mardi 22 octobre 2013

Back to the future






Science fiction/Une expérience cinématographique hors du commun

Réalisé par Alfonso Cuarón
Avec Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris...

Long-métrage Américain/Britannique
Durée : 01h30mn
Année de production : 2013
Distributeur : Warner Bros. France

Date de sortie sur les écrans U.S. : 4 octobre 2013
Date de sortie sur les écrans britanniques : 8 novembre 2013 
Date de sortie sur nos écrans : 23 octobre 2013 


Résumé : Pour sa première expédition à bord d'une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l'astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu'il s'agit apparemment d'une banale sortie dans l'espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l'univers. Le silence assourdissant autour d'eux leur indique qu'ils ont perdu tout contact avec la Terre - et la moindre chance d'être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d'autant plus qu'à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d'oxygène qu'il leur reste.

Mais c'est peut-être en s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité terrifiante de l'espace qu'ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre...

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai pensé : GRAVITY est une expérience cinématographique à part. Vous avez une sensation d'immersion étrange, elle est hyper réaliste. Vous faites un voyage dans l'espace. Du fait de la 3D, j'ai eu l'impression d'être transportée dans l'écran et de vivre l'aventure avec les personnages. C'est à la fois prenant, anxiogène et vraiment étonnant.

Les dix premières minutes du film, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans le sujet. C'est réellement un nouveau type de cinéma que le réalisateur, Alfonso Cuarón, nous propose et il faut le temps de s'adapter à cette vision inhabituelle. C'est un peu de la magie de réussir à faire croire aux spectateurs qu'ils voient un film tourné dans l'espace, on s'y croirait!

Passé les premières minutes, d'un coup, j'ai été happée par ce qu'il se passait à l'écran et je suis restée scotchée aux moindres mouvements et respirations du Docteur Ryan Stone, interprétée par Sandra Bullock. Elle prouve une fois de plus qu'elle peut tout jouer. Elle est complètement crédible en tête d'affiche de ce film spectaculaire et hors norme.



Georges Clooney, qui interprète Matt Kowalski, s'en sort très bien, mais premièrement il a un rôle moins important et deuxièmement, il fait jouer son charme habituel, certes fort sympathique, mais sans rien y apporter de nouveau.



Le scénario du film bénéficie d'une mise en scène extraordinaire. Les images sont d'une grande beauté. L'histoire en elle-même reste simple. J'ai beaucoup aimé le thème sous-jacent. Il est émotionnellement fort
Je vous conseille d'aller découvrir ce film en 3D car elle est magnifique et sur très grand écran pour vous laisser transporter par les sensations incroyables que GRAVITY procure.


NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)

À 600 km au-dessus de la Terre, la température oscille entre – 100° et + 125° C. 
Il n'y a rien pour propager le son. 
Pas de pression atmosphérique. 
Pas d'oxygène. 

Toute vie dans l'espace est inconcevable. 

"J'ai toujours été fasciné par l'espace et l'exploration de l'espace", déclare Alfonso Cuarón, réalisateur, producteur et coscénariste de GRAVITY. "D'un côté, l'idée de s'affranchir de notre bonne vieille Terre est assez mythique et romantique. Mais, de l'autre, ce n'est pas très logique de s'aventurer si haut alors que la vie se trouve sur le plancher des vaches". 

À l'heure actuelle, nombreux sont ceux qui travaillent à des centaines de kilomètres au-dessus de la Terre, en prenant des risques incalculables. Les dangers propres au voyage dans l'espace n'ont cessé de croître depuis que l'homme a décidé de s'aventurer au-delà de l'atmosphère terrestre… et ces dangers sont d'origine humaine. Les déchets issus de missions antérieures et de satellites hors d'usage ont généré d'innombrables débris susceptibles de provoquer une catastrophe en quelques secondes. La NASA a même baptisé le phénomène, le syndrome de Kessler. 

David Heyman, producteur du film, ajoute : "C'est un vrai problème. Chaque vis ou bout de ferraille qui a été abandonné ou jeté se retrouve en orbite et lorsqu'ils se percutent, ils créent davantage de débris encore. Cela met en danger la vie des astronautes, les vaisseaux spatiaux, voire les êtres humains sur Terre". 

Dans le rôle du docteur Ryan Stone, qui vit son baptême de l'espace, Sandra Bullock s'est renseignée sur le phénomène auprès d'astronautes : "Je pensais que les astronautes aimaient voyager dans l'espace parce qu'ils avaient le goût du frisson et de l'aventure", dit-elle. "En discutant avec eux, j'ai été très touchée par leur profond attachement à cet univers et par leur point de vue unique sur la Terre, à partir duquel ils peuvent observer les océans, les chaînes de montagne et les lumières des villes. C'est impressionnant de constater à quel point nous sommes tout petits dans ce vaste univers". 

George Clooney, qui partage l'affiche du film avec Sandra Bullock, précise : "J'ai grandi à l'époque de la conquête de l'espace, et je suis vraiment issu de cette génération. 

J'ai toujours été séduit par l'exploration de l'espace, et suis très impressionné par ceux qui s'y aventurent. Ce sont les derniers grands pionniers". 

Mais cette exploration a entraîné des conséquences. Comme l'indique Sandra Bullock, "C'est terrible de penser que non contents de détruire notre propre planète, nous produisons des déchets, invisibles à l'oeil nu, mais qui tournent en orbite autour de la Terre". 

C'est ce postulat de départ qui donne lieu à un combat acharné pour rester en vie dans GRAVITY, où le spectateur est projeté aux confins de l'espace. 

Le film débute au-delà de l'atmosphère terrestre, là même où la navette Explorer est en orbite, dans un silence assourdissant. La scientifique Ryan Stone, attachée à un bras articulé, installe un nouveau dispositif de scan sur le Télescope Hubble. Tandis que l'apesanteur provoque un sentiment de malaise visible chez le docteur Stone, le chef de la mission Matt Kowalski (George Clooney) est, à l'inverse, parfaitement décontracté. Pour son dernier voyage dans l'espace, celui-ci prend le plus grand plaisir à tester un réacteur dorsal ultrasophistiqué qui lui permet de se déplacer librement, sans être retenu par un câble. 

À l'autre bout de la Terre, la destruction délibérée d'un satellite hors d'usage a propagé des fragments de métal coupants à travers l'espace qui risquent désormais de heurter brutalement Explorer. L'inévitable impact est catastrophique : il détruit la navette, dont Ryan Stone et Kowalski sont les seuls rescapés. Toute communication avec la mission de contrôle est coupée et, du coup, les deux survivants n'ont plus aucune chance d'être secourus. Livrés à eux-mêmes dans l'univers, Ryan Stone et Kowalski doivent dépasser leurs propres limites et se ressaisir s'ils veulent un jour revenir sur Terre. 

