôle crucial dans différents progrès de la médecine, mais dans notre histoire elle a peur des hôpitaux : elle refuse de s’y rendre, sauf dans certaines scènes où elle y est obligée. Nous avons créé un complexe hospitalier où vous pouvez être dans la Pologne de 1874, ouvrir une porte et vous retrouver dans l’Amérique des années 60, puis une autre porte et vous voilà dans une salle d’hôpital à Pripyat près de Tchernobyl après l’explosion de 1986, puis une autre porte et c’est le Tchernobyl de maintenant, puis cet énorme couloir – 120 mètres de couloir –, où se produit sa mort, et avec elle la fin du film. »

Michael Carlin et son équipe ont recréé les hôpitaux à l’intérieur de l’ancien siège de la MÁV, la compagnie des chemins de fer de Hongrie, un imposant bâtiment dont les couloirs sans fin et la myriade de chambres ont servi de décor principal au film pour les intérieurs.

Les couloirs de l’hôpital renvoyaient aux différents tunnels qu’on voit dans le film, notamment les tunnels métalliques de la centrale de Tchernobyl et le tunnel lorsque Marie Curie enterre sa mère, enfant, dans la Pologne des années 1870. « Il y a ce langage de l’hôpital que l’on étend à tout le film et qui en est le ciment visuel  », explique Michael Carlin.

Il a également utilisé le radium comme motif récurrent : après tout, le film est autant une histoire de la radioactivité qu’un biopic sur Marie Curie. «  On a essayé de représenter l’énergie du radium de nombreuses façons, dit Michael Carlin. Il y a donc des choses qui pétillent dans des tubes à essai dans des plans très détaillés, et au fur et à mesure que le film avance, les couleurs deviennent plus saturées et l’éclat du radium imprègne le film. »

Chargée de la création des costumes, Consolata Boyle a immédiatement compris ce que Marjane Satrapi avait en tête. «  Marjane a une imagination visuelle, un vrai sens de l’image, dit-elle. Après avoir enquêté sur les événements réels, elle s’est demandé comment le film pourrait parler au public d’aujourd’hui. Comment communiquer à quel point ces découvertes furent importantes, et rendre le contexte dans lequel elles se sont produites. »

Cette approche s’est révélée très utile pour créer la garde-robe de Marie Curie. «  On s’est rendu compte qu’elle s’habillait d’une façon qui lui était tout à fait particulière, dit Consolata Boyle. Elle ne se préoccupait pas de suivre la mode ; elle s’habillait d’une façon très originale. Elle avait beaucoup de style, mais ne prêtait pas une grande attention à sa façon de se vêtir. Il y a une anecdote célèbre à propos de sa robe de mariée, selon laquelle elle aurait dit vouloir juste une robe qu’elle pourrait porter au laboratoire. On a donc une scène où elle porte sa robe de mariée au laboratoire  ! Il y a une merveilleuse tension entre son sens esthétique, qui est réel, et son côté cérébral et son manque d’intérêt pour les vêtements. Mais, presque malgré elle, elle était toujours très élégante. »

«  C’était une femme très attirante, très charismatique, poursuit Consolata Boyle. Je pense que ça tenait à sa détermination, son énergie. Sur les photos, elle a toujours l’air d’être en mission, et elle est principalement entourée d’hommes. Ce qui en ressort est son incroyable énergie physique et son puissant charisme. »

Pour dessiner ses tenues, Consolata Boyle a divisé le film en trois périodes historiques : 1893-1906, qui constitue la majeure partie de l’histoire  ; 1906-1911/12, après l’accident qui coûte la vie à Pierre  ; et finalement 1914 jusqu’à la mort de Marie en 1934. Les tenues de Marie dans la première partie se composent de chemises blanches toutes simples à col Claudine et plis surpiqués et de jupes longues et larges. Quand la Première Guerre mondiale est arrivée, les corsets commençaient à devenir moins répandus, et il y avait une silhouette plus lâche, plus informe durant les années 20 et 30. »

La palette chromatique des costumes que porte Marie va du gris, du noir et du blanc aux bleus et aux verts, un lien visuel avec l’amour de Marie pour la science. «  Il y a beaucoup de gris parce que ça renvoyait au côté métallique des laboratoires. Toutes les couleurs sont froides, il n’y a aucune place pour les couleurs chaudes ici  », ajoute la costumière.

«  Pour Rosamund, nous avions à cœur de montrer le vieillissement dans son corps et sa façon de se vêtir, mais d’une façon qui soit très subtile, progressive. Dans toute la dernière partie du film, elle porte un rembourrage afin d’épaissir sa taille. Rosamund a apporté des modifications subtiles mais décisives dans son attitude, quand elle commence à marcher plus lentement et à se tenir différemment. »

Pour Pierre Curie, Consolata Boyle a créé une silhouette historiquement correcte tout en collant au physique de Sam Riley. « Pierre avait un côté doux et spirituel qui m’a inspiré pour ses costumes, dit-elle. Pierre Curie était très bel homme – et Sam lui ressemble beaucoup physiquement. Il s’habillait simplement mais portait toujours des vestes très françaises, à coupe carrée et boutonnées jusqu’en haut. Elles étaient sa marque de fabrique, donc j’ai restitué cela dans les costumes de Sam. »

Les scènes de laboratoire exigeaient des types de costumes différents. «  Dans de nombreuses scènes de laboratoire, Marie et Pierre sont dans un état répugnant, dit Consolata Boyle. Il était impératif de représenter fidèlement la science dans ce qu’elle pouvait avoir de physique à l’époque : ils broient, font bouillir, remuent, soulèvent un tas de choses, et ils portent les vêtements qui conviennent pour ce genre de tâche. »

Source et copyright des textes des notes de production
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#Radioactive

lundi 16 septembre 2019

LE CHARDONNERET


Drame/Thriller/Une belle mise en scène, mais une histoire qui tire en longueur

Réalisé par John Crowley
Avec Ansel Elgort, Nicole Kidman, Oakes Fegley, Aneurin Barnard, Finn Wolfhard, Sarah Paulson, Luke Wilson, Jeffrey Wright...

Long-métrage Américain
Titre original : The Goldfinch 
Durée : 02h30mn
Année de production : 2019
Distributeur : Warner Bros. France 

Date de sortie sur les écrans américains : 13 septembre 2019
Date de sortie sur nos écrans : 18 septembre 2019


Résumé : Theodore "Theo" Decker n'a que 13 ans quand sa mère est tuée dans une explosion au Metropolitan Museum of Art. Cette tragédie va bouleverser sa vie : passant de la détresse à la culpabilité, il se reconstruit peu à peu et découvre même l'amour. Tout au long de son périple vers l'âge adulte, il conserve précieusement une relique de ce jour funeste qui lui permet de ne pas perdre espoir : un tableau d'un minuscule oiseau enchaîné à son perchoir. Le Chardonneret.

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : LE CHARDONNERET est adapté du roman éponyme écrit par Donna Tartt. Le titre du roman fait référence à une toile de Carel Fabritius, Le Chardonneret, peinte en 1654, représentant un oiseau qu'elle a découverte lors d'une exposition à Amsterdam et qui l'a alors obsédée pendant des années (source Wikipedia).

Le réalisateur John Crowley nous raconte l'histoire d'un jeune homme depuis son adolescence jusqu'à l'âge adulte qui doit gérer un traumatisme terrible. Autant, il suscite notre intérêt par un montage qui fait des allers-retours entre passé et présent, autant, il a du mal à vraiment nous entraîner dans cette aventure. Pour ce que le scénario raconte au final, et bien que ce soit un entremêlement de vies qui nous interpelle, son long-métrage est trop long et ce ressenti s'installe dès le début. De plus, il y a de petites incohérences ici et là qui ne permettent pas vraiment d'adhérer franchement à l'ensemble. Pourtant, il travaille l'ambiance pour que les codes couleurs soient en cohérence avec le monde des antiquités et que l'omniprésence de l'art sous toutes ses formes vienne enrichir l'image. Il nous fait aussi voyager dans différents endroits. Il maîtrise l'atmosphère de son film de bout en bout. Les acteurs sont convaincants. Ansel Elgort interprète Theo Decker à l'âge adulte. Il apporte sa sensibilité à son protagoniste. 



Oakes Fegley interprète Theo jeune. Sa bouille sert très bien le décalage entre ce que sa vie aurait dû être et ce qu'elle a été en réalité. Les trahisons et la recherche de parents dans les adultes qu'ils croisent sont ressentis en continuité entre les deux acteurs qui se complètent de façon adéquate.

D'ailleurs, les duos qu'ils forment avec Boris interprété par Finn Wolfhard à l'adolescence, qui apporte une personnalité bien distincte à son protagoniste, puis par Aneurin Barnard à l'âge adulte ont une dynamique convaincante et demeurent cohérents.




Les seconds rôles sont solides que ce soit Nicole Kidman qui interprète Mrs. Barbour, une femme qui se retrouve en Theo au travers de sa sensibilité à l'art, Jeffrey Wright qui interprété James "Hobie" Hobart, un homme qui aime les objets anciens inconditionnellement, Luke Wilson qui interprété Larry, le père de Theo et Sarah Paulson, qui est assez drôle et efficace dans le rôle de Xandra, la compagne de Larry.




Crédit photos © Macall Polay & Nicole Rivelli
Copyright photos © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. 
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Peut-être y a-t-il trop de thèmes effleurés, toujours est-il que LE CHARDONNERET réussi à plaire par son style, mais ne passionne pas par son rythme lent et sa narration qui nous laisse un peu sur le bord de la route. Un beau tableau en somme, mais qui ne nous fait pas ressentir les émotions qu'on espérait.


Source image Wikipedia

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
"Avant et après. Il y a toujours un avant et un après. Et entre les deux, il y a un tableau". ~ Theo Decker
"À Amsterdam, j'ai rêvé que je revoyais ma mère… Les événements auraient mieux tourné si elle était restée en vie. Mais il se trouve qu'elle est morte quand j'étais enfant. Et lorsque je l'ai perdue, j'ai perdu tout repère qui aurait pu me conduire vers une vie plus heureuse". ~ Theo Decker

Le destin poignant de Theo Decker a vu le jour sous la plume de Donna Tartt dans son célèbre roman LE CHARDONNERET. L’ouvrage publié à l’automne 2013 a immédiatement remporté un vif succès et s’est classé en tête des ventes dans le monde entier, raflant de nombreuses distinctions au passage, dont le prestigieux Prix Pulitzer.

Le réalisateur John Crowley compte parmi les fans inconditionnels du roman : “Je fais partie des millions de personnes qui adorent ce livre”, affirme-t-il. “Je l’ai lu à sa sortie et j’ai trouvé que c’était un mélange très réussi de beaucoup de choses. Le livre porte un regard intéressant sur les sentiments de chagrin et de honte : on découvre un enfant qui reste bloqué à un moment de sa vie correspondant à la mort de sa mère, et ce blocage ne fait que devenir plus profond et complexe lorsqu’il devient adulte”.

“J’ai trouvé que c’était un roman puissant et marquant”, poursuit-il. “C’est un critère important lorsqu’on adapte un livre au cinéma car il faut conserver cette première impression de lecture et s’en nourrir”.

Ansel Elgort, qui joue le rôle de Theo, partage cet avis : “C’est un drame magnifique et fort qui vous captive”, déclare-t-il. “C’est l’histoire d’une vie volée et des conséquences en cascade qui découlent de ce seul événement tragique”.

Theo Decker et sa mère n’auraient pas dû se trouver au musée ce jour-là. La mère du garçon avait été convoquée à l’école en raison du comportement de son fils, mais ils étaient arrivés en avance et il s'était mis à pleuvoir, si bien qu'ils avaient décidé de se réfugier à l’intérieur. Tandis que sa mère s’éloignait en direction de l’exposition des chefs-d’œuvre de la peinture flamande, Theo a aperçu une jolie jeune fille rousse. Quelques secondes plus tard… un brouhaha… puis une explosion terrible s'était produite. Theo s'est réveillé au milieu d’un paysage gris et lunaire dominé par la poussière, les débris et la mort. Parmi les décombres, il découvre le tableau préféré de sa mère, celui qu’elle lui a montré quelques secondes avant la catastrophe : “Le Chardonneret” de Carel Fabritius. Dans un râle, un vieux monsieur supplie le jeune garçon de “le prendre”. Encore sonné et sous le choc, Theo enfonce le précieux tableau au fond de son sac et quitte le musée. Ce geste va bouleverser le cours de sa vie et entraîner de nombreuses conséquences.

Brad Simpson, qui a produit le film avec sa partenaire de Color Force Nina Jacobson, remarque : “Au début, voilà un jeune garçon qui perd sa mère d’une façon brutale et inattendue, et qui passe le reste de sa vie à tenter de renouer des liens avec autrui. Mais à chaque fois qu’il y arrive, cette nouvelle relation lui est arrachée. Il finit donc par s’accrocher à cet objet, ce tableau qui symbolise pour lui l’univers qui s’est écroulé. Cet impitoyable sentiment de deuil et cette quête de complétude font partie des thèmes centraux du roman. Pour Theo, 'Le Chardonneret' n’est pas seulement un tableau”.