Coécrit par Alfonso Cuarón et son fils Jonás, GRAVITY est le fruit de leur première collaboration officielle. "C'est Jonás qui m'a souvent inspiré", confie le réalisateur. "J'ai été frappé par son sens du rythme dans une situation où la moindre décision peut être fatale et qui s'attache au point de vue d'un seul personnage. Mais dans le même temps, le fait de situer l'intrigue dans l'espace nous a permis d'enrichir la dramaturgie et de multiplier les interprétations métaphoriques". 

Jonás Cuarón acquiesce : "Le contexte de l'espace nous intéressait tous les deux. C'est un lieu où il n'est pas facile de rester en vie, à des milliers de kilomètres de la Terre, si bien que c'était un cadre idéal pour parler de personnages obligés d'affronter l'adversité et de trouver un moyen de rentrer sur notre planète. On voulait aussi que l'histoire soit réaliste, ce qui nous a contraints à entreprendre des recherches approfondies pour mieux connaître l'exploration spatiale et écrire ensuite un scénario crédible". 

Très en amont, Alfonso Cuarón a contacté le producteur David Heyman avec qui il avait collaboré pour HARRY POTTER ET LE PRISONNIER D'AZKABAN. Heyman était 

enchanté de retravailler avec le cinéaste. "Je me suis senti flatté qu'il me demande de participer au projet", dit-il. "Alfonso fait partie des grands cinéastes actuels, et son imagination, comme sa créativité, sont infinies. Il inspire son entourage et met en valeur les qualités de ses collaborateurs". 

"Ce qui m'a plu dans le scénario, c'est qu'à certains égards il s'agit d'un film de genre, mais que c'est aussi bien plus que ça", reprend-il. "Comment passer à côté d'un tel projet ? C'est alors qu'il a fallu se colleter à la réalité du tournage". 

Les auteurs n'ont pas tardé à se rendre compte qu'il leur faudrait repousser les limites de la mise en scène traditionnelle pour raconter une histoire qui se déroule intégralement en apesanteur. "Je dois dire que j'ai été un peu naïf car je pensais que le tournage serait beaucoup plus simple", reconnaît Cuarón. "Certes, j'étais conscient qu'il nous faudrait quelques effets spéciaux, mais ce n'est que lorsqu'on a essayé d'utiliser des techniques traditionnelles que je me suis aperçu qu'on allait devoir mettre au point un dispositif inédit pour réaliser le film tel que je l'envisageais". 

Pour y parvenir, le cinéaste a fait appel au chef-opérateur Emmanuel “Chivo” Lubezki et au superviseur effets visuels Tim Webber, de la société Framestore. "Dès le départ, Chivo, Tim et moi avons souhaité que les plans soient réalistes, à tel point qu'on ait l'impression qu'on s'est contenté de filmer l'espace", signale Alfonso Cuarón. "Cela aurait été mon rêve, mais, bien entendu, c'était irréalisable". 

En d'autres termes, les auteurs ne voulaient pas d'un univers de science-fiction trop éloigné de la réalité, mais au contraire, ils souhaitaient dépeindre, sans concession, la situation de deux êtres humains coincés dans le lieu le plus hostile à l'humanité. 

Mais pour atteindre un tel objectif, la production a dû faire preuve d'inventivité. 

Les auteurs ont donc mis au point plusieurs systèmes pour créer l'illusion que les acteurs sont bel et bien dans l'espace de manière à la fois convaincante et réaliste. 

Webber a suggéré au réalisateur qu'il fallait imaginer un environnement entièrement virtuel. Alfonso Cuarón s'explique : "Au départ, j'étais sceptique, car je voulais utiliser des décors en dur autant que possible. Mais après avoir testé plusieurs techniques, il est apparu que Tim avait raison". 

Par conséquent, GRAVITY mêle prises de vue réelles, animation informatique et infographie. C'est ainsi que l'équipe technique a numérisé les décors, les arrière-plans et les costumes. 

Mais pour donner le sentiment que le film se déroule dans l'espace, il était surtout primordial de créer l'illusion de l'apesanteur. Étant donné le goût du cinéaste pour les plans-séquences, le recours habituel aux câbles était exclu, tout comme l'utilisation d'un vol parabolique : il s'agit d'un avion baptisé "vomit comet" qui prend de l'altitude, puis redescend en piqué, ce qui crée une situation de microgravité pendant quelques secondes. "Avec les câbles, on voit que l'acteur fait un effort car il est encore retenu par la gravité", note le réalisateur. "Et la 'vomit comet' ne fonctionne que pour des plans très brefs, et encore, tout le monde ne la supporte pas très bien". 

La production a donc fait appel à des techniques révolutionnaires pour plonger les personnages – et le spectateur – dans l'espace intergalactique. Certes, des câblages ont été utilisés, mais le superviseur Effets visuels Neil Corbould et son équipe ont mis au point un système d'une douzaine de câbles qui, avec l'aide de marionnettistes, a créé l'illusion que Sandra Bullock "flottait" pour certaines scènes. 

Pour d'autres séquences, les comédiens étaient attachés à des dispositifs capables de les faire pivoter ou de les incliner à des degrés divers. Cuarón et Lubezki ont également tourné des plans audacieux en fixant la caméra à des bras robotisés, semblables à ceux utilisés dans l'industrie automobile. 

Le dispositif le plus ingénieux mis au point par Lubezki et Webber est sans doute la "Light Box" : il s'agit d'une sorte de cube creux, dont les parois intérieures sont constituées de larges panneaux munis de minuscules lampes LED. Comme son nom l'indique, le but de la Light Box consiste à éclairer un comédien avec précision, y compris, par exemple, dans la scène captivante où Ryan tournoie dans l'espace sans pouvoir se stabiliser. Avec un éclairage traditionnel, cet effet n'aurait pas été concevable. 

Les lampes, les caméras fixées sur des bras robotisés et les systèmes de rotation ont pu être activés de manière synchrone grâce à des ordinateurs, permettant à Cuarón et à son équipe de faire pivoter l'univers, pour ainsi dire, autour des acteurs et créant ainsi l'illusion que ce sont les personnages qui se déplacent à travers l'univers. 

D'entrée de jeu, GRAVITY a été conçu comme un film en 3D. Jonás Cuarón souligne : "Dès le départ, on voulait tourner ce film en 3D car il nous semblait essentiel que le spectateur se sente immergé dans l'espace, comme dans l'histoire". 

"Pour autant", nuance le réalisateur, "il ne s'agissait pas d'abuser d'effets jaillissants sous prétexte de tourner en 3D. On a essayé d'être subtil… pour donner le sentiment au spectateur qu'il participe au voyage". 

En dépit des avancées technologiques mises au point pour GRAVITY, c'est le parcours personnel des personnages – et notamment de Ryan, seule pendant l'essentiel du film – qui comptait le plus aux yeux des auteurs. 