Juste après l’attentat, Theo est confié à la famille d’un de ses camarades de classe, les Barbour, et Theo tisse peu à peu une relation avec la mère, jouée par Nicole Kidman : “Je pense que c'est grâce à leur intérêt commun pour l’art qu'ils se rapprochent”, estime-t-elle. “Le film montre que la mémoire s’attache à certains objets et à certaines œuvres d’art, pas tant pour l’objet en lui-même que pour les sentiments qu’il provoque et qui peuvent vous transporter très loin”.

“C’est fou à quel point on peut investir un objet de la mémoire d’un être cher”, renchérit Jeffrey Wright, qui incarne Hobie, un antiquaire et restaurateur d’œuvres qui va jouer un rôle majeur dans la vie de Theo. “Le chemin parcouru par Theo tout au long du récit est tragique et d’autant plus complexe qu’on ne lui laisse jamais le choix”.

De même, Ansel Elgort remarque que son personnage “s’attache aux objets anciens car il trouve un certain réconfort dans l’idée qu’ils sont là depuis bien plus longtemps que nous et qu’ils seront encore là longtemps après nous. Il envisage la vie humaine comme une étape transitoire car sa propre existence a été marquée par un traumatisme. En revanche, un objet est fait pour durer, ce qui le rassure. En l’occurrence, l’objet qu’il chérit le plus – et qui le hante le plus – est ‘Le Chardonneret’”.

Brad Simpson se souvient de sa lecture du roman que Nina Jacobson découvrait elle aussi : “Ce qui nous a captivés, c’est le périple de Theo, depuis l’Upper East Side de New York jusqu’à la banlieue de Las Vegas, de Greenwich Village à Amsterdam – et l’incroyable galerie de personnages qui traversent sa vie. C’est tout ce qu’on recherche dans un livre : un récit haletant avec une histoire riche et émouvante”.

Néanmoins, Nina Jacobson affirme : “On savait aussi que ce serait difficile de condenser plus de 700 pages dans un film d’environ deux heures. Il nous fallait une plume hors du commun extraordinaire et Peter Straughan est un des scénaristes les plus reconnus d’Hollywood, notamment pour avoir adapté des œuvres littéraires ambitieuses comme LA TAUPE et DANS L’OMBRE DES TUDORS. Dès le début, il a senti que la seule façon de raconter cette histoire, c’était de la fragmenter puis de la reconstruire à travers un récit non linéaire. Quand j’ai lu le scénario de Peter, j’ai été ébahi par sa complexité, chaque détail faisant écho à d’autres pour constituer une histoire complète. Peter a réussi quelque chose d’assez unique”.

John Crowley acquiesce : “En abandonnant la structure linéaire au profit d’allers-retours entre les deux temporalités de la vie de Theo, Peter a créé une œuvre beaucoup plus cinématographique. L’alternance entre les deux temporalités met en évidence le fait que le jeune homme est chargé du poids de son passé, qui ne l’a jamais quitté”.

Brad Simpson et Nina se sont attelés au CHARDONNERET peu de temps après la sortie de BROOKLYN, drame romantique de John Crowley. “C’est un très beau film et une adaptation littéraire réussie qui a conquis le public”, affirme Brad Simpson. “On a rencontré John à plusieurs reprises et c’était formidable : on a apprécié sa personnalité, sa sensibilité et sa compréhension très fine du livre, jusque dans ses moindres détails. Dès lors, on a su qu'il était l'homme de la situation pour 'Le Chardonneret' à l’écran”.

John Crowley a eu la chance de s'entourer des meilleurs collaborateurs de création, comme le légendaire directeur de la photographie Roger Deakins, le chef décorateur K. K. Barrett, la chef-monteuse Kelley Dixon, la chef-costumière Kasia Walicka Maimone et le compositeur Trevor Gureckis.

Le réalisateur déclare : “Ce qui me plait le plus quand je tourne un film, c’est de trouver de vrais collaborateurs qui savent remettre en question vos propositions, les détourner ou suggérer une idée dix fois meilleure. C’était un cadeau d’être entouré d’artistes de cette envergure pour s’atteler à une histoire d’une telle ampleur”.

Pour porter cette saga à l’écran, outre Ansel Elgort, Nicole Kidman et Jeffrey Wright, le casting réunit Oakes Fegley, Aneurin Barnard, Finn Wolfhard, Sarah Paulson, Luke Wilson, Ashleigh Cummings, Willa Fitzgerald, Aimee Laurence, Denis O’Hare et Boyd Gaines. John Crowley ne tarit pas d’éloge sur cette distribution “composée de stars et de jeunes talents incroyables, ainsi que d’acteurs formidables qui ont des rôles plus modestes mais tout aussi marquants. La richesse de leur jeu donne une vraie profondeur à l'ensemble. C’était formidable d’être accompagné d’acteurs aussi investis et talentueux”.

LES ACTEURS
C’est comme s’il m’avait envoyé exactement là où je devais être, et avec qui je devais être” ~ Theo Decker

LE CHARDONNERET alterne entre deux temporalités distantes de 14 ans et c’est pourquoi plusieurs rôles ont dû être interprétés par des acteurs de générations différentes. C’est le cas notamment du personnage central de Theo Decker qui, adulte, est campé par Ansel Elgort et, enfant, par Oakes Fegley.

Ansel Elgort reconnaît que l’un des plus grands enjeux du rôle était d’incarner le traumatisme qui hante Theo. Sur le plan métaphorique, il reste attaché au jour de l’explosion comme le minuscule oiseau enchainé à son perchoir sur le tableau volé. L’œuvre est un talisman secret et caché qui le réconforte autant qu’il le tourmente. La douleur qu'éprouve Theo est soustraite au regard, tout comme le tableau.

“En apparence, Theo semble s’être remis”, remarque Ansel Elgort. “Mais au fond de lui, il est toujours aux prises avec un sentiment de deuil et de culpabilité qu’il porte comme un fardeau depuis l’enfance. Je devais trouver cette part d'ombre en mon for intérieur, ce qui a représenté un défi de taille pour moi”.

“J’avais justement besoin que John Crowley soit très présent à mes côtés”, poursuit l’acteur. “On a beaucoup parlé de Theo car il a une vision très pertinente de l’histoire et des personnages et je lui fais entièrement confiance”.

John Crowley explique qu’il avait tout autant confiance en Ansel Elgort : “Ansel s’est donné corps et âme dans son jeu d’acteur. Il arrive à nous faire ressentir de la compassion pour ce personnage et les épreuves qu’il a traversées”.