"Je crois que le film parle de ce qui nous motive à prendre sur nous lorsqu'on a le sentiment qu'il n'y a plus d'espoir", signale Sandra Bullock. "Qu'est-ce qui nous pousse à faire un effort supplémentaire, au cas où cela en vaudrait la peine ?" 

"Au début de l'histoire, cette femme, qui a perdu un enfant, ne laisse plus aucune place à l'émotion", renchérit Heyman. "Et puis, elle redécouvre une raison de vivre et se bat pour rester en vie". 

"Pour nous, GRAVITY ne parle pas seulement de la pesanteur qui retient l'être humain, mais surtout de ce qui nous rattache à nos racines", ajoute Jonás Cuarón. 

"Tout le film est ponctué de plans magnifiques de la Terre, montrée comme le berceau de toute vie", signale le cinéaste. "Et au-dessus de la Terre, une femme, totalement déracinée, flotte dans l'espace. Nous voulions explorer le potentiel métaphorique d'un personnage perdu dans l'espace qui s'enfonce dans l'univers, victime de sa propre force d'inertie, et qui s'éloigne de plus en plus de la Terre, où se concentrent l'élan vital et les rapports humains. Au-delà des effets et des technologies, il était essentiel que le combat de Ryan apparaisse comme l'allégorie d'un être qui doit surmonter l'adversité et traverser les épreuves de la vie. Car la trajectoire de Ryan est celle d'une renaissance". 

KOWALSKI 

Houston, à l'aveugle. Je répète : le docteur Stone et le chef de mission Matthew Kowalski sont les seuls rescapés du STS-157. 

Pour l'interprète de Ryan, constamment présente à l'image, Cuarón était conscient qu'il lui fallait une comédienne capable de gérer les contraintes physiques et psychologiques du rôle, tout aussi difficiles les unes que les autres. Il a choisi Sandra Bullock qui, selon Heyman, est "une actrice brillante qui se donne à fond. Elle a fait de Ryan un personnage authentique et convaincant". 

Quand on fait la connaissance du docteur Ryan Stone, elle se consacre exclusivement à son travail, et ne s'intéresse pas à la conversation détendue entre les 

astronautes et la mission de contrôle. Même les inépuisables anecdotes de Matt Kowalski – que les ingénieurs de Houston connaissent par coeur – ne la distraient pas de sa tâche, à savoir mettre en place un nouveau système de scan sur le Télescope Hubble. Cependant, c'est une tragédie personnelle, et non son travail, qui expliquent sa concentration et son détachement. 

"Ryan a perdu un être cher", souligne la comédienne. "Quand j'ai commencé à réfléchir au personnage, je me suis demandé comment je réagirais à sa place, et je ferais sans doute exactement comme elle. Elle s'est repliée sur elle-même. Lorsque j'ai parlé de Ryan avec Alfonso, on s'est aperçu qu'on avait la même conception du personnage, et qu'on se posait les mêmes questions à son sujet. Pourquoi nous replions-nous sur nous-mêmes quand nous subissons un drame, alors que c'est le contact humain qui pourrait nous sauver ? Est-ce fréquent en cas de coup dur de refuser de se faire aider ? En un sens, l'histoire de Ryan illustre à merveille l'adage 'Prenez garde à vos désirs' : elle voulait être seule, et son voeu a été exaucé". 

"L'un des thèmes principaux du film est justement la solitude", reprend Cuarón. "Mais cela peut s'avérer très angoissant pour un acteur de se retrouver seul à l'image pendant longtemps, sans avoir de partenaire. Avec Sandra, nous avons pas mal discuté pour trouver le juste équilibre entre les propos qu'elle pourrait tenir et les gestes qu'elle pourrait faire afin d'exprimer les sentiments du personnage. Nous avons convenu que Ryan devait rester un minimum ambiguë dans son attitude, tout en lui donnant un ancrage émotionnel. Je crois que Sandra est allée puiser dans les recoins les plus sombres de son être pour jouer le rôle : elle m'a comblé et je lui en suis très reconnaissant". 

L'actrice ne tarit pas d'éloges à l'égard du metteur en scène : "J'ai rarement eu une telle complicité avec un réalisateur", dit-elle. "J'admire Alfonso depuis très longtemps, mais ce tournage a dépassé toutes mes attentes. C'est un grand cinéaste qui fait en sorte que ses collaborateurs donnent le meilleur d'eux-mêmes. C'est aussi un être humain merveilleux. D'ailleurs, un homme qui n'a pas sa profondeur émotionnelle, philosophique et spirituelle n'aurait pas accompli un tel résultat". 

Si certaines facettes du personnage ont évolué au gré des discussions de la comédienne avec le réalisateur, d'autres avaient été établies d'emblée. Par exemple, le personnage, dès le départ, était une femme. "Il était crucial, à nos yeux, que le personnage central soit une femme car on se disait qu'il y avait un lien vital entre sa présence maternelle et la Terre", affirme Jonás Cuarón. 

Par ailleurs, il fallait que Ryan soit une astronaute inexpérimentée envoyée dans l'espace pour son expertise scientifique. "Bien entendu, elle a subi un entraînement, mais 

c'est une scientifique, pas une pilote", reprend-il. "Du coup, quand la navette est détruite, elle ne sait pas du tout comment gérer une telle situation de crise". 

Le réalisateur ajoute : "Quand nous sommes face à l'adversité, nous devons nous dépasser nous-mêmes. En ce qui concerne Ryan, il fallait en faire une astronaute novice. Mais pour que l'ensemble soit cohérent, il nous fallait aussi une sorte de mentor – un personnage capable de la guider et de lui venir en aide en cas de besoin". 

Il s'agit de Matt Kowalski, interprété par George Clooney. Celui-ci a notamment été séduit par le scénario : "En tant qu'acteur, c'est avant tout le script qui est déterminant, et j'ai adoré celui de GRAVITY", remarque-t-il. "J'ai aussi beaucoup aimé le personnage, et je me suis dit que j'allais prendre du plaisir à le jouer". 

Par ailleurs, c'était l'occasion pour l'acteur de travailler avec deux personnes qu'il admire particulièrement : "Sandy est une amie depuis très longtemps, mais nous n'avions jamais trouvé de projet convaincant dans lequel on ait envie de tourner ensemble. J'ai beaucoup de respect pour elle, et j'étais très heureux de l'avoir comme partenaire. Quant à Alfonso Cuarón, c'est l'un des réalisateurs les plus passionnants et les plus doués de sa génération. Je tiens LES FILS DE L'HOMME pour un chef d'oeuvre et je souhaite travailler avec lui depuis un bon moment. C'était donc une formidable opportunité et je suis fier d'avoir participé à ce projet". 

Pour le cinéaste, Kowalski offre "un contrepoint à Ryan. Matt est totalement à son aise dans cet environnement, et il est aussi convivial que Ryan est introvertie. Si on devait s'aventurer dans l'espace, Matt est l'homme qu'on aimerait avoir pour guide". 

Le sentiment est largement partagé sur le plateau. "George est une force de la nature", signale Sandra Bullock. "À bien des égards, il ressemble à son personnage car c'est Matt qui humanise les situations du film – et il aime observer le monde depuis l'espace. Mais le plus galvanisant chez George, ce n'est pas tant son visage que sa voix. C'est elle qui donne le sentiment qu'il s'agit d'un ami : on sent qu'il a du vécu et, du coup, il est rassurant. Et c'est ainsi que Ryan se sent en présence de Matt. Cela correspond aussi à la manière dont George fonctionne – jusqu'à ce qu'il s'attire des ennuis, et c'est alors qu'il vaut mieux être sur ses gardes !" 

Les blagues de Clooney font désormais partie de la légende hollywoodienne, mais la technologie imposée par les conditions de tournage l'a contraint à rompre avec ses habitudes. "Il fallait respecter une certaine discipline", dit-il. "Du coup, je m'en suis remis aux experts, à commencer par Alfonso. Pour autant, c'était un vrai plaisir de travailler avec Sandy, et on s'est franchement bien amusés". 

"Sandra et George ont un humour caustique, et ils ne cessaient de se renvoyer la balle", souligne Heyman. "Ils n'épargnaient personne ! C'était un bonheur absolu de les avoir sur le plateau. Non seulement ils s'investissent totalement dans leur travail, mais ils sont très doués et respectent toute l'équipe". 

RYAN 

Comment es-tu arrivé jusqu'ici ? 

KOWASKI 

Si je te le disais, tu aurais du mal à me croire… 

La prévisualisation 

Hormis la prestation des comédiens, l'essentiel du film a été tourné en mêlant harmonieusement infographie et animation informatique. 

Tout a commencé par ce qu'on appelle la prévisualisation : à cette étape, l'intégralité du film est soigneusement élaborée sur l'ordinateur, du déplacement des comédiens aux angles de prises de vue, des éclairages aux décors. 

Le superviseur Effets visuels raconte : "Ce processus peut être rudimentaire, mais pour GRAVITY, nous sommes allés beaucoup plus loin que d'habitude. Il fallait qu'on explore le moindre plan en détail, car énormément de scènes devaient être animées sur ordinateur. Le plus important, c'est que les séquences infographiques soient parfaitement réalistes. En effet, il ne s'agit ni d'un dessin animé, ni d'un film de science-fiction – bien au contraire, tout devait être absolument authentique, si bien qu'on devait avoir une idée précise du style et de la cohérence de l'ensemble. On a essentiellement utilisé des dessins qui nous ont servi de références pour les personnages et les mouvements d'appareil, mais Alfonso a également manié la caméra, lui permettant de visionner des images virtuelles sur l'écran. Du coup, en déplaçant sa caméra, il a pu préparer ses plans et mettre au point l'intrigue". 

Le réalisateur acquiesce : "Nous n'étions pas aussi libres qu'en animation, puisque des prises de vue réelles devaient s'intégrer aux images infographiques, et que ces prises de vue réelles étaient déterminées par ce qui avait été établi au moment de la 

prévisualisation. Tim a cherché à nous donner autant de souplesse que possible, mais le plus souvent, lorsqu'on avait pris une décision, on devait s'y tenir. En raison des contraintes technologiques, la marge de manoeuvre pour l'improvisation et la spontanéité était très limitée, ce qui rendait le travail de Sandra et George d'autant plus difficile. Pourtant, en les regardant à l'écran, personne ne s'en doutera, ce qui prouve, une fois encore, que ce sont d'immenses acteurs". 

Le superviseur de l'animation en chef David Shirk et le superviseur de l'animation Max Solomon ont dû gérer la juxtaposition des prises de vue réelles et de l'animation informatique, sans oublier qu'en apesanteur, les objets, une fois qu'ils sont dans l'atmosphère, ne redescendent jamais. "Il nous a fallu revoir toutes nos règles physiques, puisqu'en général, nous partons du principe que le mouvement d'un objet est déterminé par son poids", explique Shirk. "Nous avons dû remettre en question ces postulats, et accepter l'idée que, par exemple, lorsqu'un objet se met à tournoyer, il continuera à tournoyer indéfiniment – jusqu'à ce qu'il heurte un autre objet qui le déviera de sa trajectoire". 

"Dans l'espace, il n'y a pas de notion de 'haut' ou de 'bas'", précise le cinéaste. "Les animateurs ont mis pas mal de temps à intégrer le fait que les lois de la pesanteur et les relations de cause à effet n'ont plus cours. C'était un véritable apprentissage pour nous tous". 

Les animateurs se sont notamment servis d'un outil baptisé "simulateur de la poupée de chiffon". En effet, comme l'explique Solomon, "il s'agit d'une petit personnage souple qu'on pouvait lancer dans l'espace virtuel et qui simulait les mouvements du corps humain. C'était utile pour bien comprendre la manière dont un personnage se déplace dans l'espace. Le problème, c'est qu'un être humain n'est pas une poupée de chiffon et qu'il a des bras et des jambes qui réagissent aux chocs". 

Au cours de la phase de prévisualisation, Cuarón et son chef-opérateur Emmanuel Lubezki ont aussi mis au point les plans-séquences qui sont devenus emblématiques du style du réalisateur – à l'image de la scène d'ouverture où Ryan Stone et Matt Kowalski sont cadrés dans l'infinité de l'espace. 

"Dès le départ, Alfonso voulait de très longs plans-séquences, qu'on a pu obtenir sans difficulté sur de précédents films, mais c'était la première fois, avec GRAVITY, que je me risquais à la photo virtuelle", note Lubezki. "Comme il y avait beaucoup de plans en infographie, on s'est rendu compte qu'on pouvait aller très loin dans notre démarche. C'est ce qui nous a permis d'obtenir des 'plans élastiques', grâce auxquels on passait d'un plan panoramique à un très gros plan du visage de Sandra, puis on se glissait à l'intérieur de son casque, avant de filmer un plan en caméra subjective et, enfin, un plan large plus neutre. 

C'est ce qui suscite un sentiment de claustrophobie chez le spectateur et qui lui permet de comprendre intimement ce que vit le personnage". 

"Alfonso a vraiment su exploiter les facultés de la caméra à flotter, changer d'axe et tournoyer dans un environnement virtuel", déclare Webber. "Les personnages pouvaient se retrouver la tête totalement renversée et la caméra était à même de les suivre, dans toutes les directions. Du coup, les plans-séquences étaient particulièrement fluides et laissaient le champ libre à des mouvements d'appareil très audacieux". 

La Light Box 

Au cours de la prévisualisation, les auteurs ont identifié plusieurs obstacles qu'il leur faudrait surmonter. Dans certains cas, la technologie devait s'adapter aux ambitions du cinéaste. Dans cette optique, Lubezki et Webber ont mis au point une invention révolutionnaire : la Ligth Box. 