“On lui pardonne les erreurs qu’il commet en tant qu’adulte, et qui sont pourtant loin d’être insignifiantes, car on sait ce qu’il a vécu dans son enfance”, explique Nina Jacobson.

Partant de ce principe, les auteurs ont compris que l’empathie suscitée par Theo était en grande partie liée à l’acteur qui le jouerait à l’âge de 13 ans, quand son monde s’écroule. Oakes Fegley rappelle : “La mère de Theo était sa seule vraie famille. Son père est parti et ne s'est jamais occupé de lui. À la mort de sa mère, il se retrouve donc démuni, à un âge où il lui est impossible de prendre sa vie en main, sans même parler de la détresse et de la culpabilité qui l'assaillent. Il passe par un large éventail d’émotions, et c’est ce qui m’a plu dans le rôle”.

“On a passé en revue des centaines et des centaines de candidatures pour Theo”, se souvient John Crowley. “Petit à petit, on a affiné la sélection mais on revenait toujours à Oakes. Il était très bon, émouvant et en même temps, il dégageait l’impression d’avoir un certain vécu, ce qui collait parfaitement au personnage”.

Nina Jacobson renchérit : “Oakes Fegley est un acteur exceptionnel, surtout pour son âge. Son jeu est tout en subtilité, débordant d’émotions et de vulnérabilité”.

Après la tragédie, Theo ne peut pas rentrer chez lui. Quand les assistants sociaux lui demandent si quelqu’un pourrait l’aider, le seul nom qui lui vient à l’esprit est celui de Mme Barbour, la mère de son copain d’école Andy.

Les auteurs étaient enchantés que Nicole Kidman accepte de jouer le rôle de l’élégante maîtresse-femme de Park Avenue, qui règne sur la famille Barbour, particulièrement dysfonctionnelle. L’actrice explique que son choix a été en grande partie motivé par le réalisateur : “J’ai vu BROOKLYN et j’avais très envie de travailler avec John Crowley : c’est ça qui m’a décidée. Ensuite, j’ai lu le scénario et le livre, et j’ai vraiment eu envie de me lancer dans l’aventure”.

“Que dire de plus sur Nicole Kidman”, s’enthousiasme John Crowley, “si ce n’est que c’est une personne formidable, une présence chaleureuse sur le plateau et qu’elle a apporté une richesse extraordinaire au personnage ? À chaque prise, elle voulait aller plus loin pour approfondir le message de la scène. Aucune actrice n’aurait pu incarner le personnage mieux qu’elle. Elle nous a tout simplement donné un cours d'art dramatique”.

Ansel Elgort confirme : “Quand j’ai su que j’allais jouer avec Nicole Kidman, j’ai dû me pincer pour le croire. Elle m'impressionne énormément. Elle a beaucoup d'idées, elle dégage une force émotionnelle incroyable et il y a en même temps quelque chose d’assez brut et concret dans son jeu. Nous n’avons partagé que quelques scène mais c’était une expérience inoubliable”.

Nicole Kidman évoque son personnage : “Ce que je trouve intrigant chez Mme Barbour, c’est qu’elle ne s’intéresse pas tout de suite à Theo. Elle l’accueille chez elle parce que c’est la chose normale à faire, malgré une certaine réticence. Elle fait preuve de stoïcisme et d’une certaine passivité. Elle n’arrive pas vraiment à ouvrir son cœur à cet enfant, et c’est intéressant que cela soit le point de départ de leur relation”.

John Crowley poursuit : “Il aurait été facile de la représenter sous les traits d’une femme froide et hautaine, mais ce n’est pas ce qu’a choisi Nicole. Nous voulions suggérer qu'une sensibilité se cache derrière son attitude cassante, et on sent bien qu’il y a toute une vie intérieure sous la surface, en particulier dans la première temporalité”.

Des années plus tard, lorsque Theo, devenu plus âgé, retrouve Mme Barbour, le changement est palpable. “On dirait presque qu’elle n’arrive pas à contenir ses émotions”, décrit John Crowley. “Quand Theo revient, Mme Barbour voit là une opportunité de se racheter, même si c’est peut-être trop tard. Elle le voit comme le fils adoptif qu’elle n’a jamais réussi à intégrer à sa famille à première vue parfaite, mais en réalité sur le point d’éclater”.

Il y a bien une raison pour laquelle Mme Barbour n’a pas su intégrer le jeune Theo dans sa famille. Au moment où le garçon commence enfin à se sentir chez lui, le destin cruel s’abat à nouveau sur lui. Larry, son irresponsable de père, débarque et emmène son fils au milieu du désert, dans une banlieue de Las Vegas où il n’y a pas âme qui vive.

Luke Wilson, qui campe le rôle du père, raconte : “Larry avait quitté sa famille très tôt, mais il revient dans la vie de Theo après les événements tragiques du Met. On ne sait pas très bien quelles sont ses intentions. Vient-il pour s'occuper de son fils ? Est-ce qu’il a enfin décidé de changer pour devenir quelqu’un de bien ? Ou cherche-t-il autre chose ?”

Pour creuser le personnage, Luke Wilson s’est appuyé sur le livre : “Le roman est une ressource essentielle car il explique les raisons de son comportement, son passé, ses addictions, ses dérives”, explique-t-il. “Grâce au livre, qui m’a beaucoup aidé, et aux répétitions avec John, Oakes et Sarah, j’ai eu l’impression de bien cerner le personnage”.

“Luke a très bien appréhendé ce bel homme qui n’est pas encore décati mais dégage déjà une certaine sensation d’échec”, remarque John Crowley. “Larry est assez sympa pour qu’on se dise qu’il y a peut-être une chance que sa relation avec Theo s’améliore… avant qu’on comprenne que ce n’est pas quelqu’un de très bien”.

En tant qu'admiratrice absolue du livre, Sarah Paulson a milité pour obtenir le rôle de Xandra, la petite amie de Larry qui vit avec lui. Elle affirme : “Ce serait un euphémisme que de dire que je suis fan du livre. Pendant que je le lisais, je disais tout haut ‘Si un jour il y avait une adaptation, je voudrais jouer Xandra’. Quand j’ai vu qu’il y allait avoir un film et qu’une des productrices était Nina Jacobson, avec qui je venais de collaborer sur AMERICAN CRIME STORY, je lui ai tout de suite dit : ‘Il faut que je joue Xandra’”.

L’actrice a finalement décroché le rôle après avoir démontré à John Crowley qu’elle avait aussi bien cerné la psychologie du personnage que son allure. Dans la vidéo qu’elle a filmée, elle apparaît en effet vêtue en Xandra des pieds à la tête. Le réalisateur explique qu’il n’avait aucun doute sur les talents d’actrice de Sarah Paulson : “J’ai déjà vu ce dont elle est capable et je l’apprécie beaucoup, mais je savais que ce film était différent de tout ce qu’elle avait fait avant. Tous les acteurs ne peuvent pas se métamorphoser totalement, mais un bon acteur peut le faire et en l’occurrence elle l’a très bien fait. En plus, Sarah adore le livre, elle s’est imprégnée de tous les détails de son personnage et on le ressent dans son jeu”.

Xandra a du mal à cacher son agacement lorsqu’un tiers s’immisce entre elle et Larry : “Je comprends qu’elle se sente sur la défensive”, reconnaît Sarah Paulson. “Tout à coup, sa vie est bouleversée. Elle était libre et heureuse de sillonner les rues de Las Vegas avec son petit ami canon – c’est en tous cas comme ça qu’elle voit Larry – et tout à coup un petit crétin vient mettre un coup de pied dans son existence débridée et sans attache. En soi, elle n’a rien contre Theo, mais il détourne l’attention de son homme. Elle n’a pas signé pour devenir belle-mère, il n’en a jamais été question. De ce point vue, on ne peut pas en vouloir à Xandra d’être un peu jalouse”.

Theo se retrouve donc perdu dans les confins de Las Vegas, au milieu du sable et des rangées de maisons vides dont les biens ont été saisis. Il se découvre alors un nouvel ami en la personne de Boris, un adolescent d’origine russe, rebelle et débrouillard, qui a grandi trop vite. Non seulement Boris et Theo sont les deux seuls gamins à des kilomètres à la ronde, mais ils ont traversé la même épreuve : leurs mères sont mortes tragiquement, et leurs pères sont irresponsables et violents.

Finn Wolfhard, qui joue le jeune Boris, explique que celui-ci a dû inventer ses propres règles de survie : “Il a tout compris tout seul. Il a aussi connu des épreuves, mais il a réussi à l’accepter et il vit la vie à cent à l’heure. Il lit Dostoïevski, fume, boit et raconte n’importe quoi. C’était amusant à jouer : être allongé par terre et dire tout ce qui vous passe par la tête. Mais Boris est aussi très malin pour son âge, et lorsque Theo débarque dans sa vie, il trouve enfin quelqu’un avec qui partager tout ce qu'il a appris”.

Mais en dehors de ses connaissances, Boris est loin d'exercer une bonne influence sur Theo, avec qui il partage aussi son penchant pour l’alcool, la drogue et le vol à l’étalage.

Tout comme pour le rôle de Theo, les auteurs ont rencontré plusieurs acteurs pour celui de Boris. “Aucun d’eux n’avait le charisme du personnage. Il est à la fois assez sournois pour vous causer de sérieux problèmes, et assez rusé pour vous sortir d’affaire. Finn réunit toutes ces qualités”, affirme le réalisateur.

La complicité entre les deux garçons était aussi un facteur important au moment du casting, mais les auteurs ont compris qu’ils avaient trouvé le duo parfait quand Oakes Fegley et Finn Wolfhard se sont rencontrés pendant les auditions. “C’était très amusant car ils n’arrêtaient pas de parler. Je pouvais à peine placer un mot”, signale John Crowley en riant. “Ils se sont tout de suite entendus, ils ont joué et se sont amusés d’une façon qu’on ne peut pas feindre. J’aurais toujours pu essayer de recréer cette relation en tant que réalisateur, mais on ne peut pas forcer deux jeunes à s’entendre aussi bien naturellement. C’était un plaisir de les voir et ils ont continué comme ça pendant tout le tournage. À eux deux, ils nous donnaient une énergie folle”.

Theo et Boris sont totalement livrés à eux mêmes jusqu’à ce qu’un retournement de situation inattendu oblige Theo à quitter Las Vegas. N’ayant nulle part où aller, il achète un ticket de bus pour retourner au seul endroit qui lui soit familier : New York. Des années plus tard, un Theo adulte joué par Ansel Elgort recroise le chemin de Boris, campé cette fois-ci par Aneurin Barnard, et c’est comme si rien n’avait changé.

“Ça se passe souvent comme ça entre les vrais amis”, remarque Aneurin Barnard. “Même si on a passé beaucoup de temps sans se voir ou se parler, on se retrouve immédiatement. Et l’amitié entre Theo et Boris… c’est presque une relation entre deux âmes sœurs, mais sans la dimension amoureuse. Ils sont liés à jamais”.

John Crowley explique : “Boris est un jeune homme qui a fait beaucoup de choses dans sa vie, mais la chance ne lui a pas toujours souri. Il est rongé par le remord et la culpabilité en raison d’événements s'étant produits il y a longtemps, et il est bien décidé à réparer ses erreurs. On voulait un acteur avec une certaine densité et une touche de mélancolie. Anuerin ne manque ni d’étoffe, ni d’expressivité, ni de sensibilité et en plus il est plein d’esprit”.

Aneurin Barnard ajoute : “Dans sa jeunesse, Boris s’est rebellé à coup de drogue et d’alcool. Quand on le retrouve des années plus tard, il est toujours aux prises avec la drogue et l’alcool et il trempe dans des activités assez dangereuses, mais il a le sourire aux lèvres”.

Aneurin Barnard est Gallois et Finn Wolfhard est Américain, les deux acteurs ont donc dû s’entrainer à parler avec un accent russe. Ils ont travaillé avec la coach linguistique Kristina Nazarevskaia pour maitriser cet accent.

Ansel Elgort et Oakes Fegley jouent tous les deux Theo, tout comme Aneurin Barnard et Finn Wolfhard campent tour à tour Boris. Pourtant, John Crowley n’a eu aucune appréhension s'agissant de leur ressemblance physique, et il s’est plutôt attaché à la psychologie du personnage. Ce qui lui importait le plus, c’est que “chacun arrive à incarner la vérité du personnage dans une situation particulière, et ensuite c’était à moi d’assurer la cohérence en matière d’image et d'atmosphère. Je voulais qu’on sente que la vie a marqué durablement Theo et Boris et que au fond, ce qui les rapproche, c’est une immense tristesse”.

L’une des personnes les plus importantes pour Theo reste sans conteste Hobie, incarné par Jeffrey Wright. Hobie est un antiquaire qui vit et travaille à Greenwich Village, et c’est à la fois une figure paternelle et un mentor pour le garçon. Plus tard, il devient son employeur et la voix de la conscience pour l’adulte qu’il est devenu. Jeffrey Wright remarque : “D’une certaine façon, Hobie est comme un refuge pour Theo : la première fois juste après la disparition de sa mère, puis à nouveau quelques années plus tard. Hobie est une source de vie dans un monde qui est en grande partie dépourvu d’amour pour Theo”.