"Il fallait qu'on règle un gros problème de lumière qui s'est manifesté clairement au cours de la prévisualisation", souligne Lubezki. "Lorsqu'on a mis au point les différents éclairages sur le visage des personnages de manière informatique, il a ensuite fallu qu'on les fasse coïncider avec les plans des acteurs afin que les prises de vue réelles s'intègrent parfaitement à l'animation. Je voulais des éclairages capables de varier rapidement et de changer de tonalité en une seconde". 

Comme souvent, Lubezki a trouvé l'inspiration au moment où il s'y attendait le moins. "J'assistais à un concert, et je me suis aperçu que le responsable des éclairages avait utilisé des LED de manière astucieuse pour créer de très beaux effets de lumière", raconte-t-il. "Cela m'a emballé car je me suis dit que je tenais sans doute là la clé de nos problèmes. Le lendemain, j'ai appelé Alfonso pour lui dire que j'avais trouvé le moyen d'éclairer le film". 

Le chef-opérateur a contacté Webber pour entreprendre des tests qui, du propre aveu de Lubezki, étaient loin d'être concluants. "Il y avait des problèmes techniques qu'on devait résoudre, comme des vacillements et des soucis d'harmonies de couleurs", dit-il. "Je dois dire que c'est Tim qui a trouvé des solutions à tous nos problèmes. Par la suite, Manex Efrem et son équipe de spécialistes d'effets spéciaux ont mis au point la Box en fonction des consignes précises que Tim et moi lui avions données. C'était un vrai travail d'équipe. Et quand ils ont achevé la Light Box, j'ai compris qu'elle allait non seulement me permettre d'éclairer GRAVITY, mais qu'elle allait avoir une incidence majeure sur mon approche de la photo à l'avenir". 

Installée sur une plate-forme surélevée sur le plateau R des studios londoniens de Shepperton, la Light Box mesure 6 m de long sur 3 m de large. D'un côté, un escalier menait à une porte coulissante donnant accès à l'intérieur, tandis que, de l'autre, un portique reliait la structure à sa propre "mission de contrôle", autrement dit une équipe de techniciens spécialistes d'effets visuels postés derrière leurs écrans d'ordinateurs. La lueur émanant des écrans était la seule source lumineuse – à l'exception de la Light Box – autorisée sur le plateau. 

"C'est un sacré exploit architectural", souligne Efrem. "On a conçu la Box de telle sorte que la structure soit adaptable : on pouvait ainsi resserrer les parois, abaisser le plafond ou modifier la configuration du sol. Certains panneaux étaient même installés afin de pouvoir s'ouvrir ou se fermer". 

L'intérieur de la Box comportait 196 panneaux, de 60 cm sur 60 cm, équipés de 4096 ampoules LED, capables de projeter n'importe quel faisceau lumineux, de quelque couleur que ce soit, et de le modifier à volonté. 

"Les LED fonctionnaient comme les pixels d'un écran de télé ou d'ordinateur", note Webber. "Ce qui était formidable avec la Light Box, c'est qu'elle nous a non seulement permis de faire des réglages de lumière qu'on n'aurait pas pu effectuer autrement, mais qu'elle nous a aussi permis d'apporter des nuances subtiles aux éclairages, en pouvant jouer sur les couleurs et les effets de texture". 

Du coup, n'importe quelle image pouvait être projetée sur les murs, qu'il s'agisse de la Terre, de la Station spatiale internationale (ISS), ou des étoiles les plus distantes, "offrant aux comédiens le point de vue de leur personnage", poursuit Webber. "L'objectif était d'avoir la bonne luminosité sur leur visage, mais, en outre, cela leur fournissait des références visuelles fort utiles". 

La production a dû prendre en considération la localisation des personnages par rapport au globe terrestre afin de déterminer l'éclat et les nuances de la lumière indirecte renvoyée par la Terre. Cuarón précise : "Nous avons essayé d'être le plus réaliste possible quant aux levers et couchers de soleil, et aux crépuscules, ou encore aux différents environnements – le bleu profond du Pacifique, les lumières de la ville ou encore la luminosité nordique de l'Arctique. On a un peu triché parce qu'on voulait que la trajectoire des personnages soit magnifique et rende hommage à la beauté de notre planète". 

Par chance, comme le raconte Webber, les techniciens disposaient d'une formidable documentation de référence. "On a eu une chance immense que la NASA accepte de nous transmettre leurs documents, et notamment sous forme de photos et de films d'archives", dit-il. "D'ailleurs, les astronautes sont d'excellents photographes et nous avons récupéré des prises de vue spectaculaires. En regardant les clichés de la Station spatiale internationale, on se disait 'Si on arrivait à un tel résultat, personne ne croirait qu'il s'agit de la réalité'. C'était dément". 

"Ce qui m'a sidérée, c'est ce point de vue unique sur notre monde", remarque Sandra Bullock. "Je ne l'avais jamais vu comme ça et j'ai même culpabilisé de ne pas l'apprécier à sa juste valeur comme je l'apprécie aujourd'hui". 

La comédienne a passé plusieurs jours à l'intérieur de la Light Box, ce qui, comme le note le réalisateur, fait écho à la solitude de son personnage. "Coupée du reste de l'équipe, elle était presque tout le temps seule à l'intérieur du cube sur les parois duquel des images du soleil, de la lune et de la Terre défilaient", indique Cuarón. "C'était intéressant parce qu'on se demandait combien de temps on devait l'isoler, mais Sandra a exploité intelligemment cette solitude pour nourrir le personnage". 

"Je n'avais aucun contact avec personne, si ce n'est avec les voix qui me parvenaient à travers mon oreillette", reprend l'actrice. "Cela m'a permis de ressentir la solitude. Je suis ravie d'avoir vécu cette expérience car dès que je me sentais seule, frustrée ou désemparée, je me disais 'Sers-toi de cette sensation, vas-y, sers-en toi pour le rôle'". 

Robots, câbles et autres appareils sophistiqués 

Si la Light Box a pu régler certains problèmes techniques, elle a aussi soulevé la question de savoir comment filmer les comédiens de l'intérieur, sans entraver son bon fonctionnement. Il a alors fallu mettre au point une caméra suffisamment petite et maniable pour s'insérer dans un espace de 60 cm et adopter l'angle souhaité. 

Une fois encore, nécessité a fait loi pour le réalisateur et son équipe. 

La production a ainsi eu recours à des robots – ceux-là mêmes utilisés dans l'industrie automobile – développés par la société Bot & Dolly. Une tête de caméra télécommandée et spécialement adaptée a été fixée au bout du bras robotisé qui pouvait ensuite s'allonger pour placer la caméra à l'intérieur de la boîte à des vitesses différentes. 