Brad Simpson note : “Jeffrey a toujours été notre premier choix pour le rôle d’Hobie, que beaucoup de gens considèrent comme l'âme du livre. Jeffrey est un des acteurs les plus estimés aujourd’hui et on savait que le public se sentirait aussitôt rassuré par sa présence”.

C'est tout aussi vrai du jeune acteur qui lui donne la réplique. Oakes Fegley déclare : “Au début, j’étais un peu intimidé de jouer avec des icônes comme Jeffrey et Nicole. Mais ensuite, je me suis rendu compte que c’était des personnes géniales, bienveillantes et modestes et ça m’a beaucoup rassuré. Ils m’ont énormément appris”.

Au départ, Theo va voir Hobie pour remplir une mission. Le vieil homme qu’il a rencontré dans les décombres du musée et qui, à l’article de la mort, l’a supplié d’emporter Le Chardonneret, lui a aussi remis une bague en prononçant des paroles mystérieuses : “Hobart et Blackwell – fais sonner la cloche verte”. Blackwell, aussi surnommé Welty, était l’oncle de la jeune Pippa (Aimée Laurence), la jolie jeune fille qui avait retenu l’attention de Theo quelques secondes avant l’explosion, et qui a été grièvement blessée par la bombe.

Quand Theo s'aventure enfin dans la boutique et qu’Hobie l’invite chez lui, le jeune garçon renoue avec un sentiment de paix pour la première fois depuis l’attentat. On comprend donc pourquoi, lorsqu’il s’enfuit de Las Vegas, Theo se précipite chez Hobie qui devient, au sens propre comme au figuré, un phare dans la tempête.

Jeffrey Wright remarque :“Theo retourne à la boutique dans le froid et sous la pluie et il trouve un endroit chaleureux, qui stimule son imagination et sa curiosité. Il se sent chez lui”. L’acteur poursuit : “Je crois qu’on peut établir un parallèle entre la capacité d’Hobie à redonner vie à des meubles anciens et des pièces abandonnées, et sa relation avec Theo : Hobie tente par tous les moyens d’offrir une nouvelle vie à Theo”.

Theo reste auprès d’Hobie : il devient son apprenti puis, une fois adulte, un partenaire de confiance. Mais les choix de vie de Theo, ponctués d’erreurs et de trahisons, mettront bientôt à l’épreuve la relation entre les deux hommes, d’une manière qu’ils n’auraient pu imaginer.

Grâce à Hobie, Theo retrouve Pippa avec qui il entretient un lien très fort, qui s’est noué au cœur de la tragédie. Devenu un homme, Theo tombe amoureux de la jeune femme, mais celle-ci comprend mieux que lui que l’expérience commune qui les rapproche est aussi ce qui les empêchera d’aller au-delà de l'amitié.

Ashleigh Cummings, qui campe Pippa adulte, déclare : “Theo et Pippa ont une relation très complexe. Ils vivent dans un monde qu’eux seuls peuvent comprendre et, pourtant, un immense fossé les sépare qu’ils ne parviennent pas à combler… en tous cas Pippa refuse de le faire. Je pense qu’elle se connaît suffisamment bien pour savoir que tous les deux – 'deux âmes attirées par la mort', d'après le livre – pourraient s’entrainer mutuellement dans une spirale destructrice. Et pourtant, il y a peut-être encore de l’espoir…”

Parmi les acteurs du CHARDONNERET, on compte aussi Willa Fitzgerald sous les traits de Kitsey Barbour adulte, dont la relation avec Theo le ramène enfin au sein de la famille Barbour. Luke Kleintank joue son grand frère Platt, Boyd Gaines interprète M. Barbour et Ryan Foust incarne le jeune Andy Barbour. Denis O’Hare campe quant à lui Lucius Reev, un client qui menace de révéler les mensonges de Theo … dans le passé et dans le présent.

Hailey Wist joue la mère de Theo : on ne la voit que brièvement, ce qui était tout à fait intentionnel de la part de Nina Jacobson :“C’est un personnage important, mais Peter Straughan voulait qu’elle soit absente la majeure partie du film, pour qu’on ressente clairement le vide qu’elle a laissé à sa mort”.

DES REPRODUCTIONS PLUS VRAIES QUE NATURE
Perdre quelque chose qui aurait dû être immortel” ~ Hobie

Le “personnage” éponyme du film n’est que rarement visible : enveloppé maladroitement dans du papier journal, il est caché mais jamais oublié. “Tout au long de l’histoire, certains objets exercent une attraction sur les personnages, tout comme Le Chardonneret exerce une attraction sur Theo”, souligne John Crowley. “Quelle que soit notre définition de l’art, la plupart des gens s’accordent à dire que c’est quelque chose qui doit être vu. L’idée de dissimuler une œuvre d’art, d’en priver l’humanité, va complètement à l’encontre de l’élan créatif. Si une œuvre parvient, en dépit des différences culturelles et du temps qui passe, à toucher quelqu’un, à le faire se sentir moins seul et davantage en paix avec lui-même et proche d'autrui, alors cette œuvre a forcément de la valeur”.

L’œuvre d’art inestimable qui est au cœur du récit fait partie des collections permanentes du Musée Mauritshuis de la Haye, aux Pays-Bas. Heureusement, le Mauritshuis a réussi à fournir une copie parfaite du tableau. Le chef décorateur K. K. Barrett explique :“Le musée a utilisé une imprimante 3D pour scanner la surface du tableau et la reproduire à l’échelle, couche par couche. J’avoue que j’avais des doutes. Je craignais que cela ressemble à une reproduction de mauvaise qualité, mais quand j’ai pu la comparer à l’œuvre originale, j’ai été très impressionné par la ressemblance. Pour certaines prises, on a zoomé numériquement sur l’œuvre, et ensuite un artiste décorateur a peint par-dessus le visuel pour reproduire les coups de pinceau et les textures du tableau d’origine”.

Au cours de leur visite au Mauritshuis, les auteurs étaient aux premières loges pour découvrir le chef-d’œuvre bien aimé de Carel Fabritius, qui a survécu à l’explosion du baril de poudre qui a tué son créateur en 1654. “C’était une expérience très forte de voir Le Chardonneret”, se souvient John Crowley. “On a l’impression qu'une lumière émane de lui, et où que vous soyez, vous avez l’impression que ce petit oiseau vous regarde. Je pense que quiconque se retrouve face à ce tableau ressent forcément une émotion difficile à expliquer. Pour moi, c’est ce qui caractérise une véritable œuvre d’art”.

Les conservateurs du Mauritshuis ont généreusement proposé à toute l’équipe une conférence sur les maîtres flamands, thème de l’exposition du Metropolitan Museum de New York que Theo et sa mère visitent le jour du drame.

De l’autre côté de l’Atlantique, le Met a aussi joué un rôle déterminant pour permettre à l’équipe de K. K. Barrett de créer l’exposition dans le film. La productrice exécutive Mari Jo Winkler-Ioffreda déclare :“Il y avait évidemment quelques réticences à présenter une attaque terroriste dans un musée, mais ils savaient que c’était une fiction tirée d'une œuvre littéraire majeure et reconnue. John Crowley a parfaitement exposé sa vision du film et a convaincu ses interlocuteurs. Ils ont accepté de nous présenter leurs conservateurs, qui nous ont permis de mettre en place une exposition crédible”.

Les copies des œuvres d’art exposées ont été créées à partir d’images en haute définition fournies par le Met, le Mauritshuis, le Rijksmuseum et d’autres musées. Les départements du graphisme et des décors ont effectué des tirages photographiques de ces visuels et y ont ajouté de la texture pour leur donner l’aspect d’une œuvre ancienne. Plus de 80 reproductions, dont la célèbre “Leçon d’Anatomie” de Rembrandt, on été créées pour la séquence au musée.

LE TOURNAGE
Je ne l’ai pas fait exprès… mais j’ai éteint une lumière au cœur du monde”. ~ Theo Decker

NEW YORK

Il n’était pas possible de filmer à l’intérieur du Met puisque une explosion est censée s'y produire. Le département artistique de K. K. Barrett a donc reconstitué plusieurs salles du musée dans un grand entrepôt à Yonkers, souvent utilisé pour des tournages.

Qu’il soit endormi ou réveillé, Theo fait souvent des cauchemars où lui reviennent des images de la terrible explosion et de la scène qui s’en est suivi. Le directeur de la photographie Roger Deakins explique son approche de cette séquence essentielle : “Ce qui importe, c’est la façon dont Theo se remémore l’événement. On s’est dit que ça fonctionnerait mieux si on voyait surtout des détails, et pas forcément l’explosion dans son ensemble. John voulait qu’au réveil de Theo, il se retrouve dans la poussière, dans un champ de ruines, comme pour faire écho à ses sensations. On a donc travaillé à partir de ça”.

“Roger pense par images”, relate John Crowley. “Il est comme moi : il aime comprendre tout ce qui se passe dans l’histoire et tout ce qui se déroule en arrière-plan de la scène. On a lu le scénario ensemble et on a décidé dès le départ qu’on allait jouer avec la mise au point pour suggérer le rapport de Theo à ses propres souvenirs et sa peur de perdre ceux de sa mère. L’image de sa mère qui s’éloigne revient sans arrêt dans le film : c’est un repère visuel qui révèle d’autres aspects du film”.

La scène en extérieur qui suit l’explosion a été tournée sur les marches devant le musée. On y voit l’arrivée des secours tandis que Theo, encore sous le choc, émerge des décombres sous une pluie battante. Cette scène est courte mais elle a été complexe sur le plan logistique car il a fallu tourner très tôt le dimanche matin et boucler la séquence à temps pour l’ouverture du Met au public.

Pour le grand appartement des Barbour, où Theo se réfugie en premier, les équipes ont d’abord cherché des logements sur Park Avenue. Roger Deakins reconnaît cependant :“On s’est rendu compte que ce ne serait pas pratique de filmer dans les étages en raison de tous les câbles dont on avait besoin”.

K. K. Barrett et son équipe se sont donc installés dans une maison à Rye, dans l'État de New York, qui selon le chef décorateur “ressemblait à certains appartements qu’on avait repérés. On a veillé à supprimer tout indice qui aurait pu révéler qu’on était dans une maison, et c’est devenu l’appartement des Barbour”.

K. K. Barrett a composé cet intérieur dans des tonalités froides, avec une palette de bleus qu’on retrouve, selon John Crowley, dans la garde-robe de Mme Barbour, pendant la première partie du film. Dans la seconde moitié, on sent que la maison a été négligée depuis quelques années.

Le réalisateur poursuit : “Notre costumière Kasia Walicka Maimone a fait un travail formidable. Elle ne s’est pas contentée d’habiller les acteurs : elle a exprimé la personnalité de leurs personnages en concevant individuellement chaque garde-robe, depuis le choix des couleurs jusqu’à l’aspect plus ou moins usé des vêtements”.

Le magasin d’antiquités de Hobie est bien loin de Park Avenue : il est niché dans Greenwich Village avec un atelier au sous-sol et un appartement à l’étage. K. K. Barrett remarque :“On a deux visages distincts de New York : le centre plus bohème et les quartiers résidentiels plus chics”.

Ansel Elgort ajoute : “En tant que New-Yorkais, j’apprécie de voir différents aspects de la ville. Quand Theo vit chez les Barbour, il vit au cœur de l’Upper East Side, riche et guindé. Puis, quand il va à Greenwich, on ressent une ambiance beaucoup plus artistique et bohème. Mais dans les deux cas on est bien à New York, et cela forme un tout”.

L’atelier encombré a été construit dans l’entrepôt de Yonkers tandis que le magasin en lui-même a été reconstitué dans un restaurant de la 7e avenue. Les scènes en extérieurs ont été tournées à Greenwich Village. Pendant le tournage du CHARDONNERET à New York, le studio et les auteurs ont noué un partenariat avec NYC Film Green, dispositif précurseur qui attribue aux films des labels de développement durable.

Pendant tout le tournage – y compris les scènes à Albuquerque et Amsterdam – l’équipe du tournage s’est conformée aux recommandations du Guide de tournage éco-responsable de la Producers Guild of America. Les acteurs et l’équipe technique ont soutenu cette initiative et y ont largement contribué.

Sous l’impulsion de Mari Jo Winkler-Ioffreda, leurs efforts conjoints ont permis de réduire les déchets et la consommation d’énergie et de bénéficier aux habitants, ce qui en fait un des tournages les plus écologiques de l’histoire. Parmi les réussites du film, on peut citer : 74% de déchets évités à New York grâce au recyclage, au compostage et au don de matériaux, 68 000 bouteilles en plastique non consommées grâce à l’utilisation de bouteilles réutilisables, 4270 repas offerts aux centres d’accueil et banques alimentaires, l’utilisation de véhicules hybrides pour réduire la consommation de carburant, la réutilisation de matériaux utilisés sur de précédents tournages… Par conséquent, le film a été récompensé par le NYC Green Film remis par le Maire de New York, et un EMA Gold Seal décerné par la Environmental Media Association.