Pilotant la caméra par ordinateur, l'équipe avait à sa disposition une très large gamme d'angles de prises de vue. 

Cuarón raconte : "Grâce à cette caméra-robot, nous avons eu des images d'une précision et d'une qualité hors pair. Lorsque le plan était programmé sur ordinateur, la caméra le reproduisait à la perfection à chaque prise". 

Ce n'est pas parce que les éclairages et les caméras étaient mobiles que les acteurs pouvaient rester statiques pendant que le décor défilait autour d'eux. L'équipe Effets spéciaux a installé dans le plancher une plaque tournante équipée de dispositifs pouvant soulever, basculer ou renverser les acteurs, en fonction des besoins de la scène. 

"C'était très souple", explique Manex Efrem. "Nous avions un dispositif pas trop brutal, baptisé le 'système de coeur-à-coeur', permettant à Sandra et George de se retrouver face à face, tout en tournoyant dans l'espace. Mais nous avions aussi le 'système à bascule', qui revenait à les installer dans un gyroscope". 

Ce dernier ressemblait à un cône d'anneaux concentriques en métal dont l'acteur était harnaché de la taille aux pieds. Une fois que celui-ci était solidement attaché, le système, fidèle à sa réputation, permettait de basculer le comédien et de le faire tournoyer dans toutes les directions et à différentes vitesses. Cependant, il fallait à un moment donné interrompre le système, sous peine de renverser totalement la personne, ce qui "risquait de gâcher l'effet d'apesanteur si l'effort auquel le corps était soumis devenait visible". 

En effet, la représentation de l'apesanteur était cruciale dans la réussite du film. La productrice exécutive Nikki Penny souligne que "l'une de nos plus grosses difficultés, c'était précisément la gravité. Autrement dit, comment faire pour créer l'illusion de l'absence de gravité et maintenir cet effet tout au long du film ?" 

Plusieurs techniques de simulation d'apesanteur ont été utilisées, comme certains équipements spéciaux et le travail au filin traditionnel. Mais pour plusieurs scènes – dont une où Ryan traverse les coursives de la Station spatiale internationale –, il aura fallu déployer d'importants efforts pour donner l'illusion que la comédienne glisse dans l'espace sans difficulté. 

Les câbles classiques n'étaient pas envisageables puisqu'ils ne donnaient pas l'impression de flottement recherchée. Pour y parvenir, le superviseur Effets spéciaux Neil Corbould a donc mis au point un système révolutionnaire de 12 câbles pouvant être manoeuvré manuellement ou par télécommande à l'aide d'une réplique miniature informatisée de ce mécanisme unique. 

Les douze câbles étaient suspendus par un système complexe de poulies, surnommé "la tête", et chacun d'entre eux était équipé de son propre moteur et de son cabestan, sorte de bobine ou d'enrouleur. Les câbles étaient ensuite fixés à un harnais en fibre de carbone extrêmement fin, sculpté pour épouser le corps de Sandra Bullock et susceptible d'être porté sous un débardeur et des shorts sans que cela se voie. Trois câbles étaient attachés à chacune de ses épaules, et six autres de part et d'autre de sa taille, afin qu'elle puisse être suspendue dans les airs sans effet de balancier. 

Dix mois après le début de sa fabrication, ce système complexe de 12 câbles a été muni de servomoteurs autonomes capables de propulser Sandra Bullock dans n'importe quelle direction ou de l'incliner vers le haut ou vers le bas. Le dispositif pouvait la faire se déplacer jusqu'à 75 m/seconde, même si, par mesure de sécurité, les moteurs étaient programmés pour se couper automatiquement si le système s'emballait ou imposait une torsion trop importante au corps de l'actrice. 

Comme l'appareillage aux 12 câbles ressemblait à une marionnette, quoique de très haute technologie, la production a fait appel aux plus grands marionnettistes pour piloter le système. Robin Guiver, Avye Leventis et Mikey Brett, qui avaient animé le fameux Cheval de guerre dans la pièce éponyme, ont ici permis à Sandra Bullock de s'élancer dans les airs. 

"Ce n'est pas du tout naturel, pour l'être humain, d'être en apesanteur, mais dans l'univers des marionnettes, on peut enfreindre les lois de la physique de manière inventive", signale Guiver. "On a utilisé les mêmes principes pour le film, afin de trouver une liberté de mouvement qu'on n'aurait pas obtenue autrement". 

Sandra Bullock explique qu'elle a développé une relation de confiance et de complicité avec l'équipe de marionnettistes : "Au bout d'un moment, dès qu'ils me voyaient tourner la tête, ils savaient dans quelle direction je voulais aller", dit-elle. "Ce sont des maîtres en la matière". 

Si la comédienne était certes suspendue par les câbles, elle était malgré tout consciente que le fait de passer plusieurs heures par jour enserrée par un tel dispositif allait s'avérer épuisant. Pour s'y préparer, elle a entamé un entraînement physique intense plusieurs mois avant le début du tournage et l'a poursuivi jusqu'au clap de fin. "Je me suis dépassée moi-même", reconnaît-elle. "Il fallait que je sois suffisamment musclée pour répondre à toutes les demandes d'Alfonso, si bien que je me suis entraînée tous les jours sans exception. C'était bien le moins que je puisse faire pour contribuer à raconter cette histoire magnifique". 

L'actrice a également travaillé en étroite collaboration avec la coach de mouvements Francesca Jaynes pour apprendre à se déplacer comme si elle était en apesanteur. Les 

deux femmes ont visionné des images d'astronautes, remarquant au passage que chaque déplacement semble plus posé que sur la Terre. "La vitesse à laquelle on se déplace dans l'espace possède un rythme assez proche de la danse", souligne la répétitrice. 

Mais Sandra Bullock a dû relever un défi particulier : il lui fallait se déplacer plus lentement qu'à son habitude, tout en s'exprimant à une cadence normale, ce qui est loin d'être évident. "Le cerveau ne fonctionne pas spontanément de cette façon", dit-elle. "Il a fallu que j'habitue mon corps à se comporter comme s'il était dans l'espace. Chaque parcelle de mon corps devait s'accoutumer à l'apesanteur avec grâce et poésie". 

C'est ce que l'on voit notamment lorsque Ryan se retrouve dans le sas de la Station spatiale internationale. Cette scène a été l'une des plus complexes du tournage car elle a nécessité de synchroniser trois robots : le premier muni d'une caméra rotative, le deuxième pourvu du principal éclairage, représentant la lumière du soleil, et un troisième permettant au hublot du sas de tourner autour du mur du fond, intensifiant ainsi la sensation de rotation. Mais le facteur humain n'en était pas moins important : la comédienne, solidement attachée par une seule jambe à un siège de bicyclette spécialement aménagé, devait méticuleusement calculer ses mouvements sous la direction du réalisateur, tout en se débrouillant pour que le haut de son corps et sa jambe libre puissent se mouvoir sans le soutien des câbles ou des marionnettistes. 

Au final, la séquence est à couper le souffle, dans tous les sens du terme, car elle exprime, sans le moindre dialogue, le thème central du film : la renaissance. 

Décors et costumes spatiaux 

La plupart des décors du film, comme les coursives de la Station spatiale internationale et le sas, sont virtuels. Le chef-décorateur Andy Nicholson remarque : "J'avais l'habitude des effets visuels, puisque je m'en servais pour agrandir des décors en dur et créer des arrière-plans. Mais cette expérience était totalement différente car nous avons imaginé des décors entiers sur ordinateur, tout en nous attachant à y insérer des détails très réalistes". 

Étant donné qu'il s'agissait de vaisseaux existants, Nicholson et son équipe ont mené des recherches approfondies. "Sans les innombrables photos de la NASA et les infos techniques tombées dans le domaine public, nous n'aurions pas pu obtenir des décors aussi détaillés", dit-il. "Nous voulions nous appuyer autant que possible sur la réalité, et puis adapter les décors en fonction de nos besoins". 

Nicholson a commencé à élaborer le décor dès la phase de prévisualisation : "On a d'abord mis au point les environnements infographiques de manière grossière, puis, en fonction de la documentation, on voyait ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas, et on faisait les changements qui s'imposaient", explique-t-il. "Quand Alfonso nous donnait son accord, on validait le travail et on passait à l'étape suivante, jusqu'au résultat final qui a été réalisé par Framestore". 

Le directeur artistique en chef, Mark Scruton, ajoute : "Au départ, c'était difficile d'arriver à se dire qu'on allait concevoir des décors qui n'existaient qu'à l'état virtuel, mais il fallait pourtant que cela soit le plus réaliste possible. On s'est aussi rendu compte que la plupart de ces décors faisaient partie de l'inconscient collectif, si bien qu'il était d'autant plus impératif d'être aussi précis que possible. Il fallait qu'on ait l'impression que les personnages se rendent vraiment à bord du vaisseau ou de la Station spatiale internationale". 

Chaque accessoire, du plus grand outil au plus minuscule boulon, a été conçu minutieusement, puis modélisé sur ordinateur, afin d'établir un catalogue d'accessoires numériques susceptibles d'habiller les décors virtuels. Conscient que la Station spatiale internationale avait été habitée par des personnes de nationalités différentes, Nicholson a ajouté quelques détails subtils reflétant la diversité des cultures. 

Il fallait aussi prendre en compte le fait que, même dans l'espace, les vaisseaux peuvent s'abîmer au fil du temps. "La Station spatiale a été occupée sans interruption pendant une douzaine d'années et du coup, certaines zones, extérieures et intérieures, sont usées", note Nicholson. "Nous avons donc patiné le décor à certains endroits, et relayé l'information aux techniciens spécialisés chez Framestore. Chaque panneau qu'on voit dans le film comprend plusieurs couches de détails, même si on ne s'y attarde pas". 

Le même soin a été apporté à l'ensemble des décors en dur construits pour le tournage, à l'image de la capsule spatiale russe Soyouz. "On avait assez de matière pour construire une reproduction fidèle de la véritable capsule Soyouz, à quelques exceptions près, comme la trappe latérale", reprend-il. "On a eu la chance d'avoir l'astronaute Andy Thomas à nos côtés, qui nous a donné des conseils précieux, et qui nous a appris à manipuler l'interface informatique et les commandes de la capsule. Pour nous, il était primordial de savoir exactement comment elle fonctionnait". 

La comédienne souligne : "Je voulais savoir précisément comment fonctionnait la capsule et ce qui se passait si j'appuyais sur tel ou tel bouton. Toute l'équipe s'est vraiment attachée à faire en sorte que ce décor soit aussi authentique que possible". 

Le décor de la capsule Soyouz a été construit en différents morceaux afin que le réalisateur ait la place d'y tourner de longs plans-séquences, à l'instar d'une conversation entre Ryan et Kowalski. Comme l'indique Scruton, "Le décor était composé de cinq parties, chacune placée sur des rails, si bien qu'au cours de la séquence, on pouvait déplacer telle ou telle partie pour laisser le champ libre à la caméra. Et puis, au moment opportun, chaque partie se remettait discrètement en place pour que la caméra, lorsqu'elle changeait d'axe, puisse cadrer un décor complet". 

"C'était complexe parce que nous avions beaucoup de mouvements d'appareil dans un espace exigu", poursuit le chef-décorateur. "Pour certains plans, il y avait une quinzaine de techniciens qui déplaçaient les morceaux de la capsule au rythme précis des mouvements de la caméra. Il leur a fallu pas mal de temps pour comprendre la logique du réalisateur et répéter soigneusement chaque plan". 

Tout comme Nicholson, la chef-costumière Jany Temime a dû concevoir des costumes virtuels et réels. En effet, lorsqu'on découvre Ryan et Kowalski au début du film, ils portent des combinaisons spatiales infographiques. "C'était tout nouveau pour moi", explique Jany Temime. "J'ai quand même eu besoin d'avoir le tissu entre les mains pour voir la couleur et sentir la texture car, sinon, je n'aurais pas pu travailler uniquement sur un ordinateur". 

Même dans un environnement virtuel, la couleur des combinaisons s'est avérée problématique car "le blanc est la teinte la plus difficile à éclairer", souligne la chef-costumière. "Néanmoins, il fallait qu'elles soient blanches puisque les combinaisons de la NASA sont blanches. Nous avons testé plusieurs nuances de blanc, et nous avons fini par ajouter une touche de gris à la couche de couleur supérieure, ce qui a réglé le problème". 

Si elle est restée fidèle à la couleur d'origine, Jany Temime reconnaît qu'elle a pris une grande liberté s'agissant de la forme de la combinaison. "La combinaison est un peu mieux coupée en élargissant un peu la taille et en rallongeant les jambes", dit-elle. "Sinon, elle ressemble à un grand sac informe. Ce ne sont que de tout petits détails, mais ils font toute la différence. On fait de petits ajustements ici et là, et le tout fonctionne à merveille". 

Les véritables combinaisons de la NASA ne sont pas particulièrement encombrantes, mais extrêmement lourdes, car elles intègrent des systèmes de protection, de réglage de la température et de l'oxygène. Un tel équipement est essentiel pour survivre dans l'espace, mais sur la Terre ferme, Sandra Bullock et George Clooney ne l'auraient pas supporté. 

Du coup, les acteurs portaient des combinaisons de substitution. "Elles étaient globalement de la bonne couleur et de la bonne texture, si bien que la lumière s'y reflétait comme s'il s'agissait des vraies", note Jany Temime. "Sous ces combinaisons, les acteurs portaient des sortes de justaucorps que nous avons conçus tout spécialement pour limiter leur liberté de mouvement et leur permettre de sentir le volume encombrant qu'ils avaient sur le dos". 