LAS VEGAS À ALBUQUERQUE

Quand le père de Theo arrive et l’emmène avec lui, le jeune garçon se retrouve coupé du monde dans la lointaine banlieue de Las Vegas, à plus de 4000 kilomètres de la vibrante métropole new-yorkaise. K. K. Barrett explique : “Il est passé des quartiers résidentiels aux coins bohèmes de New York… avant de sortir complètement de la ville. Pour un gamin qui a grandi en ville, c’est un vrai choc non seulement d’être dans le désert, mais d’habiter dans un lotissement perdu au milieu de nulle part. Les maisons sont immenses mais elle n’ont aucun personnalité et aucune âme”.

Elles n’ont pas vraiment d’habitants non plus. Theo, son père et Xandra ont échoué au bout d’un cul-de-sac désert.

Pour les scènes à Las Vegas, tournées aux alentours d’Albuquerque, John Crowley voulait créer un environnement “totalement dépourvu d'histoire, dépouillé et d’un beige délavé”. Il précise :“Je voulais qu’aucun objet ne soit plus vieux que Theo et Boris et que tout, autour d’eux, ait un air totalement étranger. Cette partie du film est une sorte de parodie d’une vie de famille qui aurait été détournée et dénuée d’émotions. Ces deux enfants sauvages se retrouvent donc livrés à eux-mêmes”.

Roger Deakins explique comment lui et son équipe ont accentué la différence entre la métropole et le désert : “La plupart des scènes à Las Vegas ont été tournées volontairement sous un soleil de plomb, pour obtenir cet effet ardent et décoloré. Les intérieurs étaient aussi éclairés avec une lumière crue par opposition aux scènes new-yorkaises qui ont une atmosphère plus sombre et feutrée”. Au-delà de l’éclairage : “Nous avons aussi choisi des objectifs un peu plus larges pour composer des paysages plus ouverts, stériles et hostiles aux yeux de Theo”.

Dans une scène mémorable qui se déroule la nuit, le réalisateur a fait un choix différent. Theo et Boris sont livrés à eux-mêmes le soir de Thanksgiving. Après une conversation bouleversante sur leur sentiment d’abandon et de culpabilité, ils sautent dans la piscine plongée dans le noir. Pour réussir cette scène sous l’eau, Roger Deakins raconte : “On s’est servi d’un système HydroFlex monté sur une grue, une sorte de protection sous-marine pour la caméra Alexa. Je pouvais piloter la caméra depuis la grue, si bien qu'on n’avait pas besoin d’un plongeur. La piscine n’était pas très profonde, à peine 3 mètres, mais on devait installer la caméra au fond de la piscine pour obtenir un angle suffisamment large”.

Un autre défi s’est présenté pour Oakes Fegley et Finn Wolfhard. John Crowley se rappelle : “La nuit, il fait un froid glacial à Albuquerque. On a chauffé un peu la piscine, mais on ne voulait pas qu’il y ait de la vapeur qui sorte, car la piscine n’est pas censée être chauffée. La scène était difficile pour les deux acteurs parce qu’on attendait des gestes très précis de leur part mais ils ne pouvaient pas voir sous l’eau et devaient y aller à tâtons. On s’y est repris à plusieurs fois, et on a donc installé une sorte de jacuzzi de fortune avec de l’eau chaude pour qu’ils se réchauffent entre les prises”.

AMSTERDAM

Amsterdam était le dernier lieu de tournage, et pour les auteurs il était impossible de se contenter d’un substitut. K. K. Barrett confirme : “On ne pouvait pas filmer ailleurs qu’à Amsterdam. Il n’y a aucune ville qui y ressemble même si au départ New York s’appelait la Nouvelle-Amsterdam. C'est l'intrigue qui nous y a conduits et on était emballés d’y aller”.

Roger Deakins se souvient : “À un moment donné, il était question de construire la chambre d’hôtel sur un plateau et d’utiliser un Translight en arrière-plan, mais pour moi il était important que l’arrière-plan soit réel. Finalement, on a tourné dans un appartement que K. K. Barrett a aménagé en chambre d’hôtel. On avait une vue magnifique sur les canaux qui sont tellement typiques d’Amsterdam et donnent au film une vraie authenticité”. L’aide des équipes néerlandaises a aussi été précieuse pour les auteurs qui ont pu tourner tout ce dont ils avaient besoin en seulement cinq jours.

“Le film commence à Amsterdam et atteint son dénouement au même endroit”, note John Crowley. “C’est à cet endroit que le monde de l’art se mêle à celui du crime. C’est Le Chardonneret qui emmène Theo loin du monde raffiné des antiquités de New York, dans un milieu louche et véreux… et plus précisément dans un parking sous-terrain d’Amsterdam”.

LA RÉSOLUTION
Miracle après miracle, il réussit finalement à survivre.” ~ Hobie

Après le tournage, John Crowley s'est attelé à la postproduction, en collaboration avec la monteuse Kelley Dixon et le compositeur Trevor Gureckis.

Le réalisateur remarque : “Nous avons eu la chance de travailler avec Trevor, une étoile montante de la musique, pour la bande originale du film. En guise d’audition, il a écrit douze minutes de musique pour le film, alors qu’il n’était même pas sûr d’être engagé. Mais c’est bien sûr lui qu’on a retenu”.


Trevor Gureckis raconte :“Je voulais créer un maillage musical avec de la musique électro moderne et un orchestre pour souligner le travail remarquable accompli dans les scènes. Je voulais saisir ce que ressentent les personnages”.

Selon lui, le thème central de la musique est inspiré du parcours de Theo : “Il essaie toujours d’atteindre quelque chose. De la même façon, la musique poursuit toujours sa propre résolution : tout le cadre de la composition est conçu autour d’un accord qui n’est jamais résolu jusqu’à un moment paroxystique bien particulier”.

“Trevor a transcrit musicalement l’idée que Roger et moi-même avions eue pour exprimer le rapport de Theo avec les souvenirs de sa mère au Met”, affirme John Crowley : “Il a composé une phrase musicale répétitive qui s'achève à chaque fois sur une note qui n’apporte pas de conclusion mais maintient une certaine tension. Puis, quand on voit le jeune Theo et sa mère, qu’on l’entend parler et qu’on découvre son visage pour la première fois, Trevor laisse en quelque sorte la musique s’envoler”.

Le réalisateur remarque : “C’est une façon de reconnaître tout ce que la mère de Theo lui a transmis avant ce jour fatal – un événement terrible et irréversible. Elle lui a appris à déceler la beauté, la façon dont les beaux objets peuvent s’immiscer dans nos vies et créer des liens entre les êtres à travers le temps. Selon moi, c’est un message très important sur ce qui fait l’essence de notre humanité”.  


Source et copyright des textes des notes de production @ Warner Bros. France

  
#Chardonneret

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