C'est le chef maquettiste Pierre Bohanna qui a mis au point ces justaucorps de telle sorte qu'ils soient légers, tout en comportant des tubes élastiques susceptibles de s'allonger pour empêcher les comédiens de bouger. "Nous avons rencontré des astronautes qui nous ont raconté que les véritables combinaisons soumettent le corps à rude épreuve", dit-il. "On a l'impression d'être à l'intérieur d'un pneu. On a cherché à concevoir un équipement qui procure la même sensation : par exemple, lorsque George et Sandra bougent les bras, ils sont limités dans leurs mouvements. Ils ont donc le sentiment de buter sur un obstacle et ils perçoivent davantage l'impression qu'ils auraient s'ils portaient une vraie combinaison spatiale, sans avoir à le faire ! Cela leur rappelle aussi qu'ils doivent s'astreindre à ne pas bouger librement comme à leur habitude". 

Les comédiens portaient également des casques de substitution, remplacés ensuite en infographie selon les consignes précises de la chef-costumière et du réalisateur. Tout en étant proches de la réalité, les casques ont été légèrement adaptés aux visages des acteurs. 

Les visières des casques ont été intégralement conçues en infographie, et Tim Webber souligne que la plus grande difficulté consistait à restituer la buée produite par la respiration des personnages. "Il a fallu qu'on note précisément à quelle vitesse ils respiraient et l'endroit de la visière en face duquel se trouvait leur visage. En réalité, on ne voit pas beaucoup de buée sur la visière puisque les combinaisons sont équipées d'un système de déshumidification, mais pour nous, c'était une manière d'insister sur la tension nerveuse des personnages". 

Contrairement à celles de la NASA, la combinaison spatiale russe que porte Ryan était un véritable costume, fabriqué à partir d'un tissu industriel. "Nous l'avons teinte en beige et y avons ajouté une touche de vert", précise la chef-costumière. "Nous avons longuement travaillé pour déterminer la couleur qui reflétait bien la lumière. Nous l'avons aussi adaptée pour lui donner une silhouette plus féminine, et y avons ajouté deux fermetures éclair à l'avant, qui n'existent pas sur la combinaison d'origine". 

Curieusement, ce qui pourrait a priori sembler être la tenue la plus simple s'est avérée la plus difficile à concevoir. "Pour les sous-vêtements que porte Sandra à bord de la Station spatiale, nous avons dû prendre en compte la forme du harnais", confie la chef-costumière. "C'était difficile car nous avons dû calculer précisément quelles parties de son corps étaient recouvertes, et faire les ajustements en fonction". 

Effets sonores et musique 

Pour un film qui se déroule dans un univers silencieux, la conception du son était l'un des défis les plus difficiles à relever. "Il n'y aucun son dans l'espace, et nous souhaitions restituer cette atmosphère fidèlement", souligne le cinéaste. "Certaines séquences sont entièrement silencieuses, mais nous nous sommes dit que si le film tout entier était plongé dans le silence, le spectateur aurait sans doute décroché". 

Cuarón et le concepteur des effets sonores Glenn Freemantle ont choisi de lier son et toucher. "Le son se propage à travers des vibrations", explique ce dernier. "Quand on touche quelque chose, cela résonne à travers ce lien qui s'établit alors. Du coup, lorsque Ryan touche ou heurte un objet, on l'entend à travers elle". 

Des silences soudains se produisent parfois dans le film. Le réalisateur a choisi soigneusement ces moments-là, coupant alors brutalement le moindre son de manière inattendue pour rappeler au spectateur que les personnages se trouvent dans un environnement abyssal et hostile. 

Cuarón a également eu recours à la musique pour, dit-il, "prendre le relais du son ou créer une atmosphère sonore". 

Freemantle a collaboré avec le compositeur Steven Price pour mêler son et musique. "C'était formidable de travailler avec Glenn et son équipe", souligne le musicien. "Ils ont utilisé des vibrations et de basses fréquences pour mettre élégamment en valeur l'action, si bien qu'on ressent les chocs subis par les personnages sans en entendre le fracas habituel. Je voulais travailler la musique dans une direction nouvelle". 

"Je voulais que la partition brouille la frontière entre musique et effets sonores, et du coup, j'ai dit à Steve que je ne souhaitais pas de percussions", renchérit le cinéaste. "C'était un vrai défi pour lui car il a dû composer la bande-originale de toutes les scènes d'action et de suspense, sans faire appel aux instruments les plus emblématiques qu'il aurait utilisés dans un film d'action traditionnel. Il a mêlé des instruments électroniques et acoustiques pour produire des pulsations, au lieu d'avoir recours aux percussions. Mais dès qu'il a su comment s'y prendre, plus rien ne lui a résisté". 

"Il fallait faire monter la tension à travers la musique sans orchestre traditionnel", ajoute Price. "Cela m'a ouvert des perspectives inédites et m'a permis de proposer ma propre interprétation d'une scène d'action ou d'émotion. Ce qui est formidable chez Alfonso, c'est qu'il cherche à repousser constamment les limites de la création, si bien qu'il vous encourage à expérimenter des choses auxquelles on n'aurait jamais pensé autrement". 

"Voilà un film dont le réalisateur est d'une grande subtilité et l'actrice principale est merveilleuse", s'enthousiasme George Clooney. "Les thèmes qu'il aborde nous touchent au plus profond, et bien plus qu'on pourrait s'y attendre s'agissant d'un film se déroulant dans l'espace. Le film parle de la manière dont on affronte sa propre mort… ou sa propre vie. Et je pense que GRAVITY va susciter pas mal de discussions". 

"En démarrant le tournage, je ne me doutais aucunement que j'avais autant de capacités sur le plan physique, émotionnel et psychologique", admet Sandra Bullock. "Ce film m'a permis de mettre mon corps et mon esprit à l'épreuve et de bouleverser mon regard sur les choses. J'espère que les spectateurs seront, eux aussi, métamorphosés par la projection". 

"GRAVITY est sans doute le projet le plus complexe dans lequel je me sois engagé", note Heyman. "Il y avait énormément d'aspects à prendre en compte, et chaque membre de l'équipe s'est investi dans cette aventure afin de créer une oeuvre à part. La mise en scène, d'une beauté et d'une élégance à couper le souffle, témoigne des efforts de chacun. Mais le résultat est d'une telle fluidité que cela ne se voit pas à l'image". 

"C'est vraiment une oeuvre de collaboration", conclut Alfonso Cuarón. "Que ce soit au niveau de l'image, des effets sonores, ou des prestations devant la caméra, chacun y a mis le meilleur de soi. Nous espérons que le public pourra vivre l'expérience de l'apesanteur dans l'univers à la fois fascinant et terrifiant de l'espace intersidéral".

